Mémoire - Clément Leveau

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S. Sagmeister Things I have learned in my life so far. 2005 AIGA Colorado Banana


Homologie et convergence entre art contemporain et communication Avant garde, Art contemporain et communication ClĂŠment LEVEAU SP4 Direction Artistique Sup de Pub Paris 2012 - 2013

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REMERCIEMENTS Jean Claude Monnier qui m’a guidé tout au long de mes recherches en recadrant mon sujet principal au sujet qui me passionne le plus, et qui m’a proposé des ouvrages plus qu’instructif et passionnants. Stefan Sagmeister pour avoir accepter malgré sont emploi du temps surchargé de répondre du continent d’en façe à quelques questions. «my timing is wicked...» Yannick Minvielle pour avoir répondu à une interview en apportant son point de vue d’artiste et de publicitaire. Klervi Laforce qui a parfaitement traduit questions et réponses pour l’interview de Stefan Sagmeister. Françoise Raymond pour avoir répondu à une interview en apportant son point de vue d’artiste et d’enseignante en arts plastiques. Jacques Darjeau pour m’avoir apporté son point de vue d’artiste et d’enseignante en histoire de l’art. Sylvie Massoud pour m’avoir apporté son point de vue et ses conseils en tant qu’ancienne directrice artistique en publicité et que professeur d’histoire de l’art. Toutes les personnes ayant répondus au sondage pour les huit secondes consacrées à mes questions.

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MÉMOIRE

INTRODUCTION

Tout d’abord, il est important de préciser que ce mémoire ne traîte pas de l’utilisation d’oeuvres artistiques ou de collaboration avec des artistes tels que des réalisateurs, des musiciens, ou des plasticiens avec la publicité. Le sujet de ce mémoire concerne l’influence de l’art et plus précisement de l’art contemporain dans la communication d’aujourd’hui, c’est à dire ce qu’ont apporté les mouvements de l’art contemporain à la publicité et à la communication du 21ème siècle. Les avant gardes ont apporté nombre de mouvements à l’art mais aussi à la communicatiion. Malgré l’opposition marquée des situationnistes pour le système commercial, des techniques comme celle du détournement ont apporté à la communication des nouvelles ouvertures publicitaires, le détournement étant aujourd’hui utilisé très souvent dans la publicité. Nicolas Bourriaud a créé le terme “esthétique relationnelle”, un mouvement de l’art contemporain regroupant les artistes et les oeuvres basées sur l’échange, l’intéraction et la performance artistique. L’esthétique relationnelle et les oeuvres de ce mouvement ne sont pas sans rappeler certains moyens de communication ainsi que les dispositfs de street marketing et d’evenementiel d’aujourd’hui. Nous allons tenter de démontrer que le street marketing, l’evenementiel, les happennings publicitaires reposent sur certaines bases communes à l’esthétique relationnelle pour comprendre en quoi l’art contemporain a-t-il pu influencer la communication (surtout de type hors-média) d’aujourd’hui. Ce qui nous ammènera à cette problématique : «Quelles significations faut-il accorder à l’emploi de processus ou de pratiques propres à l’art d’avant-garde et à une part de l’art contemporain par les communicants et les publicitaires du 21ème siecle ?» La réponse à cette problématique est-elle simplement esthétique, ou recouvre-t-elle quelque chose de plus profond, qui puise dans l’imaginaire social et se trouverait déterminé par un modèle propre à nos sociétés contemporaines, capable d’être en phase avec les horizons d’attente d’un certain public ? Il y a-t-il un sens fort à ces convergences entre art et communication ? De plus, il y a-t-il ces dernières années une disparitions des limites entre art et graphisme et

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MÉMOIRE

INTRODUCTION

quelle serait sa signification, son but ? A travers une étude sur les avant-gardes, l’apparition de nouveaux mouvements artistiques mais surtout de l’esthetique relationnelle, nous tenterons de comprendre en quoi la communication du 21ème siècle trouve certains fondements dans l’art. Nous étudierons tout d’abord les mouvements d’avant garde tels que l’internationale situationniste, l’internationale lettriste ou le COBRA pour comprendre plus précisement ce que ces mouvements nous ont apporté, que ce soit dans la communication mais aussi dans l’art ou dans l’architecture. Nous étudierons aussi l’esthétique relationnelle, mouvement contemporain nommé par Nicolas Bourriaud, nous nous pencherons sur la dimension politique, sociale et économique de l’art de ce siècle pour comprendre comment se sont insérré tant de métiers artistiques et créatifs au sein de la société. Et finalement sur le caractère relationnel de l’art en citant quelques exemples d’oeuvres et d’artistes mettant en avant, par leur travail,des téchniques utilisées en communication evenementiel ou en street marketing. Dans une deuxième partie, nous réaliserons une analyse dans le but de confirmer les hypothèses formulées lors de l’étude documentaire. Nous allons étudier le travail d’un graphiste influant du 21ème siècle dont le travail correspond parfaitement au thème de ce mémoire, Stefan Sagmeister, designer graphique autrichien, installé à New York au studio “Sagmeister & Walsh” avec Jessica Walsh. Son travail original entre performance artistique et happening publicitaire revendique la disparition des limites entre oeuvre artistique et but commercial. à travers une enquète auprès du public, nous verrons si ces dispositifs influent réellement sur la population et nous recueillerons l’avis de professionnels artistes et graphistes pour appuyer nos hypothèses.

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MÉMOIRE

PLAN COMPLET

1. Remerciements 2. Introduction

.......................................................................... 3

................................................................................... 4

3. Analyse documentaire

..................................................... 10

Avant garde

Les prémices de l’internationale Situationniste ....................... 11 -

Le Le Le Le

mouvement Cobra ......................................................... lettriste et l’internationale Lettriste ................................ MIBI ...................................................................................... laboratoire d’Alba ............................................................

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L’internationale Situationniste ....................................................... 17 - La peinture industrielle ......................................................... 19 - L’urbanisme unitaire .............................................................. 19

Art contemporain

................................................................... 22

Art

Activité artistique et processus de massification à une époque de créativité diffuse ......................................................... 21 Accès aux professions créatives intellectuelles Massification des mondes de l’art dans une société postfordiste Changements des codes artistiques et démystification de l’art Irruption du social dans l’art & Démocratisation des savoirs

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Multiplicité et devenir réseau ................................................................ 25

Démystification de l’artiste et de sa production artistique Nouvelles compositions d’activité, Nouveaux registres de création Nouveaux professionnels de l’art Devenir réseau

L’art qui se fait « l’art in progress » ........................................................ 27

L’oeuvre qui se fait, Code artistiques changés, Démystification des dispositions classiques de l’art et de l’artiste

L’art d’environnement .............................................................................. 27

Ambiance propre à l’espace, Processus de contextualisation de l’oeuvre. Intervention du public et caractère aléatoire

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Social

Dispositions sociologiques permettant à une activité de se constituer en art .............................................................................. 28

- Intéractions et relations interhumaines .................................................... 29 - Art Relationnel : interactions humaines et contexte social ................... 30 - Relation entre les gens et le monde à travers les objets esthétiques ... 32 - Esthétique relationnelle et situation construite ....................................... 34

Sociopolitique/économie

- Les travailleurs créatifs intellectuels & insertion professionnelle .......... 35 - L’influence de la ville ................................................................................. 36 - L’activité artistique sur un plan politique et économique .................... 37 - L’art de la pub d’un point de vue sociopolitique et d’un point de vue d’une science politique du travail artistique ............................. 38 - Travailleurs créatifs intellectuels ................................................................ 39

Conclusion

- Hypothèses, Constats ................................................................................. 40


MÉMOIRE

PLAN COMPLET

4. Analyse Terrain

...................................................................... 44

Analyse du travail de Stefan Sagmeister .......................................... 45

- Présentation ................................................................................. 45 - Graphisme & Art .......................................................................... 46 - Happening, Performance & Comparaison avec des references artistiques ......................................................................................... 48

Enquête terrain ......................................................................................... 52

- Recueil des informations d’un sondage ................................... 53 - Etude des information ................................................................. 54 - Conclusion de l’enquête consommateur ................................ 54

Interviews au près de proffessionnels ............................................... 56

- Interview de Yannick Minvielle & constats ................................. 56 - Interview de Stefan Sagmeister ................................................. 59 - Etude & Conclusion des interviews ............................................ 62

Conclusion de l’analyse terrain .......................................................... 62

5. Conclusion ................................................................................ 63

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- Confirmation ou infirmation des hypothèses ............................ 63 - Conclusion du mémoire ............................................................. 63


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LES AVANT-GARDES

Les prémices de l’internationale Situationniste

Le mouvement Cobra Le lettriste et l’internationale Lettriste Le MIBI Le laboratoire d’Alba

L’international Situationniste

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la peinture industrielle l’urbanisme unitaire


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INTERNATIONALE SITUATIONNISTE

Fondé en 1957 à l’occasion d’une rencontre entre plusieurs chefs de file/artistes/etc de mouvements avant-gardistes, l’internationale situationniste est un mouvement d’avant-garde formé à Paris notamment par Guy Debord, les principales idées de ce mouvement d’avant-garde sont la destruction de toutes formes de représentation du spectacle (notion que nous aborderons plus loin dans cette analyse), le rejet et le démantèlement de toutes formes d’autorité, l’abolition de l’art et de l’expression du spectacle culturel et une vie désaliénée de la consommation et de la surproduction. Dans son contexte historique, L’internationale situationniste prend ses racines dans un monde meurtri qui a connu deux guerres mondiales et de nombreuses pertes. D’autre part l’équilibre mondiale est menacé par la guerre froide et les nombreux conflits qu’elle impulse, dans ce contexte les situationnistes sont persuadés d’une chose : pour pouvoir sortir de cette crise de la vie quotidienne, il faut tout déconstruire, faire s’écrouler toutes les normes et valeurs de chacun des domaines de la vie, l’art, l’architecture, le spectacle, des notions de genres, de hiérarchie, de travail, de relations sociales… Dans un monde très conservateur, les situationnistes entendent déconstruire le monde tel qu’on le connaît. Pour en restructurer toutes les bases, ce mouvement est entre autre responsable des événements de mai 68. L’internationale situationniste, prend ses racines dans un certain nombres de mouvements d’avant-garde qu’il est important d’étudier pour pouvoir faire le parallèle avec le sujet de notre étude qui est, rappelons le, l’influence de l’art dans la communication en se concentrant sur l’art avant-gardiste, ainsi nous débuterons notre analyse par les prémisses de l’internationale situationniste, la génèse qui permettra à l’IS d’avoir l’ampleur qu’il a eue et l’héritage qu’il a laissé, il est en effet primordial d’étudier ces mouvements qui sont la réelle impulsion artistique de l’IS, qui permettra de définir les lignes directrices de l’IS lors de ses premières années, il y a deux phases dans ce mouvement ; une première centrée sur l’art, sur la modification de la vie quotidienne avec l’art et aux débuts des années soixante le mouvement prend une tournure nettement plus politique, cependant les quelques années de revendications à travers l’art auront laissé des

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LE MOUVEMENT COBRA

traces dans notre société, qui permettront aux maudits de l’IS de se servir de ses habiles techniques. 1. Avant l’internationale situationniste, le fondement de l’idéologie situationniste et l’introduction de ses principaux membres Le mouvement Cobra CoBrA est la contraction des trois capitales, des trois membres principaux de ce mouvement, à savoir C pour Copenhague, B pour Bruxelles et A pour Amsterdam. Le mouvement Cobra prend ses racines dans le surréalisme Bretonnien en y ajoutant des textes sur le cinéma, le jazz,l’expressivité populaire et primitive ainsi que l’imagerie de la société de consommation. Le mouvement débute en 1948 après la rencontre de Asger Jorn et Christian Dotremont qui jette les bases du mouvement cobra dans la revue «Le surréalisme révolutionnaire». Ils y expliquent qu’il y a une étroite connexion entre l’action et l’expérimentation. L’expérimentalisme est le processus au travers duquel doit passer l’esthétique marxiste. C’est un mouvement marxiste et plus qui se base sur le matérialisme dialectique. Dotremont explique que la société a besoin d’un art révolutionnaire, un art où les artistes n’ont plus de privilèges, il analyse la société dans son ensemble, après une guerre dévastatrice ; c’est le début de la guerre froide et l’affirmation d’une société individualiste qui n’a pas de désirs et de passions à cause des conventions que la civilisation occidentale impulse. Il y a donc un vide culturel et l’art ne peut trouver ces conventions dans l’humanité. Dans ces conditions l’art populaire doit être une expression vitale directe et collective. Après la définition de la doctrine cobra, le mouvement se forme en 1948 à Paris - autour des trois grands noms du mouvement cobra : Asger Jorn, Christian Dotremont et Constant Nieuwenhuys – lors d’une conférence où l’on constate de grandes divergences d’opinions avec les surréalistes, même si le mouvement cobra prend ses racines entre autres dans le surréalisme, les doctrines ne sont pas les mêmes et il y a donc une scission entre les surréalistes et les membres qui composeront à partir de 1948 le mouvement cobra.

