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Septembre-Octobre 2016 #29

Pascal Légitimus / Amelle Chahbi / An Pierlé

DENIS LAVANT Honne / Jean-Baptiste Shelmerdine / Les Demi_Frères / Les Divalala / Thibault de Montalembert / Tor Miller


CONTRIBUTEURS

FONDATEUR, DIRECTEUR DE LA REDACTION, REDACTEUR EN CHEF CINEMA & DIRECTEUR DE LA CREATION FR A NCOIS BERTHIER REDACTEUR EN CHEF, REDACTEUR EN CHEF MUSIQUE DINE DELCROIX RÉDACTRICE EN CHEF BEAUTE AUR IA NE BESSON JOURNALISTES Auriane Besson, Dine Delcroi x, François Berthier. PHOTOGRAPHES François Berthier, Florian Fromentin, Martin Lagardère Nicolas Larrière, Florie Berger PRODUCTION PHOTO Dine Delcroix + François Berthier PHOTO DE COU V’ François Berthier CONTACT R EDACTION/PUB theblindmagazine@gmail.com

The BlindMagazine est édité par la société Ten Feet Under / Tous les textes et photos sont soumis par leurs auteurs qui acceptent leur publication et n’engagent que leur responsabilité.



EDITO #29 Par Dine Delcroix Chers lecteurs, chères lectrices, Nous espérons que vous avez passé des vacances reposantes et que avez bronzé avec élégance (qu’importe la position, du moment qu’on ne voit aucune trace). Après le beau temps, vient la rentrée. Cette année, nous vous épargnerons un message compatissant à l’égard des courses scolaires et autres éventuelles crises de nerfs saisonnières. Par ce nouveau numéro, nous souhaitons vous faire aimer cette période mouvementée de l’année avec, comme toujours, une volonté modeste, celle de partager avec vous l’actualité culturelle qui nous tient à cœur. Et comme nous vibrons toujours au rythme de la culture, nous avons le plaisir de vous annoncer notre partenariat avec un certain de nombre de spectacles que nous vous présenterons tout au long de la saison et auxquels nous tâcherons de vous inviter si vous êtes sages... En attendant, nous vous souhaitons une bonne lecture et de jolies découvertes. L’équipe TheBlindMagazine



SEPTEMBRE OCTOBRE 2016

14

40

10 Blind Beauty 12 L’instant Live 14 Honne 22 Tor Miller

6

30 Live Report Rock en Seine 2016 40 Amelle Chahbi 48 Jean Baptiste Shelmerdine



SOMMAIRE

86

58 Blind Truth An Pierlé 66 Thibault de Montalembert 74 En couverture Denis Lavant 86 Pascal Légitimus

8

88

98 Les Divalala 108 Les Demi Frères 116 Mode 134 Blind City Paris 116 La fille qui rend Blind Anne Serra


C’EST POUR DE RIRE présente

TRIOM

PHE !

400 00

0

SPECT ATEUR S

LA COMÉDIE MUSICALE DE GUY GRIMBERG

TF1 “TOURBILLONNANT DE MAGIE, DE FÉERIE !” FRANCE 2 “UNE TRÈS BELLE VERSION DE PETER PAN !” LIBÉRATION “POUR LES ADULTES, UN BAIN DE JOUVENCE !” FRANCE 3 “CE SPECTACLE EST DÉJÀ UN GRAND CLASSIQUE !” TÉLÉRAMA “ILLUSION PARFAITE DU VOL !” LE PARISIEN “UNE TROUPE ÉPOUSTOUFLANTE !”

30 EXCEPTIONNELLES À PARTIR DU 1er OCTOBRE 2016

Licence N° 2-1051127

Adaptation MARTINE NOUVEL d’après SIR JAMES M. BARRIE Musique SERGE LEONARDI et MARTIN B. JANSSEN - Chorégraphie JOHAN NUS Avec THIBAUT BOIDIN, DELPHINE LE MOINE, MATTHIEU BRUGOT, EMILIE VIDAL, MARIE DE OLIVEIRA, SARAH FILC, CAMILLE MARTINEZ, AUDREY FAYOLLE, MARIANNE MILLET, REGIS CHAUSSARD, CHRISTOPHE TOURAUD, DEEN ABBOUD, PHILIPPE FERREIRA, SYLVAIN CARUSO, GAELLE PAULY, MARLÈNE CONNAN

20 rue de la Gaîté - 75014 Paris - www.bobino.fr ou 01 43 27 24 24 - 08 92 68 36 22 (0.40

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L’INSTANT Live L’instant LIVE

Local Natives @La Boule Noire, Paris 24 Aout 2016



DECOUVERTE MUSIQUE

E N N O H


Après avoir présenté leur son electro-soul avec différents EPs, les anglais de HONNE ont publié le 22 Juillet 2016 un premier album intitulé Warm On a Cold Night qui renferme deux années de créativité nocturne. Le duo composé d’Andy Clutterbuck et de James Hatcher sera en concert parisien le 5 Novembre 2016 au Badaboum. Interview : Dine Delcroix / Photos : Claire Rothstein


Votre premier album est enfin disponible.

est aussi la première chanson que nous

Avez-vous le sentiment d’avoir concrétisé

avons sortie il y a 2 ans et c’est pour cette

quelque chose avec ce disque ?

raison qu’elle ouvre l’album.

Pour nous, c’est énorme parce qu’on a passé les deux dernières années à travailler sur ce disque. Malgré la sortie de quelques EPs, cet album est globalement constitué de matière neuve avec,

Comment est née la pochette de l’album ?

tout de même, quelques morceaux que

Quand notre EP Gone Are The Days est

les gens ont pu déjà entendre. C’est un

sorti au Japon, on a aimé le rendu de

grand moment pour un artiste qui n’a ja-

la pochette avec ce bandeau sur le côté

mais sorti d’album auparavant.

du boitier qu’on appelle OBI Strip et qui contient des détails écrits que seuls les japonais comprennent. Il faut savoir aussi que notre nom, HONNE, est un mot japonais qui signifie « vrais sentiments ».

Pourquoi avez-vous choisi de baptiser ce

On aime le Japon et l’esthétique des ca-

premier album Warm In a Cold Night ?

ractères japonais. On voit d’ailleurs la ville

Nous avons d’abord trouvé ce titre parfaitement adapté à notre musique qui destinée à être écoutée la nuit en espérant garder l’auditeur bien au chaud avec un

de Tokyo dans notre clip Someone That Loves You. Le fait qu’on nous propose de faire une vidéo en rapport avec le Japon était bien tombé. On va justement jouer au Japon en novembre pour la première

sentiment agréable. Warm In a Cold Night fois et on a hâte. Pour le reste de la po-




chette de l’album, il y a toujours eu chez

l’écoute globale du disque. L’idée, c’est

nous un intérêt pour l’esthétique de la

que l’album nous emmène en voyage

nuit et on le voit notamment sur les po-

avec une certaine variété.

chettes de nos EPs. Là, l’image est issue d’un concert londonien qu’on a fait à Oval Space. Le photographe a pris la photo d’un reflet dans l’eau. Le résultat n’est pas évident à identifier. Certains y voit de

Avez-vous sollicité vos proches pour vous aider

la lumière, d’autres y voient de l’eau…

dans la sélection des morceaux à garder ? On a écouté nos amis ainsi que les personnes qui travaillent avec nous. C’est intéressant de voir comment les gens ré-

Ce disque est un mélange de soul, d’electro et de hip-hop. Comment décririez-vous votre musique ?

agissent à l’écoute de certains titres. Les amis sont peut-être ce qu’il y a de plus important car ils n’écoutent que ce qu’ils aiment et donnent un avis très direct.

Si on doit brièvement parler d’un genre spécifique parce que quelqu’un nous pose la question, on dira qu’on fait de la soul électronique ou de la soul futuriste. C’est principalement une musique qu’on

Les proches sollicités étaient-ils tous dans l’in-

peut écouter la nuit, une musique très

dustrie musicale ?

romantique. Cela peut aussi s’écouter en ville ou en voiture. C’est une musique liée

Non et c’est mieux qu’ils ne le soient pas.

aux images et aux sensations, en tout cas.

On veut juste savoir s’ils aiment ou non et on ne veut pas de raison. Quand ces gens aiment une chanson, c’est qu’elle est bonne.

Les choix de la tracklist de l’album a-t-il été facile à faire ? Avez-vous travaillé de la même manière Non, c’était probablement la chose le

pour l’album que pour les EPs ?

plus difficile à faire car nous avions une trentaine de chansons au total. Il est

C’était à peu près la même façon de tra-

évident que nous avions des chansons

vailler. Nous avions les mêmes ins-

préférées mais il a fallu faire en sorte que

tallations chez nous. Certaines chan-

les pistes retenues soient assorties lors de

sons ont été travaillées plus longtemps 19


que d’autres. Il y a des chansons pour les-

faire. Parfois, il faut luter pour aller au

quelles nous avons passé plus de temps

bout d’une chanson et ce n’est pas tou-

séparément et il y en a d’autres pour les-

jours évident de surmonter cette lutte.

quelles nous avons passé plus de temps

Voilà pourquoi il est si agréable d’avoir

ensemble. Il y a surtout eu une évolution

une chanson qui émane de toi en deux

dans la manière de produire les sons au

heures de temps.

fil des années. Nous avons beaucoup appris depuis nos premiers EPs. Lorsqu’on écoute nos anciennes maquettes, il nous arrive d’ailleurs d’être surpris (rires). Quelle chanson de l’album avez-vous eu le plus de mal à achever ? Gone Are The Days a pris un certain Comment en êtes-vous arrivés à travailler avec la chanteuse britannique Izzy Bizu sur

temps. C’était une limace (rires). La chanson été facile à faire initialement mais la produc-

votre single Someone That Loves You ?

tion a été lente. On a longtemps cherché un

Elle a parlé de nous durant une interview

du morceau au-delà de la guitare.

moyen de conserver l’aspect électronique

en disant qu’elle écoutait notre musique et qu’elle aimerait écrire quelque chose avec nous. Après avoir écouté ce qu’elle faisait, on a pris contact avec elle via Twitter et on a fait en sorte de travailler

Avec des titres de chansons tels que Warm In

ensemble. C’était très simple ! Elle est

a Cold Night, ’Til The Evening, The Night

venue avec nous en studio et la chanson

et 3 am, on constate que la nuit occupe une

a été écrite en six heures environ, sans

grande place dans votre album. Que repré-

pression et sans intention d’écrire un

sente ce moment à vos yeux ?

genre de chanson en particulier. Pour nous, les meilleures choses se passent la nuit. C’est là qu’on sort, qu’on fréquente des gens… Quand on a commencé à écrire pour ce projet, on écrivait Est-il plus simple d’écrire une chanson lors-

la nuit parce qu’on avait des emplois de

qu’il n’y a pas d’intention particulière ?

jour. C’est sûrement pour cela que notre

Ce sont, normalement, les meilleures

part des bons souvenirs qu’on a ont eu

conditions pour écrire. Tu aimes davan-

lieu la nuit.

tage la chanson si elle est plus facile à 20

musique sonne aussi nocturne. La plu-



DECOUVERTE MUSIQUE


TOR MILLER Par ses performances scéniques d’une rare qualité, Tor Miller a attiré l’attention du label Glassnote Records qui lui a permis de sortir son premier EP, Headlights, en 2015 et de se faire un nom dans la registre indie-pop. American English, son premier album, est disponible depuis le 30 Septembre 2016 et confirme l’accueil mérité que rencontre ce jeune artiste new-yorkais partout sur son passage. PAR Dine Delcroix / Photos : FLORIE BERGER


Qu’y a-t-il de pire dans ce métier ? Honnêtement, il n’y a pas de « pire ». Tout est incroyable et je ne prends rien pour acquis. Il m’arrive d’être fatigué lorsque je voyage beaucoup et que je fais trop de choses en une courte période mais je n’ai jamais ressenti de démotivation. Tout est bon et je n’ai aucun problème à me promouvoir. C’est tout ce que j’ai toujours voulu faire.

Comment en es-tu venu à signer un contrat avec le label Glassnote Records ? Je faisais des petits concerts à travers New York et un peu partout où c’était possible. J’avais déjà un manager et on invitait des gens à tous mes shows, y compris des labels et des éditeurs. Le fondateur de Glassnote Records, Daniel Glass, était venu me voir sur scène. Personne ne m’avait encore rien proposé alors que j’étais à la recherche d’un label pour sortir un vinyle. Daniel Glass a aimé mon live. Il s’est ensuite mis en relation avec mon manager et ils ont fini tous les deux par se mettre d’accord sur un contrat.

Quel est, selon toi, le meilleur comportement à adopter en début de carrière ? Je pense qu’il faut, au début, dire « oui » à tout, être ouvert, être réceptif autant que possible et ne pas être précieux. Je suis un jeune artiste et j’ai besoin de publier autant de choses que possible.

Que penses-tu de la manière dont se développent les jeunes artistes d’aujourd’hui avec plusieurs singles et un EP minimum Comment abordes-tu le métier d’artiste depuis la signature de ton contrat ? C’est devenu plus complet. En signant, j’ai compris que je me lançais dans une carrière et que j’allais être payé pour ma musique. J’ai passé tellement de temps à travailler sur mon projet qu’il m’était agréable d’avoir cette sorte de validation. 24

avant le premier album ? C’est cool mais, pour moi, je pense qu’un album a une grande importance, surtout pour le genre de musique que je fais. L’album est une pièce, un collectif et un séquençage de ce qui compte. J’ai toutefois suivi le mouvement puisque j’ai sorti un EP et plusieurs singles avant l’album mais, pour moi-même, j’aurais aimé sortir un album de 13 chansons en une


VINCENT MACAIGNE



seule fois. Par ailleurs, je suis content que Glassnote Records fabrique des vinyles.

New York qui a un campus donc j’ai eu mes années de fac là-bas aussi.

