virginie terroitin l La fabrique de la ville

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La fabrique de la ville

ensab ecole d’architecture de bretagne



La fabrique de la ville virginie terroitin mĂŠmoire de master sous la direction de vincent gassin

fĂŠvrier

2014

ensab ecole d’architecture de bretagne



SOMMAIRE

INTRODUCTION

p.05

0 Valparaiso

p.09

prélude, début du voyage

- la ville haute et la ville basse - fabrication de la ville - appropriation de l’espace public

1 La ville

l’urbanité, l’espace public, les relations et le lien social

p.25

- de quoi est constituée la ville ? - espace(s) public(s) - les limites de l’espace public - l’espace public comme espace de citoyenneté

2 Faire la ville

les projets d’espace communs

p.39

-une autre manière de fabriquer la ville -des urbanités inattendues -l’université foraine, projet atypique -la ville sensible, le workshop

CONCLUSION

p.57

NOTES

p.61

ICONOGRAPHIE

p.65

SOURCES / RÉFÉRENCES

p.67


“ Crise économique, crise sociale, crise de la démocratie, crise

énergétique, crise de l’éducation, crise du logement… Nous sommes aujourd’hui entrés dans une situation de crise généralisée, globale. Et c’est peut-être notre meilleure chance ! ’’ Des architectes ordinaires, Collectif Etc, 2012


INTRODUCTION

Vivre à Valparaíso est une expérience de la ville forte. Cette ville est grande et riche, non pas par le nombre d’habitants qui y vit ou les revenus qu’elle génère mais par sa forme particulière et la culture qu’elle porte. C’est la pratique de la ville qu’elle offre qui l’enrichit. Durant un an, j’ai vécu à Valparaíso. J’ai appris les bus, la pente et les escaliers. J’ai appris la vitesse de marche, les mots pour saluer, les places où s’arrêter, les lieux où acheter les bons fruits, ceux où se retrouver et les meilleurs jours des brocantes. Et, au cours d’une année, le temps que l’on prend pour regarder notre environnement révèle alors, une architecture humble où les hommes évoluent, affranchis des normes. De Valparaíso, j’en ai saisi une ville qui paraît libre. Ses habitants se l’approprient selon leurs besoins. Spontanés et généreux, leur pratique urbaine en est le reflet. Ils occupent les sols, les murs, les escaliers pour s’exprimer, vendre, échanger ou simplement s’asseoir. Mon expérience de cette ville, a marqué le début d’une réflexion sur les usages de celleci. Remarquant l’appropriation, la domestication des passages, des escaliers et des places des questionnements émergent. Quels éléments participent à la ville ? Dans l’espace public, comment des lieux deviennent ceux de la discussion ? Pour cet exercice du mémoire, j’exploite mes souvenirs comme des résonances. Ces fragments d’une année au Chili, sont les prémices de mes questionnements actuels quant au positionnement de l’architecte et son rôle face à la fabrique de la ville et du territoire. Habituellement, la ville est construite par les experts. La commande publique est réservée aux élus et pour aménager une place, une rue, les bords d’une rivière ou les locaux d’une institution publique, ce sont les urbanistes, les ingénieurs, les architectes ou les paysagistes qui interviennent. Les réflexions liées aux projets sont menées dans des cercles fermés, réservés aux « sachants ». Ce sont ces spécialistes qui prennent les décisions pour que la ville soit support 5


d’économie, de progrès et de cohésion sociale. Ces choix répondent à des investissements et suivent des normes. Il faut alors faire la distinction entre construire la ville et fabriquer de la ville. Si construire la ville est un acte délégué, par la fabrique de la ville, j’entends que la production de la ville est l’œuvre de tous, de tous ceux qui la constituent, ensemble, et ce de manière continue, selon les rythmes de chacun. La fabrique de la ville est en constante création et s’exerce dans l’espace disponible, l’espace public, l’espace partagé entre tous. Aujourd’hui, dans le contexte français, la scène architecturale est en pleine mutation. Cette scène actuelle et vivante présente de nouveaux modes de faire en plein développement et la fabrique de la ville évolue. En opposition à une construction de la ville suivant les pratiques conventionnelles, hiérarchiques et verticales, où l’action menée part du haut vers le bas (des décideurs, des « sachants » vers les citoyens), des alternatives émergent, proposant une action inverse où les citoyens deviennent la base du projet, le point de départ avant de remonter vers le haut. Des architectes et des groupes pluridisciplinaires tels que Patrick Bouchain, Le Bruit du Frigo, l’association Bellastock ou le collectif Etc décident d’instaurer une nouvelle temporalité dans leur démarche de projet et proposent de faire ensemble. Sur leurs lieux d’action, les habitants sont invités à participer aussi bien à la réflexion du projet qu’à sa construction et à son entretien. On assiste à une diffusion de nombreuses actions collectives comme l’élaboration d’une place publique ou de mobiliers urbains en pied d’immeuble délaissé. D’autant plus que les collectivités sont de plus en plus demandeuses d’actions de concertation dans l’élaboration des projets urbains. Anne Durand, au sujet des lieux détournés le temps d’un chantier se demande : « Existe-t-il des outils, parmi ceux qui servent à fabriquer la ville, qui pourraient transposer ces exemples du provisoire à une échelle plus grande et éventuellement à une pérenne élasticité ? »1 Certains projets changent la façon d’imaginer la ville, ils permettent la prise en compte des avis, des besoins et inversent le sens des 6


prises de décisions. Ils résistent et proposent une alternative par le décloisonnement des manières de faire existantes, pour se diriger vers une prise de décision horizontale, donnant à tous, la possibilité, le choix de s’investir dans l’élaboration de projets communs de rendre collectif l’acte de construire la ville. Il s’agit là, d’étudier l’impact des processus alternatifs de créer la ville. Quels sont les projets qui inventent la ville et une autre manière d’y vivre et d’y agir différemment ? Dans quelles mesures les projets menés de façon alternative, par la production d’espace public, commun, fabriquent-ils la ville ? L’intention n’est pas de faire l’inventaire des moyens ou des méthodes mis en œuvre mais, par des résultats d’expériences vécues, révéler une production nouvelle de la ville. Pour cela, je débuterai d’abord sur le récit de Valparaíso, puis je m’intéresserai à la ville et à l’espace public, leur rôle quant à la fabrique de la ville avant de m’attacher à des projets actuels et leur affirmation d’une nouvelle manière de produire de la ville.

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“ Sur les collines une autre ville existe, Pas une ville, une fédération de villages. Un par colline, 42 collines, 42 villages. Pas une autre ville... un autre monde. ” A Valparaiso, Joris Ivens, 1963


Valparaíso

prélude, début du voyage

On n’arrive pas à Valparaíso par hasard. On est poussé par des rêves de traversées, d’océans ou de montagnes. On vient y chercher quelque chose, des réponses, des sensations de voyage, des expériences pour sa propre existence. À Valparaíso, on ne peut pas passer à côté de la folie qui lui fait corps, des remous des vies qu’elle abrite, de sa lumière et de ses reflets. Sur la côte, serrée entre l’Océan Pacifique et la Cordillère des Andes, Valparaíso, terre d’accueil, a été le port le plus important du Pacifique et a ouvert ses bras à des générations de marins, de visiteurs et d’étrangers. Valparaíso, sa géographie, sa condition de port, ses habitants, incarnent l’hospitalité et la liberté. L’amphithéâtre formé par les « cerros » (les collines) tournés vers le soleil, au Nord, ont permis aux hommes de s’y installer. En 1536, les colons espagnols découvrent la baie où était installé un peuple de pêcheurs et décident d’y créer un port. Valparaíso nait alors, comme une porte d’entrée du continent sud-américain, annexe de la capitale Santiago du Chili. Sur l’étroite plaine et longeant le trait de côte, se développe d’abord l’activité commerçante, et la vie qui va avec, sa population de marchands et de marins. Puis, par manque de place, les activités du port avancent vers l’eau tandis que la ville des habitants déborde sur les pieds des collines et jusqu’à leurs hauteurs, s’étendant verticalement et spontanément sur chacune des quarante-deux collines, bâtissant des « montagnes des maisons en tôle colorées, scrutant toujours l’océan, tendant toujours l’oreille au son sourd des paquebots. » 2

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La ville haute n’a jamais été fondée juridiquement. Elle a accueilli les hommes et leurs logements sans règles, sans grands dessins prospectifs, sans autre contrainte que la pente. Valparaíso, sa morphologie actuelle, sa forme, ce sont les besoins des hommes et la géographie qui les ont façonnés. Les besoins de s’abriter, de communiquer, de circuler ont créé empiriquement et progressivement cette ville si particulière. Grâce à l’absence de planification et à la nécessité de s’adapter au lieu, les hommes ont construit leur maison à flan de colline, suspendues, accrochées, agrippées à la pente, collées les unes aux autres, s’appropriant le non édifié, l’espace vacant dans la ville. Il faut les imaginer, toujours un peu branlantes, bricolées, raccommodées, surtout lorsqu’on se rapproche de la cime des cerros. Et puis, des habitations résultent l’espace public, partagé, fabriquant le lien entre-elles. Ces éléments de connexion (escaliers, passages, ascenseurs) permettent le croisement, la rencontre, la transition entre l’habitat et la rue. En s’installant, chacun a laissé un peu de place pour laisser l’autre s’établir à son tour, « le partage du sol semble être le seul résultat d’un accord tacite, (…) qui stipulerait que tous doivent pouvoir voir, circuler, respirer, s’étendre. La ville se tisse finalement dans les vides laissés par chacun et pour la desserte de tous. » 3 La morphologie actuelle de Valparaíso, sa forme, a été fabriquée, empiriquement par les hommes et leurs besoins, en s’adaptant à la géographie singulière de la baie. Ensemble et sans planification, les habitants créent l’espace public et fabriquent la ville. Dans l’amphithéâtre naturel qui s’ouvre sur la mer et l’horizon, on est à la fois acteur et spectateur. Dans la ville haute, on est toujours un peu voyeur : de sa terrasse, on voit son voisin chez lui, on l’entend par sa fenêtre, on sent les odeurs de sa cuisine. L’intimité dans les collines est différente que par ailleurs, on n’a que le choix de la proximité. Et quelque part, cette sensation d’être spectateur de tous ces toits, provoque une certaine intimité entre les gens. Ils sont liés, bienveillants. Il y a une atmosphère entre les individus qui tient de la reconnaissance. Les gens ont construit leur ville et développent un sentiment d’appartenance fort à leur ouvrage, quiconque n’est pas « porteño » (qui habite le port). Pour ses habitants, Valparaíso représente un bien commun et une identité collective, résultat d’une urbanisation improvisée et spontanée. 10


urbanisation spontanée, cerro de Valparaíso

rue de Valparaíso

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peinture d’une façade, cerro Polanco

musée à ciel ouvert, cerro Bellavista

constructions dans la pente

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Dans les hauteurs des cerros, les quartiers où les terrains ont été appropriés par des gens pour y construire leur logement s’appellent les « tomas » du verbe « tomar » qui signifie prendre. À l’image de ces parties de la ville saisies par les habitants clandestinement qui se normalisent dans le temps, les espaces publics du territoire urbain sont investis eux aussi par des usages quotidiens. Dans les escaliers et sur les placettes sont installés des plantes et du mobilier rappelant le langage de la sphère domestique et fabriquant des espaces intérieurs à ciel ouvert. Dans les passages et sur les trottoirs, des mosaïques ornent les sols, des murals (grandes fresques peintes sur les murs) manifestent l’appropriation des morceaux de ville par les habitants. En principe, le graff est interdit mais les propriétaires disposent du droit de décider de la décoration de leurs murs, de la couleur des façades. Au delà de l’esthétique des maisons colorées, s’est développé à Valparaíso une culture de l’art urbain. Même si éloigné de la culture du graff, le « musée à ciel ouvert » du cerro Bellavista présentent des fresques d’art contemporaines, plus académiques*. Elles sont répertoriées et peuvent être observées depuis la rue. Cette volonté de peindre à l’extérieur et sur les murs de la ville directement, est un acte fort de partage. Alors, ces peintures sont accessibles à tous et forment un bien commun. Partout dans la ville, cette tradition d’investir les murs par des peintures donne à tous l’accès à l’art graphique et caractérise la rue comme un bien commun partagé. Un graffeur reconnu de la ville explique : « en peignant de l’art dans la rue, on montre aux gens qu’ils peuvent se charger de l’espace public, que ce n’est pas quelque chose étranger à eux. » 4

* Le musée a été inauguré en 1992. Le professeur Francisco Méndez a commencé avec ses élèves a peintre les hauts murs de la ville en 1969. Les murs accueillent les oeuvres de 17 peintres majeurs de l’époque (Eduardo Pérez, Maria Martner, Roberto Matta, Francisco Méndez, etc.).

