Financité
Ensemble, changeons la finance
La dette dans tous ses États
magazine
Numéro Trimestriel
28
Décembre 2012
Une publication du réseau Financement Alternatif Bureau de dépôt : 6000 Charleroi
La dette publique de A à Z p.4 Annuler sa dette, bonne ou mauvaise idée ? p.8
Pour une autre finance Épargnez ensemble avec les CAF p.12 Finance halal et solidaire ? p.14
© Dudarev Mikhail / Shutterstock.com
édito Financité
Actualités Financité
Trimestriel No 28 · Décembre 2012
Non-Occupy Wall Street
La SaintNicolas des banques
U
n an déjà et un bilan en demi-teinte pour le mouvement citoyen Occupy Wall Street. Souvenez- vous, en septembre 2011, des milliers de citoyens campaient devant la célèbre place boursière pour dénoncer les dérives de la démocratie américaine et du capitalisme. Plus de douze mois plus tard, on peut (malheureusement) considérer qu'Occupy Wall Street a échoué dans la plupart de ses objectifs. Son cheval de bataille, soit amender la constitution pour renverser la décision Citizens United, un projet de loi visant à donner la liberté d'expression aux personnes morales et donc à autoriser les entreprises à financer à souhait les campagnes électorales, n'a rien donné. La majorité des campements, devenus entre-temps de véritables centres d'actions sociales plus que politiques, ont été vidés. Mais le mérite reste là : avoir rappelé que le peuple américain est prêt à se faire entendre quand il s'agit de défendre sa démocratie.
Les sept péchés des banques
Bernard Bayot, directeur du Réseau Financement Alternatif
D
I
Les awards de l'économie sociale
EPIII déçoit BankTrack
L
S
es prix de l'économie sociale qui récompensent les projets d'économie sociale développés en Régions wallonne et de Bruxelles-Capitale ont fêté leur 20 ans d'existence. Chaque année, plusieurs entreprises et asbl reçoivent des bourses de différents montants pour continuer à développer leurs projets. Au cru 2012 dévoilé en novembre dernier, on compte trois bruxellois dont la Fobagra, une asbl spécialisée dans la pédagogie des TIC avec le prix Entreprise confirmée Bruxelloise, La ferme Nos pilifs, entreprise de travail adapté avec le prix du Développement durable et Mr Camille Meyer qui a reçu le prix Édition pour son mémoire sur le Banco Palmas au Brésil. Retrouvez l'ensemble des lauréats sur www.prixdeleconomiesociale.be.
ix ans après une deuxième version et suite de quinze mois de discussion, une première ébauche de la troisième version des Principes de l’Équateur (EPIII) a été publiée. Les principes de l’Équateur ont été signés en 2003 par plusieurs grandes banques internationales, ils impliquent la prise en compte des critères environnementaux, sociaux et sociétaux dans les projets de financement. D'après l'organisation néerlandaise BankTrack, « s'il y a des progrès par rapport à la deuxième version, ils ne sont pas encore assez significatifs ». BankTrack reproche notamment l'absence de tout engagement significatif dans la lutte contre le changement climatique. « Malheureusement », précise l'organisation, « les principes de l’Équateur contribuent à son approfondissement en continuant à autoriser les investissements dans le pétrole, les centrales de gaz ou l'extraction du charbon ». www.banktrack.org
Mon argent propre ! Aujourd’hui, les banques n’ont aucun devoir de transparence vis-à-vis de leurs clients. En plaçant votre argent à la banque, vous ne savez pas à quoi il est utilisé, ni quel est son impact.
nitiative du député écologiste européen, Philippe Lamberts, « Les sept péchés capitaux des banques », un site internet proposant une mise à nu des pratiques bancaires abusives, mérite plus d'un clic. En passant en revue, non sans humour, les sept péchés des grandes banques actives en Belgique, le propos est double : rendre la finance accessible à tous et dénoncer les pratiques bancaires abusives. Chaque péché, de la toxicomanie à l'imprudence, est argumenté, chiffres à l'appui, pour chacun des établissements, et assorti d'une solution des Verts. Un classement éthique des banques est également présenté en guide de conclusion. Vous pouvez, par exemple, clairement distinguer une banque qui finance l'économie réelle ou celle qui spécule, etc. Un outil pédagogique en français, bientôt disponible en néerlandais. www.pechesbancaires.eu
D
L
e 24 novembre dernier s'est tenue la 8e « Journée sans crédit » autour, cette fois, du slogan « Ne tuez pas votre épargne, ne tuez pas le cochon ». Le but de ce samedi particulier : rappeler, en cette période de consommation extrême que sont les fêtes de fin d'année, que les crédits faciles sont également les plus dangereux, sensibiliser aussi le grand public à la nécessité de se constituer une épargne. En 2011, près de 320 000 personnes étaient fichées à la Banque nationale. www.journeesanscredit.be
Incofin et la Gimv investissent ensemble
L
e fonds coopératif de microfinance, Incofin, et la Gimv, société d'investissement européenne, agrandissent leur partenariat, noué en 2010. Les deux entreprises ont en effet injecté chacune 1 million d'euros dans Incofin Investement Management, gestionnaire de fonds équitables qui touche déjà, plus de 6 millions de petits entrepreneurs dans le monde. Un partenariat qui permettra à Incofin de bénéficier du professionnalisme de la Gimv. Et à la Gimv de se positionner vers des investissements durables.
Dexia toujours en Israël
D
epuis juillet dernier, Richard Falk, rapporteur indépendant de l'ONU mène une croisade contre les entreprises impliquées dans les violations des droits de l'homme sur les territoires palestiniens occupés. Il appelle aujourd'hui clairement au boycott de l'ensemble des sociétés ayant financé ou ayant participé à des constructions illégales en Palestine... au nombre desquelles Dexia SA, mais aussi Hewlett Packard, Caterpillar ou encore Motorola. Il n'est pas le premier à dénoncer l'entreprise belge puisque la plateforme « Palestine occupée – Dexia impliquée » regroupant 83 associations a commencé à plaider en 2008 déjà pour un retrait de Dexia SA d'Israël. Malgré l'ensemble des pressions et à présent, celle de l'Organisation des Nations Unies, force est de constater que Dexia SA n'a pas encore fait le moindre pas vers un éventuel retrait. www.intal.be
Obligation Financité Bota Un placement solidaire rentable Ces obligations à 5, 10, 15 ou 20 ans permettent au Réseau Financement Alternatif de financer une partie de l'achat d'une emphytéose pour de nouveaux bureaux à Bruxelles. Date limite de souscription : 31/12/12
Financité Magazine est une publication du RÉSEAU FINANCEMENT ALTERNATIF. Édité à 100 000 exemplaires, son but est de faire connaître la finance solidaire à un public le plus large possible. Il est réalisé grâce au soutien de la Région wallonne Rédaction et abonnement : Rue Botanique, 75 – 1210 Bruxelles Tél : 02 / 340 08 60 Fax : 02 / 706 49 06 www.financite.be
Editeur responsable : Bernard Bayot Ont collaboré à ce numéro : Antoine Attout, Bernard Bayot, Olivier Bonfond, Annika Cayrol, Amandine Cloot, Lise Disneur, Antoine Fain, Martin Hernalsteen, Olivier Jérusalmy, Georges Karras, Jean-Denis Kestermans, Nathalie Lemaire, Damien Millet, Laurence Roland, Éric Toussaint. Graphisme et mise en page : Louise Laurent (www.louiselaurent.be) llustration : Mabi (www.lesitedemabi.eu) Impression : Imprimerie Rémy Roto (www.remyroto.be)
Le Réseau Financement Alternatif est une association de promotion et de recherche sur la finance responsable et solidaire. Il est formé de plus Pour vous abonner à Financité Magazine, de 90 membres associatifs dont la liste peut être consultée sur il suffit de verser 10 € (4 n° par an) www.financite.be, rubrique recherche/membresRFA. sur le compte BE29 0011 0106 3164 (BIC : GEBABEBB).