Ton premier album s’intitule American En-

Ce premier album combine des ballades et

glish. Te sens-tu plutôt américain ou anglais ?

des chansons entraînantes. Comment as-tu

Je ne sais pas. Je me sens un peu sans limites. J’ai notamment de la famille en Suède alors j’ai voyagé dans le monde entier durant toute ma vie. Je regrette d’ailleurs ce qui se passe actuellement au Royaume-Uni avec le Brexit. Je crois que beaucoup de personnes ont voté pour le Brexit sans vraiment connaître le sujet et je pense que les jeunes n’ont tout simplement pas voté du tout. Je pense que nous devrions créer une sorte de communié globale. Le fait de s’isoler et de se rétracter sonne un peu vieux jeu. J’espère que tout ne sera pas aussi mauvais qu’on l’imagine…

Préfères-tu Londres ou New York ? C’est dur à dire car je n’ai pas encore beaucoup de souvenirs à Londres mais il y a des choses que j’adore dans cette ville et qui font que je me vois tout à faire y vivre pendant un certain temps. La ville de New York est spéciale pour moi, tout particulièrement Washington Square Park parce que je suis né à une rue de ce parc alors j’ai beaucoup de souvenirs d’enfance, làbas. De même, j’ai étudié à l’Université de

construit l’équilibre du disque ? J’envisage l’album comme la vie. J’ai toujours eu l’idée qu’il devait avoir ses hauts et ses bas en fonction du flux d’évènements. Je ne voulais pas avoir 10 fois la même chanson. J’ai envie d’emmener l’auditeur dans une gamme d’émotions.

Dans quelle atmosphère écris-tu tes chansons ? C’est toujours différent. J’écris la majorité de mes texte depuis la ferme de mes parents. C’est très aéré et c’est là où se trouve la piano. Quand j’ai commencé à écrire, j’avais juste besoin d’être frappé par quelque chose qui allait m’inspirer mais, en grandissant, j’ai eu besoin d’en faire une sorte de routine et de m’entraîner à écrire des chansons. J’essaye de consacrer quelques heures de la journée à l’écriture de chansons. Evidement, il y a aussi ces moments où tu peux te sentir triste ou frustré et qui te font écrire quelque chose de très cathartique qui te permet de libérer tes émotions.

27


As-tu besoin d’être spécialement triste pour

que j’ai imaginé pour cette chanson.

trouver l’inspiration ? Pas spécialement. J’ai ressenti beaucoup de choses pour les chansons de ce premier album. J’ai été en couple avec quelqu’un que je ne voyais pratiquement jamais, ce qui a causé beaucoup de ressentiment et de frustration. Tu finis forcément par te détourner lorsque tu ressens ce genre de choses pour une personne que tu es censé aimer. C’est très déroutant ! Le fait de passer beaucoup de temps seul peut rendre fou. Plusieurs chansons sont nées de ce sentiment. Quand mon EP « Headlights » est sorti, j’étais justement dans cette situation. J’avais perdu environ 7 kg et je ne dormais pas beaucoup. Les photos de moi de cette époque sont tellement effrayantes !

Dans le premier couplet de ce morceau, tu chantes que Lady Stardust de David Bowie est ta chanson préférée. Est-ce vrai ? Oui. L’album The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars dont elle est extraite a été très formateur pour moi et c’est grâce à lui que j’ai commencé à faire de la musique.

Que fais-tu lorsque tu ne travailles pas ?

Qu’est-ce qui t’a inspiré la chanson Washington Square Park ? J’ai grandi près de ce lieu et j’ai passé tellement de moments dans ce parc qu’il est plus qu’un simple parc pour moi. C’est un peu ma maison. J’ai appris beaucoup de choses sur moi-même là-bas. J’y ai aussi croisé beaucoup de sans abris en me demandant comment ils en sont arrivés là. Cette chanson parle justement du fait de croiser des gens. Tu éprouves des choses pour eux mais ils ne font que passer et tu n’as pas l’occasion de leur dire quoique ce soit avant qu’ils ne partent. Tu es coincé dans ce parc, tu les cherches, tu mets un peu ta vie de côté et tu deviens une de ces âmes perdues que tu vois se promener dans le parc. Voilà ce 28

Je travaille à la ferme de mes parents. Je les aide à arranger des choses donc je suis beaucoup en extérieur. Je lis aussi beaucoup. Quand je suis chez moi, j’essaye également de voir mes amis car je ne les vois pas beaucoup lorsque je suis en déplacement. Après, j’écris. J’ai déjà écrit beaucoup de choses pour le deuxième album...

Tu penses déjà à un deuxième album ? Oui, j’ai pas mal d’idées. Je ne peux pas m’arrêter mais c’est finalement une bonne chose car je serai ainsi prêt pour la suite.



LIVE REPORT

rock en seine 26-27-28 aoรปt 2016


Le

petit reporter en mission ne compte plus les années ni le nombre de fois où il aura arpenté les chemins menant au parc national de St-Cloud et où il aura trainé ses baskets et bottes sur les allées de Rock En Seine. Enfin, si, il compte. Depuis 2003, il n’aura snobé que deux éditions. Que vient donc chercher le petit reporter-festivalier après tout ce temps ? Il court après le temps. justement ?

Par Morgan Le Bervet Photos : François Berthier


Oui, finalement, Rock En Seine, c’est un peu de mélancolie liée à la fin de l’été, à la rentrée. A la nostalgie aussi : n’est-ce pas le lieu idéal pour croiser son passé ? Les amis de tout temps à qui on donne rendez-vous ici tous les ans, les ex, les groupes de son adolescence, le kebab de minuit.... Mais au fil des années, c’est encore et toujours trois jours de divertissement total que l’on vient tous chercher. Rock En Seine s’est transformé en festival familial assumé, grand public, où l’expérience est totale. On est là pour s’amuser avant tout et quelque part, la musique est prétexte à la communion. Même si elle reste la principale attraction. Cette année, l’affiche s’avérait moins excitante que d’habitude. Et la programmation très éclectique. Trop ? Peu importe, le mélange des genres permet de varier les plaisirs et de choisir «son» Rock En Seine. Forcément, Foals ou Last Shadow Puppets en têtes d’affiches peuvent étonner et la présence pour la troisième fois de Massive Attack ressemble plus à de la résignation qu’à un choix artistique ambitieux ! Côté nouveauté, une scène «dancing» bienvenue qui accueille cours de danse, DJ set et autres délires dont on reparlera. Et l’arrivée du «Cashless» qui annonce l’abandon de cette chose étrange que l’on nommait «argent liquide» au 20eme siècle. A part auprès de quelques râleurs mal organisés, le système de paiement par bracelet électronique fonctionnait parfaitement et faisait gagner du temps à tous les stands. Et poussait à la consommation : payer virtuellement ne donne pas la même impression que de voir concrètement glisser son billet de vingt euros dans la main d’un barman ! Enfin, on retrouve toujours autant de choses à faire entre deux concerts : stand karaoké sponsorisé (gros succès), expositions, bronzette sur transat géant, conférences, boutiques vinyles, bibliothèque. Impossible de s’ennuyer. Surtout quand il se passe toujours quelque chose sur les cinq scènes du site. Résumé de ces trois jours.

VENDREDI. Plutôt que commencer «en douceur» comme disent certains, allons directement nous prendre une mandale en guise d’apéritif musical, histoire de se noyer dans le grand bain rock&roll : nous nous rendons sur la scène Pression Live voir, entendre et surtout subir Slaves. Ce duo anglais projette une telle puissance sur scène que l’on sent l’axe de la Terre se décaler légèrement à leur passage. Le batteur / chanteur se rapproche de la bête et je n’aimerais pas être ses fûts, ni son micro, ni son pote d’ailleurs. Mais surtout ces gars à la gouaille prononcée tricotent de bons riffs et composent d’excellents morceaux sur lesquels on peut brailler des refrains simples comme des slogans. On ira se reposer dans l’herbe au son du Brian Jonestown Massacre, enfin apaisé après toutes ces années de chaos. Sympa, Anton Newcombe joue même des tubes (Nevertheless...). La chaleur devient supportable, le soleil se retire derrière les arbres du domaine, beau moment. On passe voir les copines de Retard au Dancing mais le dancefloor est encore un peu 32



timide en ce premier jour. On tente Clutch : du gros heavy à barbe sévèrement bien poilu. Mais ayant fait le tour des guitares, on se colle à la foule en attendant Birdy Nam Nam. L’ex-quatuor aux doigts d’argent (maintenant en trio donc) accentue la pente à 5% pour chauffer les chevilles et les hanches avant d’entamer une remontée spectaculaire vers des sommets electro-rap, touchant et samplant tous les styles musicaux. Impossible de résister à une telle invitation tribale, l’hystérie nous guette et je me surprends à sauter partout. Enfin, on prend machinalement la route de la Grande Scène pour la grande messe pop orchestrée par le nonchalant Miles Kane et le survolté Alex Turner (Arctic Monkeys). Bon. Le répertoire des Last Shadow Puppets est parfaitement exécuté, Alex fait le show, c’est beau et tout le monde ne peut qu’aimer. Reprise de Dutronc et Bowie pour l’occasion. Voilà, bonne nuit. SAMEDI. C’est le grand jour de canicule. Le petit reporter se résout, la mort dans l’âme, et par instinct de survie, à enfiler une tenue appropriée à cette chaleur : short et débardeur. Je ne serai pas le seul bien sûr : toutes les filles sont en mini-shorts en jeans, tous les garçons sont torses nus et en tong. Les malaises vont rythmer la journée des unités de secours. C’est donc dans la torpeur que l’on passe du rap de Underachievers au rock bourrin de Wolfmother avec détachement. A l’ombre des arbres, on assiste au dernier concert de la tournée des Casseur Flowters (Orelsan + Gringe) : consécration. Le public connait les paroles par cœur. Le duo articule ses punchlines avec brio. Leur fausse nonchalance cache une énergie punk. On passe du rire (on va violer ton CD) aux larmes (Si c’était si facile), de la lucidité (Le mal est fait) aux grosses bêtises (Bloqués). Et l’euphorie est soluble dans la cold-wave pop et française de Grand Blanc, groupe qui divise. Il y a pourtant quelque chose de fascinant chez ces jeunes gens modernes. Reste à savoir exactement quoi. Peut-être le sérieux de leur intensité. En fait, l’exact opposé de La Femme juste après, assez intense dans la gaudriole. Ces gens de Biarritz parlent de mycose avec beaucoup de poésie, d’amour impossible, de femme sphinx et du monde qui tourne mal. Mais au-delà de la forme, le groupe possède d’incroyables chansons surf et psychédéliques. Après ce triomphe français, on passe à l’instant nostalgique avec nos héroïnes 90s : L7. Quelle chouette idée ont eu nos roublardes du rock lourd de se réunir et repartir sur la route. Le spectacle est parfait : riffs massues, head-banging, regards de celles à qui on ne la fait pas et compos bétons. Du côté du Dancing, grosse ambiance régressive et festive. La chaleur n’empêche personne de s’épancher sur le dancefloor. On s’excusera auprès du lecteur fan de Sigur Ròs car nous avons préféré au show des Islandais une pause Cheeseburger méritée. Et comme vendredi, la transhumance vers la Grande Scène commence pour assister au show dantesque de Massive Attack. Qui déroule toujours les mêmes chansons (car attendues) dans une apocalypse de 34





lumières et de messages politiques qui me laisseront cette fois de marbre. Extinction des feux. DIMANCHE. Une météo redevenue viable mais les mollets en feu, le petit reporter profite d’une programmation dominicale moins bandante pour se balader backstage. Et d’y croiser Audrey Pulvar et ses lunettes, Michel Field et sa pipe ou Beatrice Dalle et sa grande gueule. Valérie Pécresse vient serrer quelques mains pendant que JeanPaul Huchon, ancien président de région et grand gourou (on plaisante) de Rock En Seine tire la tronche à une table VIP. Il est donc temps de jeter une oreille aux rigolos Sum 41 qui déroulent leur punk à roulette comme s’ils avaient toujours vingt ans. Ce n’est pas ma came mais ces canadiens emmenés par le faussement juvénile Deryck Whibley ont le sens du spectacle. Ils emmènent l’immense foule dans une transe métallique ou le pogo est de rigueur. La star du jour, incontestablement, c’est Iggy Pop. Le droppy trans-générationnel du rock. Tout le monde veut voir la bête. Certains pour de mauvaises raisons (en gros, son état de santé), d’autres pour les bonnes (et..toutes les raisons sont bonnes, en fait). Etrangement programmé en fin de journée (19h45) - mais sur la grande scène Osterberg, de son vrai nom, rend de suite hommage à son groupe culte, les Stooges en attaquant I Wanna Be Your Dog. Et pour ce mettre tout le monde dans la poche, en grand showman habile, il enquille avec The Passenger et Lust For Life. Voilà. En trois morceaux, le ton est donné : il vient relever les compteurs. Puis l’iguane déroule le best-of de rêve : Skull Ring, 1969, Sister Midnight, Real Wild Child, Nightclubbing...euh, ca s’arrête quand ? Le gars de Detroit roule des mécaniques et des hanches, sourit, harangue la foule, cabotine. Le bonheur. Simplement. En fin de soirée, des choix s’imposent. Soulwax ? Foals ? Peaches ? Tous jouent en même temps. Ayant décidé de finir en beauté plutôt que choisir la sécurité, c’est sur l’excellente petite scène Pression Live que nous irons assister au dernier concert du festival, Peaches, donc. Comparé au math-rock pleins de testostérones de Foals, le spectacle cabaret electro-punk de la canadienne dénote. A-t-on déjà vu des danseurs et danseuses déguisés en vagin géant pendant une chanson intitulé Vaginoplasty ou Dick In The Air ? Peaches rend son discours sur l’identité sexuelle, la maternité et le sexe en général follement ludique. Et dansant. On ne pouvait rêver meilleur climax en cette nuit de dimanche. Mais alors que le public rentre, on s’autorisera un dernier petit plaisir - privilégié - à l’espace presse / VIP : la fête de clôture du festival où mixent les filles de Retard une dernière fois. L’ambiance est totale quand retentit Jump Around de House Of Pain, et, sur les rotules, on rentre se coucher. Pour deux jours. Merci à Marion (éphélide), Catherine et toutes les équipes Rock En Seine, Nico Prat, François, Auriane et Steph qui m’a supporté tout le WE.

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39


PREMIERE FOIS

AMELLE CHAHBI

Tantôt comédienne, tantôt réalisatrice, Amelle Chahbi s’est lancée, cette année, dans son premier seule en scène dans lequel elle multiplie les personnages attachants et délurés. Mis en scène par Josiane Balasko, son spectacle Où Est Chahbi ? est prolongé du 4 Novembre au 31 Décembre 2016 au Théâtre de l’Archipel. par Dine delcroix / photos : françois berthier


41


Premier souvenir ?