À Valparaíso, on monte et on descend, c’est le rythme de la ville. On vit la pente, et tout ce qu’elle offre : la mer et l’horizon, toujours présents, comme des repères - ses vues et ses belvédères - ses escaliers et leurs temps de jeu ou de pause - le son qu’elle fait résonner - les regards de ceux qui observent les passants, plus ou moins essoufflés. La pente, comme un écrin, a accueilli la vie quotidienne de tous ceux qui décidèrent de s’y établir. C’est elle qui a forcé les solutions constructives des maisons de parpaings, de bois et de tôles ondulées que l’on retrouve dans les collines. Certaines maisons sont perchées sur des pilotis en béton qui s’ancrent dans la pente tandis que d’autres s’appuient sur les murs de soutènement 13


en pierre. D’autres encore, installées sur un plat, au bord de la route qui se déroule le long des cerros, semblent dégringoler de l’autre côté du versant. Une maison qui paraît être haute d’un étage vue de la route (sur son recto), dévoile finalement quatre ou cinq étages de plus sur son verso. Dans les différentes collines, de petits commerces sont dispersés et permettent à tous d’acheter ses provisions presque au coin de la rue. Alors, la boulangerie, l’épicerie générale, la quincaillerie deviennent aussi les lieux où l’on fait une pause en sortant du bus, où l’on discute avec ses voisins devant la télé qui est allumée et on se croise dans la rue en s’y rendant. Dans chaque cerros se développe une ambiance de petit village où quasi tous se connaissent et se regroupent en assemblée (junta vecinal) pour prendre des décisions quant au devenir de leur quartier. Parfois, ils décident de se rassembler pour créer des lieux de rencontre au sein du quartier comme des places. La Plaza del descanso (littéralement la Place du repos) dans le cerro Carcel a été construite par et pour ses habitants. Accolée à une école, sur le côté de la rue Cumming, elle marque le début de l’ascension du cerro. Un peu surélevée par rapport au niveau de la route, elle dégage un espace assez large pour qu’une troupe de musiciens puisse s’installer. Les bancs sur les bords sont souvent occupés par les mamans des enfants jouant au foot après l’école et toujours, les chiens des rues y sommeillent, à l’ombre des arbres. Si la surface place créée est recouverte du même revêtement que le trottoir (des dalles de béton découpées) tous les murets, toutes les assises et les contremarches sont décorés de mosaïques colorées, composées d’une multitude de cœurs comme si chaque intervenants avait signé sa participation. En mettant leur savoir-faire en commun, ils fabriquent des lieux singuliers, ouvert à tous, pour répondre à des besoins tels que pouvoir s’asseoir, faire une pause sous les arbres, avoir un espace ou jouer à la sortie de l’école ou permettre une petite scène de spectacle. Ces espaces construits, décorés, habités, sont la somme d’une diversité qui produit de la richesse dont les gens sont fiers. Je me souviens d’une vieille femme qui expliquait à des jeunes skateurs que les bancs peints et décorés de morceaux de faïences sur lesquels ils roulaient avaient été le fruit d’une organisation en commun, et qu’il fallait alors y porter du respect. L’espace disponible à Valparaíso est support de rêverie, d’occupation. Par l’acte de création, l’appropriation demeure et elle est le fruit d’une 14


bancs publics, sur les hauteurs

calle Salamanca, cerro Mariposa

plaza del descanso, cerro Carcel

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pasaje Fisher, cerro Concepci贸n

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culture de la débrouille face à l’insuffisance de moyens mis en œuvre par l’action publique. Au pied des cerros, le « Plan », la ville basse s’organise orthogonalement, les rues et les îlots forment une ville quadrillée. Pour relier ces deux parties de ville, il y a de longues rues (les « subidas ») qui grimpent les collines telles des tranchées pour desservir les cerros sur toute leur hauteur. Il y a les escaliers, symboles de la ville de Valparaíso que l’on monte et que l’on descend, inlassablement. Il y a les passages, ces ruelles étroites qui relient les grandes rues aux habitations. Il y a les ascenseurs et les funiculaires qui facilitent l’accès aux points hauts et les « collectivos », sorte de taxis collectifs, transformés en ligne de transports régulière, que les habitants partagent pour se déplacer plus rapidement qu’en bus. Ces réseaux, fruits d’une vie en société sont eux aussi les réponses, les solutions apportées par les habitants pour se déplacer plus facilement. Les escaliers, comme les passages, sont décorés et peints. Sur les bords des rues en pente, comme des entre-deux ou des interstices dans l’urbanisation, ils sont très souvent le seuil des habitations et se terminent parfois en coursive semi-privée. Dans ces escaliers, on s’assoie, on se cache de la police pour boire de l’alcool ou fumer lors des après-midi ou des nuits festives. Dans ces respirations de la ville, on s’y amuse ; une fois un toboggan en béton avait été installé le long d’un escalier devenant ainsi terrain de jeux. Dans la ville basse, c’est l’effervescence, on y descend pour faire ses courses, pour les démarches administratives, pour aller à l’université ou à l’hôpital. C’est le lieu de l’échange monétaire, c’est là que s’installent les marchands de rue « sédentaires » dans les rues les plus passantes. C’est là que se dressent les marchés et les brocantes certains jours de la semaine. C’est sur les places que l’on retrouve les vendeurs d’artisanat qui étalent sur des tissus leurs création de laine, de perle ou de cuir mais aussi les étudiants qui s’assoient sur leur grandes caisses de plastique remplies de sandwichs à la viande de soja. Les rez-de-chaussées des bâtiments qui longent les rues et les places les plus fréquentées, abritent les commerces de la ville. On peut 17


aussi distinguer des zones selon le type de marchandises. Ainsi près du port, dans la partie la plus ancienne de la ville il y a plus de restaurants et de bars. On y ressent l’histoire de la ville, son passé marin, trivial. Les murs des anciens bâtiments coloniaux sont décrépis et les nuits des fins de semaines hébergent la fête et l’oubli. C’est là qu’on accède au port encore en activité. Les accès au port de marchandises et au port militaire sont restreints sur tout le bord de la ville, mais ici, on peut s’avancer jusqu’à la mer pour atteindre de petites embarcations principalement touristiques qui proposent des balades dans la baie. Aux côtés de cette partie de la ville, la municipalité s’expose devant un grand parvis, la Plaza Soto Mayor et viennent ensuite les banques et les services municipaux. Puis, le centre grouillant, débordant d’activités commerçantes s’amorce et on retrouve la majorité des restaurants, des bars, des imprimeries, des papeteries, des pharmacies, des supermarchés, des boutiques de vêtements, etc. Avant d’arriver à l’opposé de la ville où l’on retrouve à nouveau un secteur de commerces populaires marqué par le marché Cardonal, on traverse une zone où sont réparties les activités des garages et de vente de matériaux de construction et d’électroménager. Grâce aux activités commerçantes des rues, Valparaíso fourmille sans cesse. Les trottoirs et les places accueillent vendeur, passant et marchandise. Dans un respect mutuel, les piétons et les vendeurs occupent l’espace public, les étals des commerces en rez-de-chaussée s’étendent sur la rue et les marchands ambulants « sédentaires » laissent une largeur raisonnable pour ne pas encombrer les flux. Chaque matin, ils descendent des cerros et chaque soir, ils y remontent. Leur installation, précaire, est cependant immobile. Chaque jour, ils s’installent en ligne sur leur emplacement. Les articles sont directement posés sur une bâche au sol ou disposés sur les cartons dans lesquels ils sont transportés. Certains viennent vendre des produits d’entretien, d’autres des chaussures, quelques uns négocient des parapluies ou des lunettes de soleil selon la météo. Parfois, à certains endroits de la ville, on retrouve des kiosques à journaux, qui pourraient rappeler le mobilier urbain parisien. Partout dans la rue il est possible de trouver à manger (confiseries, fruits ou cuisine rapide ordinaire). Des vendeurs d’empanadas, de sopaipillas ou d’anticuchos* s’approprient un espace 18

* sopaipilla : petit beignet de potiron frit ; empanada : chausson fourré à la viande, au fromage ou aux légumes ; anticucho : brochette de viande grillée


paseo 21 de mayo, cerro Artilleria

plaza O’Higgings, calle Uruguay

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plaza O’Higgings, avenida Pedro Montt

plaza O’Higgings

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pour préparer et vendre leurs collations. Pour pouvoir cuisiner dans la rue, ils transforment des caddies de supermarchés ou fabriquent un plan de travail sur roues sur lequel ils peuvent agencer un réchaud à gaz, une friteuse ou un élément isotherme. Au feutre sur une grande feuille cartonnée ou à la craie, ils indiquent le prix de ce qu’ils vendent. Près de la gare routière et du congrès national sur la place O’Higging on passe devant ces échoppes fumantes où les odeurs de la viande ou de la friture se mêlent à celles des bus, des colectivos et des taxis. Certains appelle l’acheteur et vantent une nourriture au meilleur prix et d’autres passent le temps, en parlant avec de la compagnie. C’est le moyen pour certains, en restant indépendants de gagner de l’argent. La vente au détail de produits quotidiens ou de nourriture est une caractéristique de la vie urbaine à Valparaíso. C’est ce qui la rend aussi vivante. La Plaza Victoria, la Plaza O’Higging, la Plazuela Ecuador sont comme des cœurs articulés sur une colonne vertébrale qu’incarne l’avenue Pedro Montt, elles sont les organes vitaux de la ville. Et si ces cœurs battent, c’est par l’activité des hommes, leurs interactions. Ces places accueillent aussi un phénomène de domestication de l’espace, des joueurs de cartes et d’échecs s’y installent et y passent parfois la journée. Souvent, ce sont des hommes âgés. Ils se retrouvent dans entre amis et passent des heures dans le tumulte de la ville, a observer qui passe, qui descend du bus et à quelle heure. La sphère intime, familière ne se limite pas à l’habitat, mais s’étend au delà de ses murs, occupant de manière décontractée l’espace extérieur commun. Il est possible de croiser, sur le bord d’une rue des amis autour d’un barbecue s’ils ne disposent pas d’un espace extérieur privé. Les habitants n’habitent pas seulement leur maison, c’est toute la ville qu’ils habitent.

