L'architecture de mémoire - L'expérience du mémorial au delà du simple souvenir

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L’ARCHITECTURE DE MÉMOIRE L’EXPÉRIENCE DU MÉMORIAL, AU-DELÀ DU SIMPLE SOUVENIR Le Mémorial des martyrs de la déportation et Le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe

ÉTUD. BLANC Teva UNIT E0932B - MÉMOIRE 3 - MÉMOIRE INITIATION RECHERCHE

SRC

DE.MEM TUT.SEP

CATTANT Julie MONNOT Serge

MARCH ARCH

S09 DEM AMTH 20-21 FI

© ENSAL


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L’ARCHITECTURE DE MÉMOIRE L’EXPÉRIENCE DU MÉMORIAL, AU-DELÀ DU SIMPLE SOUVENIR Le Mémorial des martyrs de la déportation et Le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe

Teva BLANC

École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon

Semestre 09 - Janvier 2021 E0932B Mémoire d’initiation à la recherche Directrice d’étude : Julie CATTANT

ÉTUD. BLANC Teva UNIT E0932B - MÉMOIRE 3 - MÉMOIRE INITIATION RECHERCHE

SRC

DE.MEM TUT.SEP

CATTANT Julie MONNOT Serge

MARCH ARCH

S09 DEM AMTH 20-21 FI

© ENSAL


ABSTRACT « Nothing is forgotten ; the convoys, the work, the confinement, the barracks, the sickness, the cold, the lack of sleep, the hunger, the humiliations, the degradation, the beatings, the shouts... no, nothing can or must be forgotten ». These are the strong words of Simone Veil in Une Vie. But then, how to describe ? How to tell? How to transcribe ? How to capture what has not been shown, what has not been lived, what has not been photographed, in short, what is ineffable and inconceivable? At a time when the evolution of the world seems to be pushing humanity to better think, conceive and build its future, it is paradoxical to note the growing need and duty to remember the past. What places, messages and forms are given to memory and remembrance? Inheriting an important symbolic and meaning, the architecture of memory, today, questions itself, seeks and questions itself... Memory used to be contemplated, now it is lived. Physical and emotional experience succeed contemplation. Figuration gives way to abstraction. Through the Memorial to the Martyrs of Deportation and the Memorial to the Murdered Jews of Europe, this research work attempts to highlight the participation of architecture in the apprehension of memory. The aim is to observe and understand the articulation between the sensory and cognitive dimensions that are an integral part of these works of remembrance. Living, feeling and experiencing in order to arouse and evoke a drama that is difficult to represent, this is the common postulate. How, for what purposes and what are the potential limits of memory built up through experience? The reception and intelligibility of these architectures of memory by their visitors, who are now the protagonists of them, appear to be inescapable for the transmission of memory. Between perception and understanding, emotions and cognition, this research questions the sensory and didactic engagement in the work of thought, and in particular the thought put at the service of the work of memory. Common denominators, tensions and complementarities.


RÉSUMÉ « Rien ne s’efface ; les convois, le travail, l’enfermement, les baraques, la maladie, le froid, le manque de sommeil, la faim, les humiliations, l’avilissement, les coups, les cris... non, rien ne peut ni ne doit être oublié ». Tels sont les propos, forts, que tient Simone Veil dans Une Vie. Mais alors, comment décrire ? Comment raconter ? Comment transcrire ? Comment saisir ce qui n’a pas été montré, ce qui n’a pas été vécu, ce qui n’a pas été photographié, en bref, ce qui relève de l’ineffable et de l’inconcevable ? À l’heure où l’évolution du monde semble pousser l’humanité à mieux penser, concevoir et construire son futur, il est paradoxal de constater le besoin et le devoir grandissant de se souvenir du passé. Quelles places, quels messages et quelles formes sont données à la mémoire et au souvenir ? Héritière d’une symbolique et d’une signification importante, l’architecture de mémoire, aujourd’hui, se remet en cause, se cherche et questionne...La mémoire se contemplait, maintenant elle se vit. L’expérience physique et émotionnelle succèdent à la contemplation. La figuration laisse place à l’abstraction. Au travers du Mémorial des martyrs de la déportation et du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe, ce travail de recherche tente de mettre en lumière la participation de l’architecture à l’appréhension du souvenir. Il s’agit d’observer et de comprendre l’articulation entre la dimension sensorielle et la dimension cognitive qui font parties intégrantes de ces œuvres mémorielles. Vivre, ressentir et éprouver pour susciter et évoquer un drame difficilement représentable, tel est le postulat commun. Comment, dans quels buts et quelles sont les potentielles limites de la mémoire édifiée au travers de l’expérience ? La réception et l’intelligibilité de ces architectures de mémoire par leurs visiteurs, dorénavant protagonistes de celles-ci, apparaissent comme inéluctables pour la transmission du souvenir. Entre perceptions et compréhension, émotions et cognition, cette recherche interroge l’engagement sensoriel et didactique dans le travail de la pensée et notamment de la pensée mise au service du travail de mémoire. Dénominateurs communs, tensions et complémentarités.

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REMERCIEMENTS Tout d’abord, je tiens à remercier Julie Cattant, ma directrice d’étude, pour son accompagnement bienveillant tout au long de mon travail pour ce mémoire d’initiation à la recherche. Julie Cattant a su m’orienter tout au long de ce processus et enrichir mon travail tant sur la méthodologie que sur l’exploration de nouvelles pistes et ressources. Je remercie également mes proches et mes amis pour leurs conseils et leurs échanges qui m’ont permis de maintenir le cap dans ce travail, qui m’accompagne depuis maintenant près de quatre années. Enfin, je remercie les personnes, qui de près ou de loin et sans même le savoir, ont contribué à l’évolution et à l’élaboration de ce sujet de recherche, qu’il s’agisse d’architectes-enseignants de l’ENSAL, de conférenciers, ou bien d’amis proches partageant avec moi un penchant pour les sujets de mémoire dits « atypiques ».

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AVANT-PROPOS « Mais pourquoi ? » « Quel est le lien avec tes études ? » « Ah bon ?! C’est étrange dis donc ! » « Quelqu’un t’a imposé ce sujet ? » C’est d’abord un froncement de sourcils suivi d’un subtil mouvement de recul de la tête. Ensuite, il y a le rire ; non pas le rire enthousiaste mais le rire nerveux, celui qui installe un climat particulier, qui exprime la gêne de mon interlocuteur. Telles sont les réactions que je reçois à l’énonciation de mon sujet de recherche en dehors du cadre de l’École. L’incompréhension, tout simplement. L’incompréhension que je puisse m’intéresser à un sujet comme celui-ci. Qui plus est d’étudier des architectures liées aux évènements de la Seconde Guerre mondiale et particulièrement à la boucherie1 que fut l’extermination organisée et programmée de centaines de milliers de personnes. Et surtout l’incompréhension que je puisse y trouver un certain intérêt. Pourquoi ? Pour être totalement franc, j’esquive encore cette question car je n’ai pas la réponse. La mort, malheureusement de plus en plus présente dans l’actualité du monde qui nous entoure, semble toujours être un sujet tabou. Lui accorder de l’attention m’apporte de la culpabilité. Coupable de lire un livre de 700 pages sur lequel est inscrit en lettres capitales HOLOCAUSTE et dans lequel des photos de corps décharnés se suivent, et cela, dans le métro, le matin à 7h45. Mais il y a comme un besoin de comprendre, du moins d’expliquer - de s’expliquer. De saisir et de ressentir ce que d’autres ont pu vivre pour que l’expérience mémorielle s’ancre en soi et devienne indélébile. Ce mémoire d’initiation à la recherche va bien au-delà de l’architecture mémorielle, et notamment de l’architecture au service du souvenir des victimes du nationale-socialisme et du récit des horreurs commises. C’est une clé d’entrée vers des questionnements plus grands qui interrogent la capacité de l’architecture à transmettre un message à ceux qui la traversent et qui daignent l’écouter. Indéniablement, l’architecture communique. Implicitement, c’est peut être pour cela que je m’intéresse à ce sujet. 1. BREGMAN Ruther, Humanité. Une histoire optimiste.

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Ce mémoire d’initiation à la recherche trouve sûrement son origine dans une attirance, que certains pourraient qualifier d’« étrange », envers les évènements de la Seconde Guerre mondiale qui ont marqué l’histoire de l’humanité. Je ne cesse de m’interroger sur le pourquoi du comment, sur la meilleure manière de pouvoir comprendre ce qui semble incompréhensible. C’est lors de ma troisième année de licence à l’ENSAL et de ma première rencontre avec le domaine de la recherche que j’ai saisi l’opportunité d’étudier cette thématique qui m’intriguait tant, au travers du prisme de l’architecture. Est alors apparu le terme de Mémorial. Drôle de nom que j’entendais pour la première fois et dont je ne mesurais pas encore ni la signification ni l’immense bagage historique qu’il renfermait. Cette même année, lors de mon voyage initiatique dans la capitale allemande et à l’issu de mon expérience au sein du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe, j’ai réellement pris conscience de l’enjeu d’une telle architecture. Le visiteur lambda, que j’étais, était mitigé. Le jeune architecte en devenir, lui, était intrigué. J’avais face à moi une architecture conçue dans l’unique but de proposer une expérience à ceux qui la parcourent et de transmettre ce souvenir aux générations à venir. Où ? Pourquoi ? Comment ? Quels en sont les tenants, les aboutissants et les limites ? Quelques recherches et conférences plus tard, un nouveau monde et un nouveau regard sur l’architecture, qui m’étais jusqu’alors enseignée, s’ouvrait à moi. Relations, tensions, dialogues, confrontations, autant de situations mêlant Homme et architecture. Pour ce travail de recherche de master, il me semblait pertinent et obligatoire de poursuivre ces questionnements que je n’avais que partiellement creusé en licence. J’ai donc souhaité considérer ce mémoire comme une opportunité d’enrichir ma culture architecturale en considérant la pluridisciplinarité qui émane du sujet. D’aloïs Riegl à Françoise Choay, de la philosophie à la sociologie, en passant par les récits théoriques et d’expériences, ce travail cherche à dépasser les questionnements basiques sur le mémorial et sur son architecture qui conditionne le corps des visiteurs. Il y a une volonté d’aller au-delà de la conception et de la réalisation de cette architecture de mémoire. 10


PRÉAMBULE La réception et l’intelligibilité du mémorial par ceux qui le parcourent est une donnée importante pour mettre en lumière l’essence de ce genre de programme architectural qui navigue entre passé, présent et futur. Dans le cadre de ce mémoire d’initiation à la recherche, le corpus, réduit à l’observation et l’analyse du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe et au Mémorial des martyrs de la déportation, s’est par la suite élargi à l’étude du Musée Juifs de Berlin afin d’appuyer et/ou de réfuter certains questionnements secondaires et ainsi ouvrir la voie à de nouvelles thématiques de recherche futures. Il est apparu comme essentiel de ne pas fonder seulement cette recherche sur les écrits ou les productions graphiques des architectes mais bien d’étendre cela aux avis de ceux qui vivent ces architectures de mémoire. Ainsi, la mise en place de questionnaires sur les retours d’expériences, mais aussi la prise en compte d’avis laissés sur le site internet Tripadvisor ont permis d’élargir et d’ancrer ce travail dans une réalité plus vaste et subjective. De par un contexte sanitaire mondial particulier, cette recherche, bien qu’aboutie à ce stade, aurait mérité un approfondissement quant à l’analyse du point de vue des visiteurs sur les études de cas. In fine, ce n’est que récemment, à l’approche de la date fatidique du rendu de ce travail qui m’accompagne depuis quelques années, que je pense avoir compris pleinement ce que celui-ci m’a apporté, personnellement et professionnellement. Ce n’est qu’à présent que je peux porter un regard critique sur toutes mes productions architecturales universitaires et saisir l’importance qu’à pu avoir ce mémoire d’initiation à la recherche sur cellesci. Ce travail n’est pas une recherche isolée, mais il peut s’inscrire dans des thématiques qui sont plus vastes et qui, selon moi, doivent faire partie intégrante de la conception de ma future profession d’architecte, à savoir le rapport et le dialogue qui s’instaure, obligatoirement, entre l’architecture et ses usagers, mais aussi l’impacte de l’une sur l’autre tant sur l’espace que la temporalité. Aucun trait ne peut être anodin. Aucun trait ne doit être vain. Par-delà le cadre académique dans lequel s’inscrit cet exercice, ce travail est une opportunité et un support de communication quant au rôle que peut jouer l’architecture sur les perceptions de l’Homme, et notamment les sens mis au service du travail de mémoire. 11



SOMMAIRE RÉSUMÉ

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REMERCIEMENTS

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AVANT-PROPOS

09

PRÉAMBULE

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SOMMAIRE

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INTRODUCTION

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PARTIE I :

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La mémoire - constats, complexités et enjeux Un contexte particulier

Une mutation de la tradition commémorative Acteurs du projet et choix du site

Le long et laborieux processus du concours

PARTIE II : La matérialisation de la mémoire

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L’implantation du mémorial

L’expérimentation physique

Les aménagements pédagogiques Sortir du mémorial

PARTIE III : Réception et intelligibilité de la mémoire par l’architecture

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Compréhensions et interprétations Un mémorial qui enseigne ? Musée Juif de Berlin Mémorial et musée

CONCLUSION

177

GLOSSAIRE

183

ANNEXES

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BIBLIOGRAPHIE

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TABLE DES MATIÈRES

225 13


VEIL Simone, Une vie. LEVI Primo, Si c’est un homme.


INTRODUCTION

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Je peux oublier beaucoup de choses, mais pas ces dates. Elles demeurent attachées à mon être le plus profond, comme le tatouage du numéro 78 651 sur la peau de mon bras gauche. À tout jamais, elles sont les traces indélébiles de ce que j’ai vécu.

SIMONE VEIL

Mon nom est 174 517 ; nous avons été baptisés et aussi longtemps que nous vivrons nous porterons cette marque tatouée sur le bras gauche. PRIMO LEVI

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Introduction

Un peu plus tôt cette année était célébré le 65ème anniversaire de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Tristement célèbre pour les 1,1 million1 de personnes qui ont perdu la vie entre ses murs, le Lager2 nazi est devenu le symbole du génocide perpétré par le Troisième Reich pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette année, le 27 janvier 2020, les sirènes du camp ont retentit, une nouvelle fois, pour rappeler à l’humanité le besoin et le devoir de se souvenir que, ce même jour, en 1945, se clôturait l’une des pages les plus sombres de l’Histoire et s’ouvrait celle, difficile, du souvenir. Le souvenir. Ce qui reste après le geste3 . Conflits mondiaux, meurtres de masse, déportations, camps de concentration et camps d’extermination ; ce qui reste après, c’est le souvenir : « cette survivance dans la mémoire, d’une sensation, d’une impression, d’une idée ou d’un évènement passé4 ». La mémoire, qui peut se définir comme l’aptitude à se souvenir, à conserver et à restituer5 , est l’une des caractéristiques fondatrices de l’Homme. Telle qu’elle est définie par Maurice Halbwachs6 , elle se décline en deux natures différentes : la mémoire individuelle et la mémoire collective. L’une est personnelle, l’autre est sociale. L’une est inhérente à la construction de l’identité de l’individu, l’autre est plus artificielle, constituant le lien fondateur au sein d’une famille, d’un groupe de paires, d’un peuple ou d’une nation. La mémoire permet aux individus de s’identifier entre eux mais aussi de s’identifier en tant que groupe partageant des valeurs communes. Ainsi, au fil des générations, elle permet à ces derniers de savoir qui ils sont, d’où ils viennent mais aussi d’ébaucher leur futur. Face à un futur incertain, nous développons un fétichisme de la trace. Cependant, aussi indispensable et féconde soit-elle, la mémoire ne peut combattre seule le temps qui passe et le passage compté des individus sur Terre. L’oubli, cette absence de souvenir dans la mémoire7 , est un adversaire redoutable. Plus la mémoire s’épuise, plus l’oubli grandit.

1. Selon les calculs de l’historien Franiciszek Piper, 1,1 million de personnes dont 960 000 juifs, 75 000 Polonais, 21 000 Tsiganes et 15 000 prisonniers de guerre soviétiques. Ces chiffres font aujourd’hui consensus parmi les historiens. 2. Mot allemand signifiant « Camp », dans Larousse de poche Allemand 2008. Camp de concentration : Konzentrationslager / Camp d’extermination : Vernichtungslager. 3. GODBOUT Jacques, « L’aquarium », 1962. 4. Petit Larousse Compact 2002. 5. Ibid.

6. HALBWACHS Maurice, La mémoire collective. 7. CNTRL.fr.

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Introduction

C’est ainsi que l’architecture participe à la construction, à la stimulation et à la pérennité de la mémoire, par sa contribution à refréner l’oubli. Pour ce faire, la mémoire a besoin de se localiser et de se matérialiser, d’être un support tangible. Comme le développe Dominique Chevalier, « la commémoration a besoin de s’inscrire dans une dimension spatiale. Elle requiert donc la création de lieux spécifiques qui permettent le souvenir et l’inscription des mémoires et des évènements1 ». Ce support matériel prend la forme du monument. Aloïs Riegl, historien de l’art, donna cette définition du monument : Au sens le plus ancien, le plus originel, on entend par monument une œuvre créée de la main de l’homme et édifiée dans le but précis de conserver toujours présent et vivant dans la conscience des générations futures le souvenir de telle action ou de telle destinée (ou des combinaisons de l’une ou de l’autre)2 . Les monuments existent depuis la préhistoire et n’ont cessé d’évoluer au fil du temps. Du tumulus à la nécropole, des pyramides aux mégalithes, des cénotaphes aux stèles, les premiers monuments sont d’abord funéraires, c’est-à-dire dédiés à la commémoration des morts. Annette Wieviorka dit que « toute société fonctionne malgré et contre la mort. Mais elle n’existe aussi que par, avec et dans la mort. Sa culture, c’est-à-dire un patrimoine collectif de savoirs, de savoir-faire, de normes, de formes d’organisations n’a de sens que parce que les générations anciennes meurent et qu’il faut sans cesse la transmettre aux générations nouvelles3 ». En ce sens, le monument témoigne de nos modes de vie, de nos histoires collectives et individuelles et de nos traumatismes. Il est le reflet de nos sociétés. Telles que ces dernières, il évolue lui aussi. Le monument questionne de nouvelles formes et de nouveaux espaces ; il est investi de nouveaux sens et de nouvelles significations ; il est édifié par et pour des personnes précises et différentes. De fait, le terme «monument» se modifie, se qualifie et se pluralise (monument commémoratif, monument funéraire, monument aux morts, mémorial, etc.) et il devient difficile, du moins en français, de par les différentes formes qu’il peut prendre, de le spécifier. Dans la langue de Goethe, il existe trois termes pour qualifier le monument. Le premier, le Denkmal4 , issu du verbe denken signifiant « penser », est une œuvre 1. CHEVALIER Dominique, « Les musées urbains de la Shoah comme objets d’enjeux géopolitiques et espace-temps de l’entre-deux », EspacesTemps.net, Revue indisciplinaire de sciences sociales Travaux, page 9.

2. RIEGL Aloïs, Le culte moderne des monuments, Traduit de l’allemand par Matthieu DUMONT et Arthur LOCHMANN, Paris, Éditions Allia, 2016, page 9. 3. WIEVIORKA Annette, « Mémoriaux et mémorial », Revue Française d’Etudes Américaines, n°51, février 1992, page 58. 4. Larousse de Poche Allemand 2008

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Introduction

d’art érigée pour commémorer et rappeler le souvenir d’une personne ou d’un évènement. Le second, le Mahnmal1 , qui se compose du verbe mahnen se traduisant par « avertir », fait allusion à un monument commémorant un passé négatif, inassumable et évoquant l’avertissement pour les populations présentes et futures. Enfin, le troisième terme employé est celui de Ehrenmal2 , provenant du verbe ehren se rapprochant d’« honorer » exprime quant à lui la glorification d’une personnalité, d’un évènement ou d’une nation. Ces distinctions étymologiques permettent de distinguer l’essence, invariable, du monument3 de sa fonction qui peut évoluer. De ce fait, les différents épithètes ou termes employés pour parler d’un monument (tels que -aux morts, -commémoratif, -funéraire ou mémorial) sont, si l’emploi de cette expression est permis, des « sous-catégories ». Ils ont les mêmes valeurs intrinsèques mais ils se distinguent par ce qu’ils dénomment, par les formes qu’ils prennent, mais aussi et surtout par les valeurs contemporaines qu’on leurs assigne et l’usage courant et contemporain qu’il est fait d’eux. Ceci sera expliqué dans la suite de ce travail de recherche afin de montrer l’évolution des terminologies du monument, au monuments aux morts, au mémorial. Cependant, pour la bonne compréhension de cette recherche, il convient de revenir sur quelques glissements sémantiques qui pourraient porter à confusion. Le premier concerne le monument historique. Ce terme juridique qui apparait, en France, en 1790, et qui concerne la conservation d’un site, d’un objet, d’un édifice, d’un bien meuble ou d’un immeuble qui présente un intérêt public au point de vue de l’histoire ou de l’art4 . Ce statut ne relève en rien des qualités intrinsèques du monument, tel que nous le comprenons pour ce mémoire de recherche. Le second est au sujet de l’adjectif monumental, qui dérive du mot monument, mais qui dans son acceptation contemporaine renvoie plus au caractère de grandiose, de remarquable par son importance et/ou ses proportions plutôt qu’au fait de vouloir remémorer une personne et/ ou un évènement. Au cours du XXème siècle, il semble qu’une évolution dans la tradition commémorative s’est opérée. L’usage du terme « mémorial » semble se substituer, ou du moins se préférer, à celui de « monument ». Suite à de nombreux facteurs, développés dans la suite de ce mémoire, la matérialisation du souvenir évolue, et avec elle, les termes employés. Si jusqu’à présent

1. Ibid. 2. Ibid.

3. Du latin monumentum, de monere : avertir, alerter, prévenir, conseiller, informer

4. DEBRAY Régis, Partie « Trace, forme ou message ? », MELOT Michel (coordinateur), La confusion des monuments, Cahier de médicologie n°7, Paris, Éditions Gallimard, 1er semestre 1999, page 29.

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le monument employait des canons esthétiques1 ou des formes admises culturellement, dorénavant le mémorial semble être une nouvelle forme hybride du monument, dans laquelle la perpétuation du souvenir se compose intimement avec une conception spatiale différente de celui-ci. Le mémorial ne relève plus d’un objet ou d’une sculpture que le passant contemple. Il s’établit en véritable lieu, propice à la commémoration et au recueillement. Il cherche à engager le visiteur corporellement dans une expérience physique et psychique (le corps et la pensée). Le mémorial, tel que nous le considérons pour la suite de cette étude, aide à se remémorer le passé, à conserver, à transmettre et à perpétuer le souvenir en s’érigeant dans l’espace public pour contrer les troubles de la mémoire, le refoulement, l’occultation et l’oubli, tout en favorisant une interprétation individuelle et une expérimentation physique intime et singulière de la mémoire. Touchée, perçue, frôlée, traversée, parcourue ou arpentée, dorénavant la mémoire se vit. Le mémorial cherche à se situer quant à l’indicible et l’inimaginable qu’il commémore. C’est dans cette tentative d’une interprétation individuelle du passé et d’une expérimentation intime et singulière avec le souvenir, à la lumière du Mémorial aux Juifs assassinées d’Europe ainsi que du Mémorial des Martyrs de la Déportation que se positionne ce travail. Le mémorial commémore un fait passé ou des personnes disparues avec pour objectif premier « de faire en sorte que le moment associé à ce monument ne soit jamais relégué dans le passé, [et] d’en garder présent le souvenir dans la conscience des générations [présentes et] à venir2 ». Il y a cette volonté, dès la conception et l’édification du monument, que ce dernier transmette3 un souvenir, c’est-à-dire une sensation, une impression, une idée ou un évènement à celle ou celui qui observe et parcourt le mémorial. Ce « quelque chose », qui pourrait s’apparenter à un message4 puisque le mémorial est en quelque sorte un messager5 intemporel, varie selon les lieux, les époques et les personnes. Les premières questions que l’on peut se poser concernant ces édifices mémoriels sont les suivantes : Quel(s) souvenir(s) et/ ou message(s) est transmis aux visiteurs ? Comment et pourquoi ? Quelle est la nature de ce message ? Qui construit, au sens large (de l’initiateur du projet jusqu’au constructeur), et pour qui et dans quel(s) but(s) ?

1. Un canon est considéré comme un ensemble des règles ou des modèles lié au monde des arts et de l’architecture. La canonisation est la systématisation de cet ensemble des modèles. La matérialisation du canon est constitué par les ordres architecturaux. 2. RIEGL Aloïs, Le culte moderne des monuments, p. 68-69.

3. Du latin transmittere signifiant « faire parvenir à quelqu’un », « confier, faire passer », d’après CNTRL.fr. 4. Du latin missus, envoyé signifiant « information, nouvelle transmise à quelqu’un », d’après le Petit Larousse Compact 2002. 5. Celui qui est chargé de porter un message.

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Cependant, les mémoriaux dédiés à la Seconde Guerre mondiale sont nombreux et ont fleurit, et fleurissent toujours, un peu partout dans le monde. Leurs formes sont diverses et variées tout comme les souvenirs et les messages qu’ils rappellent et transmettent. De ce fait, pour pouvoir observer et analyser les mémoriaux, il est essentiel de réduire le champ d’étude afin de pouvoir établir des corrélations, des tensions voire des comparaisons entre les différentes manières « de faire » et les différentes volontés et aspirations qui ont amené à ces résultats. Le premier choix majeur pour sélectionner les mémoriaux à étudier, outre le fait d’être en lien avec cette période sombre de l’Histoire qu’est la guerre de 1939-1945, est l’identité des personnes pour lesquels ces derniers sont consacrés1 . Qu’il s’agisse du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe ou bien du Mémorial des Martyrs de la déportation, les deux œuvres sont dédiées2 , de manière générale, aux victimes du régime nazi et des horreurs perpétrées aux civils3 sous l’égide d’Adolf Hitler. Comme l’écrit à juste titre Annette Wieviorka : «Auschwitz désigne désormais par métonymie la Shoah». De nos jours, parler des victimes des bourreaux allemands se résume, malheureusement et à tort, aux personnes juives. L’objectif de la sélection de ces mémoriaux n’est pas de catégoriser et différencier les différentes identités des victimes mais bien de comprendre le « statut de victime » au sens général, sans distinctions de genre, de sexualité, de croyances, de santé, etc. Le second critère de sélection de ces études de cas concerne leur position géographique. L’une est située à Berlin, dans la capitale allemande, l’autre est située en France, à Paris. Ces deux pays ont participé aux évènements marquants de la Seconde Guerre mondiale. L’un étant l’instigateur de ces politiques destructrices, l’autre ayant collaboré dans l’exécution de ces dernières. Il est, dans la vie d’une nation, des moments qui blessent la mémoire, et l’idée que l’on se fait de son pays. Ces moments, il est difficile de les évoquer, parce que l’on ne sait pas toujours trouver les mots justes pour rappeler l’horreur, pour dire le chagrin de celles et ceux qui ont vécu la tragédie. Celles et ceux qui sont marqués à jamais dans leur âme et dans leur chair par le souvenir de ces journées de larmes et de honte. Il est difficile de les évoquer, aussi, parce que ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée 1. Terme employé ici comme l’« action de donner à quelqu’un, à quelque chose une place éminente », et non comme l’aspect religieux et donc sacré qui est implicite à l’étymologie. D’après Larousse.fr

2. Dédier : mettre un livre, une oeuvre d’art sous le patronage de qulqu’un, le lui offrir en hommage. Petit Larousse Compact 2002. 3. À comprendre ici non pas comme les combattants envoyés sur les champs de bataille, mais bien comme les citoyens lambdas victimes des discriminations nazies.

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par des Français, par l’État français.1 Par ailleurs, ces mémoriaux, de part leur proximité géographique, peuvent être visités facilement et ainsi bénéficier au développement de ce travail de recherche. La dernière condition de sélection est au sujet de l’implantation des mémoriaux. Ces derniers sont édifiés au sein des capitales respectives des deux pays, non pas sur des lieux précis où se sont déroulés les crimes nazis, tels que les camps de concentration ou les camps d’extermination voire les ghettos, mais ils s’érigent plutôt dans l’espace public « ordinaire ». Ces différents éléments d’analyse permettent de réduire le nombre de mémoriaux à étudier et d’induire une possible mise en dialogue entre les deux études de cas sélectionnées. S’attarder sur l’identité des personnes pour qui les deux monuments sont édifiés permet de soulever la dimension pathétique de ceux-ci, mais aussi de questionner les sentiments de honte, de culpabilité ou d’identification qui peuvent émerger. Comparer deux exemples, situés dans deux pays différents, c’est interroger deux contextes historiques, deux temporalités, deux identités nationales, deux volontés mémorielles que tout semble opposer. Distinguer les mémoriaux construits sur les lieux mêmes de la mémoire, à forte charge historique et symbolique, de ceux réalisés dans l’espace public quotidien, sans attaches apparentes à l’Histoire, c’est poser les questions de sens, de signification, d’importance et de symbolique de ces choix. De plus, le mise en balance de projets si différents, aussi bien dans leurs échelles, dans leurs conceptions et dans leurs formes, nous permet de questionner et de saisir les enjeux architecturaux qui semblent communs et fondamentaux à la spatialisation de la mémoire et du souvenir. Pléthore d’interrogations émergent alors. Dans quels buts la mémoire estelle édifiée au travers de l’expérience ? Quelles circonstances ont amené à ce choix ? Comment la mémoire est-elle spatialiser ? Quels sont les dispositifs architecturaux qui tentent d’établir un lien entre les visiteurs et le souvenir, et comment se mettent-ils en place ? D’ailleurs, il est tout aussi important de se questionner sur leurs potentielles limites et pertinences. Par ailleurs, comment ces nouvelles architectures mémorielles sont-elles reçues par le public ? Une inquiétude sur l’intelligibilité du message délivré par ces dernières est-elle fondée ? Les mémoriaux étudiés répondent-ils aux volontés qui ont amené à leur conception ? Quelle est la place de l’engagement émotif et sensoriel dans le travail de la pensée, et notamment de la pensée mise au service du travail de mémoire ? 1. Extrait du discours prononcé par le Président de la République Française Jacques Chirac le 16 juillet 1995 à l’occasion des cérémonies commémorant la grande rafle des 16 et 17 juillet 1942. Il reconnait la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs.

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Introduction

Ainsi, à travers ce mémoire de recherche, nous nous demanderons : En quoi l’expérience physique de l’architecture de ces mémoriaux - le Mémorial des martyrs de la déportation et le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe peut-elle participer à l’appréhension du souvenir des victimes du régime nazi ? Et comment s’articulent la dimension sensorielle et cognitive ? Dans cette démarche, il s’agira dans un premier temps de questionner le contexte de la matérialisation de la mémoire. Nous essaierons de comprendre comment l’évolution de la tradition commémorative a impacté l’architecture mémorielle, à la lumière de la Seconde Guerre mondiale. Le choix des acteurs des projets ainsi que des sites d’implantation seront des données essentielles pour observer les tensions et les enjeux qui précèdent à la concrétisation de telles architectures. Puis, nous observerons les formes architecturales que prennent ces mémoriaux. Dès lors, il s’agira d’étudier et de questionner les volontés des architectes ainsi que les moyens mis en place, par ces derniers, pour impliquer le corps et l’esprit des visiteurs dans la commémoration. L’expérience physique et émotionnelle ainsi que le côté didactique voire pédagogique des études de cas seront mis en confrontation afin d’interroger la place de l’un par rapport à l’autre et vice-versa, et ainsi soulever les possibles connexions ou dis-connexions qui peuvent s’établir. Dans un troisième et dernier temps, la réception, l’interprétation et la compréhension de ces lieux par leurs visiteurs seront au cœur de la recherche. Dans une volonté d’expliquer les potentielles limites, et la nature de celles-ci, des mémoriaux en question, la recherche se basera, en partie, sur l’exploitation des avis et des retours des visiteurs eux-mêmes grâce aux questionnaires établis. L’apport d’une étude de cas secondaire, avec la prise en compte de la recherche effectuée jusqu’alors permettra de mettre en lumière les qualités intrinsèques à chaque programme architectural et les façons dont celles-ci sont appliquées et perçues. Cet ultime volet de recherche s’interroge sur le dialogue entre émotions et informations, entre expérience et didactique - au service du souvenir et de la mémoire.

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RUSKIN John, The seven lamps of architecture. ARRIGHI Paul, 1er Bulletin du Réseau du Souvenir.


LA MÉMOIRE

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CONSTATS, COMPLEXITÉS ET ENJEUX

We may live without her [architecture], and worship without her, but we cannot remember without her.

JOHN RUSKIN

Il nous faut construire du concret pour qu’après l’on se souvienne. PAUL ARRIGHI

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UN CONTEXTE PARTICULIER La seconde guerre mondiale marque un tournant dans l’histoire de l’humanité. Elle constitue le conflit armé le plus vaste qui ai jamais existé mais aussi la plus grande guerre idéologique de l’Histoire. Les pertes humaines sont estimées à près de 60 millions1 d’hommes et de femmes, de civils et de militaires de tous pays confondus. Au total, plus de 42 millions de civils ont perdus la vie durant ce conflit mondial soit près de 64%2 des pertes humaines. Pas moins de 60 nations sont impliquées dans la guerre qui se déroule partout en Europe jusqu’en Asie, allant même jusqu’au nord de l’Afrique et la partie méditerranéenne du Moyen-orient. Outre le nombre de victimes et de pays impliqués dans ce confit mondial du XXe siècle, la montée en puissance de l’atrocité des faits et des idéologies extrémistes marquent durablement l’Histoire. En effet, au début des années 1920, l’Allemagne voit naître un parti politique d’extrême droite appelé le nationale-socialisme, avec à sa tête Adolf Hitler. L’idéologie nazie est simple. Elle se base sur une division de l’espèce humaine en différentes « races ». La « race aryenne » considérée comme supérieure est intrinsèquement faite pour diriger, ce sont les « surhommes », les Übermenschen. Et en face, les « races moins bonnes », celles qui sont destinées a être dirigées, contrôlées voire tuées, ce sont les « sous-hommes », les Untermenschen. Le parti politique accède au pouvoir de l’Allemagne en 1933 et répand ainsi de manière significative sa vision du monde, d’abord à l’échelle nationale, puis mondiale au travers de violences civiles et militaires xénophobes, racistes et antisémites d’un nouveau genre (cf. annexe 1). Ces actes menés avant et pendant la seconde guerre mondiale renforcent le bilan et l’intensité du conflit. Bien que les violences perpétrées par le régime nazi d’Allemagne touchent de multiples « catégories » telles que les malades mentaux, les opposants politiques, les tsiganes, les asociaux ou encore les homosexuels, la majorité des victimes est juive. Selon le site internet de l’Encyclopédie multimédia de la Shoah, l’ensemble des victimes du régime nazi et de ses politiques d’exécutions, de déportations, de concentrations et d’exterminations s’élèverait à 11 millions de morts dont 6 millions de juifs3 . Le terme Shoah, qui veut dire « catastrophe » en hébreu, désigne ainsi, dans les pays

1. Wikipédia.fr. 2. Ibid.

3. http://memorial-wlc.recette.lbn.fr/fr/

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francophones, l’extermination des Juifs en Europe1 . De nos jours ce terme est employé, à tort et souvent par manque de connaissances, pour établir un raccourci entre les Juifs et le reste des victimes du régime nazi et ainsi parler des morts de cette période de l’Histoire, de manière générale, en employant le mot « Shoah ». Dans cette étude, ce vocable ne fera pas référence à cet amalgame mais signifiera la volonté de parler des victimes de confession juives, et elles seules uniquement. Cela sera notamment le cas au sujet du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe. Cette part importante du peuple juif exterminé et les stigmatisations incessantes et automatiques dont il a été la victime durant ces années noires l’ont placés, à bien des égards, au rang de victime « majeure ». Les propos d’Yves Lescure mettent en lumière cette distinction, que bon nombre d’historiens s’attachent à souligner afin d’expliquer l’idéologie nazie : « Dans un cas des personnes ont été reportées pour ce qu’elles ont fait, dans l’autre pour ce qu’elles étaient. Il ne faut pas faire l’amalgame entre logique de concentration et d’extermination. Dans un cas la mort était conséquence. Dans l’autre, elle était le but2 ». C’est en cela que la Seconde Guerre mondiale se distingue des conflits armés qui ont précédé. Le coté religieux mis de coté, les victimes, dont nous parlons dans ce travail, sont des civils. Non pas des « dommages collatéraux » mais bien personnes choisies et visées : un père, une mère, un frère, une sœur, un fils, une fille, un ami proche ou une connaissance du quotidien… Comme à la fin de chaque conflit entraînant des pertes humaines vient le moment de faire le deuil de ceux disparus. Là, la tâche n’est pas aisée. Tout d’abord, qui peut faire son deuil ? Souvent, des familles entières ont été tuées et il ne reste donc plus personne, du cercle familial, pour rendre hommage aux morts. Puis, comme l’induit la culture occidentale, où peut-on enterrer les défunts ? La majorité, si ce n’est l’intégralité des victimes du régime nazie a été brûlée dans les fours crématoires des camps d’extermination ou bien jetée dans les fosses communes. De fait, il n’y a pas ou presque pas de dépouilles à inhumer donc ni de sépultures sur lesquelles se recueillir. Enfin, comment peut-on donner une forme à cette commémoration ? Une pierre tombale dans un cimetière ou bien une statue sur l’espace public, quel est le meilleur moyen pour se souvenir de ces personnes arrachées à la vie pour ce qu’elles étaient - vivantes ? 1. En France, l’usage du terme « Shoah » est préféré à celui d’« holocauste » qui signifie un sacrifice religieux. On utilise aussi les termes d’« Holocauste », de « génocide juif » ou « génocide nazi », voire « génocide », de « judéocide » ou encore de « destruction des Juifs d’Europe ». La Shoah est un génocide, terme initialement formé en 1944 par le juriste Raphael Lemkin afin de désigner l’extermination des Juifs d’Europe. En 1985, le film de Claude Lanzmann popularise le terme. Dès lors, Shoah s’impose très largement en France, puis dans une grande partie du monde occidental, concurrençant le mot « Holocauste » dans le monde anglo-saxon.

2. Propos de LESCURE Yves dans un entretien au journal Le Monde le 17 novembre 2004, in BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, Paris, Éditions du Linteau, 2015, p. 11.

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Arc de triomphe, Paris

Statue Louis XIV, Place des victoires, Paris

© Internet

© Internet

Porte de Brandebourg, Berlin © Internet

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Colonne de la victoire, Berlin © Internet


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UNE MUTATION DE LA TRADITION COMMÉMORATIVE Tous ces questionnements qui émergent au sortir de la Seconde Guerre mondiale réinterrogent la tradition commémorative tant sur le fond que sur la forme. Comme nous l’avons vu dans l’introduction, le monument est intrinsèque à l’histoire de l’humanité et des sociétés qui se sont succédées. Il est le reflet de celles-ci et il incarne pour les générations à venir les valeurs et les représentations que des femmes et des hommes ont eu à un instant T. Pour comprendre le tournant majeur opéré par les événements du Troisième Reich sur la tradition commémorative il faut faire un état des lieux, bref, de l’évolution des formes et des significations du monument au cours de l’Histoire, plus particulièrement à partir de la Première Guerre mondiale, afin d’en connaitre les tenants et les aboutissants. En dehors du domaine religieux où le monument, depuis l’antiquité, est un support des rites funéraires, dédié aux défunts, dans le domaine public, celui-ci est un véritable objet qui sert la mémoire collective et les pouvoirs en place. Jusqu’au XIXe siècle le monument commémoratif est avant tout une architecture qui est édifiée pour glorifier des souverains, des personnalités, des évènements heureux marquants ou encore des victoires de guerres. L’arc de triomphe, la colonne commémorative ou encore la statue équestre, sont les formes principales que prend le monument, au sens d’Ehrenmal, en allemand. Ces bâtiments à l’échelle imposante sont les héritiers de l’architecture antique. L’accession au trône d’un monarque ou d’un empereur, le décès d’un membre de la famille royale, l’hommage aux généraux victorieux des conquêtes des territoires sont autant de motifs à l’origine de l’érection d’arcs de triomphe, de colonnes commémoratives ou de statue équestres. Au cours des siècles, ces architectures et ces sculptures deviennent rapidement des éléments essentiels de la vie politique des régimes au pouvoir. En effet, érigés dans l’espace public à des endroits à forte symbolique comme l’entrée d’un ville, sur un axe de circulation majeur ou bien sur une place, ils assurent leur propre visibilité et donc la visibilité de la personne ou de l’événement qu’ils commémorent. Ces monuments commémoratifs sont avant tout le choix d’un ou plusieurs acteurs, souvent hauts placés dans la hiérarchie sociale. Ils ne sont donc pas neutres mais bien socialement et politiquement orientés. Ainsi, en s’imposant à la vue de tous, l’arc de triomphe, la colonne ou encore la statue équestre représentent et incarnent, au-delà de leur fonction commémorative, la grandeur et la puissance militaire, économique et politique d’un régime ou d’une personne.

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Statue de soldat, Condom

Stèle commémorative, Ploemeur

© Internet

© Internet

Sculpture commémorative, Strasbourg

© Internet

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Obélisque, Thyez © Crédit personnel


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D’abord conçus comme des monuments à la victoire, ils sont vite devenus monument à la douleur, au souvenir de ceux qui sont partis et qui ne sont pas revenus, aux camarades malchanceux, aux fils et aux pères arrachés à leur terre.1 L’ouverture du XXe siècle avec la Première Guerre mondiale engendre un bouleversement important des valeurs et des notions du monument commémoratif. Jamais auparavant, une guerre n’avait mobilisé un si grand nombre de soldats et en avait perdu tout autant. Près de 9,7 millions2 de soldats ont perdu la vie dans les tranchées et pas moins de 8,9 millions de civils. Face à ces évènements nouveaux, le monument prend de nouvelles lignes directrices comme l’indiquent les propos de Michel Ragon. Désormais, il ne s’agit non plus de célébrer une victoire ou de glorifier un roi mais bien de rendre hommage aux masses d’hommes et de femmes qui ont contribué à cette guerre, qui sont partis au front et qui n’en sont jamais revenu vivant. Un véritable renversement des valeurs s’opère. Dès lors, les dirigeants politiques appuyés par les populations endeuillées décident d’honorer et de commémorer les victimes civiles et les combattants morts pour la patrie. Dorénavant, le monument devient plus « personnel ». Il cesse d’être une œuvre que le passant contemple sans véritable intérêt pour devenir un support tangible du souvenir de la guerre, et plus précisément le support du souvenir d’un enfant, d’un parent ou d’un ami disparu. Quand les moyens financiers le permettent, les communes et les villages écrivent les noms et les prénoms des soldats et des civils qui ont péris à même les monuments commémoratifs. Si cela n’est pas le cas, il n’est pas rare de voir écrit « À nos enfants morts pour la patrie » ou « À la mémoire de nos combattants » afin de rappeler à chacun le sacrifice qui a été fait. De manière générale, aucune mort n’est oubliée et c’est par le biais de cette « personnalisation » du monument que celui-ci prend une tout autre dimension : pathétique. En France, l’un des pays dont les morts sont les plus nombreuses, une mobilisation commémorative d’une ampleur sans précédent voit le jour. Quelque 35 000 monuments fleurissent partout dans le pays pour rendre hommage et se souvenir des personnes qui ont donné leur vie pour que la patrie puisse vivre.

1. RAGON Michel, L’espace de la mort : Essai sur l’architecture, la décoration et l’urbanisme funéraire, Paris, Éditions Albin Michel, 1981, p.122. 2. Wikipédia.fr.