Une banque vous répond... Entre septembre 2011 et octobre 2012, vous avez eu l'occasion de dire aux banques ce que vous souhaitez réellement qu'elles fassent avec votre épargne via la pétition « Mon argent propre ». Nous vous avions promis d'envoyer vos réponses aux établissements concernés. ING Belgique, Belfius Banque (ex-Dexia Banque) et BNP Paribas Fortis, auxquelles vous vous êtes
Un samedi sans crédit
ans son discours de politique générale de novembre dernier, le Premier ministre Elio Di Rupo, a réitéré sa volonté de scinder les grandes banques actuelles, en séparant banques de dépôt et banques d'affaires. « C’est une évidence, les banques doivent à nouveau se concentrer sur leur métier de base : récolter des dépôts et octroyer des crédits à l’économie réelle. Elles ont trop souvent négligé ces activités, par le passé, pour se lancer dans des activités spéculatives d’une complexité inouïe ». Il précisait que l'accord de gouvernement prévoit une série de mesures pour tenter de mettre fin à ses dérives et que la matière était actuellement discutée à la Commission européenne suite aux propositions du groupe de travail Liikanen. Elio Di Rupo a également mentionné « un projet de loi pour l'été 2013 sur la politique de rémunération des établissements financiers qui reçoivent un soutien exceptionnel des pouvoirs publics ».
La Belgique décide d'offrir un avantage fiscal à des fonds dédiés à des projets à finalité socio-économique et/ou sociétale actuellement sous-financés. Un objectif certes louable, mais une méthode qui pose question.
ans sa déclaration de politique générale du mercredi 21 novembre 2012, le gouvernement annonce qu'il créera un cadre fiscal favorable pour l’émission par les banques de prêts-citoyens thématiques : « Ces dépôts à long terme permettront de financer des projets à finalité socio-économique et/ou sociétale qui ne trouvent que difficilement un financement aujourd’hui ». Certes, notre société a un énorme besoin de financement. La transition vers une société pauvre en carbone, la transformation de nos systèmes de production et de consommation demandent d'immenses investissements en recherche et développement. Le vieillissement de la population suppose des besoins supplémentaires pour le logement, les soins à domicile et la santé. Or les banques se tiennent trop à l'écart de ces domaines. On ne peut donc que partager l'objectif poursuivi par le gouvernement. Mais que penser de la méthode ? D'abord, les détails de la mise en œuvre de ces « prêts-citoyens thématiques » ne sont pas encore arrêtés et il est donc trop tôt pour les analyser. Mais l'histoire récente regorge d'exemples d'incitants fiscaux que d'ingénieux ingénieurs fiscalistes ont réussi à détourner de leur finalité première... Il faudra donc s'assurer que cet incitant permet effectivement de stimuler les projets visés et ne crée pas un nouvel effet d'aubaine. Ensuite, il existe dans notre pays des coopératives de financement de l'économie sociale qui, depuis plusieurs dizaines d'années, financent des projets comme ceux que vise le gouvernement. Pourquoi dès lors priver celles-ci, alors qu'elles disposent d'une expertise reconnue en la matière, de la capacité de bénéficier de ce cadre fiscal favorable et réserver celui-ci aux banques qui, elles, rechignent aujourd’hui à financer ces projets ? La troisième réflexion découle de la deuxième : fondamentalement, la mesure envisagée résulte de l'incapacité du secteur bancaire à remplir ses missions essentielles, au premier rang desquelles figure le financement de l’économie locale. Plutôt que de faire un nouveau cadeau fiscal, les pouvoirs publics n'ont-ils pas la responsabilité d'assurer la défense de l'intérêt général par une organisation et un encadrement adéquat de ce secteur ? La Belgique bat déjà tous les records de capitaux placés sur les comptes d'épargne (230 milliards d'euros), le problème n'est donc pas d'attirer de nouveaux capitaux mais de s'assurer de leur bonne utilisation par les banques. Deux pistes. D'abord, si l'on veut améliorer l’impact sociétal de l'activité bancaire, pourquoi ne pas conditionner l'avantage fiscal accordé pour les comptes d'épargne au respect de critères précis de réinvestissement aux profit de projets à finalité socio-économique et/ou sociétale ? Ensuite, le modèle de la banque commerciale qui ne vise que sa rentabilité à court terme sans se soucier du financement de l'économie réelle n'est pas une fatalité. Il existe des institutions financières qui inscrivent dans leurs missions la fourniture de services d'intérêt économique général. Pourquoi ne pas leur accorder une reconnaissance et un soutien structurels et spécifiques ?
Vers une banque de dépôt indépendante ?
adressés en majorité, ont donc reçu un courrier regroupant vos doléances. Une des trois vous a répondu... BNP Paribas Fortis explique notamment comment elle finance l'économie réelle ou s'engage en matière de responsabilité sociale et environnementale. Convaincant ou pas ? À vous d'en juger, l'intégralité du texte est disponible sur www.financite.be.
Donner du sens à vos placements, c’est possible !
Financité magazine
Financité magazine
Inscrivez-vous à la Dépêche électronique via www.financite.be
dossier
LE dossier Financité
La dette dans tous ses États
La dette, puissant mécanisme de domination Loin d’être un simple mécanisme financier, la dette est aujourd’hui un redoutable instrument de domination des populations du Sud et un outil de captation des richesses qu’elles produisent.
Depuis toujours, États et autres collectivités locales empruntent pour investir, mener leur pays vers plus de richesses et apporter davantage de bien-être à leurs habitants. Depuis peu pourtant, on constate comme un dérapage...
En bref Les pays du Sud ont remboursé plusieurs fois leurs dettes. Pour ce faire, ils ont dût massivement exporter et diminuer les dépenses liées à la santé et à l'éducation. La dette profite surtout aux pays du Nord et aux potentats locaux.
La dette publique et surtout la crise de la dette sont devenus les sujets casse-têtes du moment. Il est désormais mal vu de dépenser sans compter, place à l'austérité et à la stabilité. Mais la dette à quelles conditions et pour quels objectifs ? Et si, finalement, une bonne dette était celle qui mène le pays sur la piste d’un développement durable au profit des générations futures plutôt que celle assortie du meilleur taux d’intérêt pour les spéculateurs ou du taux le plus bas pour les États ?
Damien Millet – Eric Toussaint 1
D
ans les années 1960 et 1970, l’endettement du tiers-monde explose sous l’action combinée de trois acteurs. Les banques occidentales, qui regorgent de liquidités (eurodollars, puis pétrodollars après le choc pétrolier de 1973), incitent les pays du Sud à emprunter grâce à des taux d’intérêt bas et à de rondelettes commissions pour les potentats locaux. Dès la récession mondiale des années 1973-75, les États du Nord prêtent aux pays du Sud à condition qu’ils utilisent l’argent prêté pour acheter les marchandises du pays prêteur. Enfin, la Banque mondiale s’attache à contrecarrer l’influence soviétique et les velléités indépendantistes, en soutenant les alliés stratégiques des États-Unis (souvent des dictatures comme au Zaïre, en Indonésie, au Chili, au Brésil, en Argentine...). La dette est multipliée par 11 entre 1968 et 1980.