* Au sens de : sanguin, congestionné, qui déborde de force ou de vitalité.

Du haut des collines, on peut se sentir détaché de l’ambiance pléthorique* du Plan que des considérations hygiénistes caractérisent de poisseuse et sale, car c’est un ailleurs, comme une autre ville. Mais cette hauteur, nous ramène toujours aux toits de tôle en contrebas et nous rappelle les rumeurs de la ville basse. En bas, c’est la fureur, la folie, la joie qui grondent. En bas, on peut éprouver la ville, sentir comme elle vibre parfois de la colère de ses habitants qui se regroupent pour manifester. Par exemple, depuis 21


quelques années, le projet de convertir un quai, actuellement portuaire, en centre commercial est contesté par les porteños. Ils se réclament d’une identité portuaire et libertaire et ne souhaitent pas d’un projet aseptisé et générique. Les étudiants aussi se rassemblent pour faire évoluer les droits à l’éducation au Chili et utilisent la rue comme support de contestation. Lorsqu’à la fin des manifestations, la police disperse la foule par des fumigènes et des canons à eau, le désordre et la confusion met la ville en pause, les rideaux métalliques des commerces sont baissés, les marchands ambulants ont repliés leur stand, les rues sont désertées. La ville appartient à ses habitants, elle transpire de leurs actes et de leurs émotions. À Valparaíso, il existe une culture de l’appropriation du territoire urbain qui est le fruit d’une urbanisation propre à ses habitants. Si cette ville a survécu à des tsunamis et des tremblements de terre, c’est par la force d’adaptation dont font preuve ses habitants. Cette culture s’associe à son histoire de ville libertaire et inaugurale. Dans le pays, c’est à Valparaíso que sont répandues les premières télévisions, que se sont créés les premiers club de foot et que se sont organisées les premières compagnies de pompiers. L’expérience de la ville à Valparaíso est le manifeste de sa constitution. La ville, son sens, sa fabrication ne peut se détacher de l’humain et des rapports entre eux, qu’ils soient économiques, solidaires, culturels... La ville, physique, ses éléments de composition et ses formes urbaines ne sont que supports à la fabrique de la ville qui s’exerce pleinement dans l’espace public. Ce voyage à Valparaiso, ce prélude, vient poser les bases des réflexions qui suivront. En les orientant sur la ville, notamment l’espace public et son élaboration dans une situation géographique plus proche, à rennes, en France ou en Europe, j’en explore les pratiques et les initiatives actuelles. Alors, sans comparer deux réalités, Amérique du Sud et Europe, je tente plutôt, en faisant écho à l’expérience de la première de chercher dans la seconde, les manières de faire la ville.

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« Quelqu’un comprendrait la ville comme un ensemble d’édifices et de rue inhabités ? C’est sûr que non, car la ville est concentration de personnes, de groupes sociaux hétérogènes, de collectifs divers ; en définitive, de gens, de citoyens. » 5 D. Ramón Saúl Lueje Espina, 2009


La ville

l’urbanité, l’espace public, les relations et le lien social

Définition du dictionnaire Le Littré : ville (vi-l’) s. f. Assemblage d’un grand nombre de maisons disposées par rues, souvent entourées de murs d’enceinte, de remparts, de fossés. La ville selon L’INSEE : ville, unité urbaine constituée d’une ou plusieurs communes, comptant plus de 2 000 habitants et présentant une continuité dans l’habitat. « Une ville est un rassemblement d’une population importante en un même endroit. » Furetière, Dictionnaire Universel, 1690. 6

Georges Perec, dans Espèces d’espaces recommande de « Ne pas essayer trop vite de trouver une définition de la ville » car c’est « beaucoup trop gros, on a toutes les chances de se tromper. » 7 Alors, sans vouloir chercher une définition ne serait-ce que provisoire ou personnelle, j’aimerais explorer les éléments dont elle se compose, de quoi elle se constitue. La ville n’est pas seulement une idée de densité, de compacité. Ce n’est pas seulement des bâtiments alignés le long de rues ou autour de places, ni juste les services qu’il est possible d’y trouver. Une ville c’est tout d’abord l’ensemble de ses habitants et de ses usagers, c’est aussi les rencontres, les expériences qui découlent de cette cohabitation. La ville est le lieu des échanges, des relations, des confrontations, et peut-être, sa puissance est dans cet acte de rassembler des groupes hétérogènes de population. La ville c’est la diversité et celle-là même facilite la communication des idées, le marché de produits, de services, la diffusion culturelle et son expression. Comme le font remarquer Luciano G. Alfaya et Patricia Muñiz dans leur 25


investigation sur les façons d’habiter la rue, dans la région de Galice (Espagne) et à Porto (Portugal), une ville se compose de ceux qui l’habitent, qui comme de « petits fragments personnels configurent les peaux des villes que nous connaissons. » 8 Une ville sans habitant n’est pas intelligible. Ce serait alors une forme physique urbaine, mais pas une ville complète car sans l’activité des hommes, la ville n’existe pas entièrement. Ainsi, les interactions des hommes dans la ville sont des éléments qui la constituent. Définition du dictionnaire Le Littré : marché (mar-ché) s. m. Lieu public où l’on vend toutes sortes de denrées et d’objets.

Prenons l’exemple d’un marché, hebdomadaire comme celui de la place des Lices, le samedi matin à Rennes. Tôt le matin, les vendeurs s’installent, ils organisent et transforment la place. Ils déplient des tables, tendent des toiles, déchargent les produits, préparent leurs étalages. Sur un support, sous un abri, ils s’installent sur un morceau de sol. D’une plateforme libre, ils redessinent, en s’alignant les uns aux autres, des allées, des croisements, des devants et des arrières. Cette installation, on peut la voir comme un temps d’appropriation de la rue, du trottoir : ce n’est plus une simple voie de circulation ou une place de parking. D’ailleurs, les accès aux véhicules sont restreints laissant plus de place à l’activité marchande mais aussi à la socialisation. Au marché, on vient y faire ses courses, on vient y manger ou juste y flâner. C’est un rendez-vous qui intègre une notion de déplacement. D’un côté, on se déplace vers un centre pour y présenter et vendre ses produits et d’un autre, on s’y rend, vers ce centre, vers cette réunion pour se fournir en ressources alimentaires et retrouver des gens que l’on connaît. Le fait de rendre piéton tout un espace de la ville et d’y installer un marché crée l’événement, comme un centre ponctuel qui invite une partie de la population à l’échange. Le caractère urbain est établi par la rencontre que le marché génère, par les interactions entre les hommes et non par l’infrastructure 26


présente à l’origine. George Chabot témoigne : « Il y a même des villages qui deviennent villes à certains moments de l’année, jours de marché ou jours de foire. » 9 À travers l’image du marché, on peut saisir l’importance de la réunion, du rassemblement des hommes dans la notion de ville, comme des éléments inhérents à sa fabrique. Pour exister, ces actes prennent place dans la ville, ils deviennent lieux dans la ville, et composent l’espace public. L’espace public ? Il devient intéressant de clarifier la notion d’espace public. Thierry Paquot dans L’Espace public (2009), précise la différence qu’il existe entre le singulier et le pluriel du terme. Selon lui, l’espace public est « le lieu du débat politique, de la confrontation des opinions privées (…) mais aussi une pratique démocratique, une forme de communication, de circulation des divers points de vue. » ; les espaces publics, quant à eux, suggèrent « les endroits accessibles au(x) public(s), arpentés par les habitants, qu’ils résident ou non à proximité ». Ces endroits, « ce sont des rues et des places, des parvis et des boulevards, des jardins et des parcs, des plages et des sentiers forestiers, campagnards ou montagneux, bref le réseau viaire et ses à-côtés qui permettent le libre mouvement de chacun, dans le double respect de l’accessibilité et de la gratuité. » 10 Pour Thierry Paquot, l’espace public est le lieux virtuel des échanges, il est la sphère publique et partagée tandis que les espaces publics sont ceux que l’on parcourt. En se référant à l’ouvrage L’espace Public de Jürgen Habermas (1962), Thierry Paquot considère la sphère publique comme l’espace public du débat des idées. Au cours du XVIII ème siècle, les débats publics et politiques dans la ville sont amorcés par l’essor de la presse écrite, la publicité et la naissance d’une société bourgeoise qui se réunit dans les salons ou les cafés. Si le philosophe allemand reconnaît avoir déprécié le rôle d’une sphère publique populaire, il n’empêche qu’elle a pu s’établir elle aussi dans les cafés, ouverts à tous et assurant la circulation des idées et l’instauration de réunions à caractère public. Ainsi, durant le XVIII ème siècle, se développe un espace public dans lequel a pu se manifester une certaine critique envers le 27


pouvoir en place et permettre de contre-balancer la parole de l’État. Les espaces publics, prennent différentes formes et permettent des usages distincts. Ils sont des espaces amples ou longs, des recoins vides, libres d’usage qui permettent aux citadins de s’exprimer et accueillent sur des temps donnés les activités de la ville. Ils génèrent aussi des connections et des circulations dans la ville, des temps de pause, des respirations. Souvent, l’espace public est utilisé pour désigner la voirie et les nouveaux projets urbains en assurent le développement pour favoriser la déambulation, la circulation ou le loisir. Alors sont élaborés de nouvelles promenades et de nouveaux parcs, on incite les restaurants et les bars à s’étendre sur des terrasses. Ces nouvelles aménités comme l’installation d’éclairage la nuit, l’augmentation du nombre de poubelles à détritus ou un nouveau traitement du sol, témoignent de l’attention portée par l’action publique à la tenue de la rue. Si on se rapporte aux définitions de dictionnaires ou de publications techniques, la désignation précise de ce que signifie espaces publics apparait ambiguë. Michel Saillard (1962) les présente comme « tout ce qui n’est pas construit ou clôturé à des fins purement privées (…). Ils comprennent donc essentiellement : les voiries : voies, parkings, places, etc., les espaces verts et les autres espaces libres : cours et jardins d’écoles et de lycées, stades, terrains de sport, etc. »11. Pierre Merlin et Patrice Noisette (1988) les considèrent « comme la partie du domaine public non bâti, affectée à des usages publics. L’espace public est donc formé par une propriété et par une affectation d’usages publics. »12. On comprend alors la superposition de la notion privé/public (le statut juridique de propriété) à l’usage qui s’y développe. « Comment délimiter ce qui relève du ‘‘commun’’, du ‘‘collectif ’’, et pas seulement du ‘‘public’’ ? »13. Michel Lussault (2003) suggère que la définition d’espace public tel qu’un « espace vertueux de la citoyenneté, porteur intrinsèquement des vertus de l’échange interpersonnel » ne peut être circonscrite par le statut juridique. Il propose donc de parler d’« espace commun », comme « un agencement qui permet la coprésence des acteurs sociaux, sortis de leur cadre domestique »14. Enfin, selon Thierry Paquot, un « lieu est commun ou urbain, si et seulement si l’altérité si déploie. »15 Ces « lieux communs » constituent alors un enjeu majeur de nos villes contemporaines car ce sont ceux qui permettent à la sphère 28


