espace ciel LA BIENNALE DI VENEZIA 2018 PAR ATHEM & skertzo
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espace ciel LA BIENNALE DI VENEZIA 2018 PAR ATHEM & skertzo
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ESPACE CIEL « La vue du ciel profond est, de toutes les impressions, la plus rapprochée d’un sentiment. C’est plutôt un sentiment qu’une chose visuelle, ou plutôt c’est la fusion définitive, l’union entière du sentiment et de la vue. » Gaston Bachelard, L’Air et les songes – Essai sur l’imagination du mouvement, 1943
La puissance des sentiments et de l’esprit humain est un espace mental d’une incommensurable liberté. Tout comme « la nature ignore le cadastre », d’après la formulation du jardinier - paysagiste et écrivain Gilles Clément1, notre imagination ne connaît ni limites, ni frontières. Nos rêves et nos pensées trouvent un terrain fertile dans la perception de cet insaisissable espace onirique qu’est le ciel au-dessus de nos têtes. Ce bleu infini, traversé du perpétuel mouvement des nuages qui se forment et se déforment imperceptiblement sous nos yeux, échappe à toute tentative de mesure ou de quantification. Cette impalpable et mystérieuse voûte céleste qui rythme nos vies, de l’aube au crépuscule, et inonde notre terre nourricière de soleil et de pluie, demeure un objet de croyance, de science et de conquête, qui fascine l’Homme et imprègne l’architecture depuis toujours. Dès l’Egypte Antique, les architectes érigent des pyramides de plus en plus imposantes vers le ciel, assimilées à l’au-delà, afin de faciliter l’accession des défunts du monde souterrain à cet espace divin. Pour les anciens, l’Homme, qui vit en harmonie avec le ciel, est à lui seul un petit monde en soi, un « microcosme », puisque « L’Homme a en lui-même le ciel et la terre » selon la théorie platonicienne, rappelée par la mystique rhénane Hildegarde de Bingen au XIIe siècle. Cette union séculaire de l’Homme au ciel perdure au Moyen Age et jusqu’à la Renaissance, sans que la révélation d’un ciel matériel, marquée par la notion de gravité et la révolution copernicienne, ne supplante la ferveur en un ciel mystique. En France et en Europe, l’irruption de la Première Guerre Mondiale, puis de la Seconde Guerre Mondiale, concomitantes au progrès de l’aviation, chargent le ciel de funestes augures. En déversant des bombes sur terre, il devient une menace pour l’humanité. Fumée, éclats d’obus, explosions et menace atomique créent un climat d’angoisse et d’effroi à l’encontre des cieux qui consument pour un temps l’espoir de l’Homme en un ciel serein. Avec le retour à la paix en France dans les années cinquante, le ciel recouvre toute une puissance symbolique bienveillante en dépit des vicissitudes de l’Histoire. Ciel divin, ciel mystique, ciel songeur, ciel matériel, ciel cosmique, ciel funeste, ciel nature, autant d’interprétations que de définitions reflètent cette perpétuelle évolution de la relation de l’homme au monde. En nous imposant un abri, le ciel nous fait bâtir, mais c’est lorsqu’il nous transcende ou lorsqu’il est formulé et intégré qu’il donne naissance à l’architecture. A ce moment, émergent la complexité, la subtilité, la générosité et la richesse du monde construit. Pour ainsi dire, c’est lorsque l’architecture rentre dans l’Espace Ciel qu’elle révèle sa puissance, sa prévenance et sa beauté, puisqu’elle acquiert du sens. En France, lorsqu’elle sert les aspirations divines, l’architecture produit de vertigineuses cathédrales à la fois toujours plus hautes, et toujours plus étincelantes. Avec la séparation de l’Eglise et de l’Etat (1905), puis la sécularisation du ciel qu’opère le développement de l’aviation depuis 1910, l’architecture s’approprie le ciel matériel. Or, si le gratte-ciel, sorte de cathédrale des Temps Modernes symbolisant la conquête des cieux, n’est pas de culture européenne, l’architecture française explore la nouvelle occupation du toit-terrasse en plein air afin de développer des architectures encore plus humaines et avec autant de ferveur conceptuel.
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A travers l’exposition de la biennale d’architecture de Venise 2018, nous proposons l’exploration de “l’Espace Ciel” dans la création de l’architecture Freespace Française. Ce parcours s’accompagne d’un double récit et se finalise avec une intention plus approfondie de l’architecture à venir. La première intention de l’exposition serait de démontrer le rôle de la formulation du “Ciel” dans l’acquisition des propriétés émotionnelles, humaines et généreuses et néanmoins ambitieuses dans la qualité architecturale du Freespace. Capturé par la lumière, percé par la verticalité, couronné par l’horizontalité, honorifié par le vide, ou utilisé en tant que ressource écologique, l’Espace Ciel promeut des explorations formelles et spatiales qui augmentent le bien-être public tout en relevant la puissance et la beauté de l’architecture française. Se révélant à travers le parcours scénographique ainsi que par la répartition des références architecturales, le deuxième propos de l’exposition est de dévoiler le positionnement de l’architecture française au regard du “Ciel.” Car il se trouve qu’en dépit des tendances architecturales, la France s’est généralement prescrite de s’approcher de la terre afin d’atteindre le ciel. [ Ainsi, il revêt la nature d’un sentiment mêlé et convoqué par la terre. Car « C’est la terre qui dicte ses lois à l’espace. Le ciel n’est pas l’ailleurs. Le ciel est un double » observe l’écrivain et philosophe, Laurent Gervereau2. ] Héritée du Modernisme et de l’utopie de Vivre à l’oblique de Claude Parent dans les années soixante, l’architecture semble renier l’union indéfectible de la terre au ciel démontrant que la véritable élévation de l’habitat serait de se rapprocher de la terre. Ces qualités spatiales et formelles nous menant vers un rapprochement de la terre suscitent en parallèle des questionnements sur l’aspect écologique de l’architecture. Prenant en compte l’entité climatique de l’Espace Ciel, l’exposition débouche sur les possibilités d’une conception architecturale pleine, une architecture attentive aux ressources de la terre, aux besoins psychiques et physiques des individus. Ainsi, l’évolution de l’architecture francaise nous dirige à travers l’Espace Ciel vers une civilisation où les hommes sont conscient de leur place sur la Terre et de leur propre “humanité.”