Le B.A.-ba de la dette publique Un budget en équilibre ? Le rêve de tous, y compris des États. Ces derniers ont pourtant souvent du mal à joindre les deux bouts et empruntent de l'argent ailleurs. En bref Les États empruntent pour financer leurs politiques. Ils vendent leurs dettes sur les marchés financiers et aux particuliers. L'arrivée de l'euro a internationalisé la dette. Laurence Roland
T
oute entité privée, que ce soit une entreprise, un ménage… peut avoir besoin d’emprunter de l’argent pour faire face à des dépenses inattendues, développer de nouvelles activités ou – bien qu'à titre privé, ce soit un mauvais calcul – rembourser une autre dette. Le crédit est souscrit pour une durée déterminée. Si, à un moment donné, l'emprunteur se retrouve dans l'incapacité de payer, il sera déclaré en faillite. Ses biens ou ceux de son entreprise pourront être revendus pour rembourser ses créanciers. contrairement aux particuliers, un État ne connaît pas de fin. Les entités publiques (États, collectivités, communes…) ne peuvent donc juridiquement être mises en faillite. Revenons aux dettes souveraines, celles qui sont émises par un État. Chaque année, les États établissent un budget (le budget fédéral de la Belgique a été discuté et négocié durant tout le mois de novembre). L’objectif est de trouver un équilibre entre les recettes (les taxes, les impôts…) et les dépenses (les dépenses sociales, de santé, liées à l’éducation, la sécurité, mais aussi le paiement des intérêts de la dette, le sauvetage des banques...). Ces budgets sont très souvent déficitaires et nécessitent d’emprunter. Ce déficit est parfois assumé (l’État estime que les dépenses sont
Trimestriel No 28 · Décembre 2012
nécessaires à la réalisation de ses politiques) mais le plus souvent, en période de crise, subi. En Belgique, la dette s’élevait, fin juin 2012, à 372 milliards d’euros, soit 95 % du produit intérieur brut (PIB). En 1993, elle s'élevait à 137 % du PIB.
Comment les États se financent-ils ? Avant 1992, date du Traité de Maastricht, les États pouvaient emprunter auprès des banques centrales. Aujourd’hui, les États ne peuvent plus se financer qu'auprès des marchés financiers. Pour ce faire, ils émettent des titres qui peuvent être achetés sur le marché primaire par les banques commerciales qui elles-mêmes les revendent à des institutionnels (fonds de pension, collectivités...) ou même à la banque centrale européenne (BCE) en échange de liquidités. Le financement des États par les banques centrales est donc indirect. Les titres de la dette que les États émettent peuvent prendre différentes formes. En Belgique, l’Agence de la dette1 émet chaque année à la même période de nouvelles OLO : des obligations linéaires émises à long terme (5 ou 10 ans). Elle émet également des certificats de trésorerie dont l’échéance est d'un an maximum ainsi que des bons au trésor. Les OLO représentent plus de 75 % de la dette belge. Les particuliers possèdent 12,2 % de cette dette en 2011. Ce taux a fortement augmenté (il n'était que de 1,16% auparavant, suite à l'émission des bons d’État Leterme fin 2011 qui étaient assortis d'un taux plus élevé que d'habitude). Cette émission a permis de récolter plus de 5,7 milliards d'euros, soit plus de 70 fois le montant habituel de 70 à 80 millions d'euros. L’intérêt de ces titres (des obligations OLO par exemple) est fixé suivant le risque que
Depuis l'introduction des bons d'État Leterme, 12,2 % de la dette belge sont détenus par des particuliers.
Pour se procurer les devises nécessaires au remboursement, les pays du Sud doivent privilégier les productions pour l'exportation (café, cacao, thé, coton,…) et réduire les cultures vivrières. Ils exportent également pétrole et minerais. Ces produits deviennent vite surabondants et les cours s’effondrent au début des années 80. Simultanément, les Etats-Unis décident d'augmenter les taux d’intérêt : les intérêts à rembourser triplent. Les pays endettés sont étranglés financièrement. Quand la crise de la dette éclate en 1982, les créanciers se réfugient derrière le Fonds Monétaire International qui consent à prêter aux pays surendettés à des conditions drastiques inscrites aux programmes d’ajustement structurel : suppression des subventions aux produits de base, privatisations, ouverture totale au marché mondial (ce qui augmente la concurrence face à laquelle les producteurs locaux sont désarmés), fiscalité aggravant les inégalités, forte baisse des budgets sociaux, suppression du contrôle des changes et des mouvements de capitaux (ce qui augmente la fuite des capitaux). La dette est devenue un instrument de domination très adroit, dissimulant racket et pillage. Elle ponctionne les richesses du tiersmonde pour les envoyer vers les riches créanciers du Nord, les élites du Sud prélevant leur commission au passage. Entre 1985 et 2010, les pouvoirs publics du Sud ont remboursé 530 milliards de dollars de plus qu’ils n’ont reçu en nouveaux prêts. Dans le même temps, les fonds manquent pour garantir l’accès universel à l’éducation primaire, aux soins de santé de base, à l’eau potable et à une alimentation décente. La dette est largement odieuse car souvent contractée par des régimes autoritaires et corrompus.
La dette belge aux Belges ? Avant l’arrivée de l’euro en 1992, ce sont les institutions belges (les banques) qui détenaient la majeure partie de la dette fédérale (plus de 80 %). Depuis, la dette est partie aux mains des étrangers. Le risque de change ayant disparu, les banques belges ont préféré diversifier leurs actifs. En même temps, l’État fédéral a tout fait pour attirer des investisseurs étrangers. Aujourd’hui, les investisseurs étrangers possèdent plus de 55 % des obligations à long terme et 90 % des titres à court terme. Pour certains, aller chercher des capitaux sur les marchés étrangers est positif. Cela permet d'élargir le panier d’investisseurs potentiels (plutôt que les 40 ou 50 existants sur le territoire belge) et de réussir à lever plus de fonds. Pour d'autres, cela reste inutile. Avec les 227 milliards que détiennent les épargnants belges, il y aurait de quoi financer une bonne partie de la dette publique belge. 1. L'Agence de la dette fait partie du Service public fédéral Finances. Elle est responsable de la gestion financière de la dette publique. 2. http ://fr.wikipedia.org/wiki/Dette_publique_de_la_ Belgique#cite_note-3 ; Rapport 2011, BNB, 08/02/2012, p. 136 sur 161 du fichier. Consulté le 2 mars 2012.
magazine
Les initiatives d’allègement de la dette de la part des institutions internationales ne règlent en rien le problème car elles se contentent d’écrémer la partie supérieure sans toucher au mécanisme lui-même. Pour changer réellement de cap, l’annulation totale de la dette extérieure publique du tiers-monde et l’abandon des politiques d’ajustement structurel sont indispensables. Cette annulation doit se prolonger par la constitution de fonds de développement nationaux démocratiquement contrôlés par les populations locales et alimentés par différentes mesures (expropriation des biens mal acquis par les élites du Sud et rétrocession aux peuples, taxe sur la spéculation financière et les bénéfices des transnationales, impôt mondial exceptionnel sur les grosses fortunes...). Ce mécanisme du surendettement délibéré est clairement une source majeure de domination des populations, d’appauvrissement massif, de corruption exponentielle et
Les chiffres de la dette 20112 (Damien Millet, Daniel Munevar, Éric Toussaint)
de perte de souveraineté, le tout au profit de riches créanciers et de dirigeants complices. Les failles dans le développement humain sont béantes. Pour construire une alternative, un audit citoyen de cette dette doit être réalisé, ainsi qu’une redistribution massive des richesses. Parallèlement, une nouvelle architecture financière internationale doit émerger avec le remplacement du FMI et de la Banque mondiale par de nouvelles institutions dont les missions seraient centrées sur la garantie des droits fondamentaux. 1. Porte-parole du CADTM France et président du CADTM Belgique (www.cadtm.org), coauteurs de AAA, Audit, Annulation, Autre Politique, Le Seuil, Paris, 2012. 2. http ://cadtm.org/IMG/pdf/Les_chiffres_de_la_ dette_2011_DEf.pdf
Le sud étranglé
pensent prendre les investisseurs en achetant ces produits. Plus le risque est élevé (ou semble l’être), plus le taux d’intérêt est élevé (voir encadré p.7) et plus la charge de la dette – les intérêts à payer – augmente. En Belgique, elle s'élevait à 12,307 milliards d'euros en 20102.
Distribuez le Financité magazine dans votre quartier. Financité
pour un audit citoyen
Les pouvoirs publics des pays en voie de développement ont remboursé l’équivalent de 98 fois ce qu’ils devaient en 1970 mais entre-temps leur dette a été multipliée par 32.