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LE MOUVEMENT COBRA

Il est primordial de parler d’Asger Jorn, en dehors de l’importance qu’il avait dans le mouvement cobra, il deviendra également un membre principal de l’internationale situationniste, Asger Jorn était un spécialiste en esthétique, en économie, en politique, en ethnologie (rites et cultes en partie) et en architecture, il a également côtoyer beaucoup d’artistes surréalistes comme Jacques Prévert, Le Corbusier, Bachelard entre autres. « Une nouvelle optique de l’art abstrait. On peut dire qu’elle constitue un art abstrait qui ne croit pas à l’abstraction » Asger Jorn Le mouvement cobra trouve les bases de son idéologie dans l’art et la dimension politico-sociale qu’il comporte. En effet, en reprenant l’exemple de Breton, il condamne l’art élitiste, il considère que la création artistique a été remplacée par la production artistique ce qui illustre une tragique impuissance de la culture individualiste. A travers ce mouvement, ces artistes cherchent à faire de l’art une représentation de la crise sociale et esthétique de l’après-guerre. L’œuvre d’art doit être une expérience totale de l’homme social et historique. L’art n’est donc plus seulement artistique mais c’est un art moral et représentatif de la société individualiste qui cherche à rompre avec cette crise de société. L’art, contrairement à sa conception surréaliste, doit être aussi bien physique que psychique puisque la dimension physique de l’art permet de matérialiser la pensée et celle-ci satisfait nos besoins et nos désirs. De même que le surréalisme préconisait une expression expérimentale et spontanée de l’art avec une place importante accordée au rêve, le mouvement cobra reprend cette dimension en y abolisant la dimension onirique. Henri Lefebvre évoque que le changement doit se faire au sein de la vie quotidienne dans la mesure où elle est d’une richesse énorme. Le lettriste et L’internationale Lettriste Le lettriste est fondé en 1946 par Isidore Isou qui entend renouveler tous les champs artistiques, dans cette mesure, il souhaite remanier les éléments graphiques, entre autre les relier : les mots, les images et les sonorités à fin qu’ils fusionnent. Les lettristes souhaitent

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INTERNATIONALE LETTRISTE

un retour au concret, à l’immédiat, à l’aspect physique du corps et de l’environnement. Guy Debord, sera membre de ce mouvement puis fondera avec Wolman l’International Lettriste, en effet, bien que partisans de la dimension subversive du Lettrisme, Debord se retrouvera très vite face à certaines divergences d’idéologie avec Isidore Isou. L’internationale lettriste est une idéologie qui se base sur la subversion artistique, sociale et culturelle et sur une théorie révolutionnaire en relation avec les situations mais qui semble pourtant sans théorie. «Il s’agit d’une manière de vivre […] qui tend elle-même à ne s’exercer que dans le provisoire» Guy Debord Wolman et Debord publient alors le magasine « Poltach » en libre distribution avec une idée bien précise, en effet, ils pensent que lorsque l’on nous fait don de quelque chose, on se sent obligé – inconsciemment, rappelons que la psychanalyse freudienne, est une des influences situationniste- de rendre ce don d’une manière ou d’une autre et de façon plus amplifiée. Cette stratégie mise en place, servait à étendre le mouvement un maximum et faire en sorte que les lecteurs renvoient quelque chose au mouvement. Debord créer de profonds liens avec Henri Lefebvre, puisque celui ci appuie une doctrine selon laquelle la transformation de la vie quotidienne se fait à travers l’individu et à travers un contexte sociourbain,une des méthodes situationnistes consiste à critiquer et construire la vie quotidienne à travers une libération des désirs humains dans une dimension individualiste et non plus collective, comme dans la société telle qu’elle est. En effet, on critique la société de consommation et la société de masse pour se concentrer sur l’homme dans sa plus grande singularité. “L’architecture est le plus simple moyen d’articuler le temps et l’espace, de moduler la réalité, de faire rêver... L’architecture de demain sera donc un moyen de modifier les conceptions actuelles du temps et de l’espace. Elle sera un moyen de connaissance et un moyen d’agir. Le complexe architectural sera modifiable. Son aspect changera en partie ou totalement, suivant la volonté de ses habitants.”

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LE MIBI

Gilles Ivian sur L’urbanisme Unitaire L’urbansime unitaire cherche donc à créer une interaction entre espace urbain et comportement humain. L’espace urbain serait donc structuré de façon mobile et transformable au gré de l’évolution de l’homme dans la société. L’internationale lettriste introduit également la dérive et la psychogéographie situationniste, à savoir la réalisation des désirs individuels par la libération des tendances au jeu dans l’environnement urbain. Ces deux notions sont intrinsèques à l’urbanisme unitaire. A travers, ces termes les internationales lettristes cherchent à exalter la subjectivité collective et l’individualisme de l’homme. Mouvement Internationale pour un Bauhaus Imaginiste (MIBI) 1953-1957 La création de l’université ULM par Max Bill, une université pour la forme, centrée sur l’industrial Design, la communication visuelle, l’urbanisme et l’intégration culturelle, marque une bureaucratisation des arts pendant les années cinquante. Le Mouvement International pour un Bauhaus Imaginiste s’oppose justement à cette technocratie de l’art. Asger Jorn, s’intéresse à ce nouveau Bauhaus et correspond avec Max bill afin de fonder le Mouvement International pour un Bauhaus Imaginiste. Cependant Jorn a gardé les influences du mouvement CoBrA ainsi que ses influences précédentes, entre autre, dont la théorie Bretonienne de “l’amateur professionnel”, de la négation du talent, pour un art irrationnel et de l’instinct et pour le rejet d’un art élitiste. En revanche Max Bill était pour un art rationnel et fonctionnel, il souhaitait former des professionnels qui créaient de l’art presque mathématique ainsi la volonté de Jorn n’aboutira jamais à cause de divergences de point de vue bien trop importantes entre les deux hommes. En 1953, Jorn fonde le Mouvement International pour un Bauhaus Imaginiste seul, et dans le même temps, il entre en contact avec Enrico Baj, le leader du mouvement pictural nucléaire en lui proposant d’adhérer au mouvement.

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LE LABORATOIRE D’ALBA

Après avoir essayé de collaborer avec Max Bill, Jorn définie sa conception de l’architecture, de l’urbanisme et du design, qui ont pour lui une dimension psychologique dans la mesure où l’environnement agit sur les hommes dans une dimension de subjectivité collective. “L’esthétique d’un objet n’est pas l’harmonie fonctionnelle de l’ensemble ou de ses détails, ou de sa fonction, mais sa communication, son effet immédiat sur nos sens” Asger Jorn Jorn ajoute la dimension de création, de mode de vie dans l’architecture. Toutes ces théories sont très proches de celles de Debord et de l’Internationnale Lettriste, plus spécifiquement l’urbanisme unitaire.

Le laboratoire d’Alba - 1955-1957 Le laboratoire d’Alba c’est la création de l’un des centres de réflexion, de recherche et d’expérimentation situationniste. Pendant l’été 1955, Jorn rencontre Gallizio, un chercheur italien en culture populaire, nomadiste, archéologique et chimico-pharmacien, il est également un indépendant de gauche. Selon lui la vie est une aventure artistique qui a une importance intellectuelle, scientifique, émotionnelle, mythique, mais aussi une fonction sociale éthique collective. Quelques années auparavant, Gallizio rencontre Simondo, un peintre Turinois qui expérimente l’art à travers une vision méthodologique et un rapprochement de l’art à la problématique scientifique. C’est donc durant l’été 1955 que le laboratoire d’Alba naît autour de ces trois personnalités qui ont une vision identique de l’art : La liberté d’expérimentation. Jorn est un moteur de la conception d’artiste social sur une base mêlant culture ethno-populaire et surréaliste. Simondo, comme il a été dit, dis précédemment est un artiste de l’expérimentation et enfin Gallizio a une optique de l’art similaire de celle de Jorn tout en y transférant un investissement éthique qui lui est cher

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INTERNATIONALE SITUATIONNISTE

Après la création du Laboratoire d’Alba, Jorn contacte les membres de l’Internationale Lettriste qui adhèrent un an après la création du Laboratoire d’Alba au Mouvement International pour un Bauhaus Imaginiste. En 1956, lors du Premier Congrès mondial des artistes libres à Alba, organisé par Jorn et Gallizio les grandes lignes de l’internationale Situationniste ont alors été définies à savoir : La construction intégrale de la vie au moyen de l’urbanisme Unitaire et l’utilisation des arts et des techniques modernes, l’inutilité de tout renouvellement apporté à l’art dans les limites traditionnelles, la reconnaissance d’une interdépendance entre urbanisme unitaire et nouveau mode de vie à venir, un mode de vie dans la perspective d’une liberté réelle, l’unité d’action entre les membres Un an après, l’internationale Situationniste voit le jour avec, entre autre, son “leader” Guy Debord. On note, après cette brève analyse des mouvements fondateurs de l’internationale situationniste, que beaucoup de doctrines s’entremêlent et qu’il y a une étroite connexion entre tous ces penseurs et discernent également les grandes thèses de l’internationale Situationniste. En effet ce grand mouvement parviendra à concrétiser, à organiser toutes ces opinions en les théorisant et en permettant une certaine osmose dans ces “mouvements” qui parfois, faute d’unité, n’en seront pas réellement. Nous allons désormais étudier l’internationale situationniste dans sa nature même en nous remémorant bien évidemment ces fondements et en nous focalisant sur l’art dans l’internationale situationniste et en abordant succinctement la dimension politique du mouvement. 2. L’internationale situationniste L’internationale Situationniste est fondé en 1957 après la publication du tract Lettre ouverte aux responsables de la triennale d’art industriel à Milan. On note une radicalisation du Mouvement international pour une Bauhaus imaginiste, entre autre par l’exclusion de certains membres et la fondation des idées situationnistes énoncée dans le texte fondateur de l’IS rédigé par Guy Debord : Rapport sur la construction de situations et sur les conditions de l’organisation et

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INTERNATIONALE SITUATIONNISTE

de l’action de la tendance situationniste internationale. L’approche presque dogmatique de Debord sera la raison de l’exclusion de certains membres. En effet, Pour pouvoir créer un réel mouvement d’avant-garde, celui-ci considère qu’il faut être en parfaite cohésion idéologique pour pouvoir impulser une réelle idéologie, une osmose entre les membres du mouvement est indispensable, selon Debord, si le mouvement CoBrA et le surréalisme n’ont pas eu de réelle importance, c’est parce qu’il n’y avait pas d’idéologie soudante et assez de moyens matériels, donc ces mouvements ne pouvaient pas durer . Les premières années de l’IS sont marquées par la volonté de changer l’art, d’expérimenter l’art. Ses membres s’attellent alors à ce que l’on nomme “dépassement de l’art”, nous aborderons donc ici les premières années du mouvement, puisque, en effet, nous nous intéressons à ce que l’IS a apporté à l’art et à la communication. Il est important de replacerl’IS dans notre temps. La révolution prolétaire n’est toujours qu’un projet, qui n’est pas vraiment fructueux. L’histoire a tué l’héritage situationniste. Des décennies après la dissolution voulue par ses membres de l’IS, leurs grandes idées ont été reprises par les mêmes que les situationnistes ont méprisées : Artistes, jet setters, publicitaires et medias de masse… Le mouvement a donc été intégré au mécanisme de la société du spectacle. Depuis la fin des années 80, toutes les “reliques” de l’activité des situationnistes : peintures, collages, posters (même les flyers sont considérés comme un produit de consommation culturel) ont été exhibés dans les plus officiels des musées parisiens. Tous les livres qu’ils ont rédigés possèdent désormais un code barre. La dure critique épuisée des situationnistes à l’encontre de l’activisme et de l’action de révolution pour le reprendre a sa source immédiate (La satisfaction des désirs individuels) a contribué à la transformation de la praxis sociale pour une stratégie sur le long terme ; détacher l’individu de toute communauté politique organisée pour un choix social durable et de créer une subjectivité égoïste fermée sur les désirs individuels. Ceci, le capitalisme a su le détourner et détourner l’IS en une période folklore de l’histoire de France.

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INTERNATIONALE SITUATIONNISTE

La peinture Industrielle, Pinot Gallizio - 1958 En 1958, Pinot Gallizio invente la peinture industrielle, un art ludique qui place le spectateur dans un usage de ses sens. Lors de sa première exposition, de la même année, il crée une unité d’ambiance, entre image (peinture pendues, allongées au sol) et son, le spectateur est alors ébahi, Gallizio crée alors une situation ou urbanisme unitaire et jeu se mêlent. C’est ainsi qu’il tente de démanteler la bureaucratisation de l’art en permettant au spectateur d’acheter son oeuvre en choisissant la taille de l’oeuvre ( la peinture industrielle c’est d’abord cette gigantesque oeuvre d’art, le premier rouleau mesurait 68 mètres pour 75 cm de hauteur, produite grâce au hasard mécanique qui permet l’absence d’imperfection et qui ne permet pas de reproduction), il attaque le “confusionnisme-artistico-culturel”, de par la facilité d’acquisition des oeuvres, le spectateur en fera un usage suggestif et imaginatif. Si la peinture n’est pas présente dans la communication, les thèmes métaphysiques ne le sont pas non plus, quand, à travers son oeuvre, Gallizio tente d’en découdre avec les codes artistiques passés, il démystifie les représentations anciennes de l’art. Cela, l’art contemporain et la communication, l’ont inscrits dans ces grandes lignes de conduite, comme nous l’avons dit, l’art publicitaire ne doit pas être dévalorisé du fait de sa dimension manipulatrice et marchandisé, ses oeuvres sont bien réelles et encrées dans le réel, tout comme les situationnistes l’ont fait, on ne fait plus un art du mythe mais un art du réel. L’urbanisme Unitaire Si l’urbanisme unitaire englobe la création de nouvelles formes et le détournement de celles connues en architecture et en urbanisme, les activités complexes et permanentes cherchent à faire évoluer l’homme dans un environnement en constant devenir qui prend en compte les perspectives sociales, psychologiques et artistiques afin de construire des situations où les hommes retrouveront leurs désirs et où, grâce à la création de situations de nouveaux désirs, viendront se greffer à ceux créés. Il cherche également à animer la rue, puisque

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INTERNATIONALE SITUATIONNISTE

l’esthétique urbanistique et architecturale permet de changer les comportements psychologiques des individus. Il faut les amener à satisfaire leurs désirs individuels et les pousser au jeu dans le complexe urbanistico-architectural. En 1958, Constant explique comment les nouvelles technologies pourront révolutionner la communication et la création de jeu à travers l’espace urbain. Les installations doivent mettre les hommes en action, les rendre acteurs de la vie afin d’assouvir leurs désirs individuels. A la création de l’internationale situationniste, Debord rappelle que les situations qu’ils créent, sont des oeuvres sans avenir parce que les situationnistes ont une conception dynamique de l’art, plus spécifiquement de l’urbanisme unitaire et de la dérive. Quand l’urbanisme unitaire se heurte au monde de la communication, de nombreuses choses en découlent. En effet, si les situationnistes étaient de grands réfractaires de la société capitaliste, cela n’a pas empêché les communicants de reprendre leurs thèses et de les appliquer à leurs domaines. Constant exprime son désir de révolutionner la vie quotidienne dans l’espace urbain à l’aide des nouvelles technologies dans le futur, plus de 50 ans après. Les nouvelles technologies ont en effet révolutionné la vie quotidienne et ont initié le jeu dans l’espace urbain, sûrement pas de la manière dont Constant l’entendait, de nombreuses marques affichent -Entre autres- aux abords de la ville ce nouvel outil : Le flash code, qui permet aux hommes d’arpenter les rues et d’être initié au jeu par les plus grandes marques grâce à ces fameux flash code et leurs smartphones. Les situationnistes l’ont dis notre environnement influence nos désirs, à travers l’urbanisme nos désirs peuvent être exprimer ou refouler ou encore créer, notre cadre de vie toucherait notre inconscient, cette dimension là, nous l’a vivons au quotidien, à chaque coin de rue, nous sommes en constant contact avec la publicité, qui c’est approprier notre environnement à fin de satisfaire nos désirs et plus encore créer nos désirs. Si cette dimension de l’urbanisme unitaire utilisé par les domaines de la communication est transparente, la guerilla marketing

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INTERNATIONALE SITUATIONNISTE

se rapproche encore plus des idées situationnistes, cette technique de marketing non-conventionnelle permet aux annonceurs de promouvoir une marque à moindre coup, parfois illégalement. Cette technique est intéressante a étudié puisque l’urbanisme unitaire est omniprésente mais également parce que c’est une technique qui déjoue le système établi.