Premier baiser ?

Vers l’âge de 3 ans, j’ai voulu faire un câ-

À 13 ans, en colonie de vacances, en Bre-

lin à un petit chaton tout noir et il m’a

tagne. C’était un smack sous une tente

griffée. J’en ai encore la cicatrice. De-

alors qu’on faisait du camping. J’étais

puis, j’ai très peur des chats.

pas difficile (rires).

Première voiture ?

Premier Amour ?

Dès que j’ai eu mon permis, j’ai pris une

Au lycée avec un garçon qui était dans

Autolib’ en pure parisienne que je suis.

une autre classe. J’avais 17 ans. J’en

C’est parfait quand on né au centre de

garde un souvenir merveilleux. On était

Paris et qu’on y vit parce que c’est une

vraiment dans une ambiance d’amour.

ville où on ne peut pas se garer.

J’avais même une bague ! Je pensais qu’il allait être le père de mes enfants.

Premier métier ? Je voulais être Linda Evangelista. Très

42

Première fois ?

jeune, j’avais une passion pour les man-

Très tard car je n’avais pas le droit de

nequins et je collectionnais des photos

sortir. Je vois qu’aujourd’hui, c’est beau-

en noir et blanc. Je ne comprenais pas

coup plus tôt et les jeunes qui liront l’in-

trop ce qu’elle faisait mais j’aimais sa

terview vont dire « Wesh ! » (rires). C’était

présence et l’intensité de son regard. Je

à 19 ans, dès que j’ai pu sortir et que j’ai

l’ai vue à New York dans la rue, c’est une

pu rencontré des garçons… Et là, j’ai vu

panthère !

le loup ! (rires).


43


Premier chagrin d’amour ? À 25 ans, on m’a trompée, je l’ai su et j’ai

chanteur m’avait tendu une rose. J’étais pas bien (rires).

pleuré toutes les larmes de mon corps. C’est là que j’ai compris qu’on peut être trahi par quelqu’un qu’on aime. Mais cela fait partie de la vie et j’ai ainsi appris. La fille s’est mise en contact avec

Premier film culte ?

moi pour m’informer qu’elle avait une

La Soupe aux Choux avec Louis de Funès,

relation avec mon mec. Elle était très

Jacques Villeret et Jean Carmet. C’est

amoureuse de lui !

fou d’aller voir des producteurs avec l’histoire de deux vieux qui habitent à la campagne et qui attirent des soucoupes volantes en pétant ! J’en ai pleuré de rires et de peine parce qu’ils sont ensuite ex-

Premier animal de compagnie ? Un poisson rouge qui s’appelait Mercre-

clus, rejetés de la population, des jeunes et de la nouvelle génération.

di parce qu’on l’avait eu un mercredi. J’avais 14 ans et quand je l’ai retrouvé mort, je me suis dit « La vie est cruelle ! ». Premier livre culte ? Je n’ai pas de libre culte. Mon premier livre, c’était un « J’aime Lire », ces fameux livres Premier disque acheté ? Un album de Madonna. C’est quelqu’un qui m’interpelle encore aujourd’hui, qui ne lâche pas l’affaire et qui essaye toujours de se renouveler.

toute l’œuvre de Iceberg Slim, notamment « Pimp » qui raconte sa vie de proxénète dans un style criant de vérité. Un chef-d’œuvre ! J’ai aussi adoré le roman « Nana » d’Emile Zola et je le trouve toujours d’actualité.

Premier Concert ?

Premier prof détesté ?

Jodeci à l’Élysée Montmartre vvers l’âge

Je n’ai pas le souvenir d’un conflit ou

de 15 ans. C’était un groupe R&B de 5 44

d’enfants avec des histoires. Sinon, il y a

blacks, des ‘lovers’ à l’ancienne et le

d’une animosité avec un professeur.



J’aime tous mes professeurs. Il y en a que je ne trouvais peut-être pas assez intéressants mais pas de là à ne pas les aimer.

Premier péché ? Un péché d’adolescente un peu basique : le mensonge à mes parents pour pouvoir sortir en faisant croire que je dormais chez une copine qui, elle-même, disait qu’elle dormait chez moi.

Premier prof adoré ? Un professeur de français en classe de Troisième. Elle m’aimait bien, elle se concentrait sur moi et m’encourageait énormément. Je me rappelle de cette bienveillance poussée au maximum. J’aimerais bien me souvenir de son nom mais j’ai une sale mémoire.

Premier Job ? Pour gagner mes sous pendant que j’étais au lycée, j’étais vendeuse le mercredi après-midi et le samedi après-midi dans une boutique de vêtements parisienne qui s’appelle Lady Soul et qui se trouve au 31 rue de la Ferronnerie.

Premier choc dans la vie ? Le décès de ma mère a été un vrai choc.

Premier vote ? Premier voyage ? Mon premier voyage, c’était au Maroc, en voiture depuis Paris, sans climatisation mais avec beaucoup de rigolades. C’est littéralement la chanson Tonton du Bled du 113 (rires).

Au collège, lors d’une élection de délégués de classe à laquelle je m’étais présentée. J’avais voté pour moi et j’avais été élue. Je n’ai été déléguée qu’une fois parce que c’était trop de boulot pour pas grand chose. J’avais toutefois bien fait mon travail en écoutant les élèves et en les défendant corps et âme aux conseils de classe.

46



RENCONTRE

Quelques mois à peine après avoir célébré les 20 ans de leur premier disque par une tournée anniversaire, les membres de Garbage sont de retour avec un sixième album studio intitulé Strange Little Birds. Publié en indépendant le 10 Juin 2016 via le label de la bande, Stunvolume, ce nouvel opus est un véritable retour aux sources pour le groupe américano-écossais avec des morceaux atmosphériques et des paroles sombres. Après deux décennies dans l’industrie musicale, les quatre piliers du groupe que sont Shir-


Révélé au grand public sur TF1 dans la série Nos Chers Voisins où il incarne l’extravagant Alexandre Volange depuis 2012, Jean-Baptiste Shelmerdine est un acteur aux multiples casquettes. Outre des projets d’écriture et de réalisation, le jeune homme prépare également un premier disque en tant que musicien et chanteur. par Dine Delcroix / Photos : Martin Lagardère Coiffure & Maquillage : Francesco Spadaro

Jean-Baptiste Shelmerdine


rivé très motivé au casting. J’avais notamment une scène où je sortais de la douche alors je me suis carrément foutu en slip avec une serviette de bain, ce que d’autres n’avaient pas fait. Cela m’amusait. J’avais aussi un scène où Issa me faisait une surprise d’anniversaire alors que Chloe, qui m’attire, m’avait invité chez elle parce que je déprimais d’être tout seul. Plus tard, le réalisateur que je connaissais et Issa m’ont dit que j’avais joué la distance alors que j’aurais dû serrer Issa dans mes bras. Moi, je trouvais la réaction de mon personnage normale car Issa venait de casser mon coup avec Chloe mais je m’étais senti coupable d’avoir peut-être fait une bêtise. J’avais absolument besoin de décrocher ce rôle parce que j’étais à court d’argent, à l’époque. J’avais tourné la série « Platane » et le film « Halal Police d’État » qui étaient sortis l’année juste avant mais j’ai eu un moment de vide après et je ne travaillais pas. Je faisais des petits trucs qui ne me permettaient pas de gagner ma vie.

Te souviens-tu de ton casting pour Nos Chers Voisins ? Oui. Il y a eu deux castings pour moi. D’abord le casting à plusieurs puis le call-back, c’est à dire le dernier où on était cinq. Nous étions tous très différents, ce qui prouve que la chaîne n’avait aucune idée de ce qu’elle voulait pour le personnage. Issa Doumbia était déjà là puisqu’il était prévu sur le projet depuis le début donc il fallait coller avec lui car c’est un duo. Il y avait deux réalisateurs dont un que je connaissais parce que j’avais tourné avec lui. Je suis ar50

Aurais-tu aimé interpréter un autre personnage dans la série ? Franchement, non. Les autres personnages sont plus jeunes ou plus vieux que le mien. Je trouve aussi qu’Issa est super dans son rôle donc je ne me vois pas à sa place. Je suis très content de mon rôle. En plus, je l’ai tiré vers un truc un peu trash, gentiment. Ce qui est drôle, c’est qu’il est capable de n’importe quoi et c’est ce qui est marrant.




Qu’est-ce qui a changé dans ton quotidien

As-tu été agacé par les rumeurs autour d’une

depuis le lancement de la série en 2012 sur

possible idylle entre toi et Joy Esther qui in-

TF1 ?

carne l’objet de ton affection dans la série ?

On me reconnaît dans la rue, ce qui change déjà quelque chose. Au début, c’était très bizarre à gérer. On est sur TF1 et on fait de très grosses audiences donc tout le monde est susceptible de me reconnaître. Il y a des paliers de célébrité et on sent qu’on a passé un palier quand les gens nous reconnaisse. Le truc marrant, c’est que les gens, assez souvent, quand ils me voient en vrai, je suis assez posé et, dès qu’ils réalisent que je suis Alex dans « Nos Chers Voisins », ils se mettent à me tutoyer et à me parler comme si j’étais un gamin, comme si j’étais mon personnage et comme si, eux, étaient des gens de l’immeuble. Il se mettent tout d’un coup à utiliser un vocabulaire différent.

Non, cela fait partie de ce que les gens connaissent de nous. On sort beaucoup ensemble, on s’entend super bien et on est très amis. Cela nous amuse d’autant que cela n’a pas été très loin. Il n’y a jamais eu de fausse paparazzade.

Avais-tu imaginé que ce programme allait rencontrer un tel succès d’audience ? Quand j’ai commencé Nos Chers Voisins, je ne pensais pas que la série pouvait faire d’aussi grosses audiences et je me disais qu’on ne me reconnaitrait pas car mon personnage est différent de ce que je suis et de ce que j’ai pu faire. De plus, le personnage d’Alex est plutôt sale et mal élevé donc je me suis dit que les gens n’allaient pas être agréables avec moi alors que c’est tout le contraire, finalement.

Malgré la notoriété de la série, tu arrives à rester discret sur ta vie privée. Est-ce important, pour toi, d’avoir ton jardin secret ? Je suis plutôt discret dans la vie, plutôt posé. Après, c’est vrai que je n’aime pas trop mettre des photos de mes potes ou de ma vie privée sur les réseaux sociaux, ce serait exhibitionniste à mon goût. On ne peut pas jouer avec les médias pour, ensuite, aller se plaindre. Un artiste, surtout un comédien, intrinsèquement, doit être discret par rapport à sa vie réelle parce qu’il joue des personnages. Je suis, par exemple, à l’opposé de mon personnage en ce sens que je ne bois pas d’alcool, je ne suis pas du tout fêtard, je mange bio… Mon personnage dans « Nos Chers Voisins » est super trash mais les gens n’ont pas à savoir ma vraie vie car cela dessert le personnage. La discrétion, c’est aussi ce qui permet de créer.

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As-tu besoin de ce recul pour être créatif ? J’ai besoin d’avoir du recul en dehors des plateaux de tournage, j’ai besoin de réfléchir, d’écrire des choses, de fair de la musique. Si tu es tout le temps à l’extérieur, tu ne peux pas être dans un truc qualitatif de création. Il faut emmagasiner, regarder des gens, écouter des choses, lire, voir des films… Ensuite, on fait notre cuisine et tout rejaillit à travers des personnages, des scénarios ou des musiques. Il faut un temps d’incubation et cela ne se fait pas dans les fêtes.

Dirais-tu qu’Alexandre Volange est le rôle de ta vie ? Je ne pense pas mais il peut être le rôle d’une période de ma vie. Evidement, c’est celui qui m’a fait connaître auprès du grand public. Quand je vieillirais un peu, en changeant physiquement et avec des rôles plus posés, les gens verront autre chose mais c’est sûr que c’est le rôle de la première partie de ma vie de comédien. C’est le plus long, c’est celui qui m’a apporté le succès, c’est celui que j’ai pu le plus travailler. Il peut même m’arriver d’apporter des modifications à ses textes car personne ne connaît le personnage mieux que moi.

Globalement, les personnages dans ce genre de séries n’évoluent pas. N’est-ce pas un peu frustrant, pour un acteur, de ne pas pouvoir faire progresser un rôle ? Cela peut être frustrant, oui. Des fois, il y a des sketchs en mode ‘émotion’ et on ne peut pas trop le faire. Dès que c’est un peu triste, on ne peut pas. Il faut que ce soit léger, ce que je comprends mais, en tant que comédien, c’est frustrant parce qu’il n’y a pas de suivi dans l’évolution. L’avantage de mon personnage, c’est qu’il est joueur. Il est toujours en train d’inventer des histoires et, du coup, de jouer. C’est pour cette raison que je ne me lasse pas. Il est capable de tout donc il n’y a pas d’ennuie.

À l’image de ton personnage dans la série, as-tu une expérience dans la collocation ? Oui. De 16 à 18 ans, j’ai été en collocation avec mon cousin et une pote. C’était beaucoup moins rock’n’roll que dans la série mais c’était cool parce que j’étais étudiant. Après, quand on bosse, je pense qu’il faut avoir un vrai espace.

Quels sont les comédiens avec lesquels tu aimerais avoir plus de scènes dans la série ?

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Les auteurs s’arrangent toujours pour qu’on joue tous ensemble. J’aime bien Isabelle Vitari qui joue Karine. C’est une pote depuis des années parce qu’on


a déjà tourné ensemble dans la série Seconde Chance pour TF1 en 2008. Elle est vraiment drôle mais c’est celle avec laquelle j’ai le moins de sketchs. Le rapport entre son personnage et le mien est très drôle à jouer.

des films pornographiques des années 80 dont les scénarios ont toujours une pseudo-histoire avec une certaine naïveté. Dans ces films, on retrouvait des musiques assez drôles, parfois carrément electro. En parallèle, il y avait le premier album de Lio que j’adorais et sur lequel figure son tube Banana Split. Ce titre est un vrai jeu de mots. J’avais donc envie d’une chanson dans l’esprit d’un film pornographique mais avec un texte

As-tu été particulièrement marqué par des guests qui sont apparus au fil des saisons ? Quand j’étais petit, j’étais fan de Louis de Funès. Je regardais ses films avec mes grands parents et quand Claude Gensac est venue et que j’ai eu sketch avec elle, c’était incroyable ! Il y a eu Lio aussi dont j’adore les premiers albums. Je me suis revu petit en train de l’écouter et c’était très bizarre. On a aussi eu Brahim Zaibat qui, à l’époque, sortait avec Madonna. Moi, j’étais fan de Madonna pendant longtemps quand j’étais plus jeune alors j’avais l’impression d’être à un faible degré de séparation de cette chanteuse que j’adorais (rires).