Financité magazine
Illustration de Titom, mise à disposition selon la licence Creative Commons by-nc-nd 2.0 be - www.titom.be
Les fonds vautours Lorsque le marché secondaire de la dette a été créé dans les années 80, permettant aux banques qui avaient prêté de l'argent à des pays débiteurs de vendre à des opérateurs privés des titres de ce type de dette sous forme d'actions ou d'obligations, les « fonds vautours » ont vu là une opportunité de « faire de l’argent ». Les fonds vautours sont des fonds spéculatifs rachetant à bas prix les dettes d’États très endettés auprès des créanciers (les banques) qui, de leur côté, sont bien contents de se débarrasser de ces dettes – même à perte – pour pouvoir en retirer quelque chose. Ensuite, ils intentent une multitude d'actions en justice dans plusieurs pays jusqu'à ce qu'un juge condamne le pays débiteur à rembourser la dette (souvent largement majorée) et autorise la saisie de certaines recettes. Il peut s'agir d'une aide accordée par un autre pays dans le cadre de ses accords de coopération au développement ou du paiement de factures d'un État pour un service rendu. C'est ainsi qu'un juge sud-africain a ordonné que tous les paiements que l'Afrique du Sud devait verser à la RDC pour la fourniture d'électricité soient automatiquement saisis pendant 15 ans ! L'Argentine, quant à elle, renoue avec les années noires. Fin novembre, le pays vient d'être condamné par un juge new yorkais à verser 1,33 milliard de dollars à des fonds vautours. Alors que l'Argentine avait renégocié sa dette avec plusieurs de ses créanciers, quelques pourcents ont été rachetés par des fonds spéculatifs... Les fonds vautours récupèrent donc souvent plusieurs fois leur mise et refusent systématiquement de participer à toute renégociation de la dette entre États créditeurs et créanciers. Consultez le rapport complet sur les fonds vautours sur www.cncd.be.
Les petites épargnes solidaires font les grandes rivières.
LE dossier Financité
LE dossier Financité
Trimestriel No 28 · Décembre 2012
D'une crise à une autre La crise de la dette a plongé certains pays de la zone euro dans un marasme économique sans précédent. D'aucuns rejettent la faute sur ces États qui ont « jeté l'argent par les fenêtres ». Pourtant « dette publique » ne rime pas toujours avec « crise économique ».
En bref L'Espagne a un faible taux d'endettement. Le Japon est extrêmement endetté. Les deux pays ont réagi différemment à la crise. Annika cayrol1
Le cas de l'Espagne Jusqu'en 2007, tout allait bien pour l’Espagne. Les taux d'intérêt peu élevés stimulaient la consommation des ménages et les incitants fiscaux en matière de construction permettaient à ce secteur de tirer toute l'économie du pays. Mais en 2008, la bulle spéculative immobilière éclate. Les banques se retrouvent avec de nombreux crédits hypothécaires de biens immobiliers surévalués que plus personne ne veut acheter. Faute d'acquéreurs, les propriétaires n'ont pas les moyens de rembourser leur crédit. Le système bancaire espagnol s'effondre. Parallèlement, la dette publique passe, en quatre ans seulement, de 36 à 67 % du produit intérieur brut (PIB). Avec un taux de croissance du PIB qui peine à atteindre les 0,4 % en 2011, un taux de chômage à la même période de presque 22 % et des mouvements sociaux qui protestent contre les mesures
d'austérité mises en place par le gouvernement, l'Espagne est considérée comme un pays en crise. Son endettement, comparé à la moyenne de la zone euro (qui atteint 87 %) est, pourtant, relativement faible. Mais, comme le secteur bancaire espagnol est important, les conséquences budgétaires pour le sauver sont significatives et altèrent la santé financière de l'État, obligé d'emprunter pour recapitaliser ses institutions bancaires. Une aide européenne pourrait relâcher la tension en Espagne, mais, pour l'heure, le gouvernement espagnol semble vouloir repousser l'échéance.
Au Japon À l'opposé se situe le cas du Japon. Le pays du Soleil levant a traversé une grave crise économique boursière dans les années 90. Aujourd’hui, le pays s'en est remis et n'est pas considéré comme étant un État en crise.
Son taux de chômage est très faible (4,6 %) et son pouvoir d'achat est l'un des plus élevés des pays de l'OCDE2, ce qui fait du Japon, la troisième puissance économique mondiale après les États-Unis et la Chine. En revanche, sa dette publique s'élevait à 212 % du PIB en 20113, mais à la différence d'autres pays (dont la Belgique), cette dette est « domestique » : 95 % appartiennent aux organisations et épargnants nippons. La dette publique japonaise n'est donc que peu menacée par les attaques spéculatives lancées par les institutions financières, et se soustrait à l'influence des notations délivrées par les agences privées. Pourtant, ce protectionnisme est plutôt perçu comme une menace pour la santé économique du Japon par les experts, qui estiment que plusieurs secteurs ne sont pas assez dérégulés. D'un autre côté, force est de reconnaître que cette posture a protégé le pays d'investissements dans les produits toxiques.
L'austérité pour répondre à la crise La chronologie globale des événements mondiaux montre qu'il existe des liens entre crise financière et crise de la zone euro (cf. graphe). Jusqu'à présent, la solution proposée a été de passer à l'austérité : réduire au maximum les dépenses de santé, d'éducation, d’investissement dans les infrastructures, des pensions, de la sécurité sociale, etc. Et ce, dans le but de rassurer les marchés financiers. Résultat, la machine économique a encore ralenti. À tout le moins, ces politiques se sont jusqu'à présent avérées inefficaces. En effet, les citoyens ont moins de pouvoir d'achat, les recettes de l’État diminuent encore et la part relative aux dépenses augmente. Aujourd'hui, même des économistes dont les arguments font autorité semblent faire marche arrière et ne prônent plus l'austérité à tous crins.
La crise a fortement déséquilibré les budgets des États. Face à la baisse des recettes, la part des dépenses publiques augmente. Pour avoir un budget à l'équilibre et pouvoir payer toutes leurs dépenses (dont le sauvetage des banques), les États se voient contraints d'emprunter sur les marchés privés. Or, plus le pays est endetté, plus sa note est mauvaise, et plus le prix pour se financer (le taux d'intérêt) est élevé. Une solution serait de créer une entité supranationale en mesure d'aider les banques domestiques. De cette manière, la banque pourrait renforcer la solidité de son bilan et poursuivre ses activités sans que l'État n'ait à intervenir. Le cercle vicieux serait alors interrompu. 1. D'après une analyse de Cayrol, A., Portraits économiques de l'Espagne et du Japon – comparaison avec la Belgique disponible sur www.financite.be / rubrique « bibliothèque ». 2. Organisation de coopération et de développement économiques. 3. À titre de comparaison, le pacte de stabilité européen recommande un endettement maximal de 60 % du PIB.
Le cycle de la crise
Banques subprimes
Se méfient (ou prêtent à des taux élevés)
Vendent des crédits pourris 1
Banques Prête pour renflouer les banques
Ont des problèmes de liquidités, ne prêtent plus d'argent 4 3
Particuliers Entreprises
Prêtent pour permettre à l'État de renflouer les banques 2 3
2
état 1. En 2007, des crédits de mauvaise qualité, les subprimes, sont vendus aux investisseurs institutionnels (et aux banques) partout à travers le monde. À la suite de l'éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis, ces crédits perdent toute leur valeur. Les banques qui en possèdent voient la valeur de leur bilan chuter.
2. Ne sachant pas ce que les autres banques détiennent, les banquiers deviennent méfiants les uns envers les autres et cessent de se prêter de l'argent. Les banques ont donc des problèmes de liquidités. Pour éviter que le système ne s'effondre, les États leur fournissent des sommes colossales.