2 Les constructions du ciel, 1900-1958, BLONDET-BISCH Thérèse, COHEN Jean-Louis, DELAUNAY Dominique, DUBOIS Marc, Bruxelles, Fondation pour l’Architecture, 1995, p. 89
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APERCU SCENOGRAPHIQUE// [ Ainsi, il revêt la nature d’un sentiment mêlé et convoqué par la Terre. Car « C’est la terre qui dicte ses lois à l’espace. Le ciel n’est pas l’ailleurs. Le ciel est un double » observe l’écrivain et philosophe, Laurent Gervereau. ] C’est à travers cette correspondance entre le ciel et la terre que l’exposition Espace Ciel invite les visiteurs au Pavillon Francais. Tantôt une passerelle en attente de ses passants, tantôt un organisme s’échappant de l’intérieur, cette terre rouge accueille les visiteurs depuis le jardin du Pavillon afin de les accompagner tout le long d’un parcours immersif. Telle une topographie, ce sol rouge constitue la partie terrestre et matérielle de la scénographie, séquençant l’exposition à travers ses transformations formelles et ses délimitations. La terre devient architecture ou l’architecture devient terre, cette dualité sert à soutenir autant la narration de l’exposition que les références architecturales elles-mêmes.
SALLE 4
METEOROLOGIQUE
FIN CIEL CONTEMPLATIF
SALLE 2 LE CIEL COMME HORIZON
ENTRÉE «ESPACE CIEL»
SALLE 3
LE BLEU DU CIEL
SALLE 1
VERTIGINEUSE VERTICALITÉ
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vert igin e use VE RT ICALIT e SALLE 1
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SALLE 1-VERTIGINEUSE VERTICALITE PROJET CURATORIAL// PARCOURS DE L’EXPOSITION VERTIGINEUSE VERTICALITE SALLE 1
Plus nous construisons haut, plus nous perdons pied, plus nous nous abandonnons au vertige. Aaron Betsky, Lignes d’horizon : l’architecture et son site, 2002
Dans l’histoire de l’humanité, le ciel est avant tout un espace spirituel. La révélation tardive d’un ciel matériel ne supplante pas sa nature divine, mais coexiste avec elle, car les croyances en ont fait la demeure invisible des morts et des dieux. Le Catholicisme, religion dominante en France depuis le Moyen Âge jusqu’à la Séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905, a fortement marqué le paysage architectural de lieux de culte érigés vers le ciel3. En l’an mil, « un blanc manteau d’églises » couvre l’Occident4. La croyance en un au-delà, espace divin, mais également Enfer ou Paradis pour les croyants au moment du Jugement Dernier, conditionne l’évolution de l’architecture religieuse vers toujours plus de verticalité. De ce point de vue, le Style gothique, qui se caractérise dès le XIIe siècle par la place prépondérante de la lumière matérialisant la présence divine, grâce à de grandes verrières colorées5 , connaît son apogée vers le milieu du XIIIe siècle6 avec l’emploi de l’arc brisé. En effet : « [cette avancée architecturale] permet d’accroître considérablement la hauteur des murs et d’alléger l’allure de l’ensemble. Les verticales jaillissent du sol et montent vers le ciel, toujours plus haut, plus près de Dieu. » 7
Parmi les joyaux de cette architecture gothique, dardant les ßèches et les pinacles des toitures ˆ des hauteurs vertigineuses, citons la Cathédrale de Chartres (1194-1220) qui culmine à 115 m ou encore la Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg bâtie sur les ruines d’une église romane et élevée à partir de 1220 à plus de 140 m. Au demeurant, la verticalité est moins affaire de mesure que de direction, car cÕest vers lÕinÞnitude du ciel immatŽriel que le Þdèle est ainsi 3
http://classes.bnf.fr/villard/reperes/index4.htm
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http://classes.bnf.fr/villard/reperes/index4.htm
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http://classes.bnf.fr/villard/reperes/index4.htm « L’art gothique se substitue peu à peu au style roman pendant la seconde moitié du XIIe siècle dans les villes d’Ile-de-France. Il se définit par l’utilisation systématique de la voûte sur croisée d’ogives, d’arcs boutants et de fenêtres en arc brisé. Empruntant des procédés du style roman, l’architecture gothique recourt aussi à de nouvelles techniques : la croisée d’ogives dirige les poussées de la voûte sur des piliers, et non plus sur des murs, les arcs-boutants servent de soutien extérieur aux piliers, ils s’appuient sur des contreforts ; entre les piliers, les murs qui ne soutiennent plus la voûte sont percés de hautes et larges fenêtres en forme d’arc brisé. » 6
site www.bnf. Architecture gothique. Art français, art ogival, art gothique…Ces différentes appellations témoignent des difficultés rencontrées pour définir l’art nouveau qui s’épanouit en Europe entre les XIIe et XVIe siècles. Ce sont les italiens qui, au XVIIe siècle, baptisent l’art français de manière péjorative « art gothique », pour signifier barbare. Ce mot marque le mépris porté alors à l’art médiéval. Au XIXe siècle, les termes ogival et gothique deviennent synonymes. Dans le Génie du Christianisme, Chateaubriand intitule un chapitre : Des églises gothiques. 7
http://classes.bnf.fr/villard/reperes/index4.htm