Parallèlement à la comédie, tu fais de la musique et tu as mis en ligne, il y a quelques

à double-sens comme Banana Split. Du coup, j’ai eu l’idée du facteur qui va chez les gens et qui se les tape. Il a des « gros paquets »… J’ai fait des jeux de mots là-dessus un peu en hommage à Lio. Je voulais une chanson qui plaise aux enfants de manière très naïve et qui plaise aux adultes de manière très salace.

Tu as également dévoilé une reprise folk de la chanson Are You Gonna Go My Way de Lenny Kravitz. As-tu l’intention de continuer la musique ? Ces deux morceaux devraient faire partie d’un album concept qui, pour le moment, est en stand by. En parallèle, je travaille sur un premier album avec mon groupe, Bankhead, que je forme avec deux potes. On avance à notre rythme et on cherche un label...

temps, une chanson intitulée Le Petit Facteur Comment est né ce morceau ? Quand j’écris des chansons, j’aime bien avoir comme une sorte de court métrage dans la tête avec une vraie ambiance. Je voulais un morceau qui soit un mélange 55


À part les chansons, aimes-tu écrire des histoires ? Oui, j’ai écrit un scénario de comédie qui est en production. J’ai aussi écrit le scénario d’une comédie d’aventure avec Joy Esther dans lequel on jouerait avec Issa Doumbia. Avec Joy, on a également écrit des scènettes pour un court métrage qu’on va co-réaliser et dans lequel on aura un petit rôle.

L’idée d’une comédie d’aventure avec Joy Esther et Issa Doumbia, tes acolytes dans la série, était-elle une évidence, pour toi ? Oui. Les gens nous parlent tout le temps les uns des autres et, comme on s’entend vraiment bien, on s’est dit qu’il fallait créer un truc ensemble. Il y a un public pour cela car les gens nous aiment bien ensemble.

Comment fais-tu pour ne pas te disperser avec tous ces projets simultanés ? Un artiste en général ne peut pas faire une seule chose à la fois. Tu es obligé de lancer plusieurs projets parce que tu ne sais jamais lequel va sortir. Il faut toujours créer et faire des choses.

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Que fais-tu lorsque tu ne travailles pas ? Je vois des films, je vais au sport, je prends des cours de chant et je fais de la musique.


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The BLIND TRUTH

AN PIERLÉ

Trois

ans après Strange Ways, An Pierlé a dévoilé le 2 Septembre 2016 Arches, premier volet d’un double-album concept dont la seconde partie sortira ultérieurement. Pour ce nouvel opus, la chanteuse belge a expérimenté la composition à l’orgue afin de se réinventer tout en conservant la théatralité qui la caractérise.

par Dine Delcroix / Photos : DR



Lorsque tu te regardes dans la glace le matin, que te dis-tu ?

Si tu avais une baguette magique, que chan-

Je ne regarde jamais dans le miroir parce que je n’en ai qu’un dans toute la maison. C’est un petit miroir qui se trouve dans la salle de bain. Je ne me maquille pas alors je pense à boire du café le matin. Pour le reste, j’essaye d’être contente de ce que je suis. C’est important de s’assumer comme on est. Pour moi, le maquillage, c’est aussi un peu un art, comme le dessin. C’est un truc un peu introspectif.

Je changerais l’envie d’être méchant de l’homme. On peut être triste, on peut être fâché… Même un crime passionnel de temps en temps, je m’en fous (rires). Mais pas la méchanceté organisée. Je supporte pas le pouvoir et le comportement abusif de l’homme.

gerais-tu ?

Si tu devais emporter une seule chose sur une île déserte, laquelle serait-ce ? À qui voulais-tu ressembler quand tu étais enfant ? Quand j’étais enfant, je voulais être Charlotte Gainsbourg. J’étais jalouse de Charlotte Gainsbourg. J’avais été très marquée le film L’Effrontée dans lequel elle joue. Sa copine dans le film jouait du piano et elle abusait de son amitié. Déjà, je voulais moi aussi jouer dans des films. Aussi, avec son papa, elle pouvait faire des albums. Il y avait toujours un peu de danger. Elle était parfois nue dans les films. Ma maman n’aurait jamais voulu que je fasse ce genre de choses. C’est un autre milieu social artistique et je pense que j’aurais voulu être dans un milieu artistique comme celui-ci.

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Pour pouvoir être créative et sortir des choses de moi parce que j’en ai besoin, je pense que j’emporterais un ordinateur parce que c’est un objet multifonctions qui permet de noter de choses, de dessiner, de faire de la musique.


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62


Quel super héros aurais-tu aimé être ? Goldorak (rires).

Quel pouvoir magique aimerais-tu avoir ? Le pouvoir de rendre les gens heureux.

Quand et comment as-tu cessé de croire au père Noël ? C’est un traumatisme profond ! C’était très tard parce que, chez nous, les Noël étaient vraiment mythiques chez les grands-parents avec tous les petits enfants. On allait dormir jusqu’à minuit puis le père Noël venait nous chercher. Je pense que j’ai vraiment fait de mon mieux pour y croire jusqu’à l’âge de 8 ou 9 ans. Tout le reste de ma classe disait déjà que cela n’existait pas. Un jour, mes parents ont fini par me dire que le père Noël n’existe pas et j’étais vraiment triste mais j’ai enchaîné avec « Comment on fait les bébé ? » (rires).

Quel prénom aurais tu-aimé porter ? Je me suis habituée à mon prénom. Mes parents ont failli me nommer « Brunilde ». Je ne sais pas… Je n’ai jamais réussi à choisis même un nom d’artiste. Il y a des milliers de « An ». Mes copines m’appellent « Andy » parce qu’elle me trouvent masculine (rires).

Que peut-on entendre comme message d’accueil sur ta boite vocale téléphonique ? Quelques chose comme « Bonjour, je ne suis pas là, si tu veux me recontacter, essaye plus tard » en flamand.

Que peux-tu me dire de négatif sur toi ? Je suis, parfois, très fainéante.

Et de positif ? Je suis très persévérante et très loyale… Je suis aussi très drôle (rires).

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Qui veux-tu épater le plus ? J’aime bien m’épater moi-même. Ce n’est pas souvent mais, d’avoir lutté pour avoir quelque chose, de persévérer pour réussir à trouver quelque chose de nouveau, dans ces moments-là, je suis épatée. Par exemple, j’ai fait mon dernier album avec un orgue d’église alors que je n’aurais jamais imaginé cela il y a 10 ans. Dans une carrière de 20 ans, c’est chouette de trouver encore des choses qui permettent de se renouveler, qu’il faut aussi assumer.

Que ferais-tu s’il ne te restait que 24 heures à vivre ? J’essayerais d’écrire des lettres à ma fille pour chaque anniversaire.

De quelle question aimerais-tu avoir la réponse ? « Où finit l’univers ? ». C’est fascinant !

Quel a été ton dernier instant de solitude ? Les seuls moment où cela m’arrive, c’est quand je suis toute seule dans un hôtel quelque part. Là, je suis trop fatigué, je 64

ne vois plus les perspective, je n’arrive pas à dormir, tout devient grand et je peux me sentir seule. Pour le reste, j’aime bien être seule.

As-tu menti pendant cet entretien ? Non, je ne pense pas. Je ne mens pas facilement. Je suis vraiment très mauvaise menteuse. Je suis d’ailleurs très mal à l’aise avec les gens qui racontent des histoires et qui les embellissent. C’est peutêtre parce que j’ai été élevée avec un sens très important de l’honnête.


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RENCONTRE

THIBAULT DE MONTALEMBERT Ancien élève de Francis Huster à la classe libre du Cours Florent et ex pensionnaire à la Comédie Française, Thibault de Montalembert navigue entre le cinéma, la télévision et le théâtre. Parallèlement à la deuxième saison de la série « Dix Pour Cent » dont il vient d’entamer le tournage pour France 2, il est actuellement au Théâtre La Pépinière dans la pièce « Politiquement Incorrect » de Salomé Lelouch et au cinéma dans « L’Odysée » aux côtés de Pierre Niney et Lambert Wilson. PAR Dine Delcroix / Photos : François Berthier


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Ta Madeleine de Proust ?

Ton antistress ?

L’Atlantique, la Bretagne, l’univers cel-

Le chocolat qui contient 70% de cacao

tique.

minimum et dont je sur-abuse.

Le film qui raconte ta vie ?

La tendance mode que tu détestes ?

Bienvenue Mister Chance de Hal Ashby

Les jeans qui descendent au milieu des

mais j’aurais pu dire aussi Les Duel-

fesses et dont l’entrejambe vous arrive

listes de Ridley Scott.

aux genoux.

Ton livre de chevet ?

Le détail chic pour toi ?

Le Pouvoir du Moment Présent par Eckhart

Les pochettes de veste.

Tolle. C’est une révélation qui me suit partout.

Ta série du moment ? Ton secret de beauté ? La respiration profonde. 68

Narcos.


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Ta chanson pour te sentir bien ?

Le pays où tu pourrais immigrer ?

I’m a Man of Constant Sorrow par The So-

L’Italie. On y mange trop bien !

ggy Bottom Boys que j’ai entendu pour la première fois dans le film O’ Brother des frères Coen.

Un autre métier qui t’aurait plu ? Écrivain parce qu’on peut pratiquer son Ton proverbe fétiche ?

métier n’importe où.

« À cœur vaillant rien d’impossible ».

Qui inviterais-tu à ton dîner idéal ? L’insulte que tu préfères ?

Eckhart Tolle, Jim Carey, Jim Harrison, Alicia Vikander et Yayoi Kunama.

« Piss off », ce que mes cousins irlandais disent toutes les 30 secondes.

Le défaut que doit avoir une personne pour te séduire ? Le compliment qui t’énerve le plus ?

La gourmandise, mais est-ce un défaut ?

« Il est gentil ! », « Il est mignon ! »… Avec le temps, on me le dit moins.

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Le cadeau que tu rêves d’offrir ? Une maison.

Libé ou le Le Figaro ? Aucun des deux.

Le disque que tu as honte d’avoir acheté ? Les chœurs de l’Armée rouge.

Le talent que tu aimerais avoir ? Savoir naviguer.

La question qu’on ne doit pas te poser ? « Tu fais quoi comme sport ? ».

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EN COUVERTURE

DENIS

Par Dine Delcroix Photos : FRANCOIS BERTHIER

Denis Lavant

fait partie des « gueules » du septième art. Il habite actuellement les salles de cinéma en clown de cirque itinérant dans L’Étoile du Jour, le nouveau long métrage de Sophie Blondy aux côtés d’Iggy Pop, Béatrice Dalle, Tchéky Karyo, Natacha Régnier et Bruno Putzulu. Un casting fort pour un acteur habitué


LAVANT

aux films marquants depuis ses débuts avec Leos Carax qui lui a confié ses rôles les plus emblématiques de Boy Meets Girl à Holy Motors en passant par Les Amants du Pont Neuf.


il qu’il n’y a plus à le refaire après. Moi, je me suis quand-même engagé dans un cinéma à hauts risques, d’abord avec Leos Carax. Cela m’a ensuite fait rencontrer d’autres cinéastes qui se sont intéressés à mon cas, des cinéastes originaux, des auteurs, des poètes du cinéma comme Claire Denis, Harmony Korine… Des gens qui mettent en avant un aspect qui, pour moi, est poétique.

Vous avez une filmographie riche en ovnis cinématographiques… Oui (rires). Les ovnis, c’est plutôt domaine mais ce n’est pas prémédité, en fait. Moi, j’ai commencé vraiment le cinéma avec Leos Carax et cela met déjà la barre assez haut au niveau de l’originalité, au niveau pictural et au niveau de l’histoire. Après, je me suis engagé dans ce cinéma-là par hasard parce que je n’ai pas cherché à faire du cinéma.

On dit que vous êtes un acteur « physique ». N’est-ce pas un pléonasme pour ce métier ? Oui, c’est forcément un peu pléonastique mais je me retrouve là-dedans car, effectivement, je pars d’abord du corps avant d’aborder le verbe. Je viens du cirque même si je n’en ai jamais réellement fait, j’ai pratiqué les disciplines du cirque pour mon plaisir avant d’être intéressé par la voie du théâtre et il m’en reste toujours mon premier support d’expression, c’est à dire le corps. Après, j’essaie de lier le mouvement à la parole. En soi, cette appréciation est,

Ce genre de films est-il confortable pour

pour moi, pléonastique, parce qu’un comé-

vous ?

dien, c’est forcément physique, c’est d’in-

Non, ce n’est pas confortable du tout. De toute façon, ce n’est pas un métier confortable. Être comédien, ce n’est pas pour être dans le confort. Le fait d’aller jouer me prend la tête dès le réveil, c’est une peur, une angoisse et, à la fois, une excitation, une appréhension. C’est un endroit périlleux. Le cinéma peut être un peu plus confortable que le théâtre parce que c’est filmé, enregistré et 76

carner un personnage avec son corps et ses moyens physiques, de sculpter aussi bien dans la parole que dans le geste et dans la procréation. C’est un art ou un artisanat qui se situe entre la danse et le chant lyrique. Un chanteur, même s’il utilise sa voix, passe par quelque chose qui est extrêmement physique, qui est un engagement de tout le corps pour propulser une note. Le danseur, c’est forcément physique aussi. Le comédien, lui, est à



mi-chemin. Sur scène, il y a l’engagement

ceau, en voyant aussi des burlesques. J’ai

physique de tenir une représentation devant

pris des cours de mime et d’expression corpo-

un public, de faire vibrer quelque chose, de

relle. Ce n’était pas vraiment de la technique

rentrer dans une transe même si elle n’est pas

de mime mais c’était cette expression muette

forcément apparente ou extravertie. Il y a

qui, au départ, me convenait très bien. Ce

une sorte de carburation du comédien.

n’était pas professionnel, c’était un divertissement personnel, comme la canalisation d’une énergie ou d’une angoisse. J’ai découvert cela vers l’âge de 13 ans mais je n’avais

Tout le monde ne le fait pas comme vous…

pas de plan de carrière.