Suite à notre analyse de l’internationale situationniste nous pouvons constater que les opprimés de l’iS ont su déjouer les habiles techniques de diffusions d’idées à fin d’en faire des méthodes de communication. Si les mouvements d’avant-gardes ont influencé la communication, comment les professions de l’art ont elle fait irruption dans le monde communicationnel même, comment la barrière entre art et publicité s’est elle atténuée au fil des années ? Dans la deuxième partie de notre analyse nous tenterons de comprendre les rapports qui s’effectuent entre art et communication entre performances artistiques et performances publicitaires, nous attirerons notre attention sur les obstacles parfois franchis par la communication pour rejoindre l’art.

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ART CONTEMPORAIN

Art

Activité artistique et processus de massification à une époque de créativité diffuse ................................................................... 21 Accès aux professions créatives intellectuelles Massification des mondes de l’art dans une société postfordiste Changements des codes artistiques et démystification de l’art Irruption du social dans l’art & Démocratisation des savoirs

Multiplicité et devenir réseau .................................................................... 25

Démystification de l’artiste et de sa production artistique Nouvelles compositions d’activité, Nouveaux registres de création Nouveaux professionnels de l’art Devenir réseau

L’art qui se fait « l’art in progress » ........................................................... 27

L’oeuvre qui se fait, Code artistiques changés, Démystification des dispositions classiques de l’art et de l’artiste

L’art d’environnement .............................................................................. 27

Ambiance propre à l’espace, Processus de contextualisation de l’oeuvre. Intervention du public et caractère aléatoire

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ART CONTEMPORAIN

Social

Dispositions sociologiques permettant à une activité de se constituer en art .............................................................................. 28

- Intéractions et relations interhumaines .................................................... 29 - Art Relationnel : interactions humaines et contexte social ................... 30 - Relation entre les gens et le monde à travers les objets esthétiques ... 32 - Esthétique relationnelle et situation construite ....................................... 34

Sociopolitique/économie

- Les travailleurs créatifs intellectuels & insertion professionnelle .......... 35 - L’influence de la ville ................................................................................. 36 - L’activité artistique sur un plan politique et économique .................... 37 - L’art de la pub d’un point de vue sociopolitique et d’un point de vue d’une science politique du travail artistique ............................. 38 - Travailleurs créatifs intellectuels ................................................................ 39

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PROCESSUS DE MASSIFICATION À UNE ÉPOQUE DE CRÉATIVITÉ DIFFUSE

Activité artistique et processus de massification à une époque de créativité diffuse De plus en plus, l’accès à l’exercice des professions créatives intellectuelles se démocratise, le social fait irruption à l’intérieur même du corpus artistique. Dans une filiation esthétique ou politique (les avant-gardes) le social fait irruption par exemple à travers l’art d’environnement ou l’art d’action. Dans une filiation sociologique, dans la foulée des massifications postfordistes, le social fait irruption à travers de nouvelles dispositions ou de nouveaux agencements artistiques. “Les cadres ont été brisés, le social s’est engouffré dans l’art qui a désormais une

présence nouvelle au monde”

Jean Jacques Gleizal - L’art et le politique

Au lendemain du fordisme, on découvre de nouvelles professions, le travail se modifie et devient immateriel, dans la société de consommation le travail artistique adopte une dimension immaterielle qui n’existait pas auparavant, les mondes de l’art autrefois ellististes se massifient et on découvre une dimension sociétale, jusqu’alors innexistante. Grâce à la démocratisation des savoirs,les processus de professionnalisation rendent obsolètes les mondes de l’art régressif ou élitiste. La dimension classique de l’art laisse peu à peu place à d’autres modes d’actions artistiques. L’artiste, à l’époque de la reproductibilité des activités immatérielles, défend sa qualification et marque son appartenance au monde salarial. Les nouveaux travailleurs “créatifs intellectuels” confrontent l’art à d’autres contextes d’action. Ils contribuent au débordement sociologique du corpus artistique, désormais, l’art n’est plus bouté à ses occurrences historiques mais démultiplie les inter-médiations.

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MULTICPLICITÉ RÉSEAU

Multiplicité réseau : La reconnaissance artistique et les modes de productions de l’art ont véritablement changé ces dernières années. Aujourd’hui, l’activité artistique a perdu son caractère exceptionnel et ne fait plus différence, elle est renvoyée à l’ordre commun.

Avant :

Aujourd’hui :

l’art est reservé à une élite, les artistes sont “à part”. La rupture, le diffus, l’inappartenance était des normes de l’activité artistique.

l’activité artistique devient une compétence de base pour l’artiste. Les modes ordinaires de l’activité artistique sont désormais de rompre, détourner et de dériver.

Une constitution réseau de l’activité artistique : Une activité se définit d’abord d’un point de vue de sa productivité et sa performance interne, puis par la portée de ses réseaux et sa puissance d’association. Aujourd’hui, l’activité artistique est constituée du couplage des fonctions techniques, financières et artistiques, elle est désormais mixée avec d’autres univers économiques tels que le design industriel ou bien le packaging, on note de nouvelles compositions d’activités (les réseaux) et la transgression des univers culturels établis par l’art classique1. Les nouveaux professionnels de l’art exerçant leur activité sans prestige, se créent de nouveaux registres de création et de nouveaux critères de jugement. On considère alors qu’un professionnel est artiste, c’est à dire que, si il vit de sa créativité ou de ses œuvres, on ne peut pas remettre en cause ses compétences artistiques.

1. Bruno Latour et Deleuze – Guattari « le et et non le être »

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MULTICPLICITÉ RÉSEAU

Multiplicité réseau : L’artiste agit sous une mouvance créative, un contexte qui forme ses influences sociologiques et politiques. D’après Toni Negri et Maurizio Lazzarato, l’activité artistique fonctionne comme une multiplicité,“l’auteur est toujours plusieurs” et l’oeuvre porte l’empreinte de la coopération. L’artiste ou le travailleur créatif intellectuel crée dans un contexte entouré et influencé par d’autres acteurs, et nous pouvons citer à ce titre Hoard S. Becker dans les Monde de l’art, “La production de l’oeuvre d’art n’est pas le fait d’un auteur isolé mais associe plusieurs professionnels” On peut ici faire un rapprochement de ces processus de création et ces contextes qui sont de mise dans le travail des créatifs publicitaires car ils forgent leurs influences et leur inspiration grâce au contexte social et politique dans lequel ils vivent. Nous verrons plus tard que le contexte sociopolitique et économique a une importance fondamentale pour la création artistique mais aussi pour la communication et la création publicitaires.

Processus de création artistique : l’auteur est confronté à son environnement et est donc inspiré, il evolue dans un contexte qui devient le contexte où son art prend son sens.

Processus de créativité en communication : Il évolue aussi dans un contexte et fonctionne uniquement dans celui ci, (historique, sociologique, politique etc) les créatifs intellectuels de ces domaines sont influencés par leur environnement, leur travail évolue dans un contexte

L’art qui se fait « l’art in progress » Concentrons nous maintenent sur certains mouvements artistiques, l’art in progress bouscule les dispositions classiques de l’art, on s’intéresse désormais à l’œuvre en train de se faire et non uniquement à sa finalité, au produit fini.

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L’ART QUI SE FAIT

L’oeuvre qui se fait Si l’art ne se déploie pas à la manière mystérieuse du surgissement de l’œuvre, mais fait trace au long d’une conduite processuelle de création, alors l’observateur doit engrainer son analyse sur l’art qui se fait. Il s’agit donc de promouvoir une philosophie ou une socio-politique de l’activité car l’art en débat interpelle non seulement le résultat conclusif de l’œuvre mais tout aussi fréquemment la conduite elle-même dans son devenir artistique. Par exemple le Grand Palais a été ouvert gratuitement au public afin de partager une soupe préparée et offerte par l’artiste Rirkrit Tiravanija et son équipe. Généreux mais modeste, collectif mais singulier, Soup/No Soup se veut un grand rassemblement où chacun pourra vivre une expérience transactionnelle, immatérielle, basée sur l’échange, la rencontre et la générosité. Rirkrit Tiravanija : né en 1961 à Buenos Aires, est un artiste contemporain thaïlandais. Il vit et travaille entre Berlin, New York et Bangkok.

Artistes sans oeuvre Pour continuer sur l’art qui se fait, nous pouvons parler de ce que l’on appelle l’artiste sans œuvre : il n’est pas préoccupé par la promotion de l’œuvre mais par son processus, il recherche la démarche intensive, extensive, il cherche à débusquer d’autres pratiques, la matière même de son devenir artistique. L’art d’environnement : Dans notre recherche, il est important de s’intéresser à l’art d’environnement qui, comme son nom l’indique, fonctionne grâce au contexte dans lequel il s’effectue, c’est à dire l’ambiance, l’emplacement, la présence d’un public ou d’acteurs. L’environnement est donc une base fondamentale pour l’art d’action et la performance. L’art d’environnement est un art qui assume une nouvelle fonction qui étend les propositions artistiques à l’échelle d’un lieu, d’un espace, d’une composition, d’un aménagement. Il n’y a plus de caractère unitaire de l’objet, le spectateur est introduit au sein même du processus, ce qui accentue alors le mouvant et le caractère aléatoire de l’œuvre qui se

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L’ART D’ENVIRONNEMENT

font, renforcé par l’ambiance toujours propre à l’espace. C’est un art qui tire sa puissance de sa propre activité instauratrice, en ce qu’elle fait événement, en ce qu’elle provoque les situations. L’art d’environnement est un espace porteur d’une authentique signification plastique,qui,par l’événement ou l’interaction,relève certaines dispositions esthétiques. C’est le processus qui fait art. L’œuvre existe dès lors que le travail se réalise à l’échelle d’un processus ouvert et d’un environnement diffus, c’est à dire, le processus de contextualisation de l’art. La participation active ou activée du spectateur redispose un environnement plastique, sonore par sa seule présence. C’est le couplage de l’action instauratrice de l’artiste et de l’action expressive du spectateur sollicitant réactions et initiatives, qui créent ce processus d’art qui se fait. L’environnement, le public, l’œuvre et son processus apportent un caractère aléatoire qui justifie une nouvelle fonction et une nouvelle forme d’art. « C’est le caractère aléatoire qui fait l’œuvre art in Progress un caractère définitivement nonfinito.»1 Dans le cadre de ce mémoire et pour amener notre analyse terrain, nous pourrions d’ores et déjà nous demander si, en participant à l’œuvre, le spectateur prend partie pour certaines des idées du créateur. Il est intéressant de se poser la question si nous comparons certaines actions marketing à ce type de happening (en street, en evnementiel ou en guerrilla). Les marques font participer d’une manière ou d’une autre le public à des actions de marketing au sein de la ville, car quelque chose d’attirant pousse le public à s’introduire dans ces actions, en soit il adhère directement ou indirectement à cette marque et se tournera plus vers celle-ci que vers son concurrent. Dispositions sociologiques permettant à une activité de se constituer en art Nous devons déterminer pour la bonne compréhension de ce sujet, quelles dispositions feront qu’une activité sera considérée comme art.

1. Esthétique relationnelle, Nicolas Bourriaud, ed. Les Presses du Réel

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DISPOSITIONS SOCIOLOGIQUES

Comme vu plus haut, le contexte social, politique et économique font partie intégrante de l’activité. A une époque de créativité diffuse, les dispositions sociologiques se sont multipliées, certains agencements sont sollicités pour faire art : une ambiance, une interaction avec le public, une articulation avec d’autres entreprises sociales. Ces agencements constituent un contexte, ils forment les modes de constitution de la créativité diffuse. Il est important de comprendre la différence entre activité artistique et création :

La création artistique

L’activité artistique

est un objet, une problématique, qui peut servir l’art mais aussi d’autre domaines, économiques, sociologiques, politiques etc.

est un accès à la notoriété, insertion dans une histoire de l’art. caractère plus élitiste, régressif de l’artiste dans une histoire de l’art.

Intéractions et relations interhumaines L’activité fait art, c’est un fait1. Comme précisé précédemment, les dispositions de l’activité artistique ont évolué, parmi celles ci, le caractère social qui est apparu a permis aux activités de se constituer en art de part l’intéraction, l’environnement ou encore l’action. La sollicitation du spectateur a permi aux avant gardes de saisir la création artistique à ses extrémités là où elle échappe à l’attention du créateur, là où elle s’implante vraiment et produit ses effets (puissance constitutive et liens intimes) La participation du public est une dimension dans l’action artistique (avant-gardes). L’intrusion du spectateur représente l’extrême limite de cette capacité instauratrice où l’artiste œuvre en conjonction avec celui qui l’écoute, le reçoit, l’observe, c’est le caractère déconcertant qui allie parfaitement l’inopiné et l’intentionnel qui crée l’œuvre processuelle complète.2

1. Une sociologie du travail artistique, P. Nicolas-Le Strat, ed. l’Harmattan 2.Esthétique relationnelle, Nicolas Bourriaud, ed. Les Presses du Réel

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INTERACTIONS HUMAINES ET CONTEXTE SOCIAL

Ce nouveau paradigme se résume grossièrement à la transformation de l’environnement et la participation du public. Il nous amène donc à étudier une nouvelle forme esthétique, définie à la base par le critique français Nicolas Bourriaud en 1995 que l’on nomme Esthétique relationnelle. C’est un mouvement de l’art contemporain défini comme « une théorie esthétique consistant à juger les œuvres d’art en fonction des relations interhumaines qu’elles figurent, produisent ou suscitent » Art Relationnel : interactions humaines et contexte social :

N. Bourriaud : critique d’art, directeur de l’école superieure des Beaux Arts de Paris

L’esthétique relationnelle est un terme qui a été créée en 1995 par Nicolas Bourriaud - Commissaire d’exposition, écrivain et critique d’art. Fondateur de la revue «Documents sur l’art», et directeur de l’école nationale supérieure des Beaux-Arts depuis 2011 - pour tenter de définir des pratiques artistiques apparues dans les années 1990. Il s’interroge sur ce qui caractérise et distingue l’art depuis les années 1990 (comment décoder ces productions apparemment insaisissables, qu’elles soient processuelles ou comportementales en cessant de s’abriter derrière l’histoire de l’art des années soixantes) On cherche à comprendre à travers cet ouvrage, l’évolution de l’art actuel, comment l’art, après l’ère de la communication, de la société de consommation, contribue t’il à l’émergence d’une société relationnelle. Ce que cherche à démontrer N. Bourriaud dans ce livre, c’est qu’il existe une esthétique commune derrière l’immense diversité des pratiques artistiques contemporaines, celle de la rencontre, de la proximité, de la résistance au formatage social. Pour Nicolas Bourriaud, l’œuvre sert d’interstice social. À la fin de la seconde guerre mondiale, on assiste à une urbanisation généralisée, les œuvres évoluent avec l’urbanisation de l’expérience artistique, une œuvre contemporaine n’est plus un espace à parcourir mais une durée à éprouver. La ville généralise l’expérience de proximité. L’art relationnel témoigne d’un bouleversement radical des objectifs esthétiques culturels et politiques mis en jeu par l’art moderne. Au 20 ème siècle, on assiste à deux visions du monde : • une conception rationaliste moderniste issue du 8 siècle • une philosophie de la spontanéité et de la libération par l’irrationnel (Dadaïsme, surréalisme, situationniste)

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INTERACTIONS HUMAINES ET CONTEXTE SOCIAL

La place de l’art dans l’économie est, au delà du caractère commercial, marchand, ou sémantique, avant tout un interstice social, Karl Marx le considérait comme un communauté d’échange échappant au capitalisme. L’art contemporain développe donc un projet politique, une sphère relationnelle. Il est intéressant de remarquer comment fonctionnent certains aspects de la communication aujourd’hui - tels que les happenings ou le street marketing qui peuvent rassembler tout un public autour d’une action publicitaire en plein centre ville – et de citer quelques exemples d’œuvre d’artistes contemporains tels que « Turkish Jokes ». C’est une performance de Jens Haaning se déroulant à Copenhague en 1994. Elle concerne une minorité de personnes turques, des blagues sont diffusées grâce à un haut parleur en plein centre ville en turc que seuls les immigrés sur place comprennent, ils se retrouvent unis par un rire collectif qui renverse leur situation d’exile.

