Blindmagazine#10

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INTERVIEWS EXCLUSIVES

Février 2014 #10 ISSUE

AS ANIMALS CASCADEUR THE BAND PERRY BASTILLE TOMAS LEMARQUIS JOSE PADILHA JOEL KINNAMAN FREDRIKA STAHL

ABBIE

CORNISH

ROBOCOP GIRL

OWLLE / CAROLINE DUCEY / BEATRICE ROSEN / YODELICE / ERIC-EMMANUEL SCHMITT / ARMELLE DEUTSCH / SKIP THE USE


CONTRIBUTEURS

FONDATEUR, DIRECTEUR DE LA REDACTION, REDACTEUR EN CHEF CINEMA & DIRECTEUR DE LA CREATION FR A NCOIS BERTHIER

REDACTEUR EN CHEF, REDACTEUR EN CHEF MUSIQUE DINE DELCROIX

RÉDACTRICE EN CHEF BEAUTE & NEWS AUR IA NE BESSON

JOURNALISTES Soisic Belin, Auriane Besson, Dine Delcroix, Sarah Drenca, Justin Kwedi, Fernando Ramirez, Anthony Verdot-Belaval

PHOTOGR APHES François Berthier, Patrick Fouque, Martin Lagardère, Quentin Maignien, Rod Maurice, Joffrey Montes

CONTACT REDACTION & PUB theblindmagazine@gmail.com

TheBlindMagazine est édité par la société Ten Feet Under / Tous les textes et photos sont soumis par leurs auteurs qui acceptent leur publication, et n’engagent que leur responsabilité.


EDITO #10 Notre numéro de février est on ne peut plus éclectique ! De la musique avec Skip The Use, Owlle, ou encore The Band Perry. Du théâtre avec le brillant Eric Emmanuel Schmitt, du cinéma avec les acteurs Caroline Ducey, Tomas Lemarquis… et notre dossier spécial RoboCop ! Les deux acteurs du film Abbie Corbish, Joel Kinnaman et le réalisateur José Padilha nous ont accordé un long entretien exclusif, et nous racontent leurs parcours et les secrets de tournage de la toute nouvelle superproduction Made in Hollywood. Retrouvez également un édito mode avec en guest Solweig Rediger-Lizlow, nos chroniques musique, et bien sûr nos news culture et beauté ! Par ailleurs, pour fêter les 1 an de TheBlindMagazine le numéro d’avril sera exceptionnellement édité en nombre limité ! Avec des interviews exclusives et un portfolio exclu des plus belles photos de Blind depuis 1 an ! Si vous souhaitez réserver un exemplaire (16€), envoyez-nous un mail avec vos noms et coordonnées à theblindmagazine@gmail.com On vous répondra avec grand plaisir dans les plus brefs délais.

Très bonne lecture à toutes et tous !

L’équipe TheBlindMagazine

facebook.com/Theblindmagazine twitter.com/Blind_Magazine


SOMMAIRE

FEVRIER 2014

60 52

28

8 Blind Beauty

28 Skip The Use

14 Blind News

34 Cascadeur

18 Beauté 20 L’instant Live Yodelice 22 As Animals

4

42 Eric Emmanuel Schmitt 52 Owlle 58 Tomas Lemarquis 70 Dossier Spécial RoboCop


Direction Eric-Emmanuel Schmitt & Bruno Metzger

THEATRE RIVE GAUCHE FRANCIS JEAN-CLAUDE HUSTER DREYFUS

LA TRAHISON D' STEVE SUISSA

Photo : Pascal-Ito

ERIC-EMMANUEL SCHMITT avec

mise en scène

DAN HERZBERG

Décor Stéfanie JARRE - Costumes Pascale BORDET - Lumières Jacques ROUVEYROLLIS assisté de Jessica DUCLOS Musiques Maxime RICHELME - Vidéo Antoine MANICHON - Assistante à la mise en scène Stéphanie FROELIGER

LOCATION : 01 43 35 32 31 www.theatre-rive-gauche.com Magasins Fnac - Carrefour 0 892 68 36 22 (0,34€/min) www.fnac.com 6, rue de la Gaîté - 75014 Paris - Métro Edgar Quinet ou Gaîté

Rejoignez-nous sur

5

Création

de

Licences : 1-1060940 & 2-1060942

EINSTEIN


SOMMAIRE

72

114

72 EN COUVERTURE Abbie Cornish 76 Joel Kinnaman 78 José Padilha 80 Blind Truth Armelle Deutsch 86 Fredrika Stahl

6

96 Caroline Ducey 106 Blind Test The Band Perry 112 Interview 1ère fois Bastille 114 MODE 120 La fille qui rend Blind Béatrice Rosen


124


BLIND BEAUTY LA PALETTE UNIVERSELLE SMASHBOX

La palette universelle - SMASHBOX 47€ Disponible chez Sephora et sur sephora.fr

Après 9 ans de recherches, et un nombre incalculable de yeux analysés, Smashbox a crée une palette universelle pour répondre aux besoins de chacun. Une palette équilibrée de quatorze teintes, du « nude » au noir intense, avec des couleurs scintillantes et irisées sur la rangée du haut, et mattes sur celle du bas, vous trouverez facilement les tons pour magnifier votre regard.

EYE PRIMER TOM FORD Ce petit pot en deux compartiments dissimule deux textures qui rallument le regard ! Un anticerne sous forme de crème dont la formule contient le Complexe Infusion exclusif à Tom Ford Beauty, et une poudre transparente qui fixe le résultat et assurera la bonne tenue des ombres à paupière. Le fini œil vif est assuré, le tout sans effet de matière ! Eye Primer - Tom Ford Beauty 44 €

ROUGE COCO CHANEL Rouge coco est le rouge crème hydratant culte de Chanel ! Des pigments d'une extrême finesse, une hydratation longue duré, une texture crémeuse et douce, un packaging luxueux : le résultat est satiné et lumineux. Pour le printemps, il se décline dans une nouvelle teinte rose bleuté, la teinte 59 Dédicace ! Rouge Coco - CHANEL Collection « Notes de Printemps » Teinte 59 Dédicace 31€ 8


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POUDRE COMPACTE HD MAKE UP FOR EVER

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On connaissait déjà la poudre libre HD de Make Up For Ever, capable d’atténuer les imperfections tout en répondant à l’exigence de finesse ultime du HD. La marque a innové en proposant désormais une nouvelle formule compacte. Totalement transparente sur la peau, elle floute les imperfections, matifie et est imperceptible à l’œil nu ! Cette poudre universelle assure à toutes les carnations une unification du teint, une perfection du grain de peau et une matité naturelle sans dessécher grâce à l'acide hyaluronique présent dans le produit. Extra-fine, elle ne laisse aucun effet de matière sur la peau, ce qui évite le côté « plâtre » des autres poudres. Plus pratique que la poudre libre et facilement transportable grâce à cette version nomade, on n’a jamais testé une poudre aussi géniale ! Poudre Compacte HD - MAKE UP FOR EVER 6,2 gr - 33 € En exclusivité chez Sephora

MASTER KAJAL GEMEY MAYBELLINE Gemey Maybelline sort Master Kajal, un eye liner en stick pratique à la tenue longue durée. Sa texture crémeuse, composée de pigments saturés et riche en huile d’orient, offre un tracé net et une couleur intense. Le cône applicateur n’a pas besoin d’être aiguisé ; non irritant, il est parfait pour maquiller le bord interne de l’œil. Et pour un effet plus prononcé, dessinez d’un trait épais le bord extérieur, pour un regard oriental hypnotique. Master Kajal - GEMEY MAYBELLINE 3 teintes : Pitch Black - Lapis Blue - Dark Jade Disponible en grande distribution 10,20 €

9


LES NOUVEAUX « BLUR » Les Blur (« flou » en anglais) sont ces produits à textures Photoshop qui corrigent les petites imperfections de la peau grâce à des formules à base d’élastomère de silicones. Ils agissent sur le microrelief cutané en lissant ridules, cicatrices, ou pores trop visibles. Petite sélection des dernières nouveautés très pratiques, pour peau zéro défaut en quelques secondes… Nude Magic Blur Cream L’OREAL PARIS

C’est la BB Blur ! Elle floute ET permet des petites retouches teint au cours de la journée. Easy ! 14,50€

Lisseur Optique 5 secondes GARNIER

Mister Eraser GIVENCHY

Matité, action soft focus Ce crayon malin est la et effet comblant : l’effi- version solide des blurs cacité à effet immédiat. en tube ! Du bout de sa 11,20€ mine siliconée, il dépose un film extra-fin qui efface d’un seul trait la moindre imperfection. Edition limitée 29€

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BRIT RHYTHM FOR HER BURBERRY

T S U M AVE H Burberry lançait en septembre dernier sa nouvelle fragrance masculine : Rhythm. La marque la décline désormais dans sa version féminine. Une eau insolente et sexy, jouant sur le contraste des notes masculines (vétiver, poivre rose) aux matières plus féminines (fleur d’oranger, iris…) comme un clin d’œil aux pièces rock androgynes de la griffe. Une création olfactive élégante, terriblement anglaise.

SUKI WATERHOUSE L’EGERIE !

Brit Rhythm for her - BURBERRY 67 € Disponible en février 2014

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COLLECTION "LA ROSE" DIPTYQUE

Après avoir sorti il y a deux ans, l’Eau Rose, une eau de toilette florale qui célèbre la multiplicité des facettes olfactives de la rose, Diptyque propose deux produits de soin dérivés de cette eau sobre et majestueuse. Le voile lacté qui enveloppe le corps d’un souffle de fraicheur : la peau est hydratée et douce grâce au squalane - un dérivé de l’huile d’olive - et à l’huile de rosier muscat. L’émulsion pour les mains : une texture légère et généreuse enrichie d’huile de macadamia et d’aloe vera. Et pour parfaire le tout, Diptyque propose aussi une nouvelle édition limitée de la bougie Rosa Mundi, compagne de l’Eau Rose. Idéal pour passer l’hiver… Collection « La Rose » - DIPTYQUE - Voile lacté pour le corps Eau Rose, 200 ml - 35 € - Emulsion pour les mains Eau Rose, 50 ml - 25 € - Bougie Parfumée Rosa Mundi, 190g - 50€ (en édition limitée) diptyqueparis.com

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CRÈME YEUX SUPER CORRECTRICE BIO-PERFORMANCE SHISEIDO L’acide hyaluronique, ingrédient phare de la ligne Bio-Performance, se retrouve dans cette crème haute technologie, spécialement conçue pour corriger efficacement les premiers signes de relâchement cutané autour de l’œil. Imparable aussi pour défatiguer le regard et lisser toutes les ridules, elle restaure l’élasticité précieuse de la zone délicate du contour de l’œil. Tonicité garantie ! Crème Yeux Super Correctrice Bio-Performance SHISEIDO Flacon pompe de 15ml - 67€

COLLECTION CORRECTEUR CLINIQUE STRI VECTIN StriVectin, se lance dans le domaine des crèmes teintées avec sa collection Correcteur Clinique, une collection de traitements CC spécialement formulée pour corriger, protéger et améliorer le grain de peau du visage, des yeux et des lèvres. On y trouve une CC crème pour le visage à la protection SPF 30, à appliquer en dernière étape de sa routine soin, qui atténue instantanément les défauts de la surface de la peau pour un teint lumineux et corrigé. Le soin CC pour les yeux illumine le regard, hydrate et dissimule les imperfections, des cernes jusqu’aux ridules du contour de l’œil. Et notre coup de cœur : le baume à lèvre (ou CC Baume !). Prune ou rose sorbet, avec là aussi un indice SPF 20, il atténue les rides du contour des lèvres et rehausse leur couleur naturelle pour un effet bonne mine. Des lèvres radieuses, et en bonne santé ! Collection Correcteur Clinique - STRI VECTIN - Soin Revitalisant Anti-Age pour le Visage SPF 30 - 39€ - Soin Illuminateur Anti-Age pour les Yeux - 29€ - Baume Lèvres Teinté Anti-Age SPF 20 - 19€ Disponible en exclusivité chez Sephora

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BLIND NEWS LES ALBUMS LES PLUS VENDUS EN FRANCE EN 2013 Pour la première fois depuis 2002, le marché de la musique enregistrée (CD, vinyle et numérique) a progressé de 0,9% en 2013. Un chiffre qui peine toutefois à masquer les défis qui restent à dépasser pour le monde de la musique en France comme ailleurs dans le monde, où Internet a complètement changé la donne. Côté classement, le SNEP a donc dévoilé les chiffres et sans surprise Stromae écrase tout le monde (l’album Racine Carrée s’est écoulé à 1,1 million d’exemplaires, ce n’est plus arrivé en France depuis plus de 10 ans). On note un top 20 exclusivement francophone (à l’exception de Bruno Mars) et encore une fois une année marquée par le succès des compilations et albums de reprises (Génération Goldman), des artistes étiquetés NRJ (Tal, Christophe Maé, Zaz). Les Daft Punk et Indochine sauvent un peu le côté variété ultra mainstreem très dominant de ce classement. A vous de juger ! 1. Stromae - Racine carrée (1.154.000 ventes) 2. Daft Punk - Random Access Memories (515.000 ventes) 3. Maître Gims - Subliminal (493.000 ventes) 4. Bruno Mars - Unorthodox Jukebox (431.000 ventes) 5. Les Enfoirés - La boîte à musique des Enfoirés (408.000 ventes) 6. Zaz - Recto Verso (388.000 ventes) 7. Christophe Maé - Je veux du bonheur (387.000 ventes) 8. Divers - Génération Goldman (291.000 ventes) 9. Florent Pagny - Vieillir avec toi (281.000 ventes) 10. Divers - Génération Goldman Vol. 2 (272.000 ventes) 11. Divers - Robin des Bois, ne renoncez jamais (269.000 ventes) 12. Divers - Forever Gentlemen (226.000 ventes) 13. Tal - A l'infini (218.000 ventes) 14. Divers - We Love Disney (209.000 ventes) 15. Divers - NRJ Music Awards 15th Edition (202.000 ventes) 16. Emmanuel Moire - Le chemin (197.000 ventes) 17. Divers - NRJ Music Awards 2013 (189.000 ventes) 18. Céline Dion - Loved Me Back to Life (185.000 ventes) 19. Les Stentors - Une histoire de France (182.000 ventes) 20. Indochine - Black City Parade (178.000 ventes)

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RICCARDO TISCI RÉINVENTE LA AIR FORCE ONE DE NIKE Riccardo Tisci, directeur artistique de Givenchy collabore cette saison avec Nike pour une collection capsule exclusive autour de la basket iconique Air Force One. Au programme, 4 modèles à la fois couture et urbains qui hissent la basket au rang de véritable objet de mode. Quatre versions (basse, medium, haute et sous le genou) au style unisexe et universel, la Nike Air Force 1 étant l’une des paires de chaussures les plus portées au monde. L’ultra chic de Givenchy associé à l’insolence du streetwear !

Disponible à partir du 1er mars dans une sélection de boutiques Nike et sur Nikelab.com En édition limitée Environ 200€ 15


HENRI CARTIER-BRESSON AU CENTRE POMPIDOU

D.R.

Dix ans après la disparition de « l’œil du siècle », le Centre Pompidou consacre au photographe français, figure emblématique de l’art moderne, pionnier du photojournalisme, la première grande rétrospective présentée en Europe, événement particulièrement attendu dans le monde de la photographie. En réunissant plus 350 tirages, films, documents et archives, cette exposition inédite propose une relecture des grands événements du XXe siècle à travers le regard du cofondateur de l’agence Magnum. Car se pencher sur l’œuvre de Cartier-Bresson, c’est découvrir son engagement politique, son humanisme, et c’est ouvrir les archives de l’un des grands témoins de la Guerre d’Espagne, de la Seconde Guerre mondiale ou de la décolonisation.