Non (rires). C’est sûr que j’ai ma manière et je la revendique. Je m’engage spontanément dans cette dimension-là qui n’est peut-être pas tout à fait naturelle dans l’expression du

Ces cours de mime et d’expression cor-

théâtre français. Par contre, il y a d’autres

porelle ont-ils influencé votre façon de

pays où je me reconnais beaucoup plus. Dans

vous exprimer avec le corps ?

les pays slaves, il y a aussi, dans le théâtre, cet engagement physique. Dans les pays d’Amérique du Sud, je me retrouve complètement dans le rapport des comédiens, dans le rapport physique au jeu. En France, c’est plus tranché, il y a vraiment une distinction. J’ai acquis une densité de présence dans le théâtre de rue, dans la Commedia dell’arte où il y a quelque chose de grand, de très expressif, qu’on peut toujours canaliser au théâtre comme au cinéma. Finalement, au cinéma, on m’a donné des partitions qui étaient extrêmement physiques…

Oui. C’est ma formation. Après, j’ai été dans des écoles de théâtre mais j’ai plus appris en jouant que dans les écoles, que dans le travail de dissection. Il y a une personne qui m’a formé, un homme qui faisait partie du Piccolo Teatro, qui a fait de la Commedia dell’arte à l’époque de Giorgio Strehler et qui s’appelle Carlo Boso. Il a fait beaucoup de stages en France et il a maintenant une école à Versailles où il fait travailler sur l’improvisation, sur le masque. Il a formé beaucoup de comédiens. C’est un maître qui m’a fait avancer physiquement dans mon rapport à la scène. Il m’a enseigné des choses dont je garde la dynamique. Il est question de gérer

Plus jeune, vous aviez une fascination pour le mime Marcel Marceau… Oui. Le mime était a été mon premier mode d’expression. J’ai compris ce que je pouvais faire avec mon corps en voyant Marcel Mar78

l’émotion, de gérer les informations, de gérer l’écoute du personnage et de donner de la sensation au public, de faire circuler l’émotion. C’est là-dessus que j’ai appris.




Préférez-vous Buster Keaton et Charlie

été dans le domaine du cirque, cela m’a tou-

Chaplin ?

jours fasciné, cela m’émeut. Il y a une poésie.

Il y en a un que je trouve extrêmement rare et que j’aime beaucoup parce qu’il n’a pas fait long feu après l’avènement du parlant, c’est Keaton. Il me touche énormément. C’est un grand artiste, un grand poète et un grand perfectionniste. J’ai lu des livres sur lui, c’est un génie ! Ce qu’il raconte dans ses films, la manière dont il raconte, les moyens qu’il se donne pour créer des gags et, en même temps, raconter une histoire… Il a une empreinte humaine et artistique extraordinaire. Sa dernière apparition dans le film expérimental « Film » écrit par Samuel Beckett est une apothéose. Charlie Chaplin n’est même pas à défendre, il a imprimé quelque chose d’énorme et il a fait une trajectoire remarquable dans le cinéma en partant du muet et même du music hall. Il est allé jusqu’à avoir sa place

C’est aussi un milieu assez âpre comme en témoigne le film. Le jonglage fait un peu partie de mes premières armes. Dans ce film, je joue un clown qui est pratiquement autiste dans le quotidien, qui a des états d’âme, qui ne va pas bien du tout, qui se pose des questions et qui ne comprend plus où il en est dans sa vie. Malgré ma fascination, c’était la première fois que je jouais un clown. Le clown me fascine depuis que je suis enfant. J’ai accumulé différentes choses, des petits instruments de musique même, typiques du clown. J’ai abordé le fait de faire rire assez tard car j’ai eu souvent à jouer des personnages dramatiques. Là, c’est les deux : un clown qui fait rire les mômes et qui a, en même temps, une densité tragique. C’est cette double personnalité qui est intéressante.

à part entière dans le parlant et à abandonner son personnage fétiche de Charlot pour faire un autre genre de films. Mais Keaton me touche aussi par la fin, par son échec, par la fin de son heure de gloire avec l’avènement du parlant. Il représente un autre monde du cinéma qui a pratiquement disparu mais qui me touche infiniment.

Comprenez-vous que l’on puisse avoir peur des clowns ? Oui. Un clown, c’est effrayant. À l’origine, la manifestation du clown est assez obscure, assez énigmatique. J’ai abordé cela lorsque j’ai fait de la Commedia dell’arte. Dans le personnage d’Arlequin, il n’y a pas de théâtre naturaliste, c’est un peu de la monstruosité ou

Dans le dernier film de Sophie Blondy, L’étoile du jour, vous incarnez justement un clown. Comment avez-vous replongé dans cet univers qui vous est familier ? Assez facilement ! Même si je n’ai jamais

de la fantasmagorie de faire surgir quelque chose qui n’est pas du tout raisonnable. Le clown part d’une figure totalement marginale qui peut être aussi bien le clochard qu’on rencontre dans la rue, qui a le nez rouge, qui est dégarni… C’est une incarnation de marginalité et dans le cirque aussi : c’est ce81


lui qui n’est plus acrobate, qui ne peut plus

une maison qui était louée pendant un week-

faire de numéros performants, qui a toutes

end de tournage et pour laquelle Sophie

les ficelles du cirque mais qui est devenue

Blondy avait délimité un champ avec une ca-

une paillasse. Après, cela devient du grand

méra fixe. Elle nous a mis, Iggy et moi, dos à

art quand il s’agit de célèbres clowns comme

dos et torses nus, nous demandant d’impro-

Grock ou Oleg Popov. Néanmoins, le clown

viser, sans musique, une évolution ensemble.

reste un personnage décalé et inconvenant

C’est là que je retrouve mon langage et que

qui se conduit mal. C’est forcément déran-

je communique. On était heureux, tous les

geant et cela peut être effrayant aussi.

deux, d’être dans ce rapport-là. C’est ce moment-là qui a été vraiment très fort. Pour le reste, on avait des scènes assez précises, assez écrites mais sans dialogues donc c’était

Vous partagez l’affiche de ce long métrage avec Iggy Pop qui marque, là, sa première participation à un film européen. Savez-vous qu’il a accepté de tourner dans ce film parce qu’il tenait à jouer avec vous ?

vraiment un rapport de regard, de face à face. C’était une belle rencontre. On a tous les deux ce potentiel du mouvement, de sculpter quelque chose dans l’espace. Je l’ai vu en concert et c’est flagrant. Il a une présence en dehors même de sa voix.

Oui, je l’ai su. Cela m’a touché et beaucoup ému. C’est impressionnant d’être apprécié par un artiste, une personnalité aussi puissante. Comment s’est passé votre travail à deux sur ce tournage ? C’est un film qui a une drôle d’histoire parce qu’il s’est fait en deux étapes. Il y a une étape qui s’est faite de façon vraiment brute et artisanale avec peu de moyens. On a tourné pendant deux week-ends au Touquet avec une équipe très légère où s’est fait tout l’aspect un peu onirique du film, en noir et blanc, assez stylisé. Avec Iggy, on s’est rencontré et on a

Vous avez un autre point commun avec Iggy Pop en la personne de Kylie Minogue à qui vous avez donné la réplique dans Holy Motors de Leos Carax tandis qu’Iggy Pop a enregistré un duo avec elle… Je l’ai même portée dans mes bras en montant les escaliers de la Samaritaine ! C’était une très belle rencontre aussi. Je ne savais pas qu’ils avaient fait une chanson ensemble. Il faudra que je l’écoute !

travaillé notamment une scène. Iggy parle français à peu près aussi mal que moi je parle anglais donc ce n’est pas dans la com-

82

munication verbale qu’on a établi un rapport

Vous sentez-vous redevable envers le ré-

mais plutôt dans la communication physique.

alisateur Leos Carax pour votre carrière

Il y avait cette scène qu’on a dû tourner dans

au cinéma ?


On se doit (rires). C’est vrai que c’est lui qui

fait aussi beaucoup des courts métrages que

m’a ouvert les portes du cinéma, un domaine

je ne regrette pas. Après, moi, je peux être

par rapport auquel je n’avais pas d’ambition.

critique par rapport à mon travail. Le seul

Il m’a emmené là-dedans et dans du lourd.

regret, c’est les films qui ne peuvent pas voir

Quel est votre film préféré de Leos Carax ?

le jour, qui restent dans les tiroirs. Il y en a notamment un que j’ai fait, que je trouve très

J’ai vraiment une grand tendresse et même en

bien et auquel j’adhère complètement, c’est

tant que spectateur pour Holy Motors. Sur

un film anglais d’Andrea Vecchiato qui

ce film, on avait trouvé un mode de travail où

s’appelle « Luminal » et qui n’est jamais sor-

s’est très bien compris, peut-être parce que

ti. C’est une sorte d’errance de deux jeunes

c’était au bout de 30 ans de compagnonnage

femmes dans un monde un petit peu moderne

avec des hauts et des bas, avec la galère du

entre Paris et Londres. C’est un très beau

film Les Amants du Pont Neuf, avec des

film qui n’a pas trouvé de distributeur.

moments de grâce comme Mauvais Sang, aussi. Dans Holy Motors, il y a cette manifestation d’un personnage qui a été inventé pour moi par Leos, que j’ai porté et qui est vraiment une rencontre très belle entre un cinéaste et un comédien : c’est Monsieur

Qu’est-ce qui vous agace le plus dans le milieu du cinéma ?

Merde. Ce personnage que j’incarne aux cô-

Moi, je me méfie un peu du milieu du ciné-

tés d’Eva Mendes dans Holy Motors était

ma. Ce qui peut m’agacer ou ce que je peux

déjà apparu et a éclos dans le film Tokyo

appréhender un peu, c’est la sur-prise en

! qui se compose de trois courts métrages.

charge de l’élément comédien. C’est très

J’ai été ravi de retrouver ce personnage

sain, finalement, de passer du théâtre au ci-

dans Holy Motors car c’est une pure jubila-

néma parce qu’au théâtre, il y a vraiment

tion à incarner.

une grande responsabilité du comédien, de le représentation de chaque soir, de se prendre en charge, d’aller par soi-même au théâtre, de s’habiller, de se maquiller, d’être dans

Y a-t-il des films que vous regrettez d’avoir tourné ?

une autonomie et une responsabilité de son boulot. Au cinéma, il y a une prise en charge totale du comédien, qui, du lever au coucher,

Non parce que je n’ai pas fait tant de films

est nourri, habillé, maquillé, démaquillé

que cela. Pour moi, les films dans lesquels

et c’est ce qui est périlleux parce qu’il peut

j’ai vraiment une partition importante

y avoir une tendance à reposer sur ce pou-

sont peu nombreux. Après, il y a des petits

voir-là, et, des fois, il peut y avoir une possi-

rôles qui me font marrer, qui m’apportent,

bilité de désacralisation du jeu qui fait que le

comme celui que je joue dans 21 Nuits Avec

comédien peut oublier l’espace d’imaginaire

Pattie d’Arnaud & Jean-Marie Larrieu. J’ai

de silence, de recueillement, de condensation 83


et de disponibilité qu’on a souvent beaucoup plus au théâtre, parce qu’il y a l’opération du jeu de toute une pièce devant un public. Au théâtre, on plonge avec un équipage d’autres comédiens dans la représentation. Sur un plateau de cinéma ou de télévision, le silence devrait exister avant que l’on dise « Silence ! ». Il y a, des fois, une dispersion totale. C’est le cynisme qui peut appartenir à ce milieu-là, à un moment donné, que je trouve détestable.

La réalisation au cinéma, vous y songez ? Non. C’est trop lourd et je ne suis pas organisé pour, je ne suis pas conformé, je n’ai pas la tête faite pour être un organisateur. La seule chose dont je me sentirais capable, à la limite, c’est de mettre en scène au théâtre mais laisser le jeu pour la mise en scène, non, ou alors me mettre en scène moi-même. Il y a un autre domaine à part que j’entretiens : les lectures publiques ! Ce sont des sortes de performances avec des musiciens, à base de littérature, de poésie, ce que je fais très

Diriez-vous que le cinéma est plus récréatif que le théâtre ? C’est très récréatif de tourner au cinéma. C’est un astreinte et une concentration mais c’est presque des vacances par rapport à l’as-

souvent. Là, c’est vraiment un endroit où je suis libre parce que je n’ai pas de réalisateur, pas de caméra, pas de champ, pas de metteur en scène… Je me mets en scène avec une possibilité de tout risquer. C’est comme un rapport de concert.

treinte dans laquelle on est au théâtre quand on doit jouer six fois par semaine et garder le cap devant un public. Au cinéma, on peut se planter et recommencer. Le rapport

On retrouve justement votre voix sur

au temps est très différent et il y a, finale-

des albums conceptuels en hommage à

ment, une plus grande liberté une fois qu’on

des auteurs. Aimeriez-vous embrasser la

a compris les codes du cinéma car, bien sûr,

musique de manière plus explicite ?

les premiers films sont paniquants. Prendre la parole devant la caméra, se mettre à jouer en étant cerné par un champ de caméras, des lumières, des paramètres, du maquillage, un clap… C’est paralysant ! Une fois qu’on trouve sa dynamique là-dedans, cela devient jubilatoire aussi.

