Les Bibliothèques de l'Odéon

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12/13 LES BIBLIOTHÈQUES DE L’ODÉON EXILS SCÈNES IMAGINAIRES L’AMITIÉ DANGEREUSE LES DIX-HUIT HEURES DE L’ODÉON

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Odéon – Théâtre de l’Europe Direction Luc Bondy


p. 4 à 25

LES BIBLIOTHÈQUES DE L’ODÉON

EXILS En coproduction avec France Inter

Rencontres littéraires Animées par Paula Jacques

p. 26 à 33

L’Odéon-Théâtre de l’Europe a souhaité inscrire dans son programme un important cycle de lectures, rencontres et entretiens dédié à la littérature, à la philosophie et bien sûr au théâtre, réunis sous le titre générique des Bibliothèques de l’Odéon.

SCÈNES IMAGINAIRES En coproduction avec France Culture

Portraits de metteurs en scène européens Réalisés par Blandine Masson Animés par Arnaud Laporte p. 34 à 39

Ce programme, mené d’octobre à juin, a été conçu en coproduction avec France Inter (Exils) et France Culture (Scènes imaginaires et L’Amitié dangereuse) ainsi qu’en partenariat avec de grandes maisons d’édition, Flammarion, Le Seuil, Gallimard (Les Dix-huit Heures de l’Odéon).

L’AMITIÉ DANGEREUSE En coproduction avec France Culture

Rencontres philosophiques Animées par Raphaël Enthoven Préparées par Julien Tricard

p. 40 à 56

Les Bibliothèques de l’Odéon présentées en grande salle feront l’objet de rediffusions radiophoniques.

LES DIX-HUIT HEURES DE L’ODÉON En partenariat avec Flammarion, Le Seuil, Gallimard

p. 42 à 47

Rendez-vous philosophiques Animés par Jean-Marie Durand

p. 48 à 53

Pourquoi aimez-vous ? Animé par Daniel Loayza

p. 54 à 56

Vingt ans de lectures avec Folio théâtre Animé par Jean-Yves Tadié

p. 57

Calendrier

p. 58

Informations pratiques

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Photo de couverture (détail) © David Hurn / Magnum Photos


EXILS En coproduction avec France Inter

Grande salle

p. 6-7

Stefan Zweig

Rencontres littéraires

lundi 12 novembre

En présence de Laurent Seksik Textes lus par André Marcon p. 8-9

Sigmund Freud

Animées par Paula Jacques

lundi 26 novembre

En présence de Tobie Nathan Textes lus par Didier Sandre p. 10-11

Joseph Roth

En présence d’écrivains ou de personnalités du monde artistique, Paula Jacques abordera l’œuvre d’auteurs – vivants ou disparus – pour lesquels l’exil aura tenu une place singulière et fondatrice. Ponctuées par des lectures confiées à de grands comédiens et des documents sonores, ces rencontres mettront en lumière des proximités de pensée et de sensibilité qui, au-delà des contingences du temps, peuvent se tisser entre écrivains – même s'ils ne se sont pour la plupart jamais rencontrés.

lundi 10 décembre

En présence de Florence Noiville Textes lus par Michel Vuillermoz p. 12-13

Bertolt Brecht

lundi 14 janvier

En présence de Gérard Mordillat Textes lus par Evelyne Didi p. 14-15

Samuel Beckett

lundi 4 février

En présence de Nancy Huston Textes lus par Denis Podalydès p. 16-17

Marguerite Duras

lundi 15 avril

En présence de Philippe Djian Textes lus par Anne Alvaro p. 18-19

Marina Tsvetaeva

lundi 22 avril

En présence de Tzvetan Todorov Textes lus par Anouk Grinberg p. 20-21

Nina Berberova

Paula Jacques est née au Caire dans une famille juive obligée de quitter l’Égypte en 1957. Elle passe son enfance en Israël dans un kibboutz, avant de venir en France. À Paris, elle exerce toutes sortes de «petits métiers», puis elle fait de l'animation culturelle à la Comédie de Saint-Étienne. Depuis 1975, elle est journaliste dans la presse écrite et productrice à Radio France. Elle anime depuis 1999 le magazine culturel «Cosmopolitaine» sur France Inter. Elle est aussi romancière et membre du prix Femina. Elle a publié entre autres au Mercure de France, Déborah et les anges dissipés (1991, Prix Femina), La descente au paradis (1995), Les femmes avec leur amour (1997), Gilda Stambouli souffre et se plaint (2002, Prix Europe1), Rachel-Rose et l’officier arabe (2006), Kayro Jacobi, juste avant l’oubli (2010).

lundi 29 avril

En présence d’Andreï Makine Textes lus par Dominique Reymond p. 22-23

Vladimir Nabokov

lundi 27 mai

En présence de Lila Azam Zanganeh Textes lus par Nada Strancar p. 24-25

Emil Cioran

lundi 24 juin

En présence de Stéphane Barsacq Textes lus par André Marcon

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EXILS Lundi 12 novembre / 20h

Stefan Zweig En présence de Laurent Seksik Textes lus par André Marcon Stefan Zweig, Lettre à Richard Beer-Hoffmann, 11 juillet 1940

Ma petite intelligence m’a fait quitter l’Autriche aussi bien que l’Angleterre, laissant derrière moi tout ce qui était possession, et même le manuscrit d’un livre à moitié achevé depuis des années. Accueilli et chassé aussitôt, j’erre maintenant avec un visa de transit en Amérique du Sud pour des tournées de conférences, ce que je n’aime pas. Est-ce que je pourrai revenir ? Y serai-je autorisé, le voudrai-je ? Mais je ne me pose plus la question, je me laisse entraîner, animé par la seule pensée de ne pas tomber entre les mains de ces canailles brunes – c’est la seule peur que j’ai encore dans ma vie, les autres ont disparu. Il y a longtemps que je me tenais à l’écart, renonçant à toute fréquentation, heureux du seul commerce de mes livres et de mon jardin, maintenant il faut continuer à vagabonder, et pour tout travail je me raconte (et plus tard à d’autres) ma vie, celle d’un Européen et d’un Juif dans cette époque.

Stefan Zweig est né en 1881 à Vienne, en Autriche. Fils d’un riche industriel israélite, il peut mener ses études en toute liberté, et développe son goût pour la littérature, la philosophie et l’histoire. L’atmosphère cosmopolite de la Vienne impériale favorise chez lui la curiosité du vaste monde. Il excelle dans les genres littéraires les plus divers : nouvelles, récits, essais, biographies. La Confusion des sentiments, Amok, Vingt-quatre heures de la vie d’une femme, Le Joueur d’échecs, l’ont rendu célèbre dans le monde entier. Profondément marqué par la montée et les victoires du nazisme, effondré par l’anéantissement de ses rêves pacifistes et humanistes d’union des peuples, Stefan Zweig se suicide avec sa femme à Petrópolis au Brésil en 1942 où ils s’étaient exilés.

Diffusion sur France Inter le dimanche 25 novembre à 14h dans Cosmopolitaine

Né en 1962, Laurent Seksik est médecin et écrivain. Il est l’auteur de plusieurs romans, parmi lesquels La folle histoire (Lattès, 2002), La consultation (Lattès, 2005), Les derniers jours de Stefan Zweig (Flammarion, 2010) et La Légende des fils (Flammarion, 2011). Il signe également l’adaptation théâtrale des Derniers jours de Stefan Zweig (Flammarion, 2012), créée au Théâtre Antoine en 2012. 6

© DR 7


EXILS Lundi 26 novembre / 20h

Sigmund Freud En présence de Tobie Nathan Textes lus par Didier Sandre Sigmund Freud présenté par lui-même

Sigmund Freud, Lettre à Ferenczi, 30 mars 1922

Je suis né le 6 mai 1856 à Freiberg en Moravie, une petite bourgade de l’actuelle Tchécoslovaquie. Mes parents étaient juifs, je suis également resté juif. Pour ce qui est de ma famille paternelle, je crois savoir qu’elle a longtemps vécu au bord du Rhin (à Cologne), qu’à la suite d’une persécution des juifs elle s’est enfuie vers l’est au XIVe ou au XVe siècle et qu’au cours du XIXe siècle, elle a entrepris de réintégrer progressivement la partie allemande de l’Autriche à partir de la Lituanie, via la Galicie. D’étranges nostalgies secrètes montent en moi, peut-être l’héritage de mes aïeux, pour l’Orient et la Méditerranée, et pour une vie d’une toute autre sorte. [...] Sigmund Freud est né en 1856 en Moravie (Autriche à l’époque, République tchèque aujourd’hui). Médecin, il s’est d’abord spécialisé dans l’anatomie et la physiologie du système nerveux. Après son stage à Paris dans le service de Charcot, il s’oriente davantage vers la psychopathologie et l’étude des névroses et notamment de l’hystérie. C’est en 1896 qu’apparaît pour la première fois dans un article en français le mot «psycho-analyse». Bien plus tard, en 1930, Freud reçoit le prix Goethe et la reconnaissance de l’Allemagne. Mais Hitler se profile à l’horizon et en 1934, les nazis brûlent ses livres à Berlin. Freud est alors contraint à l’exil. Il quitte Vienne en 1938 pour s’installer en Angleterre où il continue à traiter de rares patients. Il meurt à Londres en 1939 d’un cancer de la mâchoire.

Diffusion sur France Inter le dimanche 30 décembre à 14h dans Cosmopolitaine 1939-Maresfield Gardens © DR 8

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Tobie Nathan est né en Égypte, au Caire, en 1948. Il fait ses études en France et devient professeur de psychologie clinique et pathologique à l’Université de Paris VIII. Il crée la première consultation d’ethnopsychiatrie en France, en 1979, dans le service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Avicenne de Bobigny. Il fonde le Centre Georges-Devereux en 1993, centre universitaire d’aide psychologique aux familles migrantes. Il a fondé la première revue francophone d’ethnopsychiatrie, Ethnopsychiatrica. De 2004 à 2009, il a été conseiller de coopération et d’action culturelle auprès de l’ambassade de France en Israël à Tel Aviv puis en Guinée à Conakry jusqu’en 2011. Il est aussi romancier.


EXILS Lundi 10 décembre / 20h

Joseph Roth En présence de Florence Noiville Textes lus par Michel Vuillermoz, sociétaire de la Comédie-Française

Joseph Roth, Juifs en errance (éd. du Seuil, 2009)

Les auberges juives de la Hirtenstrasse à Berlin sont tristes, froides et silencieuses. Les restaurateurs juifs parisiens sont gais, chaleureux et bruyants. Il font tous de bonnes affaires. J’ai parfois mangé chez M. Weingrod. Il propose d’excellentes oies rôties. Il fait un bon schnaps, très fort. Il amuse les clients. Il dit à sa femme : «Donne-moi le livre de comptes, s’il vous plaît.» Et sa femme lui répond : «Allez le prendre sur le buffet, si vous voulez.» Ils parlent un charabia vraiment réjouissant. J’ai demandé à M. Weingrod : «Pourquoi êtes-vous venu à Paris ?» Et M. Weingrod de répondre : «Excusez-moi, monsieur, pourquoi pas à Paris ? En Russie on m’expulse ; en Pologne, on me met en prison et on ne me donne pas de visa pour l’Allemagne. Pourquoi ne serais-je pas venu à Paris ?» Monsieur Weingrod est un homme plein de courage, il a perdu une jambe, il a une prothèse et il est toujours de bonne humeur.

Joseph Roth est né à Brody en Galicie en 1894 dans une famille juive modeste de langue allemande. Il mène une carrière de journaliste à Vienne, Berlin, Francfort, Paris, et une carrière de romancier. Ses textes, nombreux et divers, sont marqués par un regard particulièrement lucide sur son époque et ses contemporains et la nostalgie d’un monde qui disparaît. Opposant de la première heure au national-socialisme, il quitte l’Allemagne dès janvier 1933 pour s’exiler à Paris en 1934, où il meurt malade, alcoolique et sans argent en 1939.