3. La crise touche ensuite l'économie réelle et les finances publiques. Les États doivent emprunter sur les marchés pour renflouer le système financier et essayer de relancer la machine économique. Ils émettent davantage d'obligations de dettes souveraines. Ce sont les banques (privées) qui détiennent la majeure partie des dettes des États (par l'achat d'obligations).
4. Comme les dettes d'État sont devenues un titre comme un autre, leur valeur est évaluée par les agences de notation. Si la notation est mauvaise, la valeur des obligations chute, entraînant une baisse du bilan de la banque. Les banques se méfient à nouveau les unes des autres et augmentent leur taux d'intérêt lorsqu’elles se prêtent de l'argent entre elles, ce qui entraîne de nouveaux problèmes de liquidités, une baisse des crédits accordés dans l'économie réelle et une demande vers les États pour être à nouveau recapitalisées.
© Pixel & Création - Fotolia.com
À qui profite le crime ? Les agences de notation mesurent le risque d'insolvabilité d'une entité quelconque (un produit, un fonds, une municipalité, un État...) à un moment donné. Elles attribuent une note qui ne constitue pas une recommandation d'achat ou de vente. Pourtant, elles font la pluie et le bon temps sur les marchés financiers et les États tremblent avant la publication de leurs résultats. Une faible note pour un État signifie que le risque de ne pas pouvoir rembourser sa dette est grand, ce qui entraîne une difficulté à trouver des investisseurs et donc, automatiquement, une envolée des taux. Car les investisseurs qui prendront le risque exigeront, en contrepartie, une rentabilité élevée. Or, aujourd'hui, lorsqu'un État a besoin d’argent pour financer ses politiques, renflouer son système bancaire, payer des intérêts..., il se finance sur les marchés financiers. Les institutions qui achètent ces titres de dette ont, bien entendu, besoin, avant de le faire, de connaître le risque (de non-remboursement) qu'elles prennent. C’est pour cette raison qu'elles consultent les notes émises par les fameuses agences de notation financière. Pourtant, ces dernières ne sont pas à l'abri d'erreurs d'estimation. Pour rappel, elles avaient donné aux subprimes, – ces produits dérivés par lesquels la crise est arrivée – la meilleure note, soit un triple A. De la même manière, Lehman Brothers était encore notée AAA par Standard & Poors deux jours avant que la banque d'investissement ne fasse faillite. Mais voilà ! Les agences de notations sont aujourd'hui encore considérées par les investisseurs comme les mieux informées et les seules, vu la complexité de la tâche, aptes à attribuer une telle note. Bref, tout le monde s'accorde à dire que le système de notation par agence spécialisée n'est pas parfait, mais les alternatives se font rares !
magazine
Financité magazine
Voici quelques années, les rendements boursiers s'envolaient allègrement. Face à de tels rendements, la rentabilité des bons de caisse faisait pâle figure. C’était bien sûr une autre époque et, désormais, certaines obligations d’État – comme celles de la Grèce – sont estampillées par les agences de notation comme investissements hautement risqués. Parallèlement, la spéculation sur la dette grecque a souvent été pointée comme un événement aggravant et néfaste pour les finances du pays. Spéculer sur la dette consiste, par exemple, à acheter des produits dérivés de ces titres de dette. Les produits dérivés, on le rappelle, ne sont pas nocifs en soi. Ils représentent une assurance contre les hausses ou baisses des cours. Ainsi, on trouve normal qu’un boulanger s’assure contre la hausse du prix de la farine. Il est important, voire capital pour ses affaires, qu’à tout moment de l'année, il puisse acheter la matière première au même prix pour ne pas devoir réduire sa marge bénéficiaire sur la vente du pain ou vendre son pain d’un jour à l’autre beaucoup plus cher, ce qui, à coup sûr, nuirait à ses affaires.
Noter les États autrement Plutôt que de noter la dette des États sur la base de leur solvabilité à court et à moyen terme, des experts de la société de Bourse Oddo ont analysé leur durabilité en tenant compte des critères ESG (environnementaux, sociaux, de gouvernance). Pas de bouleversement au niveau des têtes de liste puisque les pays scandinaves et océaniens, connus pour leur équilibre social, démocratique et leur bonne tenue économique, remportent les meilleurs ratings. Par contre, les États-Unis, le Royaume-Uni et le Luxembourg, qui jouissent tous trois d'un rating classique solide, ont été mis « sous surveillance négative ESG ». D'après ces experts, la gestion environnementale, sociale et de bonne gouvernance de ces pays pourraient peser sur la soutenabilité de leur dette à long terme. La Belgique se situe au même niveau que l'Estonie, juste en deçà de la moyenne des pays dits « à opportunités ». Comme quoi, les risques ne sont pas toujours là où on les attend. Plus d'infos sur www.oddo.fr
© Julien Lagarde
Et si on commençait par mieux répartir les ressources ? Financité
La spéculation sur la dette
Sur www.financite.be, je choisis... Où va mon argent !
Ce qui pose problème lorsque l'on spécule sur la dette, c’est que les détenteurs de produits dérivés ne sont pas les mêmes que ceux qui possèdent le produit auquel ils sont adossés (les obligations). Dans l’exemple de notre boulanger, c’est comme si le voisin s’assurait sur la hausse du prix de la farine du boulanger. Résultat, quand le prix de la farine augmente, le voisin gagne de l’argent ! Notez que dans cet exemple, le voisin aurait aussi pu s’enrichir s’il avait spéculé à la baisse, c.-à-d. si le prix de la farine du boulanger avait diminué. Si l’on comprend aisément l’utilité économique des produits dérivés pour les affaires du boulanger, on la comprend moins pour le voisin. Son intérêt n'est pas économique, mais strictement financier.
LE dossier Financité
LE dossier Financité
Faut-il payer ses dettes ? Plutôt que de rembourser leur dette, certains pays ont préféré consacrer ce budget à leurs politiques sociales et au redressement économique. Solution géniale ou fausse bonne idée ?
L'annulation pure et simple des dettes est une solution radicale prônée par nombre d'organisations de défense des droits sociaux.
Crise et finances publiques : le pire est à venir Alors que les banques continuent de spéculer à leur guise, de nouvelles crises et donc de nouvelles injections de capitaux sont à prévoir. Une véritable bombe à retardement pour les finances publiques belges.
En bref L’Équateur refuse de payer pour une ancienne dictature. L’Islande refuse de payer pour les erreurs d'une banque privée. Ce n'est pas toujours un calcul à somme nulle.
Les sauvetages bancaires ont alourdi la dette publique belge. Pourtant, de nouvelles recapitalisations sont à prévoir. Il en va de l'intérêt général de changer d'orientation.
E
st-il envisageable de ne plus payer ses dettes et de faire table rase du passé ? Quelques pays ont en effet fait le choix unilatéral de ne pas rembourser les leurs.
Olivier Bonfond
Combien a coûté la crise financière en Belgique ?