Rétrospective Henri Cartier-Bresson - Centre Pompidou A partir du 12 février, jusqu’au 9 juin 2014 Du mercredi au lundi de 11h à 21h, fermé le mardi.

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PHILIPPE LEVY EXPOSE AU CAFÉ DE LA DANSE

©Philippe Levy

Depuis presque trente ans et la création de son fanzine, "Les instants sont étranges", Philippe Lévy concilie ses deux passions, la photographie et la musique. Résultat, il a shooté une foule d'artistes et de groupes, de Nirvana à Etienne Daho, de Daft Punk à Damon Albarn ou encore Bjork et Pavement, avec toujours cette obsession du regard. Le Café de la Danse accueille ses 158 portraits jusqu’au 1er avril où se mélangent époques, genres et visages iconiques. So punk.

Exposition photo de Philippe Levy - Café de la Danse 5, passage Louis Philippe 75011 Paris Jusqu’au 1er avril 2014

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BEAUTE PHOTOS : QUENTIN MAIGNIEN MAKE UP & HAIR : DELPHINE PERROT MANNEQUIN : JOY@CRYSTAL



L’INSTANT LIVE PAR ROD MAURICE

E C I L E D YO


C’est les 20, 21 et 22 janvier dernier que Yodelice s’est installé à La Cigale. Trois concerts complets pour présenter son album Square Eyes. Une grande performance de son et de lumière dont nous avons souhaité ramener un petit souvenir en image.


AS ANIMALS PAR DINE DELCROIX / PHOTOS : FRANÇOIS BERTHIER


As Animals, c’est

la force des contraires et des oppositions. Pourtant, l’alchimie musicale entre les deux acolytes qui se cachent derrière ce nom instinctif est palpable à la moindre piste de ce premier album dont le single Ghost Gunfighters (I See Ghost) ne cesse de hanter les meilleures ondes. Entretien avec Fred et Zara, le duo le plus prometteur du moment.

D'où vient votre nom de scène ? Zara : On a gambergé pendant des mois sur ce nom de groupe qui nous parait au-

même si, au départ, cela peut sembler être un problème. Zara : On dit bien que les opposés s'attirent.

jourd'hui naturel et évident. On est une dualité, un duo. On est différent mais, quelque part, on se retrouve dans ce côté instinctif et un peu sauvage qu'on peut

Êtes-vous complémentaires ?

avoir avec les gens, avec nous-mêmes et

Zara : Oui. Ne serait-ce que sur le plan

entre nous-mêmes.

musical, par exemple. J'ai pu apporter à Fred des références qu'il ne connaissait pas et lui aussi a apporté des choses que

Qu'avez-vous d'animal ?

je connaissais de loin mais que je n'au-

Fred : L'instinct mais il n'y a pas que

péraments, on s'apaise à tour de rôle.

nous. As Animals parle de tout le genre humain.

rais jamais écouter. Au niveau des tem-

Fred : Non, moi, tu ne m'apaises pas (rires). Quand on compose on qu'on écrit, c'est là qu'on se rend compte que le fait

Qu'est-ce qui vous oppose l'un à l'autre ? Fred : Nos influences musicales, notre

de rester ouvert l'un vis-à-vis de l'autre permet d'aller dans des contrées où l'on ne serait pas forcément allé.

sexe, notre personnalité... On est vraiment complètement différent et cela se ressent. Certains textes sont un petit peu décalés par rapport à certaines mélodies ou aux instrumentations. L'univers musical de l'album comprend d'ailleurs beaucoup de styles différents qui se mélangent. C'est ce qui fait notre force

Avez-vous tout de même des similitudes ? Zara : On aime bien rigoler, on aime bien les blagues. On s'est retrouvé l'un dans l'autre. On ne cherche pas à se trouver des points communs à tout prix car nos 23


différences font la force de l'album et du

Fred : On ne voulait pas spécialement

projet. Du coup, on n'essaye pas de se

chercher un nom d'album. Le nom du

coller l'un à l'autre. C'est dans les diffé-

groupe est aussi le titre d'une des chan-

rences qu'on se complète... Et non dans

sons de l'album.

l'indifférence (rires). Pourriez-vous donner un autre nom à l'alLorsque vous avez commencé à travailler ensemble, à quel moment avez-vous décidé de concrétiser votre projet et de vous lancer ?

bum, aujourd'hui ? Zara : Déjà qu'on a mis des mois à choisir un nom de groupe (rires).

Fred : C'était après avoir enregistré notre premier titre, In My Head, qui est sur l'album. On

était

content de

«AS ANIMALS PARLE DE TOUT LE GENRE HUMAIN»

ce

qu'on avait fait et on s'est dit qu'on allait

Fred : Trop compliqué ! Pour le pro-

en faire plus pour essayer de démarcher

chain, on s'y prendra six mois à l'avance

des maisons de disques.

(rires).

Croyez-vous au destin ?

De quelle manière travaillez-vous ensemble ?

Fred : Pas spécialement.

Zara : Moi, j'écris des textes que je propose à Fred et il compose la musique

Zara : Moi, j'y crois un peu. J'ai un côté

mais on peut aussi inverser, c'est à dire

mystique et ésotérique (rires).

que je peux écrire les textes par dessus ses compositions. Ensuite, on regroupe tout et les choses se mélangent.

Pourquoi avoir choisi un nom éponyme pour votre premier album ? Zara : On voulait faire un album qui nous correspond sans tricher donc cela nous paraissait évident qu'il porte le nom du

Fred : Il n'y a pas de marche à suivre. Une fois qu'on est à peu près content, on commence une phase d'arrangements durant laquelle on peut partir dans différentes directions.

groupe. Pour un deuxième album, on trouvera un autre titre mais là, on a voulu aller au plus simple. 24

Ce premier album a été produit par le suédois


Tore Johansson. Comment l'avez-vous choisi ?

font de belles performances.

Fred : On cherchait un réalisateur d'al-

Fred : Ils sont très forts. On a rencon-

bum. On a fait une liste, on a regardé ce

tré plein de musiciens. C'est un pays qui

qu'on aimait et les références de Tore

permet dès le plus jeune âge de se tour-

Johansson nous plaisait.

ner vers la musique, ce qui n'est pas du

Zara : Il a travaillé avec The Cardigans, Franz Ferdinand ou encore New Order qui sont des groupes qu'on aime et qui ont orienté notre choix. Ses origines sué-

tout le cas de la France. Là-bas, il y a des aides pour faire des écoles, monter des groupes et cela se ressent dans leur façon de faire de la musique.

doises nous attiraient aussi. On s'est dit que cette personne et ce pays pourraient nous pousser dans nos retranchements.

Zara, il parait que tu as des références musicales "peu avouables". Peux-tu te confesser ? Zara : La moins avouable, c'est Cyndi

Aviez-vous la garantie de pouvoir travailler

Lauper mais je n'ai pas de plus gros dos-

avec lui ?

sier.

Fred : Non, on ne pensait pas que cela

Fred : Moi, je connais d'autres dossiers

allait se faire. Il a écouté la maquette et

(rires).

il a aimé. Des noms ? Lui avez-vous donné des directives spécifiques ? Zara : On est arrivé avec une maquette très élaborée au départ mais on a tout refait. On était dans un studio qui pourrait être la cour de récréation de la musique

Fred : Certaines chanteuses à voix. Zara : Il ne faut pas oublier que je suis née en 1987 alors j'ai grandi avec Lara Fabian et Céline Dion, oui (rires).

avec des orgues, de la flûte de pan et j'en passe. On ne s'est pas interdit de faire quoique ce soit.

Votre registre ne revoie pourtant pas à ce genre d'artistes....

La Suède est effectivement un pays très réceptif à la musique... Zara : Il y a des musiciens partout ! Ils

Zara : Twelve Deadly Cyns...and Then Some de Cyndi Lauper est le premier disque physique que j'ai reçu quand j'étais petite. En l'écoutant, j'ai adoré la 25


voix et, en la voyant chanter, j'ai aimé le fait qu'elle allie le talent vocal à une personnalité extravagante qu'elle assume. J'ai écouté ensuite d'autres filles extravagantes comme Nina Hagen, Lady Gaga et des chanteuses suédoises. Je me construis avec mes influences. Je suis née en Guyane française donc j'ai grandi avec un melting-pop de cultures avec des jamaïcains et des anglais de la Guyane hollandaise. On parlait beaucoup anglais

Pour composer, y a-t-il besoin de bien savoir jouer ? Fred : Non, c'est l'implication qu'on met dans l'instrument et dans les mélodies. Le fait d'avoir un autre instrument sur lequel on élabore quelque chose peut influencer la création. Quand on change d'instrument, même si c'est juste pour remplacer une guitare par une nouvelle guitare, cela peut amener d'autres choses.

et c'est pour cette raison que je n'écoute que des musiques anglo-saxonnes. Je me suis tournée vers des voix féminines

Zara, ta gestuelle sur scène est unique. Quel

parce qu'il fallait bien que je chante avec

est ton secret ?

des références mais j'essayais toujours de chercher la chanteuse un peu origi-

Zara : Je ne sais pas quel est mon secret

nale avec de la voix pour pouvoir me dé-

(rires). Tu n'es pas la première personne

marquer.

à m'en parler. Je ne peux pas rester statique devant le micro. Je suis obligée de ressentir. Sur scène, on a deux batteurs

Fred, tu joues de plusieurs instruments de musique. Est-ce important pour toi, d'être un touche-à-tout ? Fred : Au début, c'était la guitare et cela ne me plaisait pas forcément parce qu'il faut beaucoup de rigueur mais cet instrument m'a donné les armes pour m'in-

et c'est vachement tribal avec quelque chose de l'ordre de la transe. On commence avec le titre Stampede qui monte crescendo et qui m'emporte. Je ne calcule pas le geste ou le fait de danser. Cela peut paraître unique pour certains mais, pour moi, c'est naturel et je le fais spontanément.

téresser au reste. Ensuite, je suis passé à la basse pour un groupe qui cherchait un bassiste et, après, j'ai commencé le piano

Pour finir sur une référence à votre nom de

et je me force à pratiquer. Je joue aussi un

scène et au titre de votre album, quel est votre

peu de la batterie. Je suis curieux, j'aime

animal préféré ?

avoir une vision globale de la direction que je prends quand on compose. C'est

Fred : Moi, c'est le requin.

important.

Zara : Moi, c'est tous les félins donc le chat, le tigre, le lynx...

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SKIP THE USE


Après un premier album disque d’or élu meilleur album rock de l’année aux Victoires de la Musique 2013, ainsi qu’une tournée de plus de 350 dates, les Skip The Use sont de retour avec Little Armageddon, un nouvel album rock-electro sans concession à découvrir dès le 24 février prochain. Le groupe aux performances scéniques déjantées retrouvera son public au printemps avec une tournée qui passera par le Trianon le 7 avril 2014 et par le Zénith de Paris le 10 avril. À cette occasion, nous avons rencontré Mat Bastard, auteur, compositeur et chanteur leader du groupe sulfureux.

PAR DINE DELCROIX / PHOTOS : MARTIN LAGARDÈRE, DR

Quand avez-vous commencé à travailler sur ce deuxième album ? C’était il y a environ neuf mois. On a fait les choses un peu dans notre coin parce qu’on était concentré sur la tournée.

Vous sentez-vous attendus ? On sent qu’il y a plus de gens et plus de journalistes qui nous suivent mais ce n’est pas vraiment une pression parce qu’on est content de cela. Skip The Use n’a pas changé. On a été plus loin et peut-être plus au fond des choses mais les gens qui ont aimé ce qu’on a fait avant vont retrouver nos thèmes et notre énergie.

L’album contient beaucoup plus de guitares. Étais-ce un choix dès le départ ou plutôt une direction prise au fur et à mesure de l’avancement des productions ?

Si on avait pu et si on avait eu plus de temps, on l’aurait déjà fait avant. La musique, c’est aussi une question d’étapes et c’est très bien. Il y a toujours eu une volonté de mettre de la guitare. Je suis fan de guitare, je trouve que cela renvoie à une époque. À la base, on est un groupe de rock et cela vient aussi de notre éducation parce qu’on a été élevé aux Rolling Stones, à Led Zeppelin...

Pourquoi avoir donné ce titre à l’album ? L’Armageddon, c’est dans le sens apocalyptique. C’est la fin du monde et personne n’y peut rien sauf Bruce Willis (rires). Ce qui nous plaisait dans ce titre, c’était l’oxymore car on évoque une fin de monde mais «petite». C’est aussi le titre d’une des chansons de l’album qui parle de nos enfants. On avait envie de faire une chanson sur nos enfants mais pas un truc gnangnan. Les enfants sont des êtres qui arrivent dans ta vie après 20 ou 25 années durant 29


lesquelles tu t’es pris la tête à essayer de mettre en place des choses et tu dois d’un coup tout réorganiser pour eux. C’est la fin de ton petit monde. C’est un grand changement.

Ce nouvel album se veut encore plus accessible que son prédécesseur. Souhaitez-vous toucher plus de personnes ? On est un groupe populaire au sens premier du terme et on ne veut surtout pas être autre chose. On a pris le parti de ne pas prendre parti pour un genre musical unique. On essaye de fédérer les gens autour d’un concept. Le but, c’est de les faire danser sur des genres différents.

Vous semblez avoir encore cette volonté de faire passer des message à travers votre œuvre... Oui. Quand tu as un public, que tu fais des scènes et que tu es suivi par des médias, tu as un éclairage sur toi alors autant dire un truc intelligent, faire quelque chose qui touche tout le monde et supprimer un côté élitiste. On essaye d’être sincère dans ce qu’on fait et d’avoir une intention.

Ce nouvel opus comprend notamment The Story Of Gods And Men, une chanson aux sonorités californiennes qui fait penser à des groupes comme MGMT. Comment est né ce morceau ? J’étais en vacances quand j’ai fait ce titre. J’ai dû faire trop de surf (rires). J’ai d’abord 30

fait le texte qui, pour le coup, est très Skip The Use. Pour la musique, je voulais faire un truc super hippie. L’idée, c’était de faire une chanson sur la relation entre les hommes et les dieux en parlant de qui se passe vraiment autour du mot «amour». Il y a effectivement un truc un peu californien, notamment avec le piano. Ce sera notre prochain single.

Pensez-vous déjà au clip pour ce prochain single ? Oui mais c’est très compliqué de faire un truc sur la religion. J’ai fait le texte sans citer personne pour parler vraiment de la religion en général et je veux que l’image corresponde à cela.

Ce nouvel album comprend également une première chanson en français intitulée Etre heureux. De quoi parle-t-elle, exactement ? C’est un titre très sombre. Je voulais faire un texte sur la tolérance. J’ai pris position publiquement pour le mariage gay ainsi que pour l’adoption d’autant que j’ai moimême été adopté. J’avais envie d’embêter les intolérants en parlant de bonheur. La force, quand tu viens de te faire tabasser par un skin, c’est de garder ta bonne humeur et ton esprit. Là encore, j’ai bien envie de faire un clip qui puisse mettre les gens face à leurs responsabilités et à ce que leurs idées sont vraiment. Ces gens-là ne sont pas heureux.



Que fais-tu, toi, pour être heureux ? Je vais surfer. C’est ma cure de désintoxication des aigreurs de la vie.

Vos prestations scéniques sont uniques au monde. Dans quel état d’esprit êtes-vous lorsque vous êtes sur scène ? On est juste heureux et conscient de la chance qu’on a et on va chercher les gens un par un dans un esprit fédérateur.

Il parait que tu prépares un nouvel album avec ton ancien groupe, Carving. Est-ce vrai ? Oui, on travaille dessus mais ce sera un album très spécial. Les bénéfices seront reversés à une association.