Diffusion sur France Inter le dimanche 27 janvier à 14h dans Cosmopolitaine

Après un début de carrière dans la finance, Florence Noiville se réoriente vers ce qui l’a toujours attirée, l’écriture et la littérature. Elle devient journaliste, critique littéraire au Monde où elle travaille depuis 1994. Parallèlement, elle écrit. Elle publie entre autres une biographie : Isaac Bashevis Singer (Stock, 2003) qui reçoit le Prix du récit biographique 2004. Depuis 2007, elle anime «Le Monde des livres», une émission littéraire sur la chaîne de télévision LCI, et tient une chronique sur les livres de poche sur LCIRadio. 10

11 © Sammlung Senta Lughofer


EXILS Lundi 14 janvier / 20h

Bertolt Brecht En présence de Gérard Mordillat Textes lus par Evelyne Didi Bertolt Brecht, Poèmes de Svendborg, 1939 (éd. L’Arche, 1966)

Sur le sens du mot Émigrant J’ai toujours trouvé faux le nom qu’on nous donnait : émigrants Le mot veut dire expatriés ; mais nous Ne sommes pas partis de notre gré Pour librement choisir une autre terre ; Nous n’avons pas quitté notre pays pour vivre ailleurs, toujours s’il se pouvait. Au contraire nous avons fui. Nous sommes expulsés, nous sommes des proscrits Et le pays qui nous reçut ne sera pas un foyer mais l’exil. Ainsi nous sommes là, inquiets, au plus près des frontières, Attendant le jour du retour, guettant le moindre changement De l’autre côté, pressant de questions Chaque nouveau venu, sans rien oublier, rien céder, Sans rien pardonner de ce qu’on a fait, sans rien pardonner. […]

Bertolt Brecht est né en 1898, fils d’un père catholique, dirigeant d’une fabrique de papier, et d’une mère protestante. Il commence à écrire très tôt et en 1918 il rédige sa première pièce, Baal. La montée du nazisme le force à quitter l’Allemagne en 1933, où son œuvre est interdite et brûlée. Il parcourt l’Europe (Danemark, Finlande, puis Russie), et après une traversée en bateau au départ de Vladivostok, il s’installe en Californie en 1941. Chassé des États-Unis en 1947 en raison du maccarthysme, il se rend alors en Suisse et s’installe définitivement à Berlin-Est en 1948. En 1949, il fonde avec sa femme le Berliner Ensemble. Il meurt à Berlin d’un infarctus en 1956.

Diffusion sur France Inter le dimanche 24 février à 14h dans Cosmopolitaine © DR 12

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Gérard Mordillat est écrivain et cinéaste. Il a publié de nombreux romans, parmi lesquels L’Attraction universelle, Les Vivants et les Morts, Notre part des ténèbres et tout dernièrement Ce que savait Jennie (éditions Calmann-Lévy). Il a tourné une vingtaine de films : La Voix de son maître, Vive La Sociale !, En compagnie d’Antonin Artaud... Avec Jérôme Prieur, il est l’auteur de la trilogie documentaire sur les origines du christianisme Corpus Christi. Pour France 2 et Arte, il a écrit et réalisé l’adaptation de son roman Les Vivants et les Morts.


EXILS Lundi 4 février / 20h

Samuel Beckett En présence de Nancy Huston Textes lus par Denis Podalydès, sociétaire de la Comédie-Française

Samuel Beckett Mal vu mal dit (Les Éditions de Minuit, 1981)

[…] Plus qu’à repartir. Où changer encore. D’où trop tôt revenus. Changés pas assez. Étrangers pas assez. À tout le mal vu mal dit. Puis revenir encore. Faibles de ce qu’il faut pour en finir enfin. Avec elle ses cieux et lieux. Et si encore trop tôt repartir encore. Changer encore. Revenir encore. Sauf empêchement. Ah. Ainsi de suite. Jusqu’à pouvoir en finir enfin. Avec tout le fatras. Dans la nuit continue. La pierre partout. Donc d’abord partir [...] Absence meilleur des biens et cependant. Illumination donc repartir cette fois pour toujours et au retour plus trace. À la surface. De l’illusion. Et si par malheur encore repartir pour toujours encore. Ainsi de suite. Jusqu’à plus trace. À la surface. Au lieu de s’acharner sur place. Sur telle et telle trace. Encore faut-il le pouvoir. Pouvoir s’arracher aux traces. De l’illusion. Vite des fois que soudain oui adieu à tout hasard. Au visage tout au moins. D’elle tenace trace.

Samuel Beckett est né en 1906 dans la banlieue de Dublin. Il s’installe à Paris en 1928 et devient lecteur d’anglais à l’École normale supérieure. Il fait la connaissance de James Joyce avec qui il se lie d’amitié. Il séjourne à Londres et écrit ses premiers romans qui sont refusés par les éditeurs britanniques. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Beckett participe à la Résistance en France. Après la guerre, il se consacre entièrement au théâtre et accède à la notoriété. Il obtient le prix Nobel de littérature en 1969. Beckett meurt à Paris en décembre 1989.

Diffusion sur France Inter le dimanche 31 mars à 14h dans Cosmopolitaine

Nancy Huston est née en 1953 à Calgary en Alberta (Canada). Après le départ de sa mère, elle est élevée par son père aux États-Unis. À vingt ans, elle arrive à Paris pour poursuivre ses études puis décide de s’y installer. Après avoir écrit un roman en anglais refusé par les éditeurs anglophones, elle décide d’écrire ses romans en anglais et français selon un principe de double écriture. Elle est l’auteur de nombreux romans et essais publiés chez Actes Sud, parmi lesquels Instruments des ténèbres (1996), L’Empreinte de l’ange (1998), Lignes de faille (2006, prix Femina), et Reflets dans un œil d’homme (2012). 14

© Long Wharf Theatre 15


EXILS Lundi 15 avril / 20h

Marguerite Duras En présence de Philippe Djian Textes lus par Anne Alvaro Marguerite Duras, L’Amant de la Chine du Nord (éd. Gallimard, 1991)

La mère. Elle leur rappelait aussi que ce pays d’Indochine était leur patrie à eux, ces enfants-là, les siens. Que c’était là qu’ils étaient nés, que c’était là aussi qu’elle avait rencontré leur père, le seul homme qu’elle avait aimé. Cet homme qu’ils n’avaient pas connu parce qu’ils étaient trop jeunes quand il était mort, qu’elle ne leur en avait que très peu parlé pour ne pas assombrir leur enfance. Et aussi que le temps avait passé et que l’amour pour ses enfants avait envahi sa vie. Et puis la mère pleurait. Et puis Thanh chantait dans un langage inconnu l’histoire de son enfance à la frontière du Siam lorsque la mère l’avait trouvé et qu’elle l’avait ramené au bungalow avec ses autres enfants. Pour lui apprendre le français, elle disait, et être lavé, et bien manger, et ça chaque jour. Elle aussi, l’enfant, elle se souvenait, elle pleurait avec Thanh lorsqu’il chantait cette chanson qu’il appelait celle de «L’enfance lointaine» qui racontait tout ça qu’on vient de dire sur l’air de la Valse désespérée.

Marguerite Donnadieu est née en 1914 dans la banlieue de Saïgon. En 1923, sa mère, veuve, s’installe avec ses trois enfants dans le delta du Mékong. En 1932, alors qu’elle vient d’obtenir son baccalauréat, elle quitte Saïgon et vient s’installer en France pour poursuivre ses études. En 1939, elle épouse Robert Antelme, avec qui elle s’engage dans la Résistance. Elle publie Les Impudents, son premier roman, sous le pseudonyme de Marguerite Duras en 1943 . Son œuvre est considérable (cinéma, théâtre, articles de presse, romans et récits). Elle obtient le prix Goncourt en 1984 avec L’Amant. Elle meurt à Paris en mars 1996.

Diffusion sur France Inter le dimanche 28 avril à 14h dans Cosmopolitaine 16 photo Roger Parry / © Gallimard

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Philippe Djian est né en 1949 à Paris d’un père d’origine juive et d’une mère issue d’une famille catholique. Il a exercé de nombreux métiers : pigiste pour des journaux, employé dans un péage, magasinier, vendeur... Son premier livre, 50 contre 1, paraît en 1981. Bleu comme l’enfer a été adapté au cinéma par Yves Boisset, et 37°2 le matin par Jean-Jacques Beineix. Il a publié chez Gallimard en 2012 «OH...» ainsi qu’une nouvelle traduction du Retour de Harold Pinter, créée par Luc Bondy à l’OdéonThéâtre de l’Europe.


EXILS Lundi 22 avril / 20h

Marina Tsvetaeva En présence de Tzvetan Todorov Textes lus par Anouk Grinberg

Dis-tance : des verstes, des milliers... On nous a dis-persés, dé-liés, Pour qu’on se tienne bien : trans-plantés Sur la terre à deux extrémités. Dis-tance : des verstes, des espaces... On nous a dessoudés, déplacés, Disjoint les bras — deux crucifixions, Ne sachant que c’était la fusion De talents et de tendons noués... Non désaccordés : déshonorés, Désordonnés...

Mur et trou de glaise. Écartés on nous a, tels deux aigles — Conjurés : des verstes, des espaces... Non décomposés : dépaysés. Aux gîtes perdus de la planète Déposés — deux orphelins qu’on jette ! Quel mois de mars, non mais quelle date ?! Nous a défaits, tel un jeu de cartes ! Marina Tsvetaeva, Vivre dans le feu –­­ Confessions, 24 mars 1925 (éd. Robert Laffont, 2005)

Née en 1892 à Moscou , fille d’un professeur d’université, Marina Tsvetaeva commence à écrire dès l’âge de six ans. C’est en 1922 qu’elle part à l’étranger, afin de rejoindre son mari, ancien officier de l’armée blanche. Ils vivent d’abord à Berlin, puis à Prague, avant de s’installer à Paris. Ses rapports avec les écrivains russes en exil se détériorent et la pauvreté l’oppresse ; elle écrit beaucoup mais n’est pas ou peu publiée. Après s’être dressée contre le fascisme, elle rentre en Russie en 1939 mais l’Union des écrivains lui refuse son aide. Évacuée avec son fils à Elabuga, en République Tatare, elle s’y suicide par pendaison en août 1941. Né en 1939 à Sofia en Bulgarie, Tzvetan Todorov est à la fois philosophe, sémiologue, linguiste et historien. Il obtient en 1963 un visa pour étudier en France et vit depuis à Paris. En 1968, il intègre le Centre de recherches sur les arts et le langage du CNRS, dont il deviendra directeur en 1987. Dans L’homme dépaysé (éditions du Seuil, 1998), il livre ses réflexions d’homme «arraché» à son milieu, déraciné, et interroge cet espace singulier à la fois dedans et dehors.

Diffusion sur France Inter le dimanche 26 mai à 14h dans Cosmopolitaine 18

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EXILS Lundi 29 avril / 20h

Nina Berberova En présence d’Andreï Makine Textes lus par Dominique Reymond Nina Berberova, C’est moi qui souligne (éd. Actes Sud, 1993)

Je suis libre de vivre où et comme je veux, de lire, de penser ce que je veux, d’écouter qui je veux. Je suis libre dans les rues des grandes villes lorsque, perdue dans la foule, je déambule sans but sous une pluie battante en marmonnant des vers, quand je me promène en forêt ou au bord de la mer dans une solitude bienheureuse, bercée par ma musique intérieure, quand je referme derrière moi la porte de ma chambre. Je choisis mes amis. Je suis heureuse que les énigmes de ma jeunesse aient été élucidées. Je ne fais jamais semblant d’être plus intelligente, plus belle, plus jeune, ni meilleure que je ne suis. Je vis au milieu d’un invraisemblable et indescriptible foisonnement de questions et de réponses et pour être tout à fait franche, les malheurs de mon siècle m’ont plutôt servi : la révolution m’a libérée, l’exil m’a trempée, la guerre m’a projetée dans un autre monde.