devant une universitĂŠ, Pontevedra, Espagne

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Le Repos du fakir

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publique du débat de se manifester dans l’espace partagé. Les notions d’espace public (au singulier) et d’espaces publics (au pluriel) sont bien inhérentes l’une à l’autre. Pourtant, le lien qui les rassemble tend à s’amenuiser. Beaucoup de services de la ville disparaissent ou deviennent payants. On assiste à une diminution du nombre des bancs publics, car en tant que points de rendez-vous, ils sont parfois jugés sources de nuisances sonores pour le voisinage qui craint les regroupements. Il n’y a presque plus de toilettes publiques gratuites, ni de points d’eau potable dans la rue. Gilles Paté et Stéphane Argillet avec leur film Le Repos du fakir, dénoncent des espaces publics qui ne sont plus des espaces partagés, incarnant les violences du pouvoir.16 En se mettant en situation, à Paris, sous des porches d’immeubles, devant des vitrines ou dans les stations de métro, ils filment l’inconfort du mobilier urbain. Volontairement, ces objets sont dessinés pour éviter le stationnement des corps, anti-ergonomiques, ils valorisent une pause rapide pour un flux continu. Cette volonté de rendre inhospitaliers les bancs ou les recoins dans la ville, répondant à un principe de prévention situationnelle*, affirme une limite imposée de l’usage des espaces publics.

* La prévention situationnelle ne vise pas les individus mais les situations propices à la réalisation d’un délit. Elle consiste à prendre des mesures ou à adopter des moyens pour réduire les occasions de passer à l’acte. * l’expression mobilier urbain date de 1960, à partir du développement des abribus publicitaires de Jean-Claude Decaux

Après une diffusion du film Le Repos du fakir à Ivry-sur-Seine en 2004, un débat met au jour une question : « À quoi sert l’espace public? À quoi sert la rue? La première idée qui nous vient, quand on se pose cette question, c’est que ça sert à circuler. »17 En effet, trop souvent, le modèle urbain fonctionne selon une logique de rapidité ; la rue est aux voitures, dédiée à la circulation et au stationnement, les voies sont larges et le territoire attribué au piéton ou au vélo est contracté au minimum. En effet, la conception et la construction des villes est réservée aux experts et les contraintes des budgets, de la maintenance et de la sécurité sont gérés par les services municipaux. Le fait que ces territoires de la ville soient les produits d’une volonté politique, d’une réflexion urbanistique et architecturale, bride l’appropriation. Le mobilier urbain*, par exemple, est choisi parmi les catalogues de références disponibles et participe au décor de la rue. Si ce mobilier urbain sert parfois à faire une pause dans la rue, ou à l’affichage de panneaux indicatifs, c’est aussi un moyen de canaliser, d’interdire, de séparer. Le 31


potelet, par exemple, délimitent les voies attribuées à la voiture et aux piétons. Ces petits poteaux métalliques ont une volonté de rendre plus sécurisés les abords des écoles ou des carrefours dangereux et empêcher le stationnement des voitures, protégeant les populations les plus vulnérables (les enfants, les personnes âgées ou à mobilité réduite). Pourtant, selon Gilles Cervera dans la revue Place Publique, déplore que « ces allumettes alignées symbolisent notre difficulté à envisager l’espace commun » 18. En séparant l’espace ‘‘marchant’’ de l’espace ‘‘roulant’’, l’utilité des potelets devient une restriction : « leur fonction s’avère interdictrice ». L’article énonce un « aveu d’échec » de la ville citoyenne représenté par ces « barreaux anti-pédagogiques ». Chacun de son côté l’un n’a plus besoin de faire attention à l’autre puisqu’on nous indique la voie à suivre ; les potelets semblent même rappeler aux conducteurs qu’ils peuvent s’en affranchir quand il n’y en a pas. L’espace urbain est surveillé et parfois l’accès y est restreint, limité. Et d’autre part, on remarque de nouveaux comportement sociaux liées aux NTIC (Nouvelles Techniques d’Informatisation et de Communication). Internet, les réseaux sociaux (facebook, twitter), les blogs deviennent les nouvelles sources d’information. On communique via le réseau, les smartphones permettent de suivre le rythme effréné des nouvelles publications en temps réel. En ville, on ne se perd plus car le GPS intégré nous indique le chemin. Au delà de la rapidité que ces progrès permettent, ils jouent aussi sur l’usage que l’on a des espaces urbains. L’espace de débat se dématérialise en une nouvelle forme de sphère publique connectée. La privatisation et le contrôle de la presse, l’affichage public limité, l’obsession sécuritaire et l’essor des communications mobiles et des nouvelles technologies, a pour résultat la raréfaction de la confrontation des idées dans les espaces publics. Et les gens ? Où se retrouvent t-ils en pour se rassembler, échanger ? Pierre Mahey, en réfléchissant sur la construction de nos villes se demande « Mais où débat-on des projets collectifs ? Où est l’agora dans nos villes contemporaine ? » 19 Face à cette réalité d’une construction de la ville imposée, décidée en amont dans les bureaux et par le développement d’un espace de 32


rue de Marseille

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petites annonces

rue Legraverend, Rennes

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débat virtuel, on peut se demander quelle est la dimension publique de l’espace urbain ? La rue, est le premier média de la société. Sur les murs, les gouttières, les lampadaires et les poteaux s’exposent les opinions des citoyens. Par un tag hargneux ou amoureux, par des affiches de concerts invitant à la fête, par des pancartes annonçant un rassemblement, par de petites annonces proposant des cours de guitare ou se substituant au racolage, les citoyens s’approprient des morceaux de ville et diffusent des informations, des convictions ou des sentiments. Ces peintures ou affichages « sauvages » sont le manifeste d’une nécessité pour les habitants, de représenter leurs sentiments ou leurs revendications, de les rendre publics. À ce propos, Luciano G. Alfaya et Patricia Muñiz expriment que « le manque d’espaces de liberté créative, dans lequel pouvoir exprimer des opinions au delà des canaux définis comme corrects, détermine le besoin de créer des mécanismes alternatifs d’expression citoyenne. »20 Les formes d’expressions qui paraissent résister aux restrictions implicites des usages semblent être celles qui détournent la norme, s’affranchissent des règles. L’affichage sur des zones interdites, la distribution de tracts à la sortie du métro, ces actes accusés souvent de ‘‘vandalisme’’ marquent une forme alternative d’annonce, de message. Ces actions réduites à l’appellation ‘‘marginales’’, les stigmatisent auprès du plus grand nombre par les pouvoirs politiques et économiques, comme des désobéissances à ce qui est imposé, normé. Alors, l’espace public devient un espace de citoyenneté (parfois hors-la-loi)et occuper un temps, l’espace de tous, devient un acte politique. La ville, en tant que théâtre des relations et des activités humaines abrite les lieux d’expressions de ses habitants. Ces espaces communs des villes, sont les lieux où, malgré les groupes de personnes atomisés, séparés selon des rythmes personnels, on se croise, on se rencontre, on se retrouve. Ce sont des lieux de frottements entre les habitants d’une ville. Des opportunités. C’est le cas d’une rame de métro remplie de personnes qui ne se connaissent pas, d’une place où est installée une fête foraine. Ces lieux physiques que l’on traverse, que l’on vit, extérieurs, couverts ou intérieurs, sont ceux qui fabriquent la ville et permettent de « faire société ». Car « faire 35


société » c’est par l’altérité, prendre conscience de faire parti d’un ensemble, d’un tout partageant des lieux communs. En tant qu’espace de débat producteur d’une opinion publique, l’espace commun constitue la base nécessaire de la société démocratique. Pour Pierre Mahey, « la démocratie est malade de ne pas être accessible à tout le monde, surtout aux plus démunis. (…) La démocratie est perçue comme ne produisant qu’une énergie descendante qui impose et fait subir, sans que les liens de remontée, ne serait-ce que d’information sur la réalité de la vie quotidienne, puissent jamais atteindre les lieux de décision. »21 Mais comment « faire société », dans un espace commun, produit d’une énergie descendante (qui répond à la logique hiérarchique de la verticalité des prises de décisions) où l’individualisation s’accroit et où la méfiance de l’autre et de l’espace de la ville même prend de l’ampleur ? Certains citoyens réagissent aux limites qui leur sont imposées et expriment leur volonté de s’investir dans l’avenir de leur quartier ou de leur ville. On voit s’ouvrir de plus en plus de jardins partagés, s’installant sur des pelouses d’ornement et revendiquant un droit d’usage du sol de la ville. Aussi, des conseils de quartier, des comités d’habitants, des forums citoyens se mettent en place. Ces organisations relèvent d’un grand investissement et exigent de faire l’effort de se politiser, de s’extraire des habitudes du quotidien et de se rendre disponible pour faire avec tous. En ce moment, les transformations actuelles de l’espace public et la manière de construire la ville suscitent le débat et révèle une nécessité d’en inventer une autre conception. En fabriquant la ville, tout en prenant en compte la singularité de chacun, on valorise la personne, sa prise de position, son opinion. Dans ce sens, on ne parle plus d’individualisation mais d’individuation, on se développe en tant qu’individu avec et parmi les autres. Une prise de décisions plus horizontale permet à tous, d’apporter ses connaissances ou ses observations, peu importe la hiérarchie, l’origine culturelle ou sociale, l’âge ou le statut. 36



« … l’expression « mouvement alternatif » […] désigne […] une action politique non seulement revendicative et contestataire mais appliquée, expérimentée. On parle de « mouvement alternatifs » pour qualifier ces « groupes » qui tentent de vivre, de produire, de consommer, d’éduquer, d’aimer, différemment. C’est un écart d’avec le conformisme ambiant, une remise en cause d’un ordre considéré comme « normal », un à-côté de ce qui est imposé, normé, normatif et normalisateur. » Thierry Paquot, Peu + Peu = Beaucoup, 2012