Jens Haaning - Turkish Jokes

1994 Turkish Jokes de Jens Hanning. Jens Haaning (né en 1965) est un artiste qui vit et travaille à Copenhague. Son travail aborde la question du racisme dans la société scandinave. Turkish Jokes est une performance visant à rassembler les immigrés autours d’histoire drôles diffusées en turc par un haut parleur en plein centre ville, renversant ainsi leur situation d’éxile.

La performance rassemble des gens et crée des phénomènes de groupuscule. Elle est donc un atout considérable pour la communication qui peut, grâce à ces phénomènes, sélectionner puis intéresser une cible précise. L’art est donc un état de rencontre. Marcel Duchamp disait, « l’art est un jeu entre tous les hommes de toutes les époques ». La forme ne prend consistance qu’au moment où elle met en jeu des interactions humaines, comme le dialogue, le débat, etc. L’essence de la pratique artistique résiderait ainsi dans l’invention de relations entre des sujets

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RELATION ENTRE LES GENS ET LE MONDE À TRAVERS LES OBJETS ESTHÉTIQUES

(artiste-spectateur) Des années 90 à aujourd’hui, le happening, la performance, les œuvres proposent un contrat précis au regardant, de plus en plus dans les expositions le spectateur peut participer à l’œuvre, en interagissant d’une manière ou d’une autre avec l’œuvre. Les figures de référence de la sphère des rapports humains sont désormais devenues des formes artistiques à part entière. L’œuvre est désormais un dispositif relationnel et l’art a une fonction sociale. Des artistes tels que Niek Van de Steeg ou Peter Fend, se placent dans les conditions de travail de l’architecte, c’est à dire se comportant à l’intérieur du monde de l’art selon les paramètres de mondes hétérogènes à celuici, ces artistes y introduisent des univers relationnels régis par les notions de clientèle, commande et projet. Enfin, Hybert définit l’art comme une fonction sociale parmi d’autres.

Relation entre les gens et le monde à travers les objets esthétiques Les œuvres et les échanges : L’art, parce qu’il est fait de l’étoffe même dont sont faits les échanges sociaux, occupe dans la production collective une place singulière. Une œuvre d’art possède une qualité qui la distingue des autres produits des activités humaines, cette qualité c’est sa transparence sociale. Si elle est réussie , une œuvre d’art vit toujours au deçà de sa simple présence dans l’espace ; elle s’ouvre au dialogue, à la discussion, à cette forme de négociation interhumaine que Marcel Duchamp appelait « le coefficient d’art » et qui est un processus temporel, se jouant ici et maintenant. Cette négociation s’effectue dans une transparence qui la caractérise en tant que produit du travail humain : en effet ; l’œuvre d’art montre ou suggère à la fois son processus de fabrication et de production, sa position dans le jeu des échanges, la place ou la fonction qu’elle assigne au regardeur et enfin le comportement créateur de l’artiste. L’artiste produit tout d’abord des relations entre les gens et le monde à travers des objets esthétiques. Les artistes de l’esthétique relationnelle

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RELATION ENTRE LES GENS ET LE MONDE À TRAVERS LES OBJETS ESTHÉTIQUES

agissent au sein de la sphère des rapports interhumains. Leur œuvre met en jeu les modes d’échange sociaux, l’interactivité avec le regardeur à l’intérieur de l’expérience esthétique qu’il se voit proposer et les processus de communication, dans leur dimension concrète, d’outils servant à relier des individus et des groupes humains entre eux. Tous œuvrent donc au sein de ce que l’on pourrait nommer la sphère relationnelle, qui est à l’art d’aujourd’hui ce que la production de masse était au pop art et à l’art minimal. L’œuvre d’art se présente donc comme un interstice social à l’intérieur duquel ces expériences, ces nouvelles possibilités de vie sont possibles. D’après Nicolas Bourriaud, l’art actuel reprend l’héritage des avantgardes du 20ème siècle. Les œuvres et les individus selon Gonzalez Torres :

F. Gonzalez Torres : Artiste américain d’origine cubaine, a su placer l’émotion au coeur de l’art conceptuel, en faisant de son oeuvre un acte de transmission. il meurt des suites du SIDA en 1996.

Felix Gonzalez Torres est un artiste américain d’origine cubaine, influencé par le Minimal Art et l’art conceptuel. Il réserve au sein de son œuvre, la négociation, la construction d’une cohabitation. Ses œuvres amènent le spectateur à prendre conscience du contexte dans lequel il se trouve, comme lors de happenings et de situations créées. Pour exemple, Gonzalez Torres dispose au sein d’une exposition dans un musée, un tas de bonbons créant le doute pour le public qui hésite à se servir ou attend qu’un voisin fasse le premier pas. Cette expérience met en avant ce qui fonde aujourd’hui l’expérience artistique : la coprésence des regardeurs devant l’œuvre. Les spectateurs ont un statut qui peut aller de consommateur passif à celui du témoin ou même d’associé, d’invité, de coproducteur, de protagoniste. Felix Gonzalez Torres - Candy Stacks

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1970 des empilements de bonbons placés dans un coin d’une pièce ou aussi des tapis de bonbons étalés sur le sol. L’artiste utilise le champ métaphorique dans son travail. Un empilement de bonbons est à chaque fois le portrait de quelqu’un. Il est représenté par son poids en bonbon. Le spectateur est invité à prendre un bonbon. Ainsi à l’issue de l’exposition, il n’y a plus d’oeuvre et c’est comme si la personne disparassait.


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ESTHÉTIQUE RELATIONNELLE ET SITUATION CONSTRUITE

Ici, on peut noter que les conclusions faites sur le travail de Gonzalez Torres nous mènent à penser qu’un rapprochement s’opère entre l’art contemporain, art relationnel, socialisation, et la communication. Une opération de guérilla implique les spectateurs dans l’action marketing, qu’ils soient simples regardeurs ou acteurs à part entière. Ces mises en scène, ces situations fonctionnent grâce à la présence des spectateurs. On peut noter que le fonctionnement de ces actions marketing est proche de certaines oeuvres contemporaines et relationnelles. Esthétique relationnelle et situation construite Le concept situationniste de « situation construite » entend substituer à la représentation artistique la réalisation expérimentale de l’énergie artistique dans les ambiances du quotidien. Si le diagnostic de Guy Debord sur le processus de production spectaculaire nous apparaît implacable, la théorie situationniste néglige le fait que le spectacle, s’il s’attaque en priorité aux formes des relations humaines, (est un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images) ne pourra être réfléchi et combattu qu’à travers la production de nouveaux modes de relations entre les gens. La notion de « situation » reconduit l’unité de temps, de lieu et d’action dans un théâtre qui n’implique pas forcément une relation à l’autre. Or la pratique artistique est toujours rapport à l’autre, en même temps qu’elle constitue un rapport au monde. Ce sont les formes capitalistes de l’échange que Debord identifient avec l’échange interhumain. L’échange qu’il identifie est sous forme de contrat dans une forme historique de production (employeur – ouvrier) Le temps de travail est donc moins un « temps échangeable » au sens fort qu’un temps achetable sous forme d’un salaire. Au delà de ça, l’œuvre qui forme un « monde relationnel » un interstice social, actualise le situationnisme et le réconcilie avec le monde de l’art1 On observe un important développement du travail immateriel en métropole, la publicité, la mode, le design s’étendent, de plus en plus d’artistes, de créatifs se tournent vers ces métiers leur permettant de pratiquer et de vivre au sein de la société. 1. Esthétique relationnelle, Nicolas Bourriaud, ed. Les Presses du Réel

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TRAVAILLEURS CRÉATIFS INTELLECTUELS

Les travailleurs créatifs intellectuels & insertion professionnelle Aujourd’hui, les mondes de l’art se trouvent dans une impasse, beaucoup d’artistes ne vivent pas directement de leur art, c’est à dire que leur travail n’est pas une reconnaissance artistique en tant que telle. Par exemple, un artiste plasticien devient professeur d’art pour gagner sa vie, il ne vit donc pas directement de son art, on peut considérer qu’un artiste qui s’est tourné vers la publicité a choisi cette voie car il n’arrivait pas à vivre aisément de son art et a mis au service de la communication d’une entreprise sa créativité. L’insertion professionnelle ne dépend pas de jugement sur la qualité de l’oeuvre. Les travailleurs créatifs intellectuels et artistes RMIstes rejoignent les services culturels et le milieu de la communication grâce à des associations d’aide à l’insertion professionnelle des créatifs. Si des opportunités apparaissent aux artistes de vivre leur art, c’est hors des cadres légitimes et sur un mode définitivement hybride. Les artistes réussissent économiquement et socialement parfois au détriment d’une reconnaissance artistique car ils travaillent pour le secteur industriel ou pour un public non initié. D’autres se sont orientés vers ce que l’on appelle les friches. La ville a laissé naître des groupuscules d’artistes qui s’autogèrent et qui se développent eux même. On les appelle « Collectifs Créatifs » Pour exemple, prenons la Pépiniaire. La Pépinière est un atelier d’artistes composé de jeunes plasticiens où les processus de création sont ouvert au public. Le travail artistique devient donc un temps global qui assimile la dimension privée du travail et sa portée publique. Le public s’immisce dans l’espace privatif du travail, ce qui rejoint les bases du concept de la performance. Tout fait « art » à l’échelle de ce temps global. Ils produisent un mouvement de mise en rapport par la présence du public lors de leurs processus. Ces strutures créent des contextes de créations au sein des villes et leurs artistes, s’influencent entre eux, ils peuvent se compléter dans leurs créations. L’influence de la ville Toni Negri disait que l’industrie de la mode ne se développe pas dans un environnement vide de sensibilité, il puise sa créativité au sein même

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L’INFLUENCE DE LA VILLE

Toni Negri : philosophe et homme politique italien. Idées : empire et multitude

de la ville. La mode, la publicité, puisent des ressources à même la ville, (événements culturels, artchitecturaux) L’art, les créatifs intellectuels, les collectifs créatifs ou les villes créatives densifient la créativité immaterielle au sein de la ville pour un bénéfice d’image, mais aussi pour la promotion et la production industrielle. Grâce aux villes créatives et aux acteurs du middle ground, les entreprises travaillent en relation avec les “pépinières” et les collectifs créatifs. le middleground est un terme qui désigne les structures permettant aux jeunes artistes d’exprimer leur créativité au sein de la ville et de leur offrir un contexte professionnalisant en relation avec les firmes industrielles. Il a pour but d’apporter des solutions adaptées à la multiplications des initiatives artistiques et de favoriser la constitution de réseaux culturels à toutes les échelles. Les collectifs créatifs et les villes créatives font évoluer le territoire urbain, des villes telles que Nantes ont su porter des projets permettant de créer un lien entre les créatifs et le territoire. Par exemple, il a été mis en place très récemment au coeur du quartier de la création nantaise, une collaboration entre les décideurs politiques, des jeunes artistes, des grandes écoles et des entreprises du territoire. Intitulé projet REAL, il vise à créer un trait d’union entre l’art et l’entreprise. Ce projet propose aux jeunes artistes étudiants, de suivre par exemple des formations post-diplomes leur permettant de mieux gérer les relations entre l’art et l’entreprise. Le projet permet aussi de créer des passerelles entre les grands décideurs politiques, les grandes entreprises et toutes personnes susceptibles de pouvoir les aider dans leur démarche en leur apportant un réseau et les moyens de productions, l’activité artistique sur un plan politique et économique. “L’activité artistique n’est pas réduite simplement comme une activité sociale, économique et politique, et nullement semblable aux autres activités sociales, il s’agit d’élucider les déterminations économiques sans les considérer comme purement économiques.”1 Les artistes sont donc aussi portez vers les professions créatives industrielles comme le graphisme, le design ou la publicité.

1. Une sociologie du travail artistique, P. Nicolas-Le Strat, ed. l’Harmattan Mem. 36


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DIMENSION SOCIALE

De l’art au travail artistique sur une dimension sociale : La révolution industrielle et le post fordisme ont amené petit à petit l’intégration du « créatif » dans l’appareil économique, cette intégration du créatif comme nouveau facteur de production est rendue possible depuis que le travail artistique se professionnalise, la professionnalisation correspond à l’étape dernière de la diffusion de la sécularisation et de la banalisation du travail artistique. Le capitalisme de l’ère industrielle s’est saisi des produits culturels et en a permis la diffusion massive. Nouvelle composition sociale du milieu artistique, l’artiste à l’époque de la reproductibilité des activités immatérielles, défend sa qualification et marque son appartenance au monde salarial. L’activité artistique et production immatérielle : La création artistique

L’activité artistique

est un objet, une problématique, qui peut servir l’art mais aussi d’autre domaines, économiques, sociologiques, politiques etc.

est un accès à la notoriété, insertion dans une histoire de l’art. caractère plus élitiste, régressif de l’artiste dans une histoire de l’art.

L’activité artistique et l’activité de recherche sont entraînées par les flux de la production immatérielle (de biens immatériels) et excèdent largement leur univers d’origine, c’est à dire l’université et les mondes de l’art. Le monde économique réclame à l’activité artistique la distinction, du singulier, de l’originalité. Toutes les qualités sociales indispensables à la performance économique d’un service ou d’un bien. Comme on demandera à la publicité de la créativité, de l’originalité, de la singularité pour devancer la concurrence et marquer l’esprit des consommateurs. En ce sens, ces qualités contribuent à définir le contenu informationnel ou communicationnel de la marchandise post fordiste : La marchandise immatérielle.