Née en 1901 d’un père arménien et d’une mère russe, Nina Berberova grandit à Saint-Pétersbourg dans le milieu de la bourgeoisie libérale. Dès son enfance, elle écrit des poèmes. En raison des répressions systématiques contre l’intelligentsia russe, elle quitte la Russie en 1922 pour rejoindre son compagnon, le poète Khodassevitch. Le couple vit dans plusieurs villes européennes dont Berlin, avant de s’installer à Paris en 1925. La précarité due à son passeport d’apatride mais aussi la perte de «nourriture intellectuelle» la pousse à émigrer aux États-Unis en 1950. Elle y demeurera jusqu’à sa mort, survenue à Philadelphie en septembre 1993. Son œuvre est publiée en France par Actes Sud.

Diffusion sur France Inter le dimanche 30 juin à 14h dans Cosmopolitaine 20 © DR

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Né à Krasnoïarsk en Sibérie en 1957 de parents disparus probablement déportés, Andreï Makine passe son enfance et son adolescence dans un orphelinat sibérien. Boursier, il rédige une thèse sur la littérature française contemporaine à l’Université de Moscou et à trente ans il s’installe à Paris. Il obtient le prix Goncourt et le prix Médicis ex æquo pour son roman Le testament français (Mercure de France) en 1995. Le Goncourt lui vaut la nationalité française préalablement refusée.


EXILS Lundi 27 mai / 20h

Vladimir Nabokov En présence de Lila Azam Zanganeh Textes lus par Nada Strancar Vladimir Nabokov, L’exploit, 1931 (éd. Julliard 1981)

[…] Il se dit que la vie lui avait réservé un drôle, bien drôle de sort ; il lui semblait n’avoir jamais quitté ce rapide, n’avoir fait que traîner de wagon en wagon.[…] Là, dans ce wagon-lit, son enfance a dû voyager, a dû frissonner en défaisant le bouton du rideau de cuir ; et, en s’aventurant un peu plus loin le long du couloir bleu, on arrivait au wagonrestaurant où ses parents prenaient leur souper, et il y avait toujours sur la table la même fausse tablette de chocolat dans son enveloppe de papier violet, et au-dessus de la porte un ventilateur à hélice chatoyait au mieux d’un jardin de réclames. Juste à ce moment-là, comme en réponse à ses souvenirs, Martin aperçut à travers la fenêtre ce qu’il avait vu quand il était enfant : un collier de lumière dans le lointain, parmi les collines obscures. Il lui sembla que quelqu’un les faisait passer d’une main dans l’autre et les empochait.

Né en 1899 dans une famille aristocratique, cultivée et libérale, Vladimir Nabokov apprend très jeune les langues étrangères. La révolution russe met un terme à son adolescence dorée et sa famille doit quitter SaintPétersbourg et se réfugier à Londres. Diplômé de Cambridge en 1923, Vladimir Nabokov s’installe à Berlin. Poussé par la montée du nazisme, il quitte l’Allemagne en 1936 pour Paris, Londres puis les États-Unis, où il enseigne la littérature russe dans les meilleures universités. Il est naturalisé américain en 1945. Sa notoriété devient mondiale en 1958 avec la publication de Lolita. En 1959, il s’installe en Suisse, dans un hôtel de Montreux, où il demeure jusqu’à sa mort en 1977.

Diffusion sur France Inter le samedi 6 juillet à 14h dans Cosmopolitaine

Enfant d’immigrés iraniens, fuyant la révolution de 1979, Lila Azam Zanganeh a grandi à Paris. Normalienne, elle est envoyée à Harvard, où elle enseigne la littérature, le cinéma et les langues romanes. Elle écrit et vit aujourd’hui à New York. Fascinée par Vladimir Nabokov depuis son enfance, elle a publié L’enchanteur. Nabokov et le bonheur (éditions de l’Olivier, 2011), une promenade littéraire dans l’imaginaire de Nabokov, entre essai et fiction. 22

23The Estate of Yousuf Karsh. All Rights Reserved. ©


EXILS Lundi 24 juin / 20h

Emil Cioran En présence de Stéphane Barsacq Textes lus par André Marcon

Emil Cioran, Avantages de l’exil in La tentation d’exister (coll. Quarto, éd. Gallimard)

C’est à tort que l’on se fait de l’exilé l’image de quelqu’un qui abdique, se retire et s’efface, résigné à ses misères, à sa condition de déchet. À l’observer, on découvre en lui un ambitieux, un déçu agressif, un aigri doublé d’un conquérant. Plus nous sommes dépossédés, plus s’exacerbent nos appétits et nos illusions. Je discerne même quelque relation entre le malheur et la mégalomanie. Celui qui a tout perdu conserve comme dernier recours l’espoir de la gloire, ou du scandale littéraire. Il consent à tout abandonner, sauf son nom. Mais son nom, comment l’imposera-t-il, alors qu’il écrit dans une langue que les civilisés ignorent ou méprisent ? Va-t-il s’essayer à un autre idiome ? Il ne lui sera pas aisé de renoncer aux mots où traîne son passé. Qui renie sa langue, pour en adopter une autre, change d’identité, voire de déceptions. Héroïquement traître, il rompt avec ses souvenirs et, jusqu’à un certain point, avec lui-même.

Emil Cioran est né en 1911 en Transylvanie (alors Autriche-Hongrie) d’un père pope orthodoxe et d’une mère athée. Il a sept ans lorsque la Transylvanie rejoint la Roumanie. Il fait des études de philosophie à l’université de Bucarest dès l’âge de 17 ans. Il étudie deux ans à Berlin, rentre en Roumanie puis arrive en France à la fin de l’année 1937 comme boursier de l’Institut français de Bucarest. Il ne reviendra jamais en Roumanie, où ses livres sont interdits par le régime communiste au pouvoir. Après la guerre, il écrit toute une partie de son œuvre en français, abandonnant totalement sa langue maternelle. Il meurt à Paris en 1995.

Diffusion sur France Inter le dimanche 7 juillet à 14h dans Cosmopolitaine

24 photo Jacques Sassier © Gallimard

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Né en 1972, Stéphane Barsacq grandit à Moscou, dans une famille aux ramifications russes et françaises. Après ses études secondaires au Lycée Condorcet à Paris puis à l’Université Paris-IV, il travaille comme grand reporter pour la presse écrite et publie dans de nombreuses revues (Europe, L’Infini, Commentaire…). Il devient directeur littéraire à partir de 2001. Il a publié Cioran, Éjaculations mystiques, au Seuil (2011).


SCÈNES IMAGINAIRES

En coproduction avec

Portraits de metteurs en scène européens De quoi est fait l’imaginaire d’un metteur en scène ? C’est la question que nous poserons à tous les metteurs en scène invités pour cette série de portraits, des portraits composés comme un puzzle, mêlant entretien et lectures. «Qu’est-ce qu’on a lu et qu’est-ce qui nous reste de ces lectures ?» se demandait un jour Luc Bondy, dans un entretien pour France Culture. C’est à partir de cette question que se sont organisées les Scènes imaginaires. Que font-ils, ces metteurs en scène, des livres qu’ils ont lus ? Comment ces lectures les ont-ils changés, formés ou déformés ? De quelle manière ces livres ou la mémoire de ces livres ont-ils pu influencer leurs mises en scène ? À travers une conversation et des extraits de livres qui leur sont chers, lus par des comédiens complices et choisis par les metteurs en scène eux-mêmes, nous tenterons des portraits impressionnistes de chacun de ces artistes.

Grande salle

p. 29

Luc Bondy

lundi 22 octobre

p. 30

Alain Françon

p. 31

Patrice Chéreau

p. 32

Peter Stein

p. 33

Joël Pommerat (sous réserve)

lundi 28 janvier

lundi 25 mars

lundi 8 avril

lundi 10 juin

Réalisés par Blandine Masson Préparés par Baptiste Guiton Animés par Arnaud Laporte

Blandine Masson commence à réaliser des fictions radiophoniques pour France Culture en 1996. Depuis 2004, elle est conseillère de programmes pour la fiction. Elle continue à réaliser des fictions ou des lectures en public, en particulier pendant le Festival d'Avignon. Arnaud Laporte entre à France Culture en 1987 et s’est formé à la double école des Nuits Magnétiques et du Pays d’Ici. Depuis 2000, il a produit et animé plusieurs magazines d’actualité culturelle quotidiens, d’abord en soirée, avec Multipistes et Culture Plus, puis pendant cinq saisons à la mi-journée avec Tout Arrive ! Il produit et anime depuis septembre 2011 La Dispute.

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SCÈNES IMAGINAIRES Lundi 22 octobre / 20h

Luc Bondy LECTURES Toronto, de Luc Bondy, recueil de poèmes, éd. Zsolnay, Vienne, 2012. Traduction de Daniel Loayza. Lu en allemand par Bruno Ganz. De passage, de John Cheever, nouvelle tirée de L’homme de ses rêves, éd. Joëlle Losfeld. Traduction de Laetitia Devaux. Lue par Pascal Greggory, Micha Lescot, Dominique Reymond. Joseph Anton une autobiographie, de Salman Rushdie, éd. Plon. Traduction de Gérard Meudal. Lu par Pascal Greggory. Ma vie, d’Anton Tchekhov, nouvelle, éd. Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade». Traduction d’Édouard Parayre, révision de Lily Denis. Lue par Dominique Reymond.

Diffusion sur France Culture le dimanche 4 novembre à 21h dans Théâtre et Compagnie

© DR

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Directeur des Wiener Festwochen depuis 2001 et de l’Odéon-Théâtre de l’Europe depuis mars 2012, Luc Bondy est né en 1948 à Zurich. Après avoir fréquenté à Paris l’école de pantomime de Jacques Lecoq, il fait ses débuts au Théâtre Universitaire International. Il a signé à ce jour une soixantaine de spectacles, d’abord en Allemagne (Wietkiewicz, Genet, Büchner, Fassbinder, Ionesco, Goethe, Bond, Ibsen, Botho Strauss, Beckett, Shakespeare...) puis dans le monde entier. En 1984, il met en scène Terre étrangère d’Arthur Schnitzler au Théâtre des Amandiers, que dirige Patrice Chéreau. Un an plus tard, il succède à Peter Stein à la direction de la Schaubühne de Berlin. Il est également metteur en scène d’opéra et a réalisé trois films. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont le dernier, La Fête de l’instant (édition revisitée), vient d’être publié par Actes Sud/Académie expérimentale des théâtres.


SCÈNES IMAGINAIRES

SCÈNES IMAGINAIRES

Lundi 28 janvier / 20h

Lundi 25 mars / 20h

Patrice Chéreau

Alain Françon 1997-1998 LEXI/textes (Théâtre national de la Colline/Les éditions de l’Amandier).

Diffusion sur France Culture le dimanche 3 février à 21h dans Théâtre et Compagnie

Je continue de croire que toute représentation théâtrale est susceptible d’arracher un bout de sens au chaos du monde. Comment ne pas être déclaratif quand ce monde est devenu un immense abattoir et un égout à déverser du langage ? [...] Adorno a écrit que la poésie n’était plus possible après les bombes et les camps, elle l’est toujours, mais en enfer, avec les grands poètes qui sont nos guides parmi les ruines. J’entends les reproches de catastrophisme, je lis que tout ça est noir, froid, sans générosité. Comme si le sens ne pouvait pas aller avec le plaisir et la jubilation ! Un des sophismes employés est de prétendre que les publics déprimés ont besoin d’être divertis, doivent oublier. Je crois au contraire que le public a le droit d’accès à un théâtre ni simplifié, ni réduit, ni effroyablement réconfortant, à un théâtre qui produise des paradoxes et d’où l’on sorte en ayant «faim de changement».