La dette odieuse En 2007, lorsque le président équatorien Rafael Correa prend ses fonctions, le pays consacre 32 % de son budget au remboursement de sa dette et 12 % seulement au secteur de la santé. Cette dette, initialement contractée pendant les dictatures des années 1970, n'a cessé d'augmenter jusqu'en 2007. Pour y faire face, le pays a alors reçu l'aide du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM) en contrepartie de réformes structurelles : austérité budgétaire, privatisation des entreprises publiques et, dès 2002, instauration d'un Fonds de stabilisation, investissement et réduction de l'endettement public. Ce fonds avait pour but d'allouer 70 % des bénéfices issus de l'exploitation pétrolière au service de la dette. Quand il accède au pouvoir, Correa met en place une « commission pour l'audit intégral
Les emprunts russes À la fin du XIXe siècle, la France et la Russie se rapprochent. À partir de 1888, Moscou émet des emprunts sous la bénédiction des pouvoirs publics français. En 1914, 1,6 million de porteurs ont prêté 12 milliards de francs-or à la Russie. Mais la révolution de 1917 coupera net les espoirs des épargnants de récupérer un jour leur mise. Deux mois plus tard, Lénine décide de ne plus reconnaître les dettes de l'ancien régime. Depuis lors, les déceptions n'en finissent pas de prendre le pas sur les espoirs de remboursement. Plusieurs fois, Lénine a proposé de rembourser les coupons aux Français mais, à chaque fois, en échange d'une nouvelle aide financière. En 1990, Gorbatchev a proposé de mettre un terme à cette attente et de rembourser les 400 000 descendants des épargnants de 1914. Quelques remboursements ont eu lieu de-ci, de-là, jusqu'en 2010, année au cours de laquelle le président de l'association française chargée de défendre les intérêts des porteurs français reçoit une lettre du président de la Fédération de Russie annonçant un refus d'indemniser les détenteurs français d'obligations de l’État russe. Une dette vieille de 400 ans réclamée à l'Espagne En septembre dernier, un député polonais a réclamé à l'Espagne le remboursement d'une dette de 57,4 millions d'euros, l'équivalent de 430 000 ducats en or, empruntés au XVIe siècle par le roi Philippe II d'Espagne auprès de la reine de Pologne pour couvrir les dépenses de la guerre entre l'Espagne et la France. Des juristes, cités par les médias polonais, restent cependant sceptiques quant à la possibilité de recouvrer la dette !
La dette publique belge est passée de 282,1 milliards d’euros (84,1 % du PIB) en 2007 à 362,3 milliards d’euros (98,6 % du PIB) en 2011.
En bref
Antoine Fain1
Les dettes jamais remboursées
Trimestriel No 28 · Décembre 2012
de l'endettement public ». Le but : évaluer la légalité et la légitimité de la dette publique équatorienne (1976-2006) afin de distinguer la part des dettes qui doit être honorée par l'État et celle qui ne doit pas l'être. Le comité équatorien conclut que 70 % de la dette publique n'ont pas été contractés dans l'intérêt du peuple et qu'il ne revient donc pas aux citoyens de la payer. L'économie de 7 milliards ainsi réalisée a permis d'augmenter les dépenses sociales de 12 à 25 % du budget et de diminuer la part allouée au remboursement de la dette de 32 à 15 %. Désormais, le pays n'est plus coté par les agences de notation et, depuis 2006, jouit d'un taux de croissance de 4 %. Il ne peut plus retourner sur les marchés des capitaux, mais n'a pas eu à le faire grâce aux apports alternatifs, notamment de la Chine et d'institutions financières d'Amérique du Sud. L'annulation pure et simple des dettes est une solution radicale prônée par nombre d'organisations de défense des droits sociaux. D'après elles, les créanciers n'ont de toute façon aucun recours. En outre, cela permet aux pays d'investir dans des politiques de relance plutôt que de se soumettre aux politiques d'austérité exigées par des organismes internationaux tels que le Fonds Monétaire International.
Refus citoyen L'Islande a longtemps été citée en exemple par les économistes. Le secteur financier y tournait à plein, largement soutenu par les politiques qui garantissaient les investissements des institutions bancaires. Mais, en 2006, l'agence de notation Fitch dégrade la note de l'une des trois grandes banques du pays au motif qu'ensemble, ces trois institutions opèrent au-delà de la capacité de la banque centrale islandaise à les soutenir. Les investisseurs deviennent méfiants. Pour les attirer à nouveau, la banque Landsbanki lance Icesave, une caisse d'épargne en ligne, proposant des conditions très attractives. Rapidement, des centaines de milliers de particuliers ainsi que de gros clients institutionnels sont attirés par les rendements offerts par ce placement, particulièrement des investisseurs originaires d'Angleterre et des Pays-Bas.
La crise de 2008 oblige l’État islandais à nationaliser ces trois grandes banques pour leur éviter la faillite. Icesave devient propriété de l’État. Ses dettes envers les épargnants (3,7 milliards d'euros : 50 % du PIB islandais !) – principalement anglais et hollandais – deviennent publiques. En cas de faillite, elles seront à charge du contribuable islandais (100 euros par habitant par mois à payer pendant 8 ans2). Le FMI propose alors une aide de 2,1 milliards, conditionnée au dédommagement des clients de Icesave et à des coupes budgétaires, notamment sociales, importantes. Mais les Islandais refusent de prendre en charge la dette bancaire. Le nouveau gouvernement choisit alors de laisser Icesave tomber en faillite. La banque n'est donc plus en capacité de rembourser ses épargnants et doit seule assumer ses dettes. Aujourd’hui, les États anglais et hollandais se sont portés garants pour leurs épargnants et se retournent contre l'Islande pour se faire rembourser. Après cet événement, l'Islande fut présentée comme le pays qui refusait de courber l'échine devant son système financier. Mais tout le monde a-t-il gagné pour autant ? Le point commun entre ces deux exemples est peut-être la nature de la dette. La première est jugée odieuse, car contractée par un gouvernement dictatorial, tandis que la seconde est non éthique car elle résulte de risques insensés pris par une banque privée. Dans les deux cas, le refus de payer la dette a permis d'éviter l'aide d'organisations internationales, conditionnée à la mise en place de politiques d'austérité. Cela étant, dans le cas de l'Islande en tout cas, la dette est reportée sur les gouvernements anglais et hollandais qui, à leur tour, devront la faire porter sur leurs propres contribuables. Et les épargnants islandais qui avaient cru dans le projet de Icesave ont, quant à eux, perdu leur épargne.
Le troisième sauvetage de Dexia a coûté 2,9 milliards à la Belgique.
1. D'après une analyse de Fain, A., La dette publique : petite leçon de démocratie, www.financite.be, rubrique bibliothèque 2. D'après une estimation de la journaliste du Figaro, Stéphanie Kovacs. article disponible en ligne sur www.lefigaro.fr/international/2010/03/08/0100320100308ARTFIG00013-les-islandais-rejettent-l-accordicesave-.php>, consulté le 31/10/2012.
Réveillez le cochon qui dort sur vos idéaux ! Financité magazine
Après des années de spéculation financière insensée, en 2008 puis en 2010, les pouvoirs publics ont massivement injecté des capitaux dans les banques belges pour les sauver de la faillite. Ces sauvetages bancaires, dont le coût total s’élève à 32,5 milliards d’euros1, soit environ 9 % du PIB belge, ont été intégralement financés via l’émission de titres de la dette publique sur les marchés financiers, c’est-àdire via l’endettement public. Le coût de la crise financière sur les finances publiques ne se résume cependant pas aux sauvetages bancaires : la crise financière a provoqué un ralentissement de l’activité économique, ce qui a fortement aggravé les déficits publics, via une diminution des recettes fiscales et une augmentation des dépenses sociales. C’est ainsi que la dette publique belge est passée de 282,1 milliards d’euros (84,1 % du PIB) en 2007 à 362,3 milliards d’euros (98,6 % du PIB) en 2011.
© Le Mat
Financité magazine
pas sorti de l’auberge
Le cercle vicieux de la dette
Malgré les nombreux discours prononcés depuis quatre ans sur la nécessité de réguler le secteur financier, aucune mesure probante n’a été prise. Les comportements spéculatifs restent la règle et les produits toxiques continuent de se développer au sein des institutions financières. Avec des actifs de 60 000 milliards de dollars fin 2011 à l’échelle mondiale, le « Shadow Banking System », mécanisme qui permet aux banques de gérer des opérations bancaires très risquées hors bilan et en dehors de toute régulation publique, montre à quel point une nouvelle crise financière de grande ampleur est parfaitement possible. À ce montant de 32,5 milliards d’euros liés aux sauvetages de 2008 et 2011, il faut maintenant ajouter 2,9 milliards d’euros pour le troisième sauvetage de Dexia. Et ce n’est sans doute pas fini, puisque, dans son rapport d’avril 2012, le FMI cite la Belgique comme l’un des pays de la zone euro où le secteur bancaire est le plus fragile2. De nouvelles recapitalisations sont donc à prévoir. Les garanties accordées aux banques en difficulté constituent également un risque de grande ampleur pour les finances publiques belges. Le 18 octobre 2011, le gouvernement en affaires courantes décidait, via un arrêté royal, de garantir pour les 20 années à venir les emprunts de Dexia SA pour un montant de 54,45 milliards d’euros, soit 15 % du PIB belge. Concrètement, si Dexia tombe, on peut se demander comment l’État belge pourra assumer un tel montant. En lien avec ce risque, mais aussi parce que cet arrêté viole plusieurs dispositions fondamentales du droit belge, plusieurs associations ont introduit un recours en annulation devant le Conseil d’État. Affaire à suivre3.
