ART TRIMESTRIEL SEPTEMBRE 2011 I N째1
L’équipe
Claudia Gäbler Anik Rolland-Rubinfajer Nathalie Kamoun Caroline Gereduz Abdel Bouzbiba Jean-François Politzer Fatma Girretz Léon Küpper Pier Gallen éDITEUR RESPONSABLE Claudia Gäbler Théâtre de la Vie rue Traversière 45 1210 Bruxelles Tél. +32 2 219 11 86 www.theatredelavie.be info @ theatredelavie.be
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éditorial Tous les arts contribuent au plus grand de tous les arts : l’art de vivre. ( Bertolt Brecht ) Le Théâtre de la Vie fête ses 40 ans d’existence. Un anniversaire nous plonge aussi bien dans la conscience du passé que dans la question de l’avenir. Notre envie est de perpétuer une ligne artistique dont nous nous sentons proches tout en cherchant son inscription dans le présent. L’identité du Théâtre de la Vie s’affirme comme un atelier de création théâtrale et place au centre de ses recherches le désir de partager avec le public des questionnements, des découvertes, des réflexions qui touchent aux domaines les plus variés du monde de la création, qu’elle soit artistique, scientifique, philosophique ou sociale.
Le théâtre, nourriture et outil de vie. Voilà le fil conducteur dans lequel s’inscrit le magazine Vis à Vie. Ici, il est question du processus qui met l’art en général et le théâtre en particulier en rapport avec le monde dans lequel nous vivons. Vis à Vie renforce l’idée d’un théâtre qui ne soit pas uniquement une salle d’accueil de spectacles, mais soit aussi un lieu d’échanges, de découvertes et d’ouverture aux autres disciplines. Accessible au plus grand nombre et distribué gratuitement, ce trimestriel n’est pas dédié à la seule programmation du Théâtre de la Vie mais s’ouvre aux contributions d’auteurs, de slameurs, d’acteurs de la vie sociale, politique, philosophique, scientifique et artistique. Nous vous souhaitons une agréable lecture !
www.design1A.com
Au plaisir de vous compter parmi nous lors de cette saison anniversaire, L’équipe du Théâtre de la Vie
Couverture Alexander Lauterwasser www.wasserklangbilder.de
Avec des gouttes d’eau et des sons, le photographe et chercheur de résonance crée des compositions artistiques exaltantes, des vagues qui s’élargissent, s’enchevêtrent et forment des motifs fascinants. (La réponse de l’eau, par Andrea Bistrich p.12)
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Jean-Jacques Lemêtre
Alexander Lauterwasser
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Mr. Pimpant
Chez les Grecs anciens, les sciences et les arts n’étaient pas des valeurs antinomiques. Une grande part des problèmes de notre civilisation vient du fait que ces deux domaines sont tenus extrêmement éloignés l’un de l’autre. C’est pourquoi les sciences ont pu, peut-être, fabriquer une telle quantité de produits destructeurs tels les poisons et les armes qui se retournent contre la vie elle-même. L’extrême pointe d’une telle sorte de science est la bombe atomique. Parallèlement, on a éliminé l’élément artistique, considéré comme subjectif, dans l’homme et, dès lors, pas pris au sérieux. Au fond, aujourd’hui, on ne permet plus au scientifique d’aborder son objet d’étude de manière esthétique, c’est à dire dans la position intérieure d’un artiste. Malgré ce qui précède, un point de départ scientifiquement phénoménologique n’exclut pas une sensibilité artistique à l’esthétisme, dès lors, je tiens pour essentiel, de tenter, en tant qu’être humain, de faire dialoguer ces deux aspects : Art et Science.
... « Tous mes projets sont liés, dans le désordre. C’est pour ça qu’il m’est nécessaire de toucher à plusieurs techniques ou domaines. Avant de vouloir dessiner, ado, je m’intéressais à la programmation, ça a beaucoup influencé mon travail bizarrement, j’ai une vision "systémique" ; j’essaie de synthétiser ma pratique du moment au maximum, une fois que j’en ai tiré l’essence et que j’en dégage une impression de maîtrise, j’ai besoin de tout casser et passer à autre chose pour ne pas me lasser. La liberté que tu vois dans mon travail est sans doute issue de la claustrophobie. Quand j’en viens à vouloir raconter quelque chose avec la bande dessinée ou l’animation, c’est qu’au delà du côté formel j’ai foncièrement besoin d’expulser quelque chose. »
éditorial
Les mots qui claquent
Portrait
Sommaire
17 Multiver(s) par Jean-Emmanuel Ducoin
23 Mr. Pimpant Illustrateur
VISIONNAIRES
18 Si c’est ça, alors non! par Olivier Thomas
est arrivé au Théâtre du Soleil il y a près de 33 ans (pour Méphisto, le roman d’une carrière, présenté en 1979). Il y est vite devenu irremplaçable, aussi indispensable que l’air : l’esprit même de la musique. Comme il participe activement à toutes les longues répétitions de chaque création et qu’il est présent à chaque représentation, où il joue en live, à la Cartoucherie et en tournées, on pourrait penser que sa biographie artistique est entièrement liée au Soleil et aux enfants du Soleil. Il n’en est rien cependant : celle-ci est riche de compagnonnages divers (cirque, cabaret, cinéma, télévision, théâtre, danse, expositions) en France et ailleurs, d’activités pédagogiques et de créations personnelles.
Sommaire
6 Jean-Jacques Lemêtre Musicien 12 Alexander Lauterwasser Photographe et chercheur
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20 Propositions utopistes... www.arbredespossibles.com 22 États d’esprit par Dan-T
27 Le barda d’Yvette par Isabelle Wéry
BD 28 Calculator 3000 par Abdel Bouzbiba & Alain Mundz
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40 ans Théâtre de la Vie
Notre travail est porté par l’idée d’un monde viable dans le futur et digne de nous accueillir. Il s’agit de nous réaliser nous-mêmes tout en orientant nos pensées vers les autres et leur avenir.
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Les Multivers du 29/09 au 01/10
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Les Multivers du 24, 25 et 26/11
Les univers musicaux de Jean-Jacques Lemêtre (FR) et Olivier Thomas (BE)
L’univers de la comédienne Gwen Berrou (BE) en écho à la création Fall into the show
Avec Jean-Jacques Lemêtre, Catherine Brisset, Gazom Lhamo, Li-Yu You, Christian Dupont, Olivier Thomas, Catherine Delaunay, Laurent Rousseau, Mauro Paccagnella.
Avec Sarah Antoine (groupe AAA-AAA), Jean-Michel Barthéléry, Gwen Berrou, Caroline Daish, Eric Faes, Jacques Fauville (groupe AAAAAA), Julie Petit Etienne, Céline Rallet (groupe AAA-AAA), Sylvain Reymond.
Le « Théâtre de la Vie » initie cette saison ce nouveau cycle rassemblant théâtre, concerts, performances, conférences, installations... Le principe général de ces soirées composées s’organise autour d’une personnalité artistique qui – selon son expérience et ses affinités – nous propose une constellation de projets, en lien avec son propre univers.
Théâtre de la Vie 30 Éditorial Claudia Gäbler
36 Herbert Rolland par Laurent Ancion, Julos Beaucarne, Emile Lansman, Michèle Nguyen, Sophie Creuz, Jean Ziegler
43 SLAM à la Vie 44 Cours de danse à la Vie Danse contemporaine pour enfants de 6 à 9 ans
40 ans ThÉÂtre de la Vie 32 Herbert Rolland Liberté, fraternité, plaisir par Françoise Nice 34 Herbert Rolland né Rubinfajer Citoyen du monde
PROGRAMMATION 38 Les Multivers du 29/09 au 01/10 Les univers musicaux de Jean-Jacques Lemêtre (FR) et Olivier Thomas (BE) 40 Les Multivers du 24/11 au 26/11 L’univers de la comédienne Gwen Berrou (BE)
45 CHAMP LIBRE
Le coin des lecteurs, spectateurs, voisins...
46 Infos pratiques
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© Rémi Chapeaublanc
Jean-Jacques Lemêtre
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L’esprit de la musique par Beatrice Picon-Vallin (article paru dans LE CERCLE N°4 Automne 2010 édition ARTIePAROLE)
Beatrice Picon-Vallin est directrice du Laboratoire de recherche sur les arts du spectacle au CNRS, professeur d’histoire du théâtre au CNSAD et directrice de collections consacrées aux arts du spectacle aux éditions du CNRS et à l’Age d’Homme. Spécialiste de Vsevolod Meyerhold dont elle a traduit les œuvres complètes, elle s’intéresse à la mise en scène et au jeu de l’acteur en Europe (tout spécialement en Russie), comme aux problèmes de formation, aux rapports entre la scène et les nouvelles technologies.
Jean-Jacques Lemêtre est arrivé au Théâtre du Soleil il y a près de 33 ans (pour Méphisto, le roman d’une carrière, présenté en 1979). Il y est vite devenu irremplaçable, aussi indispensable que l’air : l’esprit même de la Musique. Comme il participe activement à toutes les longues répétitions de chaque création et qu’il est présent à chaque représentation, où il joue en live, à la Cartoucherie et en tournées, on pourrait penser que sa biographie artistique est entièrement liée au Soleil et aux enfants du Soleil. Il n’en est rien cependant : celle-ci est riche de compagnonnages divers (cirque, cabaret, cinéma, télévision, théâtre, danse, expositions) en France et ailleurs, d’activités pédagogiques et de créations personnelles. Il a, entre autres, signé la musique pour l’ouverture d’Albertville-Olympique, et il prépare pour juin 2011, à la Société des Arts technologiques de Montréal, la première de son « Babel-orchestra », sorte d’œuvre d’art totale où les instruments de l’orchestre symphonique seront remplacés par des enregistrements sonores de voix parlées, recueillis dans 1800 langues du monde, coupés, superposés, recomposés de façon à les faire chanter ensemble. Au lieu de notes, donc, des phonèmes ou des phrases. Mais la sphère sonore sera accompagnée d’une sphère visuelle et aussi d’odeurs et même de dégustations… Car ce musicien est aussi un fou de cuisine. Avec son imposante silhouette de personnage de légende, ce sage à la longue barbe blanche, aux yeux rieurs et au sens de l’humour très aiguisé, est un artiste aussi passionné que modeste, qui n’hésite pas à se mettre aux fourneaux et à mêler saveurs et épices pour concocter des
délices destinés à de grandes tablées festives. Musicien de haut niveau, interprète polyvalent, compositeur, Jean-Jacques Lemêtre est aussi un collectionneur savant d’instruments de musique des peuples du monde (il en aurait 2800…), et il en a « bricolé » près de 700 de son invention. Mais ce goût de la quantité rassemblée est au service de la musique de théâtre – on dit souvent musique de scène, comme s’intitule le Prix de la Critique qu’il a reçu en 1991. Sa conception de la musique pour le théâtre doit être connue et transmise. Elle est radicale, donc essentielle. La musique ne doit jamais écraser l’acteur, mais elle n’est pas là non plus pour donner seulement une atmosphère ; c’est le « tapis volant » du comédien qui lui permet d’improviser et de créer. Plus encore, c’est un des poumons du spectacle. J.-J. Lemêtre travaille avec le texte dit, il s’accorde sur la voix parlée de l’acteur qui n’est pas différente pour lui d’une voix chantée. Dans le cas du dernier spectacle du Soleil, Les Naufragés du Fol espoir, où nombre de scènes sont en jeu muet, il travaille avec la rythmique des corps. Son œil et son écoute de musicien sont un détecteur infaillible de la justesse du jeu. La musique de théâtre doit, selon lui, être écrite, exécutée, modifiée, en même temps que se compose le spectacle. Sa musique, parce qu’elle est de la musique de théâtre, part du théâtre, du corps de l’acteur qui joue. Le résultat n’est pas du « théâtre musical », parce que cela impliquerait que la musique dirige le processus. Pour chaque création collective au Soleil s’établit
une relation triangulaire entre les propositions du metteur en scène, des comédiens, du musicien, ainsi qu’entre les réponses des uns aux autres. « J’apprends, dit-il, en même temps que tout le monde. Il y a une évolution dans la musique qui passe d’abord par un travail simple – faire un rythme, de façon à ce que le tempo de l’acteur en scène ne devienne pas, soutenu par trop de lenteur, quotidien ou réaliste. Une certaine vitesse est nécessaire pour qu’on puisse commencer à travailler et qu’une scène ne s’écroule pas. Et petit à petit tout se forme, les personnages se réveillent et la musique se réveille avec les personnages, parce que la distribution se concrétise progressivement. On n’a pas besoin de théoriser d’abord. La création de la partition se fait au fur et à mesure. » Il insiste également sur le fait que musique et son relèvent, au Soleil, de la même responsabilité (ce qui n’est pas chose courante), dévoilant avec plaisir ses secrets d’« ouvrier musical » comme il aime à se nommer, tel celui du vent théâtral obtenu en gonflant les fréquences de vieux enregistrements classiques, ou en diffusant le souffle d’un vent réel, capté en Patagonie, celui dont il est justement question sur le plateau. « Parfois, Jean-Jacques est le ciel, il est la mer, les nuages... le destin », dit Ariane Mnouchkine avec qui il travaille en symbiose, depuis si longtemps. Toujours présent sur les côtés du grand plateau du Soleil, il est aujourd’hui intégré dans le scénario de la création collective du Fol espoir, et « joue » Camille, pianiste de cinéma muet ; il y mixe en direct, magnifique DJ de théâtre, les trésors de sa banque de sons, aussi vaste que le sont sa curiosité et sa disponibilité.
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Pourquoi le théâtre aurait-il besoin de la musique ? Entretien avec Jean-Jacques Lemêtre réalisé par Claire Lintignat ( Responsable du journal LE CERCLE )
Pourquoi le théâtre aurait-il besoin de la musique ? Cette question doit appeler 300 réponses, mais il y en a une au moins qui me paraît évidente, c’est qu’à l’origine du théâtre, il y a la musique. Quand un metteur en scène monte une tragédie et qu’il n’y a pas de musique, alors il faut ôter le mot tragédie. Car à l’origine de la tragédie, il y a du chant. Si l’on regarde du côté de l’Orient, bien avant l’Occident, on constate là encore, qu’aux origines du théâtre il y a la musique. C’est la notion de théâtre occidental qui a provoqué cette rupture. Petit à petit, la musique est tombée en désuétude. Dans l’apprentissage des arts, le théâtre, la danse et la musique se sont séparés. J’ai eu la chance d’appartenir à une génération qui pouvait encore voir figurer au fronton des conservatoires : musique, théâtre et danse. Ça n’existe plus. Du coup, je me retrouve comme musicien de théâtre, assez rare. Est-ce que cette rencontre entre la musique et le théâtre n’est pas à retrouver aujourd’hui ? Ne seriez-vous pas un cas à part ? Je revendique d’être musicien de théâtre. Je revendique vraiment un travail fondé sur la recherche. Une recherche que je continue d’ailleurs, car elle peut durer toute la vie. Très souvent, l’utilisation de la musique au théâtre s’apparente à l’usage qu’on en fait au cinéma quand on prend la musique pour un concept. Quand on m’annonce que je vais faire un Molière, par exemple, j’ai du mal à mettre du jazz. Je
n’ai pas envie de faire de la musique une idée. Je crois également que pour être musicien de théâtre il faut être compositeur de théâtre. Le travail du compositeur est différent de celui du musicien. J’ai la chance d’être compositeur, musicien et improvisateur. Après, je suis aussi luthier... La musique, je la conçois, je la fabrique avec tous les moyens que je me suis donné et tous les moyens que le théâtre me donne. La musique d’un spectacle, vous la concevez en amont ? Jamais. Je travaille sur le moment et avec ce que le travail donne. Vous inventez à ce moment là tout le trajet musical ? Oui. Il y a une partition ? Non. Une base d’improvisation, un canevas, à partir duquel vous élaborez votre musique ? Non. À l’exception des Naufragés du Fol Espoir (1) que nous jouons actuellement puisqu’il y a l’apparition d’une bande enregistrée. Pour ce spectacle, j’ai dû passer à l’écriture et au studio. Dans Les Éphémères, le spectacle précédent, j’ai été le premier à connaître le thème : qu’est-ce qu’on va faire ? Je suis le premier qui donne mon accord sur la demande d’Ariane Mnouchkine (2). Dès qu’elle a une vision assez précise de ce qu’elle cherche, nous en discutons. À ce
moment-là, nous ne savons pas encore ce que nous allons faire, mais elle a des images, des visions que je transpose en musique. Pour Les Éphémères, j’ai préparé 46 heures de musiques d’avance sur le thème mais avec ma propre fantaisie. J’avais une palette de disques qui me permettait de répondre aux demandes des acteurs, puisque chaque acteur avant de rentrer en scène au moment des répétitions, venait me trouver pour me dire quatre ou cinq mots sur son improvisation. Ensuite, j’ai deux à trois minutes pour chercher quoi faire. Ici, aucun acteur n’entre en scène sans musique. Jamais. Quand un acteur improvise, il cherche une image, l’image d’une scène. Nous avons tous des visions quand nous entendons parler d’un thème. Par exemple pour ce spectacle, Les Naufragés du Fol Espoir, le thème était : « début de siècle en France ». Pour des comédiens qui arrivent d’Inde, le sujet d’improvisation n’est pas évident. Il en ressort des choses parfois très justes ou complètement aberrantes. Pendant ces deux minutes d’improvisation, quelque chose opère à travers cette triangulaire, entre le metteur en scène, le plateau et la musique qui se trouve sur le côté de la scène. Parfois, quelque chose décolle, le moment venu. Tout d’un coup l’acteur se prend au jeu parce qu’il a saisi une phrase de musique ou que le metteur en scène a dit un mot qui fait que l’improvisation fonctionne. Cette écriture musicale qui s’invente avec les répétions, vous l’élaborez sur tout le temps des répétitions (12 mois de répétitions pour Les Naufragés), ou est-ce qu’elle se fixe à un moment donné ?
1. Les Naufragés du Fol Espoir reprises à la Cartoucherie jusqu’au 31 décembre 2010. Cette création collective a reçu le Prix du Syndicat de la critique 2009 : meilleure création d’une pièce en langue française. Mi-écrite par Hélène Cixous, elle est librement inspirée d’un mystérieux roman posthume de Jules Verne. Sur une proposition d’Ariane Mnouchkine, musique de Jean-Jacques Lemêtre. En tournée au théâtre des Célestins de Lyon du 29 janvier au 20 février 2011, à Nantes du 4 au 22 mai 2011. 2. Ariane Mnouchkine née en 1939, metteur en scène de théâtre et animatrice de la troupe qu’elle a fondée en 1964, le Théâtre du Soleil, installé à La Cartoucherie de Vincennes depuis 1970. Elle est également scénariste et réalisatrice de films. Ses premiers grands succès sont La Cuisine d’Arnold Wesker, puis 1789 et L’Âge d’or, des créations collectives. Elle mettra aussi en scène des classiques (Molière, Shakespeare, Eschyle) et des auteurs contemporains (comme Hélène Cixous, Arnold Wesker etc.. ) en puisant dans les traditions théâtrales orientales. 3. Les Éphémères, un spectacle du Théâtre du Soleil, sur une proposition d’Ariane Mnouchkine, musique de Jean-Jacques Lemêtre. Création à la Cartoucherie en 2006, puis en tournée en France et à l’étranger.
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un emboîtage ridicule. Il faut que je connaisse la place de la musique, ce qu’elle raconte. Pour autant, je n’écris pas de partition, pour la bonne raison que si j’ai un trou de mémoire c’est que je ne sais pas à quoi sert la musique. Qu’est-ce que cela veut dire par rapport à la scène théâtrale, par rapport à la dramaturgie ? ... Après, je n’ai plus qu’à me laisser porter par l’acteur et par ce que je reçois. Il arrive souvent que les compositeurs et les metteurs en scène ne s’entendent pas sur un projet tout simplement parce qu’ils ne parlent pas le même langage. Vous pourriez transmettre un peu de votre expérience pour donner des codes d’accès et ouvrir ainsi la voie aux praticiens sur une nouvelle façon d’envisager le rapport « théâtre et musique ». La musique de théâtre n’intéresse pas les gens. C’est une chose difficile et puis il faut la mentalité, l’esprit. La première chose qui doit être acquise par un musicien de théâtre, c’est d’aimer le théâtre, car il faut « bouffer théâtre ». Je suis musicien de théâtre parce que je parle avec les mots du théâtre. Jamais tu ne m’entendras dire, « le problème avec l’accord de septième de dominante avec fondamentale »… Si le musicien parle de cette façon au metteur en scène et que le metteur en scène lui parle avec des images et
des visions qui ne racontent rien au musicien, ils ne vont pas se comprendre. Et puis il y a aussi cette persuasion chez les musiciens que la musique est un art supérieur. Ça fait 33 ans que je suis là. Ariane Mnouchkine et moi, nous sommes comme un couple. Elle envoie des mots que je capte au passage, je les digère pour en sortir ma cuisine. De son côté, elle capte mes musiques et mes sons pour tout d’un coup réagir par rapport à la scène. Nous possédons le même langage. Nous employons des mots qui ont le même sens pour tout le monde, des mots dont la signification est commune à la scène, la mise en scène et la musique. Il n’y a aucun langage technique. Tu n’entendras jamais Ariane parler de technique, de même que tu ne m’entendras jamais parler de langage musical. C’est pareil pour l’acteur. Quand il n’y a pas de langage commun, il y a scission. Quand il y a scission, il y a conflit. Mais c’est drôle que tu me parles de formation car avant d’arriver là j’étais également professeur de musique auprès de 9 conservatoires. J’ai une bonne expérience de neuf formateur. À l’époque, les gens me prenaient pour un fou car je jouais de plusieurs instruments. Ça ne se faisait pas, multiinstrumentiste. Dans ma classe de saxophone, j’avais 195 élèves, j’acceptais tous les adultes. Je continue de faire des stages de temps en temps, mais à l’étranger. En France, on pense que je passe ma vie au Théâtre du Soleil, ce qui
© Rémi Chapeaublanc
Elle s’arrête, oui. Dans le sens où, depuis le temps que je travaille pour le théâtre, je me suis donné quelques petites lois qui marquent les différentes étapes de mon travail de la conception à la réalisation. La première, c’est que j’accorde mes instruments sur le timbre du comédien. Donc je joue avec des guitares totalement désaccordées puisqu’elles sont accordées sur les acteurs. Si un acteur perd sa hauteur de voix, qu’elle n’est pas bien placée, elle se replace automatiquement d’après mon accord. Je suis sa fondamentale. Ensuite, je passe par un travail de compositeur. C’est-à-dire : Qu’est ce que je fais ? À quoi je sers ? Qu’est-ce que je raconte ? La musique, c’est quoi ? C’est où ? C’est quand ? C’est comment ? Enfin toutes ces questions normales du choix de composition. Je n’arrive pas avec des idées préconçues, ni avec des concepts d’ailleurs. Par exemple, je ne participe pas aux lectures. Un texte lu ne m’intéresse pas, je veux un texte joué car je travaille à partir des intonations, du jeu physique. Une fois que j’ai accordé mes instruments, j’ai ma gamme, ma suite de notes. Je sais quelle est la note la plus basse et quelle est la note la plus haute. Maintenant, je dois encore chercher la musique qui correspond à ce que je vois et à ce qui se joue. Je travaille sur le jazz, le grégorien, la musique ancienne, le rock, le balinais… si je ne n’ai pas moi-même une vision claire de ce que je fais, alors cela devient
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BABEL ORKESTRA
l’opéra de Jean-Jacques Lemêtre Fondée en 1996 à Montréal (Canada) la Société des Arts Technologiques (SAT) est un centre transdisciplinaire de recherche et de création, de production, de formation et de diffusion voué au développement et à la conservation de la culture numérique. La SAT a commandé une œuvre au musicien et compositeur de renom JeanJacques Lemêtre qui sera présentée dans la Satosphère, nouvel espace de diffusion immersif dédié à la présentation de productions en 360 degrés. Jean-Jacques Lemêtre travaillera à la composition d’une partition exceptionnelle constituée d’un répertoire de 45 heures de voix parlées du monde qu’il orchestrera pour une expérience multi-sensorielle. Jean-Jacques Lemêtre a enregistré depuis 15 ans plus de 1800 langues et dialectes du monde entier. Il est le seul dépositaire de ce patrimoine qu’il a lui-même constitué, uniquement de voix parlées, qui sont pour lui autant de notes. Avec cette partition singulière, il composera un poème symphonique qui prendra la forme d’un opéra orchestique. Ce projet de recherche et de composition n’a fait l’objet d’aucune diffusion à ce jour et sa présentation en première mondiale constituera une expérience auditive exceptionnelle.
Pour en savoir plus Entrevue avec Caroline Morin diffusée sur les ondes d’Espace Musique http://bit.ly/9sQa5C • Entrevue avec Bernard Faucher à l’émission AM sur Radio-Canada 1 http://bit.ly/c0HLTz • www.sat.qc.ca • www.theatredelavie.be •
est faux. Mais je ne vois pas autant de personnes que tu le penses venir me demander de prendre des cours. De plus, les gens n’osent pas venir me voir car ils pensent que je ne parle pas français, ce qui est aberrant parce que j’accompagne une pièce en français. Alors ils me parlent en petit nègre : « What is the nom of the flûte ?». Pour faire évoluer la place de la musique au théâtre, ne faudrait-il pas passer par des écrits ? Tu ne m’y pousseras pas. (Rire) Comment êtes-vous arrivé au théâtre ? Une erreur. J’ai la chance d’appartenir à cette génération qui a vu les débuts de la musique ancienne et du baroque, oubliés depuis plusieurs décennies. C’était le début du free jazz, du rythm and blues, de la pop, de la musique contemporaine. J’ai assisté à tous ces bouleversements musicaux. Je fais partie d’une génération vernie car j’ai été sensibilisé à toutes ces musiques que je pratique. Je faisais du free jazz dans des milieux non civilisés en Hollande, ce qu’on appelle les mouvements alternatifs. Un jour, un mec est venu me trouver au restaurant communautaire, nous avons parlé théâtre. Je ne connaissais rien au théâtre. Ce mec, c’était le comédien qui allait jouer le rôle principal dans Méphisto (4) au Théâtre du Soleil. C’était il y a 33 ans. Quand il est rentré, le Théâtre du Soleil cherchait quelqu’un pour la musique. Jusque-là, ils n’avaient pas trouvé de musiciens avec qui s’entendre. Ce comédien leur a parlé de moi. Entre temps, j’étais parti à Christiana à Copenhague. Ils ont mis six mois pour me retrouver et puis j’ai eu Ariane Mnouchkine au téléphone qui m’a donné rendez-vous Place de l’Étoile. Elle avait besoin de quelqu’un pour former ses acteurs à la musique. Comme j’aimais l’enseignement, je lui ai proposé que chaque acteur apprenne à jouer d’un instrument. Ainsi, tous les matins, pendant huit mois, ils ont appris à jouer d’un instrument différent pour former un orchestre.
Toute pièce de théâtre peut-elle sous-entendre de la musique ? On peut mettre de la musique partout. Même un vaudeville peut sous-entendre de la musique. Le problème principal, c’est l’entente avec le metteur en scène. J’ai travaillé avec des metteurs en scène qui haïssent la musique. Bernard Sobel (5), par exemple, déteste la musique. Je suis le seul musicien à pouvoir introduire un peu de musique dans ses mises en scène et j’en suis fier (rire). Ma musique trouve sa place car je ne suis ni en redondance, ni en pléonasme. Je suis le second poumon. J’invente une histoire à côté qui est complémentaire car la musique est un plus pour la pièce et pour les acteurs, un plus de compréhension. Par exemple, pour ce spectacle, je travaille sur l’empathie. Les comédiens ne jouent pas l’empathie. Du coup, si quelque chose te fait rire dans la scène, la musique, elle, ne te fera pas rire. Il y a toujours cette dualité dans mon travail. La richesse vient de ce contraste. Cela fait maintenant 33 ans que vous collaborez avec Ariane Mnouchkine mais vous avez travaillé avec Philippe Avron, Irina Brook, Niels Arestrup et beaucoup d’autres. Est-ce que vous appliquez les mêmes lois ? Non pas du tout. Par exemple avec Philippe Avron (6), ce sont des bandes enregistrées parce que je n’ai pas du tout le temps de jouer physiquement avec lui. C’est un monsieur qui raconte des pièces complètement différentes de celles du Soleil, c’est une autre écoute, un autre travail. Entre un acteur seul en scène et toute une troupe d’acteurs, est-ce le même travail musical ? C’est le même rapport, mais les images ne sont pas les mêmes. Même si tu as 31 protagonistes en scène, tout le monde n’occupe pas le centre. Et même s’il y a un centre, je ne joue pas forcément ce qui se joue au cœur de la pièce.
4. Méphisto, création à la Cartoucherie en 1979, d’après Klaus Mann, adaptation et mise en scène d’Ariane Mnouchkine, musique de Jean-Jacques Lemêtre. Ce spectacle a réuni 160 000 spectateurs. 5. Philippe Avron nous a quittés dans la nuit du 30 au 31 juillet 2010 en donnant son ultime spectacle, Montaigne, Shakespeare, mon père et moi ! au festival d’Avignon. Il est le célèbre auteur interprète de Je suis un saumon, 1999, et Le Fantôme de Shakespeare, 2002. 6. Bernard Sobel, metteur en scène et réalisateur français né en 1935. Il fait partie des fondateurs du Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis. En 1964, il fonde l’Ensemble théâtral de Gennevilliers (ETG) à partir d’un collectif amateur. Dès 1974, il crée une revue bimestrielle Théâtre/Public. Il transpose pour l’écran plusieurs spectacles de Patrice Chéreau et d’Ariane Mnouchkine, entre autres, Mephisto et L’Indiade. Il a quitté le théâtre de Gennevilliers en 2006 après y avoir assuré la mise en scène d’une cinquantaine de spectacles. 7. Frank Vincent Zappa (1940-1993) est un musicien américain de rock, auteur, compositeur, guitariste, chanteur, réalisateur, producteur. Il est l’un des musiciens-compositeurs les plus prolifiques de son époque, en réalisant plus de 60 albums. Son travail a exploré tous les styles musicaux contemporains. 8. La Nuit des rois création en 1982 au Festival d’Avignon. La pièce fait partie du cycle intitulé : Les Shakespeare. Traduction et mise en scène d’Ariane Mnouchkine, musiques de JeanJacques Lemêtre. Tournées, 1982-1984, en France et à l’étranger. 9. Jean-Jacques Lemêtre reçoit le Molière 2005 du meilleur créateur de musique de scène pour Le dernier Caravansérail (Odyssées).
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L’acteur va raconter son histoire tandis que je raconterai son destin. Je suis du côté des dieux, des cieux, des enfers, de la souffrance. Je suis dans les sentiments, les états. Je ne colle pas à l’histoire telle qu’elle se raconte en direct. C’est plus difficile d’accompagner des acteurs comiques. Si le musicien s’amuse à faire rire par-dessus le rire que provoque l’acteur, alors le rire s’annule. De même que si le musicien joue à la même hauteur de voix que l’acteur, ils vont s’annuler tous les deux. Il faut laisser de la place à l’acteur et entendre sa voix qui est du chant. Avec tout ce bagage musical que vous avez accumulé avec le temps, comment fonctionne votre imaginaire musical ? Les gens se demandent comment je vais pouvoir inventer quelque chose de nouveau. Ils pensent que je vais me répéter. Mais non ! Quand je commence un projet, j’ai avec moi 2800 instruments accumulés avec le temps. J’en ai construit et fait construire 800. Comme les acteurs, je commence toujours un spectacle à zéro. Je prends un petit tambour et je fais le rythme du cœur pour donner une vitesse qui m’empêche de réfléchir. Si tu as une vraie image, elle sort automatiquement. Si tu as une fausse image, tu ralentis et tu commences à tergiverser, ce n’est plus de l’improvisation. Je donne une vitesse sur laquelle les corps vont marcher. Quand un comédien est juste, il parle à la même vitesse qu’il marche. Ils sont derrière un rideau, ils rentrent, on entend : allez-y ! Et ça démarre. C’est calé dès le premier pas. Quelle est la base de votre formation ? Je suis parti avec de la chance! Je suis à moitié tzigane et à moitié breton. Ça aide. Voyageur de terre et voyageur de mer. Quand je suis arrivé en France je devais avoir 10 ans. Ma mère, qui était tzigane, parlait très mal le français et comme les enfants devaient obligatoirement aller à l’école, elle m’a inscrit dans une école de musique. J’ai fait des bals, du folklore. Plus tard, j’ai joué chez
Franck Zappa (7). J’arrivais au Théâtre du Soleil avec une certaine expérience mais je n’avais jamais mis les pieds dans un théâtre. Comment avez-vous appris à jouer de tous ces instruments ?
instruments en même temps. Le spectacle Les Naufragés du Fol espoir revit les heures du cinéma muet. Il y a très peu de parole. Sans la musique il n’y aurait pas de spectacle.
Un instrument ça s’apprend vite. La première chose, c’est qu’il faut regarder comment est fait un instrument de musique pour comprendre comment il fonctionne, comment sort le son. Après, il y a le plaisir de jouer et puis aussi, comme je voyage beaucoup, j’ai regardé et écouté plein de gens.
Pour ce spectacle, je me suis contenté tout bêtement de faire comme on faisait à l’époque. Je n’ai rien inventé, j’ai relu mes camarades et fait comme c’était à l’époque.
On vous compare souvent à un chef d’orchestre. Quelle est votre place sur le plateau, par rapport aux comédiens ?
Si. Deux fois. J’en ai remporté un (9). Puis ça s’est arrêté ! (Rire)
Il y a un moment où je deviens effectivement leur chef d’orchestre, à cause de tout ce travail sur la langue, sur la métrique de la langue et du corps, le rythme et la mélodie. Je suis le gardien de ça, dans le sens où je peux l’écrire. Ça ne se codifie pas avec des mots, ça s’écrit avec de la musique. Après, il s’agit de savoir si je suis devant, pendant, ou après eux. La plupart du temps, je suis juste derrière eux. Sauf si c’est du leitmotiv, c’est-à-dire, l’annonce d’un personnage. Comme j’ai pu le faire dans La Nuit des rois (8) de Shakespeare où tout d’un coup, tu joues quelque chose que le public reconnaît comme étant l’air qui accompagne un personnage qu’il affectionne. Tout le monde rit avant même qu’il soit rentré en scène, c’est le leitmotiv. Mais le plus intéressant c’est d’arriver derrière l’acteur car il y a un moment où tu ne sais plus qui dirige l’autre. Une partie de mon boulot consiste aussi dans les répétitions à chercher toutes les charnières dans le texte. Elle peut correspondre à un changement de lieu comme à un changement de destin. Un changement de charnière implique forcément pour moi un changement de son et d’instrument. C’est pourquoi j’ai toujours des assistantes qui m’apportent des instruments. Et puis il y a des moments où je me retrouve à jouer avec trois
J’ai remarqué qu’il n’y avait pas de Molière musical dans les récompenses !
Est-ce que la relation qui se fait au quotidien avec la musique vit de la même façon au théâtre ? Si les gens ont leur propre environnement musical dans la vie, ici, nous avons la chance de pouvoir le partager. Tout le monde baigne dans un environnement musical international, de styles, de référents et d’époques toujours différents. C’est une école de vie qui nous donne une très grande ouverture. En dehors des spectacles qu’on joue, il y a des fêtes, des rencontres, avec des artistes venus du monde entier. Qu’est-ce que la musique orientale apporte de plus dans le travail de plateau ? La musique occidentale est polyphonique, les voix se superposent les unes sur les autres, avec un empilage d’accords et de mélodies. La musique orientale ce n’est que de la mélodie mais développée à son maximum, avec des ornements, des fioritures, et puis un bourdon ou un rythme. L’occident, notamment avec Wagner, a fait exploser le système tonal. Moi je suis resté tonal. Après, je joue avec la tête et le cœur …
Jean-Jacques Lemêtre fera l’ouverture de saison du Théâtre de la Vie le jeudi 29 septembre à 20h15 SPECIAL 40 ANS THEATRE DE LA VIE RESERVATIONS :
www.theatredelavie.be ou 02 219 60 06
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IMAGES de cet article :
Š A. Lauterwasser www.wasserklangbilder.de
Alexander Lauterwasser
La réponse de l’eau Avec des gouttes d’eau et des sons, le photographe et chercheur de résonance, Alexander Lauterwasser, crée des compositions artistiques exaltantes, des vagues qui s’élargissent, s’enchevêtrent et forment des motifs fascinants. par Andrea Bistrich Andrea Bistrich est auteure indépendante et vit à Munich.
Avec la publication de vos « Wasserklangbilder » (compositions d’eau et d’ondes sonores), vous rendez accessible pour la première fois, et pour un grand nombre, un monde impressionnant de formes inconnues. Que montrez-vous exactement dans ces compositions ? Je montre le dialogue entre, d’une part, le son, les ondes acoustiques et d’autre part, la musique et l’eau. Souvent les gens qui ont assisté à mes concerts croient que je rends les sons visibles. Mais ce n’est pas cela : je montre la réponse de l’eau aux ondes acoustiques. Mes « Wasserklangbilder » (compositions d’eau activées par des ondes acoustiques) sont, pour ainsi dire, des phénomènes sous forme de dialogue entre une vibration acoustique et l’eau qui répond sous forme de vaguelettes sur une surface. Comment êtes-vous entré en contact avec ce domaine bien spécifique ? Depuis ma jeunesse, j’ai une passion pour les tortues. Mon intérêt se porte surtout sur la question des structures et des signes. Pourquoi la carapace de la tortue s’orne-t-elle précisément de ce motif-là ? De là, mon intérêt, depuis des années, pour la morphogenèse. Comment et d’où provient la forme, mais également l’aspect. Jusqu’au jour où j’ai pris connaissance, dans une revue scientifique suisse renommée, des reproductions de figures d’ondes sonores chladniennes. Ces figures d’ondes sonores que vous évoquez remontent au chercheur scientifique Ernst Florens Friedrich Chladni. Napoléon aurait dit de lui : « Cet homme rend les sons visibles. » Qu’en est-il exactement du terme « figure d’ondes sonores chladniennes » ?
Chladni a fait des expériences avec des sons et des ondes sonores et publia le résultat de ses travaux, qui finalement sera le point de départ de l’acoustique, en 1787, dans son étude indicative « Entdeckungen über die Theorie des Klanges » (Découvertes sur la théorie des sons). Il répandit du sable sur une mince plaque métallique ou sur une vitre qu’il tenait en main et la fit vibrer en frottant un archet sur ses bords. Suite au son produit par la plaque, le sable fait mouvement du champ vibratoire vers les lignes de nœuds plus calmes au long desquelles il se rassemble et s’immobilise. De cette façon, Chladni a laissé se créer toutes sortes de motifs que ses contemporains, parmi lesquels Goethe, ont trouvé tellement fascinants que Chladni a pu gagner sa vie, grâce à ses démonstrations. Il faut situer cela dans le contexte scientifique, culturel et historique d’alors. Jusqu’à Kepler, la conception généralement admise était que les vibrations sonores, y compris la musique, étaient une force universelle dans le monde. L’ « Harmonices Mundi » se base précisément sur cette idée-là : tout l’univers, les voies planétaires et les corps célestes sont pénétrés par une loi harmonieuse. Ou encore, prenez Pythagore ou Platon, prenez les anciens d’Égypte et les sages de l’Inde : le phénomène son et musique est continûment présent dans leur vision du monde. À la suite de Kepler, ces réflexions ont été moquées par les scientifiques éclairés et sont tombées dans l’oubli. Alors vint Chladni qui, pour la première fois, prouva l’inimaginable : à savoir qu’un son pouvait impressionner une matière, la déplacer et lui donner une forme. Culturellement et scientifiquement, ce fût un moment de grand intérêt. Aujourd’hui, alors que le domaine de l’étude des vibrations revient au premier plan, l’œuvre de E. Chladni suscite un regain d’intérêt. De manière remarquable, Chladni, parallèlement
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à ses recherches concernant l’acoustique et la construction d’instruments de musique, a réalisé un travail de pionnier dans l’étude des météorites de sorte que, depuis lors, il est considéré comme l’un des fondateurs de la recherche scientifique dans ce domaine. De manière différente de celle de Chladni, qui se servait, dans ses expériences, de sable et d’autres corps solides, vous travaillez avec de l’eau, un liquide. Pourquoi l’eau ? À un moment donné, je suis passé, dans mes expériences, du sable aux liquides. Étant donné que tous les processus embryonnaires de développement dans la nature prennent naissance dans un médium entièrement liquide, il m’a semblé que l’on pourrait reconnaître de tels processus de formation plus directement qu’avec des matières rigides plus lourdes. L’eau,
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je le savais, a une proximité marquée avec le monde des sons et est un bien meilleur médium de transport des ondes acoustiques que, par exemple, l’air. L’impulsion de tenter ces expériences au moyen de liquides, grâce auxquelles je tente de développer une typologie, plus particulièrement une phénoménologie des processus formatifs, découle finalement des travaux du Docteur suisse, Hans Jenny. C’est lui qui, dans les années soixante et septante a repris les travaux de Chladni et les a développés à l’aide de médiums liquides en vibration. Il s’est servi d’eau, d’huiles, de différents liquides, de lait, de yogourt et de beaucoup d’autres substances et a publié le résultat de ses recherches. C’est lui qui a créé le terme « Kymatologie », du grec « to kyma », la vague, qui rassemble le grand domaine de la phénoménologie des vagues. Il est intéressant de savoir que Hans Jenny,
avant de se lancer dans la thématique des vagues, s’est occupé des processus de formation et de composition dans la nature et a rédigé une étude traitant des prototypes animaliers. Chaque plante, chaque brin d’herbe, pousse – d’après les observations de Jenny – d’après un principe qu’il a nommé « périodicité » et d’après lequel se répètent toujours deux caractéristiques différentes : des « nœuds » et des « longueurs de pousse » ; à savoir des rétrécissements et des développements ou encore, en termes médicaux, des systoles et des diastoles (en tant que gestuelle des pulsations du cœur vivant). Parmi toutes ces diversités fascinantes et ces modèles vibratoires imprévisibles, êtesvous tombé dans vos recherches sur des structures universelles ? En règle générale, on peut déduire des essais que des fréquences différentes font naître des formes différentes. Des fréquences basses, par exemple, donnent de grandes vagues, alors que de hautes fréquences donnent des vaguelettes bien ciselées. C’est une sorte de loi fondamentale. Cependant, les deux mouvements initiaux de toute composition tridimensionnelle des corps devenant continûment visible et se pliant à tous les processus formels de la nature, sont le convexe et le concave. C’est à dire le bombement vers l’extérieur et le creusement vers l’intérieur. C’est l’abc de toute composition tridimensionnelle, que vous considériez l’Empire State Building, la structure du corps d’un animal ou une œuvre d’art en sculpture. Mon point de départ est toujours la forme, le phénomène de la forme. Et non, par exemple, des calculs mathématiques complexes concernant la plaque. J’observe comment la forme se structure. Dans les essais sur plaques métalliques, sur lesquelles des centaines de formes apparaissent, activées de zéro à 20.000 Hz, des « modules » ou structures vibratoires semblables sont reconnaissables. Au premier coup d’œil, on ne voit qu’un chaos de formes. Mais, en y regardant de plus près, on constate qu’il existe des conformités. Des motifs se créent et se répètent avec de
légères modifications, le « type » de la forme, toutefois, est conservé. Dit plus simplement : ce qui adopte une forme de cercle sous 200 Hz ne sera pas carré sous 3000 Hz, mais apparaîtra éventuellement un cercle supplémentaire, une nouvelle caractéristique en plus. Curieusement, vers la septième répétition s’opère un changement dans le motif formel, néanmoins, toutes les compositions appartiennent à une même série. Du cours de physique, on connaît le terme de la « vague debout ». Quelle importance revêt ce phénomène dans votre travail ? De l’eau pure, contenue dans un récipient arrondi et activée par le bas par un son sinus, situé entre 20 et 300 Hz, commence à vibrer et à bouger. Si l’on réussit à mettre au diapason la fréquence agissante avec les vibrations propres à l’eau, alors peut se former une telle « vague debout ». Dans une substance, tout est en mouvement. Mais le mouvement peut soudain adopter une structure qui se stabilise de telle sorte qu’elle se plie à un motif supérieur et apaisé. Les différents mouvements de vaguelettes ne se gênent pas entre elles, mais se positionnent afin de former un tout homogène, vibrant. Ce que le physicien nomme « vague debout » devient, de plus en plus, un modèle de Gestaltbildung (formation d’une composition). La physique quantique moderne explique aujourd’hui les principes établis d’ordonnancement des matières solides grâce à des représentations de motifs oscillatoires cohérents. Vous avez observé certains processus de formation de motifs en faisant vibrer une goutte d’eau. Ces essais peuvent-ils donner une réponse à votre questionnement sur le plan de la morphogenèse à propos de l’élaboration de formes ? Par principe, deux espèces de forces sont nécessaires à l’élaboration des motifs de ces compositions liquides : d’une part, la tension de la surface isolante qui tend toujours à donner à la goutte d’eau la forme d’une sphère et, d’autre part, la vibration qui tend à la disperser. Si ces
deux processus contraires entrent en dialogue dans un processus d’échange, alors, au moment exact où l’une des forces peut tout juste encore « tenir » la goutte et où l’autre force entame déjà son intervention, se produit quelque chose de neuf. De la forme se crée. C’est, je le crois, une loi fondamentale. Ce qui est décisif, et cela m’a profondément impressionné, c’est que les deux forces différentes ne s’opposent pas, ne se font pas la guerre, mais qu’elles entament un dialogue. La nature se stabilise d’elle-même. Cela aussi est de plus en plus reconnu dans les sciences naturelles, en biologie et en écologie : l’ancien modèle concurrentiel darwiniste perd de plus en plus son caractère essentiel au profit d’un modèle de coopération. Les scientifiques reconnaissent aujourd’hui très clairement que des systèmes naturels coopératifs, à l’opposé de l’évolutionnisme, du « c’est-le-plus-fort-qui-gagne », sont les forces les plus aptes à la survie. Peut-on prétendre que chaque fois que vous utilisez les mêmes fréquences se forment des motifs semblables ? Si vous avez exactement la même qualité d’eau, à la même température, la même pression de l’air, la même température ambiante, la même électrostatique, alors oui. Mais c’est là justement la difficulté avec l’eau. Tous les chercheurs scientifiques et les limnologues (la limnologie est l’étude des phénomènes physiques et biologiques des lacs et, plus généralement, des eaux douces) dans le domaine de l’eau vous le diront : l’eau contrecarre toutes les prévisions. L’eau est tellement sensible aux sons qu’il nous est impossible de contrôler tous les facteurs influents. Comment agissez-vous concrètement ? Quels appareillages spéciaux utilisez-vous pour vos « Wasserklangbilder » ? L’invention décisive se trouve sous l’eau, sous la plaque métallique. Là se trouve un «
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transformateur de sons ». De façon tout à fait différente d’un haut-parleur, ce transformateur ne porte pas les ondes acoustiques dans l’atmosphère – elles perdraient bien trop d’énergie vibratoire – mais il transmet les sons immédiatement à la plaque ou au récipient avec lesquels l’eau est en contact. Pour obtenir une fréquence vibratoire absolument propre à un signal impulsif, j’utilise un générateur de fréquences. Le signal sinus passe dans un amplificateur et de là dans un transformateur qui lui, le transmet par un mouvement mécanique de va-et-vient. Pour la réception, j’utilise de l’eau pure, sans dissolvants, sans produits réfléchissants ou apparentés, un Leica classique avec film (Diafilm) et, à côté de l’appareil photographique, j’ai installé une lampe tout ce qu’il y a de plus normal. Vous voyez, tout cela est très archaïque. Et quand j’en parle, les gens sont toujours surpris et disent : Comment ? C’est aussi simple ? Jusqu’à présent, vous avez parlé de fréquences et de vibrations. Et qu’en estil de la musique ? Quelles sont les ondes acoustiques qui créent les plus belles « compositions liquides » ? Pour faire court, on ne peut pas dire qu’une musique harmonieuse produise de belles images et le Heavy Metal de très laides. Ce serait trop simple. Il existe aussi des « Wasserklangbilder » de Heavy Metal qui sont fascinantes. De toute façon, je suis prudent avec l’idée que la disharmonie serait quelque chose de mauvais. On sait depuis longtemps que si, en musique, tout était toujours harmonieux, les auditeurs s’endormiraient. La disharmonie est, si l’on veut, le moment progressif qui pousse à persévérer et produit de la tension qui, ensuite, va se dissiper. Le tout est donc un phénomène de résonance. Le son d’un violon jouant piano ou pianissimo, par exemple, ne sera pas, en règle générale, propice à de telles compositions liquides. Cela n’a rien à voir avec la puissance de l’instrument mais avec le volume du son. La difficulté est de produire un faisceau de fréquences le plus large possible, d’où s’ensuit que les sons bas dessinent des structures liquides larges et les sons aigus plutôt de fines vaguelettes. Quelle importance vos conclusions pourraient-elles amener à la biologie ? Devons-nous à présent repenser le processus de l’évolution de la nature ?
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Effectivement, la question du moteur de l’évolution est, jusqu’à ce jour, l’une des grandes questions de la biologie. Je pense, et c’est ma définition de l’évolution, que dans le processus d’évolution dans son entier, il s’agit finalement de développer et d’optimaliser sa propre capacité de résonance. Singulièrement, il n’existe pas d’organismes vivants, même pas une amibe, qui n’aie pas de frontières. La vie commence en se délimitant et ne peut exister qu’en se mettant en relation avec ce dont elle s’est isolée préalablement. La vie n’est en rien isolée. Même le plus petit virus, s’il n’a pas de métabolisme propre, doit se mettre en relation, d’une façon ou d’une autre, avec son voisin. L’amélioration de ce dialogue entre l’intérieur et l’extérieur, c’est-à-dire l’accroissement de la capacité de résonance, je la tiens pour la stimulation fondamentale évolutionnaire inhérente à chaque organisme. L’évolution des organes sensitifs est en progression constante. Si vous lisez aujourd’hui un ouvrage traitant de la physiologie des sens, vous constaterez que la résonance est le terme décisif.
Traduction : GIL www.wasserklangbilder.de
Considérez-vous vos travaux plutôt comme une science ou plutôt comme un art ? C’est soit l’un, soit l’autre. Chez les Grecs anciens, les sciences et les arts n’étaient pas des valeurs antinomiques. Une grande part des problèmes de notre civilisation vient du fait que ces deux domaines sont tenus extrêmement éloignés l’un de l’autre. C’est pourquoi les sciences ont pu, peut-être, fabriquer une telle quantité de produits destructeurs tels les poisons et les armes qui se retournent contre la vie elle-même. L’extrême pointe d’une telle sorte de science est la bombe atomique. Parallèlement, on a éliminé l’élément artistique, considéré comme subjectif, dans l’homme et, dès lors, pas pris au sérieux. Au fond, aujourd’hui, on ne permet plus au scientifique d’aborder son objet d’étude de manière esthétique, c’est à dire dans la position intérieure d’un artiste. Malgré ce qui précède, un point de départ scientifiquement phénoménologique n’exclut pas une sensibilité artistique à l’esthétisme, dès lors, je tiens pour essentiel, de tenter, en tant qu’être humain, de faire dialoguer ces deux aspects : Art et Science.
MULTIVER(S) par Jean-Emmanuel Ducoin, journaliste et écrivain (article paru dans « L’Humanité» le 26-02-2011)
Univers. Nuit étoilée – vent frais. Des transats et des couvertures pour tout confort. Et une contemplation d’autant plus météorique qu’elle survient en poésie suggérée… Confrontés à cet exercice élémentaire venu du fond des âges qui consiste, une fois n’est pas coutume, à scruter la voûte céleste comme appropriation d’un questionnement redimensionné à notre stricte échelle (humaine), il convient de libérer son esprit pour que l’imagination dépasse sa propre imagination, que la prodigieuse densité de nos songes devienne évanescence sublimée. Dans L’Univers expliqué à mes petits-enfants, (Plon), l’astrophysicien Hubert Reeves évoque ce qu’il appelle « le sentiment de notre présence parmi les astres ». D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Que savons-nous ? Le mystère métaphysique l’emporte-t-il sur la science ? Instantanée. Pour chacun d’entre nous, l’univers et sa perception réelle commencent ainsi : ce que nous sentons et ressentons, ce qui nous permet de voir et d’écouter, de percevoir à la fois notre monde intérieur et notre monde extérieur. Indispensable aller-retour de notre intelligence pourtant limitée aux frontières des connaissances actuelles, à partir desquelles nous pouvons lire comme dans un livre ouvert – mais seulement les tout premiers chapitres. Devant cette myriade de points brillants plus ou moins scintillants, choisissons par exemple la constellation d’Orion. Que nous enseignet-elle ? Une chose fondamentale : quand nous observons un astre très éloigné, nous le voyons tel qu’il était dans un passé lointain, très lointain parfois. Orion nous renvoie ainsi « l’image » étincelante d’un instantané dont la lumière a voyagé durant mille cinq cents ans
avant de nous parvenir, franchissant allègrement l’Empire romain, le Moyen Âge, la Renaissance et toutes les époques contemporaines. Hubert Reeves résume : « Regarder loin, c’est regarder tôt. » Savez-vous que l’étoile polaire, première à éclairer la nuit en nous indiquant le nord, se situe à quatre cent trente années-lumière ? Pour parvenir jusqu’à nous, cet éclat incomparable a quitté son étoile autour de l’année 1580… Pudding. Poussières d’étoiles nous sommes – poussières d’étoiles nous redeviendrons. « En nous parlant de l’Univers, affirme Hubert Reeves, la science cherche à connaître tous les événements qui se sont succédé dans le ciel et sur la Terre et qui ont eu pour résultat notre propre existence. Elle nous raconte notre propre histoire. » À commencer par l’univers en expansion. Toute comparaison nous aide à nous représenter le phénomène. D’où le fameux pudding aux raisins. « Dans une pâte contenant de la levure, on a mis des raisins secs, explique Reeves. On met au four et on observe ce qui se passe. La pâte, en gonflant, entraîne dans son mouvement les raisins qui s’éloignent lentement les uns des autres. Maintenant, imaginons que nous sommes installés sur un des raisins et regardons autour de nous. Nous verrons alors nos voisins raisins se déplacer d’une façon très particulière. Les plus proches bougent lentement tandis que les plus lointains vont beaucoup plus vite… mais tous s’éloignent dans un grand mouvement d’ensemble. On dira que le pudding est en expansion. » Comme l’univers. Qui «ressemble à un pudding quant à ses mouvements », mais qui en « diffère par la forme ». Le pudding possède un centre et un bord, il s’étend dans l’espace vide du four. « Notre
Univers n’a ni centre ni bord, raconte Reeves. Au meilleur de notre connaissance actuelle, il n’y a pas d’espace vide autour de lui. L’Univers, ce sont des galaxies partout. Et elles s’éloignent les unes des autres. » Puisque le scénario du big bang comme « horizon » de notre passé (et non comme « début ») reste pour l’instant, dans ses grandes lignes, la meilleure narration du passé du cosmos, la relativité d’Einstein nous donne une indication précieuse : si notre univers est en expansion, il refroidit… Lois. « Absence de preuve n’est pas preuve d’absence.» Hubert Reeves aime à déjouer les évidences. Après l’épisode des atomes prétendument « incassables » et des protons prétendument « premiers », nul ne peut désormais s’aventurer à affirmer que les scientifiques ont enfin atteint l’échelon bas, celui où se trouveraient les « particules élémentaires ». Il en va de même avec le cosmos et s’il suffisait de se dire « j’existe » pour éprouver l’une des plus extraordinaires prouesses de l’univers, pourquoi chercherions-nous encore quelques réponses introuvables ? En effet, comment les molécules qui nageaient dans les eaux ont-elles pu s’agencer pour former un organisme capable de se nourrir et de se reproduire ? Les scientifiques n’en savent rien, aucun scénario n’existe à ce jour. Mais il a fallu les travaux de Galilée et de Newton pour dépasser notre vision de l’univers imaginée par Aristote. Alors ? « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? », demandait Leibniz. Récemment, des scientifiques ont sérieusement émis l’hypothèse que notre univers ne serait qu’un cosmos parmi quantité d’autres. L’ensemble de ces univers est communément appelé « multivers ». Conclusion ? S’il existe d’autres univers et si ceux-ci obéissent à des lois différentes des nôtres, faut-il encore s’étonner de la fertilité du nôtre, fruit d’événements qui ne sont que l’advenue du réel en tant que possible futur de lui-même ? La durée de notre existence est « comme l’épaisseur de la couche de peinture au sommet de la tour Eiffel par rapport à la hauteur de la tour », disait Mark Twain. Rien n’est écrit à l’avance.
LES MOTS QUI CLAQUENT 17
Si c’est ça, alors non!
par Olivier Thomas www.tomassenkoproduction.be
« Si » ou « ça », ici ou là « Ça » ou « si », issa ouli !? Et c’est holà, stop, ça va pas, ça va pas ça, ça-pas-sra-pas Quand tu fais ça c’est beurk, Quand tu fais ça c’est beurk !
Ça marche de-ci delà, ça claudique : Tu zigzagues, tu zozotes, tu patauges, tu zézaies, tu t’essaies à voir clair. Ça fra quoi au fond, si j’active ça et ça, peut-être que… Ça fra ce que ça fra et puis c’est tout ! Ca suffit comme ça, ça suffa comme si… !
si ou ça, ou si ou ça, ou si ou ça … issaouli franchement ou ça aussi, et ça aussi, et ça aussi, et ça aussi quoique ?
Mais ça ne marche pas comme ça, ça ne marche pas
Si c’est « ça », c’est pas « ça », et si c’est « si », c’est pas « si »…
Si, est remplit de ça, alors comment extraire ce ça du si ? Et ça, est remplit de si évidemment, comment extraire ce si du ça, pour que ça soit… « ça », au fond, sans « si », ou « si », aussi, sans « ça ».
Mais Si c’est ça et ça, sans si…ou si et si, sans ça, ce n’est pas… « Ça », non plus, en soi… ce n’est pas si ça que ça, ce n’est donc pas ça ! Alors si c’est ça, c’est que tu… hésites ! C’est que … tu hésites! C’est… que tu hésites ! C’est…euh, C’est que…euh, C’est que tu… euh…hésites ! C’est que tu hésites ! C’est que tu hésites ! Hésites ! Hésites ! C’est sûr ! Tu oscilles ooh non oh si oh non, tangente oblique ! Et ça… C’est holà, stop, ça va pas, ça va pas ça, ça-passra-pas Quand tu fais ça c’est beurk, quand tu fais ça c’est beurk ! Si c’est « si » c’est pas « ça », si c’est « ça » c’est pas « si », c’est tout ! Mais ça marche pas comme ça, ça ne marche pas Si c’est pas ça c’est si ! Oui. Mais si ce si doit attendre que le ça se dévoile, sans jamais être sûr au fond, que ça c’est ça, et donc pas si, ça n’est pas si sur que ça que le si sache quand ça n’est pas ça… C’est si sans ça alors, et puis c’est tout ! Mais ça ne marche pas comme ça, ça ne marche pas
18 LES MOTS QUI CLAQUENT
Dire tout sans penser à ? Dire tas sans penser où ?
C’est comme retirer le sucre d’un fruit, sans son sucre à soi, le fruit n’est plus fruit, il n’en est que l’ombre, le parfum peut-être, qui n’est lui-même que le fruit du fruit, son essence. Et ça ne serait plus si fruit que ça Donc «si», sans ça, n’est plus si Et «ça», sans si, n’est plus ça, enfin pour moi Maintenant si le «si» se met à faire si (hésitant)…alors le « ça » se complique. Tu dois choisir, tu dois couper, tu dois extraire, tu dois simplifier pour être clair et lisible sur le devant de toi. Le « non choisi », le « quiézite », doit rester au secret, au milieu caché, au centre non divulgué. Le « quiézite », comme une tribu dans la forêt. Invisibles, tapis, aplatis. Invisibles, tapis, aplatis. Nous ne sommes donc pas sic sur le devant de nous, c’est ça ? Nous sommes façades, face à des façades ? C’est ça ? Le sic, le dit comme tel, écrit comme c’est dit, le sic, haché menu, pensé vrai balbutiant, le sic hésitant tricotant doit rester dedans, c’est ça ? Le sic opposant papotant dans rester dedans c’est ça ? Le qui cherche sans trouver, enfoui, doit rester dedans c’est ça ?
Pas de place pour zézaie, pas de place pour zozote, pas de place pour les ze ne sais pas, ze ne sais plus, z’oublie, ze crois, peut-être, à moins que… Au dehors c’est tchac, c’est ça ? Tchac ! C’est ça le ça ? Tchac ! Et bien moi je suis fatigué de ce ça, parce que je suis si si… si ça au fond, quelqu’un qui hésite, qui ne choisi pas sans avoir scruté, décomposé, choisit en son âme et conscience, à petit pas, en attendant que le ça se dévoile, et si ça ne se dévoile pas, ben tant pis, j’attendrai que le ça soi si ça, que je n’hésiterai plus, et je dirai alors, c’est ça que veux. Mais ça n’existe pas, et je le sais, du ça sans si, du ça tellement ça, que tout est si… et qu’il n’y a plus que ça. Je ne veux pas savoir ce que je veux, je ne veux pas voir ça, je ne veux rien, je veux « rien ». Pas tout ou rien. Et alors tout est si… tout oscille, tout est aussi ça. Mais rien c’est du temps qui passe, et le temps c’est de l’argent, et l’argent ça n’est pas rien, et on ne veut pas de rien et puis c’est tout, on ne peut pas « de rien » et puis c’est tout. Alors en attendant que le tout soit ça, sans si, pour que ça plaise à … Il faut dire non à tout ce qui zézaie ? Il faut dire non à tout ce qui zozote ? À tout ce qui ze sais pas, ze sais plus, zigzague ? C’est ça ? Sans savoir si le si poétique s’y trouvait, sans savoir s’il s’agissait du beau ? Tchac, trancher tranchant ? Sans se soucier du souci ? C’est ça ? Ben si c’est ça, ça c’est… ça c’est, ben ça alors, là… Il faut peut-être dire oui à tout alors, à tout ce qui fait tout. Pour être dans tout ça là qui…Dire non à peut-être… pourquoi pas… Pour être dans tout ça là qui … Moi, mes jours sont des peut-être…pourquoi pas… Je suis ici où là, de-ci de-là, flageolant sic sur le devant. En disant non à peut-être… pourquoi pas…, pour moi c’est un petit peu comme dire au revoir à aujourd’hui, à l’ici et maintenant, dire bonjour à
LES MULTIVERS demain, à un de ces jours, à un de ces jours sans tout ça, à plus, à plus tard, à au plus tard dans pas longtemps, quand les murs auront des dents, à la semaine des quatre jeudi donc. Et quoi pour aujourd’hui, les certitudes de ça là qui… ? A moins que, oui, peut-être… pourquoi pas…, ce soit ça mon ça, décliner du peut-être… pourquoi pas… Pfff. Parfois… Le vert est vert alors tant pis, même s’il est bleu et jaune, L’orange orange alors tant pis, même s’il est rouge et jaune, Le mauve mauve alors tant pis, même s’il est rouge et bleu. Le rouge est rouge, ah oui, c’est un primaire, rien que du rouge dans le rouge, primaire, Ah oui c’est rouge hein, Le jaune est jaune, Ah oui, c’est un primaire, rien que du jaune dans le jaune, primaire, ah oui c’est jaune hein, Le bleu est bleu, Ah oui, c’est un primaire, rien que du bleu dans le bleu, primaire, Ah oui, c’est bleu hein. Mais les trois, ensemble, donne du noir sale sur le papier. Les trois, ensemble, s’annulent dans la lumière. Même s’il est le tout divisible, le blanc est blanc, et le blanc ce n’est pas une couleur. Enfin, tout ça on s’en fout donc, la matière et l’antimatière, basta, pas de place pour zézaie qu’on disait, pas de place pour zozote, z’en sais rien moi, fais ce que tu veux, peutêtre, à moins que ? Et bien tant pis, z’m’en fous. Moi, z’est holà, stop, ça va pas, ça va pas ça, ça-pas-sra-pas : j’zézaie !
TOMASSENKO
sera en trio au Théâtre de la Vie le 30/09 et le 01/10/2011 à 20h15 reservations : www.theatredelavie.be ou 02 219 60 06
Le « Théâtre de la Vie » initie cette saison un nouveau cycle rassemblant théâtre, concerts, performances, conférences, installations... Le principe général de ces soirées composées s’organise autour d’une personnalité artistique qui – selon son expérience et ses affinités – nous propose une constellation de projets, en lien avec son propre univers. L’occasion de rencontrer les univers artistiques de JeanJacques Lemêtre (FR), Olivier Thomas (BE), Gwen Berrou (BE), Christiane Hommelsheim (DE)...
Et si on utilisait la technologie pour résoudre les grands problèmes planétaires et réaliser le paradis sur Terre? La technologie a créé de nouveaux cauchemars, en donnant à l’homme le pouvoir de détruire la planète et d’y anéantir le fruit de 4 milliards d’années d’évolution. Et si l’humanité prenait conscience que la
Propositions utopistes ... extraites du site de Bernard Werber : www.arbre des possibles.com Avec l’aimable accord de Bernard Werber et Sylvain Timsit.
technologie lui donne aussi tous les moyens de résoudre les grands problèmes planétaires ? Une utilisation intelligente de la technologie pourrait permettre d’éradiquer la famine dans le monde, d’augmenter le niveau d’éducation et de culture, d’éliminer presque totalement le travail humain, et de développer des sources d’énergies et des transports non-polluants. Indemnité universelle Ne pourrait on pas imaginer une société où chaque citoyen du monde recevrait dès sa naissance une indemnité, égale pour tous, lui permettant de se développer comme bon lui semble, de travailler ou non, d’être actif ou inactif. Pour l’un, le travail deviendrait une activité lucrative supplémentaire, quant à l’autre, il agira sur son développement personnel etc....
Et si le statut de citoyen du monde voyait le jour ?... Si l’on pouvait se réclamer terrien et non français, breton ou européen, et si l’on pouvait circuler librement d’un pays à l’autre, si l’on pouvait s’installer, travailler où l’on désire, quelles conséquences cela aurait-il ? Certain pays seraient-ils victimes d’une ruée vers l’or, serait-il nécessaire de revoir certaines lois, d’en créer d’autres pour ces citoyens terriens ? Est-ce que ces gens seraient responsables, des sortes d’anges gardiens terriens, voyageant au gré du vent pour apporter des idées où il en manque, ou de la main d’œuvre ? Et si la vie n’était plus que loisir et réflexion. (Attention utopie) Si les gens étaient vraiment intelligents et altruistes, s’ils cherchaient simplement ce qui leur plait sans vouloir le profit immédiat et personnel, alors on pourrait avoir une civilisation qui aurait des machines pour produire tout ce qui est nécessaire à son loisir et à sa survie et chacun s’occuperait des tâches qui l’intéressent. Chacun aurait le temps de réfléchir aux grandes questions de la vie. Pour cela il faudrait que l’on perde l’habitude d’être accro au malheur pour profiter des bonnes choses... Et s’il existait un gouvernement des rêves, à l’écoute des citoyens ? Il existerait une sorte de temple, un peu gigantesque, un peu étrange, dans un pays exotique, d’Afrique, un pays pauvre. Un pays où toute l’énergie se trouve dans les rêves. Et un gouvernement s’y trouverait, constitué d’environ mille personnes, d’horizons différents, cherchant à réaliser les rêves des citoyens, au préalable envoyés dans une boîte à idées. Un à deux rêves mondiaux seraient réalisés par mois, des rêves naissant d’une individualité mais pouvant directement influencer sur la société - critère essentiel pour le choix des rêves à réaliser. Et si une banque de données accessibles à tous... Contenait un moyen de contact avec les grands scientifiques Si une liste d’e-mail était créée, comportant l’e-mail de grands chercheurs de tous les domaines. Si en plus sur
le même site il y avait un forum de discussion ? Si l’on pouvait soumettre des théories, des pensées ou des éclairs de génie aux grands physiciens, mathématiciens et ainsi de suite ? Et si l’on pouvait tout simplement débattre de sujets sur un forum de discussion avec des personnes ayant fait de longues études ? Exemple : j’ai une idée pour changer mondialement les moteurs des voitures. Je fais un post sur le forum et des personnes plus expérimentées que moi donnent leur avis. Lorsque mon idée est bien structurée, j’envoie la copie de l’idée à toutes les personnes que cela pourrait intéresser. Quel impact pourrait-il y avoir sur l’évolution ? La conscience des masses ? Cela permettrait-il concrètement une révolution scientifique ? Et si on utilisait les médias pour «élever le niveau» au lieu de l’abaisser ? En d’autres termes, comment évoluerait la société si on augmentait la culture générale et l’intelligence moyenne de la population ? Vers une nouvelle conscience politique De plus en plus de gens prennent conscience des enjeux planétaires, que ce soit de l’écologie ou du besoin de plus de liberté. À partir de là, on peut imaginer que l’humanité prenne conscience de son importance et mette en place une gouvernance hors de tout système politique existant, basée sur une vraie démocratie, où toutes les décisions sont prises en commun, par le biais d’internet. Les gouvernants ne sont plus d’un parti, et se contentent d’être des porte-paroles du peuple qu’ils représentent. Sous cette égide, les marchés financiers ont été bridés au niveau mondial, et les industries, au lieu de produire pour créer de nouvelles richesses qui vont dans la poche d’une minorité et créer de nouveaux besoins, produisent en réponse à des besoins. De ce fait, elles sont bien moins gourmandes en ressources, et de plus en plus se tournent vers des productions raisonnées, plus respectueuses de l’environnement et du développement durable. La notion de frontière a été abolie, et, ayant besoin d’un moyen de communiquer au niveau mondial, une langue simplifiée a été initialement inventée, qui s’enrichit tous les jours de nouveaux mots pour manipuler de nouveaux concepts.
Bref, les humains sont devenus une race pleinement adulte.
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ce, mon
silen i c’est le
écrin
r emier c Mon pr cence li a indront ciences m re es cons qui ente d t x Hardco u le e u c b tendron te à , funam tres s’é ut le res u a to Obscur t s e le ts and ces mo ront qu J’dédie ui reste q x u e c s nt Et à tou i s’agite leurs qu u o de pluie t C e . loire lgie… g ta e s d o s n r , r ol Mes jou Douleu de l’env Réagir… eu l’âge … i e a r j’ lè ù o s o C ur ver nt à l’en dès le jo venue, anges, ’écoule s tr é ure est ls , e ’i e h u g l’ q a , r r te u e r o d o p p uves Instants ouvre la is les fle , Dan-T, x » la te J’frappa e r R o « p » espère, i trans ’a dit : u m q i n barrent o ti nce ou s m o t n De s e r ’e i ains se c u , tr e q s r , c e le n ir i a l’ mo nsp on lève tour de I qui tra es, rs si au ’est MO u c o c « es song e d it s d u le a u c e J’ai s g u a p r ré elle ma he, au c qui app dimanc n u p a r au he J’ai cru re flanc l’équilib e u q it nt le, suff plonge e faim, s’ennuie cent mil ambule is pas d t parmi eux qui a a c v e e ld r Et le fun d o c s j’ e , , e rêv manque anonym rs et le Visage états de uchema s a e c m e s t u e n q ban de m sura le pire ire, cen qué de sans nu pas bra i i a d ire, n j’ u a c tr r s n J’ai g e con xe do d lu e e g d a r s pa rs s, la style j’rêvais es pleu le temp er mon es et m traqué is d t r o r e tô c m lu y p em lus J’ai nds et de mes e l’est p es tréfo la mare esprit n s n n a o visiter m d m n ais le crayo erde m J’ai pris ans la m d s r u jo u Je suis to ’agitent rs qui s u le u o nragée ie… C . Fuite e nostalg .. , r r u u le le a u ie Ch Do t de plu sprit Réagir… gloire e états d’e e s d e Colère… s m r , u s ur it mes jo s intérie J’ai écr monde s le , ir o p Mon es s autres e tous le m m hement, utres o c par Dan-T, musicien / slameur déhanc oup d’a à poil, c r u u é in a u le e q r r b a a que ux p on chem J’ai déb ins seul u sur m leurs ye o e t, p m n i e e a is r m cro che J’reparti Après de discrets débuts en solo, Dan-T a évolué entre x si j’en ens fran nt mieu e des g ta im pervers s a j’ ie té a i S 2003 et 2008 au sein du collectif « Les Autres », qui son cô sont vr é s tr e ir » n ll o ’e ite m ien à vo tant qu se vert compte beaucoup d’apparitions sur les scènes et ur m’a v a plus r o y m , me lais a c a l’ e , ç m , is il e a v s voiles s tr p n u T compilations rap bruxelloises. ettrai le it « Re est tro d m e r ’a u je m to is t n et pu ui m’e La mor chanter ue ce q s de le p st vrai q peler euplé m ’e p te r C Fort de l’expérience acquise et de l’inspiration puisée oi le t se rap est su u r e -m v e fe s n e is e d rdures mon ire, l’ Mais la au cours de cette période, Dan-T a démarré fin 2008 nne à o e qui le purgato e d b u , a e a e ir m v lo r op dur la g mme J’rése de vie tr l’élaboration de son projet solo, un album «concept» obtient s est co in i e a u m tr q ô n e m d ’u nt d Regar rds de nommé États d’esprit, où les titres se suivent comme les plaigne blasées e millia ires se a menu d d ais déjà r e a m L li u il c es é m v pages d’un même livre, à la fois uniques et indissociables. fs s ti jà brisé , san por lleuses Et des s aient dé ie v a m s , Pendant l’année 2009, il fait la rencontre des différents iz le fs me ow-b s cle causer ardé le Stars sh membres du « Band » actuel, lors de Jam Sessions et, ême de is j’ai g a m t m la pluie n , s a is u v Qui a parad zant so e n c o r e ensemble, ils élaborent le spectacle États d’esprit, qui b d n jeté s, e On m’a parodie restitue l’atmosphère de l’album du même nom, tout en lui ai mes r te n a h J’y c an-T offrant une plus grande ouverture musicale. Depuis début um de D de l’alb Extrait 2010, sollicité pour de nombreuses représentations, le groupe s’est forgé une forte expérience scénique, et une identité à part dans la sphère musicale belge.
états d’esprit
www.eleguaprod.be www.myspace.com/lesautresdante
© Sébastien Delahaye
Mr.PIMPANT
Illustrateur, né à Lille en 1986, émigre en Belgique pour y faire ses études (Tournai et Bruxelles).
propos recueillis par Abdel Bouzbiba
Comment travailles-tu de manière générale, et quelles sont tes sources d’inspiration ? Je dessine beaucoup d’observation dans des carnets. Les envies de raconter passent par la bande dessinée ou l’animation. Le reste du temps, j’essaie de comprendre un peu plus le dessin. L’autoroute E429 Lille-Bruxelles est une bonne source d’inspiration pour moi en ce moment, cent kilomètres en ligne droite seul et sans musique, méditation contemporaine. Dans ton travail on ressent une immense liberté, est-ce le résultat d’une construction intellectuelle, d’une pensée raisonnée presque philosophique sur le monde, ou bien est-ce que tu laisses jaillir les choses de manière instinctive ? Tous mes projets sont liés, dans le désordre. C’est pour ça qu’il m’est nécessaire de toucher à plusieurs techniques ou domaines. Avant de vouloir dessiner, ado, je m’intéressais à la programmation, ça a beaucoup influencé mon travail bizarrement, j’ai une vision « systémique »; j’essaie de synthétiser ma pratique du moment au maximum, une fois que j’en ai tiré l’essence et que j’en dégage une impression de maîtrise, j’ai besoin de tout casser et passer à autre chose pour ne pas me lasser. La liberté que tu vois dans mon travail est sans doute issue de la claustrophobie. Quand j’en viens à vouloir raconter quelque chose avec la bande dessinée ou l’animation, c’est qu’au delà du côté formel j’ai foncièrement besoin d’expulser quelque chose. J’ai découvert ton travail via le collectif French Fourch, peux-tu nous expliquer en quoi le fait de travailler avec d’autres personnes est quelque chose de fondateur dans ton approche ? Ce qui me plaît dans le travail collectif c’est de trouver un terrain d’entente. C’est devenu une nécessité d’entretenir des rapports créatifs avec les gens avec qui je passe du temps, avec French Fourch ou Convois Curieux, l’idée c’est de
faire à plusieurs ce que je ne ferais pas seul, des expériences, performances. Discuter avec Brice ou Francesco c’est aussi comprendre en quoi nos travaux sont différents, malgré la promiscuité. Tu travailles la BD, l’image unique, le dessin animé, le jeu vidéo : d’où te vient cette nécessité d’être pluridisciplinaire ? Ma vision du dessin change au fil des expériences, ce qui m’intéressait en premier lieu c’était de produire du beau, j’étais très sensible à Ingres à ce moment-là. J’ai fait beaucoup de portraits à la ligne très claire. Le mouvement est venu ensuite, le moteur principal reste : comprendre. Comment sont faits les dessins animés que j’ai vus enfant ? Que puis-je raconter avec le dessin, comment bouge un volume dans l’espace ? Ce qui m’intéresse en ce moment c’est l’amont : l’intention, la réflexion, la méditation, le geste, et enfin l’instant. Le médium est un outil au même titre que le crayon ou la plume. Je ne sais pas très bien ce que j’ai envie de faire ni à quoi me sert le dessin, alors je regarde ailleurs.
Dernièrement tu m’as parlé des expériences graphiques que tu mènes à travers l’utilisation d’outils mécaniques que tu crées toi même, peux-tu nous en dire davantage ? Quand je ne dessine pas, j’aime bien construire des objets, des mécanismes dans le but de vérifier la cohérence du dessin par l’objet. Pour cela, je bricole des dispositifs d’animation : des trucs avec des élastiques et des axes ... Depuis quelques mois je travaille sur le fractal, théorie mathématique de Mandelbrot, et de plus en plus, je m’interroge sur les mouvements impossibles (à première vue) à reproduire avec la main, le cercle parfait de Giotto par exemple. Ça fait quelques années que je crée mes outils (j’essaie de fabriquer un stylo plume mais c’est très dur de faire en sorte qu’il ne fuie pas), et donc, récemment, je fabrique des outils qui produisent des mouvements, comme un axe
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PORTRAIT : Mr.Pimpant
rotatif muni de deux extrémités actionné par une ficelle. J’essaie de figurer avec ces mouvements qui sont assez durs à dompter. C’est encore un peu tôt pour en parler mais c’est ce sur quoi je vais travailler les prochains mois. Avec la collaboration de tes deux acolytes, Brice Dumas, et François-Xavier Grislain vous avez créé le jeu de modèle vivant 13 rue Saint-Jean. Peux-tu nous expliquer la manière dont ce jeu a été créé, son principe et ses objectifs ? C’est parti d’une idée simple, je voulais dessiner à l’envers. Ça me paraissait un super exercice pour développer les capacités de représentations mentales et de traduction graphique. Je ne sais pas si tu as déjà essayé, mais l’exercice est vraiment con, et c’est très dur de le faire sérieusement, à répétition, surtout seul. Je leur ai donc proposé que l’un d’entre nous pose pendant que les deux autres le dessinent à l’envers. À l’époque on se réunissait très souvent dans ma chambre à Tournai. Ça s’est avéré très drôle, puis on a fait un autre exercice, je crois que c’était dessiner en tournant autour du modèle, puis un autre et un autre. C’était marrant mais anarchique, gros mal de crâne en fin de séance, car c’était à chaque fois plus psychédélique. Alors on a cherché une articulation pour jongler entre les exercices, le hasard des dés est apparu comme une évidence ; c’était déjà suffisamment dur de faire l’un ou l’autre exercice, et encore plus de choisir lequel on allait faire. Donc un dé, des cartes, un plateau ciblé. On a multiplié les sessions, invité beaucoup d’autres copains, au fur et à mesure on trouvait plein d’autres contraintes, puis, plus on jouait avec d’autres gens, plus il fallait être accessible, pour transformer l’expérience violente en quelque chose de convivial. On s’est rendu compte que c’était devenu un jeu quand on en a fait une partie en dehors de ma chambre, avec une dizaine de personnes. Super soirée, c’était agréable de pouvoir passer du temps en compagnie d’autres dessinateurs, de s’amuser tout en pratiquant ce qui nous intéressait : le dessin. Maintenant ça fait bientôt trois ans, on a fait beaucoup de parties dans beaucoup d’endroits différents avec leurs publics respectifs. Le jeu ne s’adresse plus uniquement aux dessinateurs, les meilleures parties sont souvent celles qui réunissent des enfants, des amateurs et des professionnels. L’objectif du jeu nous apparaît en y jouant, plusieurs professeurs l’utilisent dans leurs cours, la dimension pédagogique est de plus en plus
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assumée, j’animerai d’ailleurs à partir d’octobre une session hebdomadaire à la Maison de la culture de Tournai. On bénéficie du soutien de plusieurs personnes, comme Greg Van Laecken, Bastien Quignon, Renaud Perrin et pas mal d’autres, qui nous aident à trouver des lieux pour organiser des parties ; on a d’ailleurs fait une petite tournée dans différents lieux belges comme le Chez Elles à Bruxelles, la galerie YouArt à Liège, la Maison de la Culture à Tournai. On compte remettre ça en Belgique et en France assez vite. monsieur-pimpant.blogspot.com monsieur@pimpant.com pour commander livres ou jeux
Durant le mois de juin 2012, pour cloturer la saison, le Théâtre de la Vie présentera une exposition collective des oeuvres de : Mr.Pimpant, Joanna Lorho, Carl Roosens et Noémie Marsily.
LE BARDA D’YVETTE par Isabelle Wéry
( barda = harnachement sac attirail kit-bag paquetage chargement colis équipement
À QUELQUES DES PROPOS DE LA CATHOLIQUE Mierda. 3 enterrements en 1 année, chuis fourbue, ras du bol. Dont 2 de ces enterrements dans la catholique. Moi qui avais plus posé un pied à la messe d’puis belle lurette, c’est-à-dire d’puis l’mariage d’frangin Lili, m’v’là, par 2 fois, assignée à assister à ce qu’ils appellent : la messe d’enterrement. Oh, j’avais oublié... Que d’anges qui te sautent aux écoutilles ! Que de voix féeriques ! ... que tu crois toi-même te transformer en ange à la vitesse de Transformer 3. Un chœur de chanteurs / des anges. (n’auraient pas de sexe, dit-on, et ne feraient pas tout ce qui va avec) Et ces anges et chœur, saucés à l’orgue monumental, qui de sa voix grave, nappe de crème riche retourneuse de tripes, que t’en sors le nombril tout zigzagué ! Le chœur d’angelets mené par THE orgue note gigantesque – plutôt basse – qui te dramatise toute l’atmosphère messique. Aaaaah, c’est qu’ça rigole pas hein. Il y a du drame, de la concentration, du contact avec le grave, une soi-disant plongée en son soi d’intérieur, une odeur de sacrément dans le rituel. Et là d’dans, le discours du curé : bonbon sur la cerise. Il en dit des choses qui t’émotionnent et te rendent tout fragile comm’un nourrisson sans la défense que t’es prêt à gober le discours du curé comme de l’enfant la panade. Il en défile des mots, il en défile des paroles de chansons, répétées tous ensemble que t’es tout ému de chanter avec lui, c’curé, et tous tes prochains autour de toi, que ton corps est prêt à aimer la terre entière. Et l’curé en dit des mots qui te rendent tout coupable, que rien que parce que t’existes donc t’es déjà pécheur, que ta vie dans l’au-delà, elle se prépare maintenant, qu’une bonne vie amène une bonne mort et de citer Jésus qui dit, entre autres, qui dit: « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la vie ». Pour sûr, il y va pas par 4 chemins l’gars du Jésus ; il y a comme un gros nuage du mec qui s’y croit dur comm’bois quand il dit tout ça ; c’est l’caïd qui descend sur la foire foraine et exhibe sa
gourmette en or à tout l’monde. Ooooooh que je suis en rot, de parfois, que je suis en rot !!! Que Jésus t’en fais trop ! Mais comme j’aimerais tellement te croire. Comme ma vie sur la terre serait sereine de savoir que ma vie dans l’au-delà sera, et magnifique de surcroît sera SI j’ai été gentille dans ma vie d’ici en bas. Mais c’tte mise en scène, à l’instinct m’inspire rien qui m’aille ! Et je parle même pas de c’tte pauv’ effigie de Christ sur la croix. Mais du pauvr’ gars, du pauvr’ chair, pauvr’ symbole de la catholique que ce corps en résurrection qui ressemble plus à un anchois déplumé mode croquette croupissant sur des planches de bois. Tudieu, ce Christ en croix, y en a un dans la cuisine de Tante Josée que quand on y mange le poulet du dimanche, j’ai envie d’vômir de dégoût tant ce symbole carcasse de la catholique m’est laid. Si j’étais encore et toujours de l’enfant, je hurlerais d’effroi comm’Arthur à la vue des monstres de Thriller du Michael de Jackson. De la catholique mise en scène bien réfléchie de haut en bas. Et de l’encens, et des calices, des hosties, les machins, les réceptacles, les bénitiers... Autant d’accessoires qui t’envoûtent tes 5 sens comme un spectacle « total » à la scénographie articulée. Et de te confesser, j’suis coupable, d’expier, missels, eaux bénies, serments et de fleurs. Comme une mise en scène tout ceci. Comme une mise en scène tout cela. Pourtant. J’aime m’asseoir dans les églises. Tenter d’oublier qu’il y a même des gars qui sont morts en construisant ces murs, et me laisser bercer par leur silence dans le brou qui haha, par leur égrégore qui t’emplit de lien avec l’humanité tout entière. De l’humain face à ses histoires d’humain. Des églises / des théâtres ? N’y a-il pas moyen d’inventer d’autres manières d’enterrer nos morts de par chez nous ? N’y a-t-il pas imagination d’inventer d’autres formes de sacré ?
mon sac à dos ma besace)
N’y a-t-il pas moyen de chorégraphier d’autres rituels ? Aujourd’hui, c’est le fauchage du foin dans ma fermette que Tonton Jeannot m’a donnée quand l’est mort ; j’ai mis mes bottes en caoutchouc – c’est un peu rêche – et je marche dans la terre croûteuse chauffée par l’astre. Tous les amis vont arriver pour le fauchage, le ramassage, l’emballottage. Le tracteur fera du boucan, les dents des fourches racleront le sol, les tas de foins s’amoncelleront. Il y aura des odeurs. Les mouches se feront piquantes. Et je ne sais pas si j’irai quelque part quand je mourrai, je ne sais pas si j’irai nulle part quand je mourrai, je n’en suis pas paisible parfois, j’en suis paisible parfois, mais ce jour d’aujourd’hui, tous mes amis seront là (p’êtr’bien le beau Pieter). Dans la soirée, nous dresserons la table. Nous mangerons. Le soleil s’effacera. Les étoiles apparaîtront. Et dans le ciel, j’ai l’impression que mes morts n’y sont pas. Cela me chagrine parfois, cela ne me chagrine pas parfois. Je vis dans le fil de l’équilibre. Mais, sûr, je vis.
PS : 1. Carla Bruni est archi-nulle dans le dernier Woody Allen 2. www.sortirdunucléaire.org site méga-intéressant (à quand le site : www.sortirdelacatholique.org ?) 4. Les poèmes d’Yvette et ses dessins (Juan d’Oultremont) sont disponibles sur www.vinelande.be 5. Prochain Barda d’Yvette : 2. d’automne 6. « Si Dieu existe, il a intérêt à avoir une bonne excuse », je sais plus qui l’a dit.
SPECIAL 40 ANS THÉÂTRE DE LA VIE Le Théâtre de la Vie accueillera
La mort du cochon premier spectacle d’Isabelle Wéry, le 30 mars 2012 à 20h15
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La pensée du développement durable dans l’art. « UTIL », c’est ce qu’on peut lire au-dessus de la porte d’entrée du Théâtre de la Vie. Il fut un temps, au numéro 45 de la rue Traversière, où l’on fabriquait des poutres métalliques en forme de U, de T, de I, de L. Depuis maintenant 23 ans, cet ancien atelier abrite un théâtre : le Théâtre de la Vie.
réellement de la survie collective de l’humanité, la mission de l’art qui – à mon sens – consiste à trouver les moyens de créer un monde vivable et pacifique prend une autre dimension. Elle n’est plus une question de didactique ou de morale mais s’impose comme une nécessité.
« Utile » et « outil » sont deux mots que nous, l’équipe du théâtre, avons souvent utilisés au cours de ces derniers mois. Ils renvoient au mieux à ce qui nous préoccupe dès que nous tentons de trouver des réponses à la question : « Pourquoi, au fond, faisons-nous ce que nous faisons ? »
Il apparaît de plus en plus que la vision d’un développement de la société au niveau mondial, compatible avec la nature, n’est pas réalisable avec les seuls moyens techniques, les débats d’experts et la connaissance factuelle. Elle met au défi la société dans son entier. Elle ne peut être comprise et surmontée qu’en y intégrant de nouvelles orientations culturelles.
« Tous les arts contribuent au plus grand de tous les arts : l’art de vivre. » C’est la réponse de Bertolt Brecht à cette question.
Face à ce constat, le moment est venu de se poser la question : en quoi les arts sont-ils concernés par la viabilité dans le futur ?
Créé en 1971 par Herbert Rolland et Nicole Dumez et dirigé pendant 39 années par ce même Herbert Rolland, le Théâtre de la Vie a suivi une ligne artistique déterminée par une vision du théâtre orientée vers la société.
Et la question qui se pose à nous, les artistes, les créateurs et les intermédiaires des différents arts est :
Nous, la génération suivante, perpétuons cette ligne artistique dans notre travail en observant attentivement comment elle parvient à s’inscrire efficacement dans le présent. « Tous les arts contribuent au plus grand de tous les arts : l’art de vivre. » Cette phrase de Brecht est profonde. La formulation ne place pas uniquement l’art par rapport à la vie, elle renvoie également à la possible contribution de l’art dans sa capacité à participer à l’évolution de la vie et de l’humanité. Les artistes, les créateurs et les intermédiaires de l’art sont ici considérés comme des chercheurs pour un monde harmonieux, en paix, et viable dans l’avenir. Et là, nous sommes déjà dans le développement durable. Et même si la corrélation entre l’art et le développement durable étonne quelque peu, c’est un lien qui a de l’avenir. Dans une époque comme la nôtre, où il s’agit
30 Théâtre de la Vie Editorial
Pourquoi, au fond, faisons-nous ce que nous faisons ? Ce questionnement est la motivation qui nous incite à mettre en rapport la pensée du développement durable avec les arts. Le rapport Brundtland (1) de l’année 1987 présente le développement durable – ou son synonyme « la viabilité dans le futur » – comme un : « développement qui satisfait les besoins des générations contemporaines sans risquer que les générations futures ne puissent plus les satisfaire. » Cette définition précise que « la ligne directrice du développement durable contient, parallèlement au point de vue de la durabilité, également celui de l’alignement au développement équitable des différentes sociétés ». (2) Sa réalisation implique une mise en cause totale des valeurs transmises et un questionnement permanent à l’égard d’une façon d’agir routinière dans tous les domaines de la vie personnelle et sociale.
Un adage chinois met en garde : « Si nous ne changeons pas de direction, nous allons fort probablement arriver précisément là où nous allons. » Ervin Lazlo (3) écrit : « Les mutations de notre temps, dont nous sommes actuellement les témoins, s’étendent aux formes de notre relation avec notre prochain, avec la nature, avec le cosmos. Rien ne perdurera, rien ne sera comme avant. La terre change sous nos pieds, dans le sens propre du terme. Le climat n’est que l’un des nombreux changements qui apparaissent aujourd’hui, mais c’est dans ce domaine que les signes sont les plus distincts. Il existe une relation entre le changement climatique et nombre de facteurs dans les domaines de l’économie, de la société, de la politique et de la culture. Chacun qui doute encore que le monde, dans lequel nous vivons, change, est soit aveugle, soit buté ou sot, tout simplement. » (4) Qu’est-ce qui doit bouger pour que nous devenions viables dans le futur ? Ervin Lazlo fait remarquer : « Vivre ensemble au lieu de vivre en opposition à l’autre ; vivre de façon à ne pas piller les ressources d’autrui ; s’inquiéter de ce qui arrive aux nécessiteux et à ceux qui ne détiennent aucun pouvoir et de ce qui arrive à la nature ; tout cela demande une manière de voir plus réfléchie et un haut degré de maturité intérieure. » (5) Et il ajoute : « Dans le monde d’aujourd’hui, il n’est pas facile d’atteindre une réelle maturité intérieure. » Quelle sera l’étape suivante dans l’évolution de la conscience ? « La réponse à cette question », estime Laszlo, « représente bien plus qu’un intérêt théorique car elle pourrait être décisive pour la survie de notre espèce. » (6) Des anthropologues sociologiques et culturels ont prouvé que la conscience humaine n’est pas, loin s’en faut, une disposition définitivement fixée et immuable. Elle s’est développée peu à peu au cours de nombreux millénaires. Il sera nécessaire de remettre en cause bien des choses qui nous distinguaient jusqu’à présent :
notre façon de penser et d’agir ; les systèmes dans lesquels nous vivons ; notre rapport à nousmêmes, aux autres et à notre milieu. Dans notre regard vers l’avenir, une double question s’impose : quelle image de l’homme et du monde, quels principes éthiques peuvent offrir de la substance et une orientation vers une nouvelle compréhension d’un développement encore à déployer ? Albert Einstein disait que l’on ne pouvait pas trouver la solution à un problème avec la même façon de penser que celle qui était responsable du problème. Actuellement, c’est exactement ce que nous faisons, encore et toujours, dans la majorité des cas. Arrivés à ce point, comment le domaine artistique peut-il faire progresser les choses ? Qu’est-ce qui est utile dans notre travail ? Ce domaine peut-il venir en aide pour assurer notre viabilité dans le futur ? Dernièrement, j’ai lu la phrase suivante : « Les artistes ont la vision du futur dans le sang. » Je ne peux dire s’il en est ainsi, mais j’observe : les artistes ont le potentiel de penser et d’agir de façon transversale, en s’affranchissant des limites, des oppositions, en changeant constamment de directions. Dans les processus artistiques se rassemblent souvent des personnes et des idées qui, sans la création de liens « nouveaux », restent inopérants. L’art est un médium qui se heurte continuellement aux frontières, les fait reculer, les élargit et les fait disparaître. L’art est un médium qui modifie la
perception et, ce faisant, la forme, de manière à lui donner un sens plus profond. L’art, depuis les débuts de l’« art moderne » est devenu de plus en plus une forme de « science », un « médium de reconnaissance, d’investigation, de changement dans le monde; de libre pensée qui permet, en plus de la raison, la coexistence de compétences intuitives. » (7)
rencontres entre, par exemple, les sciences, la philosophie, la sociologie, la politique, l’écologie ou la médecine. Nous cherchons à créer des ponts reliant les diverses formes qu’on revêtues les arts, afin de nourrir notre travail. C’est un dialogue grâce auquel on apprend à s’ouvrir à la créativité d’environnements autres que le sien propre, à accepter et à reconnaître la créativité des autres :
Qu’est-ce qui nous préoccupe au Théâtre de la Vie ?
• Qu’est-il vraiment nécessaire de faire ? • Qu’est-ce qui contribue à rendre le monde viable dans le futur ? • Quelles valeurs, quelles certitudes sont d’actualité, ou pas ? • Quelles sont les manières de faire, quels sont les modèles coopératifs durables, c’est-à-dire viables dans le futur ?
Notre travail est porté par l’idée d’un monde viable dans le futur et digne de nous accueillir. Il s’agit de nous réaliser nous-mêmes tout en orientant nos pensées vers les autres et leur avenir. Une perspective que nous considérons comme « viable dans le futur » est la dissolution des frontières et la création de liens. Nombre de pensées communes, susceptibles d’apporter de nouvelles impulsions, sont encore, par habitude, traitées séparément : les domaines artistiques, les langages artistiques, les sciences, les inventions. Pour établir la durabilité et la viabilité dans le futur, il nous semble important d’élargir notre perception en « forçant » les interactions entre différentes disciplines, en insufflant des
Voilà quelques-unes des questions que nous poursuivrons à l’avenir. « Pourquoi, au fond, faisons-nous cela ? », questionnait l’un alors que, déjà, il le faisait. Et un autre répondait simplement : « Parce que nous voulons vivre. » (8) Nous nous réjouissons de faire partie du processus qui participe au plus grand des arts : l’art de vivre. Claudia Gäbler Traduction : GIL
Permettez-moi d’attirer votre attention sur un élément de notre programmation 2011/2012. Il reflète bien dans quel état d´esprit nous travaillons : « dans le souhait de rendre visible le caractère multidisciplinaire du théâtre, nous initions un tout nouveau cycle (rassemblant théâtre, concerts, performances, conférences, installations...) intitulé Les Multivers. Le principe de ces soirées composées s’organise autour d’une personnalité artistique qui – selon son expérience et ses affinités – nous propose une constellation de projets, en lien avec son propre univers. » Bienvenue au Théâtre de la Vie !
1 Le rapport Brundtland, publiée en 1987, est ainsi nommé suite au rapport pour le futur de la Commission de l’Environnement et du Développement (en anglais WCED : World Commission on Environment and Development). Ce rapport est devenu célèbre car, pour la première fois, le Développement durable y a été défini. 2 La notion étendue du Développement durable, qui n’isole pas celui-ci d’un point de vue écologique, mais la met en relation avec des Développement sociétaux et économiques, et pose des questions, a été exprimée pour la première fois en 1992, lors de la Conférence des Nations-Unies traitant de l’Environnent et du Développement. 3 Le prof. Ervin Lazlo est le fondateur et le président du club de Budapest, un réseau d’artistes, d’écrivains, de politiciens et de dignitaires ecclésiastiques, qui promeuvent une tolérance multiculturelle et un dialogue global de l’ensemble des cultures. Il passe pour l’un des représentants majeurs des Sciences nouvelles. 4, 5, 6 (Traduction de texte de Ervin Lazlo : Der Quantensprung im globalen Gedächtnis. Wie ein neues wissenschaftliches Weltbild uns und unsere Welt verändert. Fulda. 2008, p. 10/11/68/127 7 Traduction de texte de Hildegard Kurt : Nachhaltigkeit- eine Herausforderung an die Kunst ? In : Kulturpolitische Mitteilungen Nr. 97, 11/2002, S. 49. 8 Arthur West, auteur autrichien, in : Das Märchen vom Wünschen.
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Herbert Rolland Liberté, fraternité, plaisir. par Françoise Nice
Triste été, où nous ont quittés trois intellectuels progressistes et juifs, Rosine Lewin, Maxime Steinberg et Herbert Rolland. Trois personnalités qui entretenaient un rapport délibérément distancié avec leur judéité et qui ont été un temps membres du Parti communiste. Trois êtres impressionnants par leur engagement indéfectible pour un monde plus juste, une humanité avertie, plus fraternelle, désaliénée. Chez Herbert Rolland, cet engagement s’est exprimé à travers le théâtre. À chaque spectacle, qu’il s’agisse d’une oeuvre personnelle ou d’un accueil, Herbert était là, discret et souriant dans le foyer de l’AtelierThéâtre de la Vie, le théâtre qu’il avait créé en 1971 avec son épouse, la conteuse Nicole Dumez, le jour même de la naissance de leur cadette. Sans jamais poser au directeur, Herbert guidait les spectateurs vers la petite salle. Amical et professionnel, au service de l’art et du public. Cette conception de son métier explique sans doute sa discrétion sur sa vie privée. C’était aussi le signe d’une élégance intellectuelle. Né en 1930 à Magdebourg, il ne s’appelait pas Rolland, mais Rubinfajer. Sa mère Hildegarde Kamm est une ménagère allemande, son père Moïshe est juif, polonais et horloger. Fuyant le nazisme, la petite famille arrive en 38 à Bruxelles. Pendant l’Occupation allemande, Herbert sera un ado caché, privé d’école, pendant deux ans. Moïshe, Hildegarde et Herbert sont les seuls survivants de la famille. Plus d’une fois, Moïshe a changé le patronyme: « Le nom de Rolland, il l’a choisi par admiration pour l’écrivain Romain Rolland » raconte Anik, sa petite-fille. En 49, Herbert et ses parents partent à New York. Années de jeunesse, d’un premier mariage, des débuts au théâtre avec les jeunes compagnies. C’est une époque d’ébullition artistique, c’est aussi la guerre froide. La Commission McCarthy traque les communistes au sein de l’État et d’Hollywood. Bertolt Brecht en est l’une des victimes. Herbert Rolland découvre son théâtre. À son retour en Europe, il décide d’aller faire un stage au Berliner Ensemble sous l’égide de la veuve de Brecht, Helene Weigel. Et rapidement, il devient assistant à la mise en scène et metteur en scène du Théâtre populaire de Rostock. « Faire du théâtre pour enfants, c’est
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comme faire du théâtre pour adultes, mais en mieux ». Il s’établit définitivement en Belgique en 1961. Avec sa première épouse Ariane Hesse, il participe à la fondation d’un théâtre politique lié au Parti communiste, le Théâtre populaire bruxellois. L’aventure dure quelques années, des années d’un militantisme révolutionnaire « pur et dur », une période de sa vie assez mal connue. Après 68 et sa rupture avec le PC, Herbert Rolland décide de faire du théâtre pour enfants. Il fonde le Théâtre de la Vie, et crée ses spectacles. L’éditeur de théâtre Émile Lansman se souvient : « Je venais de prendre mes fonctions de tout jeune échevin de la culture de Carnières. J’avais envie de théâtre pour les enfants de ma commune mais il n’y avait aucune infrastructure appropriée. Après quelques recherches, je suis tombé sur un comédien-conteur qui proposait de venir présenter, à même les salles de classe légèrement aménagées, un spectacle basé sur un album : Tacho le petit mexicain. (...) Herbert Rolland a apporté au théâtre jeune public belge de l’ambition (notamment en travaillant avec de vrais professionnels du théâtre, de la musique, de la chanson), de la rigueur et de la fantaisie. Le voyage du train en est aussi un bel exemple ». Ce désir d’offrir au jeune public des spectacles soignés, ouverts à leur imaginaire, aboutira à la création du Centre dramatique pour jeunes publics de Bruxelles et le Centre dramatique Pierre de Lune. LE COMPAGNON BRECHT Herbert Rolland revient ensuite au théâtre pour adultes. Avec Brecht bien sûr, mais aussi Molière, Shakespeare, Giraudoux, etc. Il privilégie les textes qui dénoncent toutes les formes d’aliénation. À Saint-Josse à partir de 1988, la petite équipe d’Herbert Rolland transforme une ancienne usine en lieu de spectacles, de formations, de rencontres-débats. Le tout sous l’enseigne de Brecht : « Tous les arts contribuent au plus grand, l’art de vivre ». Brecht est un des fils rouges de sa programmation : en 96, il y invite le metteur en scène Benno Besson, qui a travaillé avec Brecht, à donner un stage pour jeunes comédiens. Un spectacle, La Bonne âme de Sé Tchouan en est un des résultats notoires. La jeune comédienne Isabelle Wery s’y révèle. La bonne âme de Sé Tchouan est une parabole sur l’impossibilité d’être véritablement bon dans un
monde cruel et injuste. Avec ce spectacle, Herbert Rolland fait découvrir un théâtre plus ludique, moins didactique, et pourtant fidèle à l’esprit du « maître » : coulisses à découvert, changements de décors à vue... jamais le spectateur n’est piégé par l’illusion de la fable et de la représentation, il assiste en toute conscience aux manipulations, aux jeux de masque. L’« effet de distanciation » et la Commedia dell’arte convergent en une (ré)découverte rafraîchissante d’un Brecht souvent présenté de manière cérébrale, alors qu’il était aussi ironique, provocateur et poète. Ce parti pris de simplicité s’illustre aussi dans les Dialogues d’exilés, un spectacle qui tiendra l’affiche pendant plusieurs saisons, avec les comédiens René Hainaux et Christian Crahay. Au hasard d’un bistrot de gare, un intellectuel et un ouvrier exilés échangent prudemment, puis avec plus d’audace, leurs vues sur l‘Allemagne nazie et l’Europe en guerre. Le décor est réduit à l’essentiel, toute l’attention se concentre sur le jeu et le texte. Entre deux chopes et trois sarcasmes, ce qui s’affirme peu à peu, c’est la résistance de l’esprit et l’esprit de résistance. Un pur exercice brechtien, vif et jubilatoire, même dans la gravité. Pour Herbert Rolland, Brecht reste un auteur à découvrir. Les principes de la dialectique permettent, « sinon de trouver les solutions, du moins de poser toutes les questions » explique-t-il au journaliste Laurent Ancion. Il crée deux spectacles inspirés par Brecht, Rêverie de 7 éléphants et Tout est mouvement, deux spectacles où il est aussi comédien. À côté de son travail personnel, Herbert Rolland a aussi proposé quantité de découvertes, tel l’étonnant chanteur comédien et metteur en scène Nino Sandow venu du Berliner Ensemble ou les créations dites « jeune public » de Marcel Cremer (Agora Theater de Saint-Vith). C’est alors qu’il rencontre sa dernière compagne, l’artiste berlinoise Claudia Gäbler qu’il associe ensuite à la direction du théâtre. Généreux, chaleureux, fidèle en amitié, il a aussi soutenu des artistes débutants, et créé un festival annuel de la jeune création. Fait de son théâtre un espace de citoyenneté, lors de rencontres-débats avec des « Témoins de notre temps » tels Bernard Werber ou Colette Braeckman. JUIF ?
Ayant survécu à l’extermination nazie, Herbert Rolland refusait d’être perçu en victime. Sa conviction que le monde est transformable, que « l’espoir réside dans les contradictions », son combat contre tout ce qui asservit l’être humain dérivent à coup sûr de l’expérience de l’enfant traqué et caché et des belles années de formation de l’après-guerre.
Il s’est délibérément placé du côté de la lumière, celle du monde du spectacle pour professer un immense amour pour la vie et sa dynamique infinie. Jusqu’au bout, il a affirmé avec clarté ses choix, comme celui d’être enterré près de ses parents, dans le paisible petit cimetière juif de Dilbeek. Il s’en explique dans son dernier message : « Il est vrai que je ne me sens juif que de façon très lointaine et comme j’ai horreur des fanatismes religieux, nationaux, ou autres, je ne vois pas d’autre qualification pour mon statut que celui de citoyen du monde (...) De plus si j’évite attentivement d’être qualifié de Juif c’est parce qu’une tendance politique importante dans le cercle dirigeant israélien veut – à tout prix – affirmer que tout Juif est d’office citoyen d’Israël. Ce que je réfute catégoriquement. Encore davantage depuis que la violence israélienne à l’endroit d’autres peuples s’est accentuée. J’ai horreur de cette violence, d’autant plus qu’elle provient de l’État d’Israël où les peuples palestiniens étaient installés depuis des siècles. Je considère, sans remettre en question le droit d’existence d’Israël, qu’il s’agit actuellement d’un État puissamment soutenu par les puissances financières principes du monde occidental ». Et de terminer son message testamentaire en proposant à ses amis de lire Michel Onfray et Wilhelm Reich. Cet article a été publié dans « Entre Points critiques », le mensuel de l’Union des Juifs progressistes de Belgique. N° 309 octobre 2010
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Herbert Rolland né Rubinfajer Citoyen du monde
(refuse tout signe distinctif d’appartenance religieuse, politique, nationale etc… ex : étoile de David).
«Supplique pour être enterré au petit cimetière juif de Dilbeek» … et pour continuer à plagier ce cher Georges Brassens, il arrive un moment dans la vie où l ’on doit prévoir qu’un jour notre corps et notre esprit ne feront plus bon ménage.
Réfléchir à ce qui adviendra à ce corps qui va se reposer, m’amène
à réfléchir sur le lieu de ce repos. Je ne connais pas tellement bien les cimetières du monde. Bien sûr celui que je préfère se trouve à Berlin, là où reposent Bertolt Brecht et Helene Weigel. Mais là ce n’est pas possible, je pense.
J’ai donc repensé à ce petit et modeste bout de terre de Dilbeek
où sont enterrés mes parents. Modeste comme il est et facilement accessible, je l ’ai souvent visité en compagnie de mon père pour
entretenir la tombe de ma maman. Chaque fois, je m’y suis senti bien, entouré de nature et de calme. Je pense donc que ce petit
coin si simple conviendra bien à la tranquillité de ce qui fût sur cette terre, cette partie de moi-même qu’est mon corps.
Le deuxième élément de réflexion m’a porté à la question : pourquoi cimetière « Juif » ?
34 40 ans Théâtre de la Vie
Il est vrai que je ne me sens Juif que de façon très lointaine et
comme j’ai horreur des fanatismes religieux, nationaux, ou autres, je ne vois pas d’autre qualification pour mon statut que celui de «citoyen du monde». Là, je me sens dans mon élément juste,
en relation avec le monde d’aujourd’hui dont je fais partie et qui consiste surtout à un brassage et mélange de cultures qui me conviennent.
De plus si j’évite attentivement à être qualifié de « Juif » c’est
parce que une tendance politique importante dans le cercle dirigeant politique Israélien veut – à tout prix – affirmer que tout Juif est
d’office citoyen d’Israël. Ce que je réfute catégoriquement. Encore davantage depuis que la violence Israélienne envers d’autres peuples s’est accentuée.
J’ai horreur de cette violence, d’autant plus qu’elle provient
de l ’Etat d’Israël où les peuples Palestiniens étaient installés
depuis des siècles. Je considère, sans remettre en question le droit d’existence d’Israël, qu’il s’agit actuellement d’un Etat
puissamment soutenu par les puissances financières principales du monde occidental.
J’ose espérer que ces quelques phrases éclaireront suffisamment celui ou ceux qui s’interrogeront peut-être sur mes options.
Je voudrais terminer sur un ton plus léger, qu’à part tout ça je
souhaite à ceux qui me survivent, une vie où le plaisir prend le pas sur la souffrance et je leur suggère de lire en tous cas Wilheim
Reich, Michel Onfray et ceux de plus en plus nombreux qui ont compris leur message.
Texte dicté par Herbert Rolland à Anik Rolland, les 23 juin et 3 juillet 2010 à Wavre.
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Herbert Rolland Laurent Ancion
Julos Beaucarne musicien-poète
Émile Lansman
Extrait d’interview (LE SOIR mai 2005)
(le 2 août 2010 à Tourinnes-la-Grosse)
éditeur
L.A. : Le monde est toujours transformable ?
« Avoir su ! »
H.R. : C’est la grande idée de Brecht. Elle est vraie. Mais elle se transforme, elle-même ! Pendant des années, on a rêvé du Grand Soir, de ce jour où le monde allait devenir bon. On en n’est plus là. Il faut changer le monde dans un rapport à l’individu et dans les rapports avec notre corps. La vie recommence toujours, chaque génération doit mener ses batailles. La pensée de Brecht apporte la force de s’interroger, de ne pas accepter les choses comme elles sont. Avec la pensée dialectique, on n’aura pas toutes les réponses, mais on peut aborder toutes les questions. C’est ce que je veux proposer au public depuis toujours.
Loulou et moi, nous avons vécu avec Nicole et toi les débuts du théâtre de la Vie que vous aviez inventé tous les deux. « Avoir su! » comme on dit chez nous. À toi seul tu as vécu beaucoup de vies dans le réel et .... dans la fiction du théâtre. Avoir su que tu allais partir dans les ailleurs si vite, cher Herbert... avoir su ! Si on avait su, on t’aurait remercié, on t’aurait dit tout ce qu’on pensait de toi dans notre for intérieur, ô mon frère du théâtre de la Vie avec un grand V, la Vie a glissé de toi, pas loin de chez moi à Wavre et je n’ai pas su que tu virais de bord dans l’infinitude, je serais venu te dire au revoir, cher Herbert. La mort, c’était une expérience que tu n’avais pas encore vécue dans ta propre peau, toi l’expérimentateur, toi le chercheur perpétuel du théâtre, de la parole juste et de la justice, on te doit des remerciances, des remerciements, combien de fois tu nous as invités à jouer dans ton somptueux théâtre de la rue Traversière, là se trouvait ton laboratoire du dire, du jouer, tu m’as mis en scène dans Le navigateur solitaire sur la mer des mots. Souventes fois j’ai chanté chez toi avec Barbara d’Alcantara et Patrick De Schuyter dans la rue Traversière et maintenant cette rue Traversière tu l’as traversée pour l’autre bord. Le bateau s’éloigne maintenant. Sur le quai restent Nicole, Anik, Isabelle, Claudia et tes fils Alain et Vincent, tu as traversé la rue du temps. Il y a un grand silence dans l’air, des larmes, des regrets, bon voyage, très cher Herbert, merci de nous avoir pris dans ton bateau.
J’ai connu Herbert au tout début des années 70. Je venais de prendre mes fonctions de jeune échevin de la culture de Carnières. J’avais envie de théâtre pour les enfants de ma commune mais il n’y avait aucune infrastructure. Après quelques recherches, j’ai trouvé l’annonce d’un comédienconteur qui venait présenter, à même les salles de classe légèrement aménagées, un spectacle basé sur un album : Tacho le petit mexicain. C’était un événement pour moi. Mais c’était aussi un événement pour le comédien car il n’était pas encore sorti très souvent de la région bruxelloise avec ce premier spectacle en Belgique. Il s’appelait Herbert Rolland. Ça crée des liens, discrets mais solides ! Au moment où je vois peu à peu mes compagnons de route disparaître, j’ai pris le parti de cultiver le plaisir des bons moments vécus avec eux plutôt que de me lamenter du fait qu’il n’y en aura plus d’autres. Alors salut Herbert, salut l’ami. On pensera encore souvent à toi.
« Plus que jamais, nous voulons faire de ce lieu de fer, de briques et de bois ce qui est l’utopie essentielle d’un lieu de théâtre : Un espace de tous les possibles. »
Herbert Rolland
Michèle Nguyen
Sophie Creuz
Jean Ziegler
comédienne
journaliste
sociologue
L’envol d’un ami
À Claudia, Nicole et à ses enfants, à vous ses collaborateurs. De retour de vacances je trouve la triste nouvelle et la si belle photo de l’ami disparu. Herbert est lié pour moi à la gentillesse et au respect, à l’enthousiasme et à la qualité, pour les hommes, pour les œuvres, au service de ce Grand Œuvre que chacun ici tente de faire au mieux et qu’il fit si bien. Que de textes fondateurs j’ai entendu au Théâtre de la Vie, Brecht, bien sûr et d’autres. Herbert était un Mensch, authentique que je suis fière d’avoir rencontré, qui m’a mise en chemin par son exemple de fidélité et d’exigence, d’indulgence aussi quand il le fallait, jamais dupe de l’imbécillité, qui se prive de l’essentiel : la chaleur humaine. Herbert était tout cela, est tout cela. Dans le souvenir de son amitié avec mon père, dans le souvenir de ces deux hommes qui ont fait un bout de chemin ensembles, au service de Molière et de ses serviteurs. Que nous sommes. Je suis avec vous, en pensée et en affection.
Herbert Rolland est mort j’ai vu son cercueil qui vers la terre descendait j’ai vu les mottes de terre qui une à une sont tombées Herbert Rolland est mort j’ai entendu Anik, j’ai entendu Claudia, j’ai entendu Nicole, j’ai entendu Isabelle j’ai vu les larmes qui coulaient, l’amour qui s’élançait se mêlait au chant paisible d’un oiseau perché tout là-haut Herbert Rolland est mort je n’ai pas pu parler je n’ai pas pu dire ce vide qui m’attendra désormais dans la loge son petit mot de bienvenue, son pas dans l’escalier sa voix ses yeux ses bras me manqueront me manqueront si fort V Y naîtra en septembre comme moi un peu orpheline
C’est avec un chagrin immense que j’apprends le décès d’Herbert Rolland. Je ne l’oublierai jamais : ni son extraordinaire talent, ni son intelligence subtile et chaleureuse, ni la force formidable de ses convictions, ni la fidélité de son amitié, ni sa bonté. Il a été un artiste lumineux, grand et rayonnant homme de théâtre. Il a donné tant de bonheur à tant de personnes que son éternité est assurée. Il ne mourra jamais. Je mesure votre douleur. En ces jours sombres, je vous prie d’accepter, pour vous et tous les vôtres, mes pensées de profonde et respectueuse sympathie,
VY Molière 2011 - catégorie Jeune Public
© Anik Rolland-Rubinfajer
au Théâtre de la Vie le samedi 17 décembre à 20h15
Le Théâtre de la Vie HORS LES MURS
Dialogues du Dom Juan Molière
mise en scène : Claudia Gäbler et Herbert Rolland / avec Antoine Plaisant, Dominique Rongvaux et Isabelle Wéry à l’Escale du Nord (Anderlecht) pour la fête de la Communauté française, le mardi 27/09/2011 à la Scène du Bocage (Herve), le vendredi 30/09 et le samedi 01/10/ 2011 www.escaledunord.net I www.chac.be / theatre / scene-du-bocage
LES MULTIVERS du 29/09 au 01/10
Les univers musicaux de
Jean-Jacques Lemêtre et Olivier Thomas
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Ouverture de saison en musique
29 septembre à 20h15
30 septembre à 20h15
Jean-Jacques Lemêtre Concert et Repas
Tomassenko Trio Concert
Spécial 40 ans Théâtre de la Vie proposé par Jean-Jacques Lemêtre musicien, compositeur du Théâtre du Soleil - Paris Invitation à une découverte musicale dans le temps et sur notre planète ; en partant du 4ème siècle en Chine avec un des plus vieux instrument du monde : le Qin (prononcé tchine), jusqu’au Cristal : une des dernières inventions acoustiques. Cristal : Catherine Brisset Chant tibétain : Gazom Lhamo Qin : Li -Yu You Accompagnées par Jean-Jacques Lemêtre et une cinquantaine d’instruments.
Grelots, plaquàpieds, clarinettes, likembés, cor de basset, capteur dentaire, scie, guitares, chant, onomatopées, français dissonant, mini chorale, rythmes et mélodies. Laurent Rousseau, Catherine Delaunay et Olivier Thomas croisent les sons et les mots. Troglodyte onomatopiste, monoglotte borborythmicien, auteur de langues imaginaires, amateur du recyclage par la culture de l’imparfait, créateur d’espaces intersticiels et de lecture en biais, Olivier Thomas chante et raconte le sens et le non-sens. Chant, composition : Olivier Thomas Clarinettes, cor de basset, accordéon : Catherine Delaunay Guitares : Laurent Rousseau
30 septembre à 22h00 Ce concert sera suivi d’un repas savoureux et artistique... Artisan cuisiniste : Christian Dupont
J.-J. Lemêtre & Tomassenko Rencontre Musiques / Discussions / Imprévus
1 octobre à 20h15 Tomassenko Trio Concert et Mauro Paccagnella chorégraphe Pour cette soirée, Olivier Thomas invite à la suite du concert le chorégraphe Mauro Paccagnella. Mauro Paccagnella mêle danse, hip-hop, musique, théâtre au sein de ses créations. Il travaille au croisement des disciplines et plonge le spectateur dans un univers artistique déjanté aux combinaisons décalées. Voici pour vous une séance toute particulière de Clapping: une chorégraphie qui nous emporte et que Mauro nous propose d’apprendre. Impossible de résister .
RESERVATIONS via www.theatre de lavie.be ou par tel. 02 219 60 06
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LES MULTIVERS du 24 au 26/11 à 20h15
L’univers de la comédienne
Gwen Berrou
en écho à la création Fall into the show
40 Théâtre de la Vie
Partant du propos de la chute dans l’autre de Fall into the show, ces journées seront l’occasion d’inviter des personnalités qui ont une réflexion et une pratique originale sur ce qui fait et défait les liens d’amour. Et par là sur ce qui rapproche intimement les êtres vivants et leurs matières. Avec générosité, sous des formes très variées, ces performeurs, metteurs en scène et artistes inclassables nous proposeront un partage de leurs expériences. Inspirés par des personnalités marquantes, par des rencontres glanées, ils nous feront expérimenter leur propre vison du monde à travers des installations, de la composition spontanée et un contact direct. Avec Sarah Antoine (groupe AAA-AAA), Jean-Michel Barthéléry, Gwen Berrou, Caroline Daish, Eric Faes, Jacques Fauville (groupe AAAAAA), Julie Petit Etienne, Céline Rallet (groupe AAA-AAA), Sylvain Reymond.
Fall into the show
sera créé le 6 février 2012, à La Maison Folie (Le Manège.Mons) dans le cadre de Penser le Futur, puis à Bruxelles au Théâtre de la Vie les 19, 20 et 21 avril 2012 et enfin aux Riches-Claires du 2 au 12 mai 2012.
Gwen Berrou Lorsqu’entre le sommeil et l’éveil je rêve, je vois du temps des institutions ouvertes pas de chefs du temps pour œuvrer, souplement du temps pour se demander « comment ça va ? » du temps pour demeurer au calme du temps plein Un théâtre qui n’en soit pas un, Un art qui n’en soit pas un,
mais une façon de vivre, Une forme qui ne hiérarchise pas, à laquelle tous peuvent avoir accès, dans laquelle tous peuvent entrer et sortir, acteur… spectateur, Un lieu où on décloisonne les espaces des savants et ceux des ignorants, où on outrepasse ses talents et sa discipline, Un espace où l’on partage son savoir-faire, sa sensibilité et sa vulnérabilité, réellement, Un processus pas un produit, Une parole riche de fictions, Un jeu, sérieux et engageant, souple et libérateur, Qui nous sorte de la misère, Claude Régy dit : Nous ne devons pas frapper d’inexistence les choses que nous ne pouvons pas concevoir et dont on ne peut pas parler.
Collectif AAA-AAA AAA-AAA est un collectif d’artistes issus du théâtre et de la musique . Réunis en 2010, Gwen Berrou, Jacques Fauville, Celine Rallet et Sarah Antoine sont à la fois créateurs, chercheurs et découvreurs de nouveaux territoires imaginaires. Par la rencontre du théâtre et de la musique improvisée nous cherchons à créer différents niveaux de communications par le biais de langages poétiques mêlant réalités, rêves et fictions. Au départ : une recherche sur notre présence au monde qui se poursuit vers la musicalité théâtrale, la théâtralité musicale, et questionne les liens entre art et politique, ceux qui existent entre l’espace imaginaire, l’espace privé quotidien et extraordinaire et l’espace public, ainsi que les liens entre l’individu et le collectif. Quels processus créatifs engageons-nous pour une ré(ê)volution personnelle et collective ? Nous répondons par la pratique commune, avec des enjeux personnels et multiples... Le propos apparaît alors de lui-même, un propos ouvert, en mouvement qui interagit avec les spectateurs et sans cesse remis en question. Être ensemble c’est me plonger dans l’ailleurs de mes habitudes tordues C’est partager nos platitudes et jongler comme un enfant qui tire sur sa roue
Vivre ensemble c’est sauter dans le vide des grandes gerçures personnelles c’est être ici malgré les dégoulinures C’est en te pratiquant seulement que je peux t’aimer C’est en te pratiquant de près au corps à corps C’est en te pratiquant au plus près C’est en observant au plus près du corps de ton corps et à la racine de tes cheveux que je trouve le déséquilibre qui me fait avancer C’est en mouillant l’encre dans le bleu de tes yeux que je sens le quadrillage infini de mes pensées me peser C’est en écoutant s’égrener quelques notes de piano que je me dis que ça vaut la peine ça vaut la peine de se faire passer pour fou Dans cet entrelacement de fils qui me ramènent au chaos je crois distinguer une ligne Transmets tes bégaiements sans te hâter Au vent de la lune, saute et transmets La révolution joyeuse vous aime au plus creux de votre être.
Sarah Antoine ( AAA-AAA ) Que la réalité se pare de couleurs éclatantes, que l’esprit créatif se répande en chacun, que la musique infinie soit acte de résistance, cri de vie jusqu’à nos morts. Réveiller les consciences, les corps, les âmes, les esprits... Je rêve d’un théâtre qui rende compte de l’essence de la vie, avec beauté, cruauté, sauvagerie, liberté. Un monde où la magie, la fantaisie, le mystère, la grande force qui est en nous rejaillissent à chaque instant, transforment le présent. Donnent place à tous les possibles.
Alexander Lauterwasser Éric Faes Les cultures anciennes parlent de vibrations sonores, de « son primordial » comme étant au commencement de la vie. La vie est générée par un ensemble de fréquences. On peut dire que la vie est multitude de fréquences. Elles nous influencent tout le temps. Suivant les situations, elles nous soignent ou nous bloquent. Et ces influences sont révélées avec évidence par les expériences de Lauterwasser.
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Éric Faes est sensible à l’Influence subtile de certaines fréquences sur certaines parties du corps. Il observe ce que les basses fréquences, les brainwaves produisent sur nous. Alexander Lauterwasser observe les formes que produisent les vibrations de la musique sur l’eau ou le sable. Il met en relation les pattern symétriques qui apparaissent par la vibration du son avec les formes qu’on retrouve dans le monde organique. Les images de Lauterwasser donnent une idée de ce qu’il se passe dans l’apparent « rien » qui nous entoure. Elles nous offrent la possibilité d’observer concrètement la réponse visuelle à un stimulus de vibration sonore. L’influence du son sur la matière devient évidente. Lorsqu’on a les moyens de détecter les vibrations, on se rend compte que nous vivons dans leur monde. Les couleurs, les sons, les mots, les êtres, tout vibre. Eric Faes se plaît à imaginer que ce milieu dans lequel nous sommes nés, nous baigne d’un « grand bruit » que nous ne remarquons pas...
Jean-Michel Barthéléry Avec les participants des États Généraux de l’Eau à Bruxelles (EGEB) Jean-Michel Barthéléry et Gwen Berrou mènent une réflexion sur l’eau à Bruxelles. L’eau comme bien commun, l’eau participative, car... le sait-on ? Les petits ruisseaux font de grands fleuves ! Le Théâtre de la Vie est situé sur un bassin versant de la rivière du Maelbeek. Jean-Michel Barthéléry proposera une façon d’inscrire le théâtre dans sa géographie naturelle. Il proposera aussi une présence surprise particulière...
RESERVATIONS via www.theatre de lavie.be ou par tel. 02 219 60 06
Caroline Daish Caroline Daish est fascinée, désarçonnée et inspirée par les moments de « direct », du faire et défaire. Elle recueille des histoires vraies pour les communiquer en messages et donner du sens au monde. Elle s’intéresse aux stratégies de « l’être ici », aux imperfections et au désordre qui en résultent, aux déclarations d’exigence, de désirs, de catastrophes, de dialectes, de difficultés, de distance et de dévotion. Caroline Daish se penche en ce moment plus particulièrement sur ce qui est entre nous, sur ce qui nous rassemble.
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SLAM À LA VIE
Le deuxième lundi de chaque mois ( entrée libre)
Situé entre la joute oratoire, la poésie et le one man show, le slam est un art oratoire où quiconque veut s’exprimer occupe la scène, sans obligation de bibliographie poétique, de thématique, de mémorisation ou de format de texte. Il se définit surtout par des règles de temps, d’absence d’accessoires et de musique, et par la relation du slameur avec son public qui peut réagir même pendant la performance. Réunissant à chaque édition un public nombreux, hétéroclite et changeant, constitué de voisins, de curieux, d’amis d’amis, de slameurs avertis ou de parfaits candides, ces soirées régalent les oreilles autant que l’âme.
© Anik Rolland-Rubinfajer
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Champ libre Moumouche et Monique, inséparables voisines, spectatrices, slameuses Moumouche par Monique
Cours de danse contemporaine pour enfants de 6 à 9 ans
C’est par le mouvement dansé, à travers les échauffements, les jeux, les exercices d’improvisation que l’enfant va éveiller toutes les parties de son corps et les mettre en situation dans l’espace et le temps dans le respect de soi et les autres. Il développera son autonomie, sa spontanéité, sa créativité dans sa recherche, en intégrant l’intention du geste. Sans oublier les outils propres à la danse qui créent le corps en mouvement. Et bien sûr avec le plaisir d’être là, ensemble, tout simplement. Cours donné par Yota Dafniotou, danseuse, chorégraphe et pédagogue. Elle donne des ateliers et stages aux enfants et aux adolescents dans les écoles et dans les structures culturelles.
Cours les samedis de 10h30 à 11h30 au Théâtre de la Vie 45, rue Traversière 1210 Bruxelles (Saint Josse Ten Noode) Informations et inscriptions : anik.rolland @ theatredelavie.be tel. 02 219 11 86
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Ah, cette Moumouche ! Quelle mouche l’a donc piquée pour qu’elle se trouve sur mon chemin ? Parce que des mouches, il y en a de beaucoup de sortes : il y a les mouches bleues, les mouches vertes. Il y a les mouches tsé-tsé, qui vous emmènent dans les bras de Morphée. Mouche, c’est aussi le nom du compère du Capitaine Crochet. Il y a la mouche qu’arboraient fièrement les Mousquetaires, celles que les belles posaient près de la bouche, ou en des endroits plus coquins...
Il y a les mouches à miel, les mouches à m.... Mais celle que l’on préfère, c’est celle de la rue Traversière
Le coin des lecteurs, spectateurs, voisins...
Mémoire et transmission Mémoire et transmission Transmission de pensée Pensées profondes ou vagabondes Mémoire Trou de mémoire abyssal Qui nous emmène dans le dédale L’enchevêtrement Des folies, des apaisements Su cercle des poètes apparus Nés d’anciennes et douces pluies Frais émoulus des émotions Ici même, intensément Vivait un homme souriant
À la recherche de la beauté Et de l’art de partager Il nous a donné à foison Théâtre, poésie, chansons Moments rares, perles du temps Rencontres, moments palpitants Amitié défiant l’improbable C’est d’amour qu’il était coupable Sans lui, nous ne serions pas ici Convivialement réunis Il n’y a qu’une chose à dire Dans l’abondance des souvenirs Herbert, MERCI Monique Lemoine
Espace non sécurisé Une place pour se rencontrer, créer et débattre
Lettre de Moumouche à Guy
3 septembre > 15 octobre 2011 Place Houwaert > St-Josse
À lire en Bruxellois ou / et avec l’accent bruxellère
Guy mon aimé, En ce beau jour d’anniversaire, permettez que dans mes bras je vous serre. Permettez-moi aussi de déplorer de vous savoir déjà casé !
J’ai toute ma vie été en quête d’un homme tel que vous, beau, fort, musclé, ce corps, oh ! Ce corps que je pourrais presser de mes petits doigts boudinés. Oh ! Oui mon aimé, je vous guette nuit et jour dans l’espoir de vous apercevoir.
Un jour pourtant ma persévérance fut récompensée puisque dans le métro vous m’avez embrassée, et depuis ce jour-là, le savon de mes joues plus jamais ne toucha. De la poste vous êtes le meilleur élément, je vous verrai tellement mieux sur l’écran ! Si j’étais vous, Guy de mon âme.
Je la relèguerai à la campagne cette compagne qui vous accompagne depuis... 18 ans ! Elle a fait son temps !!!
Car lorsque mon corps vous aurez essayé, de moi, plus jamais, ne pourrez vous passer. Je serai le ballon, vous serez le joueur. Je serai votre esclave, vous serez mon seigneur. Dans l’espoir, oh ! Mon idole, d’un signe discret de vous, en rêve (hélas) Seulement me pend à votre cou, votre cou si fort, votre cou si doux Tiens, que rien que d’y songer, je ne tiens plus debout ! Fan de vous, Yvonne
PS : Pas qu’Yvonne qui ne pense qu’à vous. Je vous aime itou et me nomme Chouchou! Oui mais alors, Pupuce me direz-vous ? La question fut posée, elle m’a dit... je m’en fous ! Moumouche Bellin
Une place. Un container. Des dizaines de moments de rencontre et de création. Durant six semaines, la place Houwaert va être la place to be de Saint-Josse. Balades thématiques, projections de films, ateliers créatifs, apéros-débats, fabrication de vidéo-clips, création radiophonique… Une série d’activités gratuites et ouvertes à toutes et à tous vont y être organisées dans l’espace d’un étrange container et aux alentours. De manière ludique et attractive, les habitants de la commune, les passants et curieux seront invités à se positionner autour des deux thématiques qui constituent le fil rouge d’Espace Non sécurisé : le vivre ensemble et la sécurité (à entendre ici au sens large : sécurité sociale, sanitaire, économique, physique…) Une initiative de la Ligue des droits de l’Homme asbl en partenariat avec Radio Panik & Cécile Michel. Avec le soutien de la Commune de Saint-JosseTen-Noode, de la Cocof et de la Communauté française. Infos : 0477 299 160 www.liguedh.be
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RECEVOIR NOS INFORMATIONS • Abonnez-vous à VIS A VIE (gratuit) par e-mail : reservations@theatredelavie.be par fax : 02 219 33 44 • Inscrivez-vous à notre Newsletter via www.theatredelavie.be • Joignez-nous sur facebook Théâtre de la Vie • Rendez-vous sur www.theatredelavie.be RÉSERVER VOS PLACES • Via notre site : www.theatredelavie.be • Par téléphone : 02 219 60 06 PAYER ET RETIRER VOS PLACES • Sur place pour les tickets individuels au plus tard 1/4h avant le début du spectacle (sous peine de remise en vente)
À vos plumes ... !
Si vous êtes auteur, spectateur, enseignant, slameur, voisin, illustrateur ... et que vous souhaitez soumettre une contribution, merci d’écrire à Nathalie Kamoun via l’adresse presse.theatredelavie @ gmail.com
• Par virement pour les groupes de plus de 15 personnes Paiement à effectuer deux semaines avant la représentation (compte : 068-0489300-59) Ouverture des portes
1 heure avant le spectacle Bar et petite restauration
1 heure avant et après chaque représentation CONTACT THÉÂTRE DE LA VIE rue Traversière 45 B-1210 Bruxelles
tél. 02 219 11 86 fax 02 219 33 44 Informations : info@theatredelavie.be Courriel : reservations@theatredelavie.be
Réservez votre carte « AMI POUR LA VIE » au Théâtre de la Vie ou via reservations @ theatredelavie.be
Carte nominative au prix de 15 euros qui vous donne accès à chaque spectacle de la saison (septembre à juin) au tarif réduit de 5 euros.
ACCES
Métro Tram Bus STIB DE LIJN
Arrêt Botanique (Ligne 2 et 6) Arrêt Botanique (92, 94) Arrêt Rue Traversière (61, 65, 66) Arrêt Botanique (270, 271, 272, 358)
PARKING Rue Traversière 15-21 1210 Bruxelles www.theatre dela vie.be
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Le Théâtre de la Vie remercie La Communauté française de Belgique, La Commission communautaire française, La Loterie Nationale, La Commune de Saint-Josse-ten-Noode, Le Vif Club, La Libre Belgique et Le Soir.
info@theatredelavie.be
theatredelavie.be
Le Théâtre de la Vie fête ses 40 ans ! 11-12 : LA VIE EN CONSTRUCTION
Les Multivers du 29/09 au 01/10 Les univers musicaux de Jean-Jacques Lemêtre (FR) et Olivier Thomas (BE)
Le 29/09 à 20h15 Spécial 40 ans Théâtre de la Vie
Concert et Repas proposé par Jean-Jacques Lemêtre (musicien et compositeur du Théâtre du Soleil – Paris) • Cristal Catherine Brisset • Chant tibétain Gazom Lhamo • Qin Li-Yu You • Jean-Jacques Lemêtre et une cinquantaine d’instruments. Artisan cuisiniste : Christian Dupont
Le 30/09 “Tomassenko Trio” et Jean-Jacques Lemêtre 20h15 Concert Chant, compos. : Olivier Thomas Clarinettes, cor de basset et accordéon : Catherine Delaunay Guitares : Laurent Rousseau 22h00 Rencontre
Musiques / Discussions / Imprévus
Le 01/10 à 20h15 Tomassenko Trio Clapping Mauro Paccagnella
Les Multivers du 24 au 26/11 20h15 L’univers de la comédienne
Gwen Berrou (BE) en écho à la création “Fall into the show”
Avec Sarah Antoine (groupe AAAA), Jean-Michel Barthéléry, Gwen Berrou, Caroline Daish, Eric Faes, Jacques Fauville (groupe AAAA), Julie Petit Etienne, Céline Rallet (groupe AAAA), Sylvain Reymond.
VY de Michèle Nguyen
17/12 à 20h15 Spécial 40 ans Théâtre de la Vie MOLIERE 2011 Catégorie Jeune Public
Texte et interprétation : Michèle Nguyen / Mise en scène : Alberto Garcia Sanchez / Accompagnement artistique: Alain Moreau et Morane Asloun / Conception et réalisation de la marionnette: Alain Moreau (Tof Théâtre) / Création lumière: Morane Asloun / Régie: Morane Asloun ou Nicolas Fauchet / Conception et réalisation du pupitre : Didier Henry / Création sonore : Jeanne Debarsy / Graphiste (visuel et affiche): Fabian Sbarro / Déléguée de production: Sylviane Evrard / Attachée de diffusion: MyLinh Bui
Scène Ouverte Jeune Création 11ème édition
du 11 au 28/01 20h15 Coordination et programmation
Jean-François Politzer
Faisons des Vivants CREATION du 29/02 au 11/03 20h15 (11/03 : 17h00) Un projet de Christine Horman et Isabelle Puissant (THEATROPOLITAIN)
avec tout autour Nathalie Boulanger, Hélène Désirant, Bertrand De Wolf, Aurélie Forges, Kevin Matagne, Gaëtan van den Berg. Coproduction Théâtre de la Vie Avec le soutien de la Roseraie
Les Multivers du 30 au 31/03
autour de l’art belge... Belgitudes, Belgissimo, Quo Vadis Belgicae, Barda Belge
Le 30/03 à 20h15 La mort du cochon
Spécial 40 ans Théâtre de la Vie Petit music-hall à la ferme d’Isabelle Wéry Écriture, mise en scène, jeu : Isabelle Wéry / Regard extérieur : Marc Doutrepont / Lumières : Isabelle Deer
Le 31/03 dès 18h00 Table ronde, polémiques, interventions poétiques autour de l’art belge. intervenants précisés en cours de saison
Fall into the show CREATION du 19 au 21/04 20h15
Présence
Exposition Hanna Lippmann
Alphabet
Performance musicale Inger Christensen, Irene Mattioli (Inszenierung), Christiane Hommelsheim (Inszenierung und Performance)
Le coeur rectifié
Louise Desbrusses (textes et voix), Ralf Haarmann (musique électroacoustique), Christiane Hommelsheim (voix et loops)
Shadows, Fairies and Me
Performance musicale Christiane Hommelsheim
Yesterday’s Bird CREATION
Performance vocale de Christiane Hommelsheim et Walli Höfinger, Berlin, en collaboration avec Jonathan Hart Makwaia, N.Y.
Exposition Collective
du 20 au 24/06
Mr Pimpant, Joanna Lorho, Carl Roosens Noémie Marsily
Spectacle sur la chute par Gwen Berrou Cie Petite âme Gwen Berrou, Eric Faes, Julie Petit Etienne, Sylvain Reymond, Céline Rallet, Veronika Mabardi, Laetitia Noldé / Coproduction Théâtre de la Vie, Réseau Open Latitudes
Et aussi ...
invités et dates annoncés en cours de saison
TEMOINS DE NOTRE TEMPS
le deuxième lundi de chaque mois
SLAM A LA VIE
Les Multivers
du 31/05 au 02/06 L’univers textuel, vocal et musical de Christiane Hommelsheim (DE) Un solo n’est jamais un solo