Y aura-t-il des concerts pour ce disque ? Peut-être. On verra...

As-tu encore l’âme punk ? Oui. Je n’ai pas l’impression d’avoir changé. Pour moi, le punk est beaucoup plus qu’une coupe de cheveux ou une façon de s’habiller.

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CASCADEUR PAR DINE DELCROIX / PHOTOS : MARTIN LAGARDÈRE

Cascadeur

revient ce mois-ci avec Ghost Surfer, un second opus qui confirme la panoplie de talents de son auteur. Toujours coiffé d’un casque plein de sens, l’artiste, de son vrai nom Alexandre Longo, a mis de côté sa timidité le temps de répondre à quelques questions sur ce nouvel album réalisé en collaboration avec Samuel Naval et disponible depuis le 3 février 2014. Rencontre avec un personnage bien réel.

Ton deuxième album sort ce mois-ci. Qu’est-ce

différemment parce que je n’étais plus tout

qui le rattache au précédent ?

seul pour la réalisation.

L’idée de déambulation, de déplacement. On l’avait déjà sur le premier album, notamment sur des titres comme Walker et Highway 01. C’est aussi lié à la découverte, à des formes de recherches. Le deuxième est un peu plus varié. Il est aussi plus conséquent.

Te sentais-tu plus soulagé à l’idée de travailler sur la réalisation avec une autre personne ? Oui parce que je jouais les deux rôles, avant. J’enregistrais et je produisais. Là, j’ai eu l’aide de Samuel Mavel qui a fait les prises quand on est allé en studio. Autrement, toutes les bases étaient enregistrées

Est-il plus conséquent parce que tu as travaillé

à la maison. Je travaille toujours un peu de

d’une nouvelle manière ?

cette manière en préparant tout à la mai-

J’ai travaillé dans d’autres conditions. C’est vrai que sur le premier album, j’étais

son. Ensuite, on refait des sessions pour les cordes, les batteries...

en tournée. Nous avions monté la tournée avant l’idée d’album donc il a fallu concilier ces deux éléments. J’étais dans un état très particulier car j’enregistrais quand je rentrais entre deux dates. Ensuite, j’ai eu une période un peu pus longue où j’ai pu m’y atteler mais j’étais dans un état psychologique qui ressemblait un peu à ce que j’évoquais dans les morceaux, j’étais aussi un peu en transit. Pour le deuxième album, j’ai pu être très concentré car la 34

tournée état terminée. J’ai aussi travaillé

L’album contient un certain nombre de featuring. Tu avais envie de travailler en équipe ? Le temps a son importance. Je parle d’ailleurs souvent de cette idée des nappes temporelles. Ma façon d’appréhender ce deuxième album a changé mon rapport au temps et à la musique. J’ai pu développer et creuser un peu plus certains éléments tout en cherchant à intégrer des collabora-



tions. Je voulais que chacune fasse partie

façon d’entrevoir des choses. Ce qui m’in-

vraiment du projet et que tout soit très jus-

téresse, c’est de préparer mes tremplins,

tifié. Le fait de cumuler les identités peut

mes sauts. Un cascadeur, c’est quelqu’un

aussi être un piège. Je voulais qu’il u ait

qui conçoit calmement et qui anticipe.

une justification forte et j’en suis content.

Après, il n’est pas à l’abri d’un accident. J’essaye de me préparer et d’avoir une équipe autour de moi très concernée.

Avec le temps, as-tu réussi à vaincre certaines angoisses ? D’anciennes angoisses sont remplacées par des nouvelles. À chaque situation naissent

Pourquoi n’as-tu pas travaillé seul sur la réalisation de ce deuxième album ?

de nouvelles angoisses ou des appréhen-

J’avais touché à des limites sur le pre-

sions. Quand je suis en train de m’inquié-

mier album et j’étais épuisé. Là, est venue

ter, j’essaye toujours de relativiser en me

l’idée de m’adjoindre à quelqu’un, une

disant qu’on me donne la chance d’enre-

forme d’assistant, de co-réalisateur, de co-

gistrer, que je peux faire des concerts, que

mixeur. Les deux premiers jours étaient

je peux travailler avec les personnes de

un peu compliqués. J’étais chez moi face

mon choix et cela est plutôt rassurant mais,

à mon ordinateur, à côté de Samuel et je

effectivement, sur un deuxième album, il y

me retenais de toucher aux boutons. Il fal-

a sans doute plus d’attente. Les gens se de-

lait que chacun trouve sa place mais tout

mandent si ce n’était pas un coup en l’air et

s’est très bien passé humainement. Il n’y

je pense que la question pouvait se poser.

a jamais eu de conflits car on était souvent

Elle a été évoquée quelques fois, notam-

d’accord sur les choses. Au fur et à me-

ment pour l’accoutrement et sur le fait que

sure, j’avais les mains qui se détachaient

je sois dissimulé. On pouvait penser que

du corps et, spontanément, je n’avais plus

c’était une stratégie et je peux comprendre

envie de toucher d’autant qu’on travail-

qu’il y ait des interrogations à ce sujet. Mon

lait sur un logiciel différent. C’était aussi

angoisse est surtout liée à la pérennité et à

une manière de reconnaître mes failles et

l’idée de poursuivre ce que j’ai entrepris.

mes insuffisances sur pas mal de choses.

Après, je n’ai pas d’angoisse du morceau.

Je n’ai jamais eu cette envie de dire que je sais tout faire car j’estime ne pas savoir tout faire. Ainsi, je pouvais être directe-

Tu n’as pas donc pas mis tous tes œufs dans le même panier...

ment dans l’idée. Il travaille très vite et nos échanges étaient vifs.

Non. Je pense déjà au troisième album et j’y travaille. Ce qui me plaît dans l’idée de 36

Cascadeur, c’est cette prévoyance et cette

Tu travailles dans ton studio que tu as baptisé


37


«Cascadrome». D’où vient ce nom ? Je pensais au film Vidéodrome et je me suis amusé donc à appeler cet endroit «Cascadrome». Il y a ce jeu avec les identités, ces images de créatures super-héroïques que Cascadeur peut faire naître dans l’imagerie et j’aime bien jouer avec, contrebalancer une sorte d’héroïsme de pacotille avec une forme d’humilité de l’ombre, c’est ce qui m’intéressait.

vie et on est un peu dans les tunnels, dans l’obscurité. Pour «Scarface», je voulais un morceau un peu deuxième degrés. Dans l’idée de la balafre et des blessures infligées à chacun de nous, on retrouvait «Scarface» parce qu’on est quelque part tous blessés pour différentes raisons. Et moi, avec le port de la cagoule et du masque, on peut imaginer que je porte des cicatrices apparentes.

«AVEC CHRISTOPHE, IL Y AVAIT UNE FILIATION, ET C’EST MAGNIFIQUE DE VIVRE CELA HUMAINEMENT ET MUSICALEMENT»

Je

vou-

lais jouer autour de cette

Tu sembles préférer l’ombre à la lumière...

idée-là avec une interrogation autour de la monstruosité. On peut tout imaginer

Oui, c’est essentiel chez moi depuis que

quand quelqu’un est masqué. Finalement,

je suis enfant. Je n’aime pas les néons.

j’ai l’impression que je me suis infligé des

J’achèterais peut-être plus de surgelés s’il

blessures visibles en faisant découvrir mon

y avait moins de néons dans les grandes

premier album avec cette entité masquée.

surfaces (rires).

Du coup, mon signe de reconnaissance, c’est ces cicatrices cachées dont émanerait le masque ou le casque.

Ce nouvel album contient une chanson intitulée Scarface et un autre nommée Casino, des

38

noms qui servent de titre à deux films cultes.

On retrouve également un duo avec Christophe

As-tu eu des inspirations cinématographiques

sur le titre Collector dans cet album. Comment

pour cet album ou est-ce un hasard ?

l’as-tu rencontré ?

C’est un ensemble de choses même si c’est

Je l’avais rencontré une fois dans un festi-

beaucoup lié au cinéma mais pas seule-

val, on avait discuté, il connaissait le pro-

ment. Pour Casino, j’ai vu un reportage sur

jet et je l’ai senti assez réceptif. Quelques

des joueurs à Las Vegas qui avaient tout per-

mois après, on l’a contacté et il a accepté

du et qui, au lieu de rentrer chez eux, sont

rapidement car il aimait vraiment le mor-

restés à Las Vegas et se sont installés dans

ceau. C’est un titre qui dévoile quelque

les bouches d’évacuation des eaux usées

chose. Je ne voulais pas qu’il y ait plus de

sous les casinos. Je trouvais cette histoire

titres en français. Déjà, je ne voulais pas

terriblement forte et un peu représentative

mettre de français sur le premier album je

de nos vies. On miroite des choses toute sa

souhaitais rester dissimulé. Je n’ai pas fait


de choses en français visiblement mais j’en

front posé sur le cuir qui recouvre l’angle

ai fait énormément de façon invisible. J’ai

de la grande table de mixage du studio. Il a

fait pas mal de projets dont plusieurs qui

travaillé sans casque. Il a demandé un ni-

étaient en français donc j’ai beaucoup écrit

veau par les enceintes, il entendait donc la

dans cette langue. J’ai ressorti ce mor-

bande instrumentale en retour et il a fait

ceau qui date des années 2000. Je voulais

ses prises de cette manière. Il connaissait

encore jouer sur cette idée de masque et

bien le morceau donc les choses ont été as-

de doublure et Christophe est devenu ma

sez vite. Puis, on a édité les choses et mixé

doublure de chanteur en français. J’avais

le lendemain. C’était une nuit assez éton-

pensé à Michel Polnareff au départ mais

nante car je pouvais toucher le voile d’une

Christophe correspondait davantage pour

voix qui était fantôme.

l’aspect un peu éthéré de sa voix. Était-ce évident, pour toi, de faire chanter Commet avez-vous travaillé tous les deux ?

Christophe en français ?

On a travaillé à distance, c’est à dire qu’il

Oui, c’était une forme d’évidence et j’en

m’envoyait pas mal de prises de voix qu’il

suis heureux. Il y avait une filiation et c’est

faisait puis il me demandait mon avis. J’ai

magnifique de vivre cela humainement et

assemblé un peu comme un collection-

musicalement.

neur qui recevait des pierres précieuses. Je recueillais des

frag-

ments pour

«J’AIME L’ASPECT PRESQUE SURNATUREL DE LA MUSIQUE» Cette

monter l’objet précieux. On a fait cela à distance pendant quelques semaines et on s’envoyait pas mal de SMS et d’e-mails.

boration

collate

donne-t-elle envie d’écrire davantage dans cette langue pour Cascadeur ?

On échangeait de cette manière. Il y avait

Je m’interroge toujours. Pourquoi pas, un

un travail sur l’invisibilité qui me plaisait

jour, faire tout un album en français mais

vraiment beaucoup. Ensuite, alors qu’on

peut-être changer d’identité pour garder

était dans la dernière ligne droite de l’en-

cette idée de doublure.

registrement de l’album et qu’on était en train de mixer le dernier morceau, Christophe a appelé en fin de matinée pour dire qu’il voulait refaire ses voix. J’avais déjà collecté de nombreuses prises mais comment lui résister ? Il est donc arrivé au studio vers 22h et il s’est installé comme il le fait d’habitude, en tailleur, parterre, le

Ton accoutrement pour la scène est-il lié à une forme de pudeur ou plutôt à une recherche d’anonymat ? Quand j’ai commencé le projet en 2005 et 39


les concerts en mai 2006, je me suis beau-

qui partait de nulle part. Après, j’ai voulu

coup interrogé sur le fait que je n’avais pas

conserver cela et c’est devenu une marque

tenté de faire des concerts de mes autres

de fabrique que de se dissimuler. Je vois

projets. Les raisons profondes étaient liées

de plus en plus de musiciens ou de gens

à l’idée d’exposition. Cela m’a toujours fait

qui ont recours aux masques. Cela répond

un drôle d’effet de voir un chanteur chan-

à un souci contemporain qui est lié à la su-

ter à la télévision. Pour moi, cela dénature

rexposition et, finalement, à l’écœurement

la musicalité, c’est assez bizarre. J’aime

par l’image.

l’aspect presque surnaturel de la musique. Quand on écoute un disque, on est dans l’imaginaire de l’image. Il y avait aussi effectivement une part de pudeur même si,

Quel est le thème qui te symbolise le plus ?

quand j’ai commencé, j’étais loin d’ima-

Le jeu. C’est un concept qui me plaît.

giner qu’un jour, d’autres personnes que

J’aime beaucoup jouer. Cela rejoint plein

mes amis et les membres de ma famille

de choses : la part d’enfance, le jeu avec

pourraient écouter mes morceaux.

les identités, le rire et la mise en branle de plusieurs questionnements. Pour moi, le jeu, c’est l’idée de la perte, pas du gain.

Cultives-tu le mystère ? J’y suis sensible. La surexposition peut être aussi un masque et j’aurais carrément pu choisir l’inverse. À l’échelle de mon

Non, je ne pense pas. La perte, c’est aussi

travail, le mystère et l’anonymat étaient

le gain de quelque chose.

implicites car j’étais vraiment un inconnu

40

N’est-ce pas un peu défaitiste ?



DECOUVERTE


ERIC EMMANUEL SCHMITT PAR SOISIC BELIN / PHOTOS : MARTIN LAGARDÈRE

PAR DINE DELCROIX / PHOTOS : FRANÇOIS BERTHIER

Véritable machine à écrire, Éric-Emmanuel Schmitt est l’auteur de La Trahison d’Einstein, la nouvelle fierté du Théâtre Rive Gauche. L’auteur à l’emploi du temps impressionnant est revenu sur quelques détails de sa grande carrière pour le plaisir de nos lecteurs et sur le travail minutieux qu’a demandé cette nouvelle pièce mise en scène par Steve Suissa et portée par Francis Huster et JeanClaude Dreyfus depuis le 30 janvier 2014.


Quelle est la première pièce de théâtre dont

une pièce que j’écrirai ce week-end !».

vous vous souvenez ?

J’ai donc écrit le week-end puis j’ai ap-

La pièce qui m’a le plus marqué, c’était Cyrano de Beregerac. C’était la première que je voyais. Jean Marais jouait Cyrano et c’était à Lyon. Pour la première fois, je pense que je me suis intéressé à un per-

porté la pièce. Le professeur et les autres élèves ont aimé et ont décidé de la jouer. C’était un gros succès dans le petit cadre du lycée et j’ai découvert que j’adorais cela.

sonnage qui n’était pas moi. Cyrano croit qu’on ne peut pas l’aimer parce qu’il a ce nez et il pense qu’il n’est pas aimable. Moi, j’étais un petit garçon aimé, je n’avais pas pensé qu’on pouvait ne pas être aimé et j’ai pleuré en voyant la pièce. C’était peut-être ma première grande compassion, ma première fraternité. Pour moi, le théâtre, c’est justement un lieu de fraternité et de compassion où on se trouve des frères inattendus. J’avais 10 ans et je pensais que j’étais seul à pleurer mais quand la salle s’est rallumée, j’ai vu qu’il y avait 600 adultes qui pleuraient aussi. L’émotion était partagée.

À cet instant, quel regard portait votre famille sur vous ? J’avais des rapports compliqué avec mon père et, tout d’un coup, je le voyais éperdu d’admiration devant son fils alors je me suis dit que c’était pratique pour l’épater (rires). Après, j’ai voulu écrire une deuxième pièce puis une troisième pièce et je me suis rendu compte que je n’avais rien à raconter alors je me suis dit que j’allais vivre, réfléchir et y revenir. C’est ce que j’ai fait puisque j’ai repris la plume vers l’âge de 29 ou 30 ans et tout ce qu’on connaît de moi est arrivé.