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L’idée d’élever des monuments aux morts des guerres ne date pas de celle de 1914-1918, mais aucune n’en a autant suscité. Il n’y a pratiquement pas de commune en France qui n’ait son monument aux morts de 1914.1 Ces édifices commémoratifs prennent la forme d’une stèle, d’un obélisque, d’une statue ou d’une simple plaque et se positionnent, dans chaque village, près des institutions étatiques et symboliques, à savoir la place du village, la place de la mairie ou encore près de l’école. Cet emplacement n’est pas anodin, il permet d’appuyer la reconnaissance et l’hommage de l’État aux victimes, dans le village même où elles ont vécues afin d’établir une mémoire commune autour de la Grande Guerre. Pour des raisons économiques ces monuments dédiés aux morts ne sont pas imposants ni grandioses mais ils prennent place dans l’espace public, au plus près des familles des défunts afin de permettre un lieu de recueillement ainsi qu’un espace pour les commémorations nationales. Alain Prost2 s’exprime ainsi au sujet des monuments aux morts dans Les lieux de mémoire : « Les monuments aux morts tirent d’abord leur signification de leur localisation dans un espace qui n’est pas neutre. Les dresser dans la cour de l’école, sur la place de la mairie, devant l’église, dans le cimetière, ou au plus passant des carrefours n’est pas un choix innocent ». L’État et les pouvoirs politiques, par le biais de l’emplacement de ces monuments aux morts au sein des villages, cherchent à assurer et transmettre une unité de la nation face à de tels évènements, par le partage du chagrin et du souvenir. Alors qu’en 1918, la majorité des pays concernés par la guerre cherche à se relever et à se reconstruire par le biais d’une mémoire collective unie, en mémoire des Poilus. La situation est tout autre à partir de 1945. Comme nous l’avons vu précédemment, les soldats ne sont pas les seuls a avoir perdu la vie sur le champ de bataille. Des civils sont morts, eux aussi, non pas comme supposés dommages collatéraux mais bien parce qu’ils étaient la cible première du nationale-socialisme. En résulte, au sortir de la guerre, une multitude de volontés mémorielles afin de commémorer chaque victime pour ce qu’elle était. Dans un premier temps, les pays semblent dans l’impossibilité d’établir une seule et unique mémoire collective qui unirait les populations afin de reconstruire le pays et d’ébaucher un futur meilleur. Tout d’abord l’identité des victimes est multiple, tout comme les raisons et les conditions de leur mort. Se souvenir d’elles sans les distinguer pour ce qu’elles étaient et ce pour quoi elles sont mortes peut uniformiser 1. PROST Alain, « Les monuments aux morts », in NORA Pierre, Les lieux de mémoire, tome 1, Paris, Éditions Gallimard, 1984, p.195-196. 2. Ibid., p. 200.

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et amoindrir la gravité des faits dont elles ont été les victimes. Puis, cette guerre raciale n’a pas fait l’unanimité des pouvoirs politiques. Des groupes de résistances se sont dressés face aux régimes en place et aux atrocités commises, rendant plus complexe l’organisation d’une histoire commune et collective et donc d’une mémoire unie. Cependant, le besoin de se souvenir de ce qui s’est passé et de commémorer les victimes est bien présent et nécessaire. Mais comment faire ? Le monument aux morts, qui illustre et incarne les victimes de la Première Guerre mondiale, ne semble plus correspondre ni suffire aux besoins mémoriels qui émergent. Ce dernier ne trouve plus de sens face à ce qu’il doit incarner et transmettre. Le monument est requestionné dans sa forme, dans son emplacement, dans sa portée symbolique et politique afin de conserver toujours présent et vivant le souvenir des victimes dans les consciences des générations présentes et futures.

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ACTEURS DU PROJET ET CHOIX DU SITE Une volonté mémorielle forte - des contexte différents Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’ensemble des pays enclenche des volontés et des politiques mémorielles nationales afin de reconstruire les identités nationales et de permettent le deuil des victimes et le recueillement des familles. En France, dans les premières années qui suivent la fin de la guerre, les victimes civiles sont peu considérées et la mémoire des déportés est d’abord intégrée au sein d’une vision globale de la France résistante et combattante à l’initiative du Général De Gaulle, afin de ramener une cohésion nationale et d’oublier les traumatismes de l’occupation. Dans un premier temps, les survivants de la déportation restent discrets face à un pays qui ne peut pas et qui ne veut pas croire leurs récits. Puis, certaines paroles s’élèvent et les épisodes d’horreur liés à la concentration et à l’extermination de certaines populations sortent de l’ombre. De nombreuses associations d’anciens déportés prennent part au débat public et politique et permettent l’émergence de mémoires multiples tout en réclamant la reconnaissance et la commémoration de leurs pairs disparus sous la tyrannie nazie. L’instauration de la Journée nationale de la déportation en 1954, participera à l’institutionnalisation de la mémoire de la déportation et à son intégration dans la conscience nationale. L’Allemagne, quant à elle, fait figure d’exception dans le sens où, capitulant sa défaite 8 mai 1945, elle est annexée et placée sous l’autorité des pays vainqueurs et ne peut prétendre développer un mémoire unificatrice du pays dans l’immédiat. Le soir du 9 novembre 1989, une brèche est faite dans le mur de Berlin, qui sépare alors la ville entre l’occupation de l’URSS à l’est et celle des États-unis, de la France et de la Grande Bretagne à l’ouest. C’est ainsi que s’enclenche le long processus de réunification de l’Allemagne de l’est et de l’ouest, dans une quête d’identité nationale mais aussi de mémoire commune. Durant la guerre froide, différentes commémorations sont mises en place, aussi bien en République Démocratique d’Allemagne qu’en République Fédérale d’Allemagne, pour rendre hommage et se souvenir des combattants, revenus vivants ou non de la guerre, mais aussi des civils qui ont pu périr dans les attaques et les sièges. Cependant, la commémoration des victimes du nazisme met plus longtemps à émerger et à se faire entendre.

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Le combat des associations C’est en 1952 que le Mémorial des martyrs français de la déportation naît de l’initiative de l’association le Réseau du souvenir. Fondée par Annette Christian-Lazard, résistante, déportée dont le mari est mort à Auschwitz et par l’avocat Paul Arrighi, rescapé du camp de Mauthausen, l’association a pour objectif principal d’œuvrer pour la mémoire des déportés et des victimes de la Seconde Guerre mondiale. Cette mission dont se sentent investis les membres du Réseau du souvenir s’inscrit, en France comme partout ailleurs, dans un paysage mémoriel en construction où tout est à penser. Les langues comment à se délier, les bilans humains s’affinent, les images des camps font surface, les documents s’accumulent et s’archivent, autant de paramètres qui poussent et renforcent la volonté de l’association d’ériger un monument en souvenir des vies sacrifiées de centaines de milliers d’hommes, de femmes, et d’enfants, déportés par mesures de répressions et dans le cadre de la « Solution finale ». Les paroles de Paul Arrighi affirment cette volonté et cette nécessité d’ériger un monument : « Le Réseau du Souvenir estime qu’il est nécessaire qu’un Monument conserve dans la pierre l’évocation de cette tragique épopée que fut celle des martyrs des camps de concentration nazis. Bien entendu, ce Monument qui aura un caractère national, sera élevé à la mémoire de tous les Déportés quels qu’ils soient, hommes, femmes, bourgeois, ouvriers ou paysans, israélites ou libres penseurs1 ». Si les formes que doivent prendre cet édifice ainsi que son emplacement ne sont pas encore définis, l’association le Réseau du souvenir est sûre d’une chose, le monument rendra hommage aux déportés français et il prendra place au sein de la capitale, dans une volonté d’établir un monument laïc mais surtout national. Jean Cassou, le président de la commission artistique de l’association l’exprime ainsi : « Le Réseau du Souvenir s’est assigné la première tâche urgente de l’établissement au cœur de Paris d’un Monument qui perpétuera le grand souvenir qui nous unit tous, et à l’endroit qui incarne vraiment l’âme de Paris et l’âme de la France2 ». En Allemagne, l’année 1989 est décisive. Avant même la chute du mur de Berlin le 9 novembre, l’évolution de la situation politique entre les blocs de l’Est et de l’Ouest laisse à penser la fin proche de la guerre froide. C’est dans ce contexte d’un remaniement politique et donc d’une émergence nouvelle de la mémoire, qu’à Berlin, un cercle de personnes issues de la société civile, regroupées autour de l’historien Eberhard Jäckel et de la journaliste Léa Rosh, a l’initiative de construire un monument consacré à la Shoah. Ce groupement intitulé Perspektive Berlin se donne pour objectif de doter 1. BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p. 16. 2. Ibid., p. 15.

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l’ancienne capitale du Reich, Berlin, d’un monument d’un portée nationale consacré au génocide1 des juifs perpétré en Europe. D’autant plus que la décision d’établir Berlin comme la nouvelle capitale de l’Allemagne réunifiée à la place de Bonn, capitale de 1949 à 1990 de la RFA - est un facteur décisif dans la symbolique d’un tel monument dans cette ville. (…) qu’il y a cinquante ans de cela, les nazis avaient pris le pouvoir, et qu’ils furent responsable de l’extermination des juifs. Que sur le sol allemand, n’existe toujours pas de mémorial en souvenir de cet acte. Que ce manque est une honte. Que pour tout allemand, qu’il soit de l’Est ou de l’Ouest l’érection de ce monument, doit lui apparaître comme nécessaire2 . Les mots de la présidente de l’association Perspektive Berlin, Léa Rosh, dans son discours du 30 janvier 1989, à l’occasion de l’anniversaire de la prise du pouvoir par Adolf Hitler, sont percutants et représentatifs d’une nouvelle vision de la mémoire. La nouvelle génération, celle dont les parents et les grands parents ont directement vécu et participé - en suivant les politiques idéologiques ou en s’y opposant - à cette période de l’histoire, se sent de plus en plus concernée par ce passé dont elle est héritière. Comme le dit Irène Kruse, c’est le « peuple allemand, les descendants des bourreaux3 » qui a pour devoir de « construire » ce monument, dans une démarche collective et unificatrice. Ce mémorial « par opposition aux lieux de commémoration dans les pays des victimes, […] allait s’agir d’un monument täderzentriert (centré sur les auteurs du crime) et non opferzentriert (centré sur les victimes)4 ». Le projet du mémorial, avant même de voir le jour, dès sa genèse, s’affirme comme une entreprise complexe et cathartique pour le peuple allemand : l’Allemagne allait avoir sur son territoire, dans sa capitale même, un monument rappelant des crimes jugés « contre l’humanité5 », commis par la nation elle-même. Jürgen Habermas, dans « Les Allemands et leur mémorial », exprime assez 1. « Ce qui définit en premier lieu un génocide est la volonté de détruire un groupe humain non seulement en son entier dans le présent, mais surtout de le faire disparaitre en tant «qu’humain». C’est-à-dire effacer toute trace de son passé, de sa culture, de son histoire, en le réduisant à n’avoir jamais existé, lui rendant tout avenir inaccessible. À cet effacement s’ajoute l’organisation de l’effacement et son déni. » SCHLAGDENHAUFFEN Régis, La bibliothèque vide et le mémorial de l’Holocaust de Berlin, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 139. 2. Discours de la présidente de l’association Perspective Berlin, créée durant l’été 1988, du 30 janvier 1989, jour de l’anniversaire de la prise du pouvoir par Adolf Hitler, dans SCHLAGDENHAUFFEN Régis, La bibliothèque vide et le mémorial de l’Holocaust de Berlin, p.114. 3. KRUSE Irène, « Le mémorial de l’holocauste de Berlin », p. 26 4. Ibid., p.26.

5. Le concept de crime contre l’humanité apparaît pour la première fois dans le droit positif en 1945 dans le statut du Tribunal militaire de Nuremberg, établi par la Charte de Londres. Il est forgé par Hersch Lauterpacht. Ignorant le principe fondamental de non-rétroactivité des lois pénales, cette nouvelle incrimination était destinée à juger les responsables des atrocités exceptionnelles commises pendant la Seconde Guerre mondiale, en particulier ce qu’on appellera beaucoup plus tard la Shoah.

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bien l’impact de ce projet sur le peuple allemand : « C’est l’une des finalités de ce mémorial que d’exiger des générations futures qu’elles prennent position. Il faudra qu’elles aussi se déterminent par rapport à ce qu’exprimera le mémorial […]1 ». La dimension d’avertissement du Mahnmal prend ici tout son sens. Le passé négatif de l’Allemagne, au travers du mémorial, se traduit par une mise en garde pour les générations futures. D’ailleurs, dans le langage courant, de manière usuelle, il est appelé Holocaust-Mahnmal, à comprendre comme Mémorial de l’Holocauste. Cependant, comme nous le verrons par la suite, de part l’identité nationale que le mémorial berlinois se doit de symboliser, c’est le terme Denkmal qui lui est préféré - Denkmal für die ermordeten Juden Europas - car celui-ci assume une fonction identitaire collective et nationale ; rôle que le Mahnmal ne peut supporter puisqu’il est avant tout destiné à l’échelle locale2 . Ainsi, le deuil, le recueillement mais surtout la culpabilité seront affichés au quotidien aux yeux des allemands. C’est en parti pour cela que le mémorial a suscité autant de débats dans la sphère publique. De plus, les survivants, après un long silence pour réaliser ce qui leur était arrivé et dans la peur de disparaitre de ce monde sans transmettre leurs récits, décident de prendre de plus en plus la parole et de témoigner. S’ajoute à cela les procès des dirigeants nazis et la mise en lumière des atrocités perpétrées et de l’horreur des camps de concentration et d’extermination aux yeux du grand public. La maturation et le recul nécessaire semble être acquis afin de pouvoir et de devoir ériger un monument en l’honneur des victimes de la barbarie nationale-socialiste sur le territoire même des instigateurs. Le 7 novembre 1989, soit deux jours avant la chute du mur de Berlin, Perspektive Berlin se dote d’une structure associative lui permettant de militer plus efficacement pour l’érection de ce monument. Celui-ci a pour objectif de rappeler, à l’intention des générations n’ayant pas elles-mêmes vécu cette période, les forfaits commis sous le nationale-socialisme avec pour volonté que ce qui s’est produit ne puisse plus jamais se reproduire. Bien que le Mémorial des martyrs de la déportation et le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe n’aient pas vu le jour au même moment ni dans le même pays, ils naissent tous les deux de la volonté d’associations ayant un objectif commun : commémorer et se souvenir des victimes du régime nazi qui a sévi de 1933 à 1945. Les deux associations s’accordent également sur le fait d’édifier des mémoriaux nationaux, qui parlent à tous et pour tous, en amorçant un souvenir et une mémoire commune. Cependant, le Réseau du souvenir décide de réaliser un monument pour tous les martyrs français de la déportation. Perspektive Berlin, quant à elle, préfère dédier son monument à tous les juifs d’Europe victimes du génocide initié par les nazis. 1. HABERMAS Jürgen, « Les Allemands et leur mémorial », Cités, vol. 78, no. 2, 2019, page 115. 2. KRUSE Irène, « Le mémorial de l’holocauste de Berlin », p. 26-27.

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Hôtel de ville

Île de la Cité Notre-Dame de Paris Île Saint-Louis

Plan de situation de la ville de Paris en 2021 © Source image PLANS

Plan de masses du Mémorial des martyrs de la déportation © Source image PLANS

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Le choix d’un site Les deux associations cherchent à mettre en place des mémoriaux qui ont une portée mémorielle nationale, voire internationale, afin d’établir et de pérenniser à l’échelle du pays la mémoire de ces évènements et des personnes disparues. L’un des choix les plus important à faire pour permettre cela reste celui du site d’implantation du mémorial. L’idée de construire un mémorial est une chose, mais savoir où l’implanter en est une autre. Qu’il soit en rupture, en continuité, à distance ou à proximité de son site, le monument commémoratif, comme toute architecture, interagit fortement avec son site, quitte à ce que celui-ci inspire et dicte le dessin de l’œuvre. L’emplacement ne peut pas être laissé au hasard. À Paris, le choix semble facile et s’effectue « rapidement ». L’association désire un site à la symbolique historique et commémorative et qui soit, de surcroit, un espace urbain assez central dans la capitale. La présidente du Réseau du souvenir propose plusieurs sites : le jardin du Trocadéro, le jardin des Invalides, le jardin de la tour Saint Jacques, la place Dauphine et la morgue à la pointe de l’île de la Cité. Finalement, ce sera ce dernier emplacement qui fera l’unanimité malgré une réserve de la ville de Paris quant à la réalisation d’un tel monument sur ce lieu. De fait, le conseil municipal de la ville de Paris émet d’abord un avis défavorable, en juin 1954, quant au choix de l’implantation. Il faudra presque deux ans, pour qu’en mars 1956, le conseil change d’avis après de multiples démarches de la part de l’association pour légitimer son choix. De plus, la présence du risque naturel des crues de la Seine ne rend pas l’acceptation du terrain auprès des autorités facile. Les services de la navigation fluviale mentionnent différents projets pour aménager les murs de la pointe de la Cité et un musoir pour mieux répartir les eaux de la Seine. L’architecte s’entretient et négocie de 1956 à 1958 avec eux afin d’établir des compromis et connaitre les potentiels impacts d’un des deux ouvrages sur l’autre, et vice-versa. Ce site se situe dans le 4ème arrondissement de la capitale, à la pointe est de l’île, considérée comme l’antique berceau de la ville. Là, où se sont succédés, au fil des siècles, détritus, décharge publique, jardin, morgue puis enfin square1 , à proximité de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Jean Cassou formule le positionnement de l’association de cette manière : « Les membres de la commission, composée d’experts, de critiques d’art et d’artistes, se sont mis d’accord sur l’endroit le plus central, le plus symbolique que l’on put choisir, c’est-à-dire la pointe de la Cité… La pointe 1. Au XIVe siècle, la parcelle du mémorial actuel est remplie de gravats et de détritus liés à la construction de Notre-Dame. En 1687, un jardin y prends place. En 1868, le baron Haussmann, réformant entièrement l’urbanisme de la ville de Paris, décide de construire la morgue de la ville à la pointe de l’île de la Cité. C’est en 1914, que le square de l’Île de France y trouvera sa place, avant de se voir compléter du mémorial en 1962.

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Chancellerie fédérale Palais du Reichstag Ambassade française Porte de Brandebourg Ambassade britannique Ambassade américaine Notre-Dame de Paris

Postdamer Platz

Plan de situation de la ville de Paris en 2021 © Source image PLANS

Plan de masses du Mémorial des martyrs de la déportation © Source image PLANS

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de cette double galère dont a parlé Péguy, noyau d’où est partie Paris et d’où est partie la France, par conséquent autour duquel s’est formé tout le sol de la Patrie.1 » À Berlin, le choix du site est plus complexe. Alors qu’il s’agit d’un sujet sensible que de vouloir ériger un monument pour les victimes juives au sein même de la capitale du pays instigateur de ces atrocités, du coté politique, le projet de construction du mémorial est reçu favorablement, notamment par le chancelier Helmut Kohl. Ce monument est l’occasion d’unir l’Allemagne dans sa démarche de mémoire et d’unifier les récits mais aussi d’assumer les responsabilités du peuple allemand-nazi. Perspektive Berlin a d’abord pensé à implanter le monument à la place du siège de la police secrète du régime nazi, le quartier généra des SS : la Gestapo. Ce lieux était chargé symboliquement puisqu’il représente le véritable centre névralgique de la politique de persécution et d’extermination du nazisme. Cependant, après plusieurs débats, le site est attribué à un autre groupe pour la construction du centre de documentation Topographie de la terreur, retraçant l’histoire du régime nazi et de la mise en place des politiques racistes et xénophobes. L’association part donc à la recherche d’un autre site et au même moment, la chute du Mur de Berlin va libérer plusieurs territoires urbains, et l’État met donc à disposition un grand terrain de près de 20 000m2 , situé en plein centre de Berlin, à quelques dizaines de mètres de la Porte de Brandebourg, du parc du Tiergarten et du nouveau centre gouvernemental en construction. Si, sous le IIIe Reich, les centres du pouvoir, tels que la Chancellerie ou la Wilhelmstrasse (équivalent du Quai d’Orsay) voire le bunker d’Hitler, étaient à proximité du site retenu, ce dernier ne dégage pas autant de symbolique que le terrain imaginé initialement. Néanmoins, le terrain sélectionné par l’association se trouve sur le tracé du mur de Berlin, là où s’étendait le no man’s land, dans l’ancien jardin des ministères, à la frontière entre Berlin Est et Berlin Ouest. « Sur le même plan que les nouveaux centres institutionnels, économiques et culturels, il se trouve même à une place topographiquement privilégiée, comme s’il était l’élément central de l’Allemagne réunifiée.2 » Ce second choix de site permet de lier fortement l’histoire et la mémoire des victimes de la Shoah à celles de la nouvelle Allemagne réunifiée. Bien que les choix des sites d’implantation des deux mémoriaux soient différents par leur position dans le tissu urbain, par leurs dimensions ainsi par l’histoire du lieu choisi, il n’en demeure pas moins que ces derniers s’implantent dans la capitale respective de leur pays. Par ailleurs, le choix des parcelles n’est pas laissé au hasard. Une véritable recherche est faite 1. BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p. 21.

2. WADBLED Nathanaël, « Das Denkmal für die Ermordeten Juden Europas : Un dispositif d’enseignement ? », Revue d’Histoire de la Shoah, vol. 193, no. 2, 2010, p. 465.

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pour trouver un lieu central, significatif, qui peut et qui doit être vu, et qui doit faire sens pour tout un chacun. Ces localisations au sein des capitales, sur des lieux à plus ou moins forte symbolique ont pour projet d’ancrer fortement et définitivement les mémoriaux et ce qu’ils représentent dans l’histoire et la mémoire collective de la nation. Il s’agit de partager à l’échelle nationale, une reconnaissance, une peine, un deuil, une responsabilité.

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LE LONG ET LABORIEUX PROCESSUS DU CONCOURS Les associations le Réseau du souvenir et Perspektive Berlin décident toutes les deux d’organiser un concours d’architecture pour la conception et la réalisation de leurs mémoriaux. Si pour le Mémorial aux martyrs de la déportation situé à Paris la maitrise d’ouvrage semble assez fixée sur les formes que doit prendre le monument, pour le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe la réponse est loin d’être facile. Cependant, tout deux, malgré leurs temporalités différentes font face à de nombreux questionnements et débats qui allongent le processus de conception et de construction mais qui participent pleinement à la réflexion au sujet du monument commémoratif. La question ultime de ces concours d’architecture étant la forme que doivent prendre ces mémoriaux. Faut-il suivre un modèle « classique » du monument commémoratif qui reprend les canons artistiques de la tradition commémorative ? Ou bien, faut-il penser et concevoir quelque chose de nouveau, qui sorte de l’ordinaire des monuments aux morts et qui permette de mieux répondre aux évènements et aux victimes ? Le concours : l’architecture et la sculpture En juin 1953, à Paris, le Réseau du souvenir lance un concours d’architecture fermé auquel pourront participer trois couples architectesculpteur préalablement choisis par l’association elle-même. Il s’agit de Georges-Henri Pingusson accompagné de l’artiste Raymond Veysset, de l’architecte André Arbus accompagné de Robert Couturier, et enfin de JeanCharles Moreux et d’Emmanuel Auriscote. Le choix de ces personnalités s’appuie en partie sur leur renommée et sur leurs travaux respectifs et les valeurs qu’ils incarnent dans leurs domaines respectifs, à savoir, la modernité, la tradition ou encore la figuration ou bien l’abstraction. La volonté de l’association de faire travailler des binômes d’architecte et de sculpteur n’est pas anodine et fortement révélatrice des clivages qui sont encore en place dans cette période d’après-guerre. En effet, la combinaison de ces corps de métier a pour objectif d’aboutir à un monument qui prenne en compte toutes les données programmatiques (sujet, région, emplacement orientation, matériaux, dimensions, etc) - le rôle supposé de l’architecte - mais aussi un monument qui soit la symbiose parfaite des émotions se rapportant à ce qui est commémorer - l’inspiration supposée comme don du sculpteur. De plus, la place prédominante que semble accorder le Réseau du souvenir à la participation d’un sculpteur pour ce concours d’architecture montre bien l’importance de la discipline sculpturale dans la tradition commémorative même si cette dernière est amenée à évoluer pour répondre aux demandes contemporaines. 43


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Esquisse pour le Mémorial des martyrs de la déportation par Georges-Henri Pingusson et Raymond Veysset, 1954, Paris.

Esquisse pour le Mémorial des martyrs de la déportation par Jean-Charles Moreux et d’Emmanuel Auriscote, 1954, Paris. © TEXIER Simon, Georges-Henri Pingusson Architecte

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Nous nous sommes mis d’accord également sur les formes, les aspects que devraient revêtir ce monument. Il ne devra pas s’élever comme les statues ou les monuments ordinaires, mais au contraire s’accorder avec un site dont les lignes, déjà, présentent une harmonie tout à fait caractéristique ; il ne devra pas rompre cette horizontalité qui est formée par le niveau du fleuve et la proue de l’île. Il devra donc se rapprocher de la forme d’une dalle mortuaire, cette dalle devant être le toit d’une crypte à l’intérieur de laquelle on pourra accéder à un recueillement plus intime et également à une manifestation collective.1 Les propos du directeur de la commission artistique sont clairs. L’association, par un long travail de recherche, compose et recompose les archétypes de l’architecture commémorative dans le but d’affiner le programme et l’organisation du mémorial et de donner des directives et des intention précises aux trois équipes concourant. Les binômes ont quelques mois pour soumettre des avant-projets et la décision finale de l’association est donnée le 14 décembre 1953, retenant l’architecte Georges-Henri Pingusson et le sculpteur Raymond Veysset pour réaliser le mémorial. En Allemagne, la situation est différente. Le premier concours d’architecture lancé en 1995 et ouvert à tous est un échec. 528 projets sont étudiés par le comité de sélection mais aucun ne fait l’unanimité des pouvoirs politiques, publics ni de l’association. Le résultat de ce concours est à l’image de la situation dans laquelle se trouve l’Allemagne à propos de sa mémoire et de la difficulté de la représenter et de la matérialiser. Les propositions sont nombreuses, audacieuses, monumentales, artistiques, littérales, etc. Autant de possibilités diverses et variées puisque la forme et le sens du mémorial ne sont mêmes pas décidés en amont par les responsables du projet, contrairement au Réseau du souvenir. Cette indécision et cette latence de directives plus claires vient probablement du fait que commémorer les victimes de tels événements est une nouveauté dans la tradition commémorative, d’autant plus quand le mémorial se trouve sur le territoire où sont nées les politiques nazies. Personne ne sait réellement comment matérialiser la déportation, les exterminations par les Einsatzgruppen, les camps de concentrations et d’exterminations voire les souffrances et les violences subies par les victimes ; et s’il faut vraiment les matérialiser.

1. Propos de CASSOU Jean au sujet des orientations prises par la commission artistique , in BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p. 24.

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Maquette pour le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe par Gesin Weinmiller, 1995, Berlin.

Maquette pour le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe par Daniel Libeskind, 1995, Berlin

Maquette pour le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe par Simon Ungers, 1995, Berlin.

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Projet de 18 murs de pierre éparpillés sur un sol en pente, recouvert de graviers, qui descend sous le niveau de la ville.

Projet d’un grand mur fragmenté, venant comme une extension du Musée Juif de Berlin. Le projet est refusé en raison de son image trop signifiante, trop similaire au mur de Berlin.

Il s’agit d’un carré de 85 x 85 m en acier, reposant sur quatre blocs de béton aux angles. Dans le projet, l’acier est perforé par des noms de camps d’extermination, de sorte que le soleil projette ces noms au sol. © https://www.hgb-leipzig.de/mahnmal/ denk01.html#denk1_02


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À Paris comme à Berlin, que ce soit dans les années 1950 ou dans les années 1990, la forme du mémorial questionne et divise. Faut-il suivre un modèle pédagogique du musée ou du centre de documentation, tel que le complexe de Yad Vashem à Jérusalem ou le musée de l’Holocauste à Washington ? Ou bien, faut-il penser un monument davantage axé sur la symbolique ? À trop faire dans la figuration, le mémorial risque de tomber dans un voyeurisme morbide et le non-respect des mémoires. À être trop abstrait, il risque de ne pas faire passer le bon message aux visiteurs ! Un nouveau concours est lancé en 1997. Cependant, la participation se fait sur invitation, « seules les neufs équipes arrivées finalistes deux ans plus tôt ainsi qu’une vingtaine d’architectes et d’artistes1 » (peintres, sculpteurs, etc) sont amenées à concourir de nouveau. Une précision est apportée au programme : « que la dimension n’est pas une donnée absolue, mais que reste plus importante la question de l’échelle par rapport à la structure urbaine2 ». En effet, lors du précédent concours, outre les œuvres et les bâtiments imaginés, ce qui manquait le plus au mémorial, selon le comité de sélection, était un lien avec la ville. Les dimensions du site ne sont ne sont pas faciles à tenir urbainement mais elles sont nécessaires pour créer une interaction avec cette dernière et ainsi implanter le mémorial dans le territoire et dans les mémoires. En 1998, le jury réduit la liste des concurrents à quatre. Il leur est demandé d’apporter quelques modifications à leurs projets respectifs en fonction des remarques qui leur sont faites. Finalement, après 3 ans de concours successifs et inconclusifs, plusieurs colloques à participation internationale et la prise en main, par le Bundestag, de certains aspects du mémorial, l’œuvre réalisée par l’architecte Peter Eisenman et du sculpteur Richard Serra est sélectionnée pour être le futur Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe. Bien que « la préférence fut donnée à des formulations abstraites, certaines frappant davantage la sensibilité, d’autres l’intellect, mais toutes sollicitant une participation affective et imaginative de la part du spectateur3 », l’ensemble des propositions des architectes et des artistes ne séduit pas le comité de sélection qui trouve ces dernières trop sculpturales et ne permettant pas de répondre aux problématiques posées. « Dès lors qu’on souhaitait éviter la solution lénifiante du parc, une formule relevant de l’architecture plutôt que de la sculpture devenait inévitable et elle devait faire montre d’une maîtrise considérable pour éviter l’écueil de la monumentalité4 ». 1. KRUSE Irène, « Le mémorial de l’holocauste de Berlin », p. 28. 2. Ibid., p.28.

3. Spatialités des mémoires, Sous la direction de CHEVALIER Dominique et HERTZOG Anne, revue Géographie et culture, Éditions L’Harmattan, n°105, août 2018. 4. KRUSE Irène, « Le mémorial de l’holocauste de Berlin », p. 28.

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Ainsi le choix du duo Eisenman-Serra est à la frontière entre la sculpture et l’architecture, jouant sur cette mince limite qui sépare les deux disciplines offrant à la vue une sculpture à contempler et au corps une architecture à expérimenter et ressentir. L’investissement de l’État Le Réseau du souvenir ainsi que Perspektive Berlin ont, dès le départ, l’ambition de construire des mémoriaux à la portée nationale et les deux associations ne reculent devant rien pour réaliser leurs volontés. Cependant, comme l’entends l’appellation monument commémoratif national, cela implique la présence des pouvoirs politiques et notamment de l’État dans le processus de conception, de réalisation mais aussi dans le cycle de vie de l’édifice. Concernant Mémorial des martyrs de la déportation situé à Paris, l’État Français n’intervient pas forcément sur le déroulé ni les composantes du concours en lui-même. L’une des réserves qui sera émise par les pouvoirs politiques, notamment par la commission du Vieux Paris ainsi que par la commission supérieure des Monuments historiques et des sites, est au sujet de la proximité du futur mémorial avec Notre-Dame. En aucun cas, cette nouvelle construction ne doit entrer en défaveur on en concurrence avec l’œuvre moyen-âgeuse. La forme que propose le binôme Pingusson-Veysset fait aussi parler d’elle, comme l’indique les propos de Victor Bucaille alors avocat et conseiller municipal de la ville de Paris : Faites quelque chose qui soit tout de même à la grandeur du sacrifice qui a été fait, au lieu de faire, permettez-moi de la dire, au bout de Notre-Dame une espèce de fosse où vous allez descendre par un escalier étroit que les gens ne descendront pas parce qu’il fait noir. Ne faites pas descendre le souvenir de la Résistance dans une crypte, mettez-le sur une montagne, de façon à ce qu’il reste une étoile pour les générations futures !1 Craintes justifiées auxquelles l’architecte Georges-Henri Pingusson, prenant part au débat et défendant son projet ainsi que l’initiative de l’association, répondra : « Ce Mémorial trouve ainsi sa place prédestinée à la pointe de l’île de la Cité, au chevet de Notre-Dame, en contrebas des parapets. […] Il ne rompt pas d’un pouce l’harmonie de ce site historique, mais l’enrichit, s’il est possible encore, sur le plan spirituel.2 » 1. BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p.50-51. 2. Ibid., p. 50.

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L’État allemand, au contraire, s’investit pleinement et avec attention dans ce projet. Se dessinant comme une composante officielle à la mémoire nationale, le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe ne peut se permettre d’entacher la nation nouvellement réunifiée. L’État allemand annonce sa volonté de patronner le projet et de lui donner une place importante au cœur de la capitale, d’abord par la voix du ministre de l’Intérieur en mars 1992, puis par le Chancelier Helmut Kohl en personne en novembre 19931 . Bien que cela soit admis depuis le départ par l’association Perspektive Berlin que le monument sera en l’honneur des victimes juives du génocide en Europe orchestré par le régime nazi, dans la sphère politique et publique cela n’est pas aussi légitime et justifié. D’une part se trouve les partisans d’une non-exclusion des autres victimes du régime nazi au profit des victimes juives. « Traiter de manière différentielle des victimes qui eurent, en fin de compte, le même destin, est moralement injustifiable2 . » Que faire des Tsiganes, des homosexuels, des communistes, des Francs-Maçons, des peuples slaves, des Témoins de Jéhovah, des aliénés, des malades et des asociaux ? Le questionnement de Dominique Chevalier est très éclairant sur les différenciations faites à ce sujet, toujours actuelles dans nos sociétés peu importe le conflit et les victimes. Il l’écrit ainsi : « La Shoah, désormais métaphore du Mal absolu, certes, mais cela justifiait-il la mise à l’écart de ces autres catégories de victimes [elles aussi victimes de la « barbarie » nazie] ?3 ». D’autre part, certains affirment qu’il devrait être absolument exclu que les victimes soient classés dans le souvenir, dans la mémoire, selon les mêmes critères que ceux auxquels les partisans du régime nazi ont recouru pour sélectionner ces victimes et les soumettre, selon ces mêmes critères, à des souffrances différenciées4 . Ainsi, le 25 juin 1999, soit dix ans après l’initiative de créer ce mémorial et de nombreux débats houleux, le Bundestag5 , avec un très faible majorité, vote pour que le projet du mémorial ne commémore que les victimes juives, au prix d’une promesse d’une future édification d’autres mémoriaux destinés, quant à eux, aux autres victimes de la folie nazie. Par ailleurs, l’autre sujet sur lequel l’État allemand souhaite intervenir malgré le processus du concours d’architecture est la sélection du vainqueur. À l’issu du premier concours lancé en 1995, le comité de sélection choisit l’œuvre de la peintre berlinoise Christine Jacob-Marks. Elle propose de réaliser une immense plaque de béton de cent mètres sur cent mètres et d’y inscrire le nom des 4,2 millions de victimes juives identifiées. Elle ajoute 1. KRUSE Irène, « Le mémorial de l’holocauste de Berlin »,p. 25.

2. HABERMAS Jürgen, « Les Allemands et leur mémorial », p.122.

3. CHEVALIER Dominique, Musées et musées-mémoriaux urbains consacrés à la Shoah, Université Panthéon Sorbonne - Paris I, 2012, p. 107. 4. HABERMAS Jürgen, « Les Allemands et leur mémorial », p. 120. 5. Équivalent du parlement allemand

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Maquette pour le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe par Christine Jackob-Marks, 1995, Berlin

Aquarelle pour le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe par Christine Jackob-Marks, 1995, Berlin © https://www.hgb-leipzig.de/mahnmal/denk01.html#denk1_02

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Projet lauréat au 1er tour du concours / Le projet est un grand socle incliné en béton de 100 x 100 m, allant jusqu’à 11m de haut. Au sol sont gravés les noms des victimes.


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sur celle-ci dix-huit blocs de pierre de Massada1 . Mais quelques jours plus tard, le Chancelier, soumis à la pression du maire de la ville et du président de la communauté juive allemande, met son veto à ce projet jugé « trop gigantesque ». Qu’il s’agisse de la France ou de l’Allemagne, s’il y a bien un domaine dans lequel les deux États se sont investis c’est celui du financement du mémorial. Le mémorial aux Juifs assassinés d’Europe hérite d’une enveloppe budgétaire non négligeable de 15 millions de Deutschmarks dès les prémices du projet. Cela renforce le caractère emblématique de celui-ci, dans le sens où il est le premier mémorial de la Shoah érigé en Allemagne avec le soutien de l’État fédéral2 . Pour le Mémorial des martyrs de la déportation l’implication financière de l’État français arrive plus tardivement. Cela s’explique par la volonté de l’association de subvenir elle-même à ses propres besoins avant de faire appel à quiconque. Nous avons pensé qu’avant de nous adresser au tiers, à ceux qui n’ont pas souffert, comme les vôtres ont souffert, comme vous avez souffert vous-mêmes, il appartenait à nous, les survivants, à nous les familles, d’effectuer ce premier geste. 3 Ainsi, dès 1958, les premiers financements du mémorial viennent de la part des adhérents à l’organisme. Malgré cela, en 1960, le chantier débute mais la totalité des fonds requis n’est pas atteinte. Le Réseau du souvenir se tourne donc vers le Ministre des anciens combattants pour recevoir des fonds. Avec l’aide de Renée Cassin, le vice-président du Conseil d’État, l’association change de statut en 1960 et obtient la reconnaissance d’utilité publique. Par cette démarche, le mémoire peut désormais recevoir des dons, des legs ainsi que des subventions pour sa pleine réalisation. Par ailleurs, à la réception de l’œuvre, des frais supplémentaires sont demandés à l’association pour la gestion et la surveillance du mémorial (gardes pour assurer la sécurité de l’ouvrage et des visiteurs, entretien quotidien, etc) mais celle-ci ne peut y parvenir. Elle cède donc le mémorial à la ville de Paris sous la tutelle du ministère des anciens combattants en 1964. Ainsi, comme le montre l’implication de l’État français et de l’État allemand dans le processus des mémoriaux, on observe le glissement de l’initiative privée formulée par les associations à une mémoire collective 1. Forteresse israélienne perchée sur un socle granitique dominant le désert de Judée et haut-lieu emblématique d’héroïsme et de résistance juifs face à l’oppresseur romain.

2. AUCHER Laurent, « Devant le mémorial, derrière le paradoxe » ,page 7, in Spatialités des mémoires, Sous la direction de CHEVALIER Dominique et HERTZOG Anne, revue Géographie et culture, Éditions L’Harmattan, n°105, août 2018. 3. BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p. 50-51.

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soutenue et appuyée par la présence des plus hautes fonctions politiques des pays respectifs. Dès lors que le monument doit parler au nom de la nation et de l’état, il est compréhensible que l’idée d’un message univoque et représentatif soit le soucis des ces instances politiques. Débats, modifications et suspensions de chantier Il est tout de même nécessaire de préciser qu’aucun des deux concours puis la concrétisation des projets - ne s’est pas fait sans son lot de débats et de compromis. Des controverses multiples ont eu lieu où sont intervenus des hommes politiques, la presse, les intellectuels, les historiens, les artistes et bien évidement la sphère publique. Le Mémorial des martyrs de la déportation ne fait pas tant d’esclandres dans le domaine public, bien au contraire. Durant tout le processus, seule l’association semble mettre en avant son projet de monument national, et lorsque celui-ci est terminé, là encore, très peu d’articles sont publiés dans la presse française. Quelques-uns paraissent tout de même outre manche et outre atlantique, mais l’heure n’est pas à la critique ou à l’analyse mais à l’explication du projet « moderne ». De plus, il ne s’agit pas de mettre en avant l’initiative prise par le Réseau du souvenir ou bien l’œuvre de l’architecte mais de questionner des décisions acquises depuis longtemps, comme l’écrit le journal Le Monde en juin 1956 : « On peut toutefois se demander si le monument aux déportés n’aurait pas trouvé un emplacement plus adéquat au Mont-Valérien, où l’on vénère déjà le sacrifice des fusillés de la guerre1 ». On perçoit par ce questionnement parut dans la presse qu’édifier un monument pour les déportés français - confessions religieuses, orientations sexuelles, âge, sexe et santé confondus - victimes du gouvernement du Troisième Reich, auquel a participé la France par sa collaboration, peut être difficile a accepter, de surcroit si celui-ci est érigé dans la capitale, sur un site exceptionnel et à la vue de tous. Ce monument se rend-il difficile à voir aux yeux des français, au quotidien ? La forme qui lui est donnée, sortant des chemins de la tradition commémorative, est-elle la meilleure réponse aux attentes ? Ces interrogations quant à la forme du mémorial sont restées permanente au sein de l’association. Cette dernière avait fait appel à des équipes d’architecte-sculpteur en espérant des résultats exceptionnels, cependant, le coté sculptural n’a jamais vraiment convaincu tous les membres, ni même l’architecte. Depuis le départ, le binômes de concepteurs propose un parvis à la pointe duquel sera dressée une stèle figurant le martyre de la déportation. Mainte et mainte esquisses sont proposées par Raymond Veysset mais aucune ne fait 1. Ibid., p.102.

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Esquisse de la stèle pour le Mémorial des martyrs de la déportation par Raymond Veysset, 5 mars 1954, Paris.

Esquisse de la stèle pour le Mémorial des martyrs de la déportation par Raymond Veysset, 5 mars 1954, Paris.

Esquisse de la stèle pour le Mémorial des martyrs de la déportation par Raymond Veysset, non daté, Paris.

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Le projet du mémorial, conçu en partie par Georges-Henri Pingusson, semble être fixe au fil des différentes esquisses, alors que la stèle de Veysset comporte de multiples variantes. La représentation et la figuration sont difficles. © BROCHARD Antoine, Le mémorial des martyrs de la déportation


consensus. Du déporté gisant à la stèle représentant des déportés enfermés et complètement entourés de barreaux en passant par la sculpture évoquant un corps écrasé par de lourdes chaines, rien ne l’emporte. Dès 1953, soit 4 années avant que le sculpteur ne soit écarté définitivement du projet du mémorial, Jean Cassou tient ces propos lors de l’assemblée générale de décembre : « Et je répète qu’il s’agit d’un projet dans lequel l’esprit architectural, l’aménagement, la construction l’emportent sur la sculpture1 ». La présence et le travail de Veysset a tout de même la qualité de s’interroger sur la représentation de la souffrance dans les camps de concentration. L’association semble, elle aussi, confrontée à ce que les déportés survivants, eux-mêmes, n’arrivent pas à décrire. Aimé Bonifas, dans le récit de sa déportation à Buchenwald en 1946, le montre assez bien : « À en juger par les difficultés que je rencontre maintenant à me représenter l’état lamentable dans lequel nous avons vécu pendant deux ans, je crois qu’il est impossible à ceux qui n’ont que leur imagination de recréer un tel cadre de vie2 ». Le rejet de la sculpture dans le projet le Mémorial aux martyrs de la déportation semble affirmer cette fracture et ce tournant dans la tradition commémorative entre les monuments aux morts de la Grande Guerre et les monuments dédiés aux morts des violences nazies. De manière plus importante, tout dans le mémorial aux Juifs assassinés d’Europe à Berlin a suscité la discussion. Premièrement l’utilité et le besoin d’avoir un autre monument consacré à cette sinistre période de l’histoire, qui plus est à la portée nationale et au cœur même de la nouvelle capitale allemande était remis en cause. Se faisaient jour les doutes que suscite le principe même du monument : ne servirait-il pas à enterrer définitivement le passé, à tourner la page ? Fera-t-il autre chose qu’esthétiser de façon insupportable une réalité historique dont les différentes formes de représentations sont incapables de rendre compte ?3 La place centrale accordée au mémorial choquait ceux qui ne voulait pas voir la capitale marquée par un « monument de la honte4 », mais elle satisfaisait ceux qui voulait que ce monument soit un geste exemplaire. Deuxièmement, c’est une nouvelle fois la forme du mémorial qui interroge et qui nourrit les débats les plus virulents. Le projet que propose Eisenman 1. CASSOU Jean lors de l’assemblée générale de décembre 1953, in BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p.53. 2. Ibid., p.54.