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DIMENSION SOCIALE

C’est en tant que capacité et performance que l’activité artistique est insérée au circuit économique. Les artistes sont désormais confrontés à la professionnalisation des métiers de la culture. Les limites de leur art deviennent floues, il y a une incapacité pour marquer les limites entre l’activité d’un plasticien et celle d’un designer industriel. Prenons l’exemple du styliste de mode, la mesure du travail immatériel qu’il produit est grande. Le styliste de mode peut être utilisé comme styliste dans la publicité, dans la vidéo etc, on peut sans grandes difficultés se transformer de dessinateur de mode en dessinateur de maquettes publicitaires ou de vignettes, etc. en somme, le travail immatériel définit des bassins de travail extrémement vastes.1 Ce qui peut nous ammener à nous poser la question : Faut-il encore chercher à distinguer le plasticien créateur du designer créatif ? La transition s’opère insensiblement dans un continium de production. Le travail artistique se caractérise par le maillage de ses productions (design industriel, packaging, graphisme industriel, etc.) différemment valorisées en contradiction souvent mais se prolongeant les unes les autres. L’art de la pub d’un point de vue sociopolitique et d’un point de vue d’une science politique du travail artistique : Du point de vue d’une science politique du travail artistique, le travail des créatifs intellectuels tels que celui des publicitaires ou des stylistes est dans une démarche de création artistique, malgré la dimension sociopolitique caractérisant la publicité comme une marchandisation ou encore une manipulation, un grand nombre de films publicitaires sont reconnus comme des œuvres clés de la créativité postmoderne (car le jugement esthétique excède toutes déterminations sociales et politiques)1 Nous ne pouvons ignorer l’œuvres et la prouesse, même d’un point de vue sociopolitique, la démarche est présente telle une création artistique renommée. De même pour les grandes opérations marketing, les happenings publicitaires semblables à de réelles performances ou situations artistiques mettant en jeu le spectateur au sein de l’œuvre ou

1. Le bassin de travail immateriel dans la métropole parisienne, Antonio Negri, Maurizio Azzarato, Antonella Corsani

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TRAVAILLEURS CRÉATIFS INTELLECTUELS

Stefan Sagmeister

S. Sagmeister né en 1962 à Bregenz en Autriche, est un designer graphique et typographe. Il est considéré comme l’un des designers marquant du début du vingt et unième siècle.

du dispositif. Prenons pour exemple « l’œuvre » nommée « Obsessions make my life worse and my work better » de Stepan Sagmeister, une installation pharaonique de 300 000 pièces de monnaie et 150 volontaires mis en place dans le centre ville d’Amsterdam pour la marque Droog, un collectif de designers néerlandais. Une semaine fut nécessaire pour la réalisation de cette production, une installation en direct que les passants pouvaient observer pendant sa réalisation. C’est une œuvre typographique qui interpelle, elle signifie « l’obsession rend ma vie dure, et mon travail meilleur ». Cette visibilité constitue l’aspect publicitaire de l’objet, surtout si l’on ajoute à cela la prouesse exceptionnelle et intrigante.

2008 Stefan Sagmeister : Obsessions make my life worse and my work better Client : Droog

Ces interactions créées par l’artiste entre les spectateurs et l’œuvre constituent le processus artistique complet, nous y reviendrons lors de la deuxième partie de ce mémoire. En plus des relations interhumaines qu’elle suscite et qui font de cette installation une véritable œuvre d’art entrant dans une esthétique relationnelle, elle fait alors aussi partie d’un contexte socio-économique, un contexte de crise qui complète la démarche artistique. Il faut noter que ce travail qui entre tout à fait dans le domaine artistique (par le contexte, l’interaction, le public etc) a un rôle à la base publicitaire. On pourrait donc se dire, comme précise Pascal Nicolas Le Strat dans son livre «Une sociologie du travail artistique» : Ce n’est pas parce que la publicité est considérée comme une manipulation ou même une

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TRAVAILLEURS CRÉATIFS INTELLECTUELS

marchandisation d’un point de vue sociopolitique qu’on doit déconstruire ces œuvres. Nous nous sommes rendu compte lors de cette étude, à travers les ouvrages, les documents, les revues, que l’artiste s’est parfois tourné vers les métiers de l’industrie tels que la mode, l’enseignement, mais aussi le design industriel, le design graphique, la communication et enfin la publicité, les métiers artistiques se professionnalisent et laissent s’insérer des nouveaux professionnels créatifs dans le système économique. Cette recherche nous laisse comprendre comment le corps artistique s’inssere dans l’industrie et dans les nouveaux métiers de «l’art immateriel» et de la créativité. Dans la deuxième partie de ce mémoire, nous allons désormais chercher à comprendre pourquoi, en dehors des raisons économiques et politiques ammenées par l’histoire des techniques et des procédés propres aux mouvements artistiques d’avant garde et de l’art contemporain sont aujourd’hui réutilisés par les communicants et publicitaires d’aujourd’hui L’Internationale Situationniste a influé bon nombre de méthodes de diffusion d’idées à la communication, les situationnistes s’étayaient à critiquer la société du spectale à travers l’art en le démystyfiant et en révolutionnant toutes ses bases. A travers des techniques tels que l’urbanisme unitaire, la dérive ou encore la notion de jeu dans la vie quotidienne, les communicants réutilisent ces mêmes techniques à leur insu afin non plus de critiquer la société du spectacle, mais en la glorifiant et en en prenant partie intégrante. Après notre étude sur l’évolution de l’art contemporain, l’apparition de nouveaux mouvements artistiques et principalement de l’esthétique relationnelle, nous nous apercevons, à travers les rapports que nous avons pu mettre en avant, que la communication du 21ème siècle fonctionne sur des bases communes à ces mouvements. Le street marketing et l’evenmentiel sont les exemple le plus criant, les actions ou happenings publicitaires réalisés en pleine ville témoignent d’une nécessité pour les marques d’entretenir un rapport plus intime avec les consommateurs, pour produire un impact, il faut aujourd’hui, à cause de la concurrence, et de la créativité toujours plus croissante dans les dispositifs publicitaires : émouvoir les gens. Pour cela, il faut intéresser le consommateur, il est nécessaire de le toucher dans sa vision de l’esthétique et de l’action, il faut donc de plus en plus faire participer le consommateur et créer

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CONCLUSION

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de véritables interactions pour lui donner de l’importance et lui montrer que sa participation influence, voire même est indispensable au bon déroulement de l’action. Ce que recherchent les artistes contemporains dans leurs performances, c’est principalement l’interaction avec le regardant, la plupart du temps, il doit participer pour que l’oeuvre prenne son sens car dans le choix artistique du créateur, cette interaction ou même simplement le fait que le spectateur réagisse (que ce soit positivement ou à l’encontre de l’oeuvre) contribue à la finalité la plus totale de l’oeuvre, c’est à dire que l’oeuvre est complète à partir du moment ou elle se fait et que le hasard influe. Dans la communication on reprend de plus en plus ce côté participatif, parfois se rapprochant plus du jeu (influence situationnistes). L’important est que le spectateur soit touché, qu’il réagisse et qu’il s’interroge. On peut comparer la montagne de friandises de Felix Gonzalez Torres, qui prend son sens au moment où elle est consommée par les visiteurs avec une action de street marketing telle que l’installation typographique de Sagmeister pour la marque Droog réalisée uniquement en pièce de un centime où les passants peuvent, une fois l’oeuvre mise en place se servir. Les actions de Stefan Sagmeister, designer, graphiste autrichien, sont des dispositifs de communication sortant de l’ordinaire. Pour créer des réactions dans la population, il crée un bus «recto-verso» qui traverse plusieurs pays d’Amérique suscitant la curiosité et pour finalement faire passer différents messages pour des grandes causes. Ce type de construction s’apparente à des oeuvres de mouvements contemporains et pourtant, elles ont un but premier qui est purement communicationnel. Ces conclusions nous amènent à poser plusieurs hypothèses et problématiques que nous allons chercher à confirmer, ou infirmer. Dans une deuxième partie d’analyse se basant sur des campagnes, des dispositifs existants, essentiellement autour du travail de Stefan Sagmeister, ainsi que, grâce aux réponses qu’auront pu nous apporter des professionnels tels que des artistes plasticiens, des graphistes et des communicants mais aussi en recueillant les sentiments et les avis des consommateurs.

Mem. 41


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TRAVAILLEURS CRÉATIFS INTELLECTUELS

Voici les principales hypothèses qui nous sont posées : Des avant-gardistes tels que les situationnistes ont influencé par des dispositifs, des actions, des processus, les publicitaires d’aujourd’hui. A l’époque de l’art contemporain, des artistes tels que Felix Gonzalez Torres ou Jenn Hanning, participent à ce qui sera nommé plus tard par Nicolas Bourriaud,“esthetique relationnelle”. L’esthétique relationnelle est un mouvement d”art contemporain, nous pouvons en retrouver les bases fondamentales dans la communication et le marketing d’aujourd’hui (street marketing et happening) L’utilisation de techniques artistiques provenants des avantgardes et d’une part de l’art contemporain a un sens profond, la raison puise dans l’imaginaire social et se trouverait déterminé par un modèle propre à nos sociétés contemporaines, capables d’être en phase avec les attentes d’un certain public. La disparition des limites entre l’art et le graphisme (dans la communication, le design, etc) permet de mieux toucher le public grâce à une démarche esthétique et artistique. Nous pouvons scinder la problématique principale en plusieurs problématiques de manière à traiter le sujet plus justement : En quoi la communication et la publicité d’aujourd’hui se basent elles sur l’art contemporain ? En quoi la communication et la publicité d’aujourd’hui se basent elles sur les mouvements d’avant garde ? En quoi les avant gardes et certaines formes d’art contemporain ont pu influencer les communicants d’aujourd’hui ?

Mem. 42


CONCLUSION

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D’ici en découle notre problématique principale déjà posée au début de ce mémoire : Quelles significations faut-il accorder à l’emploi de processus ou de pratiques propres à l’art d’avant-garde et à une part de l’art contemporain par les communicants et les publicitaires du 21ème siècle ? Nous allons désormais essayer de répondre à cette problématique dans une analyse concrète de différents travaux, et s’entretenant avec des professionnels du domaine des arts graphiques, du graphisme et de la communication. Nous verrons, grâce à un sondage, si ces dispositfs touchent le public et si la dimension artistique est bien réelle au sein de la communication du 21ème siècle.

Mem. 43


MEMOIRE

ENQUÊTE TERRAIN

Analyse du travail de Stefan Sagmeister .......................................... 45

- Présentation ................................................................................. 45 - Graphisme & Art .......................................................................... 46 - Happening, Performance & Comparaison avec des references artistiques ......................................................................................... 48

Enquête terrain ......................................................................................... 52

- Recueil des informations d’un sondage ................................... 53 - Etude des information ................................................................. 54 - Conclusion de l’enquête consommateur ................................ 54

Interviews au près de proffessionnels ............................................... 56

- Interview de Yannick Minvielle & constats ................................. 56 - Interview de Stefan Sagmeister ................................................. 59 - Etude & Conclusion des interviews ............................................ 62

Conclusion de l’analyse terrain .......................................................... 62

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ENQUÊTE TERRAIN

STEFAN SAGMEISTER

Après avoir étudié plusieurs mouvements avant-gardistes tels que l’internationale situationniste, l’internationale lettriste, ou encore le COBRA et l’art contemporain dans sa dimension relationnelle pour comprendre les liens qui existent entre l’art et la communication d’aujourd’hui. Nous allons entamer une enquête terrain que nous allons développer autour du travail créatif de Stefan Sagmeister, de manière à comprendre ce lien entre art et communication. Nous allons aussi nous entretenir avec plusieurs professionnels créatifs et essayer de percevoir la vision des consommateurs face à ces nouveaux dispositifs publicitaires et “presque” artistiques. Stefan Sagmeister Stefan Sagmeister est un designer graphique autrichien né à Bregenz installé à New York ayant créé depuis peu le studio graphique “Sagmeister & Walsh” au côté de Jessica Walsh. Son travail et sa personalité ont fait de lui l’un des designers et publicitaires les plus marquants du 21ème siècle. Il a pu travailler pour des musiciens tels que David Byrn, les Rolling Stones ou encore Loo Reed, mais aussi pour des marques comme BMW, Adobe, Levi’s etc. Ce qui le particularise aussi, c’est que son travail est le plus souvent réalisé sans ordinateur, et prend parfois la forme de veritables hapennings urbains tels des performances artistiques. Ce sont ces dispositifs qui vont nous intéresser car ils semblent prendre essort aux bases de l’art relationnel et de la performance de l’art contemporain. Stefan Sagmeister

1962 Stefan Sagmeister Stefan Sagmeister, né en 1962 à Bregenz en Autriche, est un designer graphique et typographe. Il est considéré comme l’un des designers marquant du début du vingt et unième siècle. Il a travaillé pour HBO, The Rolling Stones, le musée Guggenheim, Time Warner, David Byrne ou encore Lou Reed.

En effet, après notre étude documentaire, nous allons pouvoir faire de nombreux rapports entre les “oeuvres” de Stefan Sagmeister et les oeuvres contemporaines que l’on a pu citer précédemment. Pour sa dernière

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ENQUÊTE TERRAIN

LIMITE ENTRE ART ET GRAPHISME

exposition aux musée des Arts décoratifs de Paris, Stefan Sagmeister choisit de présenter les sept dernières années de création autour du thème de la vente. Présenter un thème tel que celui ci dans un musée est pour lui une manière de démontrer qu’il n’y a pas de distinction entre le monde du graphisme dit “culturel” et celui du monde commercial. Ceci renforce un peu plus nos hypothèses et nous allons chercher à le démontrer plus précisément par la suite.. Le travail de Stefan Sagmeister, à la limite entre art et graphisme Le travail de Stefan Sagmeister n’est donc pas sans nous rappeler des mouvements artistiques, des oeuvres, et des artistes contemporains. Nous pourrions, pour introduire cette recherche, parler du mur de bananes du graphiste pour le Deitch Projects à New York, l’oeuvre compose le slogan “Self Confidence Produces Fine Results” le tout écrit à l’aide de bananes mures et de bananes vertes, 10 000 en tout. En quelques jours les bananes vertes jaunissent et se confondent avec les bananes déja mures, puis le texte disparait laissant place à un mur virant du jaune foncé au marron. Ce travail rappelle évidemment les recherches de l’auto-destructive art de Gustav Metzeger et fait partie des oeuvres qui ont utilisé d’une nouvelle manière les salles d’expositions. Jenny Holzer est une artiste importante de ce siècle et fait partie des artistes qui ont amené cette nouvelle utilisation des salles d’expositions, le plus souvent elle projette toutes sortes de contestations via un travail typographique. Nous allons voir plus tard qu’elle fait partie des principales influences artistiques de Sagmeister dans son travail. Et pourtant Stefan Sagmeister est un designer graphique, il répond aux demandes de clients pour promouvoir leur marque ou leurs produits, son intérêt est donc de lier travail artistique et commercial. Une campagne publicitaire pour le 501 de Levi’s n’est pour Sagmeister pas qu’un défi créatif, mais un défi artistique, avec un processus de création mis en avant, faisant partie intégrante de l’oeuvre. Les travaux de Sagmeister combinent la plupart du temps le “fait main” et les nouvelles technologies, il dispose des objets réels sous forme d’images, de typographies. L’affiche réalisée pour le jean Levi’s en est le parfait exemple, elle représente un jean sous la forme de fil de cotton et de denim. Pour la réaliser, le jean a été entièrement décousu pour le reformer à la main, le processus

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ENQUÊTE TERRAIN

LIMITE ENTRE ART ET GRAPHISME

artistique est mis en avant telle une oeuvre d’art contemporain. on peut aussi prendre pour exemple l’affiche réalisée pour l’Adobe Design Achievement Awards qui représente un trophée composé par des gobelets de café (accessoire indispensable des jeunes créatifs). On voit aussi sur l’affiche un homme en train de les disposer, cette affiche n’est pas composée à l’ordinateur (sauf de minimes retouches et ajouts telles que les informations liées à l’événement) l’image est composée telle une sculpture à la main. On perçoit donc pour Stefan Sagmeister, un gout pour l’objet et le travail materiel, le gout pour la typographie, des messages à décoder, le processus ou le déroulement de la création tout à fait sortant d’un cadre purement publicitaire. Nous allons désormais voir à quoi ressemble le travail typographique de Sagmeister. Toujours dans un but commercial mais dans une démarche digne de la performance artistique. Grâce au travail de Sagmeister, nous essaierons d’affirmer que la dimension commerciale n’empêche aucunement l’originalité ni la poésie.