Dès l’âge de 16 ans, vous avez décidé d’écrire des pièces au club théâtre de votre lycée. Quelles œuvres vous ont marqué ?

Vous êtes l’auteur de La Trahison d’Eins-

Au club théâtre, il y deux pièces qui

du Théâtre Rive Gauche. Qu’est-ce qui vous

m’avaient marqué : Du vent dans Les

a donné envie d’écrire une pièce sur Albert

Branches De Sassafras de René de Obal-

Einstein ?

dia qui était pleine de fantaisie, de folie et «Antigone» de Jean Anouilh pour la rigueur de la tragédie qui vient de l’origine de la pièce. Un beau jour, on ne savait plus quoi jouer au club théâtre et j’ai lancé cette phrase : «Ne vous en faites pas, je reviendrai la semaine prochaine avec 44

tein qui vient de s’installer sur les planches

Le jour où j’ai appris qu’une nuit, alors qu’il était un pacifiste, Einstein a dû écrire au président des États-Unis, Franklin D. Roosevelt, pour lui dire qu’il fallait construire la bombe atomique que personne n’avait jamais construite. Un dilemme, une douleur, une trahi-




son et une intelligence en même temps

quand même la langue de Schmitt. Il n’a

parce qu’il était contre la guerre mais il

pas fallu que je lutte contre mais que je

y a des guerres qu’il ne faut pas perdre,

trouve le recul artistique qui me permet-

celle contre les nazis en l’occurrence.

tait d’en faire un héros de pièce. Je vou-

Le déchirement intérieur de cet homme

lais avoir un vrai personnage, ne pas être

avait des échos en moi car je suis aus-

dans la citation et lui prêter des perspec-

si pacifiste. Je suis pour l’harmonie et je

tives, des pensées, des émotions que je

veux changer le cœur des hommes pour

ne lui connaissais pas. Pourtant, il m’est

l’améliorer. J’ai fait mon service militaire

déjà arrivé d’écrire sur des personnages

parce que je voulais pouvoir défendre

réels mais jamais quelqu’un s’était em-

mes idées ou mes valeurs. Je me dis par-

paré de moi de cette manière. Je pense

fois que le meilleur moyen d’arriver à la

qu’il y a une immense admiration.

paix, c’est de faire la guerre mais c’est un déchirement. Je voulais transcrire ce déchirement intime que je pense que beaucoup de gens ont. Il y a des gens qui ne se pensent absolument pas militaristes

Avez-vous tout de suite pensé à Francis Huster pour le rôle principal pendant l’écriture ?

ou prêts à se servir d’un fusil ou d’un re-

Non, je n’ai jamais personne en tête au

volver mais s’ils le devaient, ils le feraient

moment de l’écriture où je suis avec les

avec le même déchirement et je voulais

personnages mais, très vite, Francis est

en parler.

arrivé dans le projet et on a beaucoup travaillé ensemble sur l’intériorité des personnages. Il a été un des moteurs

Quelle difficulté principale avez-vous ren-

qui m’ont fait faire quatorze versions.

contré pendant l’écriture ?

De plus, c’est un ami depuis 1996. On n’a pas retravaillé ensemble jusqu’à ces

J’étais tellement impressionné par Eins-

dernières années mais on ne s’est jamais

tein que j’ai mis beaucoup de temps à

quitté depuis Variations énigmatiques avec

arriver à prendre assez de distance pour

Alain Delon.

en faire un personnage. Il m’envahissait, il avait pris toute la place. J’avais fait beaucoup de travaux de recherches et de préparation alors je pensais Einstein et je parlais Einstein. Il avait envahi la pièce et les autres personnages. Il a fallu que je fasse 14 versions pour que ce soit vraiment une pièce. Aujourd’hui, il a sa place mais les autres ont la leur aussi. C’est la pensée d’Einstein mais c’est

La pièce se joue au Théâtre Rive Gauche dont vous avez pris la direction en janvier 2012. Comment est née en vous l’envie de diriger un théâtre ? C’est venu d’un mouvement de colère. Une colère que je ne regrette pas et qui s’est transformée en une sorte de joie

47


PAR SARAH DRENCA / PHOTOS : BRUNO KLEIN/DR, SHANE LEONARD/DR


inquiète parce que c’est complexe de

va se passer. J’adore les chats pour cela.

diriger un théâtre. Aucun théâtre dans

J’aime bien que quelqu’un soit imprévi-

lequel j’avais été joué n’acceptait Le jour-

sible, complexe, toujours surprenant et

nal d’Anne Frank que j’étais le seul au

ouvertement riche. La séduction, pour

monde à avoir le droit d’adapter. Les

moi, c’est quelqu’un que je n’arrive pas

théâtres n’en voulaient pas sous prétexte

à totalement cerner et à appréhender,

que les gens préfèrent rigoler en période

quelqu’un à qui je n’ai pas besoin de dire

de crise. Cela m’a tellement énervé que

«Étonne-moi !».

j’ai décidé d’acheter un théâtre. Je me suis endetté mais c’était pour ne pas me laisser faire.

Si vous pouviez remonter le temps, lequel de vos romans aimeriez-vous remanier ?

Auriez-vous mauvais caractère ?

Bonne question ! Peut-être que je retra-

Je n’ai pas mauvais caractère mais j’ai du

est La secte des égoïstes parce que je me la

caractère. C’était une riposte. La pièce a

«pétais» un peu à l’époque (rires). J’étais

été un énorme succès donc j’avais raison

un intellectuel et je voulais que cela se

de faire confiance au public qui, malgré

voit alors qu’après, j’ai pris un chemin

la crise, n’est pas décérébré ni dépourvu

de plus grande simplicité sans cacher

d’émotion. Maintenant, l’aventure conti-

que j’étais un intellectuel mais j’ai fait

nue. Bien sûr, il y a des grandes nuits

en sorte d’avoir simplement l’air intelli-

de stress et de peur parce qu’il y a aussi

gent et pas intellectuel. J’ai pris la pré-

des histoires d’argent mais j’ai la chance

caution de ne pas multiplier les signes

d’être à la fois un dramaturge et un ro-

de l’appartenance à une certaine caste et

mancier qui a une carrière dans une cin-

à un certain cercle. Quand j’étais jeune,

quantaine de pays donc, quand il y a un

j’avais un petit aspect «Regardez ce que

problème, je fais un chèque et puis voilà

je sais faire !».

vaillerais mon tout premier roman qui

(rires). Était-ce de insolence ? En référence à votre essai, Diderot ou la philosophie de la séduction, paru en 1997, quel est pour vous le meilleur atout de séduc-

C’était l’habit de l’insolence. Mes sujets étaient insolents dès le départ. Ma

tion chez une personne ?

première pièce, par exemple, parlait

Pour moi, une personne séduisante, c’est

n’avais peur de rien mais j’habillais mon

un ciel irlandais, les quatre saisons dans

insolence de jolis atouts. Maintenant, je

une même journée. On ne sait pas ce qui

suis plus direct.

d’un nouveau Don Juan homosexuel. Je

49


La poésie est un genre littéraire auquel vous n’avez pas encore touché...

Les romans, les nouvelles, les pièces de

Je ne la toucherai pas avant qu’elle me touche (rires).

d’écrire autant de choses ?

théâtre... Comment trouvez-vous le temps

J’ai l’impression d’être écrivain comme le pommier fait des pommes. C’est à dire

Vous n’avez pas d’intérêt pour la poésie ?

que cela se fait en moi. Les histoires se fabriquent. J’en prends conscience et je

Si, pour la poésie des autres.

les écris donc il y a une vraie génération interne qui est mi-consciente, mi-in-

Quel est votre poème préféré ?

consciente. J’ai une petite fenêtre pour

L’invitation au voyage de Baudelaire.

voir ce qui se passe et, quand c’est mûr, j’écris. Cela se produit et se passe tout seul. Je ne me vis pas comme prolifique,

Quel registre aimeriez-vous expérimenter ? La comédie musicale et cela se profile...

je me vis comme paresseux parce que je sais toutes les idées de romans, de nouvelles et de pièces que j’ai en tête. J’ai l’imagination qui déborde d’histoires,

Quels sont vos projets après La Trahison d’Einstein ? Au

printemps,

de personnages, de désirs. Il ne faut pas essayer de mettre des mots sur ces mystères-là, il faut les subir avec délice. Je

au

Théâtre

des

Champs-Élysées, il y aura un opéra dont j’ai écrit le livret et qui est un prequel de Così Fan Tutte de Mozart. On retrouvera

subis ce destin d’écrivain. Cette pathologie fictionnelle, je la goûte et m’en délecte. Cette passion n’est pas hors de moi, c’est moi !

les personnages de Così Fan Tutte diz ans avant, à l’adolescence avec l’éveil du désir et l’ouverture à l’amour. La musique sera de Nicolas Bacri.

Pourquoi parlez-vous de «pathologie» ? Parce que c’est peut-être excessif mais c’est ma nature et je ne vais pas me la

Là encore, vous avez dû rencontrer une dif-

reprocher en quoique ce soit.

ficulté en imaginant, cette fois, le prequel d’une œuvre déjà existante... Oui mais j’aime bien les défis si c’est pour des choses qui me passionnent.

50

Votre pathologie est précieuse, alors ne vous soignez pas ! Merci, docteur (rires).



OWLLE Après avoir conquis la moindre oreille avec son tube Ticky Ticky, la jeune Owlle livre enfin son premier album. Dream pop à souhait, cet opus, baptisé d’après le véritable prénom de l’artiste française, est une preuve de virtuosité vocale dont la production ne laissera personne indifférent. PAR DINE DELCROIX / PHOTOS : FRANÇOIS BERTHIER

Pourquoi as-tu choisi de masquer ton sein

je ne voulais pas prendre le titre d’une

sur la pochette de ton album ?

des chansons ni créer une phrase. Puis,

Il y a une censure qui m’oblige à ne pas sortir ma pochette telle que je la voulais. Aujourd’hui, le fait de montrer un sein ou un téton fait paniquer tout le monde alors qu’on va laisser Lady Gaga avec les jambes complètement écartées sur une chaise, ce que je trouve plus parlant et beaucoup plus sale. J’ai voulu montrer un sein avec des références à la Man Ray et à des choses qui me semblaient évidentes mais il y a des raisons stratégiques qui font que je suis une artiste en développement et qu’une pochette comme celle-ci pourrait m’empêcher d’être dans les bacs donc on ne voulait pas prendre ce risque. Néanmoins, pour me venger, j’ai mis la photo originale en poster dans le livret de l’album (rires).

Tu as utilisé ton prénom pour baptiser ce premier album. Comment s’est décidé ce choix ? Les gens ne savent pas qu’il s’agit de mon prénom. Lorsque le moment est venu de choisir un nom pour l’album, 52

après une discussion avec l’un des producteurs du disque, on s’est dit que je pourrais l’appeler «France». Au début, je me suis dit que je n’allais pas réussir à l’assumer parce que c’est mon prénom. En même temps, l’album est en anglais et je fais de plus en plus de concerts à l’étranger. Du coup, je me suis dit que ce titre serait une sorte de clin d’oeil personnel qui évoquerait d’où je viens et qui je suis. Pour l’anecdote, il y a un jeu de cartes conçu par le musicien britannique Brian Eno qui peut aider en cas de panne d’inspiration car chacune des cartes du jeu indique une action. J’en ai tiré une qui disait de choisir un mot pour résumer un tout et c’était justement au moment où je me posais la question pour le titre de l’album.

Peut-on dire qu’il s’agit d’un album éponyme ? Oui. Owlle et France, c’est la même personne.



La chanson France existe-elle ? Non, elle n’existe pas mais, si elle devait voir le jour, elle serait bien évidement en

coup, j’avais envie de respecter cet ordre et d’en faire l’introduction de l’album. C’était naturel.

français. Il parait que tu aimes écrire et composer tard La plupart de tes chansons ont des titres courts... Oui, c’est vrai. Quand j’ai regardé l’ensemble de la tracklist, cela est ressorti. C’est probablement dû au fait que mes

le soir. Est-ce ton côté «chouette» ? Chouette dans les deux sens du terme (rires). J’adore écrire le soir mais les choses me viennent de plus en plus à d’autres moments.

textes partent souvent d’un mot très simple ou d’une sonorité au-delà du sens.

Quel est le processus de composition, pour toi ? Pour la musique, j’ai besoin

«QUAND LE PUBLIC S’EST INTÉRESSÉ À d’être dans une certaine dynaMOI, J’ÉTAIS EN TRAIN DE DÉCOUVRIR CE QUE JE FAISAIS ET QUI J’ÉTAIS» mique et cela ne se calcule pas. Je travaille avec un séquenceur à partir de boucles. Les choses Quelle est ta chanson préférée de l’album ? Fog. Elle s’est faite en très peu de temps. Elle partait d’une référence à un film de John Carpenter. Dans la composition, elle n’est pas vraiment comme les autres, elle est un peu plus décousue. Elle me

partent souvent d’un rythme. La rythmique me parle plus que des paroles. Ensuite, vient l’habillage. La mélodie se compose vocalement en même temps mais elle vient de façon spontanée et sans paroles.

fait quelque chose. Je la pense vraiment comme un ballet parce que je la trouve très imagée.

Avec un peu de recul, as-tu l’impression que les choses sont allées vite pour toi ? Oui ! Quand le public s’est intéressé à

Est-ce pour cette raison qu’on la retrouve en

moi, j’étais en train de découvrir ce que

première piste du disque ?

je faisais et qui j’étais. En très peu de

À la base, elle a été créée pour servir d’introduction à mes concerts mais elle est devenue une vraie chanson. Du 54

temps, il a fallu que je me fasse à l’idée que j’allais livrer quelque chose. Quand j’ai réalisé ce qui se passait, j’ai eu un


peu peur parce que je ne me sentais pas

Avant la musique, tu as fait les Beaux-Arts.

à la hauteur. C’est pour cette raison que

Avais-tu un domaine de prédilection ?

j’ai pris mon temps afin de savoir ce que je voulais et comment je voulais le faire. Tout s’est enchaîné dès l’instant où j’ai quitté mon emploi dans une galerie d’art.

J’ai commencé les Beaux-Arts dans le Sud où j’étudiais la scénographie avec un intérêt pour celle des défilés. Puis, j’ai fait une équivalence à Paris où j’ai commencé à être un peu plus à l’extérieur

Comment as-tu décidé de quitter ce poste ? C’était un travail alimentaire que j’ai lâché parce que j’avais de nombreuses

que dans l’école, comme le veut la vie parisienne. Ensuite, j’ai rencontré des gens et je me suis mise à faire de la musique plus sérieusement.

dates de concert qui tombaient et je n’arrivais plus à tout gérer. Pourquoi la scénographie des défilés ? Savais-tu précisément dans quoi tu t’embarquais ?

Les créateurs de mode m’attiraient énormément.

Non et cela me stressait vraiment mais je me suis faite à l’idée et j’ai travaillé pour. J’ai rencontré des gens intéressants et

Y avait-il un créateur que tu aimais particu-

j’ai fini par me dire que j’allais faire un

lièrement ?

album.

Oui, il y avait un personnage qui me plaisait beaucoup et qui s’appelle Hussein

Les choses sont allées vite mais tu n’as rien bâclé pour autant... Non, justement. Au lieu de dire «oui» tout de suite, de signer avec n’importe quel label et me faire composer des chansons parce que je n’en avais pas assez,

Chalayan. J’étais fan de son travail en tant qu’artiste contemporain et créateur. En m’intéressant à lui, j’ai découvert qu’il y avait un métier qui existait autour de la scénographie des défilés. J’ai donc commencé à me renseigner et à chercher un stage en arrivant à Paris.

j’ai préféré attendre en me disant que les gens intéressés par mon projet attendront aussi s’ils sont vraiment intéressés. Lorsque je me suis sentie prête, j’ai choisi l’équipe avec laquelle j’avais envie de travailler.