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SALLE 1-VERTIGINEUSE VERTICALITE invité à diriger son esprit. Même après la sécularisation des cieux qu’opèrent les progrès signiÞcatifs de lÕaviation ˆ lÕŽpoque moderne, la dimension spirituelle subsiste. invité à diriger son esprit. Même après la sécularisation des cieux qu’opèrent les progrès Elle s’exprime presque toujours par le besoinla d’élévation vers le ciel, à l’instar du sculpteur signiÞcatifs de lÕaviation ˆ lÕŽpoque moderne, dimension spirituelle subsiste. Brancusi (1876-1957) qui fait de la verticalitŽ la dimension première de son Ïuvre ˆ travers les 8 diffŽrentes versions de La Colonnepar sans constituŽes, dèsvers 1918, de formes rhombo•des en Elle s’exprime presque toujours le Þn besoin d’élévation le ciel, à l’instar du sculpteur direction des nuages. Reprenant le verticalitŽ thème mythologique lÕaxis Mundi qui soutient la vožte Brancusi (1876-1957) qui fait de la la dimensiondepremière de son Ïuvre ˆ travers les 8 céleste et assure une liaison avec la terre, Brancusi envisage La Colonne sans Þn : diffŽrentes versions de La Colonne sans Þn constituŽes, dès 1918, de formes rhombo•des en direction des nuages. Reprenant le thème mythologique de lÕaxis Mundi qui soutient la vožte « [comme] un projet de colonnes, qui, agrandies, soutiendront lÕarche du Þrmament. »9 céleste et assure une liaison avec la terre, Brancusi envisage La Colonne sans Þn : DÕailleurs, lÕarchitecte amŽricano-argentine Diana Agrest rappelle dans Le Ciel est la limite « [comme] un projet de colonnes, qui, agrandies, soutiendront lÕarche du Þrmament. »9 que la fonction primitive de la colonne dans les temples Žgyptiens Žtait de soutenir un ciel peint. CettelÕarchitecte lointaine mŽtaphore, prŽcise-t-elleDiana : DÕailleurs, amŽricano-argentine Agrest rappelle dans Le Ciel est la limite que la fonction primitive de la colonne dans les temples Žgyptiens Žtait de soutenir un ciel Ç est reprise dans un des projets du Chicago Tribune : en effet le projet de colonne Žgyptienne de peint. Cette lointaine mŽtaphore, prŽcise-t-elle : Gerhard nous rappellent que les gratte-ciel sont des colonnes qui soutiennent le ciel. »10 Ç est reprise dans un des projets du Chicago Tribune : en effet le projet de colonne Žgyptienne de La typologie en colonne du gratte-ciel, sorte de cathŽdrale des temps modernes, devient la Gerhard nous rappellent que les gratte-ciel sont des colonnes qui soutiennent le ciel. »10 source « d’un nouvel art poétique grandiose È pour Brancusi lors de son voyage ˆ New York en 1926. Face ces colonnes hors normes quicathŽdrale peuplent lÕurbanisme des mŽgalopoles, La typologie enˆcolonne du gratte-ciel, sorte de des temps modernes, devient lail nourrit l’espoir d’une Colonne inÞnie qui dŽpasserait le Woolworth Building de 241 mètres de source « d’un nouvel art poétique grandiose È pour Brancusi lors de son voyage ˆ New York haut, alorsFace considŽrŽ le plus b‰timent. Ë la même Žpoque, des le gratte-ciel susciteil en 1926. ˆ cescomme colonnes horsgrand normes qui peuplent lÕurbanisme mŽgalopoles, pourtant la mŽÞance des Modernes qui voient dans sa typologie les germes de sa destruction. nourrit l’espoir d’une Colonne inÞnie qui dŽpasserait le Woolworth Building 241 mètres de Les formulŽes ˆ lÕŽpoque en partie rarŽfaction tours en France. haut,critiques alors considŽrŽ comme le plus expliquent grand b‰timent. Ë la lamême Žpoque,des le gratte-ciel suscite Pour lÕarchitecte et urbaniste François Laisney : pourtant la mŽÞance des Modernes qui voient dans sa typologie les germes de sa destruction. Les critiques formulŽes ˆ lÕŽpoque expliquent en partie la rarŽfaction des tours en France. « Le gratte-ciel est un nouvel objet qui met en crise lÕoutil typologique en architecture tel quÕil avait ŽtŽ Pour lÕarchitecte et urbaniste François Laisney : dŽÞni jusquÕau XIXe. En effet, la typologie du XIXe, qui découpe le réel en programme clairement identiÞables auxquels elle attribue un usage et un sens spŽciÞque, est contestŽe : la tour devient « Le gratte-ciel un nouvel qui met en crise lÕoutil lÕimage typologique architecture tel quÕil avait ŽtŽ lÕarchŽtype du est b‰timent auxobjet fonctions indiffŽrenciŽes, dÕunenpur espace quantitatif, dÕune e. En effet, la typologie du XIXe, qui découpe le réel en programme clairement dŽÞni jusquÕau XIX multiplication pure et simple. [É] Parce quÕil est non orientŽ, homogène, isotrope, lÕespace des tours ne identiÞables elle attribue un usage et existantes. un sens spŽciÞque, est contestŽe la tour peut sÕinsŽrerauxquels quÕen dŽtruisant les morphologies La fascination du Ç sol :libéré » oudevient de la lÕarchŽtype du b‰timent aux fonctions indiffŽrenciŽes, lÕimage dÕun espace quantitatif, dÕune « dalle piétonnière È, les espoirs placŽs dans la crŽation miraculeuse de cepur nouvel espace urbain, on fait multiplication pure et simple. [É] Parce quÕilduestdedans non orientŽ, homogène, oublier ces deux univers concentrationnaires et du dessous de la isotrope, tour.11 lÕespace des tours ne peut sÕinsŽrer quÕen dŽtruisant les morphologies existantes. La fascination du Ç sol libéré » ou de la « dalle piétonnière È, les espoirs placŽs dans la crŽation miraculeuse de ce nouvel espace urbain, on fait 11 Symbole de rŽussite, les tours sÕŽrigent vers du le ciel ˆ la hauteur leur Þnancier. En oublier ces deux univers concentrationnaires dedans et du dessous de de la tour.pouvoir
2021, The link, future tour de 244 mètres de haut sera le plus grand gratte-ciel de France implantŽ dans le quartier des affaires de vers La DŽfense. Symbole de rŽussite, les tours sÕŽrigent le ciel ˆ la hauteur de leur pouvoir Þnancier. En 2021, The link, future tour de 244 mètres de haut sera le plus grand gratte-ciel de France implantŽ dans le quartier des affaires de La DŽfense.
8
AVRIL André, Constantin Brancusi, Dossier pédagogique, Centre Pompidou, 2006 : « La verticalité est la dimension première de l’œuvre de Brancusi. » 8
AVRIL André, Constantin Brancusi, Dossier pédagogique, Centre Pompidou, 2006 : « La verticalité est la dimension Ibid. première de l’œuvre de Brancusi. » 9
10 Architecture 9 Ibid.
d’Aujourd’hui, Vie et mort des gratte-ciel, N° 178, pp. 55-64, Le Ciel est la limite par Diana AGREST
Architecture d’Aujourd’hui, Vie et mort des gratte-ciel, N° 178, pp. 55-64, Pour une typologie du gratte-ciel, François Architecture d’Aujourd’hui, Vie et mort des gratte-ciel, N° 178, pp. 55-64, Le Ciel est la limite par Diana AGREST LAISNEY 11 10
Architecture d’Aujourd’hui, Vie et mort des gratte-ciel, N° 178, pp. 55-64, Pour une typologie du gratte-ciel, François LAISNEY 11
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SALLE 1-VERTIGINEUSE VERTICALITE
Brancusi, Colonne sans fin.
© DR - Paris-La Défense
Cathédrale de Chartres
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SALLE 1-VERTIGINEUSE VERTICALITE
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SALLE 1-VERTIGINEUSE VERTICALITE APERCU SCENOGRAPHIQUE// Le Ciel, émergeant de cette terre rouge, nous mène vers une réflexion de la représentation de l’immatérialité en raison de l’intention immersive du projet scénographique. “bleu infini, lointain, immense, même quand il est senti par une âme aérienne, a besoin d’être matérialisé pour entrer dans une image littéraire...le ciel bleu est si simple qu’on croit ne pouvoir l’oniriser sans le matérialiser; mais en voie de matérialisation, on matérialise trop”... A travers ce constat, Gaston Bachelard suggère de retrouver la valeur de l’image du ciel bleu dans l’immatérialité car “l’imagination substantielle de l’air n’est vraiment active que dans une dynamique de la dématérialisation.” Prenant en compte cette subtilité de la représentation du Ciel , le déroulement de la scénographie se trouve dans le conditionnement du visiteur au ciel “représenté” dans les trois premières salles de l’exposition. La représentation trouvé dans la vidéo-projection nous permet néanmoins de garder la caractéristique immatérielle et immersive tout en évoquant les sensations du ciel se trouvant dans les références architecturales du projet curatoriale.
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l e cie l COM M E HORIZON SALLE 2
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SALLE 2-LE CIEL COMME HORIZON LE CIEL COMME HORIZON PROJET CURATORIAL// SALLE 2
L’univers de nos yeux repose sur un plateau bordé d’horizon La face tournée vers le ciel considérons l’espace inconcevable jusqu’ici insaisi. Le Corbusier, Le Poème de l’angle droit, 1955
L’architecte Le Corbusier (1887-1965) nourri une véritable obsession pour le gratte-ciel jusqu’au milieu des années trente. Il n’en demeure pas moins critique vis-à-vis de cette architecture qui fait Žtrangement Þ de lÕensoleillement et de lÕhorizon. Pour lui : « Manhattan est une ville si hostile aux besoins les plus fondamentaux du cœur humain que le rêve de l’évasion s’incruste en chaque cœur. […] Ouvrir les yeux sur un coin de ciel, vivre près d’un arbre, au bord d’une pelouse. Et fuir à jamais le bruit, le tumulte de la cité. » 12
plaide-t-il en 1936 dans un article de la revue American Architect, repris la même année dans le texte français Quand les cathédrales étaient blanches (1936). AÞn de combler les insufÞsances du gratte-ciel monolithique sur l’individu et l’urbanisme, Le Corbusier propose en vain l’alternative du gratte-ciel à redents pour le projet de La Ville de 3 millions d’habitants et du gratte-ciel cruciforme aux murs ondulés. Sans jamais renoncer ˆ prendre de la hauteur, il concrŽtise Þnalement le concept du Ç gratteciel horizontal È rŽsolument en phase avec la nature. PrivilŽgiant lÕaxe longitudinal sur la verticalité, le bâtiment libère le sol en le surplombant grâce à un système de pilotis. De cette façon, rappelle l’architecte, historien et critique anglais Kenneth Frampton, le sol est traité comme un paysage-parc à la libre disposition du promeneur13. D’ailleurs, l’exemple de La Cité Radieuse de Marseille (1954), conçue en béton brut coulé dans des coffrages en bois prêts à accueillir des cellules d’habitation préfabriquées suivant le principe de la montée à sec, demeure selon lui : « la réalisation la plus importante de la période tardive de Le Corbusier […] [et] reste, au moins sur le plan de l’intention, aussi pertinente que le jour de sa construction »14 en 1945.
Grâce aux cellules autonomes d’habitation construites sur deux étages et assemblées têtebêche ˆ la structure du b‰timent, les appartements bŽnŽÞcient dÕun important vitrage qui offre un ensoleillement idŽal suivant lÕimplacable cycle solaire de 24 heures dÕEst en Ouest. Pierre angulaire de cette construction élevée aux quatre vents, l’aménagement d’un toit-terrasse au sommet du b‰timent permet aux habitants de proÞter, entre ciel et terre, de lÕhorizon, de la mer et de la beauté du paysage. C’est ainsi que Le Corbusier célèbre la maison des hommes dans Le Poème de l’angle droit :
12
FRAMPTON Kenneth, Le Corbusier, HAZAN, Paris, 1997, p.40
13
Ibid. p. 45 : « En même temps, puisque l’ensemble des constructions était élevé sur pilotis, le sol était traité comme un paysage-parc continu, à la libre disposition du promeneur. » 14
Ibid, pp. 119-120
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SALLE 2-LE CIEL COMME HORIZON « Débarrassée d’entraves mieux qu’auparavant, la maison des hommes maîtresse de sa forme s’installe dans la nature. Entière en soi faisant son affaire de tout sol ouverte aux quatre horizons elle prête sa toiture à la fréquentation de l’azur ou des étoiles »15.
Le toit-terrasse, bien qu’exploité depuis 1922 par Le Corbusier dans la construction dÕimmeubles-villas privŽs (É), trouve ici une ÞnalitŽ bien plus sociale et poŽtique en rŽponse ˆ l’enjeu de l’habitat de masse. L’espace du toit, qui sert les nobles desseins de nature et de culture pour l’Homme, est divisé en trois zones fonctionnelles ouvertes sur lÕinÞnitude du ciel et de l’horizon qui comprennent notamment une maternelle au nord, un théâtre au sud, l’accès facilités aux loisirs de plein air avec un solarium à la sortie des ascenseurs, un gymnase couvert et une piste de course de 300 m de long sur le périmètre du toit. Lieu d’échange et de partage par excellence, le toit-terrasse syncrétise les vertus de l’Agora antique à laquelle il emprunte d’ailleurs sa structure en gradins et son monumental péristyle. La volumétrie simple et immaculée des ascenseurs, des cheminées, qui animent également la surface du toit de différentes verticalités, toutes pensées à l’échelle humaine, d’après le nombre d’or de l’Homme debout - le Modulor, mesure de toutes choses - ne sont pas sans évoquer la silhouette d’un navire en partance pour un voyage inconnu, rappellent Brunehilde Carasso, Nadir Chikh, Aurélie Cristini, Estelle Julian, Claire Terrien et Corinne Zoller, étudiants à l’Ecole d’architecture de Marseille Luminy. « Poser, ßotter, voler : L'omniprŽsence du bleu, les perspectives du bastingage, la vue dominante offerte par la passerelle, donne le sentiment d'un paquebot quittant la c™te, laissant ville et montagne derrière lui. »16
L’Homme de La Cité radieuse de Le Corbusier, qui marque le triomphe de l’horizontalité a littéralement la tête dans les nuages. Il continue de regarder vers le ciel libéré de toutes entraves et évolue en son sein. En respectant la nature du paysage, le « gratte-ciel horizontal », signe avant-coureur du gratte-terre contemporain, parvient paradoxalement à créer un très fort sentiment de hauteur. Dans la lignée d’une élévation s’inscrivant dans un plan longitudinal pour mieux s’ouvrir au ciel, le Musée national d’art moderne – Centre Pompidou conçu par Renzo Piano et Richard Rogers dans les annŽes soixante dix (1972-1977) fait Þgure d’exemple notoire. En conformité avec la pensée précurseur de Pontus Hulten, qui en fut son directeur de 1973 à 1981, le bâtiment implanté en plein cœur de Paris incarne les notions de transparence et de décloisonnement. Dès l’origine, le lieu est destiné à être un grand centre de culture moderne où fusionnent l’art, la littérature, la science et la vie. Les façades vitrées de cette architecture offrant une vaste piazza ouverte sur la ville incarnent cette volonté17. De fait, elles rendent l’art accessible depuis l’extérieur, tout en révélant l’activité de la ville depuis l’intérieur. A cette transparence qui résout la dialectique du dehors et du dedans, s’ajoute l’empilement de plateaux entièrement libres et modulables en fonctions des besoins et de la nécessité d’accueillir toutes les formes d’art vivant18. Pour cela, toute la structure fonctionnelle du bâtiment a été rejetée à l’extérieur du bâtiment. L’ostentation des tuyauteries en plein air est 15
LE CORBUSIER, Le Poème de l’angle droit, Paris,Tériade, 1955
16
Site internet de la Cité radieuse, Marseille, présentation.
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11 000 m2 de surface vitrée
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7 500 m2
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SALLE 2-LE CIEL COMME HORIZON ici doublement justiÞŽe par la possibilitŽ dÕabolir la prŽsence des murs porteurs gr‰ce ˆ lÕemploi de lÕacier et du verre19, mais Žgalement par le dŽsir des architectes de ne rien cacher. LÕautre particularitŽ de ce b‰timent prŽcurseur des annŽes soixante-dix tient ˆ la prŽsence dÕune Ç chenille È elle aussi visible depuis lÕextŽrieur. Construit comme un diagramme, ce dispositif guide progressivement le regard du visiteur vers le ciel au-dessus des toits de Paris. En empruntant cette Ç machine de vision È, il accède au sommet de la chenille ˆ une plateforme vitrŽe comme suspendue dans le vide. La structure transparente du belvŽdère qui nÕest pas sans rappeler les projets expŽrimentaux dÕArchigram et plus encore les bulles dÕair ouvertes sur le ciel de Coop Himmelblau ou de Hans Rucker-Co, permet au visiteur de dŽambuler parmi les nuages.
6 (et retour), en suivant un mouvement diagonal.
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15 000 tonnes
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SALLE 2-LE CIEL COMME HORIZON
Agnès Varda, La terrasse du Corbusier, Marseille, 1956 © Photo : Agnès Varda
Le Corbusier, Le Poème de l’angle droit, 1955 © Fondation Le Corbusier, Paris, 2017
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Le toit terrasse de la cité radieuse de Marseille © Maxppp
La chenille, Centre Pompidou © Droits réservés
Renzo Piano & Richard Rogers, La chenille du Centre Pompidou, 1972-1977 © Droits réservés
Haus-Rucker-Co, Oase Nr. 7, Installation, Documenta 5, Kassel (Allemagne), 1972 © Photo : Carl Eberth © Documenta Archives
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SALLE 2-LE CIEL COMME HORIZON
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SALLE 2-LE CIEL COMME HORIZON APERCU SCENOGRAPHIQUE// A travers l’animation vidéo des trois premières salles, l’intention serait de communiquer la dynamique procuré par le ciel dans les architectures exposées. Dans la première salle, le vertige se produit à travers le lien de la scénographie spatiale et l’animation vidéo. Le sol s’élevant vers le ciel et le mouvement des images plongent le visiteur dans un parallèle entre l’architecture gothique et la typologie du gratte ciel. Entre vertige,émerveillement et écrasement, les sensations ressenties dans cette premiere salle sont dissipées en arrivant à la deuxième salle du pavillon. La terre rouge se transforme en gradins afin de pouvoir admirer l’horizon, et nous trouvons l’horizontalité suggérée par Le Corbusier, ainsi que l’ouverture de la Piazza du Centre Pompidou. Nous permettant de rentrer dans l’agora, le ciel deviens un lien entre les individus et la terre son amphithéâtre. Plénitude, liberté et bien être dans l’espace publique émergent lorsque le ciel est mis en scène à travers la générosité architecturale.
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BLE U DU CIE L SALLE 2
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SALLE 3-BLEU DU CIEL PROJET CURATORIAL// LE BLEU DU CIEL SALLE 3 « Le bleu n’a pas de dimensions. « Il est » hors des dimensions, tandis que les autres couleurs, elles en ont. » Yves Klein, extrait du Discours à la Commission du théâtre de Gelsenkirchen, 29 mai 1960.