C’est un domaine que je n’ai jamais vraiment abordé. Je chante des fois pour mon plaisir mais, disons que je garde le rapport à la musique comme un truc intime comme j’ai pu cultiver le mime ou l’acrobatie dans ce même rapport personnel. La musique, c’est une chose qui me plaît, même de jouer des instruments. J’aime beaucoup les instruments à vent. C’est quelque chose de plus abstrait qui vient quand j’en ai marre des mots. Je serais bien incapable de jouer avec d’autres mu-

84


siciens dans une formation car je ne sais

livre de poèmes comme un roman du début à

pas déchiffrer et que je ne suis pas cadré

la fin. Je pense à un bouquin incroyable qui

dans la musique mais j’aime beaucoup cette

n’est pas tellement connu et qui s’intitule Jé-

dimension-là. Il y a longtemps, on m’a proposé

rôme. C’est un chef-d’œuvre très original

de chanter mais je n’y ai pas cru. On m’a telle-

d’un écrivain qui n’a produit que quelques

ment dit que je chantais faux quand j’étais môme

bouquins et qui s’appelle Jean-Pierre Mar-

que cela m’a dissuadé. C’est une dimension qui est

tinet. C’est l’histoire de Jérôme Bosch, un

ouverte en tout cas. J’ai d’abord un rapport poé-

type énorme qui est resté à l’âge mental de

tique, un rapport au rythme de la prose.

12 ans alors qu’il a la quarantaine. C’est un roman schizophrénique, nihiliste, très russe, qui se passe à Paris avec une invention langagière, quelque chose d’inénarrable. C’est

Vous qui aimez beaucoup les livres, y en a-t-il un que vous pourriez relire plusieurs fois sans vous lasser ?

un bouquin que je peux lire à haute voix. Je choisirais un deuxième bouquin d’un auteur que j’aimais beaucoup et qui est mort récemment : Les saisons de Maurice Pons. Les

Je circule beaucoup dans la littérature. Je

gens qui l’ont lu ne l’oublient pas. C’est d’une

commence un bouquin puis je lis autre chose.

grande humanité !

Je butine pas mal, ce que rend parfaitement possible la poésie puisqu’on ne lit pas un 85


RENCONTRE

PASCAL LÉGITIMUS Pascal Légitiums est à l’affiche du Grand Point Virgule depuis le 14 Septembre 2016 avec Légitimus Incognitus, un nouveau seul en scène inspiré avec humour et finesse de tout ce qui titille l’artiste dans la vie quotidienne comme dans l’actualité. PAR Dine Delcroix Photos : Florian Fromentin assisté d’Antony Gomes



L’idée de vous relancer dans un seul en scène

aux Inconnus parce que les gens ont en-

est-elle liée au succès de votre premier spec-

vie de cela et que cela m’amuse. Ensuite,

tacle ?

les gens ne savent pas ce qu’ils vont voir.

Dans la chimie intérieure, le précédent spectacle était vraiment un seul en scène, théâtral et assez fermé dans lequel je ne m’adresse pas tout le temps au publique, avec des scènes éditées dans lesquelles je raconte une histoire avec un peu d’émotion et de l’humour. Là, c’est

Ils connaissent uniquement le personnage et la vibration du passé donc il y a une part d’inconnu et, en même temps, moi, je ne sais pas du tout comment les gens vont réagir donc il y a une part d’inconnu pour moi aussi par rapport à ce que je vais éditer sur scène.

un one man show donc je suis condamné à faire rire les gens pendant une heure et demi parce que c’est le protocole mais je monte sur scène car j’ai des choses à dire. Je ne me suis pas dit que j’allais récidiver parce que le premier spectacle a marché. Il y a des sujets qui me taraudent, me titillent, m’énervent, me ravissent alors j’avais envie d’en parler et comme dans mon métier j’ai plusieurs moyens d’expression, le one man show me semblait parfait parce que je peux à la fois réfléchir sur ce qui m’entoure et faire rire les gens avec, comme je l’ai toujours fait.

Comment réagit le public à ce nouveau spectacle ? Cela fait 6 mois que je joue ce spectacle dans toute la France. Si j’estimais qu’il n’était pas à la hauteur, j’aurais arrêté. Là, je suis comblé et ravi parce que les gens rient beaucoup sur des sujets divers et variés. Il y a beaucoup de personnages… Il y a aussi une interactvitié parce que j’avais envie d’improviser, comme j’aime bien l’exercice, donc je pose cinq question pendant tout le spectacle, ce qui en fait un peu peu l’armature et, en fonction des questions, les réponses ne sont pas les mêmes. Du coup, il y a une partie pendant laquelle je suis sur un fil et j’aime bien.

Pourquoi avoir baptisé ce nouveau spectacle Légitimus Incognitus ? « Incognitus », c’est d’abord parce qu’il y

88

Qu’est-ce qui a inspiré l’écriture de ce nouveau spectacle ?

a l’ADN des Inconnus dans ce spectacle.

Dans les grandes lignes, il y a quelque

J’y fais, évidemment, des petits clins d’œil

chose que je constate depuis des années



: le phénomène du couple. C’est une

rire qui touche.

chose qui me fascine et j’ai remarqué que c’est à cause du couple et des carences affectives qu’on crée des monstres, des pédophiles, des dictateurs, des djiha-

C’est une recette minutieuse, en somme…

distes, des ministres véreux… Après, il

Ce n’est pas une recette, c’est mon style

y a l’homosexualité parce que j’estime

et je le fais naturellement. Il y a des au-

qu’ aujourd’hui, en 2016 et même s’il y

tomatismes. L’autre fois par exemple,

a eu une avancée avec le mariage, c’est

j’ai changé un verbe dans une phrase

un encore un sujet tabou donc j’en parle

qui était « Chérie, arrête de gueuler, on

de manière positive. Ensuite, il y a le

s’entend pas » et qui est devenue « Ché-

thème d’Internet et de tout ce qui est

rie, arrête de gémir, on s’entend pas »

technique. J’imagine dans mon spec-

et là, j’ignore pourquoi mais cela marche

tacle ce qui va se passer dans le futur.

mieux. J’ai remarqué ce genre de choses

On constate certaines choses à l’instant

chez les auteurs célèbres. J’ai notam-

T sans savoir ce qui va se passer dans

ment vu des brouillons manuscrits de

5 ou 10 ans alors je me projette dans le

Victor Hugo qui, dans un poème, avait

futur. Puis, il y a les évènements, à sa-

barré un mot pour le remplacer par un

voir l’actualité qui va avec tout le stress

autre pour finir par barrer ce nouveau

et les frayeurs que nous avons subis ces

mot et lui trouver un autre remplaçant.

derniers mois donc j’en ai fait un sketch

Serge Gainsbourg faisait la même chose

mais c’est toujours à travers des person-

et je trouve cela très intéressant. Avec

nages, d’où l’ADN des Inconnus.

Les Inconnus, on a toujours travaillé de cette manière. On était perfectionniste et on a jeté des centaines de sketchs qui

En combien de temps avez-vous écrit ce spectacle ?

être joués par d’autres mais on estimait

La méthodologie, c’est 5 à 6 heures par

jourd’hui encore, dans mon spectacle,

jour pendant 6 mois à réfléchir, obser-

je change, j’évolue. C’est un spectacle

ver, assimiler, traduire sur du papier,

vivant. Je ne veux pas contenter tout le

mettre des choses sérieuses, décider de

monde mais c’est un spectacle cadré,

quelle manière aborder le thème, quelle

structuré avec son énergie montante,

va être la forme, ensuite les vannes qui

ses petits coups de mou pour que les

vont débarquer toutes les 45 secondes

gens se reposent et ses redémarrages.

pour que les gens puissent rire régu-

Moi, je veux que les gens se marrent

lièrement puisque c’est le rythme ac-

parce que cela les touche.

tuel, mettre un peu d’émotion et un peu de réflexion pour qu’il y ait, des fois, un 90

auraient pu être sympathiques ou même qu’ils n’étaient pas à la hauteur. Au-


Comment s’est construit le spectacle ? Avec un peu de stand-up pour éditer le fait et, très vite, je rentre dans un personnage donc les gens sont témoins d’une situation ou d’une scène qui illustre

déformation professionnelle, je suis toujours en éveil. Même quand je dors, je dois ruminer mais ce n’est pas du travail, c’est une passion donc je n’ai pas l’impression de bosser.

mes propos. C’est riche ! Le spectacle dure 1h30 et cela va vite parce qu’il y a un rythme. Tous les humoristes parlent de la même chose. On parle tous de ce qui nous entoure mais, l’originalité du spectacle réside dans la manière dont j’aborde les thèmes. C’est une forme nouvelle.

Vous avez mis en scène un certain nombre d’humoristes mais vous avez confié la mise en scène de vos propres spectacles à Gil Galliot. Pourquoi ? Justement, je sais combien il est difficile de jouer tout seul et qu’on a besoin d’un d’œil extérieur sinon, mon spectacle aurait duré dans la fabrication

Entre l’écriture et l’interprétation, quelle

beaucoup plus longtemps et serait sorti

étape est la plus difficile ?

d’usine au bout de 2 ans et non au bout

Le plus difficile, c’est de passer du papier au relief, à l’interprétation. Si je lis les phrases « Eh, Manu ! Tu descends ? », « Pourquoi faire ? », cela ne me fait pas marre sur le papier. C’est pareil si je dis « Stéphanie de Monaco » sans une voix, sans un personnage. C’est l’incarnation qui est le plus dur, c’est de trouver la forme qui va rendre vivante la phrase.

de 6 mois. C’est bien d’avoir un cyclope qui observe et qui puisse rectifier comme un mécanicien l’architecture du spectacle, qui puisse suggérer de changer la place d’un sketch en fonction de l’énergie, d’inverser une phrase, de remplacer un geste pour la crédibilité. C’est important d’être aidé. Même au niveau de l’écriture, j’ai pris deux co-auteurs exprès. Je leur ai amené de la matière, il m’ont amené de la matière à leur tour et on a mélangé le tout, ce qui a donné ce

Dans quel contexte aimez-vous écrire ?

spectacle-là. J’ai fait appel à Rémy Caccia qui travaille avec Anthony Kavanagh,

Je peux écrire n’importe où. S’il y a du

Christelle Chollet et Julien Courbet entre

bruit autour de moi, je peux me recen-

autres ainsi qu’Édouard Pluvieux qui est

trer, me concentrer. J’ai la chance de

le co-auteur de Kev Adams. Ainsi, j’ai

pouvoir m’isoler, m’imaginer, me proje-

deux énergies différentes qui se com-

ter. Je peux écrire dans un avion, dans

plètent. J’aime bien le travail d’équipe.

un métro, dans un train. Je suis toujours

Je suis un homme de troupe, c’est plus

en ébullition, c’est même un reflex, une

humain. La préparation et la fabrication 91


d’un spectacle sont autant un plaisir que

mes espérances parce que je ne pen-

de le jouer.

sais pas en arriver là et qu’à 57 ans, les gens puissent encore se déplacer pour rire avec moi de sujets forts et grinçants.

Votre spectacle contient des références aux Inconnus. Ces références étaient-elle évi-

C’est un exutoire pour eux et pour moi aussi.

dentes dès le départ, pour vous ? Oui parce que c’est une manière de rendre au public ce qu’il m’a donné. Ces clins d’œil sont souvent applaudis par les

Vous parle-t-on souvent de vos deux acolytes, Bernard Campan et Didier Bourdon ?

gens comme une réminiscence passéiste.

Tout le temps et avec les mêmes ques-

C’est un peu leur banane de Proust. Tous

tions depuis 20 ans mais c’est normal

les jours, les gens me disent « Vous avez

car les gens ont été touchés et cela me

bercé ma jeunesse » et j’aurais même

touche à moi aussi.

pu appeler mon spectacle ainsi. J’entends aussi beaucoup « Vous faites partie du patrimoine ». Du coup, je suis condamné à être dans une voie malgré

Cela vous agace-t-il ?

moi. Il faut que je l’assume et je trouve

C’est comme si un premier de Polytech-

cela très agréable.

nique était agacé d’être sorti major de sa promotion ou que Neil Armstrong avait été saoulé d’être le premier homme

Le fait d’être dans cette voie vous lasse-t-il ?

à être allé sur la lune. Les Inconnus, c’est

Non. Je souhaite à quiconque de vivre

seuls groupes au monde à avoir gagné

ce qu’on a vécu, que tous les jours, les

autant de prix et à avoir duré aussi long-

gens vous envoient cet amour quotidien.

temps. J’ai lu cela il y a peu de temps sur

Pour moi, c’est très important parce que,

Internet.

un peu la même chose. On est l’un des

quand j’étais enfant, j’ai subi le racisme vu que j’ai la couleur entre deux chaises donc on me prenait soit pour un arabe, soit pour un indien, soit pour un argentin… On ne pouvait pas me situer alors j’étais souvent refoulé pour des raisons bêtes. Aujourd’hui, c’est l’inverse : les

92

En 2014, avec Bernard Campan et Didier Bourdon, vous réfléchissiez à la possibilité de refaire un spectacle ensemble. Qu’en est-il, aujourd’hui ?

gens m’aiment, ils ne voient pas ma cou-

Statu quo ! Pour l’instant, il n’y a rien

leur, ils voient un acteur qui leur a fait

car on n’y pense pas, on n’a pas d’idées

du bien. Je suis aujourd’hui au-delà de



et s’il n’y a pas d’essence dans la voiture,

Lorsque vous tombez sur une diffusion d’un

on n’avance pas. Chacun vaque à ses oc-

sketch des Inconnus à la télévision ou à la ra-

cupations. Bernard est au théâtre, Didier

dio, êtes-vous attentif ?

fait des films et moi, je suis sur scène. On verra…

Cela me fait marrer parce que ce sont des personnages, ce n’est pas moi et c’est ce qui est drôle : je n’ai pas l’impression

Avez-vous été approchés par des producteurs qui ont tenté de vous convaincre de remonter sur scène à trois ?

de me voir. L’autre fois, ma fille regardait mon précédent spectacle. Elle a 6 ans et elle commence à m’imiter. Du coup, je l’ai regardé avec elle et je me suis marré.

Tous les jours ! En même temps, Les Inconnus, c’est du lourd ! On a fait 2,3 millions d’entrées avec le dernier film, Les

Quel regard portez-vous sur la jeune géné-

Trois Frères Le Retour, en 2014. Sur l’échelle

ration d’humoristes ?

du Box Office, ce n’est pas mauvais !

Moi je trouve formidable qu’il y ait tous ces jeunes qui débarquent et qui ont

La critique n’a toutefois pas été tendre avec le film... On a eu des bonnes et des moyennes critiques mais, comme je dis souvent, quand je compare les critiques du premier film en 1995 et celle de 2014, ce sont les mêmes. Nous, on avance et on s’en fout.

des choses à dire. Je m’étais dit qu’il y avait saturation avec la frange de gens qu’on connaît bien comme Franck Dubosc, Florence Foresti, Gad El Maleh et je me suis demandé ce que les autres allaient faire derrière et puis paf ! Il y a des troupes musicales qui sont super drôles. Il y a Les Franglaises qui sont une quinzaine de personnes sur scène. Il y a différentes formes, aujourd’hui. Il y a des acrobates, il y a des musiciens… Il n’y pas que ceux qui font du stand-up. Ils

Quel est votre sketch préféré des Inconnus ? On a écrit plus de 300 sketchs. C’est impossible de choisir ! Comme je le disais tout à l’heure, on en a jeté beaucoup donc on a gardé ceux qui nous plaisaient. Il y a peut-être une affinité pour des sketchs mais ce serait ridicule de dire « J’aime celui-ci ou celui-là ». 94

sont médiatisés et on les prend en télé parce qu’on a besoin d’eux mais quand je vais à Avignon, il y a 1.400 spectacles et les deux-tiers, c’est de l’humour. En France, on est bien loti. Après, cela plaît ou ne plaît pas, chacun trouve son public ou sa cible mais moi, tout me fait marrer parce que je suis très bon enfant. Bien sûr, il y a plus ou moins de sens dans




les spectacles mais j’ai une petite préfé-

C’est un pianiste qui joue un professeur

rence pour les spectacles qui ont du sens

de musique. Je l’avais appelé pour le fé-

et qui sont drôles à la fois.

liciter et il m’a demandé de le mettre en scène donc on a travaillé ensemble. J’aime bien partager des aventures hu-

Allez-vous voir beaucoup de spectacles d’hu-

maines pour me marrer.

mour ? Non. J’y vais vraiment vraiment au feeling parce que je n’ai pas envie d’être empreint des idées des autres. J’aime bien être vierge, surtout quand j’écris. Quand ne suis pas en période créative, j’aime bien aller voir des spectacles mais quand j’écris des choses drôles, je

Lorsque vous participez en guest à « Scènes de Ménage » avec Audrey Lamy ou à une vidéo avec le jeune Norman pour la sortie en salles du film « Les Trois Frères Le Retour », comment vivez-vous l’expérience ?

n’aime pas aller voir les autres, cela me

Je m’éclate ! C’est mon métier. Je ne

parasite.

m’estime pas de l’ancienne génération. Dans ma tête, je ne me dis pas que je suis un vieux ringard. On m’appelle en tant qu’acteur et j’y vais. Dans « Scènes de Ménage », je joue le père de Loup-Denis

Faites-vous des découvertes intéressantes en

Elion et c’est super ! Evidement, je choi-

allant voir des spectacles ?

sis. J’ai beaucoup de demandes et je fais un tri. Norman, je le connaissais et j’ai

Souvent, je ne vais voir que des gens pas

eu l’idée de proposer aux copains de le

connus. Bien sûr, je vais voir mes potes

rejoindre. De même que j’ai eu l’idée de

comme Florence Foresti ou Kev Adams

rejoindre l’équipe de « Very Bad Bla-

mais j’aime bien voir les nouveaux. Là,

gues » qui sont des potes. J’ai toujours

je surveille un mec qui s’appelle Krystoff

été dans la mouvance underground, je

Fluder. C’est un homme de petite taille qui

suis curieux, un peu plus que mes cama-

va déchirer la planète ! Je le suis depuis 3

rades, Didier et Bernard. J’ai même tra-

ans donc j’ai de l’avance et son spectacle

vaillé avec une troupe qui s’appelle Cinq

s’intitule « Oui, Je Suis Noir ! Et Alors ? ».

de Cœur. Ce sont des chanteurs qui

Il joue à l’Apollo Théâtre. Il y a aussi

chantent a cappella. J’ai créé leur spec-

Laurent Barat qui a fait la première par-

tacle précédent. J’y vais au feeling, je

tie de Gad El Maleh pendant un an et

ne fais pas les choses pour l’argent mais

que je mets en scène. Il y a également un

pour le plaisir que cela procure de vivre

autre gars vachement bien qui s’appelle

une aventure humaine et de fabriquer

Alain Bernard et qui passe à l’Alhambra.

quelque chose. Je suis un artisan. 97


RENCONTRE

LES DIVALALA Angélique Fridblatt, Gabrielle Laurens et Marion Lépine forment Les Divalala, un trio de comédiennes et chanteuses à la signature musicale atypique et dont les peformances vocales se font exclusivement a cacpella. Du 19 Septembre au 26 Décembre 2016, elles sont chaque Lundi soir au Théâtre Trévise dans Femme, Femme, Femme, un spectacle plein d’originalité qui fait la part belle à des tubes d’hier et d’aujourd’hui sur une trame féminine mais jamais féministe le temps d’une nuit où tout est possible... PAR Dine Delcroix Photos : Florian Fromentin assisté d’Antony Gomes

98


99


Comment est né le trio Divalala ?

Power (rires).

Gabrielle : Il y a quelques années, j’avais monté une comédie musicale avec douze comédiens sur scène qui utilisait déjà la variété française et à l’intérieur de laquelle il y avait un trio indissociable qui travaillait toujours en harmonies vocales. Le défaut de ce spectacle résidait dans le fait que nous étions douze. J’avais toutefois adoré ce travail de polyphonie et j’ai eu envie de l’extraire et de faire un spectacle à part entière avec cette idée de trois personnes qui chanteraient tout le temps en polyphonie. J’ai rencontré Marion et Angélique sur ce projet pour lequel je souhaitais proposer un parcours sur des chansons d’amour françaises. Dans ce projet, on retrouve l’arrangeur musical Raphaël Callandreau qui était déjà l’arrangeur du spectacle précédent. On a commencé par quelques chansons qui ont fait mouche tout de suite, le principe étant d’utiliser la matière et de la détourner des ses arrangements habituels. Puis, on s’est dit qu’on allait en faire un spectacle. On a passé 4 ans avec le premier et nous voilà au deuxième.

Angélique : Ce n’est pas un concert, c’est vraiment un spectacle musical à part entière avec une dramaturgie.

Peut-on dire que vous êtes un girls-band ? Marion : Un petit peu par la force des choses même si on ne fait pas un spectacle sur nos identités personnelles. On joue plusieurs choses. Gabrielle : Effectivement, dans un girls band ou un boys band, c’est peut-être plus la personnalité de chaque membre qui va jouer alors que nous sommes vraiment comédiennes et qu’on incarne plusieurs personnages différents pendant ce spectacle qui est tout aussi théâtral que musical et c’est important pour nous que ce soit du théâtre aussi… Mais on est très Woman 100

Êtes-vous néanmoins des divas ? Angélique : On est « diva » mais « lala » (rires). Gabrielle : Les deux, oui. Marion : On est divas sur la scène mais pas dans la vie.

Laquelle de vous trois passe le plus de temps à se préparer en loge ? Gabrielle : Moi, je galère plus à me maquiller donc… (rires). Marion : On fait les choses en osmose. On a vraiment le même temps de préparation toutes les trois. En tournée, on fait un peu tout ensemble. Si on a 50 minutes, c’est bien. Angélique : C’est très chorale, oui.

Femme Femme Femme est un spectacle d’humour musical. Le spectacle est-il plutôt conduit par l’humour ou par la musique ? Gabrielle : Je ne dirais pas ‘l’humour’ parce que ce n’est pas que cela. Il y a quandmême des cassures à l’intérieur du spectacle donc ce n’est pas sur un fil drôle de A à Z. Par contre, c’est sûr que c’est sur un fil musical. On prend la parole de temps en temps mais, globalement, c’est musical.



Le fil, c’est plutôt le thème de la femme en crise à un certain moment de sa vie. Angélique : C’est très humoristique mais il n’y pas que cela. Marion : C’est une femme qui vit une crise et, dans la temporalité, cela se passe le temps d’une nuit. Ce n’est pas narratif mais il y a quand-même une logique dans l’enchaînement des chansons et dans ce qu’on vit.

Quelle est, pour vous, la plus grande difficulté

lectionnées les chansons du spectacle ? Marion : On avait le thème de le femme qui a permis de cadrer un peu ce qu’on voulait raconter. Gabrielle : Il y avait des chansons qu’on voulait défendre plus que d’autres. Angélique : On a pioché dans la variété française des chansons sur la femme et on a sélectionné des centaines de titres. Ensuite, en créant notre dramaturgie et notre fil conducteur, on s’est dit que telle chanson collerait à tel moment. C’était comme un puzzle.

dans le fait de proposer un spectacle musical de ce type ? Gabrielle : La difficulté, c’est de trouver la finesse entre les enchaînements, le lien entre chaque chanson. On a passé beaucoup de temps à penser l’enchaînement des chansons, à les choisir. On sait qu’on joue aussi avec l’imaginaire collectif des gens et on ne le maîtrise pas, pour le coup. Il y a ce qu’on veut raconter et tout ce que les gens vont se raconter aussi. Angélique : On a passé du temps à chercher quel style on voulait donner à chaque chanson puisqu’elles sont complètement réarrangées. Marion : Il y a également le fait que ce soit des reprises de chansons connues qui renvoient les gens à des souvenirs, à une époque alors que nous, on les met dans un spectacle, dans une succession qui doit être cohérente et raconter quelque chose aussi. Les chansons sont très fortes.

Tout au long du show, vous vous appropriez des tubes à votre manière. Comment ont été sé102

Y a-t-il des chansons qui vous tenaient à cœur mais qui n’ont pas été retenues ? Angélique : Il y a La Bombe Humaine de Téléphone, par exemple, mais qui ne collait finalement pas... Marion : Après, on oublie un peu parce que les choses se mettent en place. Il y en a même qu’on travaille parfois, qu’on fait arranger par notre directeur musical pour finalement devoir y renoncer. C’est dur mais le spectacle prime. On n’est pas là que pour se faire plaisir. Gabrielle : Dans le choix, on fait justement attention à avoir un bon mélange de styles et d’époques. Ce qui nous intéresse aussi, c’est de prendre des chansons qui nous paraissent légères quand on les écoute et de leur donner de la force par un arrangement inattendu qui va mettre en valeur les paroles.

Régine, Beyoncé, Stromae, Sia, Dalida, Ophélie



Winter… N’est-ce pas un peu risqué de mélanger

tulé Femme Femme Femme, cela peut s’ap-

autant de genres musicaux ?

parenter à un certain féminisme. Vous rendez

Angélique : Tout le monde peut justement s’y retrouver. Il y a des chansons qui parlent à un certain type de public et d’autres qui parlent à d’autres. Il y a des découvertes pour certains qui sont des tubes pour d’autres générations. On défend toutes les chansons de la même façon et avec la même sincérité. Marion : Ce qu’on aime faire, c’est mélanger ces différents publics. On a le même respect pour le travail musical qu’il y a derrière chaque chanson. Gabrielle : Ce grand écart est plaisant mais l’exigence musicale reste la même pour tous les styles.

Quel est justement le public d’un spectacle aussi éclectique ? Gabrielle : Déjà, sur le premier spectacle, c’était étonnamment intergénérationnel. Là, on a un cœur de cible entre 30 et 50 ans mais j’ai l’impression qu’on a aussi des adolescents entre 12 et 18 ans qui sont très enthousiastes. Angélique : On avait envie de se moderniser. On a déjà eu un public un peu plus âgé avec le premier spectacle et cela s’est très bien passé. Marion : On aimerait que cela s’élargisse au maximum. Dans ce deuxième spectacle, je pense qu’on a un répertoire beaucoup plus large.

Trois artistes féminines dans un spectacle inti104

néanmoins hommage à des artistes masculins durant le show. Était-ce important, pour vous, de mettre aussi en avant des hommes ? Gabrielle : On s’est posé la question à un moment mais on ne voulait pas se priver de belles chansons et de beaux auteurs qui avaient tout leur sens dans le contexte de notre dramaturgie. Dans sa chanson Tous Les Mêmes, Stromae est à la fois homme et femme. De même, la chanson Avec Le Temps de Léo Ferré peut aussi bien être interprétée par une femme que par un homme. J’ai, pour ma part, connu cette chanson par la version de Dalida. Je ne pense pas qu’un homme puisse sortir de notre spectacle en se sentant exclu de ce qu’il vient de voir. C’est un spectacle féminin mais pas féministe. Angélique : C’est « Femme » avec un « F » majuscule donc cela aurait pu également être « Homme ». Le spectacle raconte l’histoire d’une femme mais je trouve que cela pourrait aussi raconter l’histoire d’un homme. C’est un point de vue féminin mais pas tout le temps. Marion : Les étapes qu’on traverse sont des étapes que des hommes et des femmes traversent de la même façon. On n’est pas dans un truc revendicatif. Notre metteur en scène est un homme, d’ailleurs.

Lorsque vous êtes sur scène, qu’est-ce qui peut vous déconcentrer ? Gabrielle : Cela dépend de la taille de la salle mais, dans des petites salles, un téléphone qui sonne est très parasite. On chante a cappella donc sans le soutien



d’instruments et un téléphone peut causer une fausse note. Il y a aussi, parfois, des gens qui chantent avec nous parce qu’ils se sentent bien et je ne veux pas du tout qu’ils s’en privent mais cela peut être déconcentrant. Angélique : Parfois, il y a des parfois qui nous parlent mais c’est rare (rires). Des fois, je peux croiser le regard de quelqu’un dans le public et perdre le fil. Marion : On s’entraide car le chant a cappella demande une concentration mais la question dépend du rodage. Quand on est très rôdé, on peut être plus victime de la déconcentration parce qu’on a une confiance et des automatismes. Les gens ne me gênent pas, en général.

Plus que tout, votre voix est un précieux outil de travail. Comment en prenez-vous soin ? Marion : On ne fume pas et le sommeil reste la meilleure arme. Gabrielle : On boit après avoir joué (rires). Angélique : Le matin : un thé au miel.

ter sur ma voix à la fin du spectacle. Le fait aussi qu’on soit en polyphonie nous donne plus de force. Marion : On se connaît bien maintenant, et il y a une confiance à force de chanter ensemble. Le fait est aussi qu’on ne vient pas faire un récital avec des vocalises. On a des choses qui sont musicalement très écrites mais on est aussi dans l’interprétation et, même quand on a des moments de fatigue vocale, il reste toujours d’autres choses à faire passer. Les gens viennent aussi chercher une émotion.

Quels sont vos spectacles musicaux préférés ? Angélique : Martin Guerre. C’est une comédie musicale écrite par Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg que j’ai eu la chance de voir à Londres il y a une vingtaine d’années. C’était très épuré au niveau des décors, ce qui est rare dans les comédies musicales mais c’était une belle histoire d’amour et d’amitié avec des artistes extraordinaires. Marion : Moi, c’est West Side Story. C’est le summum et il n’y a rien au-dessus. Gabrielle : Moi j’ai été biberonnée à Car-

Que faites-vous en cas de « panne » vocale ? Gabrielle : Avec le temps, j’ai la sensation que peu de choses peuvent altérer la voix. À la limité, il peut y avoir un inconfort dans le sens où je peux, par exemple, me sentir enrouée mais je sais, avec le travail de toutes ces années, que cela ne va pas s’entendre. Cela me détend par rapport à une certaine époque ou je paniquais dès que j’avais un truc à la gorge. J’ai d’ailleurs déjà chanté avec une laryngite et des gens sont étrangement venus me complimen106

men et j’ai aussi été marquée dans un contexte différent par une comédie musicale de Claude-Michel Schönberg dans laquelle mes frères avaient joué et qui s’intitule La Révolution Française. C’est un peu kitsch mais c’est vraiment ma première rencontre avec la comédie musicale. Je connaissais par cœur toutes les chansons de ce spectacle que peu de gens connaissent. C’est un souvenir d’enfance qui a probablement fait naître en moi l’envie de chanter.



EN COUVERTURE RENCONTRE

les demi frères


Les Demi-Frères sont de retour du 8 Septembre 2016 au 14 Janvier 2017 au Théâtre de l’Archipel avec Duo sur Nougaro, un spectacle d’humour musical construit autour de l’œuvre de Claude Nougaro où s’entremêlent émotion, théâtre et magie sous la direction scénique de Renaud Maurin. Rencontre avec Laurent Conoir et Mehdi Bourayou, les deux artistes qui composent ce duo. Par Dine Delcroix / Photos Florian Fromentin


l’humour, du music hall, du cabaret, des arts de la scène en général… Mehdi : Mes parents m’ont dit que j’ai voulu faire du piano vers l’âge de 6 ans. J’ai été au conservatoire de Colmar. Ensuite, j’ai fait des études et je suis monté à Paris pour faire de la radio. Puis, par des amis communs mais assez indirectement, on a été amené à se rencontrer avec Laurent qui, lui, sortait du Cours Florent. Avant de rencontrer Laurent, je n’avais pas fait de scène.

Qu’est-ce qui a fait naître en vous le goût des arts de la scène ? Laurent : En ce qui me concerne, par le plus grand des hasards, je me suis retrouvé, enfant, à chanteur dans le Chœur

110

Comment vous êtes-vous rencontrés, tous les deux ?

d’enfants à l’Opéra de Paris. Mes pa-

Laurent : Au sortir de l’école Florent,

rents ne savaient pas trop quoi faire de

on était un petit groupe d’élèves et on

moi le mercredi et le samedi. Comme

se doutait qu’on n’allait pas forcément

je n’étais pas très sportif, je me suis re-

tous faire du cinéma donc on s’est un

trouvé soliste alto dans ce chœur en 1980

petit peu fédéré. On a monté une com-

dans Tosca de Giacomo Puccini. Le fait

pagnie et on avait un projet de spectacle

de se retrouver dans le grenier de l’Opéra

vivant et musical autour de Boris Vian.

où il y a les ateliers de costumes, de voir

On s’était dit qu’on serait une dizaine

des chanteurs incroyables, d’entendre

de comédiens-chanteurs sur scène et

pour la première fois un orchestre dans

qu’on aurait un big band sur scène. On

un théâtre aussi beau, d’assister aux ré-

a rencontré un big band en banlieue pa-

pétitions, de prendre le train… Je pense

risienne qui nous a présentés à un jeune

que tout cela a donné la petite graine à

musicien pour nous faire travailler sur

la fois du théâtre et de la musique, ce qui,

des chansons. Ce jeune musicien, c’était

après, a été un petit peu le fil conducteur

Mehdi. Sur ce projet, de tout le big band,

de l’aventure puisque les spectacles des

seul Mehdi est resté et de tous les comé-

Demi-Frères sont un peu au carrefour de

diens-chanteurs, je suis le seul à être

la chanson, de la musique, du théâtre, de

resté dans cette idée. On travaillait dans




un petit studio que Mehdi occupait à ce

Comment avez-vous choisi le nom de votre

moment-là. Plus tard, un petit cabaret de

duo scénique ?

Belleville qui n’existe plus aujourd’hui et qui s’appelait Le Coin De Verre nous a proposé en Janvier 1994 de faire la première partie d’un chanteur, un soir. Un mois avant la soirée, le patron de ce cabaret nous informe que le chanteur vient d’annuler sa prestation et nous demande faire la première partie ainsi que la deuxième. Ce qui n’était pas encore un spectacle puisqu’il n’y avait qu’une occasion de le faire, est devenu une aventure, une rencontre de deux gamins avec Boris Vian, les années 50, Saint-Germaindes-Près, l’anticonformisme et le jazz. On mettait beaucoup d’insolence dans ce qu’on faisait. On faisait des détournements en respectant les textes mais on pouvait partir en vrille et proposer des versions un peu étonnantes. Comme tous les duos, on est trois puisqu’un troisième larron en la personne de Renaud Maurin avait rejoint l’aventure pour nous mettre en scène deux jours avant. C’est le monsieur qui nous met en scène encore aujourd’hui. Il y a eu ensuite plusieurs soirées dans ce même lieu puis un petit

Laurent : Après ce premier spectacle, Du Vian Dans Mon Crâne, on nous appelait Les Vian puisqu’on reprenait le répertoire de Boris Vian. Il nous fallait trouver un nom pour d’éventuels autres spectacles. On a travaillé le chant avec plusieurs professeurs de chant dont une femme exceptionnelle qui s’appelait Christiane Legrand et qui n’est plus là. Christiane était la sœur du compositeur Michel Legrand et elle était une figure du jazz vocal en France dans les années 50 et 60 puisqu’elle faisait partie des groupes mythiques Double Six et Swingle Singers, des groupes qu’on entend souvent dans des publicités ou au cinéma. Elle a aussi beaucoup doublé des acteurs dans les films de Jacques Demy. Quand on a dû choisir un nom, il y avait donc « Demi » par rapport à Jacques Demy et les « Frères » par rapport à Michel Legrand, frère de Christiane, au groupe The Blues Brothers, au duo Les Frères Ennemis, au groupe Les Frères Jacques etc.

théâtre parisien a programmé notre spectacle. Petit à petit, il y a eu de la lumière, des costumes, du son et tout un travail

Avez-vous des points communs avec

visuel qui n’existait pas au départ. C’est

d’autres duos d’humoristes célèbres ?

devenu un spectacle qu’on a joué pendant 10 ans avec plus de 500 représen-

Laurent : Par rapport à d’autres duos

tations. On l’a joué de Belleville jusqu’à

d’humoristes

Seoul en Corée. Ce spectacle nous a mis

té importante et qui touchent un très

le pied à l’étrier.

grand public, nous, on est dans une caté-

qui

ont

une

notorié-

gorie de spectacles plus confidentielles, on n’a pas forcément de pouvoir média113


tique. C’est vrai que la complémentarité

Préhistoire se terminait bizarrement sur

dans un duo fonctionne vraiment sur des

la figure de Claude Nougaro qui faisait

registres complémentaires d’humour.

une parodie de sa chanson Nougayork.

Notre nature fait qu’il y un tempérament

On y a vu un signe en se disant que cela

qui se prête à cela. Nous sommes diffé-

se donnait peut-être la main.

rents mais complémentaires et complices avec les mêmes exigences. Mehdi : Il y a des réflexes qui doivent effectivement être les mêmes dans tous les duos, même dans des duos de sketchs comme Eli et Dieudonné ou Chevalier et Laspalès. Il y a des points communs, oui.

Claude Nougaro fait-il partie de vos influences musicales ? Laurent : Oui, on l’a même vu sur scène. Mehdi : On s’en est justement rendu compte le soir où on a écouté ses disques à trois. On a découvert, en travaillant, que

Comment est né le le spectacle Duo Sur

ses textes sont d’une poésie incroyable !

Nougaro ? Mehdi : On était parti avec notre metteur en scène, Renaud Maurin, pendant une dizaine de jours dans une maison

Quelle difficulté majeure avez-vous rencon-

de famille pour travailler. Il y avait une

trée en créant un spectacle humoristique au-

piscine et il faisait beau donc ce n’était

tour de Claude Nougaro ?

pas désagréable. On écrivait et on jetait beaucoup de choses au point de se re-

Laurent : Nougaro se prête moins à l’hu-

trouver avec une poubelle pleine. La

mour car il est plus écorché avec une

veille du retour à Paris, un dimanche

poésie plus capiteuse. En même temps,

soir, on s’était mis dans le salon pour

il avait une agilité des mots et une envie

boire un coup et il y avait plein de disques

de faire swinger la langue française, de

dont l’intégrale de Claude Nougaro alors

jouer avec les mots…

on a passé la soirée à écouter ses albums. On est rentré à Paris le lendemain en n’ayant rien écrit mais on savait qu’on voulait faire ce spectacle. Après, tout s’est fait très vite. Laurent : Notre précédent spectacle, Les 114

Demi-Frères, Stars de l’Histoire depuis la

En travaillant sur ce projet, avez-vous appris des choses que vous ignoriez sur Claude Nougaro ?


Laurent : Oui. On a notamment eu le

au-delà des tubes et de faire vivre un ré-

plaisir de rencontrer des gens qui étaient

pertoire.

proches de lui dont sa dernière femme qui nous a encouragés à faire un spectacle plutôt drôle parce que Nougaro adorait délirer avec ses chansons ou que les autres délirent avec ses chansons. Cé-

Quelle chanson du répertoire de Claude Nougaro vous parle le plus ?

cile, sa fille qui est venue voir le spectacle

Mehdi : Pour faire simple, je dirais « Cé-

à deux reprises, a justement aimé le fait

cile Ma Fille » que je chante dans le spec-

qu’on allège tout cela tout en étant à l’os

tacle. Elle a été écrite en 1963 mais elle

de la poésie. Elle avait l’habitude de voir

fait partie des chansons intemporelles.

des gens du jazz reprendre ses chansons

Tout y est dit avec peu de mots et il n’y a

un peu froidement.

même pas une virgule à changer.

Mehdi : On tourne un peu dans toute

Laurent : Moi, dans un autre registre un

la France et certains techniciens ont eu

petit peu moins connu, j’aime beaucoup

l’occasion de travailler avec lui nous ra-

la chanson « Île de Ré ». C’est un texte

content des anecdotes. Il faisait venir tout

assez étrange et morbide. Il y a une réfé-

le monde à sa table après le spectacle.

rence à Barbe Bleue très claire dans cette

C’était festif et cela pouvait durer jusqu’à

chanson.

tard la nuit. On a rencontré aussi son ancien agent et on en apprend toujours sur sa personnalité, sur comment il se comportait avant, pendant et après la scène.

Comment vous êtes-vous préparés pour jouer ce spectacle ? Mehdi : Sans exceller, on met un niveau. On ne veut pas faire quelque chose si on ne sait pas bien le faire. Le spectacle vi-

Comment avez-vous sélectionné les chansons

vant, c’est du jonglage avec un peu d’ins-

du spectacle ?

tinct du retour des gens.

Mehdi : On a choisi assez volontairement

Laurent : On ne veut pas singer les

le grands tubes parce que le public veut

choses. Cela tient aussi de la mise en

les entendre ainsi que les grands textes,

scène. On veut du rire, de l’émotion et

les mots qui nous touchaient.

de la surprise. Il faut déstabiliser un peu

Laurent : Ce qui fait qu’on entend aussi dans ce spectacle des chansons de son répertoire un peu moins connues. C’est important de faire découvrir un artiste

le spectateur. Il faut choisir le beau programme. C’est l’architecture du spectacle qui est compliquée. 115


MODE

PAR TATIANA DUMABIN PhotoS FRANCOIS BERTHIER

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Total look ELISABETTA FRANCHI | Perle neckless CAROLINE NAJMAN | Rings MEDECINE DOUCE




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Jacket ELISABETTA FRANCHI | T-shirt HARMONY | Lingerie AGENT PROVOCATEUR | Perle neckless CAROLINE NAJMAN | Bracelets SCOOTER | Rings MEDECINE DOUCE



Jacket TALBOT RUNHOF | Panties AGENT PROVOCATEUR | Shoes ROBERT CLERGERIE | Perle neckless CAROLINE NAJMAN | Diamants neckless SHOUROUK | Bracelet and ovale ring SCOOTER | Rings MEDECINE DOUCE


Above Jacket MARC JACOBS at THE OUTNET.COM | Jumpsuit INGIE PARIS | Cardigant CLAUDIE PIERLO | Shirt ASH STUDIO | Shoes LK BENNETT | Perle neckless CAROLINE NAJMAN | Long colar DOLCE&GABBANA | Ovale ring and Bracelets SCOOTER | rings MEDECINE DOUCE

Right Fur SAINT LAURENT PARIS | Perle neckless CAROLINE NAJMAN | Long colar DOLCE&GABBANA | Ovale ring SCOOTER | rings MEDECINE DOUCE



Fur GERTRUDE | Dress GUESS | Bra GIRLS IN PARIS | Tights and panties FALKE | Neckless CAROLINE NAJMAN |

Mua FRANCESCO SPADARO Hairstylist MALOU OKUMU LUHAKA Photo assistant MARTIN LAGARDERE Style assistant MARVIN LATOURNALD Shot at STUDIO TEN FEET UNDER



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LA FILLE QUI REND BLIND

ANNE SERRA

Par Dine Delcroix Photos : François Berthier Anne Serra incarnait récemment Alice dans le film Parenthèse de Bernard Tanguy dont la sortie DVD est prévue pour la fin de l’année. On verra également la jeune comédienne dans le troisième volet de Brice de nice, en salles le 19 Octobre 2016. Make up : Emilie Peltier


SERRA


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