En plus de plonger dans la récession, tous les États de l’UE qui ont appliqué l’austérité jusqu’à présent se retrouvent avec des résultats inverses de ceux escomptés, c’est-à-dire des déficits et une dette en augmentation. La Belgique ne fait pas exception et les conséquences de la rigueur appliquée en 2012 n’ont pas tardé à se faire sentir. La croissance sera nulle en 2012, les faillites vont atteindre un nombre record et le chômage augmente inexorablement. Un changement radical d’orientation est donc nécessaire et urgent. Le secteur financier doit être mis au pas et retrouver sa fonction première : être un outil au service de l’économie et de l’intérêt général. Les responsables de cette catastrophe économique et sociale, à savoir les gros actionnaires, les gestionnaires et les autorités publiques de contrôle, doivent par ailleurs assumer leurs responsabilités. Jusqu’à aujourd’hui, au nom du réalisme, le courage politique a été totalement absent. Pourtant, la réalité est celle-ci : rassurer les marchés et se soumettre aux intérêts de la finance ne marche pas. C’est l’inverse qu’il faut faire, et vite. Faute de quoi, dans un avenir plus ou moins proche, une très grave crise des finances publiques et de la dette belge pourrait survenir, avec des conséquences sociales dramatiques.
La finance solidaire existe, je l’ai rencontrée.
1. Soit 27 milliards assumés par l’État fédéral et 5,5 milliards assumés par les Entités fédérées. Pour plus d’infos sur la ventilation des coûts : OLIVIER BONFOND, Et si on arrêtait de payer ? , Editions Aden, juin 2012. 2. L’Écho, 18 avril 2012 (www.lecho.be/actualite/economie_ politique_international/ Bientot_45_000_chomeurs_supplementaires_en_Belgique_selon_le_FMI.9182569-3501.art) 3. Pour plus d’infos, voir : www.sauvetage-dexia.be/spip. php ?rubrique1
J’investis éthique et solidaire
Un plan d'hiver permanent
Vous avez dit « finance solidaire » ? Chaque fois que vous placez de l'argent dans un produit financier solidaire et que vous choisissez une association bénéficiaire, celle-ci reçoit de la banque un pourcentage de ce montant, lui permettant de développer ses activités. Vous pouvez choisir des associations comme celles présentées ci-contre. Cf. liste des produits financiers solidaires p. 15.
A quoi sert mon argent ?
Médecins du monde fournit des soins de santé à ceux qui en ont besoin. Mais l'association refuse de travailler uniquement dans l'urgence. Une action qui dure plus qu'un hiver. En bref 3000 consultations l'hiver dernier. Réinsérer les exclus du système de santé. Médecins du monde Rue de l’Eclipse, 6 1000 Bruxelles Tél. : 02/648.69.99 info@medecinsdumonde.be www.medecinsdumonde.be
Trimestriel No 28 · Décembre 2012
J’investis éthique et solidaire
AMANDINE CLOOT
M
édecins du Monde, ce sont deux terrains d'action : la Belgique et le reste du monde. À côté des programmes menés dans notamment plusieurs pays d'Afrique, chaque hiver, 300 bénévoles assurent des soins à Bruxelles et à Anvers aux personnes en situation précaire, souvent des sans-abris. En 2011, ce sont plus de 3000 consultations qui ont été données de novembre à mars. « De plus en plus de
personnes vivent dans la rue aujourd'hui en Belgique. Nous les soignons dans l'urgence. L'hiver est la période durant laquelle elles ont le plus besoin de nous, mais aussi une des seules occasions d'établir un contact avec elles », explique Pierre Verbeeren, directeur général de l'association. Car le directeur insiste : la mission des bénévoles ne s'arrête pas à l'aide d'urgence mais va bien jusqu'à la construction de plaidoyers destinés à faire réagir les pouvoirs publics et à donner la possibilité à des exclus de bénéficier de notre système de soins de santé. « Nous n'essayons pas de construire un système de santé parallèle. Nous avons clairement une mission d'accompagnement social et administratif ». Les soins sont donnés, oui, mais c'est possible les bénévoles de Médecins du Monde tentent d'effectuer en amont un véritable travail de
Une consultation donnée par un bénévole. © Frédéric Pauwels
réinsertion sociale avec mutuelles, CPAS, ou encore autorités de l'immigration. Un investissement impératif : l'hiver dernier, la moitié des patients n'avaient pas de couverture santé !
La violence de la rue « Il faut vraiment avoir conscience du fait que personne ne choisit de vivre dans la rue », insiste Pierre Verbeeren. « La violence y est terrible, violence physique, violence du stress, violence des maladies. C'est pourquoi il est urgent de réagir ». À l'heure actuelle, nous traversons une triple crise : celle du logement, celle de la structure sociale, celle de la finance. Fatalement, le nombre de SDF augmente constamment. On compte actuellement à Bruxelles, 1 sans-abri sur 1000 personnes. « C'est inacceptable ». On l'aura compris, la mission de Médecins du Monde en Belgique s'étale plus que sur un hiver par an.
18 ans de développement durable dans le Sud La coopérative Alterfin mobilise du capital dans le Nord pour permettre à des agriculteurs et petits entrepreneurs de se construire un avenir durable dans le Sud depuis 18 ans.
En bref Alterfin scrl Chaussée de Haecht 159 1030 Bruxelles Tél. : 02 538 58 62 www.alterfin.be info@alterfin.be www.facebook.com/ Alterfin
Alterfin double son capital social et le nombre de coopérateurs en trois ans. Alterfin finance environ 37.000 agriculteurs et petits producteurs à travers le monde. Georges Karras
Des actions corrélées Le fait d'être présent dans plusieurs pays aide Médecins du Monde à être plus efficace. « Si nous sommes en mission à Kaboul en Afghanistan ou en Belgique avec des migrants afghans, nous agissons auprès de la même catégorie de personnes mais il n'est pas rare également de travailler avec les mêmes personnes ». De fait, ce lien entre les différentes missions améliore sensiblement la qualité du travail de l'association. De plus, les bénévoles collaborent toujours avec des partenaires locaux, ce qui permet également un véritable enrichissement pour les deux parties. Médecins du Monde travaille sans cloisonnement sur plusieurs fronts et sur le long terme avec un leitmotiv chaque hiver un peu plus fort : on peut soigner à la rue, mais pas guérir à la rue.
Un producteur de cannes à sucre au Paraguay financé par Alterfin. © Oxfam Wereldwinkels
L
’objectif d’Alterfin est de développer un réseau financier accessible aux personnes socialement et économiquement défavorisées dans les pays en voie de développement. La coopérative intervient auprès d’associations de petits producteurs agricoles qui s’inscrivent dans le cadre du commerce équitable, ou au travers d’institutions rurales de microfinance qui elles-mêmes accordent des crédits aux agriculteurs.