Le ciel est systématiquement associé au bleu en dépit de son impermanence (climatique). Point de gris à l’horizon. En effet, le bleu du ciel, rappelle le philosophe Gaston Bachelard : « est d’abord l’espace où il n’y a plus rien qu’à imaginer ». [Face à lui, nous] « n’éprouv[ons] pas exactement la sensation donnée par les objets solides et limités » poursuit-il, [l’œil et l’esprit] « rêvent ensemble ˆ une matière inÞnie qui tient la couleur dans son volume, sans jamais cependant pouvoir être enfermée. »20
Plus qu’aucun autre artiste, Yves Klein (1928-1962) a fait de ces propriétés du ciel bleu la matrice d’une œuvre qui cherche à révéler l’immatérialité et l’invisibilité du monde sensible. Limitant dès 1957 sa palette au bleu, la série des Monochromes est indissociable de sa notion centrale d’imprégnation de l’espace21 . Postulant que le bleu est la couleur du ciel, elle peut de facto rendre visible l’immatériel. Il confère ainsi au bleu de nature cosmique et céleste, doté d’une énergie particulière, la qualité artistique majeure d’agir sur notre perception de l’espace. Ce dernier se chargeant en retour de la force des sentiments éprouvés face à la sensation dÕinÞni et dÕau-delˆ. LÕhistorien et critique dÕart, Christophe Domino, note dÕailleurs que ce rêve d’élargissement de l’art vers la vie est un thème récurrent qui traverse la modernité artistique et trouve dans les créations à ciel ouvert l’un de ses triomphes : « L’œuvre d’art peut réellement partager l’espace vivant et occuper toutes les échelles, du microcosme au macrocosme. Elle peut se perdre dans l’inframince, selon le mot de Duchamp, se réduire au geste, à la trace, ou se mesurer à la dimension du paysage, voire tâter des dimensions cosmiques 22.
Poussant ˆ son paroxysme cette quête dÕun espace sensible et par dŽÞnition illimitŽ, Klein revendique comme un geste artistique l’exposition du vide lors de La spécialisation de la sensibilité à l’état matière première en sensibilité picturale stabilisée. Réalisée en 1958, cette exposition entièrement vide à l’intérieur, est enveloppée de bleu à l’extérieur (vitrine, rideau, invitations, cocktails…). Bien que sa réalisation la plus spectaculaire demeure le Saut dans le vide le 27 novembre 1960, lÕexposition de 1958 annonce dŽjˆ ses rŽßexions sur Ç l’architecture de l’air » qu’il va développer en collaboration avec l’architecte Claude Parent de 1959 à 1961. Cette
20
BACHELARD Gaston, L’Air et les songes – Essai sur l’imagination du mouvement [1943], Paris, Biblio Essais, 2016.
21
MORISSET Vanessa, Yves Klein, corps, couleur, immatériel, Dossier pédagogique, Centre Pompidou, 2006. Le bleu et la théorie de l’imprégnation : vers l’immatériel : « Exposés en 1955 sous le titre Yves, Peintures, les premiers Monochromes sont multicolores. C’est pour les rendre plus à même de réaliser la fonction qu’Yves Klein assigne à la peinture, rendre l’espace sensible, qu’il les réduit en 1957 à la seule couleur bleue, le bleu étant la couleur du ciel.» 22
DOMINO Christophe, À ciel ouvert, Art contemporain, Milan, Editions Scala, 1999.
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SALLE 3-BLEU DU CIEL fulgurante mais intense collaboration23 , entre l’artiste et le futur architecte de l’oblique donne lieu à plusieurs projets dessinés et peints par Claude Parent suivant les concepts de Klein inspirés des éléments que sont l’eau, l’air et le feu (Rocket pneumatique, Architecture de l’air, Fontaine de Varsovie d’eau et de feu). Fabienne Grasser-Fulchéri, critique d’art et commissaire de l’exposition Rêves d’architecture en 2013 à l’Espace d’art concret qu’elle dirige, rappelle que : « L’idée de Klein était de repenser la ville, de se protéger rien qu’avec l’air, l’eau et le feu ; de dompter les éléments pour qu’ils soient au service d’une population. » 24
Paradoxalement, Claude Parent se fera l’interprète d’une ville dématérialisée, sans architecture, qu’appelle de ses vœux Yves Klein. À la mort précoce du peintre en 1962 et sous l’initiative de la mère et de la veuve de l’artiste, Claude Parent poursuit l’interprétation architecturale du vide, de l’immatériel, du monochrome et de la cosmogonie avec le projet du Mémorial Yves Klein à Saint-Paul de Vence (1964-65) qui consiste alors, selon sa propre formulation : « […] [à] réaliser sur trois niveaux un parcours continu, enchaînant des espaces différenciés, parcours ponctué d’ÉLÉMENTS CYLINDRIQUES visant les trois directions de l’espace. Ces tubes de béton par leurs positions propres VISENT à illustrer pour le visiteur le VIDE, L’IMMATÉRIEL, LE MONOCHROME, LA COSMOGONIE par la simple découpe du ciel de Nice. En effet grâce au positionnement diffŽrent de ces capteurs de lÕinÞni, la perception visuelle du bleu est diffŽrente: La diagonale donne la vision atmosphérique La verticale au-dessus de la tête du visiteur suggère l’immatériel. L’horizontale pousse au vide du bleu de Klein La verticale inversée nous entraine vers la mort: le CI-GIT. […] Cette dernière direction plongeante nous conduit à l’exploration de l’espace cryptique et répond en négatif à l’évasion verticale vers l’immatériel. » 25.
Force est de constater que cette amitié collaborative fut déterminante pour l’architecte qui se distingue à l’époque par l’usage iconoclaste de la fonction oblique théorisée dès 1963 par le groupe Architecture Principe qu’il fonde avec Paul Virilio. Ce dernier développe également la notion de « crypticité » mise en œuvre à l’Église Sainte-Bernadette du Banlay (1963-66) et qui tout comme dans le Mémorial d’Yves Klein cristallise l’union du ciel et de la terre.
23
AZIMI Roxana, Claude Parent, Yves Klein et les rêves d’architectures, Le Quotidien de l’art, N° 429, 26 juillet 2013. Extrait du catalogue d’exposition Rêves d’architecture, Espace de l’art concret, Mouans-Sartoux, du 10 septembre - 27 octobre 2013 : «Yves Klein, pour moi [Claude Parent], c'est toute une partie brutale de ma vie. Je pense que si je n'avais pas rencontré Yves Klein, à un moment qu'on ne peut juger qu'opportun vu le retentissement que ça a eu sur moi, je n'aurais pas été le même architecte. » 24 25
SAINT-PIERRE Raphaëlle, Claude Parent et Yves Klein à la conquête de l’immatériel, Le Moniteur, N°5715, 7 juin 2013. Texte de Claude Parent définissant son projet architectural du mémorial d’Yves Klein.
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SALLE 3-BLEU DU CIEL Le Saut dans le vide, 5, rue Gentil-Bernard, Fontenay-aux-Roses, octobre 1960 Action artistique d’Yves Klein Titre de l’œuvre d’Yves Klein d’après son journal « Dimanche 27 novembre 1960 » :« Un homme dans l’espace ! Le peintre de l’espace se jette dans le vide ! », 1960 Photo Shunk-Kender © Yves Klein, Adagp, Paris 2007
Mémorial Yves Klein, 1964-1965, Coupe sur les visées Encre sur calque, 29.6 x 41.9 cm, Collection FRAC Centre © François Lauginie
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SALLE 3-BLEU DU CIEL
Mémorial Yves Klein, 1964-1965, Yves Klein 2, Dessin, Encre sur papier, 77 x 123.2 cm Claude Parent, extrait de Vivre à l’oblique, Donation Claude Parent, Collection FRAC Centre
Claude Parent, Maison Drush, Versailles, 1963 © Droits réservés
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SALLE 3-LE BLEU DU CIEL APERCU SCENOGRAPHIQUE// Dans la troisième salle, le ciel “représenté” se rétrécit pour laisser place à des passages du ciel réel vers l’intérieur de la pièce. Les percements trouvés dans l’architecture de la pièce laissent passer la couleur bleue du ciel, ainsi que la vision des croquis conceptuels de Claude Parent. Ainsi, nous nous immergeons dans la subtilité du lien entre le ciel et la terre. Les failles au sol ainsi que l’insinuation d’un dehors, nous rendent réceptifs aux dynamiques spatiales car la complexité demande un effort dans le mouvement et dans le regard. Sublimer le ciel à travers le contraste de la couleur et de la matière crée ainsi une poétique spatiale. Comme s’ils étaient des croquis en cours de réalisation, les dessins du Mémorial Yves Klein, 1964-1965, et du Plan Oblique sont animés afin de communiquer l’importance de la conceptualisation architecturale dans la conception de la poésie de l’espace.
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cie l météo rologiqu e SALLE 3
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SALLE 4-CIEL MÉTÉOROLOGIQUE PROJET CURATORIAL// L’ARCHITECTURE MÉTÉOROLOGIQUE SALLE 4 Le ciel nocturne complètement dégagé de nuages forme une coupole immense, d’un noir absolu, glacial. Sa température de - 273° C aspire, par rayonnement négatif, la chaleur que la Terre a reçue durant la journée et celle de mon corps, à 37° C Philippe RAHM, Météorologie des sentiments, 2015
En écho aux luttes sociopolitiques des années soixante, divers groupes d’architectes avantgardistes remettent en question leur discipline jugée trop éloignée de la nature. L’intérêt porté au vernaculaire au tournant des soixante dix, s’exprime aux Etats-Unis et en Europe à travers la réalisation de projets expérimentaux inspirés de l’environnement (Richard Bukminster Fuller, Floating Cloud structures, Dome over Manhattan, ca 1960). Concepteurs et théoriciens favorisent cet éveil de la conscience écologique qui génère de nouveaux modes de constructions rejetant l’emploi de matériaux manufacturés polluants et contre nature26. Le règne ancestral de la verticalité - des cathédrales, des gratte-ciel et de l’habitat orthonormé - est sévèrement mis à mal par le triomphe des thèmes bio-psychologiques et géo-morphes centrés sur l’Homme et la terre. L’américain Aaron Betsky, architecte, critique, enseignant et écrivain de l’architecture, souligne qu’à la suite de ces avancées théoriques, l’horizontalité ondoyante du paysage a ouvert la voie à une nouvelle tradition du gratte-terre : « [É] [qui] offre une alternative ˆ la gloriÞcation dÕŽdiÞces toujours plus hauts et plus abstraits, et a donné naissance à des théories de l’horizontalité, du replis et de la dissimulation. A la cohérence d’un ordonnancement quadrillé, d’un système structurel et d’un rapport compositionnel, le gratte-terre oppose l’informe, l’invisible et le quasi non-construit. Ainsi, le gratte-terre est tout autant l’expression d’une démarche théorique que le fruit de besoins raisonnables ou de comportements sociétaux. » 27
Dans le prolongement de cette analyse, le grand historien du paysage américain J.B. Jackson, estime d’ailleurs que : « […], la seule véritable expression vernaculaire est la hutte en terre, ou toute autre structure sans façade, sans forme dŽÞnie et ne reprŽsentant donc pas une structure dominante. La hutte Žtant ˆ la fois anonyme et utilitaire, elle est propre à la terre. » 28
En rupture avec les élévations du passé, l’architecture « organique » fusionne avec L’Espace Ciel. Le déconstructivisme, à travers la fonction oblique d’un Claude Parent en France (1963) et les réalisations transparentes et aériennes du groupe viennois Coop Himmelblau (1968), qui signiÞe Ç construire le ciel », s’affranchit du mur et des fonctions jadis assignées aux pièces
26
Radical nature : art and architecture for a changing planet 1969-2009, Barbican Art Gallery, Londes, 19 June – 18 October 2009 : « This attitude, which also encouraged the rethinking of architecture’s Relationship to nature, promoted the drastic restructuring of Man’s Relationship to the built environment. Henceforth, architecture should consider the profession’s impact on natural resources. Architects and urban planners started to adopt a more interrelated vision of the planet, in particular in relation to energy use, materials and the balance between the built and the natural environment. » 27
BETSKY Aaron, Lignes d'horizon : l'architecture et son site, Paris, Thames & Hudson, 2002.
28
Ibid.
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SALLE 4-CIEL MÉTÉOROLOGIQUE pour faire corps avec l’espace d’un nouvel habitat. Rappelons à ce titre, un extrait du manifeste de Coop Himmelblau en 1968 : « Notre architecture n’a pas de plan physique, mais un plan psychique. Il n’y a plus de murs. Nos espaces sont des ballons palpitants. Notre pouls devient l’espace, et notre visage la façade de l’immeuble. » 29
Cette « architecture ouverte » intègre un puissant facteur de mobilité, voire de déséquilibre qui fait abstraction de la Þgure ÞgŽe ˆ lÕangle droit du Ç Modulor » Corbuséen pour libérer le mouvement de l’individu30 . D’ailleurs, comme le rappelle Frédéric Migayrou, Conservateur des collections Architecture et Design au Musée national d’art moderne – Centre Pompidou, à propos des réalisations de Coop Himmelblau : « Le corps n’est plus le parangon inerte de la construction. Il force l’espace à de nouvelles dimensions. » 31
L’architecture météorologique, pour qui « les limites se dissipent et les pleins s’évaporent » réinvente un rapport sensible et sensuel du corps à l’Espace Ciel sur la base des échanges physiologiques qui circulent entre eux. Pour l’architecte Philippe Rahm, auteur d’Architecture météorologique (2009), l’étude des paramètres immatériels du vide, de l’air, de la lumière, de la température ou de l’humidité, sont encore à explorer32. Aussi, s’interroge-t-il sur les possibilités d’un nouveau langage architectural : Pourrait-on imaginer que les phénomènes climatiques tels que la convection, la conduction, lʼévaporation par exemple, puissent devenir les nouveaux outils de la composition architecturale ? La vapeur, la chaleur ou la lumière pourraient-elles constituer les nouvelles briques de la construction contemporaine? 33
Ainsi, L’Espace Ciel serait notre terre.