Patrice Chéreau, J’y arriverai un jour (Actes Sud, coll. Le temps du théâtre, 2009)

Alain Françon est né à Saint-Étienne en 1945 où il découvre le théâtre grâce à Jean Dasté. Inscrit dans une école d’art lyonnaise, il y fait la connaissance d’André Marcon, Christiane Cohendy, Evelyne Didi, et fonde avec eux le Théâtre éclaté en 1971 à Annecy. Françon y restera dix-huit ans, montant notamment Brecht, O’Neill, Ibsen, Kroetz, Enzo Cormann, Michel Vinaver, Marie Redonnet... En 1989, il est nommé au CDN de Lyon et un an plus tard, il prend la tête du CDN de Savoie. Il y entame notamment sa longue exploration de l’œuvre d’Edward Bond. À la Colline, qu’il dirige de 1996 à 2010, il met en scène une vingtaine de spectacles, essentiellement d’auteurs contemporains (Bond, Danis, Deutsch, Durif, Mayenburg, Vinaver), mais aussi des textes d’Ibsen, Tchekhov, Gorki ou Feydeau. En 2010, il fonde sa propre compagnie, le Théâtre des Nuages de Neige.

Diffusion sur France Culture le dimanche 31 mars à 21h dans Théâtre et Compagnie 30

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C’est je crois la seule chose importante pour un metteur en scène : travailler avec des écrivains qui soient ses contemporains, être à l’écoute des auteurs, à l’affût si je puis dire, chercher à collaborer avec eux. J’ai débuté en mettant en scène des textes classiques ou des textes chinois – très beaux au demeurant – et j’ai mis beaucoup de temps pour rencontrer des écrivains contemporains. Puis il y a eu la rencontre avec Koltès qui a changé ma vie en ceci que j’avais la possibilité de lire le monde à travers la perspective d’un auteur. C’est-à-dire de quelqu’un qui avait un univers, une réflexion bien à lui et qui n’étaient pas les miens mais au service desquels j’ai eu envie de me mettre. Quelqu’un qui disposait d’un point de vue absolument irréductible – souvent plus rebelle que moi ! – sur le monde et son cours, sur les gens qu’il regardait et auxquels il savait donner la parole.

Après un passage au Piccolo Teatro de Milan, Patrice Chéreau devient codirecteur du TNP de Villeurbanne en 1972. Dix ans plus tard, il prend la direction du Théâtre des Amandiers de Nanterre, où il crée plusieurs pièces de Bernard-Marie Koltès. En 1983, L’Homme blessé le fait connaître des cinéphiles et obtient le César du meilleur scénario. Viennent ensuite La Reine Margot (prix du jury au Festival de Cannes de 1994) ou encore Intimité (Ours d’or au Festival de Berlin 2001 et prix Louis-Delluc) ; son dernier film, Persécution, est sorti en décembre 2009. Pour l’inauguration des Ateliers Berthier en 2003, Chéreau revient au théâtre en montant Phèdre, de Racine, avec Dominique Blanc dans le rôle-titre. Il la retrouve six ans plus tard pour La Douleur, de Marguerite Duras ; la même année, il dirige Romain Duris dans La Nuit juste avant les forêts, de Koltès. À l’opéra, Chéreau a notamment collaboré avec Pierre Boulez (Der Ring des Nibelungen, la Tétralogie de Wagner à Bayreuth, De la maison des morts de Janácek) ou Daniel Barenboim (Wozzeck de Berg, Don Giovanni de Mozart, Tristan et Isolde de Wagner) ; en juillet 2013, il mettra en scène Elektra, de Strauss, au Festival d’Aix-en-Provence, sous la direction musicale d’Esa-Pekka Salonen.


SCÈNES IMAGINAIRES

SCÈNES IMAGINAIRES

Lundi 8 avril / 20h

Lundi 10 juin / 20h

Joël Pommerat (sous réserve)

Peter Stein Propos recueillis par Brigitte Salino, Le Monde (24 août 2005)

Diffusion sur France Culture le dimanche 21 avril à 21h dans Théâtre et Compagnie

Il n’était pas dit que je devienne un homme de théâtre. Mais quand j’ai commencé à étudier la littérature et l’histoire de l’art à l’université, j’ai remarqué que je pouvais lire des textes de théâtre beaucoup plus facilement que mes collègues. Ils me demandaient toujours : qu’est-ce que cela veut dire ? Parallèlement, j’avais un certain talent pour imaginer les situations dans l’espace. C’est la base : il faut, si on lit une pièce, développer immédiatement une vision spatiale en trois dimensions. D’une certaine manière, c’est très banal, le théâtre : c’est une action qui requiert au moins deux personnes ­– je déteste les monologues – qui agissent dans un moment coordonné du temps et de l’espace. Pour les comprendre, il faut avoir cette imagination. Quand on découvre qu’on l’a, on se sent unique dans un certain sens, ou au moins un peu spécial. Et on a envie d’explorer ce «talent».

Né à Berlin en 1937, Peter Stein a forgé sa réputation internationale au cours des années 1970 en prenant la direction artistique de la Schaubühne am Lehninerplatz, à Berlin. Cofondateur de la Schaubühne am Halleschen Ufer en 1970, il y travaille notamment avec Jutta Lampe, Edith Clever, Bruno Ganz, signant des mises en scène d’Ibsen, Kleist ou Handke ainsi qu’une version historique de l’Orestie d’Eschyle en 1980. En 1985, Stein reprend sa liberté. De 1992 à 1997, il est responsable de la programmation théâtrale des Salzburger Festspiele. À Hanovre, pour l’Expo 2000, il met en scène un Faust, en version intégrale, avec Bruno Ganz dans le rôle-titre. Parmi ses dernières mises en scène de théâtre : I Demoni, d’après Dostoïevski (Ateliers Berthier, 2010) et Ödipus auf Kolonos de Sophocle. Il monte aussi des opéras. Peter Stein vit aujourd’hui en Italie.

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Joël Pommerat, Théâtres en présence (Actes Sud-Papiers, 2007)

Diffusion sur France Culture le dimanche 23 juin à 21h dans Théâtre et Compagnie

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J’aime aussi que mes histoires soient improbables, tordues. Qu’elles ne tiennent pas vraiment debout comme on dit, au contraire qu’elles soient bancales et que ce soit un vrai tour de force ensuite qu’elles tiennent quand même debout sur le plateau. Rien n’est plus beau selon moi que l’équilibre précaire. J’aime que ça ne soit pas gagné d’avance, que ça ne tienne pas tout seul, que l’écriture des mots, l’écriture du texte ne révèlent pas tout, ne disent pas tout. Que tout ne soit pas joué d’avance. Parce que, dans le fond, mes histoires sont aussi des prétextes à révéler des instants, révéler de la présence, la présence qui est tout à la fois mystère et concret.

Joël Pommerat est né en 1963 à Roanne. Il fonde en 1990 la compagnie Louis Brouillard et crée depuis ses propres textes parmi lesquels Au monde (créé en 2004 au TNS avant de partir en tournée en France et à l’étranger), Les Marchands (TNS, 2006  ; Grand prix de littérature dramatique, 2007). Deux spectacles apportent à la compagnie Louis Brouillard deux Molières des compagnies consécutifs : Cercles / Fictions créé aux Bouffes du Nord (2010) et Ma chambre froide créé aux Ateliers Berthier (ce dernier spectacle, qui vaut également à Pommerat le Molière 2011 de l’auteur francophone vivant et le prix Europe Nouvelles Réalités Théâtrales, reçoit aussi le Grand prix du syndicat de la critique). Joël Pommerat est actuellement artiste associé à l’Odéon-Théâtre de l’Europe et au Théâtre National de Bruxelles. Ses œuvres sont publiées chez Actes Sud-Papiers.


L’AMITIÉ DANGEREUSE En coproduction avec

Grande salle

p. 36

Par Raphaël Enthoven Montaigne / La Boétie

samedi 19 janvier

Assisté de Julien Tricard

avec Pierre Magnard lectures par Georges Claisse et Jean-Louis Jacopin

p. 36

Platon

Comment se fait-il que les philosophes aient si peu parlé d’amitié ? À quel malentendu doit-on un silence qui court, quasiment, de l’Antiquité jusqu’à Montaigne ? Est-ce parce que l’amitié n’est pas une vertu chrétienne mais héritée du paganisme ? Parce que l’universel n’est pas son affaire ? Ou qu’une vertu sélective n’est pas une vertu ? Et si l’amitié, cette évidence, ce communisme à deux, était plus dangereuse qu’on ne pense ? Et si, loin d’être un amour pâle, elle délivrait la formule secrète d’un amour sans amour-propre ? C’est à ces questions, entre autres, que nous tenterons de ne pas répondre lors des six rencontres organisées au Théâtre de l’Odéon, en coproduction avec France Culture selon le même dispositif que l’an dernier : un invité spécialiste de l’auteur en question, deux lecteurs, un animateur, un public nombreux et une diffusion sur France Culture.

samedi 9 février

avec Dimitri El Murr lectures par Georges Claisse et Julie-Marie Parmentier

p. 37

Sartre / Aron

samedi 23 mars

avec Frédéric Worms lectures par Georges Claisse et Jean-Louis Jacopin

p. 38

Aristote samedi 23 février avec Francis Wolff lectures par Julie-Marie Parmentier

p. 38

Diderot / Rousseau

Rediffusions radiophoniques. Dates communiquées ultérieurement sur theatre-odeon.eu samedi 20 avril

avec Raymond Trousson lectures par Georges Claisse et Guillaume Gallienne (sous réserve)

p. 39

Camus / Char

Raphaël Enthoven enseigne la philosophie sur France Culture depuis neuf ans. Après avoir construit une bibliothèque orale de 2003 à 2006 dans le cadre de l’émission Commentaires, il a produit et animé les Nouveaux chemins de la connaissance de 2007 à 2011, tout en présentant l’émission Philosophie sur ARTE. Depuis septembre 2012, toujours sur France Culture, il anime Le Gai Savoir tous les dimanches.

samedi 6 avril

avec Agnès Spiquel et Franck Planeille lectures par Georges Claisse et Marion Richez

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L’AMITIÉ DANGEREUSE

L’AMITIÉ DANGEREUSE

Samedi 19 janvier / 15h

Montaigne / La Boétie avec Pierre Magnard lectures par Georges Claisse et Jean-Louis Jacopin

photo Jacques Robert © Gallimard

Pierre Magnard est un philosophe et Professeur de philosophie émérite à la Sorbonne, lauréat du Grand Prix de Philosophie de l’Académie Française. Très influencé par l’humanisme de la Renaissance et par la figure de Dieu dans la métaphysique classique, il a produit une œuvre reconnue d’élucidation de l’histoire de la pensée occidentale et française. Sa contribution essentielle aux lectures et compréhensions contemporaines de Montaigne, et son immense talent de pédagogie et de clarté, en font l’interlocuteur idéal pour évoquer la relation d’une amitié si singulière entre Montaigne et La Boétie.

Samedi 23 mars / 15h

Sartre / Aron avec Frédéric Worms lectures par Georges Claisse et Jean-Louis Jacopin

Samedi 9 février / 15h

Platon

Sartre et Aron : l’amitié à l’épreuve de l’opinion «Mon petit camarade, pourquoi as-tu si peur de déconner ?» La question, de Sartre à Aron, résume peut-être le lien qui unit ces deux philosophes, suffisamment différents pour devenir amis dans les années 1920, mais trop pour le rester dans un monde bipolaire où chacun, après 1947, fut sommé de choisir entre l’Est et l’Ouest.

avec Dimitri El Murr lectures par Georges Claisse et Julie-Marie Parmentier Platon, ou l’impossible amitié L’amitié est-elle impossible si elle naît de la contrariété ?

Dimitri El Murr est agrégé de philosophie et Maître de conférences en Histoire de la philosophie antique à la Sorbonne. Il est devenu en quelques années une référence incontournable des études platoniciennes et des lectures des dialogues du grand Platon. Son érudition et sa clarté rendront l’élucidation de la philia, ou l’amitié grecque, aussi passionnante que profonde.

photo Jacques Sassier © Gallimard

Montaigne, La Boétie et le deuil de soi «Parce que c’était lui, parce que c’était moi» : quelle définition de l’amitié recouvre le plus bel alexandrin de la pensée française ?

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Frédéric Worms est philosophe et Professeur de philosophie à Lille. Il propose une vision originale de la philosophie française du XXe siècle, qui fait se rencontrer des thèmes généraux de philosophie (la vie, l’existence, la liberté) avec la particularité des configurations et des contextes historiques. Il viendra donc évoquer la façon dont la relation entre Sartre et Aron s’inscrit dans la guerre froide, et comment est tombé entre leur deux pensées ce rideau imperméable d’idées.


L’AMITIÉ DANGEREUSE

L’AMITIÉ DANGEREUSE

Samedi 23 février / 15h

Aristote

avec Francis Wolff lectures par Julie-Marie Parmentier

© Collection Gallimard

Francis Wolff est philosophe et Professeur de philosophie à l’École Normale Supérieure, spécialiste de philosophie antique. Depuis des années, son engagement pour le renouvellement de la «philosophie générale» l’a conduit à ériger la simplicité des idées et la force des arguments en une méthode philosophique redoutablement efficace. Fin connaisseur de la métaphysique et de la politique d’Aristote, il saura reconstruire avec nous sa pensée et sa pratique de l’amitié. Samedi 20 avril / 15h

Diderot / Rousseau

Samedi 6 avril / 15h

Camus / Char

avec Raymond Trousson lectures par Georges Claisse et Guillaume Gallienne, sociétaire de la Comédie-Française (sous réserve)

avec Agnès Spiquel et Franck Planeille lectures par Georges Claisse et Marion Richez

Diderot et Rousseau : touche pas à mon antipode ! «Il n’y a que le méchant qui soit seul» écrit un jour Diderot en pensant à son ancien ami. Mais comment le plus joyeux et le plus mélancolique des hommes ont-ils pu, auparavant, être les meilleurs amis du monde ?

Raymond Trousson est Professeur à l’Université libre de Bruxelles et membre de l’Académie royale de langue et de littérature française de Belgique. Il est, depuis le début des années 1960, celui qui remit au goût du jour la thématologie, c’est-à-dire l’étude de la résurgence des thèmes dans l’histoire littéraire et philosophique. Spécialiste du Siècle des Lumières, il connaît comme ses amis les esprits de Rousseau et de Diderot, et nous expliquera comment leur histoire au demeurant assez simple peut engager de lourds problèmes philosophiques.

photo Jacques Robert © Gallimard

Aristote et Philia Un homme heureux a-t-il besoin d’amis ? L’amitié entre inégaux est-elle pensable ? Comment passe-t-on de l’amour de soi au bien-être d’autrui ?

Camus et Char : versions du soleil Le dernier chapitre de L’homme révolté d’Albert Camus ne se comprend vraiment qu’à la lumière de Fureur et mystère de René Char. Et pour cause : il est normal «quoique merveilleux» que deux amis solaires finissent par s’éclairer l’un l’autre.

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Agnès Spiquel est Professeur de littérature à l’Université de Valenciennes et Présidente de la Société des études camusiennes. Ardente défenderesse de la singularité et de l’irréductibilité de Camus, elle dialoguera avec Franck Planeille, à qui l’on doit l’édition de la correspondance entre Camus et Char. Leur talent et leur complicité rendront vivante et fertile l’évocation de cette amitié poétique et politique, empreinte de transformation mutuelle.


LES DIX-HUIT HEURES DE L’ODÉON Salon Roger Blin

p. 42 à 47

Rendez-vous philosophiques

p. 54 à 56

Animé par Jean-Marie Durand À quoi peuvent donc servir la philosophie et de manière plus large les sciences humaines. Dans nos sociétés et notre époque de plus en plus complexes, formuler les questions, penser et comprendre le monde, éclairer le sens de nos existences, est quelque chose d’essentiel. Dans cette perspective, les Rendez-vous philosophiques donneront à entendre la parole d’auteurs engagés dans cette démarche avec comme promesse, selon la belle formule de Sébastien Charbonnier : «Que peut la philosophie ? être le plus nombreux possible à penser le plus possible». Jean-Christophe Bailly / Le Dépaysement Eva Illouz / Pourquoi l’amour fait mal Michaël Fœssel / Après la fin du monde Gérard Genette / Apostille Fabrice Midal / Auschwitz, l’impossible regard Bernard Sève / L’instrument à l’œuvre

p. 48 à 53

Animé par Jean-Yves Tadié Né en 1993, «Folio théâtre» se voue à l’édition des plus grandes pièces classiques et contemporaines du répertoire français et étranger. Le catalogue compte aujourd’hui 134 titres avec une majorité d’auteurs du XXe siècle. Si le théâtre français est très présent, la scène anglosaxone, et les théâtres de langue allemande, italienne, espagnole et russe figurent en bonne place. Ces vingt ans d’édition seront célébrés à l’Odéon avec six textes choisis pour leur lien avec l’exil. Sophocle / Antigone James Joyce / Exils Paul Claudel / L’Échange William Shakespeare / Le Marchand de Venise Albert Camus / Le Malentendu Luigi Pirandello / Henri IV

jeudi 25 octobre jeudi 15 novembre jeudi 20 décembre jeudi 24 janvier jeudi 21 février jeudi 21 mars

Pourquoi aimez-vous ?

mardi 20 novembre mardi 18 décembre mardi 22 janvier mardi 19 février mercredi 27 mars mardi 23 avril

en partenariat avec 40

mardi 15 janvier mardi 5 février mardi 2 avril mardi 16 avril mardi 4 juin mardi 25 juin

Le Salon Roger Blin, créé à la fin du XIXe siècle, à l'origine un petit foyer ouvert sur le grand foyer du théâtre, est aujourd'hui dédié aux lectures et aux discussions littéraires et philosophiques inscrites dans le cadre des Bibliothèques de l'Odéon. En 1967, Jean-Louis Barrault avait fait transformer cet espace en un «laboratoire pour textes inédits, un théâtre intime pour création d’œuvres nouvelles», baptisé pour l'occasion Petit Odéon. C'est en 1984 qu'il prend le nom de Salle Roger Blin, en hommage à celui qui fut à l'Odéon un immense artisan du théâtre. C'est lors des derniers travaux de rénovation (2002-2006) que l'architecte a décidé la remise en l'état du foyer public. Ses quatre-vingt places en font l’espace idéal pour accueillir l’actualité des maisons d’édition et des auteurs, dans un quartier où la littérature a toujours occupé une place essentielle.

Animé par Daniel Loayza Parce que la littérature d’aujourd’hui se nourrit de celle d’hier, la GF a interrogé des écrivains contemporains sur leur «classique préféré». À travers l’évocation intime de leurs souvenirs et de leur expérience de lecture, ils nous font partager leur amour des lettres, et nous laissent entrevoir ce que la littérature leur a apporté. Ce qu’elle peut apporter à chacun de nous, au quotidien. Mathias Énard / Joseph Conrad Christian Garcin / Honoré de Balzac Philippe Jaenada / Denis Diderot Laurent Seksik / Stefan Zweig Philippe Forest / Marcel Proust Olivier Rolin / Homère

Vingt ans de lectures avec Folio théâtre

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LES DIX-HUIT HEURES DE L’ODÉON

LES DIX-HUIT HEURES DE L’ODÉON

RENDEZ-VOUS PHILOSOPHIQUES Jeudi 25 octobre / 18h

RENDEZ-VOUS PHILOSOPHIQUES Jeudi 15 novembre / 18h

Eva Illouz

Le Dépaysement

Pourquoi l’amour fait mal

Voyages en France

L’expérience amoureuse dans la modernité

© Hermance Trihay

© Susanne Schleyer

Jean-Christophe Bailly

Jean-Christophe Bailly est un auteur indéfinissable, à la croisée de l’histoire, de l’histoire de l’art, de la philosophie et de la poésie. Il est auteur entre autres de Le propre du langage (1997), Basse continue (2000), Le champ mimétique (2005), L'instant et son ombre (2008) parus aux éditions du Seuil.

«Qu’est-ce qui, de la France, résonne en moi ? Qu’est-ce qui fait que, à ce pays, je me sens appartenir ?». Porteur de cette interrogation délicate et profonde qu’une récente actualité politique a malheureusement enlaidie, l’auteur a entrepris toutes sortes de petits voyages en France, dans des endroits où il sentait devoir aller, parfois historiques (Bibracte, Varenne, Verdun…), parfois poétiques (un fleuve, une rivière, la ferme où habita Rimbaud…), tantôt dans des villes (Nîmes, Arles, Beaugency, Lorient…), ou encore le long d’un parcours en train, ou d’une frontière. Ce peut être aussi une activité industrielle, un lieu utopique, un jardin, la source de la Loue… Ce que Bailly cherche à dire, c’est une forme de bonheur dans une France qui ne s’enracine pas, mais qui produit les signes parfois anciens de sa mémoire collective et des plis ou replis de son territoire. C’est un livre de traces, de souvenirs personnels ou empruntés ; c’est un pays avec ses façons de faire, ses pénétrations étrangères qui participent elles aussi à une culture. C’est un vivre ensemble, qui accueille ou rejette. Non pas une nostalgie, mais un recueil de temps, de lieux, de parcours, de vies.

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Eva Illouz est professeur de sociologie à la Hebrew University de Jérusalem. Elle est l’auteur de nombreux livres, parmi lesquels Les sentiments du capitalisme, paru au Seuil en 2006.

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Qu’est-il arrivé à l’amour dans les sociétés modernes ? Tout le monde a fait dans sa vie l’expérience de la souffrance amoureuse, s’identifiant parfois aux héros ou héroïnes de la littérature, de Madame Bovary aux personnages de Jane Austen. Pourtant, si le mal d’amour a toujours existé, il y a une manière spécifiquement moderne d’aimer et de souffrir de l’amour, que le livre d’Eva Illouz entend comprendre et éclairer. À partir de nombreux témoignages et d’exemples issus de la culture populaire, elle dresse le portrait de l’individu contemporain et de son rapport à l’amour, de son fantasme d’autonomie et d’épanouissement personnel, ainsi que des pathologies qui lui sont associées : narcissisme, incapacité à choisir, refus de s’engager, évaluation permanente de soi et du partenaire, psychologisation à l’extrême des rapports amoureux, tyrannie de l’industrie de la mode et de la beauté, marchandisation de la rencontre (internet, sites de rencontre), etc. Tout cela dessine une économie émotionnelle et sexuelle propre à la modernité qui laisse l’individu désemparé, pris entre une hyper-émotivité paralysante et un cadre social qui tend à standardiser, dépassionner et rationaliser les relations amoureuses. Un grand livre de sciences sociales sur le destin de l’amour dans les sociétés modernes.


LES DIX-HUIT HEURES DE L’ODÉON

LES DIX-HUIT HEURES DE L’ODÉON

RENDEZ-VOUS PHILOSOPHIQUES Jeudi 20 décembre / 18h

RENDEZ-VOUS PHILOSOPHIQUES Jeudi 24 janvier / 18h

Michaël Fœssel

Gérard Genette

Après la fin du monde

Apostille

© Ulf Andersen

© Emmanuelle Marchadour

Critique de la raison apocalyptique

Michaël Fœssel, né en 1974, est philosophe, maître de conférences à l’université de Bourgogne et membre de l’Institut universitaire de France. Il est notamment l’auteur de Kant et l’Équivoque du monde (CNRS Éditions, 2008), de La privation de l’intime (Seuil, 2008) et d’État de vigilance. Critique de la banalité sécuritaire (Le Bord de l’eau, 2010).

Textes lus par David Botbol

Comment résister au catastrophisme ? Notre temps est, dit-on, celui des catastrophes. Sur les nouveaux fronts de l’écologie, du changement climatique ou de la menace nucléaire, les idéologies du progrès ont cédé la place à l’angoisse. Michaël Fœssel interprète les peurs apocalyptiques actuelles à partir des expériences contemporaines où les sujets se sentent dépossédés du monde : triomphe de la technique sur l’action, du capital sur le travail, du besoin sur le désir. Pour cela, il propose une généalogie de l’idée de «fin du monde» qui distingue deux voies de la modernité : celle qui privilégie la vie et sa conservation, aujourd’hui à l’œuvre dans la plupart des conceptions écologiques et précautionneuses du réel ; celle qui fait du monde le thème principal de la philosophie en même temps qu’un enjeu politique de premier ordre. Nous sommes désormais face à une alternative : perpétuer la vie ou édifier un monde. Les théories de la catastrophe ne se soucient plus de savoir quel monde mérite d’être défendu. En ce sens, le fait que la fin du monde a déjà eu lieu est une bonne nouvelle : cela nous invite à inventer des espaces pour l’action et à fonder un nouveau cosmopolitisme.

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Gérard Genette est né à Paris en 1930. Visiting professor à la New York University, ancien directeur d’études de l’École des hautes études en sciences sociales, il dirige la collection «Poétique» aux éditions du Seuil. Il est l’auteur de Bardadrac (2006) et Codicille (2009), publiés au Seuil.

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«Apostille. Si j’en crois mon dictionnaire habituel, ce nom provient, par dérivation à rebours, du (plus ancien) verbe apostiller, qui signifie «ajouter par après (postea)». Une apostille c’est donc simplement, comme le savent au moins depuis 1983 les lecteurs d’Umberto Eco, ce qu’il arrive qu’on fasse quand on apostille. Étymologiquement, donc, la poste n’y est pour rien, ni les postillons de tous acabits, quoi qu’en puisse suggérer l’homophonie...» Après Bardadrac et Codicille, l’auteur livre avec Apostille le troisième volume de son abécédaire personnel. Une succession de souvenirs et de pensées qui se bousculent entre un point de vue politique, une rêverie musicale ou un avis littéraire – Flaubert, Stendhal, Proust ont une place de choix et viennent scander ce récit à tiroirs. Tout est servi avec délicatesse et élégance quand il s’agit des autres et avec dérision ou pudeur quand il s’agit de soi-même. L’humour n’est pas en reste et s’inscrit comme un des dénominateurs communs de ces petites chroniques parfois nostalgiques et souvent incisives.


LES DIX-HUIT HEURES DE L’ODÉON

LES DIX-HUIT HEURES DE L’ODÉON

RENDEZ-VOUS PHILOSOPHIQUES Jeudi 21 février / 18h

RENDEZ-VOUS PHILOSOPHIQUES Jeudi 21 mars / 18h

Bernard Sève

Auschwitz, l’impossible regard

L’instrument à l’œuvre

© DR

© Astrid di Crollalanza

Fabrice Midal

Docteur en philosophie, Fabrice Midal est le fondateur de l’École Occidentale de méditation. Il est par ailleurs éditeur, dirigeant deux collections aux éditions Belfond et Pocket. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages marquants dont Risquer la liberté (Seuil, 2009) et Pourquoi la poésie ? (Pocket, 2010).

«Auschwitz n’est pas figurable, il n’y a aucune leçon à en tirer. Je crois que seule la poésie peut nous l’apprendre.» Auschwitz est comme un trou dans notre histoire, au-delà même d’une tragédie, si l’on donne à ce terme les connotations nobles et élevées qu’on lui associe d’ordinaire. Dès lors, la question, pour nous tous, est de savoir dans quel espace nous pouvons vivre si nous acceptons d’ «habiter cette catastrophe», si, au lieu de vouloir l’intégrer dans un ordre quelconque en tentant d’en tirer des leçons, nous la vivons comme indépassable. Ce livre passe en revue les catégories devenues classiques pour analyser la Shoah : génocide, banalité du mal, devoir de mémoire... Il les critique toutes. Il ne les refuse pas, mais s’efforce, respectueusement, d’en montrer les limites. Par sa seule existence, la Shoah récuse d’une manière abyssale nombre de présupposés de la tradition philosophique et politique occidentale : par exemple la représentation de l’homme comme «animal raisonnable» et l’opposition entre cette rationalité et des passions qu’il faudrait dompter. Elle nous oblige à reconsidérer l’histoire de l’Occident, et à repenser l’homme. Si le sol de nos certitudes est ainsi ébranlé d’une manière décisive, dans quelle «maison» pouvons-nous vivre désormais ? Fabrice Midal nous fait entendre la parole de Nelly Sachs et de Paul Celan : la «cabane» dans laquelle nous séjournerons ne pourra plus annuler notre exil. 46

Bernard Sève est professeur d’esthétique et de philosophie de l’art à l’Université Lille-3. Il a, entre autres, publié La Question philosophique de l’existence de Dieu (PUF, 1994, 2ème édition revue, 2000) ; L’Altération musicale, ou ce que la musique apprend au philosophe (Seuil, collection Poétique, nouvelle édition 2013) ; Montaigne. Des règles pour l’esprit (PUF, collection Philosophie d’aujourd’hui, 2007).

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À quelques exceptions près (Hegel, K. Levinson, St. Davies), l’instrument de musique est le grand oublié des philosophies de la musique (qui privilégient, pour des raisons complexes, la voix humaine). Or l’instrument de musique présente une originalité unique : il ne doit être confondu ni avec l’accessoire de théâtre ni avec un outil artistique (comme le pinceau du peintre), ni avec une machine (la caméra), lesquels n’ont plus à être utilisés quand l’œuvre est achevée. L’usage de l’instrument de musique est coextensif à l’existence actuelle et complète de l’œuvre musicale (écrite ou improvisée). La musique est, en ce sens, le seul art qui use d’instruments. C’est à la lumière de cette thèse que j’entends penser l’instrument, la musique, et, d’une certaine façon, les autres arts (qui ne se servent pas d’instruments à la façon de la musique). Mais c’est bien la musique et ses instruments qui sont au cœur du livre. L’humanité dispose, dans les milliers d’instruments de musique qu’elle a inventés, d’un extraordinaire archivage matériel de ses techniques, des formes de sa sensibilité, de ses croyances et de ses rêves. Le livre entend faire droit à cette richesse, qu’il entend penser philosophiquement. C’est-à-dire penser le statut ontologique et esthétique de l’instrument de musique, dans son lien notamment avec la question de l’écriture, du temps musical, de la technique, de l’histoire, de l’interprétation, de l’ontologie de l’œuvre musicale.


LES DIX-HUIT HEURES DE L’ODÉON

LES DIX-HUIT HEURES DE L’ODÉON

POURQUOI AIMEZ-VOUS ? Mardi 20 novembre / 18h

POURQUOI AIMEZ-VOUS ? Mardi 18 décembre / 18 h

Mathias Énard

Christian Garcin

Au cœur des ténèbres

Le Colonel Chabert

Honoré de Balzac © Witi de Tera / Opale / Flammarion

© Melania Avanzato / Opale / Flammarion

Joseph Conrad

Né en 1972, Mathias Énard a étudié le persan et l’arabe et fait de longs séjours au Moyen-Orient. Il vit à Barcelone. Il est notamment l’auteur de cinq romans parus chez Actes Sud : La Perfection du tir (2003), Remonter l’Orénoque (2005), Zone (2008), Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants (2010), et Rue des voleurs (2012).

La destinée. Ma destinée ! C’est une drôle de chose que la vie – ce mystérieux arrangement d’une logique sans merci pour un dessein futile. Le plus qu’on puisse en espérer, c’est quelque connaissance de soi-même – qui vient trop tard –, une moisson de regrets inextinguibles. J’ai lutté contre la mort. C’est le combat le plus terne qu’on puisse imaginer. Il se déroule dans une grisaille impalpable, sans rien sous les pieds, rien alentour, pas de spectateurs, pas de clameurs, pas de gloire, sans grand désir de victoire, sans grande peur de la défaite, sans beaucoup croire à son droit, encore moins à celui de l’adversaire – dans une atmosphère écœurante de scepticisme tiède. Si telle est la forme de l’ultime sagesse, alors la vie est une plus grande énigme que ne pensent certains d’entre nous. J’étais à deux doigts de la dernière occasion de me prononcer, et je découvris, déconfit, que probablement je n’aurais rien à dire. C’est pour cela que j’atteste que Kurtz fut un homme remarquable. Il avait quelque chose à dire. Il le dit. Depuis que j’avais moi-même risqué un œil pardessus le bord, j’ai mieux compris le sens de ce regard fixe, qui ne voyait pas la flamme de la bougie, mais qui était assez ample pour embrasser tout l’univers, assez perçant pour pénétrer tous les cœurs qui battent dans les ténèbres. Il avait résumé – il avait jugé. « L’Horreur !»

Né en 1959, Christian Garcin est l’auteur de plusieurs romans, parmi lesquels Le Vol du pigeon voyageur (Gallimard, 2000), La Jubilation des hasards (Gallimard, 2005), La Piste mongole (Verdier, 2009) et Des femmes disparaissent (Verdier, 2011), de récits de vies (Vidas et Vies volées, Gallimard, «Folio», 2007), de nouvelles, de poèmes, de récits de voyages et d’essais sur la peinture et la littérature.

Le Colonel Chabert

Au cœur des ténèbres

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Savez-vous, mon cher, reprit Derville après une pause, qu’il existe dans notre société trois hommes, le Prêtre, le Médecin et l’Homme de justice, qui ne peuvent pas estimer le monde ? Ils ont des robes noires, peut-être parce qu’ils portent le deuil de toutes les vertus, de toutes les illusions. Le plus malheureux des trois est l’avoué. (...) Nous autres avoués, nous voyons se répéter les mêmes sentiments mauvais, rien ne les corrige, nos études sont des égouts qu’on ne peut pas curer. Combien de choses n’ai-je pas apprises en exerçant ma charge ! J’ai vu mourir un père dans un grenier, sans sou ni maille, abandonné par deux filles auxquelles il avait donné quarante mille livres de rente ! J’ai vu brûler des testaments ; j’ai vu des mères dépouillant leurs enfants, des maris volant leurs femmes, des femmes tuant leurs maris en se servant de l’amour qu’elles leur inspiraient pour les rendre fous ou imbéciles, afin de vivre en paix avec un amant. J’ai vu des femmes donnant à l’enfant d’un premier lit des goûts qui devaient amener sa mort, afin d’enrichir l’enfant de l’amour. Je ne puis vous dire tout ce que j’ai vu, car j’ai vu des crimes contre lesquels la justice est impuissante. Enfin, toutes les horreurs que les romanciers croient inventer sont toujours au-dessous de la vérité.

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LES DIX-HUIT HEURES DE L’ODÉON

LES DIX-HUIT HEURES DE L’ODÉON

POURQUOI AIMEZ-VOUS ? Mardi 22 janvier / 18h

POURQUOI AIMEZ-VOUS ? Mardi 19 février / 18h

Philippe Jaenada

Laurent Seksik

Jacques le Fataliste

Vingt-quatre heures de la vie d’une femme

Denis Diderot

Gérard Uféras © Flammarion

© Hannah Assouline / Opale / Flammarion

Stefan Zweig

Né en 1964, Philippe Jaenada est romancier. Il est notamment l’auteur, chez Julliard, du Chameau sauvage (1997), et, chez Grasset, du Cosmonaute (2002), de Vie et mort de la jeune fille blonde (2004), de Plage de Manaccora, 16h30 (2009), et de La femme et l’ours (2011).

Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe. D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut. LE MAÎTRE : C’est un grand mot que cela. JACQUES : Mon capitaine ajoutait que chaque balle qui partait d’un fusil avait son billet. LE MAÎTRE : Et il avait raison... Après une courte pause, Jacques s’écria : «Que le diable emporte le cabaretier et son cabaret !» LE MAÎTRE : Pourquoi donner au diable son prochain ? Cela n’est pas chrétien. JACQUES : C’est que, tandis que je m’enivre de son mauvais vin, j’oublie de mener nos chevaux à l’abreuvoir. Mon père s’en aperçoit ; il se fâche. Je hoche de la tête ; il prend un bâton et m’en frotte un peu durement les épaules. Un régiment passait pour aller au camp devant Fontenoy ; de dépit je m’enrôle. Nous arrivons ; la bataille se donne. LE MAÎTRE : Et tu reçois la balle à ton adresse.

Né en 1962, Laurent Seksik est médecin et écrivain. Il est l’auteur de plusieurs romans, parmi lesquels La folle histoire (Lattès, 2002), La consultation (Lattès, 2005), Les derniers jours de Stefan Zweig (Flammarion, 2010) et La Légende des fils (Flammarion, 2011). Il a également signé l’adaptation théâtrale des Derniers jours de Stefan Zweig (Flammarion, 2012), mise en scène par Gérard Gelas au Théâtre Antoine en 2012.

Jacques le Fataliste et son maître

Il n’y a que le premier pas qui coûte. Voilà deux jours que je me prépare à être parfaitement claire et franche : j’espère y parvenir. Vous ne concevez toujours pas, peut-être, que je vous raconte tout cela à vous qui ne m’êtes rien, mais il ne se passe pas un jour, pas une heure sans que je pense à cet événement précis et, croyez-en une vieille dame, c’est insupportable de rester toute sa vie figée dans le souvenir d’un unique épisode, d’une unique journée. Tout ce que je vais vous raconter, en effet, tient sur à peine vingt-quatre heures de mes soixante-sept années, et, je me le suis dit et redit je ne sais combien de fois, qu’est-ce qu’un seul instant d’égarement dans toute une vie ? Mais la «conscience», selon le terme si contestable dont nous la désignons, est une chose dont on ne se débarrasse pas, et en vous entendant parler sans préventions du cas Henriette, j’ai pensé que ce ressassement absurde, cette autoflagellation permanente prendraient peut-être fin si j’arrivais à évoquer librement cette journée de ma vie devant quelqu’un. Si je n’étais pas anglicane mais catholique, il y a longtemps que la confession m’aurait donné l’occasion de me soulager en mots ; mais cette consolation nous est refusée, d’où l’étrange tentative à laquelle je me livre aujourd’hui : m’absoudre moi-même, en vous prenant pour confident. Oui, tout cela est très étrange, je sais, mais vous avez accepté ma proposition sans hésiter et je vous en remercie. Vingt-quatre heures de la vie d’une femme

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LES DIX-HUIT HEURES DE L’ODÉON

LES DIX-HUIT HEURES DE L’ODÉON

POURQUOI AIMEZ-VOUS ? Mercredi 27 mars / 18h

POURQUOI AIMEZ-VOUS ? Mardi 23 avril / 18h

Philippe Forest

Olivier Rolin

Un amour de Swann

L’Iliade Homère

© Basso Cannarsa / Opale / Flammarion

© Beowulf Sheehan / PEN / Opale / Flammarion

Marcel Proust

Né en 1962, Philippe Forest est romancier, essayiste et professeur de littérature à l’université de Nantes. Il est l’auteur de plusieurs romans parus chez Gallimard : L’Enfant éternel (1997), Toute la nuit (1999), Sarinagara (2004), Le Nouvel Amour (2007) et Le Siècle des nuages (2010), et de différents essais consacrés notamment à la littérature et à l’histoire des avant-gardes.

Mais tandis que, une heure après son réveil, il donnait des indications au coiffeur pour que sa brosse ne se dérangeât pas en wagon, il repensa à son rêve ; il revit comme il les avait sentis tout près de lui, le teint pâle d’Odette, les joues trop maigres, les traits tirés, les yeux battus, tout ce que – au cours des tendresses successives qui avaient fait de son durable amour pour Odette un long oubli de l’image première qu’il avait reçue d’elle – il avait cessé de remarquer depuis les premiers temps de leur liaison dans lesquels sans doute, pendant qu’il dormait, sa mémoire en avait été chercher la sensation exacte. Et avec cette muflerie intermittente qui reparaissait chez lui dès qu’il n’était plus malheureux et que baissait du même coup le niveau de sa moralité, il s’écria en lui-même : «Dire que j’ai gâché des années de ma vie, que j’ai voulu mourir, que j’ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n’était pas mon genre! » Un amour de Swann

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Né en 1947, Olivier Rolin est écrivain. Il est notamment l’auteur, aux éditions du Seuil, de Port-Soudan (1994, Prix Fémina), Tigre en papier (2002, Prix France Culture 2003), Suite à l’hôtel Crystal (2004), Un chasseur de lions (2008) et Bakou, derniers jours (2010). Ses romans, récits et articles ont récemment été rassemblés dans Circus (Seuil, 2 vol., 2011 et 2012).

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Chante la colère, déesse, du fils de Pelée, Achille, colère funeste, qui causa mille douleurs aux Achéens, précipita chez Hadès mainte âme forte de héros, et fit de leurs corps la proie des chiens et des oiseaux innombrables : la volonté de Zeus s’accomplissait. Commence à la querelle qui divisa l’Atride, roi de guerriers, et le divin Achille. Quel dieu, en cette querelle, les lança l’un contre l’autre ? Le fils de Latone et de Zeus. Irrité contre le roi, il suscita dans l’armée un mal pernicieux, et les troupes périssaient, parce que Chrysès avait été outragé, lui, le prêtre, par l’Atride. Chrysès était venu aux vaisseaux fins des Achéens pour délivrer sa fille, apportant une rançon immense […] mais l’Atride Agamemnon en eut du déplaisir au cœur. Méchamment, il renvoya Chrysès, sur cet ordre rude : «Ne te trouve pas devant moi, vieillard, près de nos vaisseaux creux, ni aujourd’hui, en t’y attardant, ni plus tard, en revenant ici ! Ou crains que te soient inutiles le sceptre et les bandelettes du dieu. Ta fille, je ne la délivrerai pas.» L’Iliade


LES DIX-HUIT HEURES DE L’ODÉON

LES DIX-HUIT HEURES DE L’ODÉON

VINGT ANS DE LECTURES AVEC FOLIO THÉÂTRE

VINGT ANS DE LECTURES AVEC FOLIO THÉÂTRE

Mardi 15 janvier / 18h

Mardi 2 avril / 18h

Sophocle / Antigone

Paul Claudel / L’Échange (première version)

En présence de Jean-Louis Backès

En présence de Michel Lioure

Traduction de Jean Grosjean

L’exil est une constante de la vie de Paul Claudel et l’un des leitmotive de son œuvre. L’exil, écrira-t-il dans son Journal, est sa «vraie patrie». Claudel passa l’essentiel de son existence à l’étranger : «L’exil où il est entré le suit», écrit-il dans un poème de Connaissance de l’Est. Composé lors de son premier poste à New York et à Boston en 1893-1894, et situé sur les lieux mêmes où il exerçait ses fonctions, L’Échange est le reflet des sentiments du jeune homme éloigné pour la première fois du pays natal et partagé entre des impressions et des tentations contradictoires : la douleur de la nostalgie et le bonheur de la liberté, le poids de la solitude et le plaisir de la découverte. Tandis que Marthe, une fille de France, incarne le regret du sol natal et le dépaysement dans cette «terre d’exil», les autres personnages illustrent les divers aspects de la vie et de la civilisation américaines. L’Échange est bien «le drame de l’exil». Michel Lioure

L’image d’Antigone exilée, qui court les routes pour guider son vieux père aveugle, apparaît dans d’autres pièces de Sophocle. Dans celleci, l’héroïne ne quitte pas sa ville. Mais le motif de la patrie, partout présent, se lie plus qu’ailleurs à la vision de l’exil. Étéocle et Polynice doivent régner en alternance. Polynice s’en va. Quand vient son tour, il se heurte à un refus ; son frère ne respecte pas le contrat. Polynice ne peut pas revenir dans sa ville. Il ne supporte pas de devoir vivre à l’étranger. Il organise l’expédition impie contre sa propre cité. Les deux frères se tuent réciproquement. Créon leur oncle, qui leur succède, fait enterrer l’un et refuse à l’autre, à l’exilé, toute sépulture. Les significations de ce geste téméraire sont nombreuses et diverses ; il en est une qui compte : on refuse à Polynice le lieu auquel il a droit. Il lui faudra errer à jamais ; il n’entrera pas au pays des morts. Ce pays est une autre patrie ; on y retrouve le père et la mère. Pour Antigone, quitter la vie Jean-Louis Backès n’est pas un exil.

Mardi 16 avril / 18h

William Shakespeare Le Marchand de Venise

Mardi 5 février / 18h

James Joyce / Exils

En présence de Gisèle Venet et Jean-Michel Déprats (sous réserve)

En présence de Jean-Michel Rabaté

Traduction de Jean-Michel Déprats

Traduction de Jean-Michel Déprats

Sous ce titre énigmatique, Le Marchand de Venise, quelle identité se profile, à la fois appropriée et inappropriée ? S’agit-il d’un personnage de tragédie en exil dans une comédie ? [...] En fait, ce marchand de Venise en exil hors de soi dès le début de la pièce, en déficit d’être, indifférent à ses biens autant qu’à lui-même, semble là en contrepoint du Juif de Venise, Shylock, frappé, lui, par la tragédie de l’exil dans son être et dans ses biens – «vous prenez ma vie quand vous me prenez les moyens de vivre» –, mais qui, sur ce «théâtre du monde» qu’est la scène shakespearienne, s’affirme comme le seul à pouvoir dire «Je» en disant «Je suis Juif», au nom de l’universelle identité, celle de l’homme qui dit «nous » et se connaît dans la souffrance comme dans le rire. Gisèle Venet

Exils, seule pièce de Joyce qui ait survécu, recèle des trésors. Véritable laboratoire donnant accès au cœur de l’œuvre, elle explore hardiment la cruauté et la jalousie des amants. Jouant sur la structure du marivaudage classique – deux hommes et deux femmes se trouvent pris dans un quadrille où la tromperie le dispute à la franchise la plus crue –, elle interroge sans relâche la nature de la relation amoureuse. Annonçant le théâtre de Beckett et de Pinter, la pièce ne conclut jamais. Une vertigineuse spirale d’introspection et de questionnements de plus en plus angoissés amène à poser la question ultime : que veut dire se donner à quelqu’un ? Jean-Michel Rabaté 54