3. KRUSE Irène, « Le mémorial de l’holocauste de Berlin », p. 28. 4. Ibid., p. 27

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Maquettes pour le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe par Eisenman-Serra, 1995, Berlin

Maquettes pour le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe par Eisenman-Serra, 1997, Berlin

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Projet EINSENMAN I Composé de plus de 4000 stèles allant de 0m à 7m de hauteur

Projet EINSENMAN II Composé de 2400 stèles allant de 0m à 4m de hauteur. Les abords du mémorial sont plantés d’arbres © https://www.hgb-leipzig.de/mahnmal/ denk01.html#denk1_02


et Serra est axé sur une symbolique ouverte où l’architecture du lieu estelle même abstraite, jouant sur la participation affective et imaginative du spectateur. Malgré tout, pour un monument aussi exposé, l’État allemand ne peut se permettre aucun risque et le message du mémorial doit être dépourvu d’ambiguïté1 . La question se pose de l’intelligibilité de la signification de l’édifice par un public qui n’est pas spécialisé et qui n’a pas forcement le bagage culturel nécessaire à la compréhension de l’art contemporain et de l’architecture abstraite. Peut-il interagir avec le monument comme le souhaite les pouvoirs politiques et l’association, ou s’en détourne-t-il par incompréhension et indifférence ? Certains détracteurs du projet affirment qu’il faut revenir à une conception du monument plus traditionnelle qui permette la transmission d’un message symbolique facilement compréhensible par tous et qui ne laisse pas la place à des interprétations multiples. Tout au long des concours (1995-1997-1998) les participants encore en lice sont amenés à modifier leurs propositions. Peter Eisenman et Richard Serra, à l’issu de la première phase inconclusive et des requêtes du comité de sélection, le binôme réduit massivement l’étendue du monument sur la parcelle - L’élément phare du projet qui est une stèle de béton gris anthracite, qui se répète des centaines de fois, est revue en plus petit nombre (2400 stèles au lieu de plus de 4000 allant jusqu’à sept mètres de hauteur) - plante des arbres en bordure du mémorial pour assurer une transition plus en douceur avec l’environnement urbain, aménage des trottoirs et des arrêts pour les autobus des futurs touristes, un espace pour les cérémonie collective et fait la concession d’inscrire sur la face horizontale des stèles les plus petites les noms des camps de concentration. De plus, l’architecte et le sculpteur se voient demander, au sein du mémorial, l’ajout d’un centre d’information venant compléter l’ensemble. Cette initiative venu du Ministre d’État chargé de la Culture, Michael Naumann - ennemi de la première heure du monument préférant la construction d’un musée / centre d’information - avait pour objectif une « fuite vers le musée [qui] aurait permis de tourner la difficulté de l’expression symbolique en se rabattant sur une démarche pédagogique2 ». Les nombreuses modifications réductrices du projet poussent l’artiste Richard Serra à se retirer du projet avant les résultats finaux du concours. Lors de l’ultime et dernière étape du concours, L’architecte est amené à modifier de nouveau son esquisse. Le nombre de blocs de béton est encore revu à la baisse et le mémorial est bordé d’un bâtiment de 115m de long destiné à abriter un musée / bibliothèque et un centre de documentation. Malgré tout Peter Eisenman maintient sa participation et continuer de porter les idées de Richard Serra. Un compromis est trouvé pour le projet 1. Ibid., p.29. 2. Ibidem.

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La mémoire - constats, complexités et enjeux

Carte postale distribuée dans le cadre de la campagne publicitaire pour récolter des fonds pour la construction du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe © Internet

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La mémoire - constats, complexités et enjeux

final et le mémorial se trouve doublé d’un centre d’information qui s’insert de manière souterraine sur la parcelle modifiant à nouveaux les plans initiaux. Bien que le choix du vainqueur du mémorial soit annoncé en 1998, il faut encore attendre sept ans avant d’ouvrir le monument au public. La première pierre est posée le 27 janvier 1999 mais plusieurs « scandales » mettent en pause le chantier. Le premier a lieu en 2001. Il s’agit de la campagne de publicité du mémorial pour son financement qui met en avant des affiches et des cartes postales véhiculant un message négationniste afin de marquer les esprits : « den holocaust hat es nie gegeben » traduit par « l’Holocasute n’a jamais eu lieu ».Ce propos, à prendre au second degrés, ne fait pas l’unanimité des historiens, des chercheurs et des membres de la communauté juive qui demande son retrait immédiat. Le second incident a lieu en 2004. Il concerne l’entreprise fournissant les produits anti-graffiti des stèles de béton qui se retrouve être l’entreprise qui a fourni le gaz toxique « Zyklon-B » utilisé dans les chambres à gaz des camps d’extermination nazis. Ce « contretemps » met à nouveau le mémorial au cœur d’une tourment médiatique. Les associations de survivants n’acceptent pas qu’une telle firme puisse participer à la construction du monument commémoratif. Après plusieurs suspensions de chantier, la construction peut suivre son cours. Un monument n’est pas une chose aisée à concevoir et à mettre en place, du moins c’est ce que semble nous montrer cette première partie. À l’issue de celle-ci nous avons pu constater que l’évolution du monument commémoratif est continue. Il ne cesse d’évoluer tant sur les formes qu’il prend, tant sur les significations dont il est investi mais aussi sur les multiples souvenirs qu’il se doit de conserver de manière intemporelle. Cela s’accompagne de questionnements multiples sur la direction ou les directions que doit prendre le monument pour commémorer les évènements et notamment les victimes du Troisième Reich. La sculpture à contempler ne semble plus suffire. Les formes de celle-ci paraissent inappropriées dans un contexte si particulier. Et l’implantation du monument cherche davantage de sens et de symbolique. À quoi peut ressembler un mémorial commémorant les six millions de juifs assassinés eu Europe ou encore les déportés français qui ont trouvé la morts dans les camps nazis ? Quelles volontés et objectifs guident à la conception de tels édifices ? L’architecture peut-elle s’abstraire de toute figuration afin de suggérer ces souvenirs et ces événements ? En tant qu’objet historique, politique mais avant tout mémoriel, le monument commémoratif des victimes des horreurs du nationale-socialisme est investi d’une mission - garder présent dans la conscience des générations actuelles et futures le souvenir qu’il doit transmettre de la manière la plus pérenne, claire et optimum afin de contrer l’oubli. Comment cela se matérialise-t-il ?

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RASMUSSEN Steen Eiler, Découvrir l’architecture.


LA MATÉRIALISATION DE LA MÉMOIRE

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Il ne suffit pas de voir l’architecture ; il faut la ressentir. STEEN EILER RASMUSSEN

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La mémoire - constats, complexités et enjeux

Square de l’Île-de-France

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NE Escalier de sortie

Escalier d’entrée

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Entrée principale Plan de rez-de-jardin du Mémorial des Martyrs de la déportation

Galerie

Salle didactique

Plan niveau intermédiaire

Urnes des camps Chapelle Crypte Parvis Cellule vide

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Plan niveau bas

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La mémoire - constats, complexités et enjeux

L’IMPLANTATION DU MÉMORIAL

Presque dix années pour le Mémorial des martyrs de la déportation situé à Paris et pas moins de seize années pour le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe situé à Berlin, c’est le temps qu’il aura fallu pour que les volontés d’édifier des mémoriaux, dédiés aux victimes des violences nazies, de la part des associations le Réseau du Souvenir et de Perspektive Berlin voient enfin le jour. Bien que traitant, de manière générale, les mêmes questionnements quant à la représentation et la préservation du souvenir des personnes tuées par le régime d’Hitler, les deux œuvres architecturales se matérialisent différemment mais elles semblent user de concepts similaires et complémentaires. De par leurs implantations différentes, les dimensions de leurs parcelles mais aussi les cahiers des charges qui leurs étaient imposés Georges-Henri Pingusson et Peter Eisenman produisent, à quarante ans d’intervalle deux édifices radicalement différents, du moins dans leur mise en forme, mais ils semblent se retrouver sur certains points. Le mémorial français s’implantant à la pointe Est de l’île de la Cité peut se décomposer et se comprendre en trois parties. Premièrement, « le jardin » prenant place au sein du square de l’île de France, assure une transition entre la ville et le bâtiment. Deuxièmement, « la fosse » à laquelle on accède par un escalier qui mène le visiteur 4,5m plus bas. Là, un parvis à ciel ouvert prend la forme triangulaire de la parcelle du projet. Ce qui apparait comme une sorte d’immense pierre tombale blanchâtre depuis le jardin devient les murs d’enceinte de cette esplanade en contrebas. Troisièmement, « la crypte », étape ultime du mémorial, se développe dans la masse bâtie du monument. Cette pièce hexagonale accessible par un étroit passage depuis le parvis abrite plusieurs sous-espaces. Dans la continuité de l’entrée, un long couloir protégé par une grille présente sur ses murs pas moins de 200 000 bâtonnets de verre illuminés symbolisant les innombrables victimes françaises de la déportation dans les camps nazis, et à l’entrée de ce couloir se trouve une tombe qui contient les restes d’un déporté inconnu décédé au camp de Natzweiler-Struthof et transféré à Paris le 10 avril 1962 (cf. pages 70-71). De part et d’autre de cette crypte centrale se trouvent deux galeries latérales qui contiennent les urnes dans lesquelles ont été mise de la terre des camps ainsi que les cendres extraites des fours crématoires. Ces dernières distribuent chacune une cellule, vide, inaccessible physiquement. Comme nous le verrons dans la suite de ce travail, ces mêmes galeries donnent ensuite accès à des salles situées à l’étage supérieur, mais toujours inférieures au niveau du sol du jardin extérieur. Par sa composition, le Mémorial des martyrs de la déportation se visite comme une succession d’espaces supposés permettre à ceux qui les parcourent de commémorer les disparus. Les volontés architecturales du 63


La matérialisation de la mémoire

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Plan du rez-de-chaussée du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe

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La matérialisation de la mémoire

Réseau du souvenir demandant une pierre tombale imposante, avec une crypte1 ont été appliquées. L’architecte, lui-même, tient ces propos au sujet de son œuvre : « Dans l’ensemble, il s’agit d’un long cheminement dont les étapes rappelleraient celles que suivirent les déportés. […] Le caractère pathétique du monument qui doit évoquer le long calvaire d’usure, la volonté d’extermination et d’avilissement, imposée par un vainqueur sans conscience à un peuple de condamnés2 ». L’œuvre, au chevet de Notre-Dame, se fait discrète. Peu signalée dans son environnement, elle s’insère silencieusement dans l’île et passe, majoritairement inaperçue, aux yeux de ceux qui ne prêtent pas attention. Le mémorial allemand, quant à lui se compose, de manière formelle, sur une parcelle de 19 073 m2, de 2711 blocs de béton organisés selon un maillage orthogonal, de 54 passages nord-sud et de 87 passages est-ouest. Au sud-est de la parcelle, se trouve le centre d’information enterré sous le quadrillage des monolithes de béton. Les stèles font toutes 95cm de large par 2,38m de long. Leur hauteur varie de 20cm pour la plus petite jusqu’à 4,7m de haut pour la plus grande. L’architecte fait le choix d’édifier un monument à la symbolique ouverte. Loin de toute figuration, comme le préconisait l’association Perspektive Berlin, l’œuvre est énigmatique et ouvre plusieurs pistes pour trouver du sens. Contrairement à Georges-Henri Pingusson, Peter Eisenman s’est accordé la liberté de dévier quelque peu des demandes du concours. They wanted stuff with jewish symbolism and stars and lettering, and I said no, I don’t want any of that. I want a field of otherness, where people understand that to be a jew in Germany was other and what was it like to be other in space and time3 . L’objectif cherché par l’architecte est de dénoncer le caractère déshumanisant de toute rationalisation poussée à son paroxysme. « Le projet suggère que quand un système supposément rationnel et ordonné devient trop grand et disproportionné par rapport à son objectif original, celui-ci perd le contact avec la raison humaine. Il commence à révéler ses dérèglements internes et le chaos potentiel présent dans tous les système prétendument fondés sur l’ordre ; c’est l’idée comme quoi tous les systèmes fermés et fondés sur un

1. BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p. 23-24. 2. Ibid., p.31.

3. Propos de Peter Eisenman recueillis par WAGNER Marc-Christoph, « Field of otherness », janvier 2020. Traduction personnelle: « Ils voulaient des trucs avec le symbolisme juif, des étoiles et des lettres, et j’ai dit non, je ne veux rien de tout cela. Je veux un champ d’altérité, où les gens comprennent qu’être juif en Allemagne, c’est autre chose et ce que c’est que d’être autre dans l’espace et le temps ».

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La matérialisation de la mémoire

Mémorial des martyrs de la déportation

© Crédit personnel

© Crédit personnel

Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe © EisenmanArchitects

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© Internet


La matérialisation de la mémoire

ordre fermé sont condamnés à l’échec1 ». En cela, le système mis en place, d’une « mer ondulante » de stèles de béton, selon une trame claire et précise, que rien ne trouble, rappelle aussi bien l’esprit « à la chaine » des exécutions commises par les bourreaux nazis que le caractère industriel et en masse des morts. Ainsi, Irène Kruse2 s’exprime à ce sujet : il y a une double remémoration, celle des « tués » matérialisés symboliquement et celle des « tueurs » mise sous les yeux de son propre peuple. « Champ de stèles », « marrée de béton », « cimetière géant », autant d’appellations variées pour décrire ce mémorial, qui, à première vue, questionne, intrigue, surprend voire même dérange, mais qui, en aucun cas, ne passe inaperçu même aux yeux du plus distrait. Dans cinquante ou cent ans, dit Eisenman lui-même, il continuera d’être dérangeant. De fait, il sera plus immuable qu’un monument traditionnel. Même s’il doit se détériorer ou apparaître obsolète un jour, il ne sera pas démontable aussi facilement qu’est déboulonnable une statue de Lénine3 . Qu’il s’agisse de l’architecte américain ou de l’architecte français, chacun d’eux a fait le choix de réaliser un mémorial qui se parcourt. Le coté purement physique, c’est-à-dire l’aspect visuel du mémorial n’est pas le seul à prendre en compte et semble même être le moins important. Les architectes ont conçu l’ensemble de leurs projets sur une expérience physique de la mémoire et du souvenir qui ne se comprend que par la déambulation du visiteur et la mise en mouvement de son corps. « C’est parce qu’on ne s’approprie jamais mieux un monument que lorsque le corps y est engagé. Entrer dans le monument ou, mieux encore, l’escalader, permet de nous l’approprier et de nous l’assimiler bien mieux que de seulement le regarder. Un monument sur lequel le spectateur peut grimper n’est pas perçu de la même façon qu’un monument qu’on est condamné à voir d’en bas4 ». Ces propos de Serge Tisseron affirment le renversement de valeurs qui s’est établit entre les monuments commémoratifs érigés avant les crimes commis par le gouvernement nazi et ceux érigés après. Le monument ne se contemple plus, il se vit. Par quels procédés les architectes espèrent-ils transmettre les souvenirs aux visiteurs ? Quelle est la place de l’engagement sensoriel et cognitif dans le travail de la pensée, et notamment de la pensée mise au service du travail de mémoire ?

1. Propos de Peter EISENAN, SION Brigitte, 2013, « Le Mémorial de la Shoah à Berlin : échec et succès », in Denis Peschanski (dir.), Mémoire et mémorialisation, vol. 1, Paris, Hermann, p. 279-293. 2. KRUSE Irène, « Le mémorial de l’holocauste de Berlin ». 3. Ibid., p. 31

4. TISSERON Serge, Partie « Anti-mémoire », MELOT Michel (coordinateur), La confusion des monuments, Cahier de médicologie n°7, Paris, Éditions Gallimard, 1er semestre 1999, p.209.

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La matérialisation de la mémoire

Entrée de la crypte Escaliers de sortie

Coupe sur les escaliers du Mémorial des martyrs de la déportation

Passage par le jardin avant la descente dans les escaliers pour arriver sur le parvis en contrebas.

Galerie

Coupe dans l’axe du Mémorial des martyrs de la déportation

Passage entre les deux blocs de l’entrée pour arriver à l’intérieur de la crypte. En face, la chapelle

Crypte

Salle didactique Galerie

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5

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Coupe transversale sur la crypte du Mémorial des martyrs de la déportation

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La matérialisation de la mémoire

L’EXPÉRIMENTATION PHYSIQUE On ne produit pas de l’architecture en additionnant simplement les plans, les coupes et les élévations. C’est quelque chose d’autre et quelque chose en plus. Il est impossible d’expliquer précisément ce que c’est - ses limites ne sont pas clairement définies. En somme l’art ne saurait s’expliquer ; il doit s’éprouver1 . La mise en mouvement du corps Georges-Henri Pingusson et Peter Eisenman s’accordent pour offrir une « expérience » physique aux visiteurs au sein de leurs mémoriaux respectifs. L’architecture doit se ressentir et non plus être l’unique attention de la vue. À ce sujet, les architectes tiennent deux discours totalement différents. Pour le Mémorial des martyrs de la déportation, Pingusson décide d’établir un parcours précis au sein du monument. Selon lui, la mémoire de la déportation doit être transmise par un cheminement à travers l’édifice. Une succession de séquences déterminée par le concepteur et censée transcrire l’expérience des camps et ainsi amener le visiteur dans un véritable parcours du souvenir. Les propos de Pingusson au sujet de la déambulation aménagée au sein de son œuvre sont nombreux. On y accédera après une longue descente par un étroit passage entre deux parois par un parvis surbaissé au niveau de la crypte, parvis fermé par les hautes murailles du quai au centre duquel une stèle portera quelques lignes d’un des poètes de la Résistance ; de ce parvis aucun environ ne sera plus visible, ni les toits des maisons riveraines, ni les arbres, ni les vivants, seuls le ciel et l’eau ; la crypte sera accessible par une porte basse, on pénétrera d’abord dans une rotonde sur laquelle s’ouvriront de chaque coté deux chapelles funéraires où pourront trouver place les cases recevant les cendres de tous les crématoires et la terre des camps qui a reçu les derniers regards des martyrs et une longue galerie dont les parois seront construites par des éléments en céramique en nombre égal à ceux qui ont traversé sans retour les camps de la mort. Une lumière y brillera sans fin, éveillant sur chaque relief l’éclat d’un reflet et ces centaines de milliers de petites flammes brillant dans la pénombre de la crypte seront les seuls témoignages de l’immensité sacrifice. Après avoir accompli son pèlerinage, le visiteur quittera le parvis par un escalier symétrique au premier à travers la masse du monument2 . 1. RASMUSSEN Steen Eiler, Découvrir l’architecture, p. 20.

2. BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p. 32.

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La matérialisation de la mémoire

Vue depuis le jardin en direction de l’entrée © Crédit personnel

Vue de l’entrée de la crypte © Crédit personnel

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Vue dans les escaliers en direction du parvis

© Crédit personnel


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La matérialisation de la mémoire

Vue depuis le parvis vers la herse et l’ouverture sur la Seine © Crédit personnel

Vue intérieure de la crypte

Vue du tombeau du martyr inconnu

© Crédit personnel

© Crédit personnel

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La matérialisation de la mémoire

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Phase du silence

Plan de rez-de-jardin du Mémorial des Martyrs de la déportation

Phase du dépaysement

Plan niveau bas

Phase de la présence

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La matérialisation de la mémoire

La manière dont il met en narration et projette le cheminement qu’effectue chaque visiteur au sein du mémorial semble apparaître comme une métaphore du récit de la déportation. Il met en place un rythme de parcours qui pourrait s’apparenter à un rituel sacré en plusieurs étapes. Georges-Henri Pingusson va même jusqu’à séquencer la progression du visiteur dans le monument en trois phases : « La phase du silence : la traversée du jardin permet au visiteur de s’éloigner du mouvement et du bruit de la ville, de faire silence en lui comme autour de lui. La phase du dépaysement : à droite et à gauche de la simple dalle qui constitue le toit de la crypte, le long des deux bras du fleuve, l’étroitesse abrupte des deux escaliers de pierre est, par elle-même, expressive d’une rupture avec le monde des vivants. (…) Enfin, la phase de la présence : le passage resserré entre deux murailles conduit à la crypte hexagonale qu’un rayon de lumière, venu du sol, éclaire sobrement. Le visiteur est en tête à tête avec le Souvenir1 ». Les différentes séquences que l’architecte identifie dans le parcours du visiteur sont, selon lui, les trois phases du processus de remémoration. Il met en place une succession d’espaces et de lieux donc d’atmosphères distinctes propices au souvenir et à un état mental de recueillement, permettant d’amener le visiteur du mémorial à un possible travail de mémoire. C’est ainsi que Pingusson conçoit la conservation dans le temps du souvenir des martyrs de la déportation : par le fait que chaque visiteur qui déambule au sein de son œuvre puisse éprouver une relation intime avec les disparus, et c’est par cette « connexion » rendue possible que le souvenir et la mémoire s’active et perdure dans le temps et au fil des générations. Peter Eisenman prend une toute autre voie pour le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe. Contrairement à Pingusson, il ne contraint pas le visiteur à suivre un parcours précis pensé en amont, bien au contraire, ce dernier est totalement libre dans le cheminement qu’il souhaite effectuer. L’architecte base la conception du mémorial sur une déambulation libre et totalement aléatoire de celui-ci. De fait, la mise en forme même du mémorial reflète cette volonté que chacun puisse s’approprier le mémorial et y déambuler comme il le souhaite. Il n’y a ni entrées, ni sorties ; ou sinon, il y en a une multitude. Il y a autant de possibilités de parcours qu’il y a de visiteurs. Contrairement à Pingusson, ici, Eisenman n’impose pas de parcours censé amener le visiteur à un certain état - favorable au souvenir et à la remémoration - à la suite d’une succession de séquences programmées, mais il invite le visiteur à ressentir quelque chose de nouveau, quelque peu dérangeant. « I said all along that I wanted people to have a feeling of being in the present and an experience that they had never had before. And one that was different and 1. Propos de GHP dans la maquette de présentation du Mémorial publiée en 1962, in BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p. 33.

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La matérialisation de la mémoire

Vue aérienne du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe

© Memorial Foundation

Vue d’ensemble depuis le parc

Vue depuis une allée © Memorial Foundation

Vue d’une des allées en direction du parc Tiergarten

© Crédit personnel

© EisenmanArchitects

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La matérialisation de la mémoire

slightly unsettling1 ». Eisenman, dans son mémorial, n’offre pas d’objectifs à suivre ou de buts à atteindre, juste une « promenade » dans laquelle le passant se laisse porter par le moment présent, sans réfléchir directement au pas qu’il vient de faire et sans anticiper le prochain. L’architecte, selon ses mots, veut que le sentiment d’être perdu dans l’espace et le temps habite le mémorial2 . « No, these concret slabs are not a sign. At most, they are a nonsign, an indication that there is nothing to be discovered about the past, here in a place that, of all places, should surely be a site of remembering. We are not confronted with the presence of history, but with the present itself. What has been created here is not a landscape of remembrance, but a landscape of experience3 ». Que le parcours du pèlerin soit organisé de A à Z, comme l’a fait Pingusson à Paris, ou bien que le visiteur puisse déambuler librement dans l’œuvre d’Eisenman à Berlin, les deux mémoriaux cherchent à organiser les conditions optimales pour mettre les visiteurs dans un état affectif, physique et psychique particulier qui puisse les amener à se souvenir, à se remémorer ou bien se questionner sur les victimes commémorées. C’est indéniable, la mise en mouvement du corps est une donnée obligatoire pour que ces monuments « fonctionnent ». Georges-Henri Pingusson et Peter Einseman sont clairs à ce sujet. L’architecte français écrit : « Au reste, il n’est pas possible de transmettre par une image les sentiments que l’on éprouve en visitant le mémorial. En effet, le visiteur traverse une suite d’espaces, dont chacun prépare à vivre dans le suivant. La valeur de séquence est intraduisible par une seule photo. Et même si l’on pouvait voir une reproduction de ces espaces successifs, l’essentiel ne serait pas perçu, car il n’est pas possible de représenter en l’objectivant un espace dans lequel on vit, on ne peut placer devant soi ce qui est autour de soi4 ». 1. Propos de Peter Eisenman recueillis par HAWLEY Charles, TENBERG Nathalie, « How long does one feel guilty ? », 9 mai 2005. Traduction personnelle : « J’ai toujours dit que je voulais que les gens aient un sentiment d’être dans le présent et une expérience qu’ils n’avaient jamais eue auparavant. Une expérience différente et un peu dérangeante ».

2. Propos de Peter Eisenman recueillis par WAGNER Marc-Christoph, « Field of otherness », janvier 2020. « It had nothing to do really with the Holocaust, it is symbolically, but it had to do with the fact […] that I wanted that feeling of being lost in space inhabit the memorial ». Traduction personnelle : « Cela n’avait rien à voir avec l’Holocauste, c’est symbolique, mais cela avait à voir avec le fait [...] que je voulais que ce sentiment d’être perdu dans l’espace habite le mémorial ».

3. RAUTERBERG Hanno, Holocaust Memorial Berlin : Eisenman Architects, Suisse, Lars Müller Publishers, 2005. Traduction personnelle : « Non, ces dalles de béton ne sont pas un signe. Tout au plus, elles sont un non-signal, une indication qu’il n’y a rien à découvrir sur le passé, ici, dans un lieu qui, de tous les lieux, devrait sûrement être un lieu de mémoire. Nous ne sommes pas confrontés à la présence de l’histoire, mais au présent lui-même. Ce qui a été créé ici n’est pas un paysage du souvenir, mais un paysage de l’expérience». 4. BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p.37.

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Escaliers de sortie

Entrée de la crypte en direction du parvis

© Crédit personnel

© Crédit personnel

Escaliers Entrée de la crypte

Dessin du Mémorial des martyrs de la déportation depuis le parvis © Simon Texier, Georges-Henri Pingusson, Architectes.

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La matérialisation de la mémoire

L’architecte américain ajoute : « The eye cannot take it in, nor can the camera capture it. It is accessible only through the third and fourth dimensions, through space and time, through the alternation of outside and inside, repetition and subtle variation, through ‘‘a moment ago’’ and ‘‘in a moment’’1 ». C’est un « quelque chose » que les visiteurs sont invités à trouver et éprouver dans ces deux œuvres. Comment cela se matérialise-t-il ? De quels procédés les maîtres d’œuvres usent-ils pour arriver à leurs fins? Sur quelles notions et représentations les mémoriaux s’appuient-ils ? La solitude Georges-Henri Pingusson et Peter Eisenman considèrent que la réalisation d’un lieu de mémoire passe avant tout par la construction d’ambiances favorables au recueillement. Que le parcours soit planifié ou totalement aléatoire, la solitude semble être la condition sine qua non à la transmission du souvenir. Par ses mots : « La méditation, donc le silence, appelle la solitude2 », Pingusson subordonne la solitude à la méditation. De fait, la solitude amène également à la méditation et donc, potentiellement, au recueillement et à la remémoration. Ainsi, les architectes cherchent d’abord à créer les conditions de la solitude, pour permettre une introversion du visiteur comme début du parcours mental et physique mémoriel. Pour isoler le visiteur, Pingusson travaille sur le dimensionnement des éléments architecturaux. Il s’efforce de séparer les groupes de visiteur et de contraindre le sens de la visite. La solitude est renforcée à des moments charnières dans le mémorial de Paris : dans les escaliers et l’entrée de la crypte. C’est au glissement entre ce que l’architecte appelle lui même les trois phases que le corps des visiteurs est le plus contraint et le plus seul. Les escaliers menant du jardin au parvis situé 4,5m plus bas sont très étroits et abrupts. Vingt-six marches de 27cm de giron par 18,5cm de contremarche induisent une ascension très verticale et inconfortable pour le visiteur. La largeur de l’escalier n’excède pas les 110cm rendant impossible le passage de deux personnes de front ou même le croisement. L’entrée dans le mémorial se fait donc seul. Sans mains courantes, qui plus est (du moins jusqu’à la mise aux normes du monument entre 1984-1990), le visiteur se concentre pour ne pas tomber. La descente n’est pas une partie de plaisir et conditionne déjà le passant à changer sa posture physique mais 1. RAUTERBERG Hanno, Holocaust Memorial Berlin : Eisenman Architects. Traduction personnelle : « L’œil ne peut pas le saisir, et la caméra ne peut pas non plus le capturer. Il n’est accessible qu’à travers les troisième et quatrième dimensions, à travers l’espace et le temps, à travers l’alternance du dehors et du dedans, la répétition et la variation subtile, à travers ‘‘il y a un moment’’ et ‘‘dans un moment’’ ». 2. PINGUSSON Georges-Henri, L’espace et l’architecture, Paris, Éditions du Linteau, 2010, p. 39.

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La matérialisation de la mémoire

Allée du mémorial

Allée du mémorial

© Crédit personnel

© Internet

Vue des abords du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe © Internet

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aussi mentale vis à vis du mémorial. Ensuite, c’est au tour de l’entrée de la crypte d’asservir à nouveau le corps. Depuis le parvis, deux blocs imposants, semblant flotter au dessus du sol, forment un étroit et long passage sombre qui mène à l’intérieur de la crypte. Là, la largeur est de nouveau réduite par rapport aux escaliers : 75cm. Sur 3,40m de long, les visiteurs accèdent à la partie intérieure du mémorial un à un, enserrés entre ces blocs de pierre, dont leur proximité fait surgir un mélange contradictoire de sérénité et d’oppression. La question de la contrainte physique et donc de la solitude n’apparaît que de manière ponctuelle au sein du mémorial français. Le mémorial allemand va au-delà en contraignant l’ensemble de la déambulation au sein du lieu. Comme vu précédemment, Peter Eisenman organise les stèles de béton selon une grille orthogonale formant ainsi plusieurs chemins. Ces allées, résultantes pures et simples de l’espacement entre deux blocs parallèles, mesurent seulement 95cm de large. La visite n’est donc plus collective, mais individuelle. Le passage de deux personnes de front est compromis. Dorénavant, la déambulation s’effectue seule. Ce système a pour unique but d’isoler le visiteur des autres personnes qui pourraient le distraire de son expérience du mémorial et dans sa marche vers la mémoire. Ce dispositif peut se rapprocher de la phase du silence que Pingusson met en place : que le visiteur fasse silence en lui comme autour de lui par le fait d’être seul. « On se suit l’un derrière l’autre entre les stèles sans pouvoir se parler (…)1 ». De surcroit, plus on s’avance vers le mémorial, plus les blocs de béton prennent de la hauteur. Les premières stèles qui semblent émerger un peu par hasard, à peine plus hautes qu’une cheville dépassent rapidement le visiteur en hauteur. À l’image des escaliers ou de l’entrée de la crypte de l’architecture de Pingusson, ici, les allées du mémorial d’Eisenman coupent les visiteurs d’une vision périphérique. Ils sont seuls, dans leurs pensées mais aussi dans leurs parcours. « The whole idea is, what does it feel like to be alone in space? What it is to be without any goal … no beginning, no end, no direction ?2 ». Ce sont ces questionnements que Peter Eisenman cherche à faire ressentir aux visiteurs. La solitude comme premier pont pour accéder à un état propice au souvenir et au recueillement signifie être seul. Être seul physiquement, c’està-dire coincé entre les stèles de béton à Berlin ou les parois rugueuses des escaliers à Paris, ne pouvoir compter que sur soi-même. Mais c’est aussi être seul mentalement, et ne plus percevoir et prendre en compte la présence de l’autre. Pour que l’architecture affecte le promeneur, il faut que ce dernier soit 1. WADBLED Nathanaël, « Das Denkmal für die Ermordeten Juden Europas : Un dispositif d’enseignement ? », p. 462. 2. Propos de EISENMAN Peter recueillis par HOUPT Simon, « Building a different view of memory » , 7 février 2001.

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100 cm

75 cm

Coupes sur les escaliers du Mémorial des martyrs de la déportation

Coupes sur l’entrée de la crypte du Mémorial des martyrs de la déportation

95 cm

Coupe schématique Nord-Sud du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe 95 cm

Coupe schématique Est-Ouest du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe

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seul dans l’espace ou du moins qu’il en ait l’impression. « La perception que l’on a d’un espace donné est totale et directe lorsque l’espace est vide de tout objet. Elle se modifie à mesure que change le rapport du contenu au contenant, que se créent des obstacles à la vision globale, et que se multiplient le nombre et la complexité des sous-espaces. Ce phénomène est très frappant lorsqu’un espace est occupé par plusieurs personnes. En effet, l’espace appartient en entier à celui qui l’occupe seul, et celui-ci appartient à espace ; il y a symbiose entre eux et l’on ne peut séparer l’espace de celui qui l’observe et qui l’occupe, à la fois objet et sujet. Mais à mesure que le nombre de présences augmente, l’appropriation que chacun fait de l’espace diminue, l’espace se morcelle et se trouve appartenir successivement à de multiples occupants sans limites précises et au hasard des mouvements1 ». L’architecture de ces monuments invite le visiteur à mener une lecture autonome, à devenir un acteur de la commémoration. Il en est le protagoniste. En groupe, ce dernier n’éprouve pas la même chose que s’il est seul. La présence des éléments qui nous entoure prend de l’importance quand c’est la seule et l’unique chose à laquelle le visiteur prête attention. Il est intéressant de noter que les deux mémoriaux étudiés, qui se vouent à s’établir comme monument nationaux, pour le plus grand nombre, s’articulent autour de l’échelle de l’individu. Ils semblent inadéquats à la commémoration de masse mais adaptés au recueillement individuel et solitaire. Pingusson s’exprime lui même à ce sujet en disant que « [sa] crypte n’est pas faite pour des foules nombreuses mais pour le visiteur solitaire qui viendra y méditer2 ». Cette antinomie entre la volonté d’une commémoration à l’échelle d’un pays et une pratique de ces lieux de manière individuelle place la solitude comme condition inaltérable à la remémoration. Les mémoriaux s’adressent à l’individu. Ils fonctionnent parce qu’ils sont capables d’établir un lien intime avec le visiteur. Si ce dernier est « déconcentré » par la présence de l’autre, il n’est pas réceptif au mémorial ni au souvenir ni au message qu’il transmet.

1. PINGUSSON Georges-Henri, L’espace et l’architecture, p.106-107.

2. BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p. 40.

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1. Vue dégagée sur Paris et la Seine

2. La pierre tombale s’impose

3. Le champ de vision est contraint et limité

4. Les murs d’enceintes s’imposent, le ciel apparaît à nouveau © Crédit personnel

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L’enfouissement S’il y a bien une autre notion commune aux deux mémoriaux, c’est celle de la descente voire de l’enfouissement. L’action d’aller vers le bas, de placer une chose ou quelqu’un dans un endroit profond, de le mettre en terre, dans la terre, ou sous terre1 . Les mémoriaux commémorant ce qui n’est plus, ceux qui ont perdus la vie, établissent de manière implicite un lien avec le funéraire et l’imaginaire de l’inhumation, du moins dans la conception occidentale de la mort. Ainsi, il n’est pas surprenant de constater que les deux mémoriaux en question font plus ou moins appel à ce champ lexical de la descente dans la terre, du sous-terre, non pas dans une volonté liturgique ou funèbre mais bien pour appuyer la solitude, une sorte de replis sur soi afin de s’isoler du monde extérieur et de pouvoir développer un rapport plus intime avec le souvenir. L’usage de certains termes par Pingusson pour définir les espaces de son œuvre sont révélateurs. Le parvis inférieur, situé 4,5m plus bas comme vu précédemment, se voit aussi donner le nom de « fosse » un certain temps: « De cette fosse intemporelle creusée dans une seule roche, on a accès à la crypte où repose la tombe d’un déporté inconnu2 ». Par cette appellation, il est possible de se demander si l’architecte fait directement référence à la fosse commune pour évoquer le sort anonyme des déportés tout comme le lieu où étaient tués à la chaine des centaines de personnes par les Einsatzgruppen. De plus, il cherche à renforcer le coté pathétique du lieu par l’accès à cette fosse : « J’aimerais que ces escaliers ne soient pas confortables : ni rampes, ni tapis. […] Une rampe enlèvera au monument son caractère agressif, dramatique et hostile, pour lui donner une valeur pratique, utilitaire et banale3 ». C’est au visiteur de faire l’effort de s’engager dans cette descente vers le « monde des morts », il n’y ai pas invité de manière chaleureuse et calme. C’est à lui que revient la responsabilité et la difficulté de se couper du « monde des vivants ». Par ailleurs, la dimension souterraine du mémorial s’accentue par la présence de la crypte. L’utilisation de ce terme, d’abord par l’association le Réseau du souvenir puis par l’architecte lors du concours, n’est pas anodin. La crypte pouvant se définir comme un espace souterrain servant de sépulcre (tombeau) où sont conserver les corps de martyrs4 prend tout son sens et met en relation directe la fonction commémorative du mémorial avec le rôle liturgique et l’implantation au chevet de Notre-Dame. Qui plus est, en mettant sous terre cette partie du mémorial, sans ouvertures sur 1. CNTRL.fr

2. BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p.63. 3. Ibid., p.69.

4. Larousse.fr

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34,25 m

37 m

Plan de la topographie du sol

20

Coupe Est-Ouest du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe

Coupe Nord-Sud du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe

0,20 m

5m

0

20

40

60m

Plan des hauteurs des stèles

84 20


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l’extérieur, si ce n’est l’entrée même de la crypte, la lumière naturelle faiblit voire disparaît pour ne laisser place qu’à l’obscurité. « […] Une lumière faible et la pénombre stimulent l’imagination et le rêve éveillé. Pour penser clairement, il faut supprimer l’acuité de la vision, car les pensées voyagent avec le regard absent et vague. Une lumière éblouissante et homogène paralyse l’imagination de même que l’homogénéisation de l’espace affaiblit le sens de l’être et efface celui de la localisation1 ». Cette pénombre dans laquelle lie visiteur est plongé concoure à son isolement pour favoriser un état de réflexion tourné vers le souvenir. Eisenman, dans les procédés architecturaux qu’il met en place, est moins littéral que Pingusson. Il n’enterre pas son œuvre (si ce n’est le centre d’information), et n’instaure pas de descente nette, à l’image des escaliers de son homologue français. Il joue sur une double topographie. La première est visuelle. En effet, chaque stèle a une hauteur propre qui diffère de celles qui l’entourent. C’est comme cela que l’effet de « nappe » ondulante est produit et visible depuis les abords du monument. La seconde est physique. Le sol du site n’est pas plan. Plus le visiteur s’enfonce entre les stèles, plus le sol est instable et aléatoire. Un certain inconfort émane de la posture du corps. Les chevilles sont mises à rude épreuve pour garder le corps du visiteur le plus vertical possible, le plus « normal ». Selon les allées empruntées, le sol oblige le visiteur à se retenir sur les stèles en béton s’il ne veut pas perdre son équilibre et tomber. Le déambulation est difficile et éprouvante sur le long terme. Le corps n’est jamais au repos tout comme il n’est jamais certain de ce qui l’attend au prochain pas qui sera fait. Derrière ce nivellement de terrain, Eisenman cherche à introduire les notions d’exode et de déportation. Le sol, compris au sens premier mais aussi en tant qu’environnent - de lieu d’attachement affectif - est inconnu au visiteur tout comme au juif contraint de fuir son pays pour sauver sa vie ou au déporté qui ne connait pas sa destination finale. Ce travail du terrain va de pair avec l’organisation des blocs de béton. Si depuis l’extérieur du monument, les stèles peuvent apparaître droite, on s’aperçoit, une fois dans les allées du mémorial, qu’elles oscillent. À l’image du visiteur, elles ne sont pas véritablement verticales mais leurs différentes inclinaisons, combinées aux hauteurs variables provoquent un subtil jeu d’ombres et de lumières renforçant la descente dans le sol et créant un sentiment d’intériorité.

1. PALLASMAA Juhani, Le regard des sens, Paris, Éditions du Linteau, 2010, p.55.

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Mais qui entre là dedans s’enfonce vers une fragilité, les pierres, où l’on peut d’abord s’asseoir deviennent plus grandes vers le centre, plus hautes que taille humaine, l’ombre plus dense, le corps plus petit, comme perdu dans un labyrinthe.1 Les visiteurs ne sont jamais sous terre, à proprement parlé, mais la perception de leur environnement alentour est fortement réduite et variable selon leurs positions. Dominique Trouche tient ces propos au sujet de la déambulation dans les allées du mémorial : « Sentiment d’écrasement qui opère lors de la progression entre les stèles dont la hauteur augmente au fur et à mesure. Écrasement et enfermement dans un dédale dont seule la disposition ordonnée des stèles à partir de lignes droites qui se croisent permet de retrouver le chemin de la sortie; organisation rationnelle, écho à la démarche « industrielle » d’extermination mise en place par le IIIe Reich2 ». Les visiteurs sont à la fois dedans et dehors, au dessus et en dessous, enfermés et libres, comme perdus dans l’espace et le temps. Par les contraintes architecturales que les architectes imposent aux personnes qui explorent les mémoriaux, ils déstabilisent encore plus le corps et l’esprit de ces derniers.

1. PAULIAN Claire, « La question de l’oubli dans le « Mémorial pour les Juifs d’Europe » de Berlin », Revue ¿ Interrogations ?, N°3. L’oubli, décembre 2006. 2. TROUCH Dominique, « La forme du monumental : usage et circulation dans les représentations des morts dus à la Seconde Guerre mondiale », Nouvelles perspectives en sciences sociales, volume 12, numéro 1, novembre 2016, p. 126.

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« L’évasion impossible sinon par la mort. » Georges-Henri Pingusson BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation,p.120. © Crédit personnel

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Perte de repères spatiaux-temporels La volonté première de Georges-Henri Pingusson et de Peter Eisenman est d’amener les visiteurs à vivre une expérience singulière et nouvelle. Pour ce faire, les architectes ont besoin de sortir les visiteurs de leur quotidien, de les extraire de la ville et du moment présent dans lequel ils sont pour mieux les faire entrer dans état corporel et mental plus propice au recueillement, à la commémoration et ainsi espérer être en tête à tête avec le Souvenir1 . Mais alors comment être à la fois dans la ville et s’en extraire ? Dans les deux mémoriaux, une isolement par rapport à celle-ci s’effectue. Le visiteur est amené à se détacher d’elle et de ses caractéristiques qui pourraient nuire au travail de mémoire. La première phase du Mémorial des martyrs de la déportation, celle du silence comme la nomme Pingusson reflète cette distance qui est instaurée entre la ville et le mémorial. L’architecture amène le visiteur à s’éloigner du mouvement et du bruit de la ville2 . Le jardin s’établit comme une zone tampon entre le quotidien et le moment suspendu que le monument essaie d’instaurer. Puis, au fur et à mesure que le visiteur descend les escaliers, le paysage environnant proche et lointain, ainsi que l’horizon disparaissent progressivement. Le visiteur est dominé par l’architecture qui ne lui laisse qu’un point de fuite en direction du parvis. Ces marches sont en quelque sorte le point de basculement entre l’espace de la ville et l’espace du souvenir. Dans cette fosse, ni la cimes des arbres du square, ni la flèche de NotreDame et encore moins les toits en ardoises des bâtiments proches ne sont visibles. Seul le ciel est présent. L’eau aussi. À la pointe de la parcelle donnant sur les bras du fleuve, le mémorial s’ouvre pour offrir une vue sur les eaux de la Seine. C’est la phase du dépaysement. Tout le dispositif architectural mis en place jusque là a pour objectif de mener le passant à cette fenêtre : les murs grandissant des escaliers, la vision limité à une faille, les lignes de fuites dessinées par le dallage du parvis. Mais cette eau, tout comme le ciel, est inaccessible. « Face à une herse, à une herse hostile, son regard ne voit plus que de l’eau qui divise l’enclos et un ciel toujours mouvant3 ». Cette herse, conçue par l’architecte en 1961 est l’unique élément, par sa plastique et son emplacement initialement prévu pour la stèle de Veysset, qualifié de sculpture. Une simple grille et une herse en fer forgé noir permettent à l’eau d’entrer lors des crues de la Seine, mais pour autant elles ne laissent pas sortir le visiteur. 1. BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p.33. 2. Ibid.