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STEFAN SAGMEISTER

HAPPENING TYPOGRAPHIQUE

Happening typographique

Stefan Sagmeister est un typographe décalé, il utilise la ville, la nature, le corps humain pour réaliser des travaux typographiques dans un but le plus souvent promotionnel. Trying to look good limits my life « Trying to look good limits my life» est une série d’affiches sur la situation, le travail et la vision du graphisme de Stefan Sagmeister. C’est un travail typographique réalisé a partir de divers éléments photographiés et créant les les lettres de la phrase. Stefan Sagmeister

The conservative (and socially conscious) bank Standard Chartered Cette fois ci, on retrouve le même travail que précédemment mais dans différentes parties de la planète et surtout pour un client, c’est un spot vidéo où l’on voit se dresser les différents mots constituant une phrase grâce à des éléments du décor ou grâce à des personnes. Everybody always thinks they are right C’est une action de street marketing, elle comporte six gigantesques singes blancs aux airs énervés accompagnés d’une pancarte sur laquelle est écrit un mot de la phrase “Everybody always thinks they are right” (tout le monde pense toujours avoir raison). Chacun d’entre eux est disposé dans une ville différente d’Ecosse, Glasgow, Aberdeen,

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STEFAN SAGMEISTER

HAPPENING TYPOGRAPHIQUE

Edinburgh, Inverness, Dundee, et Stirling pour un festival de design. Ces singes imposant ont retenu l’attention des passants, et surtout celle des médias qui ont relayé en masse l’information et qui ont permis de comprendre la phrase en montrant chacun de ces grands singes et leur pancarte. Autant d’exemples qui affirment un peu plus la présence artistique dans un travail qui a en premier lieu un but commercial, Stefan Sagmeister démontre, par ses dispositifs, ses installations, ses créations typographiques, qu’il n’y a plus de frontière entre la dimension commerciale et la dimension artistique dans ce types de créations, on peut alors évoluer dans un univers créatif et artistique dans un but promotionnel ou marketing. My Obsessions Make my Life worse but my work better Cette oeuvre typographique a été réalisé pour Droog, une marque de design hollandaise, elle représente la phrase “My Obsessions make my Life worse but my work better” composée de 250 000 pièces de 1 centime de teintes différentes disposée au sol par plus de 100 volontaires sur une place d’Amsterdam. Ce gigantesque et magnifique travail typographique a ensuite été laissé abandoné après 20 heures à la volonté des passants pour laisser l’oeuvre intéragir avec la ville et la population, après quelques jours de survie, protégée par les riverains, le message fut entièrement évacué par la police. Pour Sagmeister, les intéractions crées complètent le dispositif, elles font partie intégrante de ce travail. Pendant plusieurs jours la population va pouvoir voir s’installer une immense fresque faite de pièce de monnaie, puis y lire un message et enfin être confronté à celui ci sans aucune directive, les gens se retrouvent libres du sort futur de cette création. Comme cité dans la première partie, en plus des relations interhumaines qu’elle suscite et qui font de cette installation une véritable œuvre d’art entrant dans une esthétique relationnelle, elle fait alors aussi partie d’un contexte socio-économique, on dispose au sol 2500 euros en pièce de 1 centime dans un contexte de crise qui complète la démarche artistique. Comme vu précédement dans la première partie de ce mémoire, la performance rassemble des gens et crée des phénomènes de groupuscule. Elle est donc un atout considérable pour la communication. On peut ici comparer l’installation de Sagmeister avec le travail de Felix

Enq. 49


ENQUÊTE TERRAIN

LIMITE ENTRE ART ET GRAPHISME

Gonzalez Torres (rappel : artiste américain d’origine cubaine, influencé par le Minimal Art et l’art conceptuel). Il réserve au sein de son œuvre, la négociation, la construction d’une cohabitation. Ses œuvres amènent le spectateur à prendre conscience du contexte dans lequel il se trouve, comme lors de happenings et de situations créées. Une des oeuvres de Felix Gonzalez Torres compose un tas de friandises dispoé sur le sol dans une salle d’exposition, l’installation crée le doute pour le public qui hésite à se servir ou attend qu’un voisin fasse le premier pas. Cette expérience met en avant ce qui fonde aujourd’hui l’expérience artistique : la coprésence des regardeurs devant l’œuvre. Les spectateurs ont un statut qui peut aller de consommateur passif à celui du témoin ou même d’associé, d’invité, de coproducteur, de protagoniste. Dans l’installation de Stefan Sagmeister, le processus est total au moment où la réalisation de l’oeuvre est terminée et qu’elle est abandonnée aux passants qui peuvent desormais faire le choix de se servir ou de protéger la création. Dans ces deux cas, l’installation crée une intéraction avec le public qui peut directement faire partie du processus créatif par le simple fait de s’intérroger ou encore de s’approprier un élément de cette dernière. Stefan Sagmeister

2008 Stefan Sagmeister : Obsessions make my life worse and my work better Client : Droog

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ENQUÊTE TERRAIN

LIMITE ENTRE ART ET GRAPHISME

Ce sont ces recherches que nous cherchons à étudier, le travail de Stefan Sagmeister sur les intéractions, le relationnel sont à l’origine d’une véritable démarche artistique. True Majority (ou Topsy-Turvy Bus) est le fruit du travail de Stefan Sagmeister et de Ben Cohen (créateur des glaces Ben&Jerry’s). Créé en 2004, c’est un bus scolaire à la fois intrigant et renversant, deux bus ont été soudés l’un à l’autre. Il à été créé dans une démarche de sensibilisation, pour différentes causes. Il se déplace dans plusieurs pays d’Amerique, le plus souvent, il renseigne la population sur les trop grandes dépenses de l’État pour la guerre, en comparaison au manque de moyens dans les domaines de la couverture santé ou encore de l’éducation. Ce bus a une vocation à la base sociale, il ouvre le débat tout en amusant et en surprenant le public. Une démarche donc toujours artistique et reprenant les principes de base de l’esthétique relationnelle définie plus tôt dans ce mémoire, d’autant plus que l’on peut citer une oeuvre de Jes Brinch et Henrik Plenge Jakobsen nommée Burnout, ces deux artistes ont diposé d’un autobus renversé sur la tranche au milieu d’une place publique de Copenhague, le sens n’étant pas le même car ici, les artistes ont voulu créer un réel impact sur la population, quelque chose de violent qui veut démontrer un profond malaise social comme la plupart des oeuvres de Henrik Penge Jakobsen. Le sens est donc différent, mais la finalité est la même, les démarches semblables, en choquant, suprenant, amusant la population par des installations extravaguantes, originales ou dévastatrices permettent de susciter l’interrogation des spectateurs et de déclancher des questionnements, des reflexions et des discussions qui créent la complexité et determinent le processus artistique. On capte donc l’attention de ce public et c’est la finalité du but “commercial” ou communicationnel que Sagmeister atteint dans ses dispositifs, pour cela il procède comme un artiste le fait pour susciter l’étonnement et pour forcer son public à reflchir et intéragir avec l’oeuvre. Stefan Sagmeister

Enq. 51

2008 True Majority ou Topsy-Turvy Bus Sagmeister & Ben Cohen


MEMOIRE

ENQUÊTE TERRAIN

En analysant tous ces dispositifs, ces processus , nous comprennons comment les graphistes, communicants et publicitaires s’impreignent des courants artistiques, des avants gardes à l’art contemporain. Il faudrait desormais se demander pourquoi la communication et ses acteurs en sont venu à s’impreigner de ces mouvements d’art contemporain, il paraît évident que les dispositifs reposant sur ces mouvements suscitent plus d’émotion et font appel à la sensibilité esthétique des gens et donc de les toucher. Les intéractions créées, qu’elles soient directes ou indirectes interpellent le spectateur ou le consommateur, il se sent concerné, et c’est la raison la plus évidente qui ressort de cette analyse. Le public de l’art contemporain a certaines attentes envers ce qu’il va voir au musée par exemple, ces attentes sont créées par un ancrage social, idéologique et économique. Cet ancrage, ce contexte social concerne le public, on peut considérer que ces artistes qui font de la communication, de la publicité, du design graphique vont jouer sur ces mêmes valeurs. Reste à déterminer si cela est voulu ou si le mixage du design, de l’art, du graphisme, de la publicité, et de tous les autres domaines de la communication a simplement créé de nouveaux terrains d’expression, de nouvelles professions entre art et monde commercial. Nous allons d’ailleurs confirmer ces conclusions grâce au temps que nous ont accordé Yannick Minvielle, un plasticien et directeur de création à l’agence Red du groupe Publicis, et Stefan Sagmeister qui a accepté de prendre le temps de répondre à quelques questions que j’appuierais grâce aux réponses qu’il met en ligne sur son site internet pour réaliser des interviews. Mais dans un premier temps, pour confirmer ces hypothèses, nous avons procédé à un sondage qui va nous permettre de découvrir l’intérêt des gens envers ces démarches différentes. Il a été réalisé grâce aux réponses de 56 personnes d’age, de sexe, et de professions différentes. pour obtenir un échantillon représentatif de l’ensemble de la population française. Parmis eux, des étudiants, des medecins, des femmes au foyer, des fonctionnaires, des créatifs, des artistes, des commerciaux, etc, allant de 18 à 62 ans. Nous ne nous étendrons pas sur les détails des sujets de ce sondage car nous voulons obtenir une analyse représentant la globalité de la population, cependant les catégories, le nombre d’hommes, de femmes, et les ages sont assez représentatifs car plutôt hétérogènes.

Enq. 52


ENQUÊTE TERRAIN

SONDAGE

Enq. 53


ENQUÊTE TERRAIN

SONDAGE

Même si ce sondage est concis, nous nous apercevons que le public pour tout âge confondu sera plus touché par un dispositif ou un processus créatif fort et si il repose sur des bases artistiques, sur 50 personnes, 88% seront en effet plus interessés. Ce que nous allons affirmer et comprendre grâce aux interviews présentées plus loin dans cette analyse. La participation à l’action est aussi un atout, mais cela reste à démontrer car 59% des gens sont plus interessé par les propos portés par l’action si ils peuvent y participer, l’interaction propre à la performance fait que le public se sent concerné et important. Les installations de type artistique, avec une démarche précise et une recherche particulière, surtout si elles sortent du commun vont aussi pour 76% des gens attiré leur regard et leur attention. Malgré la différence entre art et publicité, 67% de l’échantillon pris pour ce sondage considère qu’il peut y avoir de l’art dans la publicité mais plusieurs personnes justifient ceci par les métiers artistiques emplyés dans la publicité ou encore les techniques artistiques utilisées dans certain domaine de la publicité.

Enq. 54


ENQUÊTE TERRAIN

SONDAGE

Pour conclure à ce court sondage, nous pouvons constater que les réponses confirment un peu plus nos hypothèses par rapport au sens que prend ces dispositifs dans la communication, et que l’intéret pour les communicants de ce siècle qui est d’utiliser des techniques et des mouvements propre à une part de l’art contemporain et à l’art d’avantgarde se justifie par l’efficacité et l’imapact de ces dispositifs. Nous allons par des interviews, essayer d’aller plus loin dans ces réponses pour confirmer et mieux comprendre les raisons qui poussent les communicants et publicitaires à utiliser ces techniques et ces mouvements. Yannick Minvielle et Stefan Sagmeister on répondu à quelques questions traitant de l’art et de la publicité qui sont deux domaines dans lesquels ils exercent.

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ENQUÊTE TERRAIN

INTERVIEW DE YANNICK MINVIELLE

Yannick Minvielle, Directeur de création à l’agence Publicis Red et artiste plasticien Les mouvements artistiques influencent-ils votre travail : Oui, les mouvements artistiques influencent, il y a toujours une part d’influence,c’est une façon pour moi de découvrir de nouveaux procédés visuels et de nouveles façons d’envisager l’art et la communication. Pour moi la publicité utilise des ressorts de l’art, la publicité n’est pas de l’art mais elle s’en inspire. Le fait d’être artiste plasticien en dehors de votre activité publicitaire vous apporte-t’il un certain recul dans votre travail créatif ? ça m’apporte dans le sens où je reste en sorte de veille perpetuelle dans la façon de penser et de concevoir, d’autre part cela m’apporte un autre pendant que je n’ai pas dans la publicité, c’est de mettre les choses en pratique, être un peu plus concrèt, travailler avec les mains et non avec un clavier, où tu pousses un projet qui est le tien, où tu es le seul penseur et décideur contrairement lorsque l’on travail avec un client. C’est une sorte d’échapatoir pour l’épanouissement par rapport aux contraintes du métier (client, cible etc...) Pour vous, quels mouvements communication d’aujourd’hui ?

artistiques

ont

pu

influencer

la

Le premier qui me vient à l’esprit, c’est le mouvment Dada, car pour le coup c’était une sorte de manifeste artistique qui à l’époque était très audacieux, mais tu peux retrouver aujourd’hui plus de choses à base de collage par exemple découlant de ce mouvement, c’était les prémisses de la communication. Après toute l’esthétique dadaiste, a été reprise par les punks comme les lettres déchirées, les alphabets reconstitués qu’ont peut retrouver aujourd’hui dans la communication sans cette dimension un peu décallée.

et que pensez vous de l’apport de l’esthétique relationnelle ?

Les oeuvres nécessitent ici d’intéraction avec le public pour exister, on peut prendre pour exemple «Soup/no soup» de Rirkrit Tirvanija.

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ENQUÊTE TERRAIN

INTERVIEW DE YANNICK MINVIELLE

Rirkrit Tiravanija

2012 Soup/No soup : En prélude à l’ouverture de La Triennale le 20 avril 2012 au Palais de Tokyo, l’artiste contemporain Rirkrit Tiravanija présenta Soup/No Soup, un projet qui transforma pendant douze heures la Nef du Grand Palais en un énorme banquet festif, dont le menu consistait uniquement en une soupe Tom Ka.