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CALENDRIER 12/13

VINGT ANS DE LECTURES AVEC FOLIO THÉÂTRE

octobre

Mardi 4 juin / 18h

Albert Camus Le Malentendu

novembre

En présence de Pierre-Louis Rey Textes lus par Corine Juresco

décembre

Créé aux Mathurins en juin 1944, Le Malentendu se présente comme un fait divers tragique. Le client d’une sinistre auberge tchécoslovaque est tué et dépouillé par sa sœur Martha et sa mère, qui ne l’ont pas reconnu. Martha (Maria Casarès) cherche ainsi à réunir l’argent grâce auquel elle partira un jour habiter sur des rivages heureux. Quand il compose sa pièce, Camus est lui-même, en raison de la guerre, exilé du pays ensoleillé où il a grandi. L’exigence des beautés naturelles justifie-t-elle le meurtre ? Martha apparaît, pour le moins, comme une héroïne tragique, victime de sa condition, assez endurcie pour affronter son erreur et prête à mourir plutôt que de transiger sur son droit au bonheur. Pierre-Louis Rey

janvier

février

Mardi 25 juin / 18h

Luigi Pirandello / Henri IV

mars

En présence de Robert Abirached Textes lus par Bruno Abraham-Kremer

lun 22 jeu 25

Scènes imaginaires / Luc Bondy Rendez-vous philosophiques / Jean-Christophe Bailly

20h 18h

lun 12 jeu 15 mar 20 lun 26

Exils / Stefan Zweig Rendez-vous philosophiques / Eva Illouz Pourquoi aimez-vous ? / Mathias Énard - Joseph Conrad Exils / Sigmund Freud

20h 18h 18h 20h

lun 10 mar 18 jeu 20

Exils / Joseph Roth Pourquoi aimez-vous ? / Christian Garcin - Honoré de Balzac Rendez-vous philosophiques / Michaël Fœssel

20h 18h 18h

lun 14 mar 15 sam 19 mar 22 jeu 24 lun 28

Exils / Bertolt Brecht Vingt ans de lectures... / Sophocle - Antigone L’Amitié dangereuse / Montaigne - La Boétie Pourquoi aimez-vous ? / Philippe Jaenada - Denis Diderot Rendez-vous philosophiques / Gérard Genette Scènes imaginaires / Alain Françon

20h 18h 15h 18h 18h 20h

lun 4 mar 5 sam 9 mar 19 jeu 21 sam 23

Exils / Samuel Beckett Vingt ans de lectures... / James Joyce - Exils L’Amitié dangereuse / Platon Pourquoi aimez-vous ? / Laurent Seksik - Stefan Zweig Rendez-vous philosophiques / Fabrice Midal L’Amitié dangereuse / Aristote

20h 18h 15h 18h 18h 15h

jeu 21 sam 23 lun 25 mer 27

Rendez-vous philosophiques / Bernard Sève L’Amitié dangereuse / Sartre - Aron Scènes imaginaires / Patrice Chéreau Pourquoi aimez-vous ? / Philippe Forest - Marcel Proust

18h 15h 20h 18h

mar 2 sam 6 lun 8 lun 15 mar 16 sam 20 lun 22 mar 23 lun 29

Vingt ans de lectures... / Paul Claudel - L’Échange L’Amitié dangereuse / Camus - Char Scènes imaginaires / Peter Stein Exils / Marguerite Duras Vingt ans de lectures... / William Shakespeare - Le Marchand de Venise L’Amitié dangereuse / Diderot - Rousseau Exils / Marina Tsvetaeva Pourquoi aimez-vous ? / Olivier Rolin - Homère Exils / Nina Berberova

18h 15h 20h 20h 18h 15h 20h 18h 20h

lun 27

Exils / Vladimir Nabokov

20h

mar 4 lun 10 lun 24 mar 25

Vingt ans de lectures... / Albert Camus - Le Malentendu Scènes imaginaires / Joël Pommerat Exils / Emil Cioran Vingt ans de lectures... / Luigi Pirandello - Henri IV

18h 20h 20h 18h

Traduction de Michel Arnaud

avril

Écrit pour ainsi dire dans la foulée de Six personnages en quête d’auteur, Henri IV reprend et approfondit la problématique proposée par Pirandello dans sa pièce précédente. Il ne s’agit plus ici du drame qui oppose la vie (vouée aux aléas et aux souffrances du temps) à la forme (figure accomplie par l’art et close sur elle-même), mais d’un affrontement sans issue fomenté par l’individu devenu personnage et qui croit dès lors pouvoir maîtriser à sa guise les va-et-vient auxquels il se plaît : entre la vie de chaque jour, les figures figées d’une histoire qu’il a reconstruite à l’imitation du réel, et la tentation de revenir par effraction au cœur même de son vécu le plus intime, gardé intact par une mémoire dont aucun simulacre ne peut venir à bout. L’armure de cet homme abrité derrière l’hyperpersonnage où il s’est enfermé devient ainsi sa prison et le lieu irrémédiable de son exil dès qu’arrive le moment où sa conscience explose dans une confusion devenue intenable. Robert Abirached 56

mai juin

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• Grande salle

• Salon Roger Blin


INFORMATIONS PRATIQUES

La des écrivains

LIBRAIRIE La librairie du théâtre est tenue par L’Échappée littéraire, une maison curieuse de littérature et de théâtre, attentive aux beaux-arts et aux publications jeunesse. Installée au premier étage du Théâtre de l’Odéon (ainsi qu’aux Ateliers Berthier), la librairie offre un large choix d’ouvrages en lien avec la programmation de l’Odéon et de ses Bibliothèques, tout en présentant par ailleurs ses «coups de cœur». Elle est ouverte avant les spectacles, durant l’entracte et à l’issue des représentations. Hors nos murs, L’Échappée littéraire accueille ses lecteurs au 7 rue Crébillon, située à deux pas du théâtre.

Ils sont romanciers, dramaturges ou poètes, et ont un point commun : ils ont été bouleversés par la lecture d’un classique. Tous ont accepté de nous parler de l’œuvre qui leur est chère, en se prêtant au jeu des questions et des réponses, au sein d’un questionnaire intime qui figure dans chacune de nos éditions. Où l’on découvrira que l’écriture est d’abord l’histoire d’une passion : celle de la lecture...

Récemment parus

OUVERTURE DE LA LOCATION La location est ouverte pour l’ensemble de la programmation des Bibliothèques de l’Odéon.

Atiq Rahimi, pourquoi aimez-vous Le Procès ?

Linda Lê, pourquoi aimez-vous BartLeBy ?

Hélène Frappat, pourquoi aimez-vous Manon Lescaut ?

Philippe Jaenada, pourquoi aimez-vous Jacques Le FataListe ?

TARIFS Grande salle Exils, Scènes imaginaires, L'Amitié dangereuse Plein tarif 10€ Tarif réduit 6€ (jeune -26 ans, abonnés, demandeur d’emploi) Salon Roger Blin Les Dix-huit Heures de l'Odéon Tarif unique 6€ 01 44 85 40 40 / theatre-odeon.eu ACCÈS Entrée du public : Place de l’Odéon Paris 6e Métro Odéon (lignes 4 et 10) – RER B Luxembourg Bus : 63, 87, 86, 70, 96, 58 Vélib : 6 rue des Quatre Vents (station 6028) ; 34 rue de Condé (station 6017) ; 11 rue Danton (station 6016)

Dans la même collection Alice au pays des merveilles avec Véronique Ovaldé, Au Bonheur des dames avec Philippe Claudel, Bouvard et Pécuchet avec éric Chevillard, Britannicus avec François Taillandier, La Chartreuse de Parme avec Vincent Delecroix, Le Colonel Chabert avec Christian Garcin, Crime et châtiment avec Jean-Philippe Toussaint, Le Dernier Jour d’un condamné avec Laurent Mauvignier, Du côté de chez Swann avec Daniel Mendelsohn, L’énéide avec Laurence Plazenet, La Femme de trente ans avec Mona Ozouf, Les Fleurs du Mal avec Jean-Michel Maulpoix, Le Grand Meaulnes avec Pierre Michon, Illusions perdues avec Catherine Cusset, Lettres à un jeune poète avec Arnaud Cathrine, Le Lys dans la vallée avec Catherine Millet, Maître et serviteur avec Tiphaine Samoyault, La Métamorphose avec Yannick Haenel, Moby Dick avec Camille de Toledo, L’Odyssée avec Pierre Bergounioux, Orgueil et préjugés avec Catherine Cusset, Phèdre avec éliette Abécassis, La Princesse de Clèves avec Marie Darrieussecq, Le Temps retrouvé avec Julie Wolkenstein, Les Travailleurs de la mer avec Patrick Grainville, Trois contes avec François Bégaudeau, Ubu roi avec Jean-Claude Grumberg, Une vie avec Annie Ernaux.

PUBLIC EN SITUATION DE HANDICAP Pour les personnes dont la mobilité est réduite Au Théâtre de l’Odéon, passage des fauteuils par la place Paul Claudel (à l’arrière du théâtre) puis sous les arcades de la rue Corneille ; ascenseur pour l’accès à la salle, au vestiaire et au bar du foyer. Pour réserver avec une facilité d’accès 01 44 85 40 40 RENSEIGNEMENT les.bibliotheques@theatre-odeon.fr / 01 44 85 40 44

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14 - 21 septembre / Berthier 17 e GLAUBE LIEBE HOFFNUNG Foi Amour Espérance d’Ödön von Horváth et Lukas Kristl mise en scène Christoph Marthaler 27 septembre - 3 novembre  Berthier 17 e LA BARQUE LE SOIR de Tarjei Vesaas mise en scène Claude Régy 18 octobre - 23 décembre  Odéon 6e LE RETOUR de Harold Pinter mise en scène Luc Bondy

01 44 85 40 40

11 - 16 décembre / Berthier 17 e MEINE FAIRE DAME. EIN SPRACHLABOR My Fair Lady. Un laboratoire de langues mise en scène Christoph Marthaler

theatre-odeon.eu

Odéon – Théâtre de l’Europe

12/13

16 - 23 novembre / Berthier 17 e NOSFERATU d’après Dracula de Bram Stoker mise en scène Grzegorz Jarzyna

17 janvier - 3 mars / Berthier 17 e LA RÉUNIFICATION DES DEUX CORÉES une création théâtrale de Joël Pommerat 20 - 23 février / Odéon 6e DER WEIBSTEUFEL Le Diable fait femme de Karl Schönherr mise en scène Martin Kušej 19 mars - 14 avril / Berthier 17 e JEUX DE CARTES 1 : PIQUE d’Ex Machina mise en scène Robert Lepage 22 mars - 5 mai / Odéon 6e LE PRIX MARTIN d’Eugène Labiche mise en scène Peter Stein

23 - 27 avril / Berthier 17 e FRAGMENTE Fragments un projet de Lars Norén et Sofia Jupither 22 mai - 29 juin / Odéon 6e LE MISANTHROPE de Molière mise en scène Jean-François Sivadier 23 mai - 29 juin / Berthier 17 e CENDRILLON une création théâtrale de Joël Pommerat

10 janvier - 10 février / Odéon 6e FIN DE PARTIE de Samuel Beckett mise en scène Alain Françon

octobre - juin / Odéon 6e LES BIBLIOTHÈQUES DE L’ODÉON

Théâtre de l’Odéon Place de l’Odéon Paris 6 e Métro Odéon RER B Luxembourg

Monsieur Pierre Bergé, AXA France et Dailymotion sont mécènes de la saison 2012-2013

Licences d’entrepreneur de spectacles 1039306 et 1039307

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12 - 15 septembre / Odéon 6e DIE SCHÖNEN TAGE VON ARANJUEZ Les Beaux Jours d’Aranjuez de Peter Handke mise en scène Luc Bondy

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