Coop Himmelblau – Construire le ciel, catalogue d’exposition, Musée national d’art moderne – Centre Pompidou, Sous la direction de MIGAYROU Frédéric, 16 décembre 1992 – 12 avril 1993, Paris, Editions Centre Pompidou. 29
30
Ibid. Ciel au-dessus de Vienne par Anthony Vidler : « Ses architectures, qui prennent position à la fois contre l’humanisme « palladien » et le modernisme corbuséen, ne servent plus à centrer, à fixer ou à stabiliser. » 31
Ibid.
32
Radical nature : art and architecture for a changing planet 1969-2009, Barbican Art Gallery, Londes, 19 June – 18 October 2009 : « Another strategy is to replicate natural conditions such as climate, as in Philippe Rahm’s architectural investigations. […]. » 33
RAHM Philippe, Pour une architecture météorologique.
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SALLE 4-CIEL MÉTÉOROLOGIQUE APERCU SCENOGRAPHIQUE// En lien avec l’architecture « météorologique » de Philippe Rahm, la dernière salle de l’Espace Ciel débouche sur les possibilités d’une future architecture dite « céleste », à travers une architecture se nourrissant des entités climatologiques du Ciel. S’inspirant des expériences de Coop Himmelblau, cette structure utilise l’air du ciel, absorbe sa lumière, et utilise ses variations à travers un intérieur kaléidoscopique. Conçue comme un organisme vivant seul apte à rétablir le lien indéfectible du ciel avec la terre, cette architecture du ciel produit chez le visiteur une appréciation du ciel réel. Présentant à travers le parcours de l’exposition une révélation progressive du vrai ciel, la quatrième salle nous guide ensuite vers l’extérieur du Pavillon afin de rentrer pleinement en contact avec le ciel. Ainsi, dans l’espace de contemplation localisé dans le jardin, l’exposition se termine afin de laisser la place à la réflexion sur l’Espace Ciel.
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APERÇU GÉNÉRAL DU PAVILLON FRANÇAIS
COUPE LONGITUDINALE
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APERÇU GÉNÉRAL DU PAVILLON FRANÇAIS
COUPE TRANSVERSALE
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APERÇU GÉNÉRAL DU PAVILLON FRANÇAIS
ESPACE CIEL.
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CIEL CONTEMPLATIF... LA FIN D’UN PARCOURS ET LE DÉBUT D’UNE RÉFLEXION
CIEL CONTEMPLATIF
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BIBLIOGRAPHIE
CATALOGUES D’EXPOSITION Radical nature : art and architecture for a changing planet 1969-2009, Barbican Art Gallery, Londes, 19 June – 18 October 2009. Les constructions du ciel, 1900-1958, BLONDET-BISCH Thérèse, COHEN Jean-Louis, DELAUNAY Dominique, DUBOIS Marc, Bruxelles, Fondation pour l’Architecture, 1995. Coop Himmelblau – Construire le ciel, catalogue d’exposition, Musée national d’art moderne – Centre Pompidou, Sous la direction de MIGAYROU Frédéric, 16 décembre 1992 – 12 avril 1993, Paris, Editions Centre Pompidou. James Turrell : un peu plus près du ciel, Galerie Froment & Putman, Paris, 1989. OUVRAGES GÉNÉRAUX / MONOGRAPHIES BETSKY Aaron, Lignes d’horizon : l’architecture et son site, Paris, Thames & Hudson, 2002. DOMINO Christophe, À ciel ouvert, Art contemporain, Milan, Editions Scala, 1999. FRAMPTON Kenneth, Le Corbusier, HAZAN, Paris, 1997 LUCBERT Françoise, TISON Stéphane, Sous la Direction de, L’imaginaire de l’aviation pionnière : contribution à l’histoire des représentations de la conquête de aérienne, 1903-1927, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016. ESSAIS / PHILOSOPHIE BACHELARD Gaston, L’Air et les songes – Essai sur l’imagination du mouvement [1943], Paris, Biblio Essais, 2016. FAC-SIMILÉ LE CORBUSIER, Le Poème de l’angle droit, Paris, Tériade,1955
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BIBLIOGRAPHIE
PÉRIODIQUES ART PRESS 2, Images de l’espace, archive, exploration, fiction, n° 44, janvier 2017 AZIMI Roxana, Claude Parent, Yves Klein et les rêves d’architectures, Le Quotidien de l’Art, N° 429, 26 juillet 2013. SAINT-PIERRE Raphaëlle, Claude Parent et Yves Klein à la conquête de l’immatériel, Le Moniteur, N°5715, 7 juin 2013. Architecture d’Aujourd’hui, Vie et mort des gratte-ciel, N° 178
INTERNET La Cité Radieuse, Marseille http://www.marseille-citeradieuse.org AVRIL André, Constantin Brancusi, Dossier pédagogique, Centre Pompidou, 2006 : « La verticalité est la dimension première de l’œuvre de Brancusi. » http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-brancusi/ENS-brancusi.htm MORISSET Vanessa, Yves Klein, corps, couleur, immatériel, Dossier pédagogique, Centre Pompidou, 2006. Le bleu et la théorie de l’imprégnation : vers l’immatériel https://www.centrepompidou.fr/cpv/resource/ck4aGAe/r7kXyd RAHM Philippe, Pour une architecture météorologique http://www.philipperahm.com/data/rahm-office-f.pdf GENEVIEVE BLONS ARTS http://genevieveblons.blogspot.fr/2016/10/air-et-architecture-le-corps-et-le-ciel.html BNF http://classes.bnf.fr/villard/reperes/index4.htm
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