Olivier Berthaut
Rapport de stage 2008
Le four Ă pain de Dosches
Institut universitaire des mĂŠtiers et du patrimoine
A Gabriel, parce que comme l’a dit St Exupéry, "nous n’héritons pas de la Terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants"
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Remerciements
Je remercie sincèrement Erwin Schriever pour la confiance qu’il m’a accordée pour ce projet, et qu’il continue à m’accorder pour le futur. Reste à savoir qui est le plus fou : le fou lui-même, ou celui qui le suit dans sa démarche ? Merci à M Sauvage, délégué départemental de l’association Maisons paysannes de France, pour ses lumières sur les fours à pain, et à M Linselle, maître d’œuvre du four à pain de Sainte Savine. Toujours un grand merci à tous mes formateurs de l’IUMP, pour les connaissances techniques (notamment sur les fours à pain) et humaines qu’ils m’ont apportées. Et merci évidemment à Pierre-Adrien Gerbault et Emilien Deschamps, mes deux acolytes qui m’ont supporté pendant un mois complet (que dis-je deux ans en fait !), puis à Marie pour le coup de main pour la sole !
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Naissance du projet "Tout homme qui dirige, qui fait quelque chose, a contre lui ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui font précisément le contraire et, surtout, la grande armée des gens beaucoup plus sévères qui ne font rien." Erwin Schriever est entrepreneur. Il est maître artisan charpentier, issu du compagnonnage. Il est également président de l’association des moulins à vent champenois. Il a eu cette idée un peu folle non pas d’inventer l’école (quoique) mais de recréer un moulin à vent de type champenois (sur pivot) comme on les trouvait dans la région au XVIIIème siècle. Et il est passé à l’acte. Et des personnes l’ont suivi dans cette aventure. A été mise en place à cet effet une formation pour les jeunes (et les moins jeunes) en difficulté scolaire, un peu sortis du circuit "normal", qui leur faisait découvrir les métiers manuels et leur donnait l’impulsion nécessaire pour réaliser un projet d’emploi et/ou de formation. Le moulin a été inauguré en juin 2007 après quelques années de travail. Mais l’aventure ne s’arrête pas là. A ce moulin viennent se greffer d’autres bâtiments : une grange du XVème siècle en cours de restauration, une maison de meunier et un fournil. Et évidemment au sein de ce fournil un four à pain, de type gallo romain. Etant bénévole au sein de l’association pour prêter main forte les week ends depuis quelques mois, et étant en formation gros œuvre, Erwin m’a proposé de réaliser ce four à pain. J’étais titulaire de mon CAP maçon depuis 5 mois, me considérant complètement novice (notamment sur les fours à pain !), et j’ai accepté, sachant que je ferais tout pour réussir une telle œuvre, que je ne referais peut être pas deux fois dans ma vie. Nous avons donc beaucoup discuté sur ses desiderata, les dimensions, la mise en œuvre, les matériaux à utiliser… Pour m’inspirer je suis allé puiser dans les savoirs des anciens, n’ayant aucune connaissance en la matière, et puis comme nous n’avons rien inventé, la référence aux anciens coulait de source. J’ai donc passé quelques jours à étudier les ouvrages du XVIIIème à la bibliothèque de la maison de l’outil, notamment l’encyclopédie de Diderot et d’Alembert, et à échanger avec mes formateurs gros œuvre MM. Tourtebatte et Ricordeau, qui ont déjà réalisé de tels ouvrages puis avec M. Sauvage, architecte délégué départemental de l’association Maisons paysannes de France, et M. Linselle, maître d’œuvre du four à pain de Sainte Savine. J’ai en outre visité plusieurs fours pour m’inspirer, sans me limiter. Est arrivé le temps de la conception, croquis à l’appui (en annexe) puis de la réalisation pendant mes stages des mois de février et août 2008. Pendant ces deux mois, j’ai travaillé avec deux amis en formation à l’IUMP dans la même promotion que moi : PierreAdrien Gerbault en février et Emilien Deschamps en août. Les pages qui suivent décriront la mise en œuvre, à l’heure actuelle inachevée.
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Auparavant, petit lexique Sole : surface plane où on place les aliments à cuire. Gueule : il s’agit de l’ouverture du four, par laquelle on enfourne le bois et les aliments. En effet il faut savoir que dans ce type de four, on chauffe en plaçant directement le bois sur la sole. Tant qu’il y a des braises on peut cuire les pizzas, une fois les braises enlevées, on peut placer le pain qui cuira uniquement avec la chaleur que dégagent les matériaux, emmagasinée lors de la chauffe. Cul : partie arrière du four. Voûte (chapelle) : partie située au dessus de la sole, qui va emmagasiner la chaleur et la redonner. Avaloir : nom donné à la cheminée. Calotte : couche d’argile recouvrant la voûte en tuiles afin de maintenir la chaleur, elle sert de masse, d’inertie. Tuileau : brique très plate (3,5 cm soit un pouce) souvent utilisée pour le revêtement des cheminées. Dans cet ouvrage, nous n’en utiliserons pas ! Chaux aérienne (éteinte du bâtiment) : c’est l’hydroxyde de calcium obtenu par calcination dans un four d’un calcaire finement broyé, puis hydratation de cette chaux vive pour obtenir une chaux éteinte, utilisable comme liant après tamisage. La réaction de prise de cette chaux aérienne est une carbonatation, lente et progressive, qui s’effectue à l’air. Sigle CL (calcic lime). Chaux hydraulique : la présence d’argile lui confère des propriétés plus proches du ciment, à savoir une prise avec l’eau (et non plus avec l’air). Il en existe des naturelles (sigle NHL) et des artificielles (sigle HL).
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L’environnement Dosches est une agréable petite commune située dans le Parc naturel régional de la forêt d’Orient, dans l’Aube. Dans les siècles passés, y étaient situés deux moulins à vent, qui furent détruits. Le nouveau moulin à vent est situé au cœur du village, sur une petite colline, exposée au vent bien entendu. En contrebas, dans ce qui était une ancienne carrière de craie, va se situer la grange en cours de restauration, d’une surface de 360 m² au sol. Le fournil se situera sur la gauche de cette grange quand nous lui faisons face. Il fera 60 m² au sol, auxquels sera ajoutée une vinée qui abritera le four à pain. Voici l’environnement :
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Voici le projet futur :
Notamment la grange du XVème siècle en cours de restauration :
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Implantation, radier et massif intérieur La première chose à faire a été évidemment l’implantation. En toute bonne logique le four aurait dû être réalisé après le fournil, mais l’opportunité de réalisation s’étant présentée avant, nous avons juste créé un abri afin de travailler au sec, le bâtiment arrivera plus tard.
Une fois implanté, nous avons terrassé au niveau du futur emplacement afin de réaliser un radier. En fait nous aurions pu faire vraiment comme les anciens, avec un hérisson en silex et une dalle en béton de chaux pour le futur massif, mais le temps jouait contre nous et nous avons opté pour une solution moderne. Après avoir décaissé de 40 centimètres dans la craie donc, pour une surface de 4m sur 3,5 m, nous avons placé un polyane pour éviter les remontées d’humidité par capillarité et coulé un radier en béton de ciment dosé à 350 kg/m3 d’une épaisseur de 30 cm, avec insertion de treillis soudé ST 25 en parties haute et basse de la dalle, puis deux HA 10 placés en diagonale des treillis. La pluie étant abondante les premiers jours où nous avons commencé (février), nous avons creusé une tranchée à l’aplomb du toit de l’abri, remplie de graviers pour servir de drain et menant à un puisard afin d’assécher le lieu de travail et éviter le soulèvement du radier par l’action du gel.
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Une fois la dalle séchée, nous avons implanté le futur massif, réalisé pour les caissons en briques creuses de 20/20/50, maçonnées au mortier de chaux hydraulique NHL 3,5 et sable 0/4, dosé à 350 kg/m3.
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Ce massif intérieur a pour dimensions extérieures 2,5 m sur 2,5 m, le massif extérieur apportant 25 cm de plus sur le pourtour, pour des dimensions finales du four, au sol, de 3 m sur 3,5 m. Il a été décidé de remplir ce massif de briques et de terre issue du terrassement, afin de garder au maximum l’inertie thermique du four, plutôt que de laisser un vide sous la dalle du four, aire de stockage du bois de chauffe habituellement rencontré dans les maisons anciennes. Celui-ci sera stocké à côté.
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Le massif extérieur Ensuite nous sommes passés à la réalisation du massif extérieur, du parement, qui comportera également les jambages de la future cheminée. Ce massif sera réalisé avec divers matériaux, quasiment tous issus de récupération : pierre de taille, tuiles plates, briques pleines et craie. Il sera maçonné au mortier de chaux hydraulique NHL 3,5 dosé à 350kg/m3, et sables 0/2 tamisé au tamis de 8 et 0/4 pour moitié chacun. Il faut savoir que tous les mortiers ont été mélangés à la main, sans bétonnière, et que pour le mois de février nous avons dû aller chercher l’eau au seau, à la borne incendie située à 200 m du lieu de travail car le réseau n’était pas encore raccordé. Dans ces cas il est facile de réaliser un chantier complètement écologique et économique, l’eau étant bien sûr utilisée avec parcimonie, notamment pour le nettoyage. Pour la maçonnerie de la pierre de taille, nous avons travaillé au cordeau, à pierre vue, les joints étant brossés avant séchage complet du mortier, afin de donner un aspect rustique au massif. Les pierres ont été taillées au têtu et à la chasse, ou même coupées à la disqueuse quant elles étaient trop grosses. Les briques pleines utilisées pour réaliser les jambages et le devant du massif ont été récupérées d’une ancienne voûte à Bouranton. Cette dernière servait au XVIIIème siècle de laiterie puis de fromagerie dans une ferme à l’époque reconstruite par Napoléon, car détruite lors d’un de ses passages, et s’est effondrée faute d’entretien. Ces briques ont été facilement nettoyées car maçonnées à l’époque au mortier de terre et chaux et badigeonnées à la chaux. Tout comme les pierres, elles ont été lavées et brossées une par une par nos soins avant d’être posées. Les dimensions ne se trouvent plus actuellement sauf sur commande, environ 4 cm d’épaisseur et une surface de 17 cm sur 34 cm, issues d’un argile très jaune, avec beaucoup d’irrégularités et des traces de doigts lors des démoulages. Ce fut un réel bonheur de travailler avec de tels matériaux. De plus, placées en panneresses, elles faisaient exactement la largeur de nos jambages de cheminées, ne restait plus qu’à tailler la craie aux bonnes dimensions. En effet, afin d’être fidèle au style champenois, nous avons décidé d’intercaler briques et craies sur la façade avant.
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Les espaces entre massifs intérieur et extérieur ont été comblés avec des morceaux de tuiles et de pierre de taille afin d’utiliser moins de mortier et d’améliorer la solidité de l’ensemble.
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Une fois le massif extérieur hissé à la hauteur voulue, avec un léger redan sur les deux derniers rangs de briques -question purement esthétique- il nous a fallu couler une dalle d’environ 15 cm d’épaisseur (avec une bétonnière exceptionnellement ce jour là) qui allait recevoir la sole et la voûte du four. Celle-ci a été réalisée en béton de chaux hydraulique grise, armée d’un treillis soudé ST 25, simplement dressée et grossièrement talochée pour la future accroche.
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Ces opérations nous ont donc pris un mois entier, entre la mise en place du chantier, la construction de l’abri, la réception, la récupération et la taille des matériaux, et la mise en œuvre. Voici le résultat final de la première phase :
La deuxième phase s’est déroulée au mois de juillet 2008, pour la réalisation de la sole, de la voûte et du début de l’avaloir.
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La sole et la voûte La première étape, réalisée lors d’un samedi de bénévolat, était la sole, destinée à recevoir le pain lors de la cuisson. Celle-ci allait être maçonnée en briques réfractaires, riches en silice, et résistant à des températures très élevées puisque cuites autour de 2000° C. C’est un choix, pas une obligation, car des briques normales cuites à environ 900° C auraient parfaitement fait l’affaire, le four n’étant pas censé être chauffé à plus de 400° C pour ne pas qu’il fende. Nous avons avec ces briques une sole propre et lisse. Donc sur la dalle coulée en février, nous avons maçonné tout d’abord une couche de tuiles plates afin de prévoir un joint de dilatation lors de la chauffe, puis les briques réfractaires, au mortier de chaux hydraulique (à défaut de chaux aérienne ce jour là) et sable 0/4. La sole a une forme ovale, de 2,2 m pour la grande longueur et 1,65 m pour la petite. L’ovale est tracé au compas mais pour la jonction avec la gueule du four, le trait est fini à la main pour une courbe harmonieuse. L’œil du maçon est seul juge. La sole a une pente de 2% dans le sens de la longueur afin d’une part d’aider le boulanger à mieux récupérer les pains, et d’autre part de faciliter la circulation d’air à l’intérieur du four. En effet, contrairement à la plupart des fours que l’on peut voir dans les restaurants type four à pizza où la cheminée se situe dans le four, juste au niveau de la gueule, avec possibilité de régler le tirage, nous avons opté pour un avaloir situé devant la gueule du four, à l’extérieur, pour respecter les modèles anciens. Ainsi, lors de l’ouverture de la porte, l’air frais entre par le bas, pousse les fumées en remontant le long de la voûte, fumées qui viennent lécher la gueule du four en sortant, et s’évacuent par l’avaloir, où on peut placer des aliments à faire fumer comme les jambons par exemple.
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Les briques de la sole ont été placées bord à bord, les interstices se remplissant par la suite avec les cendres. Nous aurions pu réaliser des joints en béton romain, avec de la chamotte, mais nous avons opté pour une solution plus rustique. La partie la plus délicate, car la plus importante arrivait ensuite, à savoir la réalisation de la voûte, autrement appelée chapelle (toute une symbolique). Comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessus, le pourtour a d’abord été réalisé en brique d’Amance sur deux rangs afin de remettre de niveau les reins de la voûte, maçonnée au mortier de chaux hydraulique afin d’accrocher à la dalle de béton de chaux hydraulique également. Les deux rangs suivants ont été maçonnés en briques réfractaires collées bord à bord par bout et mortier de chaux aérienne dosé à un pour deux, ceci afin d’obtenir une grande résistance car ce sont les rangs qui vont prendre le plus de chocs avec les pelles du boulanger. Nous obtenons une hauteur d’environ 9 cm au dessus de la sole ; et un espace entre ces briques et la sole d’environ 7 mm (une bonne épaisseur de carton) servant de joint de dilatation sur tout le pourtour, toujours pour la chauffe, qui se remplira au fur et à mesure de cendres.
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Afin de continuer la voûte, il nous faut réaliser un coffrage qui supportera la maçonnerie. Et des appuis pour tenir le coffrage. Pour le tour, nous avons les deux rangs de briques réfractaires, pour le devant nous aurons la gueule du four et son coffrage. Pour la hauteur de la gueule, nous avons eu un énorme dilemme. D’une part nous avions une superbe porte en fonte dont les dimensions étaient 66 cm en largeur et 40 cm en hauteur, d’autre part nous avions une proportion à respecter. En effet, dans les écrits des anciens, le rapport entre la hauteur de la gueule du four et la hauteur de la voûte doit être de 66 %, pour respecter le flux d’air qui sert à évacuer les fumées. Si l’on prenait la porte, avec 40 cm de hauteur, la voûte devait faire 60 cm de haut, ce qui est trop important car celle-ci ne doit pas dépasser 40 cm, 45 grand maximum afin de ne pas s’effondrer et respecter l’arc chaînette, ce qui nous donne une gueule à 30 cm. On aurait pu tricher en incluant la hauteur de sole dans la porte, mais d’un point de vue esthétique ce n’était pas formidable et d’un point de vue pratique, dès que le porte était ouverte, il y avait 12 cm de briques qui bloquaient l’entrée. Après moult débat, nous avons donc opté pour une hauteur de sole de 38,5 cm et une hauteur de gueule de 25,5 cm, abandonnant la porte initialement prévue. A mon avis, la chaleur sera bien mieux gardée ainsi, la voûte étant basse et l’ouverture de la gueule réduite, mais seul le pragmatisme de l’utilisation du four nous permettra de le dire ! La gueule a donc une forme de demi ellipse à deux foyers, afin de rappeler la forme de la voûte, qui sera également une demi ellipse à deux foyers. Le coffrage est réalisé en contreplaqué de 20 mm d’épais, sur 3 plans.
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Elle est maçonnée en briques, au mortier de chaux aérienne dosé empiriquement à un pour trois, et possède un joint de dilatation en tuile plate.
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Le coffrage de la voûte sera réalisé en sable humidifié et tassé au-dessus de briques afin de remplir le maximum de volume, puis couvert d’un coulis de plâtre qui servira de coquille sur laquelle viendront poser les tuiles plates destinées à servir de voûte. En effet, pour la chapelle, nous avons choisi les tuiles plates plutôt que les tuileaux ou les briques, d’une part car nous en avions à disposition, d’autre part car cela évite au maximum les joints. Elles sont ainsi collées bord à bord, par bout et l’inertie est bien meilleure car nous obtenons déjà une épaisseur de voûte de 27 cm (longueur de la tuile). Des gabarits en médium ont été réalisés pour obtenir un coffrage régulier. Le point culminant de la voûte est situé à l’aplomb du tiers de la sole en partant du cul du four, et revient sur la gueule avec la même forme d’ellipse que la largeur. Des images représentant bien mieux l’idée, en voici quelques unes très parlantes :
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Comme je l’ai dit donc, la voûte est réalisée en tuiles plates, toutes brossées et lavées avec soin, hourdées au mortier de chaux aérienne dosé à un pour trois, et respectant le rayonnement de la demi ellipse. Le rayonnement est formé par la bissectrice de l’angle qui a pour sommet un point de l’ellipse et pour côtés les jonctions partant de ce point et atteignant les deux foyers.
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C’est un point important à respecter car si nous étions partis avec trop de pente dès le départ, nous n’aurions jamais pu finir la voûte car les tuiles doivent finir à la verticale, mais pas trop tôt ! Le départ de la chapelle est très simple car nous avons des tuiles à disposer selon un ovale, à plat, par bout. Le souci arrive lorsque l’inclinaison commence. En effet, nous devons rejoindre un ovale qui se rétrécit au fur et à mesure que nous montons, avec une demi ellipse qui finit verticalement. Il y a donc un moment, si nous voulons respecter le fait que les tuiles soient bord à bord, sans joint à l’intérieur de la voûte, où il nous faut les tailler en queue de billard. Cela prend énormément de temps car les espaces doivent être tous mesurés un par un et les tuiles parfaitement découpées.
De plus, même si les tuiles que nous avons utilisées étaient sans ergot pour la grande majorité, pour respecter le rayonnement et éviter qu’elles ne se touchent à l’extérieur de la voûte, il nous a fallu en utiliser certaines par moitié seulement, pour laisser de l’espace entre elles, espace que nous remplirons ultérieurement avec de la terre. Enfin, l’un des soucis techniques majeurs fut la jonction entre la voûte et la gueule. Nous avions des inclinaisons différentes, dans deux plans différents, à joindre en évitant le coup de sabre. De la même façon nous avons du nous adapter pour chaque tuile et bien croiser chaque joint. Comme nous n’avons pas trouvé de manuel explicitant parfaitement la méthode, nous avons improvisé.
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Les éventuels espaces que vous pouvez voir sur la photo ci-dessus ne sont pas des absences de tuile, ce sont les fameuses demi tuiles que nous avons utilisées, et à l’intérieur du four, le croisement sera effectif. Il n’est pas évident de travailler ainsi en aveugle, sachant que le résultat ne se verra que lors du décoffrage (évacuation du sable et des briques par la gueule du four), après plusieurs mois de séchage. L’erreur ne doit pas faire partie de notre vocabulaire à ce moment précis.
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Le résultat final après six jours de réalisation et des centaines de tuiles :
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L’avaloir La suite concerne l’avaloir. Les jambages ont été montés progressivement jusqu’à la hauteur souhaitée : le sol fini, le dessous de la poutre de l’avaloir sera à environ 1,8 m de hauteur, permettant au boulanger l’accès à la gueule du four, mais permettant également aux fumées de partir directement dans la cheminée et non de s’éparpiller autour. Pour servir de linteau, nous avons réalisé un arc en briques en anse de panier à trois centres (portée de 2,14 m et flèche de 44,5 cm), qui viendra s’appuyer sur deux corbeaux au droit des jambages et supportera la maçonnerie de l’avaloir. Une poutre reposant sur l’avant des corbeaux et disposant de retours sur les côtés de l’avaloir serviront de butée pour la poussée de l’arc, en plus de la masse de la maçonnerie. Les corbeaux sont deux pierres de belle dimension que nous avons retaillées à la disqueuse (avec les EPI bien sûr comme pour toutes les découpes) et au chemin de fer afin de les adapter à notre ouvrage.
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Afin que la ligne de naissance de notre anse de panier soit à la hauteur voulue, c’est-à-dire avec le dessous de la clé de voûte situé à 38 cm du haut de la gueule du four et une flèche de 44,5 cm, nous avons dû retailler les corbeaux et inclure dans ceux-ci les briques de l’arc.
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Le coffrage a été réalisé en planches de 27 mm et couchis en contreplaqué de 5 mm, et les étais à chapeau traditionnellement faits en chevrons de 6x8. Les raidisseurs horizontaux sont des plateaux de 6x20.
L’arc a été maçonné en briques pleines d’Amance déclassées, un peu flammées pour certaines (superbes à mon avis), au mortier de chaux hydraulique dosé à 350 kg/m 3 et sables 0/2 et 0/4 pour moitié chaque. La clé de voûte a été taillée dans un bloc de craie. Pour la suite, il reste la cheminée à créer, en briques, et à recouvrir le hérisson en tuiles avec un mélange de terre et de sable qui sera destiné à garder l’inertie thermique du four (la calotte). Nous avons déjà 27 cm d’épaisseur de tuiles, auxquels il faudra ajouter environ 25 cm de terre. Le four à pain sera chauffé progressivement après plusieurs mois de séchage, et nous pourrons alors concevoir une abaque de refroidissement au fur et à mesure des essais de cuisson. Le fonctionnement est simple : on chauffe petit à petit le four afin que les matériaux emmagasinent un maximum de chaleur, on fait cuire les pizzas alors que les braises sont encore dans la voûte, puis on ôte les braises afin d’enfourner le pain, et c’est juste la chaleur dégagée par les matériaux qui le cuira. Une fois le pain ôté, on peut placer d’autres aliments tels que pâtés, tartes, ragoûts, pour finir par les fruits ou les champignons à faire sécher. Cette expérience est pour moi d’une importance majeure puisqu’elle entre parfaitement dans mes convictions. Aussi ce travail a été un réel "loisir" et non une corvée, c’est pourquoi j’ai l’intention de l’achever dès que j’en aurai la possibilité. Merci de votre attention. 28
Annexes Quelques croquis, plans et coupes.
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