Quel est l’intéret de ces intéractions dans la communication, l’evenementiel ? La différence que je ferais entre l’esthétique relationnelle et la communication dans sa dimension evenementielle, c’est que dans l’esthétique relationnelle, c’est quelque chose de gratuit, par exemple la mise en place de la cantine de Rirkrit Tiravanija, ce n’est pas pour vendre, c’est le principe même de l’oeuvre, c’est de rassembler, et d’intéragir avec le public, si personne n’y va l’oeuvre n’existe pas. En evenementiel, oui cela interpel aussi les gens mais le but final est de vendre ou de faire passer une idée pour une marque ou un produit. L’intéret est de proposer une experience pour laquelle ils n’auraient pas forcément fait la démarche, du coup ils sont libre soit de le faire soit de ne pas le faire. Il y a la création d’un lien différent de l’affiche, par le contact, l’intéraction car il y a du répondant, en l’invitant à partager une experience. De cette experience naîtra un souvenir agréable ou non mais par la relation, l’empreinte dans la mémoire du spectateur est plus forte. L’experience est participative, plus forte qu’un simple visuel, de plus si le spectateur n’a aucune référence, il peut tout de même se prétter au jeu et il y engage tout son corps. Pour vous, qu’ont pu apporter les situationnistes à la communication ? Les situationnistes ont apporté des techniques à la communication sous la forme des propagandes qui peuvent s’apparenter à la communication mais aussi en détournant des BD, des films, des affiches, inconsciemment, la communication a puisé dans ces techniques. Considérez vous qu’il y a t’il de l’art dans la publicité ?

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ENQUÊTE TERRAIN

INTERVIEW DE YANNICK MINVIELLE

Des corps artistiques travaillent dans le domaine de la publicité, comme les photographes, les realisateurs etc, mais la publicité n’est en aucun cas de l’art. Un mot rapide pour déterminer la différence entre l’art et la publicité ? La différence avec l’art c’est qu’en publicité il n’y a pas de droit d’auteur, une fois vendu, l’idée appartient au client. Donc si il n’y a pas de droit d’auteur, il n’y a pas d’art. Yannick Minvielle nous parle donc de l’apport qu’a son travail de plasticien dans son activité de publicitaire, cette «veille perpetuelle» nous laisse comprendre un peu plus l’importance du recul artistique, de la connaissance des mouvements et des techniques dans les domaines de la communication. Pour lui, la publicité n’est évidemment pas de l’art mais elle s’en inspire. Il nous apprend que des mouvements tel que le dadaisme ont apporter de nouvelles techniques à la publicité d’aujourd’hui, et qu’en effet, l’esthétique relationnelle porte des bases communes avec la communication, dans l’evenementiel, le street marketing, ces bases sont le fait de rassembler et d’intéragir avec le public (le principe même de l’oeuvre dans l’esthétique relationnelle). Grâce à ces techniques on crée un lien different qu’avec l’affiche, grâce au contact et la liberté de particper ou de ne pas le faire.Pour Yannick Minvielle, une chose importante naît de ce type de dispositifs, c’est la naissance d’un souvenir, qu’il soit bon ou mauvais c’est ce qui sera retenu par le spectateur. Ce sont encore des précisions apportées aux raisons pour lesquelles ces mouvements sont repris pas la communication, ce qui va nous permettre de confirmer nos hypothèses.

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ENQUÊTE TERRAIN

INTERVIEW DE STEFAN SAGMEISTER

Interview de Stefan Sagmeister : L’interview qui va suivre est celle réalisée avec Stefan Sagmeister qui a eu la gentillesse de prendre quelques minutes pour répondre à mes questions par mail, il m’a aussi aiguiller pour certaines questions où les réponses se trouvaient déjà sur son site internet. Les questions posées sont essentiellement en rapport avec son travail et sortent parfois du cadre du mémoire pour mieux comprendre sa démarche et ses recherches. Stefan Sagmeister est un graphiste mais aussi un artiste, il ne détermine lui même pas tout à fait la limite entre ces deux mondes. Comment décrieriez-vous la différence entre un graphiste / designer et un artiste ? Vous essayez consciemment de dépasser les limites du graphisme, cependant vous paraissez très hésitant quant à prendre le titre d’ “artiste”. Pourquoi ? Et bien j’ai évolué comme designer, je me suis entraîné en tant que designer et j’ai toujours voulu être designer. Vienne était une ville intéressante pour devenir designer parce qu’il n’y avait pas de hiérarchie entre exercer l’art et faire de l’art. C’est probablement un des vestiges du siècle dernier, quand l’art décoratif était important et que les plus grands faisaient consciemment les deux. Kokoschka a fait des posters, Klimt a fait des fresques murales pour la publicité, Hoffman c’est impliqué autant pour le design que pour l’art et ils étaient tous logés à la même enseigne. Il y a une magnifique citation de Donald Judd qui dit « Le design doit travailler. L’art n’a pas a travaillé. » L’art peut simplement être –Il n’a pas à faire quoi que ce soit- en revanche le design doit avoir une fonction. Ce verre par exemple, peut être très difficile à utiliser et il peut être très difficile de boire dedans et il peut avoir d’autres fonctions qu’un simple verre d’eau, il peut avoir des fonctions de représentations ou il peut me donner des informations sur notre temps, mais quoiqu’il arrive pour l’appeler un verre il doit pouvoir contenir un liquide. Et si je le design sauvagement à tel point qu’il ne pourra plus contenir de liquide et bien il devient une sculpture et nous n’aurons plus à nous demander si c’est une sculpture fonctionnel ou non. Et pourtant je pense que la part fonctionnel est centrale, et tout notre travail a une fonction même si parfois cette part-là est quelques peut évincée, elle est présente.

Enq. 59


ENQUÊTE TERRAIN

INTERVIEW DE STEFAN SAGMEISTER

Considérez-vous les designers comme des artistes ? Stefan: Personnellement, je ne m’en soucie pas. Ma définition préférer de l’art est celle de Brian Eno, qui dit qu’il ne faut pas penser aux œuvres d’art comme des objets mas comme « des gachettes pour l’experience ». Cependant vous pouvez avoir une expérience artistique devant un Rembrandt ou non, devant un Andres Serrano ou devant une pièce de design graphique. Cela dépend du regardant. Qu’est-ce que l’art a à voir avec le design ? En dépit de toutes les discussions sur la limite s’effaçant de ces deux terrains, ils restent complètement séparé. Il y a différents médias qui vérifient ce travail (Les magazines d’art ne parlent que rarement des designers et les magazines de design ne survole que brièvement l’art). La citation la plus élégante a ce sujet est une fos de plus celle de Donald Judd. Le design peut paraître très impersonnel et j’ai lu que vous vouliez avoir la possibilité de toucher les gens. Pensez-vous que ceci est possible et il y a t-il déjà des gens qui vous ont dit que votre travail les touchaient ? Oui, je pense que c’est possible, et je pense que c’est très difficile. La seule fois où j’ai su que j’avais ému quelqu’un fu quand mon ami Reini soit venu me voir a New-York, il avait peur qu’aucune des femmes sophistiquées de New-york ne lui adresse la parole et qu’il finirait seul. Nous avons placardé des affiches dans tout Lower Easr side avec sa photo disant « Chères femmes, s’il vous plait soyez gentilles avec Reini ». Il a été touché et a trouvé une copine. Je m’interrogeais sur «The naked photo», beaucoup soutiendraient qu’apparaître nu de façon symbolique est une production artistique – où se dessine la limite entre concept artistique et design commercial ? Il y a-t-il un juste milieu ? Je ne peux que reciter Donald Judd : Le design doit travailler, l’art n’a pas a travaillé. Cette carte est une production de design puisque j’ai travaillé très dur.

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Est-il possible d’avoir les deux, un bon travail et bien gagné sa vie ? Je me souviens d’une phrase d’un livre de Minale Tattersfield qui disait : « D’après mon expérience, tous les designers dont le but premier est de rentrer dans le monde du travail en gagnant bien sa vie et en faisant du bon travail, échoue dans les deux. Je pense que pour être designer, il faut d’abord le faire par passion. Si vous voulez envers et contre tout produire un bon design vous finirez par bien gagner votre vie puisque les gens sont prêts à payer pour cela. Mais cette récompense financière sera du bonus, un cadeau. » Je suis d’accord. Quelques questions au sujet de la typographie, qui est un des domaines les plus remarquables chez Sagmeister. La série «Things I have learned in my life so far» est une experience typographique ? Comment la typographie influence t’elle la transmission d’un message ? Le message est toujours très clair et simple, la typographie est plus ambigüe et ouverte à l’interprétation. J’ai découvert cela en utilisant une approche plus ouverte de la typographie, en l’associant à un message clair, beaucoup de regardants trouvent cela plus facile de s’y identifier. Nous utilisons une typographie différente d’un projet à l’autre. Certains projets sont influencés par l’environnement dans lequel ils s’inscrivent, d’autres par une personne extérieur, d’autres par des expériences personnelles. Pourquoi utilisez vous si souvent votre écriture personnelle au crayon dans votre travail, votre façon d’écrire se distingue, la considerer vous comme une typographie ? Je ne suis pas obsédé par les polices et je trouve cela très ennuyeux de devoir trouver la bonne. Utiliser mon écriture est une façon d’éviter cet exercice, de personnaliser mon travail et peut être considérer comme une déclaration anti-ordinateur, tout cela en un coup de crayon.

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Comment l’art contemporain influence t’il votre travail ? L’art contemporain a eu une influence considérable sur notre travail. Plus précisément, Jenny Holzer, dont j’aime le travail depuis longtemps et avec qui j’ai eu le plaisir de collaborer il y a 20 ans, quand elle a réalisé un projet pour the Sueddeutsche Zeitung. Je vais voir beaucoup d’exposition, c’est une des raisons pour laquelle j’aime autant vivre à New York. Stefan Sagmeister nous en apprend plus par cette interview, son travail correspond pleinement à notre étude et nous en sommes d’autant plus sure en comprenant le but de ses recherches et la finalité de ses travaux. Il cherche à toucher les gens par son travail. A l’époque où il vivait à Vienne dans l’optique de devenir designer, il nous explique que la bas on ne faisait pas la différence entre le design et l’art, il n’y avait pas de hiérarchie entre les métiers de la création, les publicitaires, les artistes, les graphistes étaient placés à la même enseigne. Le travail d’un artiste plasticien pouvait donc influer dans tous ces domaines, et les démarches artistiques dans la publicité par exemple, pouvait être considérées comme de l’art. Pour lui il y a tout de même des différences, le design a d’abord un but fonctionnel pour un objet par exemple, et il cite «le design doit travailler, l’art n’a pas a travailler» (Donald Judd). Stefan Sagmeister est un artiste mais ne s’en donne pas l’appellation, il ne se soucie pas de la différence entre artiste et designer même si il franchie toujours un peu plus les limites qui les sépare, mais il considère que l’art ou que l’activité artistique est un tremplin, une «gachette pour l’experience» (Brian Eno) dans son travail et dans celui des autres. Il considère donc en effet que la disparition des limites entre l’art et la publicité, le design, le graphisme est bien réelle, il créé d’ailleurs autour de cette idée, mais il précise que leurs rôles tout à fait différents, en font deux domaines différents. Les queqlues questions plus précises en rapport avec son travail, nous permettent de voir qu’il travail souvent à la limite entre l’art et le graphisme mais il se justifie toujours pour dire que ses productions sont le fruit d’un travail dans un but serviciel, pour un client ou pour son studio et qu’à partir de ça en citant de nombreuses fois Donald Dun il confirme que son travail est avant tout du design et qu’il travail. Sagmeister non confirme aussi ici sa démarche anti-ordinateur et son

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veux de travailler dans un processus manuel et plus artistique où les outils d’aujourd’hui ne transgressent pas le sens premier du concept, car il faut rappeller qu’il mise avant tout sur un concept fort, et que ces d’ailleurs ce qui l’interesse le plus dans sa démarche créative. Plus haut Yannick Minvielle nous expliquait lui aussi l’importance du travail artistque dans sa vie pour contrebalancer les outils numériques et privilégier le travail manuel et concrêt. On perçoit donc l’importance d’un recul et d’une influence artistique dans le travail de création des publicitaires interrogés ici. Nous avons conclu notre interview avec Stefan Sagmeister en lui demandant ce que lui apportait l’art contemporain et en quoi l’influencait-il. Stefan Sagmeister est passionné d’art contemporain et va très souvent au musée, il s’influence continuellement de l’art et nous précise qu’une artiste de ce siècle l’a énormément influencé pour son travail, c’est Jenny Holzer, ce qui n’est pas étonnant lorsque l’on étudie son travail, ses oeuvres sont principalement des oeuvres typographiques basées sur un système de projection dans la ville, elle projete via un videoprojecteur des texte de protestation, de révolte et de violence, pour faire passer son message. Sagmeister est comme on l’a vu plus haut, passionné par la typographie, et il nous explique en quoi l’oeuvre typographique à la vocation de faire passer un message simple efficacement, il nous raconte aussi avoir collaboré avec Jenny Holzer pour un projet. Grâçe à ces deux interviews et au rapide sondage réalisé, nous pouvons comprendre désormais l’intéret de l’utilisation des techniques artistique et d’avant garde (telles que celles provenants de l’internationale situationniste comme le détournement) Les publicitaires d’aujourd’hui, en tout cas pour certains, ont un recul artistique et des références en termes d’histoire de l’art leur permettant de lier connaissances et influences dans leur travail. Ceci peut aller de simples influences, à la veille jusqu’au travail artistique dans la publicité et plus largement dans la communication (evenementiel, street marketing, guerrilla ou happening). Des graphistes tels que Stefan Sagmeister emploient continuellement des procédés artistiques dans leur travail tel que la performance, l’esthétique relationnelle, l’oeuvre qui se fait etc, ce qui laisse apparaître une veritable convergence entre l’art contemporain, la communication, la publicité et le design. Les hypothèses que nous avons proposées plus tôt pour répondre à la problématique de ce mémoire se retrouvent alors confirmées, l’esthétique

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CONCLUSION

relationnelle, mouvement de l’art contemporain converge avec les techniques de certains acteurs de la communication, nous avons pu au long de cette analyse comparer le travail de Stefan Sagmeister dans sa dimension relationnelle et intéractive (les happennings par exemple) au travail d’artistes tels que Felix Gonzalez Torres ou encore Jens Hanning, qui dans une démarche purement artistique laissent apparaître des constats sur les réactions du public dans leurs différentes oeuvres. Ces constats mettent en avant des dispositions propres à notre société qui font appel à la sensibilité, l’intéret, la curiosité, la recherche d’experience en vue d’un souvenir ou encore l’imaginaire social du public en fonction des situations. Ce qui permet de comprendre pourquoi les communicants réutilisent ces démarches, il se peut que cela soit inconscient mais ce qui est sûre, c’est que l’art apporte toujours un peu plus à la communication car il a le pouvoir de toucher, de rassembler, d’interroger, et de créer un souvenir ce qui est propre au but de la communication en général et plus particulièrement à la publicité dans tous ses supports. Il y a donc un intérêt particulier à reprendre ces techniques artistiques. Autant que nous avons pu percevoir quelles techniques nous provennaient des avant-gardes et principalement de l’Internationale Situationniste. La communication a su se réaproprier différentes méthodes de diffusion d’idées qui à la base servaient de critique contre ce qu’appellait Guy Debord «la société du spectacle». Aujourd’hui ces techniques la vendent et la glorifient par la publicité. Si cette recherche nous a permis de répondre à notre problématique et de confirmer nos hypothèses, et que ces mouvements ont pu influencer autant l’industrie, la mannière de vendre et de communiquer, on peut se demander alors comment la société de consommation et la communication evolueront aux côtés des mouvement artistiques des prochaines décénies.

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ANNEXES

Bibliographie : Livres : Esthétique Relationnelle - Nicolas Bourriaud ed. Les Presses du Réel Mutation des activités artistiques et intellectuelles - Pascal Nicolas-Le Strat ed. L’Harmattan Une sociologie du travail artistique - Pascal Nicolas-Le Strat ed.L’Harmattan L’esthétique, le politique, de COBRA à l’Internationale Situationniste Mirella Bandini ed. Sulliver Made you look - Stefan Sagmeister ed. Abrams La société du spectacle - Guy Debord ed. Buchet/Chastel Recherches rapides : Le bassin de travail immatériel (BTI) dans la métropole parisienne Ouvrage collectif, A. Corsani, M. Lazzarato, A. Negri, avec la collaboration de Y. Moulier-Boutang La Sociologie de l’art - Nathalie Heinich ed. La Découverte Revues et articles : Internationale Situationniste - Revue de Guy Debord Documents sur l’art - Revue de Nicolas Bourriaud Underground, Uppergroud et Middle-ground : les collectifs créatifs et la capacité créative de la ville - Article de Laurent Simon dans les érudits

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LES GRANDS NOMS DE L’INTERNATIONALE SITUATIONNISTE

Guy Debord (1931-1994) : écrivain, essayiste, cinéaste français et révolutionnaire français il est un des principale fondateur de l’internationale lettrisme puis de l’internationale situationniste. Asger Jorn (1914-1973) : peintre et essayiste danois il est un des principale fondateur de CoBrA et de l’internationale situationniste. Christian Dotremont (1922-1979) : peintre et poète belge, il est un des grands membre du mouvement CoBrA. Constant Nieuwenhuys (1920-2005) : peintre néerlandais, il est un des fondateurs du mouvement CoBrA, il fera parti du mouvement situationniste de 1958 à 1960. Henri Lefebvre (1901-1991) : sociologue, géographe et philosophe français il critiquera la vie quotidienne et théorisera en partie l’urbanisme unitaire. Isidore Isou (1925-2007) : poète, cinéaste, économiste et peintre français il est le fondateur du lettrisme. Gil Joseph Wolman (1929-1995) : cinéaste, poète, plasticien, écrivain français, il est un des fondateur de l’internationale lettrisme. Max Bill (1908-1994) : architecte, peintre, sculpteur, éditeur, théoricien de l’art et homme politique suisse, il est le fondateur de l’ULM et il théorise la “mathématisation de l’art” à travers un nouveau Bauhaus qu’il met en pratique dans son université l’ULM. Enrico Baj (1924-2003) : Fondateur du mouvement pictural nucléaire, il adhérera au MIBI après une longue correspondance avec Asger Jorn. Giusseppe Pinot-Gallizio (1902-1964) : Fondateur du laboratoire d’Alba et un des membres fondateurs de l’internationale situationniste. Piero Simondo (1928 - /) : Fondateur du Laboratoire d’Alba, membre du MIBI et de l’internationale situationniste.

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Bauhaus : Institut des arts et métiers (1919 en Allemagne) qui désigne un courant artistique de l’architecture, du design, mais aussi la photographie, le costume et la danse. Elle a exercé une forte influence sur les arts-plastique et est le précurseur du design contemporain. « Le but de toute activité plastique est la construction ! Architectes, sculpteurs, peintres : nous devons tous revenir au travail artisanal, parce qu’il n’y a pas d’art professionnel. » Manifeste du Bauhaus Ils s’adaptent à une industrie axée sur la production de masse, la pensée Bauhaus se développera en direction de la vie moderne et des conditions sociales, créer un style qui convient aux masses (meubles et construction de maison). Surréalisme : « automatisme psychique pur, par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale [...]. Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d’associations négligées jusqu’à lui, à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée. Il tend à ruiner définitivement tous les autres mécanismes psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des principaux problèmes de la vie1. » André Breton La société du spectacle : C’est la société de produit, l’aliénation des peuples, c’est une idéologie économique

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La communication est l’action de communiquer, d’établir une relation avec autrui, de transmettre quelque chose à quelqu’un. Elle peut aussi désigner l’ensemble des moyens et techniques permettant la diffusion d’un message auprès d’une audience plus ou moins vaste et hétérogène ou l’action pour quelqu’un ou une organisation d’informer et de promouvoir son activité auprès d’autrui, d’entretenir son image, par tout procédé médiatique. Entre humains, la pratique de la communication est indissociable de la vie en société. La science de la communication - en tant qu’étude de cette pratique - englobe un champ très vaste que l’on peut diviser en plusieurs niveaux : Communication interpersonnelle : Cette forme de communication n’a été formalisée qu’aux cours des deux derniers siècles. La communication interpersonnelle est fondée sur l’échange de personne à personne, chacune étant à tour de rôle l’émetteur et/ou le récepteur dans une relation de face à face : la rétroaction est censée être facilitée sinon quasi-systématique. Communication de groupe : La communication de groupe part de plus d’un émetteur s’adressant à une catégorie d’individus bien définis, par un message (communication) ciblé sur leur compréhension et leur culture propre. C’est celle qui est apparue avec les formes modernes de culture, souvent axées sur la culture de masse (société de consommation), dont la publicité ciblée est la plus récente et la plus manifeste. Communication de masse : Dans la communication de masse, un émetteur (communication) (ou un ensemble d’émetteurs liés entre eux) s’adresse à un ensemble de récepteur (communication) disponibles plus ou moins bien ciblés. Là, la compréhension est considérée comme la moins bonne, car le bruit est fort, mais les récepteurs bien plus nombreux. Elle dispose rarement d’une rétroaction, ou alors très lente (on a vu des campagnes jugées agaçantes par des consommateurs, couches pour bébé par exemple, conduire à des baisses de ventes du produit vanté). Les contextes de communications : Une communication est gravée

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dans un contexte. Elle peut avoir lieu à un instant donné, dans un lieu donné, et vis-à-vis d’une situation, d’un évènement donné. Tout cet environnement, qui ne fait pas partie de la communication à proprement parler, mais qui accompagne cette communication, est appelé contexte. L’environnement peut générer du bruit, ou être source d’interférences. Le contexte intervient dans les enjeux tels que la culture, changement de médias, langue, souveraineté, identité, dynamisme des territoires, mise en réseau. La Transmission : La communication consiste à transmettre un message afin d’établir un contact. ce contact peut être comparé aux interactions créées par l’art relationnel au sein du public et des artistes. L’établissement du contact comporte certains risques, notamment lors de «l’ouverture» et «fermeture» de la communication. Les risques d’intrusion, de non réponse, de blocage et d’abandon existent réellement. Ce point fait l’objet de la confidentialité en sécurité de l’information, on l’appelle le message. Communication non verbale : Est dite « non verbale » une communication basée sur la compréhension implicite de signes non exprimés par un langage : l’art, la musique, la kinesthésie, les couleurs, voire les vêtements ou les odeurs. Ces signes, leur assemblage et leur compréhension ou leur interprétation sont dans leur grande majorité dépendants de la culture. L’art en réseau regroupe des pratiques artistiques basées sur l’échange, la mise en relation. L’art en réseau utilise les moyens de communication comme processus de création. Les formes qui circulent sur le réseau interrogent les moyens (outils, infrastructure, dispositif...) qui les font exister et les rendent perceptibles ou non. Le réseau internet (Art en ligne) peut être un de ces moyens mais d’autres types de réseaux peuvent être utilisés comme le courrier postal (Mail art), les ondes radio, les satellites, ou encore des réseaux locaux. Les échanges d’information entre acteurs à travers ces réseaux peuvent provoquer l’essor de nouvelles réflexions, l’émergence de dispositifs de collaborations et de coopérations. L’art en réseau peut alors être rapprnoché de l’Esthetique relationnelle.

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Réseau : On nomme réseau un ensemble d’acteurs, d’agents économiques, de nœuds, ou lieux de communication grâce auxquels les messages circulent. L’information se concentre et se redistribue ainsi. Le devenir réseau : activité artistique mixées avec d’autres univers économiques L‘esthétique relationnelle ou art relationnel est un mouvement ou une théorie de l’art contemporain, originellement défini par le critique français Nicolas Bourriaud en 1995. Ce dernier a défini cette approche comme « théorie esthétique consistant à juger les œuvres d’art en fonction des relations interhumaines qu’elles figurent, produisent ou suscitent. Art relationnel : Ensemble de pratiques artistiques qui prennent comme point de départ théorique et pratique l’ensemble des relations humaines et leur contexte social, plutôt qu’un espace autonome et privatif. Esthétique relationnelle : Théorie esthétique consistant à juger les oeuvres d’art en fonction des relations inter-humaines qu’elles figurent, produisent, ou suscitent. Critère de coexistence : d’après Nicolas Bourriaud, toute oeuvre d’art produit un modèle de socialité qui transpose le réel ou pourrait se traduire en lui. Il existe donc une question qu’on est en droit de se poser devant toute production esthétique : “cette oeuvre m’autorise-t-elle au dialogue ? pourrais - je exister et comment dans l’espace qu’elle définit ?” Esthétique : Une notion qui distingue l’humanité des autres espèces animales. Enterrer ses morts, rire, se suicider, ne sont finalement que les corollaires d’une intuition fondamentale, celle de la vie comme forme esthétique, ritualisée, mise en forme. Art contemporain : L’expression « art contemporain » désigne de façon générale et globale l’ensemble des œuvres produites depuis 1945 à nos jours, et ce quelle qu’en soit le style et la pratique esthétique. Dans cette classification périodique, l’art contemporain succède à

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l’art moderne (1850-1945). Cette désignation s’applique également aux musées, institutions, galeries, foires, salons, biennales, ... montrant les œuvres de cette période. L’expression « art contemporain » est aussi utilisée en France, avec un sens plus restreint, pour désigner les pratiques esthétiques et réalisations d’artistes revendiquant « une avancée dans la progression des avantgardes1 ». On parle aussi d’art contemporain pour désigner, par convention, l’art des années 1960 et d’après. Le Pop Art marquerait, de ce fait, une rupture par rapport à l’art moderne l’art contemporain est l’expression des artistes de notre époque. Que se soit sous forme de dessin, de peinture, de sculpture, de photographie, de vidéo, d’installation, de performance, (la liste est longue!), les artistes puisent dans le contexte historique, politique, économique et social des thèmes de travail; Mais l’art n’est pas réductible à un thème! Si l’art dépend de son époque, sa qualité première est de la transcender, d’aller au delà. La forme : la forme de l’oeuvre contemporaine est au delà de sa forme matérielle. principe d’agglutination dynamique. Travail Immatériel : On peut définir le travail immatériel comme l’activité produisant le contenu culturel et informatif de la marchandise et de son cycle de production [...]. La qualification du producteur de travail immatériel résulte d’une synthèse de différents types de savoir-faire: celui des professions libérales pour ce qui concerne le contenu «culturoinformatif» de leur travail, celui du travail artisanal pour la capacité d’allier créativité, imagination et travail manuel et technique, celui du précaire qui sait recourir intelligemment à la fois au travail officiellement rémunéré, au travail au noir et aux allocations de chômage. Par ailleurs au sein de cette activité, il est de plus en plus difficile de distinguer le temps libre du temps de travail. On se trouve ainsi face à un temps de la vie, global, qui en un certain sens coïncide avec la vie. [...] La qualité de ce type de force de travail ne réside donc pas seulement dans ses capacités professionnelles (permettant de constituer le contenu culturo-informatif de la marchandise), mais aussi dans ses compétences de «gestionnaire» de sa propre activité et de coordinateur d’un travail immatériel diffèrent (production et gestión du cycle).

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Définition tirée de l’ouvrage : Le bassin de travail immatériel (BTI) dans la métropole parisienne Marchandise immatérielle : le contenu informationnel ou communicationnel de la marchandise post fordiste Le travail créatif intellectuel : se confronte à notre vie commune, mais nullement pour la transgresser, la détourner ou la subvertir. Cette conception a produit les provocations avant-gardistes qui sont aujourd’hui reproduits sous la forme de clin d’œil sociétaux, parfaitement absorbés et valorisés par le marché de l’art ou l’industrie culturelle. Il n’est plus juste une dimension esthétique mais est voué à un but social, à un engagement. Par exemple, dans la communication les travailleurs créatifs intellectuels engagent cet art pour communiquer, défendre, vendre etc. Artistes et créativité diffuse : Le travail artistique se développe aujourd’hui à une échelle de masse. Il intègre une multiplicité d’activités, parfois très éloignées des mondes historiques de l’art, mais toujours très intégrées à l’économie de l’immatérialité qui caractérise le capitalisme contemporain. C’est ce processus de diffusion et de massification qui fait l’objet de ce livre. Comment se définit la qualité d’artiste à une époque de créativité diffuse ? En quels termes juger de l’art lorsque les pratiques sont devenues si multiples et les créateurs si nombreux que les modes classiques d’appréciation et d’évaluation ne fonctionnent plus ? De quelle façon une activité aussi diffuse trouve-t-elle sa place dans les espaces urbains ? Ce livre s’appuie sur une enquête auprès de ces artistes d’un nouveau genre que sont les nouveaux travailleurs «créatifs-intellectuels», et découvre dans les initiatives coopératives des artistes-RMIstes et dans celles des Friches, une alternative tant à la structuration classique des mondes de l’art, qu’à l’emprise capitaliste sur les activités immatérielles. L’entrée de l’art dans une dimension de masse pose de nouveaux enjeux démocratiques. L’idée de démocratisation culturelle convenait tant que l’art relevait encore d’une culture savante qu’il s’agissait de diffuser dans le peuple. A l’encontre de cette vision empreinte d’élitisme, le livre avance l’idée d’une démocratie culturelle.

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Multiplicité : Toni Negri, Maurizio Lazzarato : l’activité artistique fonctionne comme multiplicité “L’auteur est toujours plusieurs” et l’oeuvre porte l’emprunte de la coopération.

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