As-tu gardé un intérêt pour la scénographie ? Oui, je reste très active dans mes recherches à ce sujet. 55


Tes connaissances en la matière te servent-

comme Depeche Mode. La musique des

elles aujourd’hui pour tes propres prestations

années 80 est un peu ma base en termes

scéniques ?

de références.

Complètement ! J’ai appris comment mettre en place des choses, comment véhiculer mes idées auprès des personnes qui font la lumière... Cela m’aide beaucoup, aujourd’hui.

Tu attaches beaucoup d’importance au remix. Est-ce difficile, pour toi, d’abandonner tes titres à des personnes qui vont les revisiter ? Pas du tout ! Je peux être très ‘solo’ dans la création mais, une fois que les choses

Tu as eu l’occasion de faire un certain nombre

sont finies et que j’en suis contente,

de premières parties de concerts. Comment

j’adore voir les gens se les réapproprier

abordes-tu la scène, aujourd’hui ?

pour faire autre chose autour. L’autre

Clairement, je sais que la scène est l’endroit où j’aime être et je m’y sens très à l’aise même s’il reste encore beaucoup à apprendre. J’ai hâte de faire mes propres

jour, j’ai vu la reprise de mon titre Ticky Ticky par une fille qui a tout réorchestré et c’est hyper touchant. Les remix me plaisent énormément.

scènes pour pouvoir assumer un peu plus certains aspects comme un décor ou une tenue qui, parfois, peuvent être un peu trop en décalage sur une première partie. En tant que première partie, on ne peut pas trop en faire.

As-tu déjà préféré le remix d’un de tes titres à sa version originale ? Oui. Quand Disorder a été remixé, j’ai eu un gros coup de cœur et j’ai failli faire cette version en live. Pour Don’t Lose It aussi, il y a un nouveau remix qui n’est

Comment en es-tu venue à faire de la dream pop ? J’ai toujours trouvé que je ce que je fais

pas encore sorti et que j’ai bien envie d’exploiter sur scène.

s’apparente à de la dream pop. J’écoute des choses très dansantes mais avec une dimension mélancolique et sombre. Quand j’ai commencé à écouter des artistes comme Bat For Lashes, Fever Ray, Lykke Li et plein d’artistes scandinaves, j’avais un véritable intérêt pour cette musique qui est qualifiée de «dream pop». J’ai été beaucoup portée par des groupes 56

Tu eu l’occasion de réaliser un remix pour le groupe Depeche Mode et, plus récemment, pour le groupe australien In The Valley Below. À qui aimerais-tu t’attaquer pour la suite ? J’adorerais remixer Lykke Li ou un titre de MØ.


Ton look est travaillé. De quoi t’inspires-tu ? Je ne m’inspire de rien de précis. C’est un mélange de personnages. Je n’ai pas l’impression de vouloir suivre des codes.

qui ont des looks très affirmés. Du coup, inconsicement, je pioche et je compose avec ce qu’on trouve chez les créateurs d’aujourd’hui.

En revanche, je suis fan de plein de gens

57


58


TOMAS LEMARQUIS PAR FERNANDO RAMIREZ / PHOTOS : FRANÇOIS BERTHIER

Né sur une île paumée, atteint d’une maladie rare, zéro piston dans le milieu. Il y avait peu de chance que Tomas Lemarquis devienne une star de cinéma. Et même s’il est encore peu connu du grand public, le franco-islandais au look d’albinos est sans doute l’un des acteurs de langue française les moins à plaindre. A 36 ans, toutes ses dents, mais plus un poil, ce fils caché de Yul Brynner aux yeux lagons sera le 19 mars au côté de Kevin Costner dans Three Days To Kill, la nouvelle superprod d’EuropaCorp, écrite par Besson himself.



On demande toujours aux acteurs de ra-

Tu mens, j’ai vu une vidéo de Fred Astaire

conter leurs débuts, c’est un peu bateau je

postée sur ton profil Facebook.

trouve. Pour commencer cette interview, je te propose de faire l’inverse : mets-toi dans la peau du vieil acteur que tu seras dans 50 ans, et raconte-moi la fin de ta carrière, ça va nous changer.

Ah oui ! (rires) Nan mais j’aime bien Fred Astaire, son énergie, ce qu’il dégage. Mais regarder un film en entier, c’est pas mon truc. J’avais oublié à quel point Facebook est une machine à espionner.

[Il sourit et joue le jeu] A mes débuts, on m’a souvent proposé des rôles de méchants à cause de mon physique étrange. Le vieil acteur que je suis aujourd’hui est heureux de constater que par la suite,

Pour un journaliste, c’est précieux. Je vois ça.

on m’a aussi proposé des rôles où j’ai pu montrer d’autres facettes de mon jeu, des personnages de gentils, avec un cœur plus ouvert. Je suis très reconnaissant envers ceux qui m’ont offert cette opportunité. Je suis un acteur de composition, j’ai toujours aimé les rôles très variés. Dès que j’ai senti qu’on a essayé de me mettre dans une case, j’ai tout fait pour m’en extraire. Et puis globalement je suis très fier d’avoir tourné avec tous ces grands réalisateurs (rires).

Tu es né en Islande, et tu as la double-nationalité franco-islandaise. Tu as vécu toute ton enfance à Reykjavik. On connaît mal l’Islande. Moi l’image que j’en ai, c’est celle d’un tout petit pays, avec des gens dingues qui lisent des polars en écoutant Sigur Ros, et un volcan qui emmerde le reste du monde. C’est pas nous qui sommes fous, ce sont les autres qui sont fous d’être aussi ordinaires ! (rires) Il faut déjà se rappeler qu’en Islande, il fait nuit 20 heures par

Ton principal souci était d’avoir la carrière

jour. Les gens sont obligés de trouver

la plus polyvalente possible ?

des trucs à faire, en se réfugiant à l’intérieur d’eux-mêmes, ce qui pousse à la

Oui, voilà. A une exception près : j’ai

créativité. Je pense qu’il y a environ un

toujours refusé les comédies musicales.

Islandais sur deux qui a écrit un roman, ou qui a une activité artistique, voire plusieurs en même temps.

Tu chantes trop mal ? (rires) Non, mais en tant que spectateur ça ne me fait pas vibrer.

Parce que l’art est une activité « d’intérieur » et qu’il fait trop sombre et froid pour sortir ? 61


Je pense, oui. Et puis en Islande nous

exportées à l’étranger.

avons un rapport très fort avec la nature, les énergies qu’elle dégage. Ça stimule la créativité.

En 1998, après ta scolarité en Islande, tu es venu étudier la comédie au cours Florent à Paris. Et le moins qu’on puisse dire c’est que

Tu as des artistes dans ta famille ?

ça ne t’a pas beaucoup plu.

Mon père a écrit des pièces de théâtre et

Je ne veux pas faire de critiques sur l’école

des livres. Ma mère aussi. J’ai toujours

en tant que telle. Moi je venais d’Islande,

été encouragé à faire de l’art.

où les gens sont très ouverts, très positifs. Au cours Florent, il y avait un esprit beaucoup plus compétitif. Et puis je suis

Quand ton goût pour la comédie s’est développé, comment as-tu fait pour ne pas te décourager en te disant : « Je suis islandais, je ne connais personne, c’est mal barré. »

arrivé directement en troisième année, dans un groupe où les élèves se connaissaient déjà bien. Il fallait se battre pour monter sur scène, faire son possible pour être le chouchou du prof quitte à plan-

Je me suis toujours senti islandais en

ter des coups de couteau dans le dos des

France, et français en Islande. Je suis

autres... Je l’ai assez mal vécu, c’est clair.

étranger partout, sans compter que j’ai un physique curieux. Mais mon côté français m’a donné une ouverture vers l’international, je n’ai jamais raisonné au niveau local. J’ai un instinct intérieur qui

Audrey Tautou était l’une de tes camarades de promo. Tu te rappelles d’elle ?

fait que j’y croyais, et que j’y crois tou-

Oui, même si on ne se fréquentait pas.

jours. Et puis j’ai la chance de parler six

Elle a très vite arrêté parce qu’elle com-

langues, ça aide à s’exporter.

mençait déjà à tourner beaucoup. Ceux qui tournaient étaient considérés comme des stars par les autres élèves. Dans ma

Ils font quoi tes copains d’enfance comme boulot aujourd’hui ?

couraient après la reconnaissance médiatique sans trop se soucier de l’aspect

J’étais dans un lycée très porté sur l’art

artistique. Et puis c’était sans doute trop

créatif. Beaucoup d’entre eux sont deve-

grand, avec trop de monde pour que je

nus cinéastes, écrivains, ou musiciens,

me sente à l’aise. J’aime les atmosphères

dont certains dans des groupes connus.

intimistes. Je viens d’un petit pays.

La plupart ont joué ou vu leurs œuvres 62

classe, il y avait pas mal de fils à papa qui




Tu as eu du mal à t’intégrer ?

Et donc extraterrestre partout ! (rires)

Avec ma gueule, j’ai tout de suite détonné. Il y avait beaucoup de pression, beaucoup d’attente autour de moi à cause de mon physique « de cinéma ». Ça créé aussi des jalousies parce que les autres étudiants te remarquent tout de suite, et tout le jeu consiste justement à sortir du lot. Je suis resté un an et demi, et puis je suis rentré en Islande. Cette expérience m’a complètement cassé. En même temps, elle fait partie intégrante de mon parcours, et de ce que je suis devenu. Dans un sens, je suis reconnaissant. Ça m’a aussi permis de confirmer que je ne suis pas fait pour le théâtre. Monter sur une chaise et parler très fort, ce n’est pas mon truc. Bref, ça m’a tellement démoli qu’en rentrant en Islande, je n’avais plus envie d’être acteur. Et puis le destin a fait qu’on m’a proposé un premier rôle dans Noi the Albino, un film islandais qui a par la suite fait le tour du monde.

Dans ta personnalité, qu’y-a-t-il de français, et qu’y-a-t-il d’islandais? En Islande, le temps et la nature jouent un rôle très important. J’ai ce rapport à la nature ancré en moi. Les mentalités insulaires c’est toujours un peu spécial. On se sent isolé du reste du monde, plus libre de faire ce qu’on veut, et de l’autre, on peut faire n’importe quoi sans s’en rendre compte, comme avec cette grave crise financière qui nous a frappé en 2008 (les trois principales banques islandaises ont fait faillite avant d’être nationalisées, ndlr). D’une manière générale, je n’aime pas le patriotisme. Brandir un drapeau, chanter un hymne dans un stade, je déteste ça. Aucun pays n’est meilleur qu’un autre. J’ai pris des choses positives de la France comme de l’Islande. Ma nationalité française vient de mon père. Il est politiquement très engagé à gauche, et je pense en avoir gardé des convictions,

Au moment où on te propose ce film, tu ne

une conscience, même si le combat po-

voulais vraiment plus être acteur ?

litique en temps que tel ne m’attire pas.

C’est ça, même s’il y avait toujours quelque chose en moi qui me poussait vers ce métier. Mais au cinéma uniquement : le théâtre c’était terminé pour de bon.

Ton père a fait mai 1968 ? Oui, il était même en première ligne. Il est venu en Islande après avoir rencontré ma mère. Il est devenu prof de français, tout en étant correspondant pour Le

Tu disais tout à l’heure que tu te sens fran-

Monde. Il a importé ses convictions dans

çais en Islande, et islandais en France... [il

un pays où les idées de gauche étaient à

m’interrompt]

peine naissantes. On vivait dans le vieux

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quartier historique de Reyjkavik que les islandais voulaient alors détruire pour en faire un district moderne. Comme beaucoup de français, mon père a toujours été attaché à la défense du patrimoine, et s’est battu pour conserver le quartier en l’état. Lui seul voyait la valeur de ces vieux murs. Un jour, en 1977, une grue est venue pour détruire un bâtiment qui devait être remplacé par un parking. Il est monté sur la grue pour empêcher la démolition, et un photographe a immortalisé la scène. Ce cliché est devenu très célèbre en Islande.

décollé... Le succès international du film m’a permis de voyager et de rencontrer des gens qui, de fil en aiguille, m’ont proposé des projets. Mon physique particulier a été une chance, alors que quand j’étais ado, je le vivais très mal. Je suis devenu chauve et imberbe très tôt à cause d’une maladie, l’alopécie, qui fait que mon corps considère les poils comme des ennemis à abattre (rires). Ça m’a pas mal renfermé. J’avais du mal avec les filles, je n’avais pas beaucoup d’amis. Mais dans ce métier, c’est devenu un atout. Jusqu’ici mon apparence m’a surtout permis de décro-

Aujourd’hui tu vis à Berlin, mais tu passes souvent à Paris ?

cher des rôles de méchant, mais j’espère pouvoir en sortir.

Oui, de temps en temps. Quand je viens, je réside chez ma grand-mère à Mon-

Tu es devenu un acteur d’envergure inter-

treuil. Je ne pourrais pas vivre à Paris

nationale l’an passé avec Snowpiercer, le

toute l’année. J’ai grandi au milieu des

Transperceneige. Ce n’est pas trop chiant

montagnes, avec la mer tout près, l’ho-

de tourner devant un écran vert toute la jour-

rizon au loin. Ici, les trottoirs sont trop

née ?

petits, les gens trop énervés dans le métro. Ils râlent sans arrêt. J’entends autour de moi les gens faire tout le temps « rooooohlala » (rires). Mon rapport à la nature m’a aussi poussé à explorer certaines formes de spiritualité, le chamanisme, des choses comme ça. A Paris, c’est difficile de s’épanouir sur ce planlà. Berlin, avec ses grands espaces verts, me convient parfaitement.

En fait, il y avait assez peu de scènes devant un écran vert. La production a construit un train dans un studio à Prague, et c’est là que la plupart des scènes ont été tournées. L’équipe du film venait des quatre coins du monde, et cette diversité m’a énormément plu. Quant au réalisateur coréen Bong Joon-ho, c’est la première fois que je voyais un metteur en scène aussi précis. D’habitude, un réalisateur fait trois ou quatre prises d’un même

Après Noi The Albinoi ta carrière a vite 66

plan, pour pouvoir choisir l’angle qui lui plaît au moment du montage. Là, chaque


67


cadre avait été pensé en amont, au cen-

mais c’est trop tôt. Je peux juste te dire

timètre près. Une prise, et clac, terminé.

que je sors tout juste de la post-pro-

On gagne un temps fou, et pour les ac-

duction pour la version française où je

teurs, c’est rassurant de se dire que le ré-

double moi-même mon personnage.

alisateur sait parfaitement où il va. Kevin Costner se la raconte, ou on peut boire Ton prochain film, Three Days to Kill , n’est rien d’autre que la nouvelle superproduction de McG (Charlie et ses drôles de Dames, le Film, Terminator Renaissance), écrite par Luc Besson, starring Kevin Costner. Comment se retrouve-t-on à l’affiche d’un

des bières avec lui entre les scènes ? Il a été très bienveillant avec moi. Il me donnait des conseils sur le plateau, en me disant « Ce film est une chance pour un acteur comme toi, tu dois en profi-

méga-blockbuster de ouf ?

ter pour être le plus possible visible à

C’est un coup de chance. J’avais déjà fait

y avait des scènes de combat, et que ce

des essais pour le directeur de casting sur

n’est pas ma spécialité, mais il m’a don-

un autre projet pour lequel je n’avais pas

né confiance en moi. Après, forcément,

été retenu. Là, il m’a rappelé en pensant

un acteur d’une telle envergure ne traîne

que j’avais le profil. J’ai envoyé une scène

pas avec toi dans les bars après le tour-

en vidéo, et ça a marché. Je ne suis pas

nage. Il a son staff autour de lui, sa loge,

forcément un fou des grosses produc-

tout ça. C’est normal qu’il ne soit pas

tions hollywoodiennes en tant que spec-

aussi accessible que moi, mais ça n’en

tateur, mais c’est une expérience géniale

fait pas quelqu’un de moins bien sur le

à vivre.

plan humain.