3. Ibid., p.58.

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Parcours au sein du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe Domination des stèles. Perturbation de l’horizon. Fragmentation de la perception © Crédit personnel

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Pingusson éloigne le visiteur de la ville pour lui faire prendre conscience de la présence du ciel et de l’eau mais il met en place un paradoxe en évoquant la liberté par la vue de l’eau et l’emprisonnement par la herse. La vue passe, le corps, lui, est bloqué, comme emprisonné. Il ne peut que se retourner pour apercevoir les deux monolithes de pierres qui l’invitent à s’engouffrer dans la faille qu’ils délimitent. Le mémorial de Paris, par la mise à distance qu’il établit entre la ville et le visiteur, entre ce qui est acquis et ce qui ne l’est pas ou plus, cherche à renforcer la solitude de celui-ci pour mieux l’amener dans le processus de commémoration. Le mémorial de Berlin, quant à lui, est avant tout dans la déstabilisation des repères de ceux qui le parcourt. La trame géométrique sur laquelle se places les stèles dessine des perspectives et invite le passant à plonger dans le dédale. Là encore, au fur et à mesure que le passant avance entre les blocs, la ligne d’horizon disparaît et les parois de béton s’élèvent toujours plus haut. Seul un point lumineux, flou et imprécis s’établit à l’extrémité de l’allée dans laquelle le visiteur se trouve. Quelques instants plus tôt, le promeneur avait une vision d’ensemble du mémorial et de la ville et il se trouve, à présent, dans une posture où il ne peut voir que devant et derrière lui. Le ciel reste l’unique constante durant le parcours du mémorial. Comme une chose à laquelle le visiteur peut s’accrocher, une sorte de divinité supérieure qui le guide. La lumière naturelle qui en découle peut incarner ce caractère salvateur, comme l’écrit Pingusson, dans son ouvrage l’espace et l’architecture : « La lumière tombant d’en haut crée un sentiment de dépendance. Les rayons qui descendent […] nous placent dans un état de subordination, nous invitant à remonter ces rayons jusqu’à leur source, dans un état aussi de protection.1 » Cependant, les inclinaisons différentes successives des stèles agissent comme un diaphragme qui se ressert et qui s’élargit, modifiant constamment la proportion de ciel qui est donnée à voir aux visiteurs. Ainsi, le seul échappatoire que pourrait symboliser la présence du ciel n’est pas acquis pour autant et instaure un sentiment d’insécurité. La distinction entre l’espace de la ville et l’espace du mémorial passe par la vue mais aussi par l’ouïe. Si aux alentours des mémoriaux la temporalité rapide de la ville, de ses bruits et de ses flux est cheffe, à l’intérieur de ces lieux, c’est une toute autre ambiance qui règne. À Paris, seuls les paroles des passants du square parviennent faiblement jusqu’à la fosse mais dans la crypte, le silence est total, aucun son extérieur ne trouble la sérénité du lieu. À Berlin, en plein cœur du mémorial, seuls les bruits de pas des autres visiteurs invisibles sont perceptibles. Et pourtant, il suffit de faire quelques mètres de plus, selon sa position, pour percevoir et ressentir à nouveau l’effervescence de la ville. 1. PINGUSSON Georges-Henri, L’espace et l’architecture, p.196-197.

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« The stones make us deaf, they swallow the everyday1 ». Les géants de béton isolent le visiteur de l’extérieur mais amplifient le moindre son au sein du mémorial donnant l’impression d’un écho sans fin. Le cri d’un enfant, les rires d’une bande d’adolescents jouant dans le mémorial ou encore les appels S.O.S de couples s’étant séparés et perdus résonnent sourdement créant une atmosphère pesante voire désagréable. S’insérant dans des tissus urbains denses et rythmés par les flux quotidiens de la ville, le Mémorial des martyrs de la déportation et le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe brouillent la notion de temps et d’espace. Ils s’établissent comme des lieux où le silence et la solitude sont les maîtres mots. Dans ces espaces, le temps semble ralentit, le lieu semble autre, différent. Ces architectures, parce ce qu’elles produisent et instaure comme atmosphères, peuvent se rapprocher d’une « hétérotopie » voire même d’une « hétérochronie ». Ces concepts forgés par Michel Foucault définissent des lieux qui ont le pouvoir de juxtaposer en un seul lieu réel plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes incompatibles. « Les hétérotopies sont des lieux localisables mais qui sont « autres », « des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux2 ». Ainsi, les architectes créent dans la ville de Paris et de Berlin des lieux qui permettent aux visiteurs de s’extraire de la ville elle-même pour rejoindre un endroit dont l’expérience suscite l’introversion, le recueillement et la commémoration. Dominique Chevalier les caractérise ainsi : « Il s’agit de lieux créés, juxtapositions d’univers perdus, d’espaces multiples et de temporalités différentes en un même endroit3 ». Peter Eisenman, en faisant le choix de laisser le passant déambuler librement dans son mémorial, sans lui indiquer d’entrées, ni de sorties et encore moins de parcours à réaliser, laisse le visiteur maître de son propre temps au sein du mémorial. Les combinaisons de parcours sont innombrables et ne se ressemblent pas. L’aspect labyrinthique du monument incite le visiteur à se perdre physiquement mais aussi à se perdre dans ses pensées. In our monument there is no goal, no end, no way in or out. The time of the experience of the individual does not grant further understanding, because understanding is not possible4 . Le temps semble arrêté, comme suspendu au milieu de ces jeux de lumières et d’ombres, d’apparitions et de disparitions d’autres personnes. Il est impossible de savoir à quelle vitesse s’écoule le temps ni depuis 1. RAUTERBERG Hanno, Holocaust Memorial Berlin : Eisenman Architects.

2. Spatialités des mémoires, Sous la direction de CHEVALIER Dominique et HERTZOG Anne, p.2. 3. CHEVALIER Dominique, Musées et musées-mémoriaux urbains consacrés à la Shoah, p.73.

4. Site internet du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe, https://www.stiftung-denkmal.de/?lang=en.

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combien de temps le visiteur est au cœur du monument. « Si le nazisme n’est pas le fruit de la folie des individus, comme le dit Adachiara Zevi, mais de l’usage pervers et déformé d’un système hautement technologique, efficace et moderne, la grille [de l’œuvre berlinoise], indifférenciée par ellemême, obsessionnelle, répétitive et silencieuse, se transforme, dans le projet d’Eisenman, en une structure labile, sans certitude, profondément désorientante1 ». Au sein de ces monuments, notre cerveau a connaissance de la rationalité du lieu, d’où il se trouve, mais notre corps ressent des choses différentes et contradictoires. Nos repères corporels, spatiaux et temporels sont mis à l’épreuve au sein de ces mémoriaux.

1. ZEVI Adachiara, Monuments par défaut. Architecture et mémoire depuis la Shoah, Paris, Éditions Conférence, collection teamin, 2018, p.102.

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1

Une pierre tombale basse et lourde

4

Murs énormes. Pas de sortie

2

On descend par un escalier étroit

5

Au centre, entrée de la crypte

3

Espace blanc et dur

6

Vue intérieure de la crypte

Croquis de Georges-Henri Pingusson exprimant les différentes séquences du parcours au sein du Mémorial des martyrs de la déportation © Antoine Brochard, Le mémorial des martyrs de la déportation

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Vue aérienne du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe

© Memorial Foundation

Vue d’ensemble depuis le par

Vue depuis une allée © Memorial Foundation

Vue d’une des allées en direction du parc Tiergarten

© Crédit personnel

© EisenmanArchitects

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Matérialité La caractéristique essentielle et implicite d’un monument, au sens général, est de durer dans le temps afin de servir de point de repère, de transmetteur aux générations à venir. Ainsi, la matérialité de celui-ci a pour but de le pérenniser et de le rendre immuable. Georges-Henri Pingusson dès les premières esquisses qu’il établit pour le mémorial du Réseau du souvenir évoque le problème de la permanence du souvenir et de la pérennité du monument : « Tout s’effacera, tout passera et c’est un bien grand défi que de vouloir durer ! Dans les cœurs ? Bien sûr, tant qu’ils battent encore, mais c’est un bien petit chiffre qui dénombre le reste de leurs pulsions ; dans les livres et dans l’histoire ? Mais ils sont appelés les uns à ne plus être lus, l’autre à rétrécir avec le temps ; dans les institutions ? Elles changent ! Durer dans la pierre même n’a de sens qu’à prendre la forme la moins actuelle et parler pour tous les hommes.1 » Les intentions architecturales de l’association préconise dès lors une certaine matérialité. L’association pressent une masse horizontale, brute, qui s’enfonce dans le sol. Pingusson imagine donc une matière au caractère compacte voire indestructible. Pour cela, il pense d’abord au granit, qu’il pourrait tailler dans la masse afin de réaliser les différents monolithes qu’il esquisse. Cependant, l’ensemble du mémorial résulterait en l’addition de plusieurs morceaux de pierre mais des joints de jonctions et de calepinage sont nécessaires. Pour éviter cela et réaliser un mémorial d’une seule et même masse, il décide de faire appel à la technique moderne du béton. Les murs, les sols et les plafonds sont donc réalisés en « béton de pierre ». Un béton blanc composé d’agglomérats de pierre provenant de toute la France, rappelant ainsi que chaque région fut touchée par cette période de l’histoire. La mémoire passe aussi par la matérialité du lieu. Ensuite, ce sont les finitions de ce béton qui distinguent les différents espaces et éléments. Les murs extérieurs sont éclatés au pic, les parois intérieures sont bouchardées et les sols sont polis ou grésés selon les lieux. Ainsi, par l’emploi de ce béton de pierre, Pingusson conserve les intentions de dureté, de compacité et d’inaltérabilité. Par la rugosité de la matière conférant au béton l’aspect d’une pierre naturelle, le mémorial s’enracine plus fortement de manière éternelle.

1. BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p. 42-43.

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Allée du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe

© Crédit personnel

Succession des stèles

Pavés

© Crédit personnel

Amas des blocs de béton

© Internet

© Crédit personnel

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Peter Eisenman, lui aussi, pour son élément architectural unique, utilise le béton. Chaque stèle est faite d’un béton anthracite lisse. La multiplication de ce simple élément permet à l’architecte d’obtenir une immense masse grise qui se détache totalement de son contexte. Les façades colorées et vitrées ainsi que les toitures en cuivre ou en tuiles rouges des bâtiments bordant le mémorial ou même la végétation abondante émanant du parc Tiergarten renforcent le caractère monochromatique de celui-ci. D’un regard extérieur, le champ de stèles, bien que semblant onduler de par les dimensions des blocs de béton, semble être inerte, comme « mort ». Les nombreux chemins qui composent le monuments apparaissent tous comme autant de cicatrices, hostiles, qui parcourent l’espace, et plus symboliquement Berlin et l’histoire de l’Allemagne. Même les quelques arbres qui bordent le mémorial, à la limite du Tiergarten, ne semblent pas pouvoir y proliférer, ni même y survivre1 . Comparées aux arbres du parc, leurs silhouettes frêles sont supplantées par les stèles, qui ne semblent pas avoir de limites d’expansion. Certaines, sortant à peine du sol ou ne dépassant pas les chevilles des passants, s’avancent sur les trottoirs périphériques. D’un regard intérieur, les blocs de béton s’élevant à plus de cinq mètres du sol écrasent et oppressent les visiteurs. D’une étrange manière, les stèles par leur matérialité et la masse qu’elles expriment semblent renvoyer à l’absence. Le vide - laissé par les juifs assassinés - se révèle par l’omniprésence du béton. Le sol, composé d’un calepinage de petits carrés de béton appuie le jeu de la topographie réalisé par Eisenman et l’inconfort pour circuler dans les allées du mémorial.

1. WADBLED Nathanaël, « Das Denkmal für die Ermordeten Juden Europas : Un dispositif d’enseignement ? », p.461.

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Jardin

Crypte Parvis Axonométrie des trois phases du parcours

Grande salle Galerie

Axonométrie de la continuité du parcours dans les espaces didactiques

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LES AMÉNAGEMENTS PÉDAGOGIQUES Le second mémorial Après avoir perturbé le corps, il propose au visiteur une expérience intellectuelle : la lecture.1 Georges-Henri Pingusson, tout au long du parcours qu’il organise du square de l’île de France jusqu’à l’intérieur de la crypte, déploie de nombreux moyens pour isoler le visiteur de son environnement, des autres personnes présentes afin de l’amener à la solitude et au calme pour une remémoration du martyre de la déportation. Ainsi, c’est dans cette salle hexagonale que l’architecte va tenter, une nouvelle fois, de renvoyer le visiteur à lui-même. Par la lecture de nombreuses citations, de dédicaces et d’apostrophes gravées à même les parois du monument, il induit une expérience strictement personnelle : le visiteur lit ces inscriptions pour lui et lui seul. L’architecte propose une approche de l’espace qui, cette fois-ci, est distincte des sens. Gravées dans le béton, les inscriptions contenues dans le mémorial sont de deux types : les mentions dédicatoires et les citations évocatrices. Elles « oscillent donc entre une vocation didactique et une dimension pathétique2 ». Les motifs du choix des citations littéraires et poétiques (Éluard, Aragon, Saint-Exupéry, Sartre, etc) ne sont pas connu mais la volonté de Pingusson de les intégrer dans son mémorial démontre la complémentarité de celles-ci avec l’œuvre construite. Le visiteur est amené à ressentir des émotions ou à s’instruire à leur lecture3 . Elles font écho au martyre de la déportation. Dès la réception finale du chantier, Pingusson, malgré le caractère émotionnel et expressif du mémorial, doute de la parfaite intelligibilité de son œuvre. Les documents historiques mettent à jours les connaissances sur les évènements liés à la Seconde Guerre mondiale et les chiffres et les données sculptées dans les murs de béton s’avèrent erronées. À cela s’ajoute un climat populaire et politique national mais aussi international qui voit l’apparition du négationnisme4 . Georges-Henri Pingusson est convaincu de la nécessité et du besoin de donner aux visiteurs des « preuves incontestables de la matérialité des faits et d’authentifier ce drame 5 » : 1. BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p.41. 2. Ibid., p.82.

3. Pour reprendre les mots d’Antoine Brochard : didactique : qui vise à instruire pathétique : qui suscite une émotion intense

4. Le négationnisme consiste en un déni de faits historiques, malgré la présence de preuves flagrantes rapportées par les historiens, et ce à des fins racistes ou politiques. 5. BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p.87.

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Énumération des différents camps

Les mentions dédicatoires et les citations évocatrices sont gravées dans le béton du mémorial.

© Crédit personnel

Zoom d’une inscription gravée dans le béton

Ces écritures «cunéiformes», par leurs aspects, rappellent la forme du triangle - forme génératrice dans la conception du mémorial - comme un rappel subtil du judaïsme.

© Crédit personnel

Galerie

© Crédit personnel

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La galerie abrite différents documents textuels et graphiques qui illustrent les étapes de la déportation. La mise en scène rappelle les geôles d’une prison.


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« Je pense que si notre monument doit nécessairement rester sobre et dépouillé de toute grandiloquence, par contre, il serait souhaitable que dans le tête-à-tête que permet une exposition, la preuve que ce drame a existé et que l’horreur des camps n’est pas une légende soit donnée irréfutablement, que le monument placé dans le site le plus exceptionnel de Paris trouve dans ce drame immense sa signification1 ». Durant l’étude de détail du monument, en préparant le chantier, Pingusson s’est aperçu que, « moyennant quelques travaux de peu d’importance, il était possible de disposer à l’étage, c’est-à-dire entre le plafond des galeries latérales et la dalle supérieure, de larges volumes pouvant constituer 4 grandes salles rectangulaires de 4x8m2 » ainsi qu’une galerie dans l’épaisseur du mur d’enceinte qui relierait ces salles. Le mémorial est inauguré en 1962 sans que ces espaces supérieurs ne soient aménagés. L’architecte milite activement auprès de l’association pour que ces espaces pédagogiques3 soient réalisés au plus vite, « sinon la déportation elle-même, ses victimes et leur héroïsme seront bien vite oubliés4 ». Pour ne pas faire défaut au reste de son œuvre, Georges-Henri Pingusson s’attelle à imaginer la suite du parcours architectural dans ces différents espaces comme une continuité du cheminement des visiteurs. Il souhaite que la visite s’effectue elle aussi dans une atmosphère de recueillement et prolonge la trajectoire exprimée du jardin à la crypte. Là encore, Pingusson narre le parcours qu’il imagine comme outil de conception. Il s’exprime ainsi : Dans ces longs couloirs de pierre et de béton, presque obscurs, le visiteur serait conduit comme s’il était lui-même un déporté vers la partie extrême du monument où la forme ronde des parois permettrait de montrer un camp, son atmosphère sinistre, angoissante, pesante, par la menace de la mort, lente ou violente. Après la pénombre, la clarté vive d’une large photo d’un camp sous la neige, puis le cheminement à nouveau dans la pénombre de la galerie presque vide. Auparavant, le visiteur aurait pu voir par une carte des camps, l’importance de l’organisation et l’ampleur géographique et de même à la sortie, il aurait, en un ou deux points, la vision de la mort du déporté. Je crois que ce choc est nécessaire si nous voulons que l’on n’oublie jamais5 . Il considère que la transmission de ces faits historiques hors du commun 1. Citant GHP à Paul Arrighi, 29 novembre 1960, Archives du Réseau du Souvenir, in TEXIER Simon, Georges-Henri Pingusson Architecte (1894-1978). La poétique pour doctrine, Paris, Éditions Verdier, 2006, p.300. 2. Ibid., p.300.

3. BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p. 89. 4. Ibid., p.85. 5. Ibid., p.88.

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Espaces d’expositions à l’issu de l’aménagement réalisé en 1975 Une des quatre grandes salles - Vue sur la galerie © Internet

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nécessitent un traitement architectural suggestif plus que scientifique. L’implication du visiteur dans le cours de l’histoire se fait par des moyens architecturaux avant tout. Il va même jusqu’à pressentir certains dispositifs et certains documents graphiques au sein de ces différents espaces afin que le récit qu’il essaie de raconter aux visiteurs depuis leur entrée dans le square de l’île de France ne soit qu’une seule est même histoire. Dans la première salle une carte d’Europe montrerait la localisation géographique des camps, leurs nombre, leur diffusion sur un immense territoire, la situation des commandos qui en dépendaient, les effectifs des camps, le nombre des morts. Sur une des parois serait retracé le trajet du déporté dans les prisons et dans les camps français. Ensuite la dernière salle remémorera les noms de tous les camps connus, noms gravés dans la pierre ou le béton. Puis dans une longue galerie étroite et sombre, le visiteur sera mis face à face avec une série de documents photographiques, objectivant la vie quotidienne, trouvés dans les archives des camps et pris par les nazis eux-mêmes, photos dont l’authenticité, la véracité ne peuvent être contestées. À l’extrémité de cette galerie un vaste diorama restituera au visiteur la vision de l’entrée du camp, de la porte sans retour. Une deuxième galerie recevra les photos témoins des effroyables épreuves de la faim, du travail forcé, de l’exténuation progressive, des sévices, des brimades et humiliations de toute sorte et les supplices par pendaison ou asphyxie des chambres à gaz…jusqu’au traitement industriel de cette matière première qu’était le corps humain. Dans les dernières salles le cheminement prend fin sur l’exposition de dessins, d’écrits, de messages gravés dans la pierre, dont le relevé eut lieu à l’arrivée des troupes américaines et la vision de diapositives suscitant la dimension immense de l’événement historique. La visite se terminerait par la vision d’une photo bouleversante, il importe que le visiteur garde l’empreinte de cet holocauste. Quelques documents sous forme de plaquette ou de brochure pourraient être édités et mis à la disposition du public1 . Aidée bénévolement par les étudiants de l’architecte, l’association réalisera les aménagements en un temps records, une fois les documents réunis. Le mémorial et les salles pédagogiques sont une nouvelle fois inaugurés le 27 avril 1975 en présence du président Valérie Giscard d’Estaing pour le trentième anniversaire de la libération des camps de la mort. C’est en sachant son œuvre complète, rappelant l’horreur de la déportation, que Pingusson trouvera la mort en 1978, alors âgé de quatre-vingt-quatre ans. 1. Écrits de GHP, in BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p.133-134.

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Plan du rez-de-chaussée du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe

Entrée

Salle des dimensions Salle des familles

Salle des noms Salle des lieux Hall d’entrée Portail commémoratif Sortie Locaux techniques / services

Plan du centre d’information en sous-sol

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L’autre mémorial « Le souvenir, c’est marcher vers une destination inconnue1 » et c’est ainsi que Peter Eisenman a conçu le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe : un amas de grosses pierres grises, éparpillées au loin, en toute discrétion2 , parmi lesquelles le visiteur déambule, sans but. L’architecte, tout au long du processus de conception, ne désire pas que son œuvre possède un lieu qui explique l’Holocauste3 puisque cette période de l’histoire ne peux pas se comprendre. Chose ironique, puisqu’à l’issu du concours final pour le mémorial et à la demande du comité et de certains dirigeants politiques, Peter Eisenman se voit contraint d’« accepter la formule bâtarde du monument expliqué par un centre d’information4 ». Son objectif principal est de faire vivre une expérience aux visiteurs, un peu dérangeante et différente. Pour lui, « le monde est trop plein d’informations » et le mémorial est un endroit sans informations5 . Ce lieu de l’information - Ort der Information en allemand - est situé de manière souterraine, en dessous du champ de stèles à l’extrémité sud-est de la parcelle. Il consacre une exposition permanente à la persécution et l’extermination des Juifs en Europe sur une surface de 800m2. Il se compose d’un foyer, duquel démarre l’exposition, et de quatre salles thématiques ainsi que d’une salle de lecture. On y accède par une volée d’escalier dissimulée entre les stèles sur les abords du site et tout comme l’œuvre en surface, la partie enterrée, est entièrement gratuite ; seuls les horaires et les jours d’accès sont restreints. Contrairement au mémorial de Paris, ici, l’architecte réalise le gros œuvre du centre souterrain mais ne conçoit pas ni ne réalise l’aménagement de ces espaces. Cette tâche est conférée à une personne extérieure au processus du concours et du chantier du mémorial, Dagmar von Wilcken, une conservatrice de musée. Pour de nombreux visiteurs, peut-être peu sensibilisés à la Shoah, pour qui le quadrillage de béton reste abstrait, le centre d’information, lui, est explicite et clair. Dans une atmosphère tout aussi pesante et sombre que dans les allées du mémorial, le visiteur parcours différentes salles - reprenant le vocabulaire des stèles de béton pour servir la muséographie et le plafond ondulant au même rythme que le sol du mémorial en surface - où sont présentées des courtes biographies, des photographies ou encore des films historiques. Ici, 1. RAUTERBERG Hanno, Holocaust Memorial Berlin. 2. Ibid.

3. Terme employé sur le site internet de Peter Eisenman Architects 4. KRUSE Irène, « Le mémorial de l’holocauste de Berlin », p. 32

5. Propos de Peter Eisenman recueillis par HAWLEY Charles, TENBERG Nathalie, « How long does one feel guilty ? ».

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Hall d’entrée - Début de l’exposition © Marko Priske

Salle des familles

Salle des dimensions © Marko Priske

Salle des lieux

© Marko Priske

© Marko Priske

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les victimes perdent leur anonymat. Le visiteur, dès le début de sa progression à l’intérieur du centre d’information est confronté à des portraits d’hommes, de femmes et d’enfants - six grands portraits en hommage aux six millions de juifs assassinés d’Europe). Ce lieu à la démarche didactique - qui vise à instruire (donner des connaissances, un enseignement) les enfants comme les adultes - instaure un rapport particulier entre le visiteur et les personnes de ces portraits puisqu’il est amené à suivre leurs parcours tout au long de l’exposition jusqu’à la découverte, prévisible, de leurs destins tragiques. La conservatrice s’exprime ainsi sur le but de ce centre d’information : « The attempt to personalize the inconceivable suffering is the main motif of the entire information center. Because only through personalization, […] , can the «anonymity of the victims» be overcome1 ». Cette volonté d’user de ce qu’Anne Grynberg nomme l’« effet de proximité2 », c’est-à-dire de provoquer l’émotion des visiteurs par une évocation individualisée de destins personnels, a pour but d’établir une meilleur transmission de ce qui est montré, raconté ou expliqué en influant sur l’affect de ces derniers. Bien que les deux compositions, le centre d’information en souterrain et le champ de stèles en surface, jouent sur l’état affectif et mental des visiteurs, le premier fonde cette démarche sur des outils et des preuves tangibles alors que le second s’appuie sur des formes géométriques à la signification multiple et abstraite et l’absence de marqueurs spatiaux. Les effets recherchés par les concepteurs peuvent donc différer selon les personnes et selon les parcours empruntés puisque la déambulation n’est pas orientée. L’étendue Eisenmannienne tire son efficacité de l’absence de toute référence explicite à la Shoah. Au contraire, le lieu de l’information affiche la nécessité de recueillir tout ce qui permet de documenter la Shoah comme fait historique : c’est alors la part indiscutable des documents qui est accentuée et non la façon dont ils peuvent entrer en résonance avec la mémoire individuelle du visiteur. Georges-Henri Pingusson, dans le Mémorial des martyrs de la déportation à Paris établit un parcours unique pour tous les visiteurs, ensuite libre à chacun d’en ressentir et d’en comprendre ce qu’il souhaite. Cependant, la volonté architecturale initiale est la même pour tous. À Berlin, au Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe, cela est totalement différent : chaque visiteur construit son propre chemin. En résulte une multitude d’expériences vécues, toutes n’ayant pas le même début ni la même fin et encore moins le même ordre. Le centre d’information, sûrement due à la volonté de l’architecte, ne 1. BERG Stefan, EMCKE Carolin, « Extracting meaning from concrete blocks », 2 mai 2005. Traduction personnelle : « La tentative de personnaliser l’inconcevable souffrance est le motif principal de tout le centre d’information. Car seule la personnalisation, explique Wilcken, permet de surmonter ”l’anonymat des victimes ” ».

2. GRYNBERG Anne, « Du mémorial au musée : comment tenter de représenter la Shoah ? », Les Cahiers de la Shoah, p.142.

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s’impose pas au milieu du mémorial. Bien au contraire, l’entrée est dissimulée, entre deux rangées de blocs de béton, si bien, qu’un visiteur non averti de sa présence peut totalement ne pas le voir ni le visiter. Pour Eisenman, le visiteur du mémorial ne devrait pas avoir besoin qu’on lui donne des informations complémentaires ou des données sur la signification du lieu car il serait réduit à être un spectateur et non plus un acteur du projet et de sa propre mémoire. Le visiteur n’a donc pas la possibilité de s’approprier les lieux et l’histoire. Dans son parti pris de ne rien documenter, de ne pas représenter l’irreprésentable, il souligne le manque laissé par la Shoah. De plus, peu importe la quantité d’informations que le visiteur pourra acquérir ou « la durée de l’expérience d’un individu [cela] ne permet pas de comprendre davantage, car il est impossible de comprendre l’Holocauste1 ». Le mémorial - uniquement le champ de stèles comme le comprends Peter Eisenman à l’origine - ne nous propose pas un message didactique ou historique, il n’y a rien à lire, rien à voir, mais il y a la possibilité à travers une expérience spatiale individuelle et singulière d’assimiler un nouveau rapport à la remémoration. C’est-à-dire une mémoire, selon Eisenman, inassimilable: « Mon mémorial est comme une cicatrice que l’on ne pourra pas suturer !2 ».

1. https://eisenmanarchitects.com/Berlin-Memorial-to-the-Murdered-Jews-of-Europe-2005

2. MEIER Alexis, Peter Eisenman. Machine critique de l’architecture, Paris, Éditions Infolio, 2019, p.187.

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Vue en direction de la sortie de la crypte © Crédit personnel

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La lumière naturelle, après avoir disparu tout au long de la visite de la partie intérieure du mémorial, réapparaît, avec ce message « Pardonne n’oublie pas ...»


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SORTIR DU MÉMORIAL […] Car ce qui fait la spécificité de l’architecte, c’est la possibilité qu’il a d’animer une construction et de lui conférer un langage, un pouvoir de communication1 . Le Mémorial des martyrs de la déportation situé à Paris et le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe situé à Berlin sont deux architectures à travers lesquelles leurs concepteurs désirent avoir un impact sur les visiteurs, sur ceux qui expérimentent ces espaces. Ces monuments commémoratifs sont érigés pour maintenir présent et vivant dans la conscience des générations actuelles et futures le souvenir des victimes des actes commis par le régime nazi. Ce souvenir c’est le martyre de la déportation pour le mémorial français et les forfaits commis sous le nationale-socialisme pour le mémorial allemand. Georges-Henri Pingusson et Peter Eisenman mettent en place des procédés architecturaux afin de faire éprouver aux visiteurs des affects2 en lien avec ces souvenirs. L’expérience, au sens d’éprouver et de ressentir, de ces lieux suppose un changement chez le visiteur, un avant et un après. De manière générale, que le visiteur ne soit resté que quelques minutes dans le champs de stèles à Berlin ou qu’il ai écourté son parcours au sein de la crypte à Paris, celui-ci ne peut rester indifférent à ce qu’il a vécu en ces lieux, qu’il soit en mesure de mettre des mots dessus ou non. Alors que Pingusson a longuement décrit et argumenté l’ensemble du parcours architectural qu’il met en place au sein de son mémorial, sur la manière dont il amène le visiteur à entrer dans différents espaces, il reste assez bref et peu explicite sur la façon dont celui-ci quitte le monument pour retourner à son quotidien. « Après avoir accompli son pèlerinage, le visiteur quittera le parvis par un escalier symétrique au premier à travers la masse du monument. 3 » Ces quelques mots paraissent faibles par rapport à la description qui est faite de l’entrée dans le mémorial. Le visiteur, après avoir été isolé du monde extérieur, confronté à la solitude et au recueillement quitte-t-il le mémorial de la manière dont il y est entré ? Au dessus de l’entrée de la crypte, donc seulement perceptible lorsque le visiteur se dirige vers la sortie, est gravée la maxime « Pardonne, n’oublie pas ». Par cette formule qui énonce une règle morale, celle de ne pas oublier ce qu’a été le martyre de la déportation et ses victimes, Pingusson somme, en quelque sorte, le 1. PINGUSSON Georges-Henri, L’espace et l’architecture, p.23.

2. Un affect est un état de l’esprit tel qu’une sensation, une émotion, un sentiment, une humeur. trouble momentané qui modifie l’état de conscience et engendre certaines manifestations physiologiques 3. Propos de GHP, in BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p.32.

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visiteur de ne pas rester indifférent à ce qu’il vient de vivre mais que cela l’accompagne au quotidien. Dans un article du New York Times, paru le 23 janvier 1972, Georges-Henri Pingusson explique que « la signification des horreurs commises à Dachau, à Belsen, et dans tous les autres camps [ne relève pas du fait] que c’étaient des actes criminels commis par les Allemands, ni par des Nazis, mais plutôt qu’ils étaient le fait d’hommes. Ce qui est arrivé une fois peut se reproduire à nouveau ; ce que l’homme oublie est appelé à se répéter. C’est cette nécessité que chacun se souvienne qui a déterminé mon projet du monument. Je voulais que les visiteurs ne quittent pas le bâtiment désespérés ou abattus, mais avec l’impression marquante de ces tristes et terribles évènements… Une impression si frappante qu’ils ne pourraient plus les oublier1 ». De manière implicite, la portée mémorielle du monument ne se restreint pas aux murs de celui-ci mais va bien au-delà du simple mémorial, en s’immisçant en chaque visiteur par cet adage. Le visiteur ne sort pas du mémorial de la même manière dont il y est entré. Dorénavant, il est investit de cette mission, qu’il peut tout à fait ignorer mais il en aura été au moins averti. C’est en cela que le monument prends sa valeur nationale, tant désirée par l’association le Réseau du souvenir. Outre le fait que celui-ci soit institutionnalisé, il tente de laisser une empreinte en chaque individu. À Berlin, l’œuvre de Peter Eisenman se comporte davantage comme un espace public plutôt que comme un bâtiment possédant une entrée et une sortie. L’expérience visuelle mais aussi physique, que l’architecte induit, ne prends réellement fin que lorsque le visiteur décide de s’en détourner physiquement et visuellement. La limite et la distinction entre un dedans et un dehors du monument est si faible et abstraite que ne plus être dans les allées du mémorial ne signifie pas forcément que celui-ci n’as plus d’incidence sur le visiteur. Se déplacer en périphérie de la parcelle et voir évoluer le mémorial luimême mais aussi son rapport avec son environnement fait partie intégrante du projet architectural. « Each of us must decide for ourselves how far we dare to venture into this landscape of stelae and souls, and how we read it2 ». Contrairement à Pingusson, mais dans la lignée de sa conception, Eisenman ne donne aucune lecture du mémorial aux visiteurs. C’est à eux de faire ce travail là, s’ils le désirent. « L’étroitesse des allées, le manque de perspective, les ombres projetées, l’irrégularité du sol, la topographie instable, la dissymétrie des pavés, l’aspect labyrinthique, la grisaille uniforme 1. Ibid., p.104.

2. RAUTERBERG Hanno, Holocaust Memorial Berlin : Eisenman Architects. Traduction personnelle : « Chacun de nous doit décider par lui-même jusqu’où il ose s’aventurer dans ce paysage de stèles et d’âmes, et comment il le lit ».

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des stèles, leur forme éminemment géométrique et angulaire […] la crainte de percuter quelqu’un à un carrefour, de se perdre, de perdre un proche, ou pire, un enfant, dans ce dédale de stèles qui engloutit et rejette, dévore et dégurgite, engouffre et restitue selon la hauteur aléatoire des pierres […]1 » sont autant de situations qui se vivent par l’intermédiaire du mémorial et qui marquent le visiteur. C’est à partir de ces expériences que le visiteur est amené à trouver ou non du sens à ce qu’il vient de vivre et à en tirer des enseignements ou du moins se questionner. Qu’il s’agisse du Mémorial des martyrs de la déportation ou du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe, leurs architectes mettent en place des dispositifs architecturaux élaborés pour mettre les individus qui les parcourent dans des états physiques et mentaux particuliers, différents de leur quotidien. Ces mises en scène ont pour objectif d’engager les visiteurs dans une démarche d’introversion, d’isolement et de recueillement pour tenter d’établir un lien avec la mémoire et le souvenir commémoré. L’ensemble des sens est sollicité - le goût n’intervient presque pas voire jamais mais l’odorat est impacté de manière secondaire et implicite par la mise à distance avec la ville et les possibles nuisances olfactives - par les systèmes architecturaux mis en place. La volonté commune aux deux architectes n’est pas de faire « vivre » la mémoire et le souvenir à travers la perception et la compréhension de messages symboliques et explicites - qui peuvent témoigner comme des preuves historiques et scientifiques - mais à travers un état affectif. C’est à partir d’une certaine dimension cognitive, donc d’une expérience physique et psychique de ces lieux, que la remémoration s’établit. Cependant, il est légitime de se questionner quant à la pertinence et l’intelligibilité des mémoriaux par rapport aux faits et aux personnes qu’ils commémorent. Toute personne visitant le mémorial comprend-t-elle le sens (ou les sens) de l’œuvre, ou s’en détourne-t-elle par incompréhension et indifférence ? Cette problématique majeure, de laquelle en découle une multitude, est ce qui anime les débats les plus virulents concernant l’édification des mémoriaux, durant le processus de conception mais encore de nos jours. Comment une personne lambda, sans connaissances en architecture, peut-elle réagir face au langage particulier de l’œuvre de Pingusson mais surtout d’Eisenman ? Les émotions et les sensations que les architectes essaient de transmettre aux visiteurs, afin de faire passer un message de l’ordre de la mémoire et du souvenir, sont-elles bien assimilées et comprises? N’y-a-t-il pas un risque que les monuments soient mal ressentis et interprétés ? Que se passe-t-il si ces derniers faillissent à la destination pour laquelle ils sont érigés ? Ce serait là un échec des volontés des associations qui ont milité pour leur érection mais 1. CHEVALIER Dominique, Musées et musées-mémoriaux urbains consacrés à la Shoah, p.159.

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aussi pour les pouvoirs politiques qui placent en eux une mémoire collective et une unité nationale. La question est encore plus importante pour les générations futures qui n’ont aucun lien direct avec les évènements et les personne commémorées. Les formes qu’ont pris les mémoriaux, sont-elles à mêmes d’entrer en résonances avec ces individus, et ce, de la bonne manière, de la façon dont l’ont pensé les maîtres d’ouvrages et conçu les maîtres d’œuvres ?

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VEIL Simone, Une vie.


RÉCEPTION ET INTELLIGIBILITÉ

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DE LA MÉMOIRE PAR L’ARCHITECTURE

Je n’aime pas l’expression devoir de mémoire. Le seul « devoir » c’est d’enseigner et de transmettre. SIMONE VEIL

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Réception et intelligibilité de la mémoire par l’architecture

vous parler en détail de la valeur moins de symbole que de ”J'aimerais témoignage vivant, que j’ai reconnue à votre œuvre, - à toutes les parties

de votre œuvre. Mais je veux surtout vous dire ici, avec le maximum de simplicité, de vigueur, de vérité, le choc que m’a donné le mémorial. Nous étions venues là dimanche pour rendre hommages à nos mortes, et j’ai eu l’impression très forte que, nulle part ailleurs que dans cet espace, nous pouvions mieux nous sentir entre nous. Vous avez eu l’intuition du sens profond de la Déportation. C’est pour cela que votre œuvre es si poignante et si pure. Notre camarade Geneviève de Gaulle-Anthonioz disait avec émotion, en parlant de ce mémorial : « C’est le plus beau de France ». Lettre de Madame Négrin adressée à GHP, ancienne déportée, BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p. 89.

”Nous

nous sommes arrêter par hasard devant ce mémorial. […] Nous avons vu [d]es choses intéressante[s] mais des pièces vide[s] et des cellules vide[s]. J’ai pas trop compris. Commentaire Tripadvisor sur le Mémorial des martyrs de la déportation Annexe 2.1.

”En arrivant, on a tout de suite envie de se faufiler dans ces couloirs formés

par ce blocs de différentes hauteurs ; se perdre dedans ; passer de la foule bruyante de la Porte de Brandebourg à un silence un peu solennel où on pourrait se retrouver seul, entre 2 blocs, comme dans les mur d’une prison…Et puis, on se dit que c’est un mémorial, est-ce qu’on peut ainsi prendre plaisir à déambuler dedans ? Et puis on se dit pourquoi un mémorial devrait être triste ? Certes, la forme, la taille de ce « champs » de blocs, gris, sombres (comme autant de tombeaux) invite au recueillement mais aussi à déambuler dedans, comme pour pouvoir s’échapper ensuite vers la vie…C’est finalement une belle réussite. Sans doute ce que j’ai le plus apprécié à Berlin. Commentaire Tripadvisor sur le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe Annexe 2.18.

”Super idée de faire un mémorial mais le sentiment qui m’a submergé était

bizarre une sensation d’être enfermée en plein air. Je pense que même si je comprends l’idée de base une autre forme de mémorial aurait pu être fait. Commentaire Tripadvisor sur le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe Annexe 2.17.

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Réception et intelligibilité de la mémoire par l’architecture

COMPRÉHENSIONS ET INTERPRÉTATIONS L’architecture du Mémorial des martyrs de la déportation et du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe convoque la mémoire par l’expérience spatiale et émotionnelle des personnes qui parcourent ces lieux. Les architectes cherchent à leur faire vivre, ressentir et susciter tout un tas de sensations pour tenter d’évoquer ce drame, qui semble difficile à représenter autrement. Cette démarche porte-t-elle ses fruits ? Une compréhension pas si simple C’est à la lecture de quelque uns des nombreux ressentis et récits d’expériences des visiteurs du Mémorial des martyrs de la déportation et du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe que l’on se rend compte de la difficulté de concevoir un tel programme architectural. Si les discours que tiennent les associations, les pouvoirs politiques et les architectes entre eux, au sujet de la conception des mémoriaux, semblent clairs et porteurs de sens, pour l’opinion publique c’est une toute autre histoire. Alors que certains visiteurs restent perplexes quant aux formes que prennent les mémoriaux par rapport à ce qu’ils commémorent, notamment le mémorial de Peter Eisenman, d’autres ne retirent rien de leurs expériences au sein de ces espaces, ou du moins, ils ne perçoivent pas ce que les architectes ont essayé de mettre en place et en espace. Ils vont même jusqu’à proposer une observation - plus bénéfique selon eux - du mémorial berlinois depuis le ciel ou bien à partir d’une simple photo : chose que Peter Eisenman et Georges-Henri Pingusson réfutent dès le départ dans leurs conceptions. Le visiteur doit s’impliquer physiquement et par la suite émotionnellement s’il veut tenter de comprendre l’architecture dans laquelle il est. En somme, « il n’est pas possible de transmettre par une image les sentiments que l’on éprouve en visitant le mémorial1 » s’exclame Pingusson. Si le sens des mémoriaux ne semblent pas trouver d’échos en chacun des visiteurs, il serait totalement faux de prétendre que ces deniers n’ont rien ressenti au cours de leur cheminement au sein des monuments. En effet, la majorité des personnes interrogées - 50%2 pour le mémorial berlinois et 69% pour le mémorial parisien - assurent que la visite de ces monuments a un impact sur eux et notamment sur leur état d’esprit. Les procédés architecturaux mis en place par les concepteurs amènent les visiteurs à 1. BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p. 37.

2. Résultats issus des questionnaires donnés aux visiteurs (cf. annexe 2).

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”Comment Berlin pour rendre hommage aux millions de Juifs européens

tués a pu offrir un mémorial qui en soit est clairement symétrique mais dont les explications de l’histoire des Juifs d’Europe n’est pas expliquée ou alors que le nom des juifs tués ne soient pas affichés - comme cela est le cas devant le mémorial de la Shoah à Paris. Dans sa forme de labyrinthe, exit le côté solennel, les familles jouent à cache-cache (même les parents) sans se rendre compte de la portée mémorielle de ce lieu. Affligeant - pour autant le mémorial avait bien lieu d’être. Sous cette forme-ci, je ne sais pas. » Commentaire Tripadvisor sur le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe Annexe 2.14.

”L’endroit ne présente aucun intérêt à visiter, une simple photo Google

suffira. Pas d’explication, glauque et bétonné, l’endroit ne fait que gâcher le paysage architectural berlinois. Commentaire Tripadvisor sur le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe Annexe 2.15.

”On y passe, mais on ne s’y attarde pas. […] Ce site mériterait d’être vu d’en haut…

Commentaire Tripadvisor sur le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe Annexe 2.16.

”Ne justifie pas un détour en soit. Je n’ai pas trop saisit le thème ou concept. Je n’ai pas vu l’écriteau, peut être que ce m’aiderait a apprécier l’œuvre.

Commentaire Tripadvisor sur le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe Annexe 2.13.