Faire la ville

les projets d’espace communs

Dans cet environnement, construit par les spécialistes, les experts, les techniciens, se détachent alors, des manières de faire la ville différemment. Les manières de faire existantes, où chacun tient son rôle, (les élus décident, les ingénieurs et les architectes conçoivent, les citoyens habitent) sont décloisonnées. Cette attitude, hardie, décidée à bousculer les pratiques habituelles des prises de décisions verticales, s’attache à l’échelle ‘‘micro’’, l’échelle de l’habitant, de l’usager, du passant. Prendre en compte les réactions des passants d’une rue, faire intervenir l’habitant du dernier étage sur le projet de parc au pied de son immeuble, c’est aussi bien enrichir le projet que fabriquer de la ville. En permettant aux habitants de s’impliquer dans le processus de projet, on leur restitue un droit à la fabrication de la ville, un droit à en intégrer le processus. Ces projets urbains, mettent en œuvre des espaces communs et ensemble, laissant de côté l’économie, les politiques de rendement et d’efficacité et rendent alors ces espaces (places, rues, bancs, jardins...) à ceux qui les habitent ou les traversent. Ces projets alternatifs proposent une autre manière de faire la ville, leur « action politique [est] non seulement revendicative et contestataire mais appliquée, expérimentée. »22 En effet, ils posent la question de la responsabilité des acteurs de la ville dans sa fabrication en mettant en exergue l’acte politique qu’est de questionner l’origine de la demande ou son financement, dans des projets concrets. Le collectif Etc ou le collectif espagnol Basurama (dont on expliquera la démarche par la suite), par des projets participatifs, proposent de travailler la construction d’espaces communs comme des condensateurs sociaux, culturels et solidaires. Cette démarche, introduit une temporalité ouverte du processus de projet. Des réunions en amont invitent la communauté à débattre des idées et discuter des besoins réels, des manques. Puis, sur le temps de chantier, des temps d’échanges comme les repas ou des ateliers, sont organisés. Ces événements dans la vie du quartier, invitent 39


les intéressés à s’investir dans le projet, à s’associer au partage de connaissances et ainsi, à leur donner envie de s’en occuper ensuite, pour qu’une auto-gestion du lieu se mette en place. Pierre Mahey, travaille lui aussi, à organiser des processus participatifs, il se demande d’ailleurs si « le projet principal de la participation n’est pas le renouvellement de notre démocratie ? Sa sauvegarde d’abord, puis son évolution vers une forme d’organisation qui permette à chaque humain de reprendre un rôle, une responsabilité. »23 Par la participation, on permet à tous, aux enfants, à ceux qui ne travaillent pas, ceux qui votent ou non, à tous les humains, de s’intéresser, de se rencontrer et de débattre sur les envies et les besoins. Précédemment, Pierre Mahey, annonçait une démocratie malade (cf. p. 36). Si la démocratie se porte mal, les villes en sont le reflet. Alors, comment rétablir la santé de la ville et fertiliser la démocratie ? Jaime Lerner propose une « acupuncture urbaine ». L’acupuncture est une médecine traditionnelle chinoise, fondée sur une vision énergétique taoïste de l’homme et de l’univers. Elle procède par la manipulation et l’insertion de fines aiguilles en des points précis du corps. Comme la médecine d’une ville malade, l’acuponcture urbaine serait la thérapie, le soin, agissant en des points ciblés, qui agirait sur toute l’énergie de la ville. L’idée développée par Jaime Lerner, critique les projets urbains de grande ampleur au profit d’une approche plus localisée, attachée aux petits éléments tels que les habitants, les usagers et la communication avec les agents des actions publiques. Pour la ville ‘‘malade’’, souffrant de blocages, de carences en lien social et en intérêt porté à sa politique, l’acupuncture, comme la pratique de la médecine en Asie, devient une attention continue et sans gros traitements de guérison, prend soin de la ville, de façon permanente. J’associe cette médecine aux projets de collectifs qui, par des projets éphémères (ou non), des urbanités inattendues, investissent avec les habitants, des lieux délaissés par l’aménagement. 40


En Espagne, par exemple, en Janvier 2012, s’est amorcé le projet « Autobarrios » (littéralement « Auto-quartiers ») ayant pour ambition de « stimuler notre imaginaire collectif, notre autonomie et notre capacité à intervenir sur notre vie quotidienne et notre environnement. » 24 La première application du projet, s’est mis en marche dans la banlieue sud de Madrid, dans le quartier San Cristóbal de los Ángeles. Portée par le collectif espagnol Basurama* et les associations locales, elle se définit comme « un projet collectif de ré-activation d’un lieu abandonné en ré-inventant sa fonction et son usage par la construction d’un espace urbain suggéré par et pour les jeunes du quartier et le reste des voisins. » 25 Alors, avec pour échelle de réflexion celle d’un quartier de 18 000 habitants, le projet s’est installé sous la sous-face d’un pont de l’autoroute urbaine reliant le dit-quartier à la capitale. Sous la sous-face d’un pont, que se passe-t-il ? Bien souvent, rien. Pourtant, l’espace créé est par sa taille l’équivalent d’une place publique. Recouverte des voies bétonnées, cette superficie libre gagne un toit et devient la possibilité de multiples usages. Dans ce cas, le projet interroge 1200 m2 de délaissés.

* Basurama : collectif né dans une école d’architecture de Madrid, actif depuis 2011. * Boa Mistura : collectif d’architectes, d’ingénieurs, de publicitaires et d’artistes né en 2011 à Madrid.

C’est après un travail de douze mois entre les associations du quartier et le collectif Basurama, qu’a pu être défini le projet, son emplacement, son procédé et ses acteurs. Le collectif s’est d’abord associé aux réflexions existantes des associations sur place, pour se convertir en justification et les consolider, les rendre tangibles. Le projet est pensé en plusieurs phases. D’abord, l’investigation constitue les réseaux, fait l’état des lieux des ressources locales et définit les programmes de réaménagement. Ensuite, viennent les temps de constructions et de réhabilitation, puis l’autogestion et les usages quotidiens. La première intervention (en février et mai 2013) a été de peindre avec l’aide et la participation du collectif Boa Mistura* et des habitants lors des week-end, d’abord une fresque, puis la sousface et les piles du pont. Lors de ces occasions, les habitants témoignaient d’une volonté de participer à rendre leur quartier ‘‘plus beau’’, d’en ‘‘prendre soin’’. En utilisant la superficie de la sous-face du pont comme une toile support de l’intervention, le 41


projet met en valeur l’espace vacant par une opération rapide et économique mais d’un fort impact. Par le travail artistique, la perception spatiale n’est plus la même et grâce à cette collaboration, les futurs usagers de l’espace public ont été aussi les producteurs de celui-ci. La deuxième intervention (en novembre 2013) a été soutenue par le collectif Etc* par l’élaboration et la construction de mobiliers urbains, mobiles et polyvalents, offrant un espace scénique et une nouvelle aire de jeux. En coordonnant le travail en « réseau », la somme des connaissances collectives est représentée et devient un outil puissant pour arriver à bout d’un projet commun. Le « réseau » ce sont les collectifs invités, qui intègrent les réflexions des associations locales, les habitants, fabricants de leur ville, mais aussi les entreprises qui offrent ou prêtent du matériel nécessaire à l’élaboration de mobiliers ou au déroulement du chantier. Le « réseau » c’est en fait l’ensemble des ressources locales et disponibles qui, misent en commun, permettent de créer une nouvelle fabrication de projets communautaires. C’est ce réseau et sa coordination qui rend l’initiative possible et lui donne forme. En posant des questions à l’échelle du quartier, basées sur les relations, la quotidienneté ou l’identité, l’espace ne se réduit pas à sa construction physique du projet dessiné mais continue de se développer de manière continue dans la production sociale et culturelle. Cette dynamique affirme la volonté de faire participer le voisinage pour permettre une auto-gestion durable de la place publique, de ses événements culturels et de son entretien. Cette invitation à fabriquer l’espace public est une façon de faire prendre conscience aux citoyens qu’ils peuvent aussi décider, que leur avis compte. Par cet exemple d’urbanité inattendue, il est important de souligner l’importance de l’implication de tous dans la réflexion d’un projet commun mais aussi l’organisation mise en place par les associations locales. Ces sortes d’acuponctures urbaines sont des projets marquant la volonté de créer la ville différemment, en impliquant tous ceux que ça intéressent. Ce ne sont plus seulement les experts qui décident ou qui fabriquent. La ville 42

* collectif d’architectes né à Strasbourg en septembre 2009


sous-face du pont, BarrĂ­o San Cristobal, Madrid

phase de peinture avec le collectif Boa Mistura

phase de peinture avec le collectif Boa Mistura

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la sous-face du pont, suite Ă la construction de mobilier urbain avec le collectif Etc

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peut être construite horizontalement par tous. Néanmoins, les collectifs et les associations, sont les médiums qui permettent ce type d’action. Dans le cas du quartier San Cristóbal à Madrid, c’est sous l’instigation des collectifs que les habitants ont été invités à participer. Seuls, ils n’auraient surement pas pris l’initiative de peindre ce pont, ou de fabriquer du mobilier, ne se sentant pas à l’aise du point de vue légal. Pierre Mahey nous conseille de nous méfier d’une participation qui se transforme en sorte de fête qui anime le quartier pour un temps mais s’estompe et se transforme en bon souvenir n’ayant alors, pas d’impact réel sur l’implication des gens dans l’invention de la ville. Il indique aussi que la politique de la ville, l’action publique peut s’investir et aider ces projets produisant de la vie collective telle que la fête des voisins, mais, les fanions rangés, qu’en est-il de l’investissement commun, de la fabrique ensemble ? Pour lui, il est important que la participation soit synonyme de débat, « (…) où s’expriment des points de vue différents, commandés par des enjeux différents et bien souvent antagonistes. La participation n’est pas, ni le synonyme, ni le chemin de la réconciliation et de l’affirmation d’identité communes. C’est le lieu de l’affrontement, de la lutte démocratique, à la rigueur, c’est le lieu de la négociation. Or, si on lui demande d’être la scène de la reconstitution du lien social, on lui interdit cette fonction d’accueil du conflit, de la joute. »26 Risquer quelque chose sans être sûr du résultat. À Rennes, au delà d’un projet éphémère, s’ouvre actuellement celui de l’Université foraine. À l’instigation de Patrick Bouchain et dans une échelle de temps élargie, l’Université foraine a enclenché une réflexion générale sur la construction de la ville en mettant en tension deux éléments de la ville : l’ancienne université dentaire (la faculté Pasteur) en centre ville, et le moulin d’Apigné en périphérie. Le projet a été annoncé publiquement en 2012 lors de l’événement Viva-cités. À cette occasion, dans les salles du Liberté et sur la place Charles de Gaulle, des conférences, des débats et des tables rondes sur l’avenir de la métropole ont eu lieu, conviant toutes et tous à s’intéresser à leur ville et à venir participer aux réunions. Des 45


concerts, ateliers, expositions, spectacles et animations étaient aussi proposés gratuitement durant cette semaine. La façon de l’Université Foraine de traiter la commande publique est atypique. Ce projet est d’abord une affaire de confiance, entre Patrick Bouchain et Daniel Delaveau (l’actuel maire de Rennes). En effet, le projet s’établit actuellement dans deux bâtiments iconiques du patrimoine rennais et la réflexion engagée repose sur leur devenir, dans un contexte d’économie faible mais surtout sur l’invention d’une manière de mener le projet d’une institution publique. Sur ces deux lieux à haute valeur foncière, l’équipe de Patrick Bouchain, essaye, tâtonne, cherche. C’est un projet long, dont on ne sait pas quelle en sera la fin (ce n’est pas son but), mais dont on connait la volonté : « créer les conditions d’une rénovation urbaine d’initiative populaire, de conception démocratique et de production joyeuse. »27 La démarche est modeste : réunir les gens, faire qu’ils s’expriment. Le propos est quant à lui ambitieux car il contourne les règles d’un projet de réhabilitation conventionnel et ré-invente actuellement la manière d’accomplir un projet en se basant sur l’aléatoire. On comprend l’importance de la relation de confiance entre l’instigateur du projet et le représentant politique des rennais. Ce projet ne répond en aucun cas à un besoin urgent de remplacer la destination des bâtiments, mais prend le temps et laisse libre la programmation pour permettre tous les possibles. Ce flou volontaire, est difficile à envisager et dans la presse rennaise, on peut lire la controverse qu’il suscite. Compréhensifs et optimistes certains journalistes tentent de décortiquer un projet dont les contours sont difficiles à maîtriser, on parle de concept à mi-chemin entre friche artistique et lieu d’échange populaire et, pour appuyer les beaux slogans, on cite les références, les expériences passées du meneur. D’autres, plus lancinants, se demandent : « De quoi s’agit-il ? (…) Personne n’arrive à définir clairement et simplement le concept en question. »28 Bruno Chavanat (leader UDI) accuse un « manque d’anticipation » quant à l’avenir du bâtiment : « L’université foraine est un titre sympathique pour un projet mais l’initiateur l’a dit lui-même : il se lance, sans savoir comment ce projet finira. » Difficile en effet, de s’accorder les faveurs de tous lorsque l’on bouscule autant les habitudes. D’autant plus 46


que la communauté scientifique ne comprend pas pourquoi le bâtiment de l’université dentaire est cédé à un projet incertain. Ses représentants souhaiteraient y voir naître un lieu de science, un musée d’exposition du patrimoine scientifique. Si l’Université foraine a pu obtenir un soutien financier de la ville de Rennes et de Rennes Métropole (100000 euros de subvention de démarrage), c’est qu’une mise aux normes des locaux pour les transformer en un musée serait considérablement plus cher et hors-de-prix pour le budget de la ville. Alors que, le projet humaniste évoluera dans le temps, au fil des besoins, par incrémentation. Durant l’année 2013, l’Université foraine a organisé des journées de visites des bâtiments, des travaux sur l’appropriation avec les étudiants des Beaux-Arts, des balades festives et des débats ouverts, en s’appuyant sur les thématiques de la santé, de la biodiversité, de la politique, de la mémoire ou du corps. Toujours, ouvertes à tous, ces rencontres ont été des journées de réflexion ensemble, faisant intervenir des savoir académique ou abstrait autant que des savoirs concret. On retrouve alors la volonté première de cette université, celle de rassembler tous les savoirs et de les rendre à accessible dans un espace commun. L’Université foraine « naît de la volonté de rénover la démocratie par le faire (…). L’université foraine se veut ainsi laboratoire d’architecture située tout autant que laboratoire de démocratie appliquée. Ce faisant, elle veut rendre à la cité sa qualité de chantier infini. »29 Pour autant, si le projet s’est déclaré comme apolitique, car il veut faire avec tous, en tant que projet d’architecture, de ville, il n’est pourtant dissociable de la politique. Son énergie est actuellement dépensé dans la justification de sa nécessité, de sa justesse, aux équipes municipales et ensemble, en invitant aussi les hommes et les femmes souhaitant participer au changement, chercher législativement, politiquement comment rendre possible une institution publique, accueillant la cité dans son ensemble, entièrement. S’intéresser à l’aventure de l’université foraine, c’est étudier un projet en cours, en chantier, dont la fin est encore inconnue. C’est comprendre cette volonté qui tente de produire quelque chose 47


de nouveau, qui invite à la réflexion, ensemble. En participant au workshop de la ville sensible, j’ai être au plus proche du réel de ce projet. la ville sensible, workshop projets, maquettes, conférences, balades, réflexions, repas, échanges.. Comme des mots clefs, ils ont rythmé, le temps d’un workshop, la semaine de quatre-vingt étudiants rennais et de nombreux professionnels divers (architectes, professeurs, cuisiniers, urbanistes, politiques, aménageurs, sociologues, chercheurs, artistes...). Pour faire s’agiter la question de la représentation et de la projection de la ville, l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de Rennes (IAUR) et Rennes Métropole ont invité l’Université foraine (UFO) représentée par Sophie Ricard (architecte), Patrick Bouchain et Loïc Julienne (agence Construire). Avec pour base le projet de Rennes Métropole « Vallée de la Vilaine-aval », l’IAUR et l’UFO ont repris le thème de la ville (et du rapport avec sa périphérie) et de l’aménagement du territoire pour proposer un workshop d’observation et de réflexion sur la relation entre Pasteur et Apigné – les deux « résidences » de l’UFO – liés par La Vilaine. Plus que d’imaginer de futurs projets sur ce vaste territoire, il a été question de le ressentir, de le pratiquer. De rendre compte de la ville sensible. Le premier jour, nous avons marché depuis l’ancienne faculté dentaire Pasteur jusqu’au moulin d’Apigné. À pied, nous avons parcouru les quelques 6,5 kilomètres qui les séparent. Toujours en longeant le cours d’eau. Du centre-ville à la campagne, la Vilaine, ses berges et ses usages évoluent. D’abord, la ville est plus haute que l’eau, les quais où nous marchons sont bien trois ou quatre mètres au dessus de la rivière. En face de Pasteur, ce sont des quartiers résidentiels principalement, les façades des rues sont celles d’immeubles moyens. Ils sont anciens. Les plus hauts sont les plus récents et sous leurs porches, on peut y trouver des graffitis. Puis on retrouve l’eau à notre 48


balade, le long de la Vilaine, centre -ville

sur le pont Malakoff, et au fond, la tour Mabilais

depuis le quai d’Auchel, entrée dans la périphérie

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maquette sensible les matériaux appellent au toucher

maquette sensible texture, matière, et poésie

journée du 14 novembre

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hauteur, et des escaliers nous emmènent sur un pont qui l’enjambe à nouveau. D’ailleurs, les marches de cet escalier sont peintes sur leur hauteur. Au niveau de République, et jusqu’au carrefour de la Place de Bretagne, l’eau est invisible. On l’a recouverte d’une dalle permettant d’y installer une place et un parking. Le carrefour passé, de la tour de luxe de Jean Nouvel en construction, jusqu’à la Mabilais, anciens bâtiment des Télécoms en réhabilitation, nous longeons l’eau, rencontrant – à défaut de passants – péniches, bancs publics et terrains d’herbe pour pique-niquer ou s’asseoir lorsqu’il fait beau. Le sol est traité d’une certaine façon. Des pavés sont disposés de sorte à ce que l’herbe pousse entre chacun d’eux. Ils signalent des zones arrangées, aménagées pour la pause, la détente dans l’espace public. Malgré tout, l’avenue un peu surélevée sur l’autre rive laisse entendre le bruit de la circulation, le flux est incessant et gâche l’ambiance tranquille du lieu. Au niveau du bout du mail Mitterrand, près du théâtre de la paillette, il faut remonter et traverser une large avenue très passante pour retrouver les rives. Celles-ci sont proches de l’eau mais il n’y a aucun équipement pour s’arrêter faire une pause alors nous suivons le chemin. Sur la route, les uniques personnes rencontrées promènent leur chiens ou courent. Nous passons sous une voie de chemin de fer, puis le long d’anciens bâtiments en briques. Ils sont beaux, mais dissimulés derrière un long mur. En face, ce sont trois bâtiments, imposants, comme des totems. Par leur taille et leur couleur ils semblent se justifier de leur présence ici. Et puis, le temps semble s’étendre, les événements sont plus épars. Nous nous rapprochons de la périphérie de Rennes. D’une rive à l’autre, en passant par une île, comme une oasis paisible dans l’urbain, nous rencontrons l’éclusière. Rencontre contrastée avec son voisin le Stade Rennais, géant, et son complice le centre commercial sur l’autre berge. Comme les monstres de la Vilaine, ils impressionnent par leurs dimensions et la passerelle que nous empruntons fait bien pâle figure à côté de la Rocade à quelques dizaines de mètres. Avant d’arriver au moulin, il a fallu ensuite suivre la zone industrielle de la route de Lorient, mais sur la berge opposée, ‘‘côté campagne’’. Face aux pignons des hangars de tôles, aux stocks de matériaux ou aux grillages s’étendait un paysage plus vert. Pourtant près des rives, ce ne sont pas des champs que l’on trouve mais un parking supplémentaire pour les jours de match au Stade Rennais et une 51


station d’épuration. Et puis, la rumeur de la ville, son image s’atténue et l’étang d’Apigné apparaît. Sur l’île, des embarcations passent l’hiver sur la terre ferme en attendant les beaux jours. Et le moulin, avec à ses pieds une petit route étroite, marque la fin de la balade. Installés dans la salle polyvalente derrière l’Hôtel de Rennes Métropole, les quatre-vingt participants du workshop ont été divisés en neuf groupes. Nous avons commencé à relater nos ressentis, à souligner quelles impressions nous avait marqué. En oubliant les cartes satellites ou du parcellaire de Rennes, nous avons redessiné selon nos souvenirs et nos sensations, une carte sensible du chemin parcouru. Du papier étendu sur la table, suffisamment de crayons sur la table et chacun pouvait ajouter son point de vue, ses envies aussi, : « Ici, la Vilaine paraissait être beaucoup plus large », « Là, l’eau était à notre hauteur mais c’était comme une frontière, une barrière dans la ville », « Oh, à cet endroit, l’air était paisible, un ponton pour être sur l’eau, ce serait génial ! ». Avec toujours en tête la Vilaine, parfois ressentie comme un pont, un lien entre les deux rives, parfois comme une fracture, il s’agissait de faire intervenir dans notre récit, ses berges dans leur profondeur autant que l’eau elle-même. Que se passait-il à deux ou trois rues parallèlement au cours d’eau ? Il nous a fallu y retourner, à pied, à vélo et arpenter les rives de nouveau. Regarder la ville, faire face à la multitude de ses composants pour essayer de les retranscrire, sensiblement. Voilà le but de ce workshop. La regarder, la ressentir, puis la représenter sous forme de maquettes sensibles, et même sensuelles (sensorielle). Car il faut pouvoir offrir les sensations ressenties, qu’elles soient perceptibles par les sens, le toucher, l’odeur ou l’ouïe. Pour s’adresser à tous et sans enlever la dimension d’une lecture plurielle, les matériaux utilisés ont été choisis pour leur aspect, leur douceur ou leur rugosité. L’endroit était jugé désagréable ? bruyant ? dangereux ? Sans que l’émotion soit figurée franchement, la manière de représenter ce lieu, par exemple, invite au rugueux plutôt qu’au lisse, au piquant ou au grossier. Nous étions des étudiants de différents univers, nous nous sommes 52


rencontrés et nous avons réfléchi, ensemble. Tous étudiants rennais, certains venaient de l’ENSAB, de l’IEP, de l’INSA, de Rennes 2, en première ou deuxième années de master MOUI, ACT, AUDIT... Beaucoup de sigles pour rassembler différentes formations où sont préparés les futurs acteurs de la ville. Concentrer des – futurs – architectes, aménageurs, conseillers municipaux, hommes/femmes politiques, élus, ingénieurs, artistes, sociologues pour secouer la réflexion de la fabrique de la ville et de sa représentation. Quelle nouveauté, dans nos études si cloisonnées, où l’échange entre deux champs ne se produit quasi jamais ! Au mépris de la réalité, nous oublions que le dialogue entre la maîtrise d’oeuvre et la maîtrise d’ouvrage ne se limite pas à un rapport de commande/réponse à la demande. Ce workshop, cet événement, c’est aussi peut-être, nous faire prendre conscience que la fabrique de la ville fait alors agir tous ces acteurs, ensemble. Les décisions ne se prennent pas en solitaire et multiplier les points de vue et les disciplines apporte une richesse dans la réflexion. Le Workshop est ce lieu d’échange et d’émulation où la créativité existe par la diversité, où le dialogue devient source d’idées. Malgré cela, on peut quand même noter que ce workshop s’est déroulé en rassemblant horizontalement différents champs d’études, mais toujours en s’adressant aux « sachants ». Le jeudi 14 novembre, la restitution des travaux du workshop a été organisée sous forme d’une exposition, ouverte à tous. Chaque équipe disposait d’un espace libre sur les murs de la salle pour y accrocher des textes, des croquis de réflexion, des photos, des objets récupérés lors de la balade ou tout autre élément faisant partie de leur semaine. Durant la journée, chaque groupe a pu présenter son travail devant différents invités : des élus, des professeurs des différentes institutions et les intervenants du workshop. Cette journée a été l’occasion pour les élus par exemple, de porter sur leur ville un autre regard, de prendre conscience qu’il peut y avoir d’autres méthodes de réflexions sur son aménagement, différentes d’une vision conventionnelle, statique, métrée ou prospective. Alors, devant nos maquettes sensibles, qu’elles soient ludiques, enfantines, poétiques ou sensorielles, on peut se permettre, peutêtre, de rêver la ville. La rêver selon nos propres expériences sur son 53


sol, mais surtout la regarder différemment, l’observer attentivement, mettre au jour des détails et ensuite faire les choix d’aménagements. Au-delà de rendre compte de la ville sensible, ce workshop est une sensibilisation des acteurs futurs et actuels de la ville sur la manière de mener un projet. Il est possible, par les modes de représentation et leur multiplicité de lecture, de toucher sensiblement, sans savoirs précis ou prérequis. Pour la création d’espaces publics, pour la construction d’institutions, pour l’aménagement d’un quartier, il faut d’abord s’attacher à observer la ville. Prendre le temps d’observer la ville, est nécessaire avant de la transformer. Thierry Paquot note que « n’importe quel lieu urbain mérite qu’on prenne soin de lui, qu’on le ménage. »30 Par l’observation de la ville, par la marche, la dérive, la concertation avec les habitants, la coopération avec les élus et les agents municipaux, le chantier ou le voyage, pratiquer la ville et alors, faire ressortir les identités, les usages, les sensations pour ménager la ville plutôt que de l’aménager. Il faut pratiquer la ville, avant de la fabriquer.

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« Pour retrouver espoir, il me semble urgent de construire, de façon très volontaire, des espace de délibération, accessibles à tous ceux qui veulent y prendre place. Des lieux d’écoute qui permette l’expression permanente des ambitions et des aspirations, du malêtre et des souffrances de chacun. Des lieux de co-production où l’on imagine ensemble des solutions à des problèmes qui sont les nôtres. (…) Des espaces de prospective et de rêve en commun. Des lieux d’apprentissage et d’acculturation de la démocratie et de l’organisation politique. Des lieux de délibération qui reconstruisent les liens distendus entre l’individu et la société des humains, entre le quartier et la planète... » Pierre Mahey, 2005


CONCLUSION

De ces résultats d’expériences et de ces observations sur l’espace public et différents projets d’espaces communs, quel regard, alors, porter sur la fabrique de la ville ? Valparaíso, comme un théâtre urbain, découpe les scènes d’une fabrique de la ville humble et spontanée. Ces scènes sont des exemples extrêmes car s’approprier la ville, les places, les trottoirs, est là-bas, un acte culturel. Peindre les murs, là-bas, fait partie des mœurs et est même, un art contagieux. À Valparaíso, les habitants considèrent l’espace vide de la ville, comme un espace vacant, disponible, toujours lieu des possibles. La ville, qu’ils ont construite leur offre la possibilité de l’appropriation. Pour autant, qu’en est-t’il de l’espace public lorsqu’il est approprié ? Selon Sylvia Ostrowestsky (2001), « l’espace public est donc forcément un espace partageable et partagé [et son]‘‘appropriation’’ est la négation même de son existence. »31 Lorsque les joueurs de cartes de Valparaíso s’approprient la place O’Higgings, ils la font leur ; les tables, les chaises qu’ils utilisent sont les leurs. Lorsque les vendeurs sédentaires s’installent sur l’avenue Pedro Montt chaque matin, ils se l’approprient et la rue devient leur lieu de travail. Pourtant, ces usages de la ville sont aussi acteurs, selon moi, de l’espace public et de la fabrique de la ville, car la ville même, se définit au départ par les interactions entre les humains. Le fait que ces pratiques soient possibles et j’implique dans ce sens l’appropriation, rend « accessibles » ces espaces, car ils s’offrent aux besoins, aux nécessités habitantes. Par, l’appropriation de l’espace public, a contrario d’un accaparement d’un morceau de ville et alors sa confiscation aux autres, j’entends plutôt une énergie qui permet de dire « la ville, c’est aussi la mienne, alors je peux m’investir. » Puisque dans les cas cités plus 57


haut, l’appropriation n’est pas une privatisation car limitée dans le temps, différente des jours de la semaines ou du moment de la journée. En France, la ville est trop souvent la représentation du pouvoir et la culture d’une libre appropriation n’existe pas réellement. D’ailleurs, on remarque même que la sphère publique, comme lieu du débat des idées, se révèle plus grâce aux technologies internet et aux réseaux sociaux qu’aux usages de la rue. Toutefois, les projets alternatifs, proposant une autre manière de construire l’espace commun des villes, proposent justement cette appropriation, cette énergie. Car en faisant ensemble, en suggérant le partage, l’échange des savoirs, l’aléatoire parfois, ou la participation, ces projets inversent la verticalité descendante des prises de décisions, et même, la renversent et tentent de la rendre horizontale. Ainsi, on permet à tous de prendre position, et dans sa singularité, de faire partie du processus de fabrication de la ville. Par cette nouvelle fabrique de la ville, qui décloisonne les manières de faire existantes on donne « l’accès » à l’espace public comme un lieu praticable, à la portée de tous. En rendant l’acte de faire la ville public et collectif, on permet une fabrique de la ville démocratique. Cependant, les lieux qui permettent de s’impliquer, de se retrouver, d’échanger, de débattre sont encore en cours d’invention. Mais les projets alternatifs en cours, soufflent un vent de renouveau dans l’institution et évoquent la possibilité de créer des lieux de décisions publiques sur la fabrication de la ville. Il s’agit alors aujourd’hui, de développer la citoyenneté des habitants, leur faire prendre conscience de leur importance dans le processus de décision et de construction des projets et leur permettre de prendre le rôle d’acteur, de bâtisseurs de leur quartier, de leur ville, de leur société. Dans une société où les représentants décident et font les choix des projets urbains pour tous, la scène architecturale joue aujourd’hui un rôle majeur dans l’évolution de la démocratie. En ce sens, la mutation des pratiques, vers une pluridisciplinarité, développe la notion de collaboration, d’équipe pour qu’avec tous les savoirs, sans qu’ils soient hiérarchisés, on arrive au bout d’un projet collectif. 58


Enfin, les projets alternatifs, bousculant les codes établis tels que ceux des collectifs ou de l’Université foraine, expérimentent, par la production d’espace commun et montrent qu’on peut construire la ville autrement, en favorisant le lien social. Et ainsi, par la ré-appropriation des espaces communs, de la ville, admettre des nouvelles logiques de partage, de vivre ensemble. Ces moyens, sont peut-être ceux de la réalisation d’une ville adaptable, résiliente. On parle de la résilience d’un matériau comme sa capacité à absorber l’énergie d’un choc et accepter la déformation. La résilience comme une force d’adaptation, ces projet alternatifs pourraient être les outils capables d’accompagner l’évolution de la société et de la ville.

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NOTES

p.06

1

DURAND, Anne, « Du bon usage de la mutabilité » in ALTERARCHITECTURE MANIFESTO, Éditions Eterotopia + Infolio, 2012.

p.09

2

SCHAEFFER, Aurore, « Lettre a Valparaiso » in CRITICAT #10, automne 2012, p.115.

p.10

3

SCHAEFFER, Aurore, ibid., p.116.

4

« Al pintar un arte en la calle, le esta mostrando a la gente de que se puede hacer cargo del espacio público, que no es algo que es ajeno a ellos. », traduction personnelle d’un extrait de l’interview du graffeur Charkipunk in Contrapostal, film documentaire de Juan Luis Tamayo, 2013.

5

« ¿Entendería alguien la ciudad como conjunto de edificios y calles sin gente ? Seguro que no, porque la ciudad es concentración de personas, de grupos sociales heretogéneos, de colectivos diversos ; en definitiva, de gente, de ciudadanos. » D.Ramón Saúl Lueje Espina, traduction personnelle d’un extrait de G.ALFAYA Luciano + MUÑIZ Patricia, Habitares, the places of citizens - los lugares de los ciudadanos, Éditions Andar Quatro S.L., 2009, p.4.

6

PAQUOT, Thierry, « Que savons-nous de la ville et de l’urbain ? » dans De la ville et du citadin, Éditions Parenthèse, Marseille, 2003, p.15.

7

PEREC, Georges, Espèces d’espaces, Éditions Galilée, Paris, 2000, p.119.

p.26

8

G.ALFAYA Luciano + MUÑIZ Patricia, Habitares, the places of citizens - los lugares de los ciudadanos, Éditions Andar Quatro S.L., 2009, p.11.

p.27

9

Chabot, Georges, Les villes, Éditions Armand Colin, Paris, 1948, p.16 in PAQUOT, Thierry, op.cit., p.16.

10

PAQUOT, Thierry, L’espace public, Éditions La Découverte, Paris, 2009, p.3.

11

SAILLARD, Michel, ingénieur des Ponts et Chaussées, revue Urbanisme (1962) in PAQUOT, Thierry, ibid., p.86.

p.13

p.25

p.28

61


12

MERLIN, Pierre et NOISETTE, Patrice, Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement (1988), in PAQUOT, Thierry, ibidem.

13

PUMAIN, PAQUOT et KLEINSCHMAGER, Dictionnaire la ville et l’urbain (2006), in PAQUOT, Thierry, ibid., p.89.

14

LEVY, Jacques et LUSSAULT, Michel, Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés (2003), in PAQUOT, Thierry, ibid., p.88.

15

PAQUOT, Thierry, ibid., p.104.

16

Film visible sur http://vimeo.com/38364254

17

http://www.nepasplier.fr/pdf/culture-des-luttes/debats/le-repos-du-fakir/debatle-repos-du-fakir.pdf

18

CERVERA, Gilles «Notre petite ville aux allumettes» in Place Publique #20, Novembre - Décembre 2012, p.151 à 153.

19

MAHEY, Pierre, Pour une culture de la participation, Éditions Adels-revue Territoires, Paris, 2005, p.14.

p.35

20

« … la falta de espacios de libertad creativa, en los que poder expresar opiniones más allá de los canales definidos como correctos, determina la necesidad de crear mecanismos alternativos de expresión ciudadana que formenten una opinión pública más plural y menos ‘‘mediada’’... », traduction personnelle d’un extrait de G.ALFAYA Luciano + MUÑIZ Patricia, op.cit., p.138.

p.36

21

MAHEY, Pierre, op.cit., p.65.

p.39

22

PAQUOT, Thierry, ALTERARCHITECTURES MANIFESTO, Éditions Eterotopia + Infolio, 2012, p.21.

p.40

23

MAHEY, Pierre, op.cit., p.52.

p.41

24

« Autobarrios es un proyecto que estimula nuestro imaginario colectivo, nuestra autonomía y nuestra capacidad para intervenir en nuestras redes cotidianas y el entorno próximo. », traduction personnelle d’un extrait du site http://basurama. org/destacado/autobarrios

25

« proceso colectivo de reactivación de un lugar abandonado, reinventando su función y uso mediante la construcción de un espacio urbano sugerente por y para los jóvenes del barrio y el resto de vecinos. », traduction personnelle d’un

p.31

p.32

62


extrait du site http://basurama.org/proyecto/tipo/accion/autobarrios-sancristobal p.45

26

MAHEY, Pierre, op.cit., p.44.

p.46

27

Notre Atelier Commun, L’université foraine, Saint-Jacques de la Lande / Novembre 2012 - 2012, p.13.

28

Delmas, Vanina, « Brouillard sur l’Université Foraine » dans Le Mensuel de Rennes n°45, mars 2013, p.48 à 49.

p.47

29

Notre Atelier Commun, L’université foraine, Saint-Jacques de la Lande / Novembre 2012 - 2012, p.13.

p.54

30

PAQUOT, Thierry, L’espace public, Éditions La Découverte, Paris, 2009, p.103.

p.57

31

Ostrowestsky, Sylvia, Lugares, d’un continent à l’autre (2001) in PAQUOT, Thierry, ibid., p.194.

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ICONOGRAPHIE couverture

carte postale de Valparaíso, auteur inconnu

p.11 p.12

photos personnelles prises à Valparaíso, en 2013 de haut en bas photo extraite du film Contra Postal (2013) photo extraite du site http://www.ciudaddevalparaiso.cl/ photo de Oscar Pizarro sur http://www.flickr.com/ photos personnelles prises à Valparaíso, en 2013 photo de Nicolas Clairand photos personnelles prises à Valparaíso, en 2013 de haut en bas photo extraite du film Contrapostal (2013) photo personnelle prise à Valparaíso, en 2012 photo extraite du livre Habitares, the places of citizens - los lugares de los ciudadanos, Éditions Andar Quatro S.L., 2009 de G.ALFAYA Luciano et MUÑIZ Patricia (p.163) images extraites du film Le repos du fakir, Gilles pâte et Stéphane Argillet, 2003 image extraite du site http://transports.blog.lemonde.fr/2013/09/04/les-poteletsmetalliques-cauchemar-du-pieton/ de haut en bas photos extraites du site http://revelateurdesign.com/2013/03/12/petitesannonces-de-rue/ photo personnelle prise à Rennes, octobre 2013 photos extraites du site http://basurama.org/proyecto/tipo/accion/autobarriossancristobal photos extraites du site http://www.collectifetc.com/autobarrios-sancris/ photos personnelles prise à Rennes, novembre 2013 photos personnelles prise à Rennes, novembre 2013

p.15 p.16 p.19 p.20

p.29

p.30 p.33 p.34

p.43 p.44 p.49 p.50

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SOURCES / RÉFÉRENCES

Ouvrages sur la ville

PAQUOT, Thierry, Vive la ville, Éditions arléa-corlet, 1994, Condé-Sur-Noireau RONCAYOLO Marcel, LÉVY Jacques, PAQUOT Thierry, MONGIN Olivier, CARDINALI Philippe, De la ville et du citadin, Éditions Parenthèse, Marseille, 2003

sur l'espace public

LEVITTE, Agnès, Regard sur le design urbain, intrigues de piétons ordinaires, (préface de Thierry Paquot), Éditions Le Félin, 2013, Paris PÉGERIN-GENEL, Elisabeth, Des souris dans un labyrinthe, décrypter les ruses et manipulations de nos espaces quotidiens, Éditions La Découverte, Paris, 2010 PAQUOT, Thierry, L'espace public, Éditions La Découverte, Paris, 2009 G.ALFAYA Luciano + MUÑIZ Patricia, Habitares, the places of citizens - los lugares de los ciudadanos, Éditions Andar Quatro S.L., 2009 (en espagnol et en anglais)

sur les projets, les réflexions

MAHEY, Pierre, Pour une culture de la participation, Éditions Adels-revue Territoires, Paris, 2005 PAQUOT, Thierry, ASSON-ZANUSSI, Yvette, STATHOPOULOS, Marco, ALTERARCHITECTURES MANIFESTO, Éditions Eterotopia + Infolio, 2012 BOUCHAIN, Patrick, Simone & Lucien Kroll une architecture habitée, Ed. Actes Sud, 2013 MARION Christian, Participation citoyenne au projet urbain (Préface de Lucien Kroll), Ed. L'Harmattan, 2010

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PETITEAU, Jean-Yves, Nantes, récit d'une traversée Madeleine-Champs-deMars, Editions Carré, Paris, 2012 LERNER, Jaime, Acupuncture urbaine, Éditions L’Harmattan, 2007

sur Valparaiso

CLAIRAND, Nicolas, Résistance, Editions de l'Ensab, 2012

sur L’Université Foraine - Publications Indépendantes Notre Atelier Commun, L’université foraine, dis moi l’université foraine - 2013 Notre Atelier Commun, L’université foraine, Saint-Jacques de la Lande / Novembre 2012 - 2012

et

BEY, Hakim, TAZ, ZONE AUTONOME TEMPORAIRE, Editions L’éclat, 2007 PEREC, Georges, Espèce d’espaces, Edition Galilée, Paris, 2000 (notamment, les chapitres : La rue, Le quartier et La ville)

Revues Schaeffer, Aurore, « Lettre a Valparaiso » in CRITICAT #10, automne 2012, p.115 à 124 Dossier : L'Appropriation, dans Exercices d'Architecture N°4, Revue de l'ENSAB, 2012, p.11 à 75 VIOLEAU, Jean-Louis, « Patrick Bouchain, la passion du commun » in Place Publique #11, Mai - Juin 2011, p.135 à 143 Baucé, Jean, « La parole des habitants jouée sur scène » in Place Publique #21, Janvier - Février 2013, p.123 à 127 DE LEGGE, Jean, « Viva-Cité veut interroger l’avenir » in Place Publique #19, Mai - Juin 2011, p.152 à 153 CERVERA, Gilles «Notre petite ville aux allumettes» in Place Publique #20, Novembre - Décembre 2012, p.151 à 153 GUITTON, Georges, « Université Foraine, une utopie en marche » in Place Publique #23, Mai - Juin 2013, p. 84 à 84

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PAQUOT Thierry, « Que sera l’architecture ? Deux voies possibles » in Place Publique #23, Mai - Juin 2013, p.143 à 146 DOMINIQUE, Bernard, ESCOFIER, Jean-Pierre, Rolland, Jacques, « La fac pasteur - une histoire au coeur des sciences » in Place Publique #23, Mai - Juin 2013, p.87 à 93 GUITTON, Georges, « Ici, Ricoeur apprit à marcher dans la ville », in Place Publique #23, Mai - Juin 2013, p.121 à 124 PORÉE, Jérôme, « Le philosophe, l’architecte et la cité » in Place Publique #23, Mai - Juin 2013, p.125 à 130 GANDON, Jean-Baptiste, « Plan local d'humanisme » dans Rennes Métropole Magazine n°10, décembre 2012 - janvier 2013, p.46 à 49 Audigé, Isabelle, « Université Foraine, la possibilité d'un lieu » dans Les Rennais n°14, septembre - octobre 2013, p.34 Delmas, Vanina, « Brouillard sur l'Université Foraine » dans Le Mensuel de Rennes n°45, mars 2013, p.48 à 49. « Projet de grande ampleur pour l'ex-fac dentaire » dans Le Mensuel de Rennes n°39, septembre 2012, p.62 « Comprendre la ville, retour sur Viva-Cités » dans Les Rennais n°10, novembredécembre 2012, p.17 à 27 Dossier : Quel rôle demain pour les architectes ?, dans D’Architecture n°221, octobre 2013, p.59 à 77

Sites internet http://www.faisonslemur.com/projet/les-decouvertes/les-graffs-a-valparaiso.html http://www.ciudaddevalparaiso.cl/inicio/patrim_expres_arte_detalle.php?id_ categoria=1&id_subcategoria=16 http://girlfriendincoma.wordpress.com/2012/03/10/6-lespace-public-chezhabermas-ideal-degenescence-espoir-democratique/ http://www.vice.com/fr/read/un-long-entretien-avec-paul-virilio

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http://www.vacarme.org/article1384.html http://transports.blog.lemonde.fr/2013/09/04/les-potelets-metalliques-cauchemardu-pieton/ http://revelateurdesign.com/2013/03/12/petites-annonces-de-rue/ http://basurama.org/proyecto/tipo/accion/autobarrios-sancristobal http://www.collectifetc.com/autobarrios-sancris/ http://metropole.rennes.fr/actualites/les-themes/citoyennete/viva-cites/ http://metropole.rennes.fr/viva-cites/articles/l-universite-foraine/ http://metropole.rennes.fr/actualites/les-themes/vie-sociale/la-deambulationjoyeuse-de-luniversite-foraine/ http://metropole.rennes.fr/actualites/les-themes/citoyennete/l-universiteforaine-ouvre-le-debat/

Émissions radiophoniques Radio France Culture, VILLES-MONDES par catherine Liber, Valparaiso escale 1, le 17.11.2013 – 15:00-16:00 Valparaiso escale 2, le 24.11.2013 – 15:00-16:00

Vidéos / Films Le repos du fakir, Gilles pâte et Stéphane Argillet, 2003 (6 minutes 30) visible sur : http://vimeo.com/38364254 A Valparaiso, Joris Ivens 1967 (26 minutes) visible sur : http://vimeo.com/5690624 Contrapostal, Juan Luis Tamayo, 2013 (56 minutes) bande annonce visible sur : http://vimeo.com/67909579 74 metros quadrados, Paola Castillo et Tiziana Panizza, 2012 (67 minutes) bande annonce visible sur : http://vimeo.com/49055461

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Témoignage de façon informelle : Margarida, à Colombes, le 23 décembre 2013, sur le projet R-urban de l’Atelier d’Architecture Autogéré.

Conférences Lucien Kroll et Khedidja Mamou dans le cadre du cycle de conférence ‘‘Villes en Europe’’, le 25 novembre 2013 - Hôtel de Rennes Métropole. Marie Blanckeart dans le cadre du cycle de conférence annuel de l’ENSAB, le 12 février 2014 - IUFM

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“ Un homme marche et, crée de fait une rue (…). Un homme marche, croise le premier, ils s’arrêtent pour parler et créent une place. ’’ Lucien Kroll, le 25 novembre 2013 à l’Hôtel de Rennes Métropole


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