C’est quoi le pitch ? Quel personnage joues-tu ?

Sinon, que fais-tu demain ? Qu’on sache à

En fait je ne peux rien te dire, c’est secret.

l’écran ». J’étais assez flippé parce qu’il

quoi ressemble ta vie normale. J’ai un rendez-vous dans le quartier Latin avec une photographe pour des portraits. Après, je rejoins un ami dans le

Tu déconnes ?

dans une galerie d’art, avant de finir à

Non, non, c’est marqué dans mon contrat !

Beaubourg. Le soir, je n’ai rien de prévu

J’aimerais bien t’en parler, surtout que

pour l’instant.

c’est un personnage assez intéressant, 68

Marais pour aller voir une exposition


J’ai oublié de te poser une question que tu

Et bien je ne te la poserai pas, c’est trop fa-

juges importante ?

cile sinon.

J’aurais bien aimé que tu me demandes

Tant pis, c’était bien quand même (rires).

quels sont les films qui m’ont influencé. Je t’aurais parlé de Buster Keaton, du cinéma muet, de tout cet univers où la comédie repose essentiellement sur le jeu physique...

Maquillage : Angie Design

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70


ROBOCOP RENCONTRE AVEC L’ÉQUIPE DU FILM Pour

sa première réalisation US, le brésilien José Padilha a choisi de s’attaquer au cyborg le plus célèbre du cinéma en proposant un remake du film culte de Peter Verhoeven avec un point de vue original et un univers nouveau qui revisite l’histoire du fameux policier blessé et transformé en robot humanoïde pour être maintenu en vie. C’est le comédien Joel Kinnaman qui a été retenu pour incarner le RoboCop 2014 aux côtés de la très glamour Abbie Cornish qui prête ses traits à la femme désemparée du héros. Les deux acteurs et le réalisateur ont accepté de répondre en exclusivité aux questions de TheBlindMagazine.

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ABBIE CORNISH PAR DINE DELCROIX / PHOTOS : FRANÇOIS BERTHIER

Tu incarnes Clara Murphy, la femme de Ro-

mon fils de 9 ans dans le film. Il a 12 ans

bocop. Qu’aimes-tu le plus chez ton personnage ?

en réalité et sa mère est adorable.

J’ai aimé la dévotion qu’avait Clara Murphy envers son mari et sa famille. J’ai senti qu’elle était une mère aimante, une femme vraiment heureuse dans son mariage et dans sa vie. Elle traverse un sacré parcours après la tragédie vécue par son mari.

Quel effet cela fait-il d’être l’une des seules filles du casting ? Je n’ai jamais vraiment eu l’impression d’être la seule fille du casting. Gary Oldman, José Padilha er John Paul Ruttan sont des hommes sensibles et créatifs. Je n’ai jamais eu le sentiment d’être sur un

Comment as-tu travaillé les nuances du rôle ? J’étais consciente du fait qu’on ne voit Clara Murphy heureuse que dans deux scènes. Le reste du film, j’ai dû faire en sorte de donner un peu de couleur à mon personnage malgré son côté dramatique et tragique. La corporation la

tournage dirigé par des hommes. Il n’y avait pas d’ego sur le tournage. J’ai adoré jouer la femme de Robocop. J’étais un peu nostalgique parce que j’ai grandi avec le film original et je n’arrive toujours pas à croire que j’ai décroché ce rôle. J’étais tellement excitée quand je l’ai eu.

met à l’écart, les choses autour d’elle deviennent mensonge, elle s’éloigne de son mari, sa famille s’effondre, son fils est en détresse...

Qu’as-tu fait lorsque tu as appris que tu avais le rôle ? J’ai littéralement sauté de joie. J’en avais des larmes de joie.

As-tu tissé des liens avec des membres de l’équipe artistique ? J’ai passé beaucoup de temps avec Gary Oldman et John Paul Ruttan qui joue

Comment s’est passée l’audition pour ce rôle ? J’ai envoyé une video qui est parvenue

73


à José Padilha et il a eu envie de

Non. J’étais dans ce groupe de 18 à

m’engager pour le rôle. J’ai signé

22 ans. À l’origine, le groupe s’ap-

avant de lire le script car il n’exis-

pelait Blades Of Hades avant de de-

tait pas. Initialement, on m’a dit

venir Blades. Je fais de la musique

que ce serait un petit rôle avec 4

depuis que je suis enfant. Je tra-

ou 5 scènes et José m’a dit qu’il

vaille actuellement sur un album

voulait que ce soit moi. Il avait des

solo. La moitié de l’album est ter-

raisons de me choisir. Puis, le rôle

miné et je vais finir l’autre moitié

a grandi durant le tournage. J’ai eu

dans quelques mois.

de la chance. Ensuite, j’ai eu une scène avec Gary Oldman puis une autre avec Michael Keaton, ce qui n’était pas prévu au début et c’était très cool.

À quel genre de musique doit-on s’attendre ? À du hip-hop et du rap. Je suis une rappeuse.

Comment ferais-tu pour communiquer si tu étais mariée à un robot ? Nous communiquons avec nos

Quel est ton rappeur préféré ?

yeux. La vérité est dans les yeux

Mon rappeur préféré, c’est Emi-

de chacun ainsi que dans les sen-

nem. Il m’inspire beaucoup mais

timents et les instincts, des choses

ma musique ne ressemble pas à la

qu’on ne peut pas voir. Bien sûr,

sienne. J’aime ses performances

nous communiquons aussi avec

sur scène et son lyrisme. C’est un

nos corps. Regarde-moi, je te parle

rappeur incroyable. J’aime aus-

en bougeant mes mains je pour-

si d’autres rappeurs comme Mos

rais aussi très bien te répondre

Def, Jay-Z...

sans bouger. Je pense que nous communiquons de différentes manières. L’armure disparaîtrait, en tout cas.

C’est difficile de t’imaginer rapper... C’est quelque chose que je fais depuis l’adolescence. Simplement,

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Parallèlement à la comédie, tu aimes

ma carrière d’actrice a décollé.

la musique. As-tu l’intention de retra-

Quand j’étais enfant, je voulais

vailler avec le groupe de hip-hop aus-

être musicienne ou vétérinaire.

tralien Blades Of Hades ?

Puis, à l’âge de 16 ans, j’ai passé


une audition, j’ai eu le rôle et j’ai aimé tourner au point d’en faire une carrière. Cela fait maintenant cinq ans que je souhaite un album solo mais j’ai toujours eu l’impression que ce n’était pas le bon moment. J’espère que les gens l’aimeront. En tout cas, je suis en train de faire le disque que j’ai voulu faire avec une liberté totale. J’ai pris mon temps, j’ai été patiente et j’ai travaillé très dur.

Quand peut-on espérer l’écouter ? Je ne me fixe pas de deadline mais il devrait être prêt d’ici la fin de l’année.

Maquillage : Régine Bedot chez Marie-France Coiffure : Cyril Bodin chez Marie-France

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JOEL KINNAMAN PAR DINE DELCROIX / PHOTOS : DR

Tu prêtes tes traits à un personnage de fiction

complètement conscient de ce qui lui ar-

qui a déjà été interprété par Peter Weller et

rive. Il doit faire face à cette réalité.

Robert John Burke. Crains-tu d’être comparé à ces deux acteurs pour ce même rôle ? Non. Je viens du théâtre où il est fréquent de jouer des personnages qui ont été interprétés par d’autres. Je ne dois pas penser à la performance des autres mais plutôt me concentrer sur la mienne. Si je ne le fais pas, j’échoue. C’est un monde différent, notre Robocop est totalement différent. Il lui arrive les mêmes choses qu’au Robocop original mais c’est une histoire complètement nouvelle. La grande différence, c’est que quand il se réveille après être devenu Robocop, il est 76

Penses-tu que ce rôle va changer ta vie ? Je ne crois pas qu’une chose puisse changer une vie. Je me suis engagé à être acteur quand j’avais 21 ans. C’était la première fois que je mettais toute mon énergie dans une seule chose et cela a changé ma vie. À partir de cet instant, j’ai l’impression que les choses se sont plutôt bien passées car je m’améliore et j’affronte mes peurs grâce à des challenges et à des projets intéressants qui sont venus à moi.


Comment t’es-tu préparé pour jouer avec cette combinaison de quinze kilos ? Il y a eu deux parties différentes dans la préparation. Après l’avoir mise pour la première, elle était lourde, inconfortable, moite. J’ai vite su que je devais être en bonne forme pour la porter quatorze heures par jour, six jours par semaines pendant cinq mois alors je me suis entraîné un peu. Ensuite, j’ai dû apprendre à bouger avec, notamment durant les combats. Je me suis entraîné avec les forces spéciales suédoises pendant trois semaines et ainsi qu’avec le SWAT de Los Angeles.

pouvais pas du tout bouger mon corps, ce qui rendait le jeu encore plus difficile. Je devais rester complètement immobile. J’étais fier de cette scène et le fait de jouer avec Gary Oldman était incroyable.

Quel autre «justicier» aurais-tu aimé incarner ? Je ne sais pas, je crois qu’un seul devrait suffire (rires).

Quel était ton super-héros préféré quand tu étais enfant ? Spider-Man. J’aime l’idée de bondir d’un bâtiment à l’autre.

Quel est ton meilleur souvenir de ce tournage ? Ma scène préférée est la plus difficile, celle où est révélé ce qu’il reste de moi. J’y exprime l’émotion d’être trahi, l’angoisse existentielle et le désespoir. Je ne

Selon toi, qu’est-ce qui nous différencie des robots ? Notre conscience de nous-même et nos émotions.

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JOSÉ PADILHA PAR DINE DELCROIX / PHOTO : DR

Ce film a-t-il été plus difficile pour toi à réa-

acteurs. Il traite de ce qui se passe en

liser que les précédents ?

cas de violence ultime et de la différence

Je n’ai jamais fait un film facile. Chaque film est difficile. Les films que j’ai pu faire au Brésil étaient des films indépendants. Sur un film indépendant, le réalisateur a le contrôle du film mais il doit aussi le financer en luttant. «Robocop» n’a pas été dur à financer mais c’était un gros projet. Il a fallu travailler sur les effets spéciaux, l’écriture du scénario, la recherche des 78

entre l’homme et le robot. Nous avons voulu mettre ces idées sophistiquées et politiques dans un film hollywoodien. C’est donc beaucoup de négociations, de lutte, d’encouragements. On m’a permis de faire tout cela en me laissant travailler avec mon équipe brésilienne. Les choses étaient difficiles mais faisables.


Quelles ont été les scènes le plus difficiles à

contenu politique et philosophique, ce

faire ?

que j’ai toujours réussi à faire avec mes

Le design des scènes en Chine durant

films.

lesquelles Robocop affronte sa nature et qu’il doit décider s’il veut vivre ou mourir était délicat. Il y a aussi la scène de son réveil et celle où il reçoit l’appel téléphonique de sa femme. Toutes ces scènes constituent le noyau émotionnel du film. J’ai eu la chance d’avoir Joel Kinnaman, Gary Oldman et Abbie Cornish qui sont de très bons acteurs et qui m’ont beaucoup aidé malgré la difficulté de ces scènes. Ce n’est pas dur à tourner mais c’est difficile à écrire et à conceptualiser.

Ce film était-il plus difficile pour toi que les précédents ? Chaque film qui compte pour son réalisateur est un challenge parce que tu essayes toujours de trouver la meilleure façon de raconter une histoire qui a un sens et tu essayes de préserver ce sens. C’est stimulant et cela prend du temps. Les réalisateurs ne font pas des films seuls car ils ne sont pas «auteurs» de l’œuvre comme peut l’être un peintre. C’est un effort collectif et c’est toujours plus facile quand on travaille avec les bonnes personnes.

Ce film est ton premier blockbuster. Pourquoi as-tu choisi Robocop comme sujet de ta première superproduction ? Je trouve le concept intelligent. C’est une idée classique de la science fiction qu’on trouve déjà dans le film «Metropolis» ou dans le roman «Farhenheit 451» de Ray Bradbury, celle d’une société qui ouvre sa porte au fascisme. Plutôt que d’avoir un combat entre l’homme et la machine, le combat a lieu à l’intérieur d’un personnage qui est mi-homme, mi-machine. Pour moi, c’est un bon concept qui m’a permis de faire un grand film avec un

Penses-tu que les machines finiront par remplacer l’homme dans le futur ? Actuellement, les ordinateurs ne peuvent pas exister sans le cerveau des hommes mais, on peut facilement imaginer un futur où les ordinateurs apprendront à se reproduire. Ils deviendront un jour suffisamment intelligents pour anéantir l’espèce humaine et il ne restera alors que les ordinateurs. Cela arrivera et peut-être même qu’ils auront des sentiments.

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BLIND TRUTH

ARMELLE DEUTSCH PAR FRANÇOIS BERTHIER / PHOTOS : FRANÇOIS BERTHIER

L’actrice qu’on a pu voir dans les comédies à succès (Nos amis les flics, La chance de ma vie) à la télévision (Elodie Bradford) et au théâtre, a répondu à notre Blind Truth. Cash et sympathique, elle s’en sort avec les honneurs !

80


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Lorsque tu te regardes dans la glace le matin, que te dis-tu ? Ca dépend!!

Quel prénom aurais tu aimé porter ? Le mien me va bien.

réponse A: wouah! pas si mal. réponse B : wouah! dur, dur. réponse C : faudrait que je nettoie cette glace.

Que peut-on entendre comme message d’accueil sur ta boite vocale téléphonique ? «Bonjour, c’est Armelle, vous pouvez laisser un message. A bientôt!» Original quoi!

À qui voulais-tu ressembler quand tu étais enfant ? A ma maman.

Quand et comment as-tu cessé de croire au Père Noël ? Au CP, comme beaucoup d’enfants je

Si tu avais une baguette magique, que changerais-tu ?

crois. Mais je n’en ai pas un énorme souvenir, ça ne m’a pas traumatisé !

Je rayerais l’influence du regard des autres..

Que peux tu me dire de négatif sur toi ? Oula !! Peureuse, manque de confiance,

Si tu devais emporter une seule chose sur une

égoïste, feignante, défaitiste, fétarde...

île déserte, laquelle serait-ce ? Un couteau.

Et de positif ? Courageuse, confiante, altruiste, pile

Quelle super héroïne aurais-tu aimé être ?

électrique,

souriante,

fétarde…Para-

doxale!

La fée carabosse.

Qui veux-tu épater le plus ? Quel pouvoir magique aurais-tu aimé avoir ?

Mon homme.

Je desteste remplir les petits bacs à glaçons!!

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Que ferais-tu s’il ne te restait que 24 heures à vivre ? Une grosse fête , l’amour et je danserais avec mes filles jusqu’à épuisement.

De quelle question aimerais-tu avoir la réponse ? Où va t-on?

Quel a été ton dernier instant de solitude ? Maintenant, en faisant cette interview!

As-tu menti pendant cet entretien ? Non, j’ai peut-être enjolivé..

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FREDRIKA STAHL PAR DINE DELCROIX / PHOTOS : FRANÇOIS BERTHIER

Gracieuse

et délicate, l’oeuvre de Federika Stahl séduit de plus en plus de monde, surtout depuis que l’auteur, compositrice et interprète aux influences jazz a commencé à expérimenter une pop qui lui va à ravir. Elle donne aujourd’hui un second souffle à son quatrième album Off To Dance en le rééditant avec 3 titres inédits enregistrés lors d’une session acoustique. Une raison suffisante pour rencontrer la plus française des artistes scandinaves.


Ton quatrième album, Off To Dance, vient

le producteur change des choses comme

d’être réédité. Que peut-on y trouver de nou-

cela a pu arriver avant mais là, ce n’était

veau ?

pas du tout le cas. Il a gardé énormé-

Cet été, j’avais écrit de nouvelles chansons. En Septembre, on est retourné en studio et j’ai joué pas mal en acoustique. On a enregistré une ancienne chansons en français. J’ai bien aimé la revisiter en

ment de choses. C’était un peu angoissant mais, au final, quand j’ai écouté le disque, j’étais très contente en me disant : «C’est mon disque !». Je ne regrette rien et c’est ce qui est important.

français. Il y a aussi une nouvelle composition ainsi qu’un réarrangement d’une autre chanson de l’album. Au final, on avait 3 chansons en acoustique alors on a eu envie de ressortir l’album avec cette petite session qui a été faite au Studio Pigalle. On a aussi refait des photos.

Après quatre albums, as-tu le sentiment d’être plus mature ? Oui et pas que musicalement. Que ce soit psychologiquement ou musicalement, cela ne me manque pas du tout d’être plus jeune. Après, je ne regrette pas ce que j’ai fait parce que c’est un peu

Pour cet album, tu as travaillé davantage sur

comme de regarder de vieilles photos.

tes arrangements et tes maquettes avant de les

C’était moi à cette époque. Pour trouver

livrer. Préfères-tu cette méthode de travail ?

le bon chemin, il faut explorer un peu.

Pour l’instant, oui. J’ai commencé très tôt à travailler sur mon premier album, vers l’âge de 18 ans. C’est vrai qu’à l’époque, tout était nouveau pour moi et j’avais besoin d’être entourée de personnes qui me donnaient leurs avis et c’était important car j’apprenais en les écoutant mais, au fur et à mesure que j’avance dans la musique, j’ai de moins en moins envie d’avoir l’avis des autres. Ce qui m’importe le pus aujourd’hui, ce n’est pas de faire le mieux possible mais de faire le plus personnel possible. C’est la première fois que j’ai autant de place sur un album. J’avais envie d’aller au bout de mes idées sur chaque chanson avant de la faire écouter. Je m’attendais à ce que 88

J’ai des influences différentes dans ma musique. Au début, on entendait peutêtre plus l’influence que ce qui venait de l’intérieur mais j’en avais besoin pour me construire. Je pense que je ne ferais pas ce que je fais aujourd’hui si je n’étais pas passée par toutes ces étapes et par le jazz, par le travail avec les autres. Par contre, je n’ai pas envie de dire que je vais de plus en plus m’isoler et laisser de moins en moins de place aux autres parce qu’au bout d’un moment, on peut vite tourner en rond. On a besoin du partage pour grandir. Il y a un juste milieu à trouver et il faut garder les oreilles et l’esprit ouvert.


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Peut-on dire de cet album qu’il te ressemble

Honnêtement, je ne suis pas du tout

plus que les précédents ?

douée à la guitare et je suis même plutôt

Oui et j’imagine que je dis cela à chaque fois. Je suppose qu’à force de creuser un peu plus profondément, mon prochain album me ressemblera beaucoup.

Tu as eu l’occasion de partager la scène avec Benjamin Biolay ou encore Carl Barat. Aimerais-tu que ces artistes composent pour toi ? J’ai envie de dire «non» parce que je ne laisse personne rentrer dans mes compositions (rires). Par contre, j’adore écrire pour d’autres. Quand on est artiste, on devient centré sur soi-même et le fait de se mettre un peu en retrait pour essayer de rentrer dans la peau de quelqu’un d’autre permet d’apprendre beaucoup de choses mais il faut me laisser dans mon album, ma bulle et mon univers.

Est-il plus facile, pour toi, d’écrire pour les autres ? Quelque part, oui. Je suis très dure avec moi-même. Quand je travaille pour

très mauvaise mais c’est ce qui est drôle. Je suis tellement limitée à la guitare que cela me force à faire des choses que je ne ferais pas du tout au piano.

Comment partages-tu le travail de composition entre ces deux instruments ? J’ai tendance à écrire des choses beaucoup plus mélancoliques au piano et plus légères à la guitare. C’est pour cette raison que j’essaye de faire un peu les deux. Parfois, j’essaye aussi de me forcer à commencer à écrire en écoutant un rythme. Ce qui me vient naturellement, c’est la mélodie alors, quand je suis face à un rythme, je suis un peu perdue et je me retrouve à faire des choses que je ne fais pas quand je suis au piano.

Aimerais-tu savoir jouer d’un autre instrument ? J’aimerais bien apprendre à jouer de la batterie et j’aimerais surtout apprendre à mieux jouer de la guitare (rires).

d’autres, je suis à l’écoute de l’autre personne et je m’oublie un peu. Cela fait du bien.

Tes premiers disques étaient dominés par le jazz, un genre de musique beaucoup plus répandu en France qu’en Suède. Dirais-tu que

Tu joues du piano et de la guitare. Avec le-

90

la France a contribué à ton succès ?

quel de ces deux instruments arrives plus fa-

C’est sûr et certain ! Tout a débuté en

cilement à composer ?

France. C’est ici que j’ai rencontré mon



COIFFURE : CYRIL LAFORET AVEC LES PRODUITS BED HEAD DE TIGI MAKE UP : CAMILLE LUTZ


producteur, que j’ai fait mon premier disque, que je suis signée, que je vis... Même les suédois parlent de moi comme la suédoise qui est partie en France (rires).

T’arrive-t-il de retourner en Suède ? Très souvent. Dès que je peux, j’y retourne. J’y vais plusieurs fois par an car j’ai toute ma famille là-bas.

T’intéresses-tu aux artistes suédois ? Oui. Il y a beaucoup d’artiste suédois que j’aime bien. José González ou encore Lykke Li.

Quels sont les pays dans lesquels tu as moins le trac sur scène ? Pas de trac, cela n’existe pas (rires). Il y a un endroit où le public est vraiment incroyable, c’est la Turquie. Quand j’ai

Tu as vraisemblablement un lien fort avec la France. As-tu le même genre de lien avec la Suède ? Oui mais ce n’est pas tout à fait le même parce que je suis suédoise de parents suédois. J’ai les deux cultures. Ma famille et mes amis les plus proches sont en Suède. Le suédois est ma langue maternelle. Quand on me demande si je suis française ou suédoise, je n’hésite pas une seconde pour répondre «suédoise». J’ha-

joué à Istanbul, je n’ai même pas eu le temps de monter sur scène que les gens étaient déjà en train de hurler. On se sent à l’aise du coup et il n’y a aucun jugement. Parfois, on peut sentir que les gens sont très difficiles et qu’il faut faire ses preuves. J’ai joué environ 4 fois làbas et j’ai de super souvenirs. Le public est très vivant, il réagit et c’est un véritable échange. Les réactions en Algérie étaient encore plus fortes. J’avais l’impression de jouer dans un stade (rires).

bite en France depuis longtemps mais je remarque avec mes amies françaises que je ne suis pas entièrement française parce que je suis passée à côté de plein de choses. Je ne pourrais pas choisir entre les deux pays, je suis vraiment partagée entre les deux. Quand je passe trop de

Quels sont les classiques jazz incontournables, pour toi ? J’adore Nature Boy, I’m a Fool To Want You, Cry Me a River et beaucoup d’autres. Le jazz est une très bonne école.

temps en Suède, je n’en peux plus et je veux rentrer en France mais, au bout de 3 mois en France sans rentrer en

Pour ton prochain album, as-tu l’intention

Suède, je ne vais pas bien.

de revenir aux sonorités jazz de tes débuts ? Je n’ai pas envie de dire que je ne refe93


rai jamais de jazz parce que c’est quelque chose que j’adore mais c’est quand j’ai commencé à travailler de plus en plus de mon côté que cette couleur pop est rassortie. C’est pour cette raison que je me reconnais de plus en plus dans ce que je fais donc je vais rester dans cette lignée même si tout peut influencer un travail de composition. Je n’ai pas envie de me dire que je dois faire un truc spécifique.

Tu rêves de composer la bande originale d’un film. As-tu avancé dans ce projet ? Cela reste un rêve (rires). C’est drôle parce que, quand j’écris, j’ai des images très spécifiques. Un jour, je devrais essayer de les dessiner.

Certains artistes parviennent à écrire et à composer pendant une tournée dans leur bus. Est-ce ton cas ? Je n’y arrive pas du tout ! J’arrive à écrire quand je suis en Suède, au calme. J’ai besoin de m’isoler.

Que fais-tu après une tournée ? Les tournées, c’est bizarre parce qu’on est complètement déconnecté de la vraie vie pour être vraiment dans l’instant présent. On ne pense qu’à une chose : comment bien faire le concert du soir. On est complètement décalqué, on a dormi trois 94

heures et on est difficilement en phase avec la réalité. Souvent, c’est très dur de rentrer et de quitter sa bulle même si on est content de retrouver ses proches. Après une tournée, je dors et j’essaye de faire des choses impossibles à faire en tournée, c’est à dire voir des amis, faire du sport et manger correctement.


Tu te qualifies de mélancolique. Aimes-tu cet

je ne pourrais pas écrire sans ce côté-là

état de tristesse vague ?

en moi. C’est ce côté très sensible qui fait

J’ai appris à l’aimer. J’ai une relation un peu mixte à la mélancolie parce que, durant toute mon enfance et mon adolescence, je trouvais qu’elle me pourrissait la vie. Aujourd’hui, je sais très bien que

que j’ai le besoin d’écrire des chansons et des idées. Depuis que j’ai réalisé cela, je l’accepte beaucoup mieux. Je ne peux pas faire sans. C’est assez récent et il faut essayer d’en tirer quelque chose de positif. 95


CAROLINE DUCEY PAR ANTHONY VERDOT-BELAVAL / PHOTOS : FRANÇOIS BERTHIER PAR DINE DELCROIX / PHOTOS FRANÇOIS BERTHIER

Audacieuse,

libérée, parfois sulfureuse... Voici quelques mots qui conviennent parfaitement à Caroline Ducey. A l’âge de 16 ans, Caroline entre dans le métier, un peu par hasard, et s’écrit ensuite une histoire peu banale au coeur du septième art. Sans folie des grandeurs, toujours avec le cinéma d’auteurs et dans une quête perpétuelle de se renouveler, Caroline Ducey est aujourd’hui, à 36 ans, une actrice unique dans le paysage cinématographique français. Rencontre.



Vous êtes née à Sainte-Adresse mais avez

trouver une raison pour plonger dans la

grandi à Marseille. Dépeignez-nous cette

Seine au niveau du Pont des Arts.

enfance sous le soleil... J’habitais dans le quartier de la Pointe

Vous avez très vite pris des cours pour deve-

Rouge à 500m de la mer. Mes souvenirs

nir actrice. Peut-on parler de virus ?

sont très fortement liés à la nature : les

parfums du genêt, du mimosa et de la

Oui complètement, le désir de jouer la

figue sont ma Madeleine de Proust. Je

comédie m’est tombé dessus très tôt.

me souviens de mes jeux enfants : nous

Je me souviens qu’ au CP notre maî-

étions une bande de gamins que ma

tresse nous avait fait jouer une micro

mère emmenait fréquemment dans les

pièce en fin d’année, qui était un miroir

calanques, nous dévalions les pentes ro-

de notre situation d’élèves et je faisais

cailleuses en courant comme des fous

la maîtresse, nous pouvions également

comme si nous étions sur des pistes de

improviser durant la représentation. J’ai

ski, je me demande encore comment

été grisée par une sensation de liberté

nous ne nous cassions pas les chevilles.

qui je crois est à l’origine de mon désir

L’été au mois d’août, nous allions tous

d’être actrice. Adolescente aux cours de

les jours dans le quartier de la Malmous-

théâtre, par la rencontre des textes, j’ai

que aux Bains Militaires (mon père est

continué à ressentir cette liberté, j’en

officier de marine), je retrouvais là une

étais arrivée à me dire que la scène est

autre bande de camarades et nous na-

l’espace privilégié pour rendre possible

gions jusqu’au Rocher des Pendus pour

une vérité. De même aujourd’hui, après

faire des concours de plongeons. Les

le « action » du metteur en scène, c’est le

jours de mistral nous étions une dizaine

moment de vérité ; il y a cette sensation

à nous tenir par la main, debout sur les

de vide avant le plongeon, car même si je

rochers pour faire face aux vagues qui

travaille beaucoup en amont, le but est

venaient nous gifler le corps et le visage,

d’être comme vierge de toute connais-

écroulés de rire et ruisselants. Je me

sance au moment de jouer, et cette im-

souviens du goût du sel sur la peau, de

pression de liberté naît de cette tension

la chaleur et de la beauté insensée des

entre le contrôle et l’abandon. Il y a cette

soirs de fin d’été, des bains de minuit,

phrase de Valery qui m’a marquée, « la

du goût des arbouses que l’on mangeait

liberté naît de la contrainte », c’est aussi

sur le chemin du lycée. Je suis arrivée à

pour cette sensation d’ivresse très brève

Paris à 17 ans et c’est vrai que depuis,

que j’adore les premières prises au ciné-

la mer me manquant inconsciemment,

ma, tout le monde est vierge de ce qu’il

j’ai cherché à me baigner dès que c’était

va accomplir, acteurs et techniciens.

possible quitte à passer pour une folle pour mon entourage. J’ai donc réussi à 98


99



Vous obtenez votre premier rôle au cinéma

silhouette sur une photo de vacances.

dans Trop de bonheur de Cédric Kahn en

Je ne l’envoie pas mais vais directe-

1993. Vous êtes encore au lycée. Comment

ment porter cette figurine improbable à

avez-vous été repérée ?

l’adresse indiquée sur l’affiche, accompagnée d’une lettre de trois pages. Je

Je n’ai pas été repérée mais choisie lors

mens à mes parents pour y aller.

du premier casting auquel j’ai participé. C’est donc grâce au directeur de casting Antoine Carrard qui a vu environ 400

Votre père est pilote maritime. Votre mère

adolescentes pour le rôle de Mathilde

est professeur de sciences. Bien loin des stu-

que je joue dans Trop de bonheur, c’est

dios de cinéma donc... Étaient-ils d’accord

grâce à lui que j’ai eu la chance de dé-

dès le départ ?

buter ma carrière. J’étais en 1ère S et suivais par ailleurs des cours de danse

Non, mes parents n’étaient pas d’accord

classique et de théâtre dispensés par les

dès le départ. Effectivement le milieu

élèves du Conservatoire de Marseille,

du cinéma n’est pas le mien à la base.

mais je nourrissais de manière très se-

Cependant ils étaient vraiment ouverts

crète mon désir de cinéma. Un matin

à la culture, notamment la danse, le

de mars sur le tableau d’informations

théâtre, la littérature. La singularité de

concernant la vie du lycée, est punai-

ma lettre et le caractère foutraque de

sée une affichette avec en titre «casting».

ma photo où l’on me voyait à peine ont

C’était la première fois que je voyais ce

intrigué le directeur de casting, il a eu

mot, je crois que je ne savais même pas

envie de me rencontrer. Je suis venue

vraiment ce qu’il voulait dire. Je lis l’af-

avec mes livres de math et de physique

fiche « Pour le prochain film de Cédric

sous le bras pour passer les essais ! Mes

Kahn, nous recherchons deux jeunes

parents n’ont été au courant que lors-

filles et deux jeunes garçons pour les

qu’Antoine Carrard a téléphoné à la

rôles principaux, veuillez envoyer vos

maison pour leur dire que le réalisateur

photos à l’adresse suivante...». Je sais à

souhaitait me rencontrer. Ma mère a été

ce moment là que ma chance est là de-

dans premier temps très méfiante. Je me

vant mes yeux, elle ne repassera peut

souviens d’une conversation entre eux

être jamais, c’est maintenant. Je ne sais

qui a duré une bonne heure. Puis face

pas qui est Cédric Kahn, mais ce que je

au sérieux du directeur de casting, à ma

comprends c’est qu’il s’agit d’une audi-

détermination et à la condition que mes

tion pour le cinéma et qu’il s’agit d’un

résultats scolaires ne soient pas modi-

rôle principal, et que c’est maintenant

fiés, mes parents ont eu l’intelligence de

que je dois faire tout ce que je peux. Je

laisser le processus se dérouler.

n’ai pas de photo de moi seule. Je fouille dans un album photo et découpe ma

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Qu’est-ce qu’on ressent, quand son premier

grand bain du cinéma. Je n’avais aucun

film, à seulement 16 ans, est présenté au

code, j’avais tellement à apprendre pour

Festival de Cannes dans la sélection « Un

faire ce métier, que c’était des études

certain regard » ?

en soi-même ! Je ne réalisais pas bien la chance que j’avais, la route me semblait

De la fierté mais étant assez candide à

juste encore très longue.

cette époque, je crois surtout que je ne réalisais pas grand chose. Nous avons été invités à présenter le film à Cannes sur

Puis, vous montez à Paris et vous continuez

une période de trois jours. Ces trois jours

vos études… Une évidence pour vous ?

furent aussi magiques que choquants. Cannes se fut le baptème du feu. J’y suis

Une évidence oui dans la mesure où je

allée avec un jean et trois tee-shirts et

n’avais pas vraiment le choix, à moins de

mes cours de math/physique, encore !

fuguer ! J’avais 17 ans, je ne gagnais pas

C’était l’année du bac, je pensais que

ma vie, même si j’avais commencé à la

j’aurai le temps de réviser là-bas. Je ne

gagner un petit peu avec Trop de bonheur.

pouvais pas imaginer qu’autant de luxe

Mais c’était le contrat passé avec mes pa-

et de féerie pouvait exister, je n’avais ja-

rents : faire mes deux années de classes

mais vu autant de champagne dans des

préparatoires aux grandes écoles. Et en

verres, autant de verres dans autant de

même temps j’aimais bien ça étudier.

lieux ! Nous n’avons pas eu le temps

J’aurais pu aller en Maths sup car j’étais

de voir un film. Nous dormions dans la

acceptée et adorais la physique, mais j’ai

même maison que l’équipe d’un autre

choisi les lettres pour me rapprocher

film de la collection Tous les garçons et les

de mon désir intime : continuer à être

filles de leur âge, j’avais une chambre que

actrice. Au final j’ai continué à tourner

j’ai dû céder à une actrice plus chevron-

pendant la prépa, mes professeurs m’ont

née que moi, j’ai donc partagé le cana-

autorisé à m’absenter un peu car mes

pé ! Nous étions six acteurs de l’équipe

résultats le permettaient, mes parents

de Trop de bonheur ne connaissant pas

n’ont pu s’y opposer, même si ma mère

grand chose au cinéma, deux d’entre

trouvait dommage que je ne me donne

nous venaient eux de milieux très défa-

pas toutes les chances d’avoir une sécu-

vorisés des cités de Marseille, l’un d’eux

rité. Mais j’ai commencé à gagner ma vie

était en sursis pour attaque au couteau.

et j’avais un agent. Aujourd’hui je sais

Forcément quand le troisième jour nous

que ces années d’études ont été vrai-

n’avons plus pu rentrer dans les lieux

ment une chance pour me construire.

qui nous ouvraient leur porte la veille, l’atterrissage a été sec ! C’est à Cannes

102

que je me suis dis qu’un jour il allait

C’est Romance X de Catherine Breillat en

me falloir choisir entre mes études et le

1999 qui vous propulse sur le devant de la


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scène. N’avez-vous pas hésité à vous lancer

Vous partagez aujourd’hui votre vie avec

dans cette aventure sulfureuse auprès de

le réalisateur David Lanzmann. N’aime-

Rocco Siffredi ?

riez-vous pas passer un jour derrière la caméra ?

Non je n’ai pas hésité une seule seconde pour au moins trois raisons : d’abord je

Si, je commence à voir ce qui pourrait

ne savais pas que Rocco Siffredi (que

me plaire dans la réalisation.

par ailleurs je ne connaissais pas) allait jouer dans le film. Ensuite le propos du film me semblait vraiment important, et

Depuis 2011, vous faites également partie

la rencontre avec Catherine Breillat avait

de l’Institut Régional du Cinéma et de l’Au-

été comme une fulgurance. Enfin, le

diovisuel (IRCA) qui permet de soutenir la

rôle était terriblement intéressant pour

formation, la production et la distribution

la jeune comédienne pleine de forces et

du septième art en Corse. Souhaitiez-vous

d’envies que j’étais.

aider les créateurs dans leurs démarches ? Oui, mais je ne pense pas être douée

Grant,

Doillon,

Woodward,

Fieschi,

pour cela .

Raoust… Vous êtes une enfant du cinéma d’auteurs. Est-ce lui qui vous a choisi ou vous qui n’avez pas souhaité jouer d’autres

Vous êtes ce qu’on pourrait appeler une ac-

rôles ?

trice « constante » avec un film par an depuis 1999. Que peut-on vous souhaiter pour cette

Oui c’est le cinéma d’auteur qui m’a

année qui commence ?

choisie et que j’ai désiré. J’aurai souhaité notamment après Romance pouvoir

Être heureuse, de continuer la bonne

aller sur des terrains plus légers mais il

tradition d’un film par an et que mon

faut du temps pour réussir à modifier les

travail rencontre le grand public.

imaginaires !

Je suppose que vous vous rendez également au cinéma. Qu’est-ce que vous avez aimé en 2013 ? Gravity, Le Loup de Wall Street, La Vie d’Adèle, Suzanne, Grand Central, Only lovers left alive … et d’autres que j’oublie. Je suis assez bon public. 104


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BLIND TEST Ce

mois-ci, c’est le groupe américain de country le plus phénoménal du moment qui s’est prêté à notre BLIND TEST. Retrouvez Kimberly, Neil et Reid Perry dans le questionnaire préféré des artistes.

Votre Madeleine de Proust ?

Votre antistress ?

Kimberly : Aussi intéressant que cela

Kimberly : Pour nous, le fait de com-

puisse paraître, nous avons une passion

poser de la musique aide à combattre le

pour le fait de ne jamais baisser les bras,

stress mais il faut que ce soit dans un en-

quelque soit la situation. C’est l’état d’es-

droit spécifique. Nous vivons à Greene-

prit qui nous inspire le plus.

ville dans le Tennessee, une petite ville entourée de montagnes. Le fait de pouvoir rentrer chez nous dans la paix et la

Le film qui raconte votre vie ? Reid : Le Parrain de Francis Ford Cop-

tranquillité et de boire un café tout en écrivant est un bon anti-stress.

pola.

Reid : Nous nous nourrissons aussi de

Kimberly : Nous sommes très soudés

concerts.

l’énergie que nous recevons durant nos

comme les membres de la famille du film. Si quelqu’un doit traiter avec l’un d’entre nous, il devra traiter avec tout le

La tendance mode que vous détestez ?

trio (rires). Kimberly : Il n’y a pas vraiment un phénomène que je déteste car je pense qu’ils Votre livre de chevet ?

mais je ne suis personnellement pas

Neil : Mon livre préféré est Ne tirez tas sur

fan des shorts courts. On ne sait pas s’il

l’oiseau moqueur de Harper Lee. C’est un classique américain.

s’agit de vêtements ou de sous-vêtements (rires).

Kimberly : Moi, c’est Les braves gens ne

Reid : Personnellement, je n’aime pas

courent pas les rues de Flannery O’Coonor.

porter des gilets.

Reid : Monnaie le singe de William Faulk-

Neil : Je pense que les chaussures ont été

ner. 106

constituent tous un mode d’expression

conçues pour être portées avec chaussettes alors quand je vois quelqu’un por-


THE BAND PERRY PAR DINE DELCROIX / PHOTOS : FRANÇOIS BERTHIER


ter des chaussures sans chaussettes, j’ai

Le détail chic pour vous ?

envie de lui dire : « Mets des chaussettes ! » (rires).

Kimberly : Le noir est une couleur chic à porter. Neil : J’aime les bottes.

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Nous regardons souvent les épisodes dans le tour bus. Neil : Sleepy Hollow. C’est très sombre et j’aime ce genre de séries. Reid : Je regarde surtout du football américain.

Votre chanson pour vous sentir bien ? Kimberly : Avant de monter sur scène, nous jouons pas mal de morceaux rap et hip hop issus des albums de Kanye West et de Jay-Z. Leurs chansons nous mettent de bonne humeur. Neil : Lorsqu’il y a des turbulences en avion, Kimberly se précipite sur son casque pour écouter du Céline Dion (rires). Kimberly : Oui, c’est très paisible en cas de turbulences (rires). Reid : Des chansons qui ont une bonne batterie, surtout quand je suis sur le point de monter sur scène.

L’insulte que vous préférez ? Reid : « God Bless ». C’est un truc typique de chez nous. Reid : Un pantalon noir. Le compliment qui vous énerve le plus ? Votre série du moment ? Kimberly : The Big Bang Theory.

Kimberly : «Tu es tellement courageuse de porter cette robe !»

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Neil : Je déteste quand on dit à l’un de nous : «Oh, tu es encore mieux en personne !».

Le défaut que doit avoir une personne pour vous séduire ? Kimberly :

Le pays où vous pourriez immigrer ? Kimberly : La France. Reid : L’Australie. Nous avons eu la chance d’y jouer et c’est un très beau pays. Neil : L’Australie pour le soeil et la France pour les macarons (rires).

Pour

moi, c’est quelque chose de vraiment stupide. En l’occurrence,

c’est

quand quelqu’un ne sait pas orthographier

le

mot

anglais «definitely» («certainement»). Beaucoup mettent un «a» à la place

Un autre métier qui vous aurait plu ?

du «i».

Kimberly : Si je n’avais pas été musicienne, j’aurais été boulangère le jour et détective privé la nuit.

Reid : La superficialité.

Neil : Je suis un peu dramatique alors j’aurais bien été acteur si je n’avais pas fait de musique. Reid : J’aurais fait de la politique.

Qui inviteriez-vous à votre dîner idéal ? Kimberly : Abraham Lincoln. C’est un de mes personnages historiques préférés. Reid : Moi, je dînerais avec Sherri Valance. C’est un personnage fictif du livre Les Outsiders. Neil : Keith Richards. J’adorerais discuter avec lui des Rolling Stones. 110

Neil : Ne pas comprendre mes blagues.

Le disque que vous avez honte d’avoir acheté ? Kimberly : Le premier album que j’ai acheté était une cassette des New Kids On The Block. Neil : J’ai la bande originale de La Mélodie Du Bonheur. Je n’en ai pas vraiment honte mais ce n’est pas une chose dont je parle aux gens (rires).


Le talent que vous aimeriez avoir ?

La question qu’on ne doit pas vous poser ?

Kimberly : J’aimerais pouvoir voler.

Neil : Le fait de demander à Kimberly avec lequel d’entre nous elle est sortie en premier m’agace.

Reid : J’aimerais savoir tracer une ligne droite. Neil : J’aimerais bien pouvoir voler aussi mais avec des ailes d’oiseaux à la place des bras.

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L’INTERVIEW PREMIÈRE FOIS

B A S T IL L E En attendant d’être sur la scène parisienne du Nouvau Casino le 10 mars prochain, les anglais de Bastille ont accepté de se répartir notre interview ‘Première fois’ dans la joie et la bonne humeur. PAR DINE DELCROIX / PHOTOS : PATRIQUE FOUQUE

Première voiture ?

Premier chagrin d’amour ?

Chris : Une Volkswagen Fox.

Dan : Elle s’appelait Vicky Smith. J’avais embrassé cette fille vers l’âge de 14 ans et elle a nié ce qui s’était passé entre nous alors que je me voyais déjà marié (rires).

Premier souvenir ? Dan : Je suis allé voir Le petit dinosaure et la vallée des Merveilles et je voulais absolument un gobelet en plastique à l’effigie du film.

Première fois ? Kyle : J’avais 17 ans et j’avais pas mal bu. Je crois qu’elle a totalement profité de la situation, en fait (rires).

Premier métier que tu voulais faire ? Kyle : Je voulais être archéologue.

Premier animal de compagnie ? Willy : Un chien sans intérêt.

Premier baiser ? Willy : J’avais 7 ou 8 ans et c’était près d’un fossé.

Premier disque acheté ? Chris : The Fat Of The Land de The Prodigy.

Premier amour ? Chris : Ma mère.

Premier film culte ? Dan : Quand j’avais 11 ans, j’étais obsédé

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par Scream de Wes Craven.

seignante (rires). Mademoiselle Davidson m’a beaucoup marqué. Elle avait 32 ans et j’en avais 14 donc cela n’aurait jamais

Premier prof détesté ?

pu marcher entre nous (rires).

Willy : Elle s’appelait Mademoiselle Smith. Elle m’a frappé à la tête pour avoir le silence, une fois. C’était de l’enseignement à l’ancienne. Elle est morte.

Première cuite ? Dan : Je devais avoir 13 ans et c’était à une fête de famille, un mariage, je crois. Je me rappelle être allé sur un parking

Premier prof adoré ?

mais je n’ai pas plus de souvenirs. Je suis nul à ce genre d’interviews !

Chris : J’étais dans une école de garçons alors j’adorais chaque femme en-

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MODE

Inside Out

Photographed by Joffrey Montes Styled by Jessy Cottineau Make up by Sarah Atallah Make up assistant : StĂŠphanie Ah-Fa Hair by So Sonee Models : Solweig Rediger-Lizlow@Nathalie Fanely Porte@Hypemodels Kamila R.@Angels


Solweig : Chemisier et pantalon CLARISSE HIERAIX Escarpins brides UNITED NUDE Fanely : Veste et pantalon en laine LA PRESTIC OUISTON Bottes cavalieres FRATELLI ROSSETTI


Solweig : Veste de tailleur matelassĂŠe NINO BOLLAG Pantalon en laine COURREGES Escarpins Lapin MINNA PARIKKA Fanely : Chemisier en soie AMERICAN RETRO Pantalon ECE SALICI Low boots ouvertes UNITED NUDE


Kamila : Bustier armatures CLARISSE HIERAX Legging ajourĂŠ dentelles AUGUSTIN TEBOUL Mocassins oreilles MINNA PARIKKA


Chemisier en mousseline ATSURO TAYAMA Pantalon ATSURO TAYAMA Derbies homme PETE SORENSEN


Chemisier en soie GAOWEI + XINZHAN Pantalon GAOWEI + WINZHAN Bague CAROLE GUEZ POUR BURMA Escarpins lapin MINNA PARIKKA


BEATRICE ROSEN PHOTO : FRANÇOIS BERTHIER

A Hollywood,

on la surnomme «la petite française atomique». La franco-américaine Béatrice Rosen continue son ascension. On la verra cette année dans pas moins de 3 films : D’abord undiscovered gyrl de Allison Burnett avec Martin Sheen, Christian Slater, et Justin Long. Et les thrillers Zugzwang de Stephon Stewart, et Bipolar de Jean Veber où elle tient la tête d’affiche. On la verra également à la télévision, dans Taxi Brooklyn sur TF1 et la série qui risque de cartonner très bientôt aux Etats-Unis : Backstrom.


LA FILLE QUI REND BLIND

Make up : Kriss Logan


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