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éprouver des sensations et des émotions liées à la désorientation, à la solitude, à la tristesse voire même à l’anxiété et la sérénité. Ces effets sur l’état émotionnel des usagers, recherchés par Eisenman et Pingusson, ne les laissent pas indifférents pendant et après leurs passages. La volonté d’établir des lieux autres, des sortes d’hétérotopies, qui permettent d’extraire les visiteurs de la ville pour les amener à un état spécifique favorable à la remémoration semble aussi se réaliser : 68% des personnes ayant visité le mémorial parisien et 91% des personnes ayant visité le mémorial berlinois estiment que ce sont bel et bien des lieux propices au recueillement, à la commémoration et au souvenir. D’autre part, les visiteurs se questionnent sur ce qu’ils ont pu vivre, sur les espaces qu’ils ont parcourus, et sur les choses qu’ils ont pu ressentir, cependant, ils ne trouvent pas forcément de réponses à tous leurs questionnements ni n’arrivent à exprimer les objectifs qui ont pu mener à l’érection des mémoriaux. Comment se fait-il que les mémoriaux en question puissent avoir un impact sur les visiteurs qui les parcourent mais que ces derniers ne puissent pas comprendre les intentions et les formes architecturales, et pire encore, qu’ils ne sachent pas les sujets traités par ces architectures ? N’est-ce pas là, ce que voulaient éviter à tout prix les associations, les pouvoirs politiques et même les architectes ? Il faut distinguer deux choses quant aux mémoriaux. Le fond et la forme. Le fond étant l’objectif pour lequel les mémoriaux sont érigés, leur nature. En ce qui concerne le Mémorial des martyrs de la déportation, il s’agit de garder présent dans la conscience des générations futures le souvenir du martyre que fut la déportation et des personnes qui ont perdu la vie. Pour le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe, la mission est double : ne jamais oublier les six millions de juifs tués mais aussi ne pas oublier les instigateurs de ces politiques exterminatrices, à savoir, le peuple allemand-nazi. Ensuite vient la forme que prennent les mémoriaux. Contrairement aux monuments aux morts, ces monuments commémoratifs des victimes du régime nazi sont de véritables lieux dans lesquels le passant est invité à déambuler. Se détachant du langage sculptural et de la figuration, les mémoriaux en question se tournent vers l’abstraction pour figurer ce qu’ils commémorent et permettre aux visiteur de vivre une expérience physique et mentale. La contemplation est supplantée par la participation. L’implicite et l’interprétation personnelle remplacent l’information claire et précise. De manière générale, ce qui laisse dubitatif les personnes qui ont visité le mémorial français mais surtout le mémorial allemand, c’est la forme de celuici. Peter Eisenman cherche à créer une sensation d’être perdu dans le temps et dans l’espace et pour cela il organise des blocs de béton de hauteurs variables selon une trame orthogonale. 123



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Georges-Henri Pingusson, quant à lui, espère mettre le visiteur en tête à tête avec le souvenir par l’élaboration d’un parcours sensible visant à l’amener à cet état réflexif. Il organise une succession d’ambiances pour favoriser ce cheminement physique et mental : jardin, fosse, crypte. If one person says it looks like a graveyard and the next says it looks like a ruined city and then someone says it looks like it is from Mars - everybody needs to make it look like something they know. (…) It’s fine1 . Les propos d’Eisenman à ce sujet sont éclairants. Le plus important dans l’édification du mémorial, ne semble pas être la forme que prend celui-ci ni les questions que cela entraine auprès du public mais bien la compréhension des raisons de l’édification du mémorial - garder en mémoire le souvenir des victimes et des actes commis - ainsi que la réponse que produit la visite du mémorial en chacun des visiteurs. Certes, si la forme abstraite a du mal à être assimilée et expliquée par les usagers cela est problématique mais en aucun cas cela ne remet en cause l’existence même du mémorial. Tandis que si le « fond », c’est-à-dire le message pour lequel celui-ci est édifié n’est pas compris voire nié, cela remet en cause les bases de la mémoire individuelle, collective et nationale. Malgré l’incertitude de la part de certaines personnes quant à la compréhension des formes architecturales des mémoriaux, dans l’ensemble, les sujets abordés par les monuments ou du moins, ne serait-ce que leur nom, sont connus des visiteurs : 85 % des personnes interrogées estiment connaitre, en partie, les thèmes matérialisés par le mémorial français, ce taux est de 94% pour le mémorial allemand. Car une fois que l’on assigne à la mémoire une forme monumentale, on se décharge, dans une certaine mesure, de l’obligation de se souvenir. En se chargeant du travail du souvenir, peut-être les monuments soulagent-ils les spectateurs du fardeau de leur mémoire2 .

1. Propos de Peter Eisenman recueillis par HAWLEY Charles, TENBERG Nathalie, « How long does one feel guilty ? ». Traduction personnelle : « Si une personne dit que ça ressemble à un cimetière et que la suivante dit que ça ressemble à une ville en ruine et que quelqu’un dit que ça ressemble à un truc martien, tout le monde doit faire en sorte que ça ressemble à quelque chose qu’il connaît. Une photo aérienne a été publiée dans le journal samedi - une très belle photo. Je n’ai jamais vu un cimetière qui ressemble à ça. Et quand vous y entrez, vous n’en avez certainement pas l’impression. Mais si les gens le voient comme ça, vous ne pouvez pas les arrêter. C’est très bien ». 2. E.YOUNG James, TOMICHE Anne (traduction), « Écrire le monument », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, n°3, 1993, p. 735.

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”Dommage qu’il n’y ait pas un service d’ordre pour que soit respecter cet endroit : les touristes qui s’allongent, mangent, boivent… c’est moyen.

Commentaire Tripadvisor sur le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe Annexe 2.20.

”[…] et que dire de ces gens qui prennent des selfies ou qui jouent comme dans un labyrinthe.

Commentaire Tripadvisor sur le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe Annexe 2.22.

”Des adultes courant et sautent de blocs en blocs … Affligeant.

Commentaire Tripadvisor sur le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe Annexe 2.23.

”Cependant, je trouve insupportable et affligeant que des dizaines et des

dizaines d’enfants (souvent avec leurs parents d’ailleurs) soient entrain d’escalader et de jouer à cache-cache entre les stèles… J’aimerais bien savoir où ils ont égaré leur respect… Commentaire Tripadvisor sur le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe Annexe 2.24.

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Un mémorial, selon James E.Young, peut-être dangereux pour la société dans laquelle il est édifié. En érigeant des mémoriaux, d’une certaine manière, les hommes se dispensent de la besogne de se souvenir en comptant sur le monument pour le faire à leur place. De surcroit, si l’on ne comprends pas ou si l’on oublie les raisons qui ont mené à la construction des mémoriaux, cela est d’autant plus alarmant. Régis Debray le dit ainsi : « Ce garde-mémoire garde quelque chose, mais on ne sait plus trop quoi… 1 ». Rapporté aux mémoriaux étudiés, cela à pour conséquence de négliger les horreurs commises par le régime nazi et donc de ne pas respecter la maxime de Pingusson « Pardonne n’oublie pas ». Le danger, in fine, étant que l’histoire malheureuse se répète par ignorance, indifférence et oubli. Des comportements qui interrogent Les mots « cimetière » et « tombes » sont ceux qui reviennent le plus souvent de la part des visiteurs du mémorial d’Eisenman pour qualifier l’ensemble de son œuvre. Chose étonnante, car dans aucun cimetière où je suis allé, ou sur aucune tombe sur laquelle je me suis rendu, j’ai pu apercevoir des gens monter sur les pierres tombales et sauter de l’une à l’autre. J’ai encore moins aperçu de personnes se prenant en photo avec le cimetière en arrière plan. Et pourtant une dichotomie semble émerger entre l’interprétation que les gens font du mémorial et les « activités » qui prennent place. Pour faire suite à la citation de Peter Eisenman, située en amont, lui-même exprime cette dissonance d’interprétations et de pratiques : « (…) There was an aerial shot in the paper on Saturday - a beautiful photo. I have never seen a graveyard that looks like that. And when you walk in, it certainly doesn’t feel like one. But if people see it like that, you can’t stop them (…)2 ». À regarder les abords du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe, voire même au centre de celui-ci, on peut se demander si nous sommes bien dans un lieu commémoratif à la mémoire des six millions de juifs qui ont perdu la vie ou bien sur un nouvel espace public à la mode avec une immense sculpture contemporaine. Il suffit d’observer les pratiques des personnes dans le mémorial pour s’apercevoir qu’il se trouve tiraillé entre être un vaste terrain de jeux et d’activités diverses et être un lieu de deuil et de recueillement, lourd en symbolique. À l’extérieur du mémorial, il est courant de voir les plus jeunes sauter d’une stèle à l’autre, tant que celles-ci ne sont pas trop hautes. Certaines personnes préfèrent s’asseoir dessus pour flâner ou manger. D’autres encore n’hésitent pas à chanter et parler fort. 1. DEBRAY Régis, Partie « Trace, forme ou message ? », p.36.

2. Propos de Peter Eisenman recueillis par HAWLEY Charles, TENBERG Nathalie, « How long does one feel guilty ? ».

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Personnes marchant sur les stèles. © BBC News

Femme se recueillant aux abords du mémorial. © BBC News

Personnes sautant de stèles en stèles. © BBC News

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À l’intérieur, une partie de « cache-cache » est facilement lancé par un groupe d’élève venu avec leur professeur. Tous ces comportements ne sont pas cautionnés par la grande majorité des visiteurs - mais ils se produisent bel et bien - et pourtant aucun d’entre eux « n’adoptent […] spontanément les attitudes légitimées dans ce lieu de mémoire (silence, immobilité, recueillement, etc.)1 ». Pourtant, certains commentaires laissent à penser que le détournement du mémorial semble tout à fait justifié : « Une visite à faire en famille, avec vos enfants. Laissez les courir et jouer parmi les blocs. Cela démontre que les nazis n’ont pas gagné !! Je suis juif ashkénaze et je ne vois aucun inconvénient à voir jouer des enfants ici. Nous aimons la vie, et les enfants représentent la vie2 ». Une signalétique, discrète, peu être un peu trop, précise en effet qu’« il est interdit de grimper sur les stèles, d’y faire du bruit, d’y fumer et d’y consommer des boissons alcoolisées. D’autres gestes, y compris les rituels dans les commémorations traditionnelles (dépôts de cailloux, de fleurs,etc.) ne sont pas non plus autorisés ». Des gardiens sont aussi présents pour essayer de faire respecter ces règles mais cela ne semble pas être une priorité tant que les comportements ne nuisent pas au mémorial. Mais à partir de quel moment un comportement devient nuisible pour ce genre de lieu ? Est-il nuisible pour la pérennité de l’œuvre en elle-même ou pour son intelligibilité ? Est-il nuisible pour les autres visiteurs présents ? Depuis le début, j’ai été opposé au vernis contre les graffitis. Si quelqu’un y peint une svastika [croix gammée], c’est un signe de la façon dont les gens pensent. Et si elle n’est pas effacée, c’est encore un signe de la façon dont le gouvernement pense. C’est quelque chose sur quoi je ne peux avoir de contrôle3 . Peter Eisenman est franc quant à sa position vis à vis de la vie de son édifice. En concevant son mémorial, il était parfaitement conscient des dérives d’usages qu’il pouvait engendrer, ce que lui ont reproché ses détracteurs. Le manque d’efficacité de la forme, qui ne rendait pas d’emblée lisible le rapport avec la Shoah, ou bien l’aspect ludique et divertissant qui peut être fait du lieu ont été longuement reproché à l’architecte. Faits sur lesquels l’architecte donne la pleine responsabilité à la population et au respect qu’elle a pour ce qu’il advient du mémorial au quotidien et dans le futur. Son monument n’impose pas un dispositif de mémoire mais propose une interprétation de la mémoire ; n’interdisant pas son propre détournement. 1. AUCHER Laurent, « Devant le mémorial, derrière le paradoxe » ,p.9.

2. Commentaire Tripadvisor sur le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe, annexe 2.21.

3. Citant Peter Eisenman, dans Hawley - Tenberg, « Interview with Holocaust Monument Architecte Peter Eisenman », ZEVI Adachiara, Monuments par défaut. Architecture et mémoire depuis la Shoah, Paris, Éditions Conférence, collection teamin, 2018, p.87-88.

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Groupe de jeunes assis sur une stèle

© RAUTERBERG Hanno, Holocaust Memorial Berlin : Eisenman Architects

Effervescence aux abords du mémorial.

© RAUTERBERG Hanno, Holocaust Memorial Berlin : Eisenman Architects

Comportements multiples au sein du mémorial. © Exploringworld.com

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La commémoration semble disparaitre sous l’appropriation quotidienne, ou du moins, comme l’imagine Eisenman : l’appropriation quelconque du mémorial par le public montre une nouvelle manière de commémorer et d’entretenir un lien avec le passé et le futur. Que ce « monument de la honte », si souvent décrié par la population durant les différents concours mais encore de nos jours par certains, reste un lieu de douleur ou qu’il devienne un tout autre lieu, plus joyeux, ne dépend que de ses pratiquants. Mais alors, le divertissement et l’expérience touristique peuvent-ils être considérés comme une banalisation de la mémoire ? D’ailleurs, est-ce grave de banaliser la mémoire ? Quelles peuvent-être les conséquences ? La mémoire doit-elle être à tout prix ennoblit ? La position du mémorial dans la ville, situe ce dernier sur l’un des axes touristiques majeurs de la capitale, reliant la porte de Brandebourg à la Postdamer platz ou encore celui reliant l’île aux musées au parc du Tiergarten. Inscrivant ainsi le lieu dans un véritable pèlerinage touristique, accompagné de ses avantages mais aussi de ses défauts. « Demander à des touristes pourquoi ils sourient au Mémorial de la Shoah [Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe], c’est débarquer dans un grand terrain de jeu avec une pancarte «Attention, mémorial» et refroidir sérieusement l’ambiance. C’est que le Mémorial est fourni sans mode d’emploi. Il est posé au milieu de Berlin, en face de l’immense parc du Tiergarten, et bordé de biergartens [brasserie en plein air] et de stands de curry-wurst, sans aucune indication de sa nature. Le Mémorial semble un monument comme un autre et les touristes rejouent la même partition que quelques minutes plus tôt à la Porte de Brandenbourg. Un selfie touristique est surtout un «J’y étais»1 ». Le journaliste Vincent Glad expose ici la dimension touristique et ses impacts sur le quotidien du mémorial. De part l’importance nationale mais aussi internationale du mémorial pour ce qu’il représente mais aussi par le fait qu’il ai été réalisé par une starchitecte . Au fil des années, le monument a acquis une certaine notoriété pour son importance historique et culturelle mais aussi comme lieu touristique incontournable de la capitale allemande. Brigitte Sion, une experte internationale dans le domaine des musées et des mémoriaux, étudie notamment les différents visiteurs qui se trouvent sur les lieux de mémoire. Elle constate que l’ « on ne se rend même plus compte que la première chose qu’on fait quand on arrive dans un endroit, c’est de se recoiffer, réajuster ses lunettes de soleil et diffuser son selfie sur les réseaux sociaux, même si le lieu à l’arrière-plan est complètement inapproprié. Il y a une dissonance totale entre le sourire, le bien-être affiché, le coté cool

1. GLAD Vincent, « Au Mémorial de la Shoah, pourquoi les touristes sourient-ils sur leurs selfies? », 18 mai 2015.

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Photomontage de l’artiste mettant en comparaison les photos des touristes publiés sur leurs réseaux sociaux (à gauche) et les mêmes visiteurs mis dans le contexte d’images historiques liées aux horreurs des camps (à droite). © Shahak Shapira

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et le fait d’être assis dans un endroit où des milliers de gens sont morts1 » (dans cette phrase elle fait référence au camp d’extermination d’AuschwitzBirkenau). C’est ainsi qu’est né le projet artistique intitulé « Yolocaust », initié par le satiriste Shahak Shapira, un israélien installé à Berlin, pour dénoncer de manière grinçante la course aux likes sur les réseaux sociaux. Le concept est simple et tristement évocateur : il s’agit de remplacer les selfies glanés sur les sociaux et de les remettre dans le contexte de l’horreur des camps de la mort. Avec « Yolocaust », néologisme issu de la combinaison de « yolo » (you only live once : on ne vit qu’une fois) et de « holocaust », derrière l’humour macabre, l’artiste cherche à faire réagir les visiteurs sur la réalité du lieu face à leurs comportements que certains jugent inappropriés. « Près de 10.000 personnes visitent le mémorial de l’Holocauste de Berlin chaque jour, explique Shahak Shapira sur le site de son projet. Beaucoup d’entre eux prennent des clichés stupides, sautent ou font du skateboard et du vélo sur les stèles qui symbolisent les tombes des 6 millions de Juifs tués ou enterrés dans les fosses communes, et les cendres grises issues des fours crématoires (…) c’est à vous de voir comment vous voulez vous comporter au sein d’un lieu qui marque la mort de 6 millions d’êtres humains ». Poussés aux extrêmes, ces différents comportements sur ce lieu de mémoire peuvent mener non seulement à l’oubli mais aussi à la négation du passé. L’oubli est alors pensé comme un risque à long terme ou un allié du déni contre lequel l’accumulation de documents et leur exposition permettrait de lutter. À Paris, au Mémorial des martyrs de la déportation, aucun comportement semble inapproprié ou gêné les autres visiteurs. La quasi-totalité des personnes interrogées (95%) n’a pas remarqué de comportements ou d’actes choquants ou offusquants au sein du monument. Mais à quoi sont dues ces différentes attitudes ? Dans un premier temps, la forme architecturale n’est pas la même. Les dimensions du mémorial sont beaucoup plus petites et celui-ci n’est pas configuré pareil. La majeure partie de l’œuvre de Pingusson est intérieure et c’est peut être en cela que les conduites varient. Comme le montre Dominique Chevalier à juste titre : « […] l’absence de marqueurs spatiaux spécifiquement liés à la Shoah peuvent porter à confusion et laisser croire qu’il s’agit d’une œuvre d’art de plein air2 ». Or, les comportements des visiteurs semblent s’adapter aux lieux dans lesquels ils évoluent. Qu’il s’agisse du centre d’information à Berlin ou bien de la crypte du 1. Propos de SION Brigitte recueillis par VILLOZ Laurent, «Il y a une compétition entre les différents visiteurs sur les lieux de mémoire» , 23 Août 2017. 2. CHEVALIER Dominique, Musées et musées-mémoriaux urbains consacrés à la Shoah, p.158.

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Abords du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe - Distinction floue entre le trottoir et le mémorial © Crédit personnel

Arbre planté à la place d’une stèle © Crédit personnel

Différentes matérialités au sol - stèles « débordant sur la ville » © Crédit personnel

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souvenir et ses salles pédagogiques à Paris, quelque chose semble s’opérer pour que des comportements jugés inacceptables ne se produisent pas. Dans un second temps, le visiteur est amené à franchir des seuils et des portes et à pénétrer dans des espaces fermés, du moins, identifiables comme différents des précédents. Un avant et un après se mettent en place. Ces systèmes architecturaux influencent implicitement le comportement que doivent avoir les personnes qui s’apprêtent à entrer dans ces lieux. Le passage d’un dehors à un dedans implique des codes sociaux - de langage et de signaux corporels - auxquels les visiteurs sont réceptifs. Il est vrai qu’à Berlin, en ce qui concerne le champ de stèle en surface, il n’existe aucune limite claire et nette entre l’espace de la ville et l’espace du mémorial. Les blocs de béton les plus petits viennent même se positionner sur les trottoirs alentours. Quelques arbres tentent même de s’infiltrer entre les blocs de béton. Le profane se mélange « au sacré » ou du moins au funéraire et au mémoriel. La distinction entre la ville et le monument n’est pas une chose aisée, mais là encore, c’est toute la volonté de Peter Eisenman que d’implanter sans différence l’histoire des juifs européens assassinés et l’histoire allemande dans le même sol. Troisièmement, les espaces pédagogiques semblent aussi impacter la conduite des visiteurs. De part la présence d’inscriptions, et d’expositions visant à présenter, expliquer mais aussi enseigner cette partie sombre de l’humanité, le spectateur adopte spontanément une posture jugée « normale » et socialement admise en lien avec son environnement. Le caractère mortuaire, solennel et grave des informations présentées aux visiteurs amplifie la demande implicite d’une posture sobre, respectueuse et silencieuse de la part de ces derniers. Ces espaces pédagogiques qui apparaissent comme essentiels aux yeux de Georges-Henri Pingusson et totalement contre-productifs aux yeux de Peter Eisenman interrogent leur propre présence au sein de leurs mémoriaux respectifs. Dans un premier temps leur existence provient d’une volonté d’éclairer de manière explicite les visiteurs sur les évènements et les personnes commémorées par le biais du mémorial, mais aussi de refréner l’oubli de cette période de l’histoire tout en contrant le négationnisme par la présentation irréfutable de faits historiques. La question se pose donc de la nécessité de ces lieux à vocation didactique au sein des mémoriaux. Que s’apportent-ils l’un l’autre ? Entrent-ils en conflit ou en totale harmonie ? N’est-ce pas remettre en cause et mélanger le but du mémorial que de l’affubler de ces espaces ayant leurs propres objectifs ? Dans quelles mesures l’expérience physique mise en place par les architectes se confronte-t-elle avec l’expérience mentale issue des dispositifs d’expositions et d’informations ?

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UN MÉMORIAL QUI ENSEIGNE ? « Aujourd’hui, on n’imagine plus commémorer sans l’outil pédagogique1 ». Les propos de Simon Texier, tenus lors d’une visite guidée du Mémorial des martyrs de la déportation, soulèvent un contresens qu’il est nécessaire d’éclaircir. Les mémoriaux étudiés, et le monument au sens large, sont des édifices créés par l’Homme qui ont pour finalité, pour objectif, de rappeler et de perpétuer le souvenir d’un ou plusieurs évènements, d’une ou plusieurs personnes. Ainsi, étymologiquement, un mémorial n’a pas pour but d’expliquer ce qu’il incarne. Cependant, à la suite des évènements de la Seconde Guerre mondiale, les monuments se sont vus assignés ce besoin d’expliquer et d’enseigner ce qu’il commémore afin de transmettre des connaissances. En tant que relais de la mémoire de ces évènements, les monuments semblent, dorénavant, avoir le besoin voire même le devoir de transmettre plus que le simple souvenir de ce qu’ils commémorent. La dimension pédagogique, ou du moins, la connaissance des faits, apparait comme nécessaire pour les générations futures moins « concernées » par le passé. En effet, comment commémorer ou se souvenir ce dont nous n’avons pas connaissance ? C’est cette question, entre autres, qui a vu naître ce qu’on appelle en France le « devoir de mémoire2 ». Olivier Lalieu a effectué un travail de recherche intéressant et important concernant l’origine et les objectifs de cette expression, et qui pourrait expliquer, en partie, la présence et le besoin d’espaces didactiques dans les mémoriaux étudiés. À la suite de 1945, les déportés survivants ayant échappé aux fours crématoires et aux meurtres de masses ne peuvent se soustraire à l’idée d’oublier leurs proches et leurs collègues décédés. Avoir survécu donne impérativement aux rescapés des devoirs3 . Celui de se souvenir, c’est-à-dire d’honorer les morts, et celui de la mémoire, qui consiste à maintenir présent le souvenir des victimes et des actes de barbarie4 . C’est ainsi qu’émerge la maxime « n’oublions jamais », mais quoi et pour quoi faire ? Ce second impératif se fait de plus en plus présent à mesure que les témoins du passé disparaissent et que la distance se creuse entre les nouvelles générations et les faits. Il y a le devoir du témoin de livrer son expérience au public mais il y a aussi le devoir moral du même public, non seulement d’écouter le récit mais de transmettre par la suite cette expérience. 1. Propos de Simon Texier, visite du mémorial des martyrs de la déportation, Paris, 18 octobre 2020

2. DEFINITION DEVOIR DE M2MORE, dire qu’il apparait avant mais prends de l’importance avec la shoah et maintenant toute les mémoires, et qu’il y a des ressors politiques

3. LALIEU Olivier, « L’invention du ‘devoir de mémoire’ », Vingtième Siècle, Revue d’histoire, vol. 69, no. 1 4. Ibid., p.84.

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Lalieu, ainsi que plusieurs de ses confrères, soulèvent d’ailleurs l’efficacité du « passage du flambeau ». « Ce n’est pas mépriser l’intention que de s’interroger sur la capacité réelle des nouvelles générations à poursuivre sur le long terme pareille entreprise et, qui plus est, à témoigner d’une expérience concentrationnaire qu’ils n’ont pas vécue, écrit-il. (…) Le salut ne peut alors venir que des forces les plus pures et les plus vives de la nation : sa jeunesse1 ». Ainsi le combat des survivants et des associations trouve rapidement sa place dans la sphère politique et institutionnelle, notamment en France. Le devoir de mémoire a été reconnu officiellement par certains États, à travers des déclarations officielles et des textes de loi (lois mémorielles à partir de 1990 en France2 ). Ces mesures politiques imposent le devoir de mémoire comme un impératif moral à la population, permettent une reconstruction identitaire, luttent contre le négationniste, et l’une des choses les plus importantes, légitiment les demandes de réparations possibles ou bien les jugements des auteurs des faits, plusieurs années après leur réalisation, afin d’en tirer des leçons. Mais quel est le lien entre le devoir de mémoire et la présence - imposée pour le mémorial berlinois - d’espaces didactiques au sein des mémoriaux, me direz-vous ? Comme nous l’avons déjà mentionné auparavant, « se souvenir, c’est aussi, et peut-être d’abord faire connaître » ; faire connaître, c’est empêcher l’opinion de succomber à nouveau, par ignorance, à la démagogie xénophobe, raciste et antisémite3 ». Alors pourquoi ne pas consacrer entièrement la partie « enseignement et transmission » du devoir de mémoire aux musées - dont c’est l’un des rôles premiers - ou aux écoles ? Cela est déjà le cas, mais cela n’empêche pas non plus que les monuments, eux aussi, en tant que médias de transmission, prennent part à l’exposition de connaissances historiques et scientifiques dans le but d’informer et d’enseigner. En effet, les musées et les écoles ne peuvent délivrer tous les savoirs, d’autant plus qu’ils ne seront par perçus de la même manière par l’ensemble des individus. Il est plus sage, de prévoir et d’investir les mémoriaux d’une dimension didactique et ainsi éviter tous risques possibles (oubli, négationnisme, non-transmission, etc). Par ailleurs, ces derniers spatialisent la mémoire d’une nouvelle manière, avec peut-être plus de profondeur et d’efficacité qu’aucun autre musée ou salle de classe. Mais alors pourquoi et comment une telle volonté de lier la commémoration et la pédagogie s’agence-t-elle ? Il reste à savoir comment imbriquer les deux « objectifs », l’un intrinsèque au monument et l’autre extrinsèque? Quels sont les bienfaits et les méfaits de l’un sur l’autre, et vice-versa ? 1. Ibid., p.89.

2. Le président de la République Française Jacques Chirac reconnait la responsabilité de la France dans le génocide juif le 16 juillet 1995. 3. Citant ALCAN Louise, in LALIEU Olivier, « L’invention du ‘devoir de mémoire’ », p.88.

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Dispositifs scénographiques mettant à jour les expositions © Crédit personnel

Projection de vidéos © Crédit personnel

Inscriptions peintes sur les murs © Crédit personnel

Dispositifs scénographiques mettant à jour les expositions © Crédit personnel

L’ensemble des moyens scénographiques contemporains cherche à compléter ou corriger les informations gravées ou peintes sur les murs à la suite de l’aménagement des espaces didactiques en 1975. Ils ont pour objectif de transmettre des données scientifiques et historiques vérifiées aux visiteurs et ainsi faire part de l’évolution des connaissances de cette période de l’Histoire et contrer le négationnisme.

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Les points positifs À l’image du Mémorial des martyrs de la déportation, les aménagements didactiques situés dans les salles à l’étage supérieur du bâtiment permettent d’actualiser les informations gravées à même le béton de la crypte et des chapelles latérales. En effet, dès le départ, la volonté de Pingusson est de tailler sur les murs des mentions dédicatoires adressées aux martyrs pour les survivants. Cependant, malgré une recherche documentaire conséquente, il est encore trop tôt pour avoir une vision d’ensemble et précise des conséquences du régime nazi. Ainsi, il sera gravé « Aux deux cent mille français morts dans les camps de la déportation » ou encore « Pour que vive le souvenir des deux cent mille Français sombres dans la nuit et le brouillard, exterminés dans les camps nazis ». À la livraison du bâtiment deux ans plus tard, les chiffres nationaux des déportés français morts ont déjà évolués, mais il est trop tard pour défaire ce qui a été écrit. Il en va de même pour certaines cartes établies sur certains murs ou encore l’omission de certains camps. À l’époque, la connaissance historique de la déportation évolue rapidement, et de nos jours, elle s’est profondément modifiée. Plutôt que le mémorial ne devienne obsolète et ne transmette un message erroné, les salles d’expositions permettent d’établir un nouveau discours, juste, en accord avec les connaissances contemporaines. Ainsi, si l’œuvre de Pingusson n’avait jamais possédé ces espaces qui réactualisent les informations historiques et qui les expliquent, cette dernière aurait transmise aux générations futures un souvenir tronqué et les dérives que cela peut entrainer. De manière générale, au Mémorial des martyrs de la déportation ainsi qu’au Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe, les espaces d’expositions à visée didactique apparaissent dans un second temps de parcours. À Paris, bien que Georges-Henri Pingusson ai pensé l’ensemble de son œuvre comme une succession d’espaces et d’atmosphères, la partie didactique intervient à la fin du cheminement du visiteur. À Berlin, le passant est d’abord invité à déambuler dans les allées en surface avant de rejoindre le centre d’information souterrain, s’il le souhaite, mais surtout s’il le trouve. De part leur position, intentionnelle ou forcée, dans la temporalité des visites, ces espaces permettent aux visiteurs de mettre des mots ou de faire des connexions avec l’expérience physique qu’ils ont vécus et les sensations et les émotions qu’ils ont pu ressentir. Au lieu de laisser les personnes dans l’incompréhension la plus totale quant aux formes abstraites des architectures, les informations fournies ouvrent les interprétations personnelles et les visiteurs s’attribuent, peut-être mieux, le monument. Par exemple, les grilles en fer forgé noir de l’ouverture sur la seine ou celles des cellules vides prennent plus de sens en tant que métaphore du milieu carcéral que Pingusson essaie de figurer. Les stèles de béton, bien qu’Eisenman ne 139


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leur attribue aucune symbolique, sont imaginées comme la représentation tombale des six millions de juifs assassinés et leur matérialité comme le poids incommensurable et éternel du passé. En plus de fournir des potentielles explications et interprétations individuelles au sujet de l’architecture même des mémoriaux, ces lieux d’expositions présentent et enseignent l’histoire de cette sombre période. Les points négatifs Cependant, la présence de ces lieux didactiques au sein des mémoriaux se heurte à quelques problèmes. Ils apportent des informations supplémentaires et complémentaires, mais encore faut-il qu’ils soient accessibles à toutes et à tous, tout le temps. Georges-Henri Pingusson et Peter Eisenman cherchent à donner à chaque visiteur une expérience individuelle et intime de la mémoire par l’organisation d’une architecture que tous peuvent pratiquer selon des conditions égales et similaires. Mais, à Paris, dès la seconde inauguration en 1975, des problèmes de logistiques se posent. En effet, le mémorial doit être surveillé et l’État exige des gardiens pour réguler le nombre de personnes mais aussi le temps de visite des salles supérieures. Ainsi, le jardin, le parvis et la crypte sont accessibles à tous - sur les différents plages horaires d’ouverture du mémorial - mais le parcours des expositions est restreint et limité dans le temps. Aujourd’hui encore, ces mesures restrictives persistent. Pour des raisons de capacité d’accueil, toujours, mais aussi pour des questions de logistiques. Chaque visite des espaces didactiques est encadrée en petits groupes par les « gardiens » du site, sous la tutelle du ministère des armées. De plus, ces visites guidées se produisent uniquement les dimanches. De fait, l’ensemble des visiteurs du mémorial n’a pas la même expérience de celui-ci et encore moins le même apport de connaissances. À Berlin, la même chose se produit. Bien qu’Eisenman ne considère par la visite du centre d’information comme essentielle à l’expérience de son mémorial, il n’en reste pas moins accessible. Ici, cependant, c’est moins une question d’horaires, qui ne permet pas aux visiteurs d’entrer dans la partie souterraine du monument mais plus une question d’accessibilité. Près de 75% des personnes interrogées ignoraient l’existence de cette partie du mémorial. Et seuls 19% affirment l’avoir visité. Dans ce panel de réponses, 19% des personnes ont aperçu l’entrée du centre d’information sans le visiter et 10% ne l’ont même pas trouvé. Il y a là de vrais questionnements quant à la combinaison et la complémentarité entre les deux entités du mémorial. Comment le mémorial peut-il fonctionner, si les deux parties qui le composent sont distinctes et isolées l’une de l’autre ? Certes, la visite de l’une n’oblige la visite de 140


Réception et intelligibilité de la mémoire par l’architecture

l’autre, mais alors pourquoi vouloir imposer le centre d’information à l’œuvre originelle d’Eisenman, si celle-ci n’est pas « obligatoire » ? Ne peut-il pas prendre place ailleurs ? D’ailleurs, ces lieux, que l’on peut qualifier de pédagogiques, car il s’agit bien d’enseigner, c’est-à-dire de transmettre quelque chose à quelqu’un pour qu’il comprenne et assimile, ne nuisent-ils pas au dessein des architectes à travers leurs œuvres ? L’une des caractéristiques résultante à la construction de mémoriaux sans lieux de connaissances et de savoirs est la possibilité qu’offrent ces derniers à pousser le visiteur à s’informer au-delà de la simple expérimentation du monument. En effet, si le visiteur ne comprends pas l’architecture ou les émotions qu’il a expérimenté au sein du mémorial ou s’il cherche à en découvrir davantage, il engage un processus personnel de recherche qui dépasse la temporalité et la spatialité de sa visite. Le travail de mémoire, de manière implicite, se prolonge dans le temps et dans l’espace. Tandis que l’apparition de lieux pédagogiques, donnant accès à une documentation scientifique et historique, peut, en quelque sorte, limiter le travail de mémoire et du souvenir. Une fois après avoir pris connaissance et retenu les informations délivrées au cours des expositions, le visiteur n’a nul besoin de s’interroger ou de se questionner sur ce qu’il a vécu, vu et lu ; et encore moins en dehors du mémorial. Ainsi, le tête à tête avec le souvenir, comme le dit Pingusson, ou avec l’histoire, ne dépasse pas le cadre du monument. Le risque d’oubli peut donc apparaître et grandir plus facilement. L’ultime aspect qui interroge la présence de ces lieux est la posture qu’à le visiteur dans son parcours. Pingusson et Eisenman le clament haut et fort, leur volonté première est d’engager le corps du visiteur dans leurs architectures. Selon eux, c’est un moyen efficace pour leur faire éprouver des sensations et des émotions propices à l’isolement, au recueillement et donc, in fine, à la commémoration et au souvenir. Ainsi l’affectif prends le pas sur l’intellectuel. La réflexion que les visiteurs mènent et le sens qu’ils donnent à ce qu’ils vivent provient d’abord des ressentis physiques, notamment de la sollicitation de leurs sens. Bien que les salles didactiques du mémorial parisien ou les salles à thème du mémorial allemand reprennent des caractéristiques scénographiques et architecturales liées aux œuvre sensibles, elles ne mettent pas le visiteur dans la même posture. Celui-ci, alors acteur de sa propre expérience, est « réduit » au statut de spectateur. La vue est l’un des seuls sens vraiment sollicité pour observer, analyser et assimiler les informations données. La nature des différents documents présentés au fil des expositions, tels que des objets personnels appartenant aux victimes, ou encore des photos de leurs corps squelettiques et décharné voire même des témoignages de survivants, produisent forcément un effet de proximité avec les visiteurs. Ces derniers éprouvent donc des émotions. Cependant, ces ressentis sont 141


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figuratifs et déconnectés de toute expérience corporelle. En résulte un travail de mémoire, qui n’est pas amoindri, bien au contraire, mais qui est totalement différent. D’un coté, l’expérience physique amène un certain état d’esprit qui questionne et qui enclenche la réflexion. De l’autre, c’est la présentation d’informations à visée didactique qui questionne et qui enclenche la réflexion, tout en pouvant - sans obligation de réussite - faire ressentir des choses aux visiteurs. Dans le premier cas, l’émotion est la cause. Dans l’autre, elle est possible conséquence. D’une part, l’évocation du drame repose sur le dispositif architectural en tant que système troublant physiquement le visiteur. D’autre part, elle repose sur des expositions destinées à l’acquisition de connaissances avant d’être destinées aux ressentis.

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Mémorial ou musée ? On fait valoir sans cesse le devoir de mémoire : mais rappeler un événement ne sert à rien, même pas à éviter qu’il ne se reproduise, si on ne l’explique pas […].1 Le mémorial des martyrs de la déportation et le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe sont avant toute autre chose des lieux de mémoire voués à la remémoration des victimes du régime nazi - qu’il s’agisse des six millions de juifs européens ou bien des déportés français - et à leur commémoration. Par leur architecture, « les visiteurs sont forcés d’éprouver et de ressentir, de comprendre la Shoah par l’émotion, plus que par l’intellect2 » selon les propos de Dominique Chevalier. C’est sa finalité qui fait que la fonction que remplit un mémorial ne peut l’être, ni par les vestiges ou les lieux de souvenir laissés par un événement du passé, aussi authentiques soient-ils, ni par les informations délivrées par les musées, les collections ou les archives, aussi éclairantes soient-elles. Seul un mémorial témoigne de la volonté et du message de ses fondateurs. […] Celui qui souhaiterait quelque chose de plus confortable pour le public ou de plus discursif n’a saisi ni le sens ni la finalité du projet3 . Cependant, l’outil pédagogique n’est pas mis de coté pour autant et il trouve sa place au sein de ces deux monuments. De fait, une dichotomie apparait par l’apposition de deux objectifs qui semblent, à première vue, totalement différents - commémorer et enseigner - pour l’usage du terme « mémorial ». Dominique Chevalier continue en exprimant la potentielle difficulté d’allier ces deux buts en une seule et même œuvre, la tâche est délicate « puisqu’il convient de rester suffisamment pédagogique pour un public scolaire, nombreux, et des visiteurs de plus en plus intéressés par le tourisme de mémoire, sans diluer la dimension commémorative et symbolique que les survivant-e-s ou personnes qui ont des liens personnels avec l’histoire de la Shoah viennent y rechercher4 ». In fine, le mémorial existe pour rappeler un souvenir. Comme nous l’avons au début de ce travail de recherche, les arcs de triomphe ou encore les colonnes commémoratives rappellent une victoire de guerre ou encore un membre de la famille royale. Les monuments - aux morts - eux, sont présents 1. PROST Antoine, « Leçons sur l’histoire », Dans LEDOUX Sébastien, « Écrire une histoire du ‘devoir de mémoire’», Le Débat, 2012/3, n°170, p.176. 2. CHEVALIER Dominique, Musées et musées-mémoriaux urbains consacrés à la Shoah, p.158. 3. HABERMAS Jürgen, « Les Allemands et leur mémorial », p.115-116.

4. CHEVALIER Dominique, Musées et musées-mémoriaux urbains consacrés à la Shoah, p.28.

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”À faire plus pour l’exposition en sous-sol que pour le mémorial en luimême.

Commentaire Tripadvisor sur le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe Annexe 2.25.

”Le musée se trouve sous les stèles du mémorial.

Commentaire Tripadvisor sur le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe Annexe 2.26.

”Le musée se trouve en sous-sol, sous l’esplannade composée de bloc de béton. Il faut le visiter surtout si vous êtes avec des jeunes, afin qu’ils comprennent vraiment conscience de ce qu’il s’est passé. Commentaire Tripadvisor sur le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe Annexe 2.27.

”Une ambiance pesante qui nous plonge dans la déportation de la seconde

guerre mondiale avec des explications claires, des images poignantes et un silence absolu de circonstance à respecter qui nous coupe de la dynamique parisienne. Sur le chemin de la visite on en apprend davantage sur la déportation et le fonctionnement des camps... Un moment de recueillement pour ne pas oublier les atrocités ayant été commises dans le passé. Commentaire Tripadvisor sur le Mémorial des martyrs de la déportation Annexe 2.3.

”Dans les salles sombres, des panneaux nous relatent la vie et la souffrance des déportés. Les explications sont simples, courtes, sans discours inutile.

Commentaire Tripadvisor sur le Mémorial des martyrs de la déportation Annexe 2.2.

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pour rappeler les combattants tombés au front et leur sacrifice pour que la nation puisse vivre. À la suite des évènements orchestrés par le Troisième Reich, le monument est questionné dans sa forme pour rappeler, de la meilleure manière possible - si tant est qu’il y en ait une - les victimes civiles de ces atrocités. Cependant, dans un contexte inédit, où la peur d’oublier le passé et de voir un jour de tels choses se reproduire, les mémoriaux étudiés sont investis d’une nouvelle fonction : rappeler les évènements qui ont menés à la commémoration des victimes dans une volonté d’enseignement. Il est souvent reproché à l’œuvre de Peter Eisenman d’être trop abstraite et de ne pas exprimer clairement ce qu’elle représente. Au contraire, une grande partie des visiteurs du mémorial semble même préférer et conseiller la découverte du centre d’information au champ de stèles afin de mieux comprendre cette période de l’histoire. Le mot musée est même employé à de nombreuses reprises pour qualifier les espaces d’expositions souterrains et ainsi les différencier du mémorial, en surface. L’emploie de ce terme « musée » par les visiteurs n’est pas dénué de sens et peut être révélateur des tensions qui existent au sein du monument. En ce qui concerne le Mémorial des Martyrs de la déportation à Paris, l’ensemble des expositions ne fait pas l’objet d’une appellation particulière puisque le parcours architectural créé par l’architecte semble cohérent et ne donne pas l’impression d’avoir deux parties distinctes. À Berlin, le fait que les visiteurs, de manière totalement anodine, distinguent une partie mémorielle en surface et une partie muséale en sous-sol influence implicitement la posture de ces derniers vis-à-vis de l’architecture en elle-même mais aussi de ce qu’ils en retirent. Visiter le centre d’information et se le représenter comme un musée dans lequel on peut observer des images, des objets et des écrits et en tirer des connaissances, ne fait que renforcer le caractère abstrait, sans explications ni notice de compréhension des centaines de blocs de béton situés à la surface. D’un coté se trouve des espaces où tout est dit et expliqué aux visiteurs, et de l’autre, ces derniers sont livrés à eux-mêmes afin de trouver du sens à ce qu’ils vivent. Loin d’affirmer ici que la juxtaposition d’un travail mémoriel et d’un travail pédagogique ne puisse pas être possible, il est intéressant de se questionner sur l’imbrication des deux et l’impact de l’un sur l’autre, et vice-versa. Simon Texier fait remarquer à juste titre que « la sculpture, comme l’architecture pure, ne peut délivrer qu’un message artistique ou émotionnel, au mieux éthique. Or le devoir d’histoire - et de mémoire passe aussi par la narration des faits, l’exposition et l’entretien des traces laissées par la guerre, enfin par la mise à disposition des preuves (matériel iconographique ou documents d’archives), qui permettent au visiteur de renouer concrètement avec l’événement1 ». Ainsi, il parait nécessaire, 1. TEXIER Simon, Les architectes de la mémoire , Paris, Éditions du Huitième Jour, 2007, p.123.

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pour contrer l’oubli des horreurs de cette période de l’histoire, d’établir un dispositif d’enseignement au sein même des mémoriaux. Sinon, comment est-il possible de commémorer ce dont les nouvelles générations n’ont pas connaissances ou du moins aucuns liens directs ? Cependant, la fonction première du mémorial doit rester celle du rappel du souvenir et non celle de l’acquisition de connaissances. L’enjeu est ici. Les informations délivrées par les expositions du mémorial parisien et du mémorial berlinois doivent aider à la compréhension du mémorial et de l’histoire de son édification et non remplacer le rôle de l’école ou du musée. À la vue des différents commentaires qui peuvent être laissés par les visiteurs des mémoriaux, il est intéressant de noter que pour le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe, près de 79% des personnes interrogées trouvent, à minima, qu’il manque un peu d’informations (panneaux, expositions, affiches) pour mieux comprendre ce qu’il représente et incarne. Cela est a nuancer puisque la majeure partie d’entre elles n’a même pas visité le centre d’information. Leurs avis se basent uniquement sur l’expérience physique en surface et exprime donc bien la nécessité de la présence de l’exposition souterraine. En ce qui concerne le Mémorial des martyrs de la déportation, ce chiffre s’élève à 50%, ce qui montre l’impact positif, du moins efficient, des salles supérieures et des écrits gravés dans les murs, quant à la compréhension des tenants et des aboutissants du monument. Les deux mémoriaux semblent tout de même délivrer les connaissances nécessaires puisque la majorité des visiteurs s’accordent à dire que sans les espaces d’expositions, il serait difficile de comprendre les évènements commémorés. Ainsi il est utile de se questionner sur la place de la mémoire et de l’enseignement au sein du mémorial. Jusqu’où le mémorial cesse-t-il d’être mémorial et devient-il musée, et vice-versa ? N’existe-t-il pas une confrontation entre le programme architectural du musée et celui du mémorial ? D’ailleurs, doit-il forcement y avoir une confrontation ? Un seul et même programme ne peut-il pas posséder cette « double casquette » implicitée par le devoir de mémoire ? Avant d’en tirer des conclusions et d’autres questionnements, il est utile de s’intéresser à ce qui fait débat : le musée, et qui plus est, à un musée consacré à l’histoire juive et surtout à la Shoah afin de traiter des mêmes problématiques générales. Comment s’articule-t-il, en terme d’architecture mais aussi avec les visiteurs ? Peut-on y trouver une dimension commémorative en plus de celle pédagogique - intrinsèque au programme - comme l’on peut trouver une dimension éducative aux mémoriaux étudiés ? Si oui, comment cela estil rendu possible et comment cela impacte-t-il le public ? Un musée, centré sur cette période de l’histoire et sur ces victimes, doit-il seulement exposer et délivrer des faits et des connaissances, telle qu’est sa nature, ou peut-il et doit-il faire plus ? 146



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Vue de la façade principale du Kollegienhaus © L’œil d’Édouard

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MUSÉE JUIF DE BERLIN Musée particulier Avant tout, qu’est ce qu’un musée ? Un musée est un lieu dans lequel sont collectés, conservés et exposés des objets dans un souci d’enseignement et de culture. Plus précisément, le conseil international des musées (ICOM) donne cette définition qui fait référence dans la communauté internationale: « Un musée est une institution permanente sans but lucratif au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation1 ». « Ils [les musées] ont en effet pour objectif le rappel et la transmission des faits, au fil d’un parcours muséologique où images, objets et écrits trouvent leur place, comme l’explique Dominique chevalier dans sa propre définition du musée. Ils doivent remplir une fonction éducative à travers divers objectifs : énoncer, diffuser, disposer, agencer, organiser, exposer les connaissances, les faits à travers une stratégie narrative qui donnera des clefs interprétatives, accompagnera les déplacements, permettra le passage d’un objet à un autre, d’une salle à la suivante (…)2 ». L’histoire du musée Juif de Berlin est aussi forte en symbolique mémorielle et en identité nationale que le Mémorial aux Juifs assassinées d’Europe. Un premier musée exposant la culture juive ouvre ses portes à Berlin en 1934. Cependant, avec l’arrivée du régime nazi au pouvoir, il sera fermé en 1938. C’est d’abord en 1971 que l’idée de la réouverture d’un tel musée en Allemagne émerge de manière nécessaire et importante à la vue des évènements de la Seconde Guerre mondiale. Parallèlement à cela, il existe, dans le quartier de Kreuzberg à Berlin, un bâtiment datant du XVIIIe siècle - nommé Kollengienhaus - qui a accueilli, au fil des décennies, différentes fonctions politiques faisant de lui un bâtiment iconique des pouvoirs politiques en place. Ce même édifice a fortement été abîmé par la Deuxième Guerre mondiale et il est restauré en 1963 pour devenir le musée de la ville de Berlin. En 1978, à la suite d’une exposition sur l’histoire juive au Kollegienhaus, le musée décide d’ouvrir de nouveaux départements d’expositions, dont un dédié à la culture juive, ce qui est une première dans cette période d’aprèsguerre. Cependant, par un rapide manque de place, la nécessité d’agrandir le bâtiment originel s’impose. C’est ainsi, qu’en 1988 est lancé un concours 1. https://fr.wikipedia.org

2. CHEVALIER Dominique, Musées et musées-mémoriaux urbains consacrés à la Shoah, p.134.

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Façade du Kollegienhaus et du Musée Juif de Berlin © Libeskind.com

Vue de la façade principale du Kollegienhaus et du Musée Juif © L’œil d’Édouard

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d’architecture pour une extension séparée du musée de Berlin, destinée à accueillir plusieurs départements. Il est essentiel de rappeler que dans ce contexte de fin de guerre-froide, comme à l’image de l’initiative de l’association Perspektive Berlin, la mémoire juive en Allemagne prend de plus en plus d’importance dans l’opinion publique mais aussi dans la sphère politique. Cependant, ce n’est pas une chose aisée que de l’affirmer haut et fort. Ainsi, au lancement du concours d’architecture, le titre donné est celui d’Erweiterung Berlin Museum mit Abteilung Jüdisches Museum, se traduisant par l’agrandissement du Musée de Berlin avec le département du musée juif. Ce titre est révélateur des difficultés qu’a le peuple et ses dirigeants à concéder une véritable exposition juive qui rayonne par elle-même et non sous le couvert du Musée de Berlin. « Les responsables du concours, comme l’exprime Daniel Libeskind, n’avaient pas dû beaucoup réfléchir aux implications historiques. Ou alors il n’avaient guère évolué dans l’histoire. Ils s’avéraient incapables de concevoir les Juifs autrement qu’en tant qu’étrangers. Selon leur optique, le musée devait comprendre un département consacré à la sculpture, un au cinéma, un autre à la mode, et enfin celui-ci, dédié au judaïsme1 ». Cela changera au cours du processus du concours et cette extension du musée s’affirmera comme une véritable entité muséale dédiée aux Juifs. Non seulement aux victimes juives des crimes nazis mais à l’ensemble de la culture juive, retraçant plus de 2000 ans d’histoire juive allemande. Dorénavant, l’Allemagne ne veut plus et ne peut plus nier le peuple qu’elle a cherché à exterminer. Cette évolution des mentalités et des idéologies va de pair avec les questionnements issus du mémorial de Peter Eisenman. Ce concours international composé d’une cinquantaine de jurés architectes, officiels du gouvernement, membres de la communauté juive, médias, hommes d’affaires et historiens - déclare vainqueur, en 1989, le projet du jeune architecte américain, d’origine polonaise, Daniel Libeskind pour son travail qui évite la facilité et le dogmatisme et qui joue le rôle d’un miroir individuel, dans lequel chaque visiteur peut lire quelque chose de différent2 . De manière générale, construire un édifice qui abrite un musée est un exercice difficile. D’une part, il faut trouver un équilibre entre l’architecture et les œuvres exposées, en évitant que la première n’éclipse les secondes mais plutôt qu’elle soit à la hauteur et qu’elle serve le propos de l’exposition. D’autre part, les contraintes sont nombreuses et contradictoires. Il y a la volonté d’accueillir un public nombreux mais aussi d’offrir à chaque visiteur 1. LIBESKIND Daniel, Construire le futur - d’une enfance polonaise à la freedom tower, Paris, Albin Michel, 2005, p.102. 2. Ibid.

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Vue aérienne du Musée Juif de Berlin. © Internet

Vue arrière du Kollegienhaus et du Musée Juifs de Berlin © L’œil d’Édouard

Vue d’une façade du Musée Juif de Berlin © L’œil d’Édouard

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un lien intime avec les œuvres. De plus, un certain confort de la visite est exigé afin de permettre aux visiteurs de parcourir les expositions dans un état d’esprit calme et détendu pour qu’il puisse admirer les œuvres sans autres nuisances. Par ailleurs, les expositions, elles-mêmes, demandent une certaine rigueur afin de dérouler un fil narratif logique et continu du début à la fin du parcours pour permettre aux visiteurs d’avoir accès à une vision d’ensemble. Le projet de Daniel Libeskind, intitulé « Between the lines » rompt totalement avec ces principes, pourtant acquis, d’une exploration muséale confortable, dont l’architecture s’effacerait pour être au service des œuvres, tout en présentant des contenus historiques dans un ordre logique et/ou chronologique. There is a sort of a status-quo. That is accepted what a museum is. But we don’t really know what a museum is. All we know is the shudder of nerves when you’re standing in front of something, seeing something, walking somewhere. That moment of realization is a moment of rebirth, of regeneration. It is what museums were built for in the first place. […] So I find most museums’ building should be more advanced, more engaged, in the full human being. And the full human being certainly is not intellectual. It is not the head only, it is not the digital, it is not the digits that can access information, it’s really the full emotional range1 . Très vite surnommé le « Blitz », signifiant l’éclair, par les berlinois due à sa forme observable en vue aérienne, le musée contraste avec son contexte, il surprend par sa forme architecturale et il interroge. Pour sa première réalisation, l’architecte conçoit un bâtiment en forme de zigzag évoquant une étoile de David désarticulée, composé de plusieurs dizaines de fenêtres inclinées, étroites et qui s’entrecroisent, comme de multiples meurtrières ou cicatrices. Il recouvre le bâtiment d’une peau de zinc - un matériau changeant avec le temps - et brouille la lecture des façades : il est difficile de savoir de combien d’étages est composé le musée ni de connaitre l’organisation interne des différents espaces. Libeskind, avec ce musée, transforme et bouscule les « normes » de la conception des musées. C’est l’objectif de l’architecte, que de produire une architecture expressive, à la hauteur de ce qu’elle exprime, avant d’être fonctionnelle - chose absolument contradictoire pour le programme qu’est le musée. 1. LIBESKIND Daniel, Colloque Musées du XXIe siècle, 1-2juin 2017. Traduction personnelle : « Il y a une sorte de statu quo. On accepte ce qu’est un musée. Mais nous ne savons pas vraiment ce qu’est un musée. Tout ce qu’on sait, c’est le frisson des nerfs quand on se tient devant quelque chose, qu’on voit quelque chose, qu’on marche quelque part. Ce moment de réalisation est un moment de renaissance, de régénération. C’est pour cela que les musées ont été construits en premier lieu. [...] Je trouve donc que la plupart des musées devraient être plus avancés, plus engagés, dans l’être humain au complet. Et l’être humain à part entière n’est certainement pas intellectuel. Ce n’est pas seulement la tête, ce n’est pas le numérique, ce ne sont pas les chiffres qui peuvent accéder à l’information, c’est vraiment toute la gamme émotionnelle ».

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Kollegienhaus

Volume de béton

Entrée Espace public Escaliers menant au Musée Juif de Berlin

Schéma de l’entrée du Musée Juif de Berlin dans le volume de béton traversant le Kollegienhaus

Vue de l’accès au Musée Juif © Crédit personnel

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Vue à l’intérieur du volume de béton © L’œil d’Édouard


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Le projet dérange et, à l’image du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe, suscite de nombreux débats. Les détracteurs du musée remettent en cause aussi bien la forme du bâtiment que sa capacité à mener à bien la fonction de musée : « si on arrive à le construire, ont-ils insisté, il ne tiendra jamais debout, et on ne pourra pas circuler à l’intérieur. […] Bon, même s’il ne s’effondre pas, il ne pourra jamais accueillir d’expositions. Et à supposer qu’il en abrite, elles n’attireront personne1 ». L’architecte Daniel Libeskind cherche à perturber les visiteurs visuellement mais aussi physiquement. Comme pour le mémorial parisien et le mémorial berlinois, le musée est avant une tentative pour favoriser et provoquer une expérience physique. L’architecte s’est attaché à construire un parcours sensoriel et émotionnel afin de faire ressentir au spectateur les bouleversements majeurs de l’histoire juive en Allemagne et notamment la Shoah. Cela commence dès l’entrée dans le bâtiment. L’édifice recouvert de zinc ne possède aucune porte d’entrée. Comment y accéder ? Quelles sont les raisons de ce choix ? Libeskind s’exprime ainsi : « Il n’y a pas de porte, parce qu’il est impossible d’accéder à l’histoire du judaïsme et à celle de Berlin par les voies traditionnelles. Pour comprendre l’histoire des juifs berlinois, ainsi que l’avenir de Berlin, vous serez amené à suivre un itinéraire largement plus complexe. Vous devez vous replonger dans les profondeurs de l’histoire berlinoise, dans sa période baroque, et donc dans le bâtiment baroque lui-même2 .» Ainsi, pour accéder au musée Juif, il faut d’abord entrer dans le musée de Berlin. Ces deux histoires - celle de la ville de Berlin et celle des Juifs allemands - sont inextricablement liées et ce lien, éternel, se trouve dans les fondations de la ville de Berlin. Il ne s’arrête pas là pour déstabiliser encore plus les visiteurs. Afin de rejoindre les espaces d’expositions du musée Juif, ces derniers sont invités à emprunter un escalier pour descendre 12 mètres sous terre et enfin commencer leur visite. Le décor est planté. En entrant dans les profondeur du musée de Berlin pour accéder au musée Juif, Libeskind « oblige le visiteur à plonger symboliquement au sein de l’histoire allemande représentée par le Kollegienhaus afin d’accéder à l’histoire tumultueuse du peuple juif3 ». D’emblée la vision que peuvent avoir les visiteurs d’un musée est chamboulée. Il faut oublier les emmarchements et les halls d’accueil vastes et lumineux. Ici, les visiteurs descendent un escalier situé à l’intérieur d’un immense puits de béton qui transperce le bâtiment baroque sur toute sa 1. LIBESKIND Daniel, Construire le futur - d’une enfance polonaise à la freedom tower, p.108.

2. MORENO Jérome, Le parcours comme expérience mémorielle au sein du Musée juif de Berlin, p.99, in ALZIEU Isabelle, Architecture muséale. Espace de l’art et lieu de l’oeuvre, Pau, Édition Presses universitaires de Pau et des pays de l’Adour, 2012. 3. Ibid.

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Musée Juif

Suite du parcours Axe de la Continuité Kollegienhaus

Axe de l’Exil

Entrée

Jardin de l’Exil

Axe de l’Holocauste Tour de l’Holocauste Schéma du plan du sous-sol du Musée Juif de Berlin

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hauteur. L’espace est clos, sombre et seule la lumière de la main courante éclaire faiblement ce volume froid et sourd. Le parallèle avec la phase du silence que Pingusson met en place dans son mémorial est facile à établir. L’architecte cherche à montrer et à faire ressentir au public à quel point l’histoire de Berlin est inséparable de celle des juifs allemands, les deux histoires sont tragiquement indissociables. L’une ne peut se raconter sans l’autre et vice-versa. Parcours : entre affect et intellect Comme nous venons de la voir, la visite du Musée juif commence donc sous terre. L’édifice que Libeskind met en place est une succession d’angles saillants et de pièces aux géométries et aux volumétries variables. L’organisation d’un parcours muséal ayant pour objectif d’évoquer la longue histoire des Juifs en Allemagne sur plus de 2000 ans s’organise à travers, autour et en fonction d’une structure spatiale et architecturale dominée par le thème de la catastrophe qu’a été la Shoah. Comment restituer les processus qui ont conduit à la Shoah et l’horreur de l’annihilation, le temps d’un parcours muséal ? Et cela s’exprime dès le sous-sol du bâtiment. « C’est l’exigence qui est imposée aux visiteurs du Musée juif de Berlin, l’écrit Anne Grynberg: renoncer d’emblée à suivre un parcours linéaire et se plier au parti-pris d’orienter la visite selon trois axes – correspondant à la condition même des juifs d’Allemagne – : continuité, exil, extermination1 ». Il est donc légitime de se demander comment s’organisent les expositions et la structuration des flux et des mouvements des visiteurs dans ce bâtiment volontairement fragmenté. Ainsi, le visiteur se trouve face à trois chemins qui parfois se frôlent et se croisent, sans vraiment savoir à quoi ils mènent. L’ambiance est sombre et pesante. L’unique lumière est artificielle est provient de ces immenses coupures dans le plafond. La pratique de l’espace est déroutante puisque le sol est légèrement en pente et la faible ascension impact rapidement la posture verticale du corps. Le plafond n’est pas horizontal non plus. Il s’abaisse petit à petit. La profondeur des axes est ainsi accentuée. De fait, les volumes de chaque parcours diminuent à leur extrémité. Une sensation d’oppression apparait rapidement. Les mains du visiteur se dressent pour toucher le plafond, alors devenu atteignable, par curiosité mais aussi pour s’assurer qu’il ne descendra pas plus bas. Les murs, eux aussi, sont penchés. Le malaise de parcourir un espace « instable », aux antipodes de ce que le public pouvait s’imaginer, s’accentue. Le visiteur est libre de parcourir les chemins dans l’ordre qu’il le souhaite, de revenir sur ses pas s’il le désire, 1. GRYNBERG Anne, « Du mémorial au musée : comment tenter de représenter la Shoah ? », p.140.

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Sous-sol du Musée Juif. © Laurian Ghinitoiu

Sous-sol du Musée Juif. © Maxime Valcarce

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ou même en éviter certains. Le parcours débute sur l’axe de la continuité. Puis le visiteur fait face à un choix : droite ou gauche ? S’il prend à droite, il emprunte l’axe de l’Exil qui mène au jardin de l’Exil. Là, le visiteur se retrouve à l’extérieur. La lumière du soleil, l’air frais et les bruits environnants entrent à nouveau en résonance avec lui. Une certaine joie, ou du moins un état de plénitude s’installe. Face à lui, 49 piliers de béton se dressent, au sommet desquels sont plantés 49 oliviers, figures du déracinement, de l’arrachement à sa terre natal que connait chaque exilé. Le sol du jardin est penché de telle manière que la circulation entre les différents piliers est pénible et fatiguant. Le visiteur déambule rapidement à l’intérieur de ce labyrinthe, dans lequel chaque pas est déstabilisé et désorienté par le changement d’inclinaison dû au changement de direction. La perte de repères est la métaphore de ce que toute personne exilée est contrainte de vivre dans un univers qui n’est pas le sien. Alors qu’il imagine atteindre un vaste espace extérieur au sortir de ces piliers de béton, le visiteur s’aperçoit que le jardin est clôturé par des murs très hauts et qu’il est donc impossible d’en sortir. Cette échappée à l’air libre, du sous-sol du musée, n’est qu’un semblant de liberté, le spectateur ne peut que retourner d’où il vient. Par ce dispositif, Libeskind signifie que l’exil, puisqu’il n’a pas été choisi par les Juifs mais forcé, est une sorte de prison. De retour sur ces pas, le visiteur vient à croiser l’axe de la Mort. Le couloir étroit et bas mène à une porte, noire et froide. Une fois l’effort effectué pour ouvrir cette porte assez lourde, le visiteur est plongé dans une toute autre ambiance : la Tour de l’Holocauste. Une immense tour de béton, plongé dans le noir et éclairée par une mince fente située au sommet. Là, l’espace est sombre et non-chauffé. « Un espace vide et menaçant1 ». Le moindre bruit résonne dans le grand volume sans jamais vraiment disparaitre. Libeskind a imaginé ce lieux comme un symbole de la mort du peuple juif. L’espace est propice à la solitude, à l’introversion et au recueillement. Chacun est libre d’y rester le temps qu’il le souhaite. Si les couloirs symbolisant les trois axes peuvent s’apparenter à la phase du dépaysement dont parle Pingusson, il est indéniable que c’est au cœur du Jardin de l’Exil et de la Tour de l’Holocauste que la phase de la présence s’impose au public.

1. Daniel LIBESKIND, Construire le futur. D’une enfance polonaise à la Freedom Tower, p. 74.

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Vue extérieure du Jardin de l’Exil © Crédit personnel

Vue intérieure du Jardin de l’Exil

Vue rapprochée depuis l’extérieur © Laurian Ghinitoiu

Oliviers plantés au sommet des piliers de béton

© Laurian Ghinitoiu

© Crédit personnel

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Deux personnes dans la Tour © Libre de droit - internet

Vue extérieure de la Tour de l’Holocauste © Maxime Valcarce

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Vue intérieure

© Crédit personnel


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Vue en contre-plongée de l’escalier

Poutres en béton traversant le volume

© L’œil d’Édouard

© L’œil d’Édouard

Coupe sur l’axe de la Continuité - Rétrécissement et dilatation de l’espace © Libeskind.com

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Finalement, pour accéder au reste du musée, le visiteur doit rejoindre le premier axe, celui de la continuité. Là, au bout de celui-ci, à l’endroit ou l’espace est très resserré et enclos, le visiteur arrive au pied d’un immense escalier desservant les étages d’expositions (le dernier étage est inaccessible au public car il contient les services administratifs, les laboratoires et la bibliothèque). Le volume se dilate, et invite le public à monter les marches. La lumière naturelle réapparaît par des fines fenêtres situées en hauteur. Elles mettent en avant ces immenses poteaux ou poutres de béton inclinées, à première vue, de manière aléatoire et qui traversent l’espace au dessus de l’escalier. Ces éléments massifs semblent tenir écarter les murs que la perspective amène à se rapprocher fortement. La montée des marches, qui apparaissait comme une libération après l’atmosphère sombre et close du sous-sol, devient très vite une véritable épreuve pour l’ensemble des visiteurs. La fatigue apparait et le chemin semble interminable. C’est un véritable effort pour arriver à l’étage ou démarre définitivement l’exposition. Par ce début de parcours que Daniel Libeskind met en place au sein du Musée juif, il exprime sa volonté de mettre le public d’un état particulier aussi bien émotionnellement que physiquement. Le parcours n’as rien à voir avec les musées « traditionnels ». De multiples facteurs entrent en jeux, tels que « la perte de repères spatiaux, la sensation d’étouffement et la prolifération des lignes brisées contribuent à insinuer un sentiment de malaise, d’anxiété au spectateur1 ». N’est-il pas risqué de perturber ainsi physiquement et émotionnellement chaque visiteur avant de les présenter aux expositions ? L’état d’esprit de ces dernier, une des conditions première à l’observation et l’acquisition de connaissances, n’est-il pas altéré ? Le calme et la sérénité, souvent recherchés chez les visiteurs pour qu’ils soient en bonne position pour déambuler dans les musées, laissent place au doute et à la possible incompréhension de ce qui vient d’être vécu.

1. MORENO Jérome, Le parcours comme expérience mémorielle au sein du Musée juif de Berlin, p.97

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Disques d’acier posés au sol

Vue du vide de la mémoire

© Crédit personnel

© L’œil d’Édouard

Vue à l’intérieur du vide de la mémoire

© Crédit personnel

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Les étages du musée, là où prennent place les expositions, sont à l’image de l’apparence extérieure de l’œuvre de Daniel Libeskind : fragmentés, saillants, étranges, incompréhensibles. Les pièces aux angles tout sauf droits se succèdent, les fenêtres non-conventionnelles semblent se positionner sur les murs de manière totalement aléatoire et le parcours est rythmé par des énormes masses peintes en noir, contrastant totalement avec le coté aseptisé du blanc du reste des murs. Ces masses qui se retrouvent à plusieurs endroits tout au long du parcours muséal sont appelés « voids » par Daniel Libeskind. Ces vides sont aux nombres de six et ils traversent le bâtiment sur toute sa hauteur. Ce sont, comme leur nom l’indique, des espaces vides, où rien n’est exposé. Ce sont des espaces à part dans la déambulation car le public n’y as pas accès physiquement - excepté pour un, le Vide de la mémoire - mais seulement visuellement, par de petites fenêtres. Ce vide de la mémoire, ouvert et pénétrable au rez-de-chaussé du musée accueille l’installation artistique de Menasche Kadischman intitulée « Shalechet » se traduisant par « Feuilles mortes ». Des milliers de visages découpés dans des pièces d’acier, visages hurlants, grimaçants, bouche ouverte sur un inaudible cri qui rappelle celui d’Edvard Munch, sont jetés à même le sol. Les visiteurs qui s’aventurent dans cette impasse marchent sur ces pièces qui bruissent, crissent, geignent, produisant d’insoutenables sons métalliques dans ce tunnel de béton à peine éclairé. (…) plus les cris résonnent sous l’effet du piétinement de leurs pas, plus les images de colonnes d’hommes, de femmes, d’enfants, poussés vers les chambres à gaz s’imposent à l’esprit. Surpris, pétrifiés, certains visiteurs s’arrêtent, saisissent un visage, le regardent, le reposent, ou s’arrêtent et se tiennent au mur, incommodés par le bruit, le grincement ou par les images qu’il évoque1 . Le hurlement rauque du métal résonnant au fond de ce puits ne peut qu’évoquer d’autres cris, d’autres images trop connues, celles des cohortes d’hommes aux yeux vides, bouches sans voix, poussées vers les chambres à gaz. Cette œuvre artistique ne débouche nul part. Si la première traversée, de par la méconnaissance et la non-anticipation des effets des pièces de métal, est un malaise mêlé d’hésitation, la traversée du retour est une véritable torture entremêlée d’empathie.

1. CHEVALIER Dominique, « Les musées urbains de la Shoah comme objets d’enjeux géopolitiques et espace-temps de l’entre-deux », p.14-15.

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Kollegienhaus

Vide de la mémoire

Plan du deuxième étage - Axe du Vide - Ligne fantôme du bâtiment

Vues extérieures des « Voids » depuis les espaces d’exposition © Laurian Ghinitoiu

Vues intérieures des « Voids » © Internet

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Réception et intelligibilité de la mémoire par l’architecture

Ces Voids constituent l’axe du Vide, la ligne fantôme du bâtiment, en quelque sorte sa colonne vertébrale, et ils incarnent la destruction d’une partie de la culture juive liée à la Shoah. Ils ponctuent la visite du musée par leur présence noire et nue de tout autre élément. Il ne constituent pas de point de repère, car leur répétition et leur ressemblance confondent et troublent le visiteur qui a donc du mal à se situer dans l’édifice et dans le parcours. Il oblige même le public à faire des choix pour continuer leur déambulation : les contourner par la droite ou par la gauche. Bien qu’il n’y ai aucune incidence sur la continuité des expositions, Libeskind cherche à perturber le visiteur en lui rappelant, par la présence de ces volumes qui scindent les espaces d’expositions, la non-présence des juifs disparus. Si malgré tout, l’ensemble des expositions semble suivre un fil rouge et une logique, le visiteur est sans cesse ramené à la réalité de l’architecture du musée, il ne peut en faire abstraction pour se concentrer sur ce qui lui est présenté : les fentes de lumières aléatoires1 sur les murs éclairent plus ou moins les différents espaces et donnent à voir des éléments extérieurs de l’environnement changeant du tout au tout selon leur emplacement, les directions que prend le bâtiment induisent des dilatations et des rétrécissements des volumes qui ne sont jamais les mêmes et qui impactent le déroulé de l’exposition et la déambulation du visiteur. Comme l’énonce Jérome Moreno, « le musée devient ici une expérience physique, un théâtre sensoriel où le visiteur est « malmené ». Il n’est plus invité à contempler une collection mais devient un acteur au sein de l’architecture2 .» C’était d’ailleurs l’objectif premier de Daniel Libeskind, concevoir un musée qui n’abriterait ni objet ni panneau, dont seule la construction ferait sens pour les visiteurs3 . Selon l’architecte, en référence à Peter Eisenman et GeorgesHenri Pingusson, c’est le parcours du visiteur au sein de l’architecture et donc les sensations qu’ils en retirent qui sont censées l’emporter sur l’aspect didactique des expositions. Il n’y a pas de plus gros contresens que de vouloir réaliser un musée dédié à la culture juive allemande sans objets, sans images et sans textes ; juste par la simple présence de l’architecture. Et pourtant, le Musée Juif, livré en janvier 1999, ouvre ses portes au public avant mêmes que des collections n’aient pu prendre possession des lieux. Jusqu’en septembre 2001, pendant près de deux années, le musée a accueilli pas moins de trois cent cinquante mille personnes. « Vide. Dénudé. Mais non dénué de sens. D’ailleurs certains visiteurs ont préféré cette période pré1. Le musée juif se compose de plus de 300 fenêtres de tailles et de formes différentes. Elles ne sont pas placées aléatoirement sur les façades. Daniel Libeskind a fait un important travail e recherches préalables et l’un d’elles consiste, sur une carte de la ville, à relier les adresses postales des personnalités juives de la ville de Berlin entre elles et ainsi obtenir une sorte de diagramme. C’est ensuite de diagramme qui sera appliqué sur chaque façade du bâtiment. 2. MORENO Jérome, Le parcours comme expérience mémorielle au sein du Musée juif de Berlin, p.97. 3. GRYNBERG Anne, « Du mémorial au musée : comment tenter de représenter la Shoah ? », p.138.

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Expositions du Musée Juif © L’œil d’Édouard

Expositions du Musée Juif © Internet

Expositions du Musée Juif © Internet

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exposition1 » comme semble le dire Dominique Chevalier . Le musée sera inauguré avec ses oeuvres à l’intérieur le dimanche 9 septembre 2002, un an plus tard, mais le projet de Libeskind l’avait déjà démontré : « l’architecture se suffisait à elle-même ». Ainsi l’oeuvre de Libeskind est à rapproché des mémoriaux d’Eisenman et de Pingusson. Certes, ce sont des projets aux ambitions diamétralement différentes, cependant, les trois architectes estiment que c’est à l’architecture, qu’ils mettent en place par de nombreux dispositifs spatiaux, que revient le « pouvoir » et le « devoir » de transmettre - un souvenir, une émotion ou encore une connaissance, du moins, dans un premier temps, avant l’intellect. À l’image du Mémorial des martyrs de la déportation à Paris, la fin du parcours au sein du bâtiment passe une nouvelle fois par l’entrée de celui-ci. Pingusson, à la sortie du mémorial, somme les visiteurs de pardonner mais de ne pas oublier ce qu’ils ont pu vivre au sein de son œuvre afin que le souvenir des martyrs de la déportation soit toujours présent. À Berlin, Libeskind oblige à son tour le visiteur à retourner d’où il vient pour retrouver la sortie sans pour autant exiger de sa part un quelconque travail mémoriel ou moral extérieur au musée. Cependant, faire passer à nouveau le public par le sous-sol n’est pas anodin. En effet, lors de son premier passage au sein des 3 axes, le visiteur se confronte à des dispositifs architecturaux nouveaux, pensés pour déstabiliser son corps et son esprit. Cette première expérience physique peut, aux yeux des visiteurs, ne pas trouver de sens, ou de significations et encore moins être comprise car il s’agit de quelque chose d’abstrait. Une fois la visite du musée terminée, déambuler à nouveau dans l’axe de la Continuité, de l’Exil et de l’Holocauste n’as plus la même valeur qu’au début de la visite. Maintenant, les visiteurs sont avertis, ils ont eu connaissance de l’histoire de la culture juive en Allemagne et notamment de la catastrophe que fut la Shoah et ils ne peuvent pas nier les liens qui s’établissent alors entre les expositions dans les étages supérieurs et les espaces souterrains. Si à l’aller l’expérience de ces différents espaces peut laisser le public perplexe quant à leur compréhension ou leurs interprétations. Au retour, ces lieux, qu’il s’agisse de la Tour de l’Holocauste ou encore du Jardin de l’Exil, sont peu être mieux compris par les visiteurs. Du moins, les informations présentées aux cours des différentes expositions peuvent donner aux visiteurs des clés de lecture de ces dispositifs. Il n’est pas rare de voir les visiteurs, sur le chemin du retour en direction de la sortie du musée, s’aventurer à nouveau dans le Jardin de l’Exil ou bien la Tour de l’Holocauste ; comme une volonté de ressentir à nouveau ce qu’ils ont vécus au début de leur visite tout en étant, maintenant, doté d’entendement. L’incompréhension initiale semble 1. CHEVALIER Dominique, Musées et musées-mémoriaux urbains consacrés à la Shoah, p.141.

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Expositions du Musée Juif © jmberlin.de

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laisser place au recueillement et au souvenir. Nous pouvons donc nous poser la question suivante : L’expérience muséale et la compréhension de l’histoire juive et notamment de la Shoah sont-elles les mêmes si l’architecture de Daniel Libeskind est tout autre, c’est-à-dire plus « traditionnelle » ? Intelligibilité - compréhension … pour qui et comment ? Communiquer un savoir. Permettre au visiteur d’apprendre. Le musée est un lieu de délectation mais surtout un lieu éducatif quand il s’agit du Musée Juif de Berlin, et plus largement des musées d’histoire. Cependant, il est nécessaire d’établir des conditions de transmission et d’enseignement de manière à placer le public dans une position propice à la réception et la compréhension. Serge Tisseron explique que les musées ne doivent pas seulement se contenter de donner au grand public la version des évènements telle qu’elle apparait comme étant la plus juste aux yeux des historiens, la plus objective possible. Cela est évidemment important pour la rigueur muséale, mais elle ne permet pas de mobiliser un intérêt certain et une curiosité grandissante chez les visiteurs1 . Or, la participation de ces derniers est toute aussi importante que les connaissances délivrées si nous voulons que les visiteurs tirent un enseignement de ce qu’ils voient, lisent et entendent. C’est ainsi que Daniel Libeskind cherche avant tout à créer un lieu qui sera à même de favoriser et de provoquer une expérience physique. La construction du parcours sensoriel et émotionnel, de l’entrée dans le Kollegienhaus à sa sortie en passant par le sous-sol et les voids tout au long des expositions, a pour but de faire ressentir aux spectateurs les bouleversements majeurs de l’histoire juive en Allemagne et notamment les évènements de la Shoah. L’espace architectural - et donc muséal - est conçu comme un cheminement, une sorte de parcours initiatique complexe2 tout au long duquel l’intérêt et la curiosité du visiteur est sans cesse ravivé. Il ne s’agit pas non plus de submerger le public de tout un tas de dispositifs architecturaux et de documents graphiques susceptibles d’apporter une réponse émotive trop importante. Alors, quel est ce juste milieu ? Peut-il être pensé en avance ? S’adapte-t-il à tous les types de publics, qu’il s’agisse des enfants débordants d’énergie et manquant rapidement d’intérêt, des adolescents concentrés sur leurs smartphones, ou encore des parents et des grand-parents venant chercher ce qu’il ne savent peut être pas encore ? Si l’expérience au sein du Musée Juif est trop objective et neutre, l’attention du visiteur se perd tout comme les possibilités de lui enseigner quelque chose. Au contraire, si « l’effet de proximité » - dont les scénographies 1. TISSERON Serge, « La mémoire à l’épreuve de la famille et du groupe », Tumultes, vol. 16, no. 1, 2001, p.52. 2. MORENO Jérome, Le parcours comme expérience mémorielle au sein du Musée juif de Berlin, p.97

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usent - impacte trop fortement sur l’empathie des visiteurs, ne risque-t-on pas d’éclipser la réalité des fais au profit de l’impression produite chez les visiteur et de tomber dans une sorte de voyeurisme ? Il en va de même avec les sensations et les émotions que peuvent procurer les espaces du sous-sol. À trop vouloir faire éprouver physiquement et émotionnellement l’histoire de la Shoah, si l’émotion est l’une des seule résultante de l’expérience muséale chez le visiteur, on assiste à une perte de sens pour la transmission des faits historiques et donc de la mémoire. « Le travail de mémoire sur la guerre n’avancera pas à coup d’odeur de chair pourrie ! En revanche, il est essentiel que le corps du spectateur soit engagé dans l’exploration de l’histoire et de la mémoire1 ». Cette expression de Serge Tisseron est représentative des questionnements qui ont précédé à la conception du musée de Libeskind. Il faut savoir établir un équilibre, un dialogue, entre les informations exposées et les sensations procurées aux visiteurs afin que le savoir puisse se transmettre de la meilleure des manières. L’architecte n’as pas pensé la scénographie des expositions - d’ailleurs il ne voulait aucun objet dans son musée - mais il a conçu l’architecture qui sert de contenant, et à la fois de contenu. Mais les parti pris architecturaux ne donnent-ils pas l’impression de se trouver dans une galerie d’art moderne fondée sur l’abstraction plutôt que dans un musée ? C’est ainsi que Daniel Libeskind tente de mettre en place un apprentissage de l’histoire juive allemande et notamment de la Shoah orienté par les connaissances mais surtout par les ressentis. Est-ce la bonne manière ? Son œuvre peut-elle se passer des différents dispositifs architecturaux qui font appel à l’expérience physique des visiteurs ? Cette dialectique entre informations et émotions, entre « savoir », « comprendre » et « ressentir » suscite-t-elle la connaissance, du moins l’envie d’acquérir des connaissances? Ou bien le musée ne répond-t-il pas aux objectifs que sa fonction lui impose ?

1. TISSERON Serge, « La mémoire à l’épreuve de la famille et du groupe », p.52.

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MÉMORIAL ET MUSÉE « On peut se demander aussi (…) si l’on assiste pas plutôt à (…) une sorte de mode qui renvoie le terme « musée » à la préhistoire, incarnant « une conception dépassée, ennuyeuse et statistique de l’exposition au public », pour lui préférer les termes « historial » ou « mémorial », jugés plus dynamique, sans que ces nouveaux vocables ne renvoient à une réalité précise, « aucune différence de conception ou d’intention »(…)1 ». Cette réflexion que Marie Poinsont évoque a le mérite de remettre en cause les mot employés jusqu’ici dans ce travail de recherche : monument, mémorial et musée. Si nous avons vu, jusqu’ici, ce qui les définissait indépendamment les uns des autres, ne peut-on pas trouver un élément qui les unis, et qui dépasse leur étymologie respective ? La transmission. Cette action de faire passer d’une personne à une autre. C’est bien le dénominateur commun au programme du mémorial et du musée. Bien que le « quoi » et le « comment » peuvent différer, l’objectif partagé est bel et bien le même pour ces architectures dédiées, en majeure partie, aux évènements et aux victimes du régime nazi : avoir en mémoire ce qui s’est passé pour que, jamais, cela ne puisse se reproduire. Qu’il s’agisse du Mémorial des martyrs de la déportation, du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe ou encore du Musée Juif de Berlin, la transmission de la mémoire et du souvenir est bien la finalité ultime. Alors me direz-vous, à quoi bon comparer les mémoriaux entre eux et encore moins avec un musée ? S’ils semblent poursuivre le même objectif, pourquoi vouloir mettre en exergue les tensions, les complémentarités ou les lacunes de chacun ? Chaque programme, qu’il s’agisse du mémorial ou du musée, suit un objectif propre servant à son tour le devoir de mémoire. Le mémorial établit avant tout autre chose un lieu de recueillement et de mémoire . Le musée, lui, établit un lieu où sont conservés et exposés des objets dans un soucis d’enseignement et de culture. Ensemble, mais chacun à leur manière, ils rappellent le passé et ces victimes. Cependant, s’il y a bien une chose sur laquelle les concepteurs, les associations et les pouvoir politiques n’ont pas d’emprise c’est le public. Celui pour qui ces édifices sont érigés. Construire un mémorial ne sert à rien, s’il n’y a personne pour le visiter et l’investir d’une signification. Construire un musée ne sert à rien, s’il n’y a personne pour le visiteur et en retirer du sens. 1. POINSOT Marie (rédactrice en chef), Le mémorial de la Shoah, in Hommes et Migrations, hors-série octobre 2007. La Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration. Quels Publics ?, p.77.

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De plus, il ne faut pas penser et construire ces architectures pour une personne mais bien pour une multitude. Une pléiade où chaque personnes est différente. La difficulté réside donc dans la transmission d’une chose commune à une foule n’ayant pas les mêmes connaissances, les mêmes passés, les mêmes professions, les mêmes statut sociaux, etc. Comment la mémoire peut-elle être accessible à tous par ces architectures, si la manière dont elle est délivrée n’est accessible qu’à une élite ? L’outil pédagogique peut-il combler ce manque ? Au contraire, ne favorise-t-il pas un certain degrés de maturité pour être compris ? L’expérience physique et émotionnelle, elle, semble donc s’adresser à tous peu importe les origines de chacun. Cependant, n’est-elle pas difficilement compréhensible et peu être trop abstraite ? Les mémoriaux étudiés, tout comme le musée berlinois, choisissent ce qu’ils donnent à voir, ils ordonnent les regards et les pas de ceux qui s’y aventurent. Les visiteurs, eux, font de même. Ils sont contraints, mais ils ne sont pas obligés. Ils tirent leurs propres conclusions de ce qu’ils vivent et retiennent une partie des choses qu’ils voient. On ne vas pas au musée comme on va au mémorial et encore moins à Auschwitz. De la même manière on ne cherche pas et on n’en retire pas les mêmes choses. Ainsi, la transmission n’est jamais totale mais surtout subjective. Et c’est bien le propre de la mémoire que d’être basée sur le vécu, sur la subjectivité, sur la partialité. Certains sont peut être plus réceptifs à une démarche pédagogique, qui énonce des faits clairs et qui propose des expositions tangibles. D’autres, appréhendent peut être mieux la mémoire et le souvenir de ces évènements et de ces victimes par le terrain de l’émotion et non de la raison1 . Ainsi, comme nous l’avons au cours de ce travail de recherche, l’expérience physique comme la démarche didactique ont leurs avantages et leurs inconvénients. Si l’une peu compléter l’autre, et vice-versa, dans un objectif commun, là est la pleine réalisation des objectifs qui ont amené à l’édification du mémorial ou du musée. L’architecture du mémorial parisien, du mémorial berlinois et du musée n’impose rien aux visiteurs, elle transmet un message que chaque individu doit faire l’effort de lire, traduire et adapter à son propre savoir et à sa propre sensibilité. Le langage architectural interpelle le public en provoquant son corps et sa curiosité et en le faisant réfléchir sur ce qu’il connait inconsciemment2 . Ce message n’est pas tant dans l’enseignement et l’explication de l’histoire, du souvenir et de la mémoire, mais plus dans l’établissement d’une posture face à elles de la part des visiteurs. 1. LALIEU Olivier, « L’invention du ‘devoir de mémoire’ », p.93.

2. EZRATI Jean-Jacques, MERLEAU-PONTY Claire, L’exposition, théories et pratiques, Paris, Éditions L’Harmattan, 2005, p.26.

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Selon les mots d’Éric de Rothschild, président du Mémorial de la Shoah à Paris, la fonction de ces lieux - mémoriaux et musées - consiste bien à apprendre, comprendre et ressentir, parce qu’il est nécessaire de construire encore et toujours « un rempart contre l’oubli, contre un retour de la haine et le mépris de l’homme1 ».

1. Discours du président du Mémorial de la Shoah à Paris, sur le site internet du mémorial.

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DARQUIER DE PELLEPOIX Louis, L’express, 28 octobre 1978. GOTTLIEB KATZ Ruth, survivante de l’Holocauste, Radio-Canada.


CONCLUSION

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Je vais vous dire, moi, ce qui s’est exactement passé à Auschwitz. On a gazé. Oui, c’est vrai. Mais on a gazé les poux.

LOUIS DARQUIER DE PELLEPOIX

Une des tragédies auxquelles nous faisons encore face est le degré d’ignorance, non seulement de l’histoire, mais en général. RUTH GOTTLIEB KATZ

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Conclusion

« Comment commémorer les victimes de la Shoah, pallier la mort et l’absence, et lutter contre la corruption du temps ? Où ranger ces lieux qui parfois dérangent ?1 ». Au terme de ce travail de recherche il est important de revenir sur les questionnements qui ont fondé cette démarche. En quoi l’expérience physique de l’architecture de ces mémoriaux - le Mémorial des martyrs de la déportation et le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe - peut-elle participer à l’appréhension du souvenir des victimes du régime nazi ? Et comment s’articulent la dimension sensorielle et cognitive ? De cela a découlé de multiples interrogations. Dans quels buts la mémoire est-elle édifiée au travers de l’expérience ? Quels sont les dispositifs architecturaux qui tentent d’établir un lien entre les visiteurs et le souvenir, et comment se mettent-ils en place ? Puis, la réception et l’intelligibilité des mémoriaux par leurs visiteurs est l’une des données essentielles de ce travail. Les mémoriaux étudiés répondent-ils aux volontés qui ont amené à leur conception ? Finalement, quelle est la place de l’engagement émotif et sensoriel dans le travail de la pensée, et notamment de la pensée mise au service du travail de mémoire ? Il en va de même pour l’engagement cognitif. Nous avons commencé par nous demander pour quelles raisons les évènements de la Seconde Guerre mondiale étaient un tournant majeur dans la tradition commémorative. Le monument commémoratif alors dressé à la gloire des souverains ou en souvenir des victoires de guerres se transforme, après les événements de la Première Guerre mondiale, pour rendre hommage aux combattants tombés au front et se souvenir de leur sacrifice pour que la patrie puisse vivre. Mais dans le contexte d’une société meurtrie et bouleversée par la découverte des camps de concentration et d’extermination, par les assassinats de masse et les répressions xénophobes, la sculpture commémorative ne suffit plus pour perpétuer le souvenir et la mémoire des évènements et des victimes de la Seconde Guerre mondiale. Georges-Henri Pingusson le dit lui-même, « ceux qui restent sont chargés de perpétuer la trace de ceux qui sont partis2 ». Mais comment faire ? La déportation et ses martyrs suscitent une remise en question de la tradition commémorative quant à sa localisation, sa symbolique, sa portée mémorielle, mais surtout sa représentation architecturale. L’expérience succède à la contemplation. La figuration laisse place à l’abstraction. Alors la question persiste : est-ce un amoindrissement ou une simplification du travail de mémoire et du souvenir ? 1. CHEVALIER Dominique, Musées et musées-mémoriaux urbains consacrés à la Shoah, p.128. 2. BROCHARD Antoine, Mémorial des martyrs de la déportation, p.124.

178


Conclusion

Dorénavant le public n’est plus un spectateur face au monument, il devient le protagoniste ultime du mémorial et de sa propre mémoire. Alors le mémorial se creuse, s’ancre un peu plus dans le sol voire tente de disparaitre. Il n’en demeure pas moins impressionnant et imposant. L’architecture convoque la mémoire par l’expérience physique et émotionnelle basée sur des dispositifs spatiaux particuliers. La référence aux victimes du régime nazi, à l’horreur des camps ou à la barbarie des actes n’est ni symbolique, ni imagée mais elle est perceptible. Perceptible au cours et à la suite du parcours au sein du mémorial. Georges-Henri Pingusson et Peter Eisenman ne prétendent pas donner de sens et d’obligation quant à la façon de se souvenir mais ils proposent tous les deux un cheminement architectural ayant pour objectif de mettre les visiteurs dans un état propice à la réception du souvenir. J’entre dans un bâtiment, je vois un espace, je perçois l’atmosphère et, en une fraction de seconde, j’ai la sensation de ce qui est là1 . Vivre, ressentir et éprouver pour susciter et évoquer un drame difficilement représentable. C’est ainsi que les deux architectes conçoivent leurs projets. L’espace de la mémoire prend alors la forme d’un lieu peu hospitalier, déconnectant le promeneur du monde qui l’entoure et conditionnant son corps mais aussi son esprit le temps de sa visite, voire même au-delà. Les mémoriaux absorbent les passants et les rejettent différents, comme changés. L’exiguïté des espaces, la massivité des matériaux, la disparition du contexte urbain, la solitude imposée, la pénombre grandissante, la surdité des lieux, la topographie instable ou bien le parcours initiatique créent des sensations physiques désagréables qui influent sur la perception de l’environnement dans lequel le visiteur se trouve et qui tentent de placer ce dernier dans une démarche propice au souvenir. Le mémorial est à la fois un lieu normal et ordinaire, en même temps qu’il est un lieu non normal et non ordinaire. La mise en mouvement du corps, la solitude physique et psychique, l’isolement et la descente sous terre, la perte de repères spatiotemporels ou encore la matérialité sont autant de dispositifs qui concourent à lier la mémoire à l’expérience plutôt qu’au signe. Les mémoriaux étudiés sont donc conçus en fonction de la façon dont ils vont être perçus et vécus. Faire éprouver aux visiteurs le martyre de la déportation ou bien le sentiment d’être perdu dans le temps et dans l’espace comme ont pu le vivre les victimes du nationale-socialisme, c’est sur cela que s’établit le travail de mémoire au sein des œuvres étudiées.

1. ZUMTHOR Peter, Atmosphères, Bâle, Éditions Birkhäuser, 2008, réimpression 2012, p.13.

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Conclusion

Ce travail de recherche nous a permis de mettre en lumière les potentielles limites - et leurs natures - de ces dispositifs architecturaux quant à la préservation et la transmission de la mémoire et du souvenir. Les problématiques de réception de ces œuvres architecturales auprès du grand public ainsi que leur intelligibilité ont soulevés des questionnements communs aux deux mémoriaux mais aussi à d’autres programmes architecturaux liés de près ou de loin au thème de la mémoire, à savoir le musée. Et c’est à lumière du Musée Juif de Berlin que le Mémorial des martyrs de la déportation et le Mémorial aux juifs assassinés d’Europe semblent revendiquer un devoir de mémoire à la fois basé sur l’expérience physique et la dimension didactique dans l’objectif d’accomplir de la meilleure des manières possibles la mission dont ils sont investis. Le débat reste alors ouvert sur la dialogue à établir entre l’engagement émotif et sensoriel et le travaille la pensée au service de la mémoire. Une chose est sûre, que le visiteur soit un scolaire, un étudiant, un enseignant, un chercheur, un touriste, un rescapé, un descendant, un parent, un membre de la communauté juive, un politique, un citoyen du monde1 et bien d’autres choses encore, la responsabilité de « transmettre l’expérience qu’il vient de vivre2 » est indéniable dans une volonté de mémoire - individuelle et collective - mais aussi d’identité - individuelle et nationale. L’oubli ne peut triompher. Ce n’est pas l’assignation d’un forme monumentale3 à la mémoire qui doit permettre à l’Homme de se décharger du devoir de se souvenir. Il revient donc aux concepteurs de ces monuments la lourde responsabilité de rendre leurs œuvres pérennes, expressives, compréhensibles, porteuses de sens et d’intérêt. Comment décrire ? Comment raconter ? Comment transcrire ? Comment saisir ce qui n’est pas montré, ce qui n’a pas été photographié, ce qui relève de l’indescriptible, de l’inconcevable et de l’inintelligible ? Toujours les mêmes interrogations mais une multitude de réponses. Mais cette responsabilité est aussi collective et touche tout un chacun. Alors, pour clôturer ce premier travail de recherche, si passionnant par sa complexité et sa diversité, et ainsi amorcer les prochains, il est intéressant d’ouvrir cette réflexion sur deux thématiques intrinsèquement liées à ce mémoire d’initiation à la recherche. La première concerne les sites historiques4 , là où se sont déroulés les barbaries nazies. Quelle est la nature de ces lieux ? Comment se pérennisent 1. CHEVALIER Dominique, Musées et musées-mémoriaux urbains consacrés à la Shoah, p.188. 2. Ibid., p.166.

3. À comprendre ici, comme nous l’avons définit au tout début de ce travail de recherche, comme appartenant domaine de la mémoire, de la commémoration, du souvenir, etc.

4. Un site historique ou un site patrimonial est un lieu officiel où des éléments d’histoire politique, militaire, culturelle ou sociale ont été préservés en raison de leur valeur patrimoniale culturelle.

180


Conclusion

et se transmettent la mémoire et les souvenirs qui ont pris vie entre les murs des ghettos ou à l’intérieur des enceintes barbelées des camps ? Que retiret-on vraiment de ces endroits en termes de connaissances et d’émotions ? L’ouverture de ces lieux au grand public, dans un soucis de présentation, de conservation, de mémoire et d’enseignement interroge ce que ces sites peuvent et doivent montrer aux visiteurs. Entre aseptisation, pédagogie, transmission et muséification, quelle(s) réponse(s) apporter ? (…) je me dis qu’honorer les morts, respecter ces lieux, c’est aujourd’hui ne plus s’y rendre. Je suis donc sceptique sur la valeur pédagogique des voyages à Auschwitz pour les jeunes générations. Du moins, je me pose la question. Certains faits m’inquiètent, le chahut, la distraction, voire l’hostilité. Il faut une grande imagination pour que quelque chose se passe, une grande préparation (…)1 . Les propos du philosophe Alain Finkielkraut initient une problématique qui mérite de l’intérêt aussi bien pour l’éducation des générations futures que pour l’identité de l’humanité. La seconde concerne le futur du monument commémoratif. Le futur des mémoriaux étudiés comme le futur des mémoriaux à venir. Quel avenir pour le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe et le Mémorial des martyrs de la déportation ? Comment sont-ils amenés à évoluer et à être interprétés ? Par ailleurs, quels mémoriaux édifier pour les autres mémoires et celles à venir ? Génocides, attentats terroristes, esclavages, et bien d’autres mémoires semblent, comme la déportation et la barbarie nazie, appartenir au domaine de l’ineffable, de l’inffigurable. Ainsi, dans une ère où de nouvelles mémoires émergent, où les crimes et les guerres sont décontextualisées, quelles réponses l’architecte pourra-t-il trouver pour remémorer de tels événements et leurs victimes ? Le parcours physique mémoriel, qui au travers de cette étude parait « compétent » pour la mémoire qu’il transmet, sera-t-il capable de transcender le souvenir d’un ultime drame, totalement différent ? Ou allons-nous assister à une floraison de mémoriaux « banals » perdant tout intérêt - à l’image des monuments aux morts de 1914-1918 - et/ou à une vulgarisation de l’expérience remémorative ? Si nous finissons par nous lasser de ces édifices commémoratifs, quelles formes devra prendre le mémorial pour se rendre toujours plus vivant et attractif ? « C’est dire qu’il y a encore, non derrière mais devant nous, d’autres monuments à inventer2 ». 1. REMY Vincent, « Alain Finkielkraut : “Respecter Auschwitz, c’est ne plus s’y rendre” », Recueil des propos du philosophe Alain FINKIELKRAUT au sujet du reportage pour Télérama’, « A Auschwitz, la mémoire étouffée par le tourisme de masse », 13 Décembre 2011. 2. DEBRAY Régis, Partie « Trace, forme ou message ? », p. 44.

181



GLOSSAIRE Ce travail de recherche fait appel à un certain nombre de termes et de notions qu’il a fallu définir ou interpréter avec le plus de précision possible afin d’éclaircir les potentielles hiérarchies, confrontations, liaisons ou étymologies. Il semble essentiel d’exposer ou de rappeler à nouveau quelques définitions clés retenues en cohérence avec l’objet de la recherche.

183


COMMÉMORATION

Du latin commemoratio qui signifie « action de commémorer ». Action de commémorer, de rappeler le souvenir d’un événement, d’une personne ; généralement, une cérémonie est faite à cette occasion.

COMMÉMORER

Du latin commemorare, de memorare signifiant « rappeler ». Rappeler le souvenir d’un événement, de la naissance ou de la mort d’une personne, avec plus ou moins de solennité1 .

DEVOIR DE MÉMOIRE

Le devoir de mémoire est une expression qui désigne l’obligation morale de se souvenir d’un événement historique tragique et de ses victimes, afin de faire en sorte qu’un événement de ce type ne se reproduise pas. À l’origine, cette expression était d’abord un « travail de mémoire » en lien avec les évènements de la Première Guerre mondiale. À la suite de la Seconde Guerre mondiale, celui-ci prend une autre tournure, celle du « devoir de mémoire ». Selon Olivier Lalieu, il y a une double injonction morale qui émane des anciens combattants et des déportés survivants. La première, « d’honorer la mémoire », qui relève du souvenir, et la seconde, « maintenir présent à l’esprit de tous...», qui relève de la mémoire2 . L’expression est formalisée et institutionnalisée, notamment en France, dans les années 1990. Au départ, la formule désigne en particulier la Shoah, puis s’est élargie, de nos jours, à d’autres épisodes tragiques de l’Histoire.L’application par les collectivités territoriales ou les États de ce « devoir de mémoire » permet de reconnaître l’état de victimes et de persécutions subies par des populations. De plus, le devoir de mémoire est un nouvel impératif pour que les États reconnaissent les responsabilités de leurs régimes politiques passés, voire celles de leur nation, dans ces persécutions ou crises majeures.

ÉMOTION

Réaction affective transitoire d’assez grande intensité, habituellement provoquée par une stimulation venue de l’environnement3 . Il s’agit d’un changement d’état d’âme. L’émotion se situe au niveau physique.

MÉMOIRE

Il s’agit de la capacité à retenir, conserver et rappeler de nombreuses informations antérieures4 . 1. Larousse de poche, 2003.

2. LALIEU Olivier, « L’invention du ‘devoir de mémoire’ ». 3. Larousse.fr

4. Wikipéfdia.fr

184


MÉMORIAL

Le mémorial est avant tout un monument commémoratif. Il est érigé en souvenir d’un événement ou/et en l’honneur d’une ou plusieurs personnes décédées. Au travers de cette étude, est appelé mémorial, tout édifice conçu pour garder présent le souvenir d’un évènement passé ou de personnes décédées cherchant à mettre en place un dispositif architectural spatial qui implique les passants. Le mémorial n’est pas une simple sculpture que l’on contemple.

MONUMENT

Le terme « monument » dérive du latin monere, qui signifie « faire penser, faire se souvenir ». Alois Riegl donne cette definition du monument : « Au sens le plus ancien, le plus originel, on entend par monument une oeuvre de la main humaine, érigée dans le but précis de garder présent et vivant le souvenir de faits ou de destins humains singuliers (ou bien encore d’ensembles de faits ou de destins) dans la conscience des générations ultérieures1 ».

MUSÉE

Le Conseil international des musées (ICOM) a élaboré une définition plus précise qui fait référence dans la communauté internationale : « Un musée est une institution permanente sans but lucratif au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation ». Les musées sont souvent spécialisés, il en existe principalement neuf grandes catégories : les musées d’archéologie, les musées d’art, les musées des Beaux-Arts, les musées des arts décoratifs, les musées d’histoire, les musées de sciences, les musées d’histoire naturelle, les musées des techniques et les musées d’ethnologie. Ceux-ci se déclinent ensuite dans leur architecture, dans leurs scénographies, dans leurs expositions,etc.

NÉGATIONNISME

Le négationnisme consiste en un déni de faits historiques, malgré la présence de preuves flagrantes rapportées par les historiens, et ce à des fins racistes ou politiques. L’historien Henry Rousso crée le terme en 1987 pour qualifier la contestation de la réalité du génocide mis en œuvre contre les Juifs par l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale. Le négationnisme consiste à prétendre et affirmer, soit qu’il n’y a pas eu d’intention d’exterminer les Juifs, soit que les moyens de réaliser cette extermination, notamment les chambres à gaz destinées à donner la mort, n’ont pas existé. Le négationnisme 1. RIEGL Aloïs, Le culte moderne des monuments.

185


est une contestation ou une minimisation des crimes contre l’humanité condamnés par le tribunal de Nuremberg1 .

OUBLI

L’oubli peut être qualifier comme la défaillance dans l’aptitude à se souvenir de quelque chose de précis. C’est la difficulté ou l’incapacité à faire resurgir dans la conscience le souvenir de quelqu’un ou de quelque chose2 .

RECUEILLEMENT

Fait de se recueillir, de s’abstraire du monde extérieur pour se replier sur la vie intérieure3 .

REMÉMORATION

Du latin rememoratio. Il s’agit de l’action de se remettre quelque chose en mémoire4 .

SENSATION

Du latin classique sentire, percevoir Phénomène qui traduit, de façon interne chez un individu, une stimulation d’un de ses organes récepteurs5 . C’est la naissance d’un état d’âme, d’une impression ressentie grâce aux cinq sens.

SENTIMENT

État affectif complexe et durable lié à certaines émotions ou représentations6 . C’est le passage de la perception physique au niveau de la pensée. Le sentiment est plus durable que l’émotion.

SHOAH

En hébreu ancien, le terme shoah a de multiples significations : « ruines », « désolation », « destruction », « orage », « tempête », « calamité » ou encore « tumulte ». Au contraire du mot Holocauste, il ne s’agit pas d’un terme liturgique ou relevant du champ du sacré. Durant le Moyen âge, le mot devient synonyme de désastre, sorte de condensé de ses différentes significations. Dans les années 1930, le sens du mot évolue. Utilisé pour traduire l’allemand « catastrophe », Shoah s’attache alors au sort subi par les juifs dans le Reich, puis, avec le enclenchement de la guerre, celui que subissent les juifs de Pologne 1. Wikipédia.fr 2. CNTRL.fr

3. Larousse.fr 4. Ibid.

5. Ibid. 6. Ibid.

186


soumis au joug nazi. Shoah devient très vite alors le terme utilisé pour évoluer le sort des juifs en Europe, au fil des conquêtes du Reich et des radicalisation des politiques antisémites. Il s’impose en 1942-1943 quand arrivent les informations liées à l’assassinat de masse, dont il devient le synonyme. On évoque désormais la Shoah, nom propre attaché à un évènement unique. Le mot est synonyme de « Holocauste », qui prévaut alors dans le monde anglosaxon, ou de « extermination », dans le bloc soviétique - terme au demeurant généralisant et non spécifiquement attaché au sort des juifs, qui n’existe pas dans le discours officiel communiste. À partir des années 1960-1970, il se diffuse peu à peu à l’étranger, ou il est repris, notamment en France, avant qu’en 1985 le film de Claude Lanzmann ne le popularise. Dès lors, Shoah s’impose très largement en France, puis dans une grande partie du monde occidental, concurrençant le mot « Holocauste » dans le monde anglo-saxon1 .

SOUVENIR

Il peut se définir comme la survivance, dans la mémoire, d’une sensation, d’une impression, d’une idée, d’un événement passés2 .

1. Tal Bruttmann éd., Les 100 mots de la Shoah. 2. Larousse.fr

187



ANNEXES ANNEXE 1.

190

Frise chronologique des évènements politiques du régime nazi

ANNEXE 2.

194

Commentaires du site internet Tripadvisor

ANNEXE 3.

198

Questionnaires au sujet des mémoriaux

ANNEXE 4.

206

Réponses des questionnaires au sujet des mémoriaux

ANNEXE 5.

214

Récapitulatifs des études de cas principales

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Opposants politiques internés pour des raisons de « détentions préventives ». Camp situé à moins de 16km du centre de la ville de Munich : DACHAU. Usine désaffectée des faubourgs de la ville. Premier camp de concentration situé en Bavière 22 mars 1933 Tentative d’Hitler de prendre le pouvoir par la force en Bavière. Hitler est condamné à 5 ans de prison.

Loi sur les pleins pouvoirs votée, permettant à Hitler de gouverner sans laval du Reichstag

Le président Hindenburg meurt. Hitler devient le chef de l’État allemand.

8 novembre 1923

24 mars 1933

2 août 1934

Putsch de la Brasserie

Pleins pouvoirs

Mort du président

1920 30 janvier 1933

15 septembre

Hitler devient chancelier de l’Allemagne 13 ans après l’annonce du programme du parti a Munich, moins de 5 ans après les 2,6% de voix aux élections générales.

Loi « sur la protecti et de l’honneur alle Loi sur la citoyenne

7 avril 1933 Premiers textes antisémites adoptés Lois sur la réorganisation de la fonction publique. Les juifs ne peuvent plus accéder à la fonction publique.

190

Interdiction des rapp entre Juifs et non-Juif Un citoyen du Reich ment une personn allemand ou appare travers son comporte qu'elle est à la fois capable de servir lo peuple allemand et le les citoyens du Reich la totalité des droits p


En 1938, au total, près de 75% des prisonniers envoyés à Dachau étaient juifs. À la fin de l’année près de 8000 autrichiens avaient été envoyés dans le camp de Dachau Premier train pour Dachau

Création d’un régime de terreur et de l’épicentre de l’Holocauste. La Pologne subira en proportion, les pertes de population les plus importantes pendant la guerre, non pas au combat mais du fait d’une politique délibérée de déportation, de famine et de meurtre. Invasion de la Pologne

1 avril 1938

t . e t

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ion du sang emands » et eté du Reich

ports sexuels fs. h est uniquene de sang enté et qui, à ement, montre désireuse et oyalement le e Reich. Seuls h jouissent de politiques

1 septembre 1939

Nuit du 9 au 10 novembre 1938

La nuit de Cristal

Ce pogrom a été présenté par les responsables nazis comme une réaction spontanée de la population à la mort le 9 novembre 1938 d’Ernst vom Rath, un secrétaire de l'ambassade allemande à Paris, grièvement blessé deux jours plus tôt par Herschel Grynszpan, un jeune Juif polonais d'origine allemande. En fait, le pogrom fut ordonné par le chancelier du Reich, Adolf Hitler, organisé par Joseph Goebbels et commis par des membres de la Sturmabteilung (SA), de la Schutzstaffel (SS) et de la Jeunesse hitlérienne, soutenus par le Sicherheitsdienst (SD), la Gestapo et d'autres forces de police. Sur tout le territoire du Reich, près de deux cents synagogues et lieux de culte furent détruits, 7 500 commerces et entreprises exploités par des Juifs saccagés ; une centaine de Juifs furent assassinés, des centaines d'autres se suicidèrent ou moururent des suites de leurs blessures et près de 30 000 furent déportés en camp de concentration : au total, le pogrom et les déportations qui le suivirent causèrent la mort de 2 000 à 2 500 personnes. Point culminant de la vague antisémite qui submergea l'Allemagne dès l'arrivée des nazis au pouvoir en janvier 1933, la « nuit de Cristal » fait partie des prémices de la Shoah 191


La prise de médicaments ne sera pas assez efficace pour tuer les 70 000 handicapés du Reich. Il faut donc réfléchir à une nouvelle méthode. Opération d’euthanasie appelée « Action T4 », utilisant le monoxyde de carbone comme agent létal. = méthode de la fausse douche très pratique pour commettre un meurtre de masse en emmenant les victimes à leur propre mort. L’action T4 fut annulée par Hitler le 24 août 1941.

Les États-Unis entrent en g Le conflit devient mondial installation se trouve à Ch L’installation avait été cr l’orignine pour éliminer le du ghetto de Lodz ju improductifs ».

Attaque japonaise sur P Harbor. Première install fixe pour tuer des juifs e en fonction en Polog

l’euthanasie des handicapés

3 millions de soldats imprimèrent au territoire de l’Union Soviétique trois poussées gigantesques et simultanées dirigées sur Leningrad, Smolensk et Kiev. Invasion de l’Union soviétique

9 octobre 1939

22 juin 1941

7 décembre 1941

22 juin 1940

1 septembre 1941

Pétain consent à une armistice avec l’Allemagne Cet armistice intervient après que Paris tomba aux mains des allemands le 14 juin 1940. La capitale du nouveau régime français s’installe à Vichy. Le 3 octobre 1940, un statut des Juifs est édicté et les prive de la possibilité d’exercer toute une série de profession. Rien n’atteste que les allemands aient demandé au gouvernement de Vichy de prendre ce genre de mesures antisémites.

Les juifs de plus de 6 ans doivent porter une étoile jaune sur leurs vêtements.

20 janvier 1942

Conférence de Wan

Étape décisive dans la réalisatio réunit dans la villa Marlier de Be 1942, quinze hauts responsab Reich, délégués des ministères, SS, pour mettre au point l'organis tive, technique et économique finale de la question juive », vo ensuite mise en œuvre, sur ses Göring, Himmler, Heydrich et l'u teurs de ce dernier, Adolf Eichm 192


guerre. l. Cette helmno. réée à es Juifs ugés «

Pearl lation entre gne

La rafle du Vélodrome d'Hiver, souvent appelée « rafle du Vél’d’Hiv » est la plus grande arrestation massive de Juifs réalisée en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Entre les 16 et 17 juillet 1942, plus de treize mille personnes, dont près d'un tiers d'enfants, sont arrêtées avant d’être détenues au vélodrome d’hiver (mais aussi dans d’autres camps), dans des conditions d’hygiène déplorables et presque sans eau ni nourriture pendant cinq jours. Ils sont ensuite envoyés par trains de la mort vers le camp d'extermination d’Auschwitz. Moins d'une centaine d’adultes en reviendront La grande rafle

2

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on. La conférence erlin, le 20 janvier bles du Troisième , du parti ou de la sation administrade la « solution oulue par Hitler et s instructions, par un des collaboramann. de la Shoah.

Nuit du 16 au 17 juillet 1942

Capitulation de l’Allemagne 8 mai 1945

Hitler se suicide

30 avril 1945

1945 Fin 1944 - Début 1945 décembre, janvier, février

mars 1943

Nouvelles installations dans les camps de Auschwitz-Birkenau. Trois nouveaux crématoires, hautement performant dans leur dessein de chaine industrielle de la mort.

Les marches de la mort Les marches de la mort eurent lieu à la fin de la Seconde Guerre mondiale lorsque les Alliés se rapprochaient des camps de concentration et d'extermination allemands. Les SS firent évacuer les occupants, en majorité juifs, de ces camps, dont Neuengamme et Auschwitz, afin de poursuivre le processus de concentration en Allemagne et le dissimuler aux yeux des Alliés. Les prisonniers, juifs ou non, déjà affaiblis par le travail, les privations ou les maladies risquaient la mort au cours de ces marches de transfert d'un camp vers un autre. Les camps situés en Autriche furent également concernés par ces déplacements de prisonniers effectués sous la conduite des gardiens. 193


COMMENTAIRES TRIPADVISOR AU SUJET DU MÉMORIAL DES MARTYRS DE LA DÉPORTATION

Annexe 2.1

Annexe 2.2

Annexe 2.3

Annexe 2.4

Annexe 2.5

Annexe 2.6

194


COMMENTAIRES TRIPADVISOR AU SUJET DU MUSÉE JUIF DE BERLIN

Annexe 2.7

Annexe 2.8

Annexe 2.9

Annexe 2.10

Annexe 2.11

Annexe 2.12

195


COMMENTAIRES TRIPADVISOR AU SUJET DU MÉMORIAL AUX JUIFS ASSASSINÉS D’EUROPE

Annexe 2.13

Annexe 2.14

Annexe 2.15

Annexe 2.16

Annexe 2.17

Annexe 2.18

Annexe 2.19

Annexe 2.20

Annexe 2.21

Annexe 2.22

196


Annexe 2.23

Annexe 2.24

Annexe 2.25

Annexe 2.26

Annexe 2.27

Annexe 2.28

Annexe 2.29

Annexe 2.30

Annexe 2.31

Annexe 2.32

Annexe 2.33

197


QUESTIONNAIRE QUESTIONNAIRE MÉMORIAL DES MARTYRS DE LA DÉPORTATION MÉMORIAL DES MARTYRS DE LA DÉPORTATION / PRÉAMBULE Ce questionnaire est à destination des personnes ayant visité le Mémorial des Martyrs de la Déportation, situé à Paris et réalisé par l’architecte Georges-Henri Pingusson. Ce questionnaire est réalisé par un étudiant en deuxième année de Master à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon dans le cadre d’un mémoire. Ce dernier s’intéresse aux avis et aux ressentis des visiteurs du Mémorial en question. L’objectif de ce questionnaire, et, in fine, de ce mémoire d’études, est d’en apprendre davantage sur les liens qui s’établissent entre l’expérience physique et l’apprentissage de connaissances au sein du Mémorial des Martyrs de la Déportation. Ce questionnaire est à choix multiples pour les questions ouvertes. Vous n’êtes pas obligé de répondre à tout.

/ EN SAVOIR UN PEU PLUS SUR VOUS 1. Vous avez : - de 18 ans 18 - 25 ans 25 - 40 ans 40 - 60 ans 60 - 80 ans + de 80 ans

2. Vous êtes : Scolaire Étudiant Actif Sans emploi Enseignant Retraité

3. Avez-vous des liens avec le milieu de l’architecture ? (par vos études ou votre métier) Oui Non Si oui, précisez ......................................

4. Où habitiez vous lors de votre visite du mémorial ?

Code postal ...................

/ AVANT VOTRE VISITE DU MÉMORIAL 5. Votre visite du mémorial était-elle planifiée ? Oui Non

10. Pourquoi êtes-vous venu au mémorial ? Par curiosité Pour des raisons familiales Pour découvrir ce lieu (sans réelles attentes) Pour le faire découvrir à mon entourage Pour m’informer sur le sujet traité par le mémorial Dans le cadre d’une activité scolaire Pour découvrir l’architecture de l’architecte G-H Pingusson Autre (précisez) ………...........

6. En quelle année avez-vous visité le mémorial pour la 1ère fois ? .................... 7. Avez-vous renouvelé votre visite depuis ? Si oui, combien de fois ? Oui ..................... fois Non

11. Dans quel cadre s’est déroulé votre visite ? Scolaire Professionnel En groupe En famille Seul-e Avec des amis Séjour touristique

8. Connaissiez-vous le mémorial avant de venir ? Oui Non 9. Comment avez-vous découvert le site mémoriel ? Par hasard Par du bouche à oreille Par une balade aux alentours Dans un média (TV, presse, livre…) Par des guides touristiques Autre (précisez) ………..........

12. Qu’attendiez-vous de votre visite du mémorial ? S’informer sur la déportation et ses victimes S’informer sur la Seconde Guerre mondiale et cette période de l’Histoire Se recueillir, commémorer les victimes Découvrir une architecture mémorielle Vivre une expérience singulière Se divertir Aucune attente particulière 1/4 Autre (précisez) ………..........

198


13. Si l’entrée du mémorial avait été payante, cela aurait-il un frein pour venir le visiter ?

14. Avant votre visite aviez-vous une idée des sujets abordés par le mémorial ?

Oui Non Peut-être (en fonction du prix)

Oui En partie Non

/ PENDANT VOTRE VISITE DU MÉMORIAL 15. Au cours de votre visite du mémorial, quelles émotions /sensations avez-vous pu ressentir ? Joyeux-se Crainte Honte Vertige Légèreté Inquiétude Dégoût Espoir Amour Perdu-e Désorientation Douleur Admiration Colère Anxiété Révolté-e Émerveillement Tristesse Culpabilité Sérénité Sans émotions Autres (précisez lesquelles) ………........... 16. Selon vous, ce que vous avez pu ressentir au cours de votre visite provient : Des informations exposées dans le mémorial (textes, images, vidéos…) De l’architecture du mémorial et de ses espaces D’un mélange entre l’architecture et ce qui est exposé / écrit / dit Autre (précisez) ……….......... 17. Durant votre visite du mémorial et des différents espaces avez-vous apprécié : La lumière : Pas du tout

Les dimensions des espaces : Moyennement

Très apprécié

Pas du tout

Les matériaux utilisés : Pas du tout

Moyennement

Moyennement

Moyennement

Très apprécié

La proximité avec les autres visiteurs : Très apprécié

Pas du tout

La sonorité des espaces : Pas du tout

(Mettez une croix)

Moyennement

Très apprécié

Précisez pourquoi si besoin : Très apprécié

................................................................................. .................................................................................

18. Comment avez-vous vécu l’entrée dans le mémorial depuis la ville : Comme une rupture Comme une progression Indifféremment Pouvez-vous précisez ……….......... 19. Selon-vous, cela a-t-il eu une incidence sur la suite de votre déambulation dans le mémorial ? Oui Non Précisez ……….......... 20. Durant votre parcours dans le mémorial, de l’entrée à la sortie de celui-ci, avez-vous eu l’impression de suivre une progression, une évolution en termes de cheminement, d’ambiances, d’émotions, de connaissances ? Oui Non Précisez pourquoi en quelques mots ………..........

2/4 199


21. Durant votre visite du mémorial, y-avait-il d’autres visiteurs ?

22. Selon vous, ces visiteurs ont-ils eu un impact négatif ou positif sur votre visite du mémorial ?

Oui Non Si vous le pouvez, précisez le nombre de visiteurs (de manière subjective) ………..........

Oui Non Indifférent Précisez pourquoi ……….............

23. Avez-vous remarqué des comportements qui ont pu vous choquer/ offusquer/ surprendre/ énerver, de la part des autres visiteurs ? Oui Non Si oui, précisez lesquels ………...................................

/ APRÈS VOTRE VISITE DU MÉMORIAL 24. Votre visite du mémorial vous a-t-elle permis d’en savoir plus sur la déportation et ses victimes ? Pas du tout

Par les expositions ou les informations mises en place Par d’autres personnes présentes dans le mémorial Par moi-même et au travers de ce que le lieu exprime Par un médiateur / guide

Beaucoup

26. Avez-vous trouvé le mémorial propice au recueillement, à la commémoration, au souvenir ? Pas du tout

25. Par quels moyens en avez-vous appris davantage ?

Pas assez

Beaucoup

27. Selon vous, le mémorial manque-t-il d’informations (panneaux, expositions, affiches) pour mieux comprendre ce qu’il représente et incarne ? Pas du tout

Un peu

Beaucoup

Précisez pourquoi .............................................................. ................................................................................................ 28. Selon vous, si le mémorial ne comportait pas la partie expositions/ informations située dans les salles supérieures, cela serait-il un frein pour la compréhension du lieu : - Pour comprendre les évènements historiques commémorés ? Oui Peut-être Non - Pour ressentir la gravité des faits commémorés ? Oui Peut-être Non 29. Selon vous, si le mémorial ne comportait pas la partie de recueillement et de commémoration situées dans la crypte et dans les chapelles latérales, cela serait-il un frein pour la compréhension du lieu : - Pour comprendre les évènements historiques commémorés ? Oui Peut-être Non - Pour ressentir la gravité des faits commémorés ? Oui Peut-être Non

3/4 200


30. Dans le mémorial, les informations et les expositions sont données dans des pièces sombres, sans ouvertures sur l’extérieur et sans lumière naturelle. Cela a-t-il eu un impact sur la compréhension de ce qui vous est présenté ? Pas du tout

Un peu

Oui

31. Trouvez-vous les qualités architecturales et scénographiques de ces espaces d’informations en accord avec ce qui est présenté et raconté par les expositions ? Pas du tout

Un peu

Oui, beaucoup

32. Lorsque vous avez quitté le mémorial, vous êtes vous senti différent de lorsque vous y étiez entré ? Non

Un peu

Oui

33. Vous attribuez cela à : Un changement d’état d’âme / d’état d’esprit Une prise de conscience Des savoirs/ connaissances supplémentaires Autres (précisez) ……............ 34. Visiter ce mémorial, a-t-il était difficile pour vous ? Oui Non Précisez pourquoi …….. 35. Quel message avez-vous retenu au travers de la visite de ce mémorial ? ................................................................................................................................................................................................................... ...................................................................................................................................................................................................................

/ REMERCIEMENTS Merci d’avoir donné un peu de votre temps pour répondre à ce questionnaire au sujet du Mémorial des Martyrs de la Déportation. Bonne journée à vous.

4/4 201


QUESTIONNAIRE QUESTIONNAIRE MÉMORIAL AUX JUIFS ASSASSINÉS D’EUROPE MÉMORIAL AUX JUIFS ASSASSINÉS D’EUROPE / PRÉAMBULE Ce questionnaire est à destination des personnes ayant visité le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe, situé à Berlin et réalisé par l’architecte Peter Eisenman. Ce questionnaire est réalisé par un étudiant en deuxième année de Master à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon dans le cadre d’un mémoire. Ce dernier s’intéresse aux avis et aux ressentis des visiteurs du Mémorial en question. L’objectif de ce questionnaire, et, in fine, de ce mémoire d’études, est d’en apprendre davantage sur les liens qui s’établissent entre l’expérience physique et l’apprentissage de connaissances au sein du Mémorial des Martyrs de la Déportation. Ce questionnaire est à choix multiples pour les questions ouvertes. Vous n’êtes pas obligé de répondre à tout.

/ EN SAVOIR UN PEU PLUS SUR VOUS 1. Vous avez : - de 18 ans 18 - 25 ans 25 - 40 ans 40 - 60 ans 60 - 80 ans + de 80 ans

2. Vous êtes : Scolaire Étudiant Actif Sans emploi Enseignant Retraité

3. Avez-vous des liens avec le milieu de l’architecture ? (par vos études ou votre métier) Oui Non Si oui, précisez ......................................

4. Où habitiez vous lors de votre visite du mémorial ?

Code postal ...................

/ AVANT VOTRE VISITE DU MÉMORIAL 5. Votre visite du mémorial était-elle planifiée ? Oui Non 6. En quelle année avez-vous visité le mémorial pour la 1ère fois ? .................... 7. Avez-vous renouvelé votre visite depuis ? Si oui, combien de fois ? Oui ..................... fois Non 8. Connaissiez-vous le mémorial avant de venir ? Oui Non 9. Comment avez-vous découvert le site mémoriel ? Par hasard Par du bouche à oreille Par une balade aux alentours Dans un média (TV, presse, livre…) Par des guides touristiques Autre (précisez) ………..........

10. Pourquoi êtes-vous venu au mémorial ? Par curiosité Pour des raisons familiales Pour découvrir ce lieu (sans réelles attentes) Pour le faire découvrir à mon entourage Pour m’informer sur le sujet traité par le mémorial Dans le cadre d’une activité scolaire Pour découvrir l’architecture de l’architecte Peter Eisenman Autre (précisez) ………........... 11. Dans quel cadre s’est déroulé votre visite ? Scolaire Professionnel En groupe En famille Seul-e Avec des amis Séjour touristique 12. Qu’attendiez-vous de votre visite du mémorial ? S’informer sur la déportation et ses victimes S’informer sur la Seconde Guerre mondiale et cette période de l’Histoire Se recueillir, commémorer les victimes Découvrir une architecture mémorielle Vivre une expérience singulière Se divertir Aucune attente particulière 1/4 Autre (précisez) ………..........

202


13. Si l’entrée du mémorial avait été payante, cela aurait-il un frein pour venir le visiter ?

14. Avant votre visite aviez-vous une idée des sujets abordés par le mémorial ?

Oui Non Peut-être (en fonction du prix)

Oui En partie Non

15. Saviez-vous que le mémorial se décompose en 2 parties : une partie extérieure, située en surface et composée des allées créées par les blocs de béton ; et une partie intérieure, souterraine, accueillant des expositions ? Oui Non Je l’ai découvert durant la visite du mémorial

/ PENDANT VOTRE VISITE DU MÉMORIAL 16. Durant votre déambulation dans le mémorial, avez-vous visité la partie souterraine ? Oui Non Je ne l’ai pas trouvé Je l’ai aperçu mais je ne l’ai pas visité 17. Au cours de votre visite du mémorial, quelles émotions /sensations avez-vous pu ressentir ? Joyeux-se Crainte Honte Vertige Légèreté Inquiétude Dégoût Espoir Amour Perdu-e Désorientation Douleur Admiration Colère Anxiété Révolté-e Émerveillement Tristesse Culpabilité Sérénité Sans émotions Autres (précisez lesquelles) ………........... 18. Selon vous, ce que vous avez pu ressentir au cours de votre visite provient : Des informations exposées dans la partie souterraine du mémorial (textes, images, vidéos…) appelé Centre d’informations / Ort der Information De l’architecture du mémorial et de ses espaces extérieurs D’un mélange entre l’architecture et ce qui est exposé / écrit / dit Autre (précisez) ……….......... 19. Durant votre visite du mémorial et de votre déambulation dans les différents espaces avez-vous apprécié : La lumière : Pas du tout

Les dimensions des espaces : Moyennement

Très apprécié

Pas du tout

Très apprécié

Pas du tout

Les matériaux utilisés : Pas du tout

Moyennement

Moyennement

Très apprécié

La proximité avec les autres visiteurs :

La sonorité des espaces : Pas du tout

Moyennement

Moyennement

Très apprécié

Précisez pourquoi si besoin : Très apprécié

................................................................................. .................................................................................

20. Comment avez-vous vécu l’entrée dans le mémorial depuis la ville : Comme une rupture Comme une progression Indifféremment Pouvez-vous précisez ………..........

203

2/4


21. Selon-vous, cela a-t-il eu une incidence sur la suite de votre déambulation dans le mémorial ? Oui Non Précisez ……….......... 22. Durant votre parcours dans le mémorial, de l’entrée à la sortie de celui-ci, avez-vous eu l’impression de suivre une progression, une évolution en termes de cheminement, d’ambiances, d’émotions, de connaissances ? Oui Non Précisez pourquoi en quelques mots ……….......... 23. Durant votre visite du mémorial, y-avait-il d’autres visiteurs ?

24. Selon vous, ces visiteurs ont-ils eu un impact négatif ou positif sur votre visite du mémorial ?

Oui Non Si vous le pouvez, précisez le nombre de visiteurs (de manière subjective) ………..........

Oui Non Indifférent Précisez pourquoi ……….............

25. Avez-vous remarqué des comportements qui ont pu vous choquer/ offusquer/ surprendre/ énerver, de la part des autres visiteurs ? Oui Non Si oui, précisez lesquels ………...................................

/ APRÈS VOTRE VISITE DU MÉMORIAL 26. Votre visite du mémorial vous a-t-elle permis d’en savoir plus sur les victimes juives de la Shoah ? Pas du tout

Beaucoup

28. Avez-vous trouvé le mémorial propice au recueillement, à la commémoration, au souvenir ? Pas du tout

27. Par quels moyens en avez-vous appris davantage ?

Pas assez

Beaucoup

Par les informations mises en place au sous-sol Par d’autres personnes présentes dans le mémorial Par moi-même et au travers de ce que le lieu exprime Par un médiateur / guide 29. Selon vous, le mémorial manque-t-il d’informations (panneaux, expositions, affiches) pour mieux comprendre ce qu’il représente et incarne ? Pas du tout

Un peu

Beaucoup

Précisez pourquoi .............................................................. ................................................................................................ 30. Selon vous, si le mémorial ne comportait pas la partie expositions/ informations située de manière souterraine - en dessous du «champ de stèles - , cela serait-il un frein pour la compréhension du lieu : - Pour comprendre les évènements historiques commémorés ? Oui Peut-être Non - Pour ressentir la gravité des faits commémorés ? Oui Peut-être Non

3/4 204


31. Selon vous, si le mémorial ne comportait pas la partie de recueillement et de commémoration représentées par les stèles de béton qui s’organisent en surface, cela serait-il un frein pour la compréhension du lieu : - Pour comprendre les évènements historiques commémorés ? Oui Peut-être Non - Pour ressentir la gravité des faits commémorés ? Oui Peut-être Non 32. Dans le mémorial, les informations et les expositions sont données dans la partie souterraine du mémorial - le lieu de l’information - dans des pièces sombres, sans ouvertures sur l’extérieur et sans lumière naturelle. Cela a-t-il eu un impact sur la compréhension de ce qui vous est présenté ? Pas du tout

Un peu

Oui

33. Trouvez-vous les qualités architecturales et scénographiques de ces espaces d’informations souterrains en accord avec ce qui est présenté et raconté par les expositions ? Pas du tout

Un peu

Oui, beaucoup

34. Lorsque vous avez quitté le mémorial, vous êtes vous senti différent de lorsque vous y étiez entré ? Non

Un peu

Oui

35. Vous attribuez cela à : Un changement d’état d’âme / d’état d’esprit Une prise de conscience Des savoirs/ connaissances supplémentaires Autres (précisez) ……............ 36. Visiter ce mémorial, a-t-il était difficile pour vous ? Oui Non Précisez pourquoi …….. 37. Quel message avez-vous retenu au travers de la visite de ce mémorial ? ................................................................................................................................................................................................................... ...................................................................................................................................................................................................................

/ REMERCIEMENTS Merci d’avoir donné un peu de votre temps pour répondre à ce questionnaire au sujet du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe. Bonne journée à vous.

4/4 205


Tableau Tableau 1 1

Tableau 1-1-1

Tableau Tableau 1-1 1-1

QUESTIONNAIRE RÉSULTATS 20 réponses Tableau 1 MÉMORIAL DES MARTYRS DE LA DÉPORTATION 0

0

Scolaire Scolaire

0

0

Oui

12

12

Étudiant Étudiant

8

8

Non

25 - 40 ans 25 - 40 ans

4

4

Actif

40 - 60 ans 40 - 60 ans

2

2

60 - 80 ans 60 - 80 ans

2

+ de 80 ans + de 80 ans

- de 18 ans - de 18 ans 18 - 25 ans 18 - 25 ans

1. Vous avez :

3

- de718 ans 7

0

Scolaire

Sans emploi Sans emploi

18 -425 ans 4

12

Étudiant

2

Enseignant Enseignant

25 -040 ans 0

0

0

Retraité Retraité

40 -160 ans 1

20

20

Actif

2. Vous êtes :

6020 - 80 ans 20

5 %

10 % 20 %

10 %

4

Actif

0

Retraité

3. Avez-vous des liens avecSansleemploi 2 milieu de l’architecture ? Enseignant 2

+ de 80 ans

10 % 10 %

17

20

5 %

15 %

20 % 40 %

40 %

10 %

10 %

20 %

20 % Tableau 1-1-1-1 60 %

- de 18 ans - de 18 ans 18 - 25 ans 18 - 25 ans 25 - 40 ans Oui25 - 40 ans 40 - 60 ans 40 - 60 ans 60 - 80Non ans 60 - 80 ans + de 80 ans + de 80 ans 60 - 80 ans 60 - 80 ans

10

Oui

Oui

10

Non

Non

Scolaire Scolaire Étudiant Étudiant Actif Actif 9 Sans emploi Sans emploi 11 Enseignant Enseignant Retraité Retraité

Oui 35 % 9 Non 11

Tableau 1-1

5. Votre visite du mémorial était-elle Scolaire 0 planifiée ? 4

8

Scolaire Scolaire

2

0

2

Professionnel Professionnel

PourRetraité découvrir ce Pour découvrir ce lieu lieu

7

1

7

En groupeEn groupe

50 %

Pour le faire Pour le faire découvrir découvrir à mon à mon entourageentourage

1

Pour m’informer sur 8 Pour m’informer sur 8 Par hasard 5 % le sujet traité le sujet traité Par bouche à oreille 20 % Dans le cadre 4 Dansd’une le cadre d’une 4 Oui Ballade aux activité scolaire activité scolaire Non alentours Pour découvrir 13 Pour découvrir 13 Dans un média l’architecture de Gl’architecture de GH Pingusson H Pingusson Par guide

Pour m’informer sur le sujet traité

Oui Non

12 %

1

Dans le cadre d’une activité scolaire

1

touristique

Scolaire Étudiant Actif Sans emploi Enseignant Retraité

Oui Non

Non

Pour découvrir

9. Comment le site Par les 35 % études avez-vous découvert 7 18 % 18 % mémoriel ? Scolaire Idée des sujets abordes 5 %

Oui Non

5 % 3 30 % 12

Peut-être

5

Oui

1

Seul.e

25 %

Avec des amis

8

36 %

Oui

En partie

En partie

Non

Non

Par curiosité Par curiosité Raisons familiales Raisons familiales Dans quel cadre Pour découvrir ce lieu ce lieu Pour découvrir Pour le faire à mon entourage Pourdécouvrir le faire découvrir à mon entourage 32 % 32 % Pour m’informer sur le sujet Pour m’informer surtraité le sujet traité 4 % Paractivité hasardscolaire Dans le cadre d’une Dans le cadre d’une activité scolaire Par bouche à oreille Scolaire 5 Pour découvrir l’architecture de G-H Pingusson Pour découvrir l’architecture de G-H Pingusson 4 % Ballade aux alentours Professionnel 0 Dans un média Par guide touristique En groupe 2 Par les études En famille

36 % 17 %

Se recueillir, commémorer les Par curiosité vicitmes

9 %

26 % 15 %

12 %

36 %

9 %

60 % 27 %

Scolaire Professionnel En groupe En famille Seul.e Avec des amis Séjour touristique

Incidence

Attentes de la visite

30 % 4

Scolaire

Professionn

8 recueillir, 7 Se commémorer les 7 vicitmes 185 % 3 Découvrir une architecture mémorielle Oui8 Vivre une Non 12 % expérience 19 % 19 % 4 singulière Se divertir

4

30 %

En groupe

10

En famille

70 %

70 %

Seul.e

15

Oui Non

AvecOui des a

Non

Séjour tour

13

2

13

4 %

4

31 %

31 % 4

4 %

18 %

26 %

36 %

2

30 %

55 %

9 %

4 %

4 %

8 % 8 %

206

Appris plus grace a visite Appris plus grace a visite

30 %

Entrée dans le mémorial Par quels moyens Par quels moyens

2

2

1

Oui Non Peut-ê

20 % S’informer sur la déportation et ses vicitmes S’informer sur la Seconde Guerre mondiale Se recueillir, commémorer les vicitmes Découvrir une architecture mémorielle Vivre une expérience singulière Se divertir Aucune attente particulière

31 %

En fam Seul.e Avec d Séjour

30 %

26 %

4 %

Profess

Entrée dans le mémorial

55 %

Oui En partie Non

8 %

En grou Peut-être

10

S’informer sur la déportation et ses vicitmes Raisons familiales S’informer sur la Seconde Guerre mondiale Découvrir une 15 commémorer les vicitmes Pour découvrir ce lieu Se recueillir, architecture Pour le faire découvrir à mon entourage Découvrir une architecture mémorielle 32 % mémorielle Pour m’informer sur le sujet Vivretraité une expérience singulière Dans le cadre d’une activité scolaire Se divertir VivrePour une découvrir l’architecture de G-H 13 Pingusson Aucune attente particulière expérience singulière Se divertir

Oui

4 %

Non Scolair8

5 %

19 % Oui En partie Non 8 %

Scolaire Étudiant Actif Sans emploi Enseignant Retraité

Aucune attente 12. Qu’attendiez-vous de2 votre visite du mémorial ? particulière

1

30 %

Oui Non Peut-être

15 %

7

11. Dans quel cadre s’est déroulé votre Séjour touristique 3 1 visite ?

8 %

Seconde Guerre 3 mondiale

3

15 %

Non

6

8. Connaissiez-vous le mémorial avant de venir ?

Attentes de la visite 4 %

Professionnel Professionnel En groupe En groupe S’informer sur la En familleEn famille déportation et ses 11 Seul.e Seul.e 11 vicitmes Avec desAvec amisdes amis 6 6 sur la Séjour touristique Séjour S’informer touristique

17 % 9 %

14

l’architecture de GAucune attente 2 8 % 8 % 10. Pourquoi venu au mémorial ? 27 % 27 %êtes-vous H Pingusson particulière

Scolaire Idée des sujets abordes

payant ?

Oui

85 %

14 6

OuiNon Non

2 S’informer sur 8la Seconde Guerre 1 2 mondiale

Pour découvrir ce8 Avec des Avec amis des amislieu 7 Pour le faire Séjour touristique 3 Séjour touristique découvrir à mon Oui entourage

4 6

2

55 % Seul.e

4

40 %

Par curiosité

Seul.e

55 %

60 %

Oui

déportation et ses 0 vicitmes

0

En familleEn famille45 % 45 %1 Raisons familiales

50 % Découverte du mémorial 1

3

15 % S’informer surmémorial la Pourquoi être 5 5 venu au

8

20

ConnaissanceConnaissance du mémorial du mémorial

17

Non

Dans quel cadre Dans quel cadre

Enseignant Raisons familiales Raisons familiales

20 %

20 % Oui

7

Sans Par emploi Par curiosité curiosité

8 %

35 %

- de 18 ans 18 - 25 ans 25 - 40 ans 40 - 60 ans 60 - 80 ans + de 80 ans 60 - 80 ans

7. Avez-vous renouvelé votre visite depuis ?

être venuêtre au venu mémorial Étudiant PourquoiPourquoi 8au mémorial Actif

Tableau 1-1-1

Visite renouvelée Visite renouvelée

60 %


4 %

Joyeux-se Légèreté Amour

Oui

Crainte Inquiétude

12

Colère

4

Tristesse

14. Avant votre visite aviez-vous une idée des sujets abordés par le mémorial ?

14

15 %

15 %

25 %

5

Dégout

5

Désorientation

23

Anxiété

2

Culpabilité

7

Vertige

8 %

Douleur

1

9

Admiration

20 % Sérénité

0

8

Amour

Révolte

De l’architecture du mémorial et de ses espaces

6

16 Émerveillement 1 Crainte

Sans émotions

30 %

Des informations exposées dans la Oui partie souterraine En partie Non du mémorial

60 % 0

9

3 1

Perdu.e

1

2

6

70 %

D’un mélange entre l’architecture et ce qui est exposé / écrit / dit

2

Inquiétude

55 %

Ressenti provient 30 %de

émotions / sensations

4

Joyeux-se

Oui Non Légèreté Peut-être

Espoir

30 %

3

32

écrit / dit

23

Honte

4 %

6

Non

13. Si l’entrée11 du mémorial avait été D’un mélange entre payante, cela2 aurait-il un frein pour l’architecture et ce venir le visiter8 ? qui est exposé /

Perdu.e

11

En partie

De l’architecture du mémorial et de ses espaces

16

Émerveillement

8 %

5

1

Oui 0

Des informations exposées dans la partie souterraine du mémorial

12

10

Peut-être

Admiration

3

4

Non

Idée des sujets abordes

Ressenti provient de

payant ? émotions / sensations

12

Des informations exposées dans la partie souterraine du mémorial 17. Au cours de votre visite du mémorial, quelles De l’architecture du mémorial et de ses espaces Colère 2 émotions /sensations avez-vous pu ressentir ? D’un mélange entre l’architecture et ce qui est exposé / écrit / dit Tristesse 15 18. Selon vous, ce que vous avez pu Appris plus grace a visite Incidence Honte 3 Joyeux-se ressentir au cours de votre visite provient : Dégout 3 Légèreté 3 2 Amour Désorientation 5 Admiration Émerveillement Crainte Inquiétude Perdu.e Colère Tristesse Honte Dégout Désorientation Anxiété Culpabilité Vertige Espoir Douleur Révolte Sérénité Sans émotions

Anxiété

4

Culpabilité

4

Vertige

3

Espoir

3

Douleur

5

Révolte

4

Sérénité

2

Sans émotions

1

10 %

30 % 60 %

Des informations exposées dans la partie souterraine du mémorial De l’architecture du mémorial et de ses espaces D’un mélange entre l’architecture et ce qui est exposé / écrit / dit

Joyeux-se Légèreté 7,5 Amour Admiration Émerveillement Crainte Inquiétude Perdu.e Comme une Colère Comme une progression Tristesse progression Indifféremment Honte Indifféremment Dégout Désorientation Anxiété Culpabilité Vertige Espoir Douleur Révolte 26 % Sérénité Sans émotions 0

15

22,5

30

5 5

Non

5

9

Non 9 21. Selon-vous, cela a-t-il eu une incidence sur la suite de votre déambulation dans le mémorial ?

1 20. Comment avez-vous vécu l’entrée 1 dans le mémorial depuis la ville :

5 %

5 % 45 %

26 %

0

4

8 68 %

12

Oui Non

Oui Non

Oui Non

D’autres visiteurs D’autres visiteurs

Progression

3

55 %

Oui Non

5

16

55 %

68 %

Comme une rupture Comme une rupture Comme une progression Comme une progression Indifféremment Indifféremment

Progression

45 %

16

16 3

207

Oui Non

Oui Non

16 4

16 4

P


26 %

26 %

45 %

45 %

55 %

55 %

84 %

68 %

68 %

45 %

22. Durant votre parcours dans le mémorial, de l’entrée à la sortie de celui-ci, avez-vous Progression Progression eu l’impression de suivre une Oui Non progression, une évolution Oui 16 en termes de cheminement, 16 Non 3 D’autres d’ambiances, d’émotions, de visiteurs3 connaissances ? 55 %

e une rupture Comme une rupture Comme une progression e une progression Indifféremment remment

Oui

23. DurantOui votre 16visite du mémorial, Non y-avait-il 4 d’autres visiteurs ?

Oui

16

Non

4

5 24.OuiSelon vous, ces visiteurs ont-ils eu Non un impact négatif ou 5positif sur Indifférent votre visite du mémorial ?8

4

Un peu Un peu

7

7

Beaucoup Beaucoup 20 %

8

8

84 %

Un peu

7

Beaucoup

8

8

Oui

Non

Non

6

5

6

8

5

Oui

25.Indifférent Avez-vous 4 remarqué des 4 8 8 6 comportements qui ont pu vous Oui 1 choquer/ offusquer/ surprendre/ Non 2 2 19 énerver, de la part des autres4 visiteurs ? 0

8

2

1

2

0

du tout Pas Pas du tout

0

Un peu Un peu

6

9

4,5 4,5

6,75

6 2,252,25

4,5

5 %

0

30 %

6

9

6,75

4,5

2,25

10 % 10 %

Un peu

55 % 5 %

Beaucoup

0

10 % 95 % 95 % les expositions et informations les informations mises en place au sous-sol Par Par les expositions et les mises en place au sous-sol d’autres personnes présentes le mémorial Oui Par Par d’autres personnes présentes dansdans le mémorial 30 % moi-même ettravers au travers deque ce que le lieu exprime Non Par Par moi-même et au de ce le lieu exprime un médiateur / guide Par Par un médiateur / guide

Oui Non

Propice au recueillement Propice au recueillement

Beaucoup Beaucoup

6,756,75

4

6

95 %

28 %

55 % 55 %

Pas du tout 2

Oui Non

6

9

27. Par Par quels moyens en avez-vous appris un médiateur / 1 guide davantage ? 5 % 0 0 5 % 2,25

6

28 %

28 %

9

1 Par moi-même et 19 au travers de ce que le lieu exprime

5 % 30 % 30 %

5 %

du tout Un peu Un peu Beaucoup Beaucoup PasPas du tout 5 % 0

Oui Non Indifférent

Oui Non Indifférent

28 %

0

44 %

44 %

8

2

Par un médiateur / Par d’autres guide Comportements choquant choquant personnes présentes dans le mémorial

1 26.Oui Votre visite du mémorial Non Non 19 vous a-t-elle permis d’en savoir plus sur les victimes juives de la Shoah ?

5 Comportements choquant5

28 %

7

Comportements

Beaucoup

Non

Oui

Non

Un peu

Oui Impacts sur la vistieImpacts sur la vistie

44 %

Par d’autres 6 6 personnes 80 % présentes dans le mémorial 1 1 Par moi-même et au travers de ce que le lieu exprime

Parmédiateur un médiateur / Par un / Oui guide guide

80 %

2

2

Par moi-même Par moi-même et et au travers de ce au travers de ce 80 % le exprime lieu exprime que que le lieu

Oui Non 8

28 %

Par d’autres Par d’autres personnes personnes présentes présentes dansdans le le mémorial mémorial

Oui Non

Oui Non

20 %

20 %

84 %

6

Impacts sur la vistie

D’autres visiteurs D’autres visiteurs

16 %

16 %

ui on ndifférent

Oui Non

Oui Non

16

Non

ndifférent

Oui Non

6

Pas du tout

Un peu

Beaucoup

55 % Par les expositions et les informations mises en place au sous-sol Par d’autres personnes présentes dans le mémorial Par moi-même et au travers de ce que le lieu exprime Par un médiateur / guide

Manque-t-il d’infos Manque-t-il d’infos ? ?

0

du tout Pas Pas du tout

9

6

Un peu Un peu

7Par 7les expositions et les informations mises en place au sous-sol

Propice au recueillement

Beaucoup Beaucoup

13 13

9

10 %

Manque-t-il d’infos ?

Par d’autres personnes présentes dans le mémorial

2Par 2moi-même et au travers de ce que le lieu exprime Pas du tout Par un médiateur / guide 9

29. Selon vous, le mémorial manque-tPas du tout 0 peu 7 28. Avez-vous il d’informationsUn (panneaux, expositions, Un peutrouvé le mémorial 6 Beaucoupcomprendre ce qu’il 2 Beaucoup propice au recueillement, à la13 affiches) pour mieux commémoration, au souvenir ? au recueillement représente et incarne ? Manque-t-il d’infos ? Propice 9

9

Pas du tout

0

Pas du tout

9

Un peu

6

Un peu

7

9 Beaucoup

2

Beaucoup

6,756,75

13

32 % 32 %

4,5 4,5

6,75

2,252,25

4,5

9

2,25

6,75

32 % 68 % 68 %

68 %

0

32 %

du tout Un peu Un peu Beaucoup Beaucoup PasPas du tout

0

du tout Un peu Un peu Beaucoup Beaucoup PasPas du tout 0

Pas du tout

Un peu

68 %

7

Beaucoup 7

208

4,5

Pas du tout 2,25

Un peu

Beaucoup


30. Selon vous, si le mémorial ne comportait pas la partie expositions/ informations située de manière souterraine - en dessous du «champ de stèles - , cela serait-il un frein pour la compréhension du lieu : - Pour les Peut-être comprendre Peut-être 9 Non Non 4 évènements historiques commémorés ? 9

9

6,75

6,75

4,5

4,5

2,25

2,25

0

Peut-être

9

Peut-être 9 Non

Non

9

Peut-être 14 Non

4

10,5

4,5

10,5

7

2,25

7

3,5

3,5

0

0

2,25

Peut-être Oui 0

Oui

4

14

Oui 0

9

Non

6,75

6,75

4,5

Peut-être

Peut-être 14 Non

4

5

13

0

3,5

Non Oui

Peut-être Oui 0

NonOui

5

13

3,5

7

0

5

7

10,5

Pas de stèles A-1

Non Peut-être

5

10,5

14

Non Peut-être

Pas de stèles A-1

Peut-êtreOui

9

Peut-être

13 13 des - Non Pour ressentir la gravité faits commémorés ?

Non Peut-être

Pas de stèles B-1

Peut-êtreOui

Non

Pas de stèles B-1

Non Peut-être

Non

31. Selon vous, si le mémorial ne comportait pas la partie de recueillement et Oui Oui 5 5 Oui qui s’organisent 8 de commémoration représentées par lesOuistèles de béton en 8 Pas de stèles A-1 Pas de stèles A-1 Pas de stèles B-1 Pas de stèles B-1 Peut-être 6 Peut-être Peut-être 3 surface, cela serait-ilPeut-être un frein 6pour la compréhension du lieu : 3 Non

Non

Oui

10

Non10

5

Oui

- Pour comprendre 6 les évènements historiques 10 commémorés ?

et les Parinformations les expositions mises et les en informations place au sous-sol mises en Peut-être place au sous-sol Peut-être 10 nnesPar présentes d’autresdans personnes le mémorial présentes dans le mémorial10 Non Non au travers Par moi-même de ce queetleau lieu travers exprime de ce que le lieu exprime guide Par un médiateur / guide

informations place au sous-sol es expositionsmises et les en informations mises en place au sous-sol 7,5 résentes dans le mémorial ’autres personnes présentes dans le mémorial 10 ers de ce que le travers lieu exprime moi-même et au de ce que le lieu exprime n médiateur / guide 7,5

5

5

2,5

2,5

0

10

5

8

6

5

6

4

2,5

4

2

2

0

0

2,5

Oui

Peut-être Oui

0

Peut-être 6 8 Non 10

7,5

7,5

Pas du toutdifférent Quitté le mémorial

Non Peut-être 0

peu 34. Lorsque Un vous avez quitté le Beaucoup Pas du tout vous êtes vous0 senti mémorial, Un peu de lorsque vous y 5 étiez différent Beaucoup 11 entré ?

11

8

Peut-être 8

3

3

6

8

4

6

2

4

0

2

Peut-être Oui

Non Peut-être

Non

0

Non

Oui

Peut-être Non Oui attribuez Peut-être Vous cela à

Un changement d’étatattribuez d’âme / d’état Vous cela d’esprit

5

6

8

- Pour ressentir la gravité6 des 6 Non faits commémorés ?

0

Quitté différent Oui le mémorial Peut-être Oui

6

Oui

Non Oui

Non Peut-être

0

Non

Oui 5

Non

à

14

Une prise de conscience Un changement d’état d’âme / d’état Des savoirs / connaissances d’esprit supplémentaires Une prise de conscience Rien de spécial Des savoirs / connaissances supplémentaires

35. Vous attribuez cela à :

1

Pas du tout

Pas du tout

Un changement d’état d’âme / d’état d’esprit Une prise de conscience Une prise de conscience8 Des savoirs / connaissances supplémentaires

69 %

Un peu

Un peu

Beaucoup

1

8

Un changement d’état d’âme / d’état d’esprit

31 %

8

9

31 % Rien de spécial

69 %

9

14

8

Des savoirs / connaissances supplémentaires 8 Rien de spécial 8 Beaucoup 0

Rien de spécial 0

209

3,5

3,5

7

7

10,5

10,5

14

14


%

Tableau Tableau 1 1

Tableau 1-1-1

Tableau Tableau 1-1 1-1

QUESTIONNAIRE RÉSULTATS 50 réponses Tableau 1 MÉMORIAL AUX JUIFS ASSASSINÉS D’EUROPE 1

1

Scolaire Scolaire

1

1

Oui

34

34

Étudiant Étudiant

28

28

Non

25 - 40 ans 25 - 40 ans

13

13

Actif

40 - 60 ans 40 - 60 ans

0

0

60 - 80 ans 60 - 80 ans

0

+ de 80 ans + de 80 ans

- de 18 ans - de 18 ans 18 - 25 ans 18 - 25 ans

1. Vous avez :

3

1518 ans 15 - de

1

Scolaire

Sans emploi Sans emploi

18 -425 ans 4

34

Étudiant

0

Enseignant Enseignant

25 -040 ans 0

13

Actif

0

0

Retraité Retraité

40 -060 ans 0

48

48

2 %

2 %

Actif

2. Vous êtes :

3. Avez-vous des liens avecSansleemploi 0 milieu de l’architecture ? Enseignant 0

6048 - 80 ans 48 + de 80 ans

27 %

45

Retraité

0 48

8 % 2 % 8 % 2 %

6 %

27 % 2 % 31 %

Tableau 1-1-1

Visite renouvelée Visite renouvelée

Tableau 1-1-1-1

- de 18 ans - de 18 ans 18 - 25 ans 18 - 25 ans 25 - 40 ans Oui25 - 40 ans 40 - 60 ans 40 - 60 ans 60 - 80Non ans 60 - 80 ans + de 80 ans + de 80 ans

27 %

31 %

71 %

Scolaire Scolaire Étudiant Étudiant Actif Actif 12 Sans emploi Sans emploi 35 Enseignant Enseignant Retraité Retraité

71 %

40

Oui

Oui

8

Non

Non

58 %

Oui 12 Non 35

Tableau 1-1

5. Votre visite du mémorial était-elle Scolaire 1 planifiée ?

Dans quel cadre Dans quel cadre

15

Sans Par emploi Par curiosité curiosité

18 4 17 % 1 0

Enseignant Raisons familiales Raisons familiales PourRetraité découvrir ce Pour découvrir ce lieu lieu

30

Pour le faire Pour le faire découvrir découvrir à mon à mon entourageentourage

7

0

Professionnel Professionnel 26 %

1 30

48

Découverte du mémorial 7

83 %

11

Oui Non

9

Par curiosité

En familleEn famille

10 Raisons familiales

11 Pour découvrir ce Avec des Avec amis des amislieu 32 Pour le faire Séjour touristique 13 Séjour touristique 74 % découvrir à mon Oui entourage

Non

Pour m’informer sur le sujet traité

Oui Non

17 %

Dans le cadre d’une activité scolaire

13

9. Comment le site Par les études avez-vous découvert 13 10 % 10 % mémoriel ? Scolaire Idée des sujets abordes payant ? 11 %

11 %

23 %

Oui

6

29 %

2 %

29 %

Oui

Non

23

En partie

En partie

Peut-être

19

Non

Non 2 %

En famille

10

Seul.e

11

Avec des amis

32

2 %

Oui

6 %

38 %

17 %

Non

6 %

16 %

je ne l’ai pas visité

29 %

Scolaire Professionnel En groupe En famille Seul.e Avec des amis Séjour touristique

27 %

Oui En partie Non

15 %

5

6

11 Se recueillir, 30 commémorer les 32 vicitmes 7 94 % 13 Découvrir une architecture mémorielle 14 Oui Vivre3 % une Non3 % 7 % 7 % expérience 17 % 6 3 % 3 % singulière

17

Se divertir13 % 22

15 % Scolaire

Professionn En groupe En famille 41

Oui Non

85 %

Seul.e

85 %

AvecOui des a

Non

Séjour tour

34

1

13 %

15 % 43 %

5

Oui

Mémorial en 2Mémorial parties en 2 parties 15 % 10 %

Oui

Non

11 %

6 Non Je l’ai découvertJe l’ai découvert durant ma visitedurant ma visite

5 % 1 %

5 %

Oui

Non Scolair

22

22

En grou Peut-être

14

31 %14

29 %

Profess

En fam Seul.e Avec d Séjour

17

1

2 %

38 %

Entrée dans le mémorial

1 %

67 %

5 %

6 %

Oui Oui 31 % Non Non Je l’ai découvert ma visite Je durant l’ai découvert durant ma visite S’informer sur la déportation et ses vicitmes S’informer sur la Seconde Guerre mondiale Se recueillir, commémorer les vicitmes Découvrir une architecture mémorielle Vivre une expérience singulière Se divertir Aucune attente particulière

15 %

19 % Appris plus grace a visite Appris plus grace a visite

210

6 %

12

12

46 %

43 %

19 %

Attentes de la visite

25 %

25 %

Aucune attente 29 % ? 12. Qu’attendiez-vous de5 votre visite 29 % du mémorial particulière

67 %

2 % Incidence

Scolaire Étudiant Actif Sans emploi Enseignant Retraité

2

5 %

7 %9 3 % 48 % 3 % Oui 13 % 5En partie Non 9

Oui Non Je ne l’ai pas trouvé Peut-être Je l’ai aperçu mais

6 %

Se divertir

25

Non

7

S’informer sur la déportation et ses vicitmes Raisons familiales S’informer sur la Seconde Guerre mondiale Découvrir une 41 commémorer les vicitmes Pour découvrir ce lieu Se recueillir, architecture Pour le faire découvrir à mon entourage Découvrir une architecture mémorielle mémorielle Pour m’informer sur le sujet Vivretraité une expérience singulière 48 % Dans le cadre d’une activité scolaire Se divertir VivrePour une découvrir l’architecture de P. 34Eisenman Aucune attente particulière expérience singulière

18 %

11. Dans quel déroulé votre 27 % 40 %cadre s’est Séjour touristique 13 1 1 visite ? Visite des 2 parties

41

7

71 %

8. Connaissiez-vous le mémorial avant de venir ?

Attentes de la visite

Se recueillir, commémorer les Par curiosité vicitmes

48 %

13 %

Pour découvrir

Seconde Guerre 3 mondiale

16 %

OuiNon Non

l’architecture de P. Aucune attente 5 10. Pourquoi êtes-vous venu au mémorial ? Eisenman particulière

Professionnel Professionnel En groupe En groupe S’informer sur43 % la En familleEn famille déportation et ses 32 Seul.e Seul.e 32 vicitmes Avec desAvec amisdes amis 13 S’informer Séjour touristique Séjour 13 touristiquesur la 3

Oui

3

2 S’informer sur18la Seconde Guerre 10 1 mondiale

Scolaire Idée des sujets abordes

19 %

Oui

Par curiosité Par curiosité Raisons familiales Raisons familiales Dans quel cadre Pour découvrir ce lieu ce lieu Pour découvrir Pour le faire à mon entourage Pourdécouvrir le faire découvrir à mon entourage Pour m’informer sur le sujet Pour m’informer surtraité le sujet traité Paractivité hasardscolaire Dans le cadre d’une Dans le cadre d’une activité scolaire23 % 48 % Par bouchede à oreille Scolaire Pour découvrir l’architecture P. Eisenman Pour découvrir l’architecture de P. Eisenman5 Ballade aux alentours Professionnel 2 Dans un média Par guide touristique En groupe 2 Par les études

2

Seul.e

10 58 %

touristique

Scolaire Étudiant Actif Sans emploi Enseignant Retraité

74 %

4194 %

déportation et ses 2 vicitmes

2

En groupeEn groupe Seul.e

1

26 %

31

Oui

45

6 % S’informer surmémorial la Pourquoi être 5 5 venu au

Scolaire Scolaire

18

Pour m’informer sur 14 2 % 14 Pour m’informer sur Par hasard8 % le sujet traité le sujet traité Par bouche à oreille Dans le cadre 6 Dansd’une le cadre d’une 6 Oui Ballade aux activité scolaire activité scolaire Non alentours Pour découvrir 22 Pour découvrir 31 % 22 l’architecture de P. l’architecture de P.Dans un média EisenmanEisenman Par guide

Non

7. Avez-vous renouvelé votre visite depuis ?

être venuêtre au venu mémorial Étudiant PourquoiPourquoi 28au mémorial Actif

Oui

- de 18 ans 18 - 25 ans 25 - 40 ans 40 - 60 ans 60 - 80 ans + de 80 ans

ConnaissanceConnaissance du mémorial du mémorial

58 %

38 %

Entrée dans le mémorial Par quels moyens Par quels moyens

2

1 16 %

46 %

Oui Non Peut-ê


Par hasard Ballade aux alentours Oui

Idée des sujets abordes Idée des sujets abordes Idée des sujets abordes

1

Par bouche à oreille

11

payant ?

9 Oui 6

Dans un média

Non

23

Par guide touristique Peut-être Par les études

19

32

Oui

En partie 10 Non 13 13

Admiration

Perdu.e

6 %

40 % Par hasard 23 % Par bouche à oreille Ballade aux alentours Dans un média Par guide touristique Par les études

16 %

27 % 16 %

67 %

48 % Oui

En partie Non

4

Tristesse

27 % 27 %

23

Honte

5

Dégout

5

Désorientation

7

9

Non

25

Je ne l’ai pas trouvé

5

Je l’ai aperçu mais je ne l’ai pas visité

9

Douleur Révolte

Oui Non Ressenti provient de Je ne l’ai pas trouvé Je l’ai aperçu mais je ne l’ai pas visité

19 %

52 %

0

14

Par quels moyens Par quels moyens

Joyeux-se 3 Légèreté Amour Admiration Émerveillement Crainte Inquiétude Perdu.e Colère Tristesse Honte Dégout Désorientation Anxiété Culpabilité Vertige Espoir Douleur Révolte Sérénité Sans émotions

10 %

D’un mélange entre l’architecture et ce qui est exposé / écrit / dit

1

Des informations expo 17. Au cours de votre visite du mémorial, quelles De l’architecture du m /sensationsParavez-vous D’un mélange entre l’a quels moyens pu ressentir ?

19 %

32

3

0

3

7,5

15

22,5

30

5

Pas de souterrain B

Pas de souterrain A

Comme une Comme une progression Oui progression Indifféremment Indifféremment

24

Non

24

24 Non 24 9 avez-vous vécu 21. Selon-vous, cela a-t-il eu une 4 20. Comment 7 Commedans une 24 Non 18. Selon vous, ce que vous avez pu l’entrée le mémorial depuis incidence sur la suite de votre 7 progression ressentir au cours de votre visite provient : la ville : déambulation dans le mémorial ? Indifféremment 7 Oui

18

30 %

16

émotions Appris plus grace a visite Appris plus grace a visite Appris plus grace a visite

Incidence

De l’architecture du mémorial et de ses espaces

46 % 46 %

9

Sérénité

16.Durant votre déambulation dans le mémorial, avez-vous visité la partie souterraine ?

Des informations exposées dans la partie souterraine du mémorial

46 %

4

Oui Non Oui 9 Je l’ai découvertNon durant Oui ma visite Non Je8l’ai découvert durant ma visite Je l’ai découvert durant ma visite

Sans émotions Oui

25 % 25 %

29 % 29 %

2

67 % Culpabilité 67 % Espoir

Visite des 2 parties

25 %

29 %

23

Anxiété Vertige

Oui Oui En partie Non En partie Non

écrit / dit

12

6 % Colère 6 %

18 %

Oui Non Peut-être

15. Saviez-vous que le12 mémorial 12 Des informations 22 se décompose en 2 parties : une exposées la 22 dans 14 partie souterraine partie extérieure, située duenmémorial 14surface et composée des allées De créées par l’architecture du 16 et de ses les blocs de béton ; et mémorial une partie espaces 11 intérieure, souterraine, D’un accueillant mélange entre 2 l’architecture et ce des 8expositions ? qui est exposé /

Oui 22 Oui Non 4 Je l’ai découvert 14 Non durant ma visite Je10 l’ai découvert Jema l’ai visite découvert durant 1 durant ma visite Non

32 13 Joyeux-se 13 3 Légèreté 3 Amour

3

Ressenti provie

12

14. Avant votre visite aviez-vous Émerveillement une idée des sujets Crainte abordés par le mémorial ? Inquiétude

13. Si l’entrée du mémorial avait été payante, cela aurait-il un 2 % frein pour 19 % venir le visiter ? 23 % 13 %

Oui

32

13

Oui En partie En partie Non Non

Mémorial en 2 parties Mémorial en 2 parties Mémorial en 2 parties émotions / sensations

16 %

30 %

16 % 31 %

31 % 16 % 31 %

52 %

52 %

52 % 53 %

53 % Comme une rupture Comme uneComme rupture une progression Comme uneIndifféremment progression Indifféremment Comme une rupture Des informations exposées dans la partie souterraine du mémorial Comme une progression De l’architecture du mémorial et de ses espaces Indifféremment Progression D’un mélange entre l’architecture et ce qui est exposé / écrit / dit Progression

Non

48 %

48 %

70 %

Oui

24

Oui Non

32 Oui 14 Non

32

Oui Non

Oui Non

53 %

Oui Non

D’autres visiteurs D’autres visiteurs Progression

211 14

Oui 32 14

Non

Oui

43

Non Oui Non

3

43

D’autres visiteurs

3 43 3


31 %

31 %

52 %

52 %

48 %

48 %

70 % 48 %

53 %

52 % 53 %

22. Durant votre parcours dans le mémorial, de l’entrée à la sortie de celui-ci, avez-vous Progression Progression eu l’impression de suivre une Oui Non progression, une évolution Oui 32 en termes de cheminement, 32 Non 14 14 D’autres d’ambiances, d’émotions, de visiteurs connaissances ?

e une rupture Comme une rupture Comme une progression e une progression Indifféremment remment

Oui

43

Non

3

Oui Non

Oui Non

Oui Non

23. DurantOui votre 43visite du mémorial, Non y-avait-il 3 d’autres visiteurs ?

Oui

43

Non

3

7 %

7 %

Un peu Un peu

21 21

Beaucoup 7 % Beaucoup

10 10

Par d’autres Par d’autres personnes personnes présentes présentes dansdans le le mémorial mémorial

Un peu 70 %

70 %

10

Oui Non

Oui Non

Oui Non 22 2293 %

Oui

Oui

Non

Non

16

16,516,5

22

16

43 %

43 %

6

16,5

Pas du tout 5,5

13,5

21 % 21 %

2

Un peu

21 %

17 % 56 %

Beaucoup Oui Non

6

Un peu

2

Propice au recueillement

11 11 9

17 % 17 %

42 %

21 %

Par les expositions et les informations mises en place au sous-sol 17 % Par d’autres personnes présentes dans le mémorial Par moi-même et au travers de ce que le lieu exprime 56 % Par un médiateur / guide

Manque-t-il d’infos Manque-t-il d’infos ? ?

du tout Pas Pas du tout

4

Un peu Un peu

8Par 8les expositions et les informations mises en place au sous-sol

Beaucoup Beaucoup

9

6 %

les expositions et informations les informations mises en place au sous-sol Par Par les expositions et les mises en place au sous-sol d’autres personnes présentes le mémorial Par Par d’autres personnes présentes dansdans le mémorial moi-même ettravers au travers deque ce que le lieu exprime Par Par moi-même et au de ce le lieu exprime un médiateur / guide Par Par un médiateur / guide

Beaucoup

4

Manque-t-il d’infos ?

Par d’autres personnes présentes dans le mémorial

7Par 7moi-même et au travers de ce que le lieu exprime Pas du tout Par un médiateur / guide 4

29. Selon vous, le mémorial manque-t2 peu 8 28. Avez-vous il d’informationsUn (panneaux, expositions, Un peutrouvé le mémorial11 Beaucoupcomprendre ce qu’il 7 Beaucoup propice au recueillement, à la 9 affiches) pour mieux commémoration, au souvenir ? au recueillement représente et incarne ? Manque-t-il d’infos ? Propice Pas du tout

Pas du tout

2

9 % Un peu 9 %

11

Beaucoup

41 % 41 %

Pas du tout

4

Un peu

8

21 % 21 % Beaucoup

9

7

37 % 37 %

9 %

21 % 37 %

41 % 50 % 50 %

42 % 42 % 50 % 9 % du tout Un peu Un peu Beaucoup Beaucoup PasPas du tout

du tout Un peu Un peu Beaucoup Beaucoup PasPas du tout 37 %

41 %

Pas du tout

Un peu

7 212 7 Beaucoup 50 %

Pas du tout

6

27

58 %

Pas du tout

Propice au recueillement Propice au recueillement

Beaucoup Beaucoup

8

27. Par Par quels moyens en avez-vous appris un médiateur / 3 guide davantage ? 6 % 6 %

56 % 56 %

Oui Non

0

6

Un peu Un peu

3

19 Par moi-même et 26 au travers de ce que le lieu exprime

42 % 58 %

11

42 % 23 %

du tout Pas Pas du tout

13,513,5

6 %

0

Oui Non

27

présentes dans le mémorial

du tout Un peu Un peu Beaucoup Beaucoup PasPas du tout

23 % Oui 58 % Non Indifférent

23 %

Oui Non Indifférent

22

34 % 5,5

34 % 0 0

10

Oui

25.Indifférent Avez-vous 11 remarqué des 11 20 20 16,5 comportements qui ont pu vous Oui 19 choquer/ offusquer/ surprendre/ Non 5,5 26 énerver, de la 5,5part des autres 11 visiteurs ?

8

Par un médiateur / Par d’autres guide

21

19 26.Oui Votre visite du mémorial Non Non 26 vous a-t-elle permis d’en savoir plus sur les victimes juives de la Shoah ?

11 11 Comportements choquant

43 %

Comportements choquant Comportements choquant personnes

Beaucoup

Non

34 %

8

Par d’autres27 27 personnes présentes dans le 93 % mémorial 3 3 Par moi-même et au travers de ce que le lieu exprime

Non

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Oui Impacts sur la vistieImpacts sur la vistie

8

Par moi-même Par moi-même et et au travers de ce au travers de ce le exprime lieu exprime que que le lieu 93 % Parmédiateur un médiateur / Par un / Oui guide guide

21

Beaucoup

ui on ndifférent

16 24.OuiSelon vous, ces visiteurs ont-ils eu Non un impact négatif ou11positif sur Indifférent votre visite du mémorial ?20

30 %

30 %

ndifférent

Impacts sur la vistie

D’autres visiteurs D’autres visiteurs

42 %

Un peu

21 %

Beaucoup

42 %

13,5


30. Selon vous, si le mémorial ne comportait pas la partie expositions/ informations située de manière souterraine - en dessous du «champ de stèles - , cela serait-il un frein pour la compréhension du lieu : - Pour les Peut-être comprendre Peut-être 18 Non Non 12 évènements historiques commémorés ? Peut-être 18 Non

18

13,5

13,5

9

9

4,5

4,5

0

18

Peut-être 18 Non

18

12

Peut-être 40 Non

12

40

30

9

30

20

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20

10

10

0

9

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Oui

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18

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30

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NonOui

7

7

7

7

32

32

30

20

10

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Peut-êtreOui

0

Pas de stèles A-1 Pas de stèles A-1

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12

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18

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13,5

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Pas de stèles B-1 Pas de stèles B-1

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Non

31. Selon vous, si le mémorial ne comportait pas la partie de recueillement et Oui Oui 14 14 Oui Oui qui s’organisent 28 de commémoration représentées par les stèles de béton en 28 Pas de stèles A-1 Pas de stèles A-1 Pas de stèles B-1 Pas de stèles B-1 11 11 Peut-être Peut-être 9 surface,Peut-être cela serait-ilPeut-être un frein pour la compréhension du lieu : 9 Non

Non

Oui

23

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14

Oui

- Pour comprendre 11 les Peut-être 24 évènements Non historiques 23 commémorés ?

Peut-être etPar les les informations expositions mises et leseninformations place au sous-sol mises en place au sous-sol 24 nes Parprésentes d’autres personnes dans le mémorial présentes dans le mémorial Non u Par travers moi-même de ce que et au le lieu travers exprime de ce que le lieu exprime guide Par un médiateur / guide

formations place au sous-sol expositionsmises et lesen informations mises en place au sous-sol 18 24 sentespersonnes dans le mémorial autres présentes dans le mémorial s de ce que le lieu exprime oi-même et au travers de ce que le lieu exprime médiateur / guide 18

12

12

6

6

0

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Oui

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Peut-être 28

Pas du toutdifférent Quitté le mémorial

Non Peut-être 2

peu 34. Lorsque Un vous avez quitté le Beaucoup Pas du tout vous êtes vous2 senti mémorial, Un peu de lorsque vous y 7 étiez différent Beaucoup 9 entré ?

11 %

9

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Oui 14

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à

30

Une prise de conscience Un changement d’état d’âme / d’état Des savoirs / connaissances d’esprit supplémentaires Une prise de conscience Rien de spécial Des savoirs / connaissances supplémentaires

35. Vous attribuez cela à :

39 %

Pas du tout

Un peu

1

Un changement d’état d’âme / d’état d’esprit Une prise de conscience 39 %

50 %

Pas du tout

1

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Un changement d’état d’âme / d’état d’esprit

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5

23

Rien de spécial

11 %

23

30

Un peu

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Une prise de conscience 8 Des savoirs / connaissances supplémentaires

8

Des savoirs / connaissances supplémentaires 8 8 Rien de spécial Beaucoup 0

Rien de spécial 0

213

7,5

7,5

15

15

22,5

22,5

30

30


MÉMORIAL DES MARTYRS DE LA DÉPORTATION Nom

officiel :

Mémorial des martyrs de la déportation

alternatif : Mémorial des martyrs français de la déportation Initiative

Le mémorial des martyrs de la déportation naît de l’initiative de l’association le Réseau du souvenir, créée en 1952 par Annette Christian-Lazard, résistante, déportée dont le mari était mort à Auschwitz et par l’avocat Paul Arrighi, dirigeant du mouvement « Ceux de la résistance » et rescapé du camp de Mauthausen.

Concours

Concours fermé composés de 3 binômes architecte-sculpteur. Le concours est lancé le 30 juin 1953. -Georges-Henri Pingusson et Raymond Veysset -André Arbus et Robert couturier -Jean-Charles Moreux et Emmanuel Auriscote. Le 14 décembre 1953, le résultat des avant-projets est annoncé.

Architecte

Raymond Veysset quitte le binôme de concepteurs au cours de l’esquisse. Georges-Henri Pingusson continue seul.

Dates

Première inauguration du mémorial le 12 avril 1962. Seconde inauguration le 27 Avril 1975 de l’étage du mémorial.

Site

Situé dans le 4e arrondissement de Paris, à la pointe Est de l’île de la Cité en contrebas du square de l’Île-de-France.

Composition Le mémorial se compose d’une succession d’espaces. Le jardin, le

parvis et la crypte. Cette même crypte abrite différents sous-espaces dont les salles situées à l’étage intermédiaire et qui abritent des expositions.

214


MÉMORIAL AUX JUIFS ASSASSINÉS D’EUROPE Nom

officiel :

Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe Denkmal für die ermordeten Juden Europas

alternatif : Mémorial de l’Holocauste Holocaust-Mahnmal

Initiative

Né de l’initiative, dès 1988, d’un groupe de citoyens menés par la journaliste Lea Rosh et l’historien Eberhard Jäckel.

Concours

Un premier concours d’architecture ouvert à tous est lancé en 1995. 553 projets seront jugés, un vainqueur sera désigné mais le chancelier allemand dépose son veto sur le projet victorieux. Un second concours est lancé en 1997. Seule une poignée de participants est autorisée à concourir. Une dernière étape du concours à lieu en 1998 parmi les derniers projets sélectionnés.

Architecte

Le binôme d’architecte-sculpteur composé de Peter Eisenman et Richard Serra est en lice pour la victoire en 1997. Richard Serra se retire du concours à l’issu de l’ultime étape du concours. Peter Eisenman porte tout de même le projet jusqu’à la fin et est déclaré vainqueur.

Dates

Chantier débute le 27 janvier 1999. Achevé le 15 décembre 2004. Inauguration le 10 mai 2005.

Site

Le mémorial se situe au cœur des institutions politiques de l’état allemand (ambassades, parlement, ministères, etc.), en plein centre de Berlin. À proximité des hauts lieux touristiques.

Composition Le mémorial se compose de 2711 stèles organisées selon un maillage orthogonal sur un sol non-plan. En partie souterraine se trouve le centre d’information qui abrite une exposition.

215



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217


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223



TABLE DES MATIÈRES PARTIE I :

La mémoire - constats, complexités et enjeux

25

Un contexte particulier

26

Acteurs du projet et choix du site

35

Le long et laborieux processus du concours

45

Une mutation de la tradition commémorative Une volonté mémorielle forte - des contexte différents Le combat des associations Le choix d’un site Le concours : l’architecture et la sculpture L’investissement de l’État Débats, modifications et suspensions de chantier

PARTIE II : La matérialisation de la mémoire L’implantation du mémorial

L’expérimentation physique

La mise en mouvement du corps La solitude L’enfouissement Perte de repères spatio-temporels Matérialité

29

61 63 69

Les aménagements pédagogiques

101

Sortir du mémorial

113

Le second mémorial L’autre mémorial

PARTIE III : Réception et intelligibilité de la mémoire par l’architecture

119

Compréhensions et interprétations

121

Un mémorial qui enseigne ?

136

Musée Juif de Berlin

149

Mémorial et musée

173

Une compréhension pas si simple Des comportements qui interrogent Les points positifs Les points négatifs

Musée particulier Parcours : entre affect et intellect Intelligibilité - compréhension … pour qui et comment ?

225




Simone Herszkowicz Henri Kichka Jacqueline Teyssier Marie-France Schwartzmann Primo Levi Simone Veil Edmond Blanc Sylviane Vivran Benjamin Orenstein Henriette Cohen Léon Herbstmann Pierre Le May


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