Nous ciblons les personnes marginalisées, c’est pourquoi nous vérifions toujours que les organisations que nous soutenons, travaillent effectivement en faveur de ces personnes, explique Hugo Couderé, directeur d’Alterfin. L’impact social de nos activités est primordial, poursuit ce dernier. C’est ainsi qu’Alterfin soutient environ 37.000 personnes dans 23 pays du Sud dont deux-tiers d’entre elles sont des femmes qui vivent majoritairement dans des zones rurales. La force d’Alterfin se trouve dans son lien avec ses partenaires dans le Sud. Grâce à ces liens étroits, nous avons une bonne connaissance du terrain et pouvons mieux analyser la situation sociale et économique, insiste Hugo Couderé. L’équipe d’Alterfin est aujourd’hui composée de douze personnes dont six gestionnaires de crédit spécialisés par zone géographique qui rencontrent au moins une fois par an les partenaires financés. L’organisation a continué sa croissance exceptionnelle en 2012 portée par une disposition fiscale favorable aux fonds de développement opérationnelle depuis 2010. Les chiffres sont frappants, en trois ans le nombre de coopérateurs et le capital ont doublé et le volume des crédits a quant à lui triplé (voir encadré). Continuer à augmenter le capital social d’Alterfin est essentiel pour nous permettre de financer un maximum de personnes dans le Sud et d’intensifier l’impact social de nos activités. C’est ainsi qu’en 2012, parmi nos nouveaux partenaires, nous comptons une organisation d’une centaine de producteurs de cannes à sucre au Paraguay et une institution de microfinance en Amazonie équatorienne qui octroie des micro-crédits principalement à des petits producteurs de café, plantains et fruits exotiques, déclare Hugo Couderé.
Placement éthique aux avantages fiscaux Depuis décembre 2010, les particuliers qui souscrivent à des actions de la coopérative Alterfin bénéficient d’une réduction d’impôt de 5% sur leur investissement, pour autant que les parts soient détenues 5 ans. La mise minimale pour bénéficier de cet avantage doit être de 375 euros (soit 6 actions Alterfin à 62,50 euros). Cette réduction est plafonnée à 310 euros (soit un investissement de 6.250 euros ou 100 actions Alterfin) par contribuable belge. A noter encore, Alterfin a distribué en 2011 un dividende de 3,75% brut, exonéré de précompte mobilier jusqu’à 180 euros pour les particuliers.
En chiffres sept. 2009
sept. 2012
Capital social (en euros)
9.982.188
22.203.188
Portefeuille (en euros)
7.432.851
22.590.979
Nombre de coopérateurs
1.227
2.736
Nombre de collaborateurs
8
12
J’investis éthique et solidaire
Des prisons plus instruites Qui a conscience de la nécessité pour quelqu'un qui a vécu en dehors du système d'être à nouveau préparé au monde extérieur ? Pas grand monde. Heureusement, des associations comme Adeppi gèrent le problème.
ADEPPI 303, Chaussée d'Alsemberg 1190 Bruxelles Tél. : 02/223.47.02 info@adeppi.be www.adeppi.be
En bref Humaniser la vie à l'intérieur de la prison Des ateliers culturels pour changer le quotidien. Des formations avant de retourner « dehors ». AMANDINE CLOOT
A
deppi travaille à l'intérieur des prisons en instruisant des détenus depuis 30 ans. Un anniversaire et une bonne occasion de s'attarder sur un sujet très peu médiatisé : la vie en milieu carcéral et la préparation à la vie après la prison. « Le détenu est un individu. Il a droit au respect et puis il faut partir du principe que tout le monde peut s'améliorer. De là, bien sûr, le propos de notre travail », explique Philippe Gilsoul, formateur à la prison de St-Gilles. Concrètement, l'association emploie 33 personnes, à temps plein et
partiel, réparties dans 11 prisons. Les cours donnés vont de l’alphabétisation à la formation qualifiante selon le niveau du groupe.
Le détenu décide Contrairement à beaucoup de choses dans le milieu carcéral, suivre des cours n'est pas obligatoire. La démarche doit venir du détenu même. Une fois la volonté manifestée, les autorités de la prison décident s'il pourra participer ou non à une formation. Si la réponse est positive, c'est là qu'Adeppi, parmi d'autres associations, entre en jeu. « Nous rencontrons la personne pour discuter avec elle des meilleures solutions, de son parcours de formation, de ses souhaits. Quelqu'un d'incarcéré est en manque de contact humain, à ce niveau-là, bien sûr, notre intervention est importante ». Adeppi a mis en place des cours de remise à niveau en français et en calcul ainsi que des classes de néerlandais, d'anglais et d'informatique. Aux détenus qui ne parlent pas notre langue,
L’argent n’a pas d’odeur, nous avons des valeurs.
Financité magazine
des programmes de lecture et d'écriture du français sont proposés. À côté des actions d'éducation permanente, la culture est également au cœur de la démarche de l'association via la mise en place d'ateliers de théâtre, de peinture, de musique et d'écriture. Et pour ceux qui le souhaitent et qui ont le niveau requis, Adeppi travaille également en partenariat avec des écoles de promotion sociale. Les formations données sont dites alors qualifiantes. « Donner la possibilité au détenu de suivre une formation qui lui fournira l'accès à une profession est primordial. Plus tard à sa sortie, un cours de gestion pourra par exemple lui permettre d'ouvrir un commerce. Bref, on est ici vraiment dans le concret. »
La réinsertion comme finalité « La prison est un monde à part, mais qui n'échappe pas aux dérèglements du monde actuel, au contraire ». Surpopulation et dé-
Financité
gradation des conditions de vie en milieu carcéral sont en effet de réels débats. « Il faut comprendre que pour le détenu qui n'évolue que dans cet univers fermé, où la promiscuité est constante, il est difficile de trouver une véritable motivation ». D'où des conditions de travail difficiles pour les formateurs. « Nous devons être extrêmement flexibles dans un milieu qui ne l'est pas du tout. Mais si nous existons depuis 30 ans, ce n'est pas pour rien, nous croyons en ce que nous faisons ». Les formateurs d'Adeppi suivent certains détenus pendant plusieurs mois et les progrès sont souvent significatifs. « Nous rencontrons quotidiennement des personnes totalement exclues de la société, il faut bien que quelqu'un les maintienne à flot ». En maintenant ces détenus à flot, Adeppi rend la réinsertion possible à la sortie. Et à ceux qui ne seraient pas d'accord, l'association pose une question : n'est-il pas également dans l'intérêt de tous que d'anciens détenus réussissent leur retour à la vie normale ?
Le Réseau Financement Alternatif vous intéresse ? Devenez membre !
Jacqueline Rousseau a fondé Adeppi il y a 30 ans. Ici avec des élèves en prison.
Trimestriel No 28 · Décembre 2012
J’agis responsable et solidaire
Participez
Vers une finance plus responsable et solidaire
Les groupes Financité changent la finance !
1001 façons de découvrir ou promouvoir la finance solidaire !
La deuxième édition des états généraux de la finance responsable et solidaire s'est déroulée en octobre dernier. Un succès : vous étiez près de 500 à avoir répondu à l'invitation.
A
Épargnez ensemble ! Communautés autofinancées, les CAF encouragent l'épargne et les crédits collectifs. Focus sur le groupe RACI.
L
a CAF RACI a démarré il y a quelques mois, conséquence du programme pilote de micro-épargne mené l'année dernière par le RFA en collaboration avec la FECBE, la Fédération des Équatoriens de Belgique. En espagnol, RACI signifie « Red de ahorros y creditos del inmigrante », soit « réseau d'épargne et de crédit pour les migrants ». Les CAF sont nées en Espagne en 2004. Leur but ? Partager un nouvel outil d'épargne. Le principe ? L'épargne des membres permet d'accorder de petits crédits à l'intérieur du groupe. Les intérêts collectés par le crédit sont ensuite redistribués aux membres en fonction de l'épargne qu'ils y ont placée, pour autant que personne ne prenne le pouvoir économique et ne joue le seul rôle de créancier. Une innovation sociale qui permet de construire petit à petit une relation de confiance par le biais de l'argent, alors que généralement ce dernier est plutôt synonyme de méfiance des uns envers les autres. La solidarité très forte au sein du groupe, l'apprentissage mutuel et la répartition des responsabilités constituent l'autre pilier qui sous-tend les actions. Grâce à la CAF, le groupe RACI a acquis une certaine forme d'autonomie et une plus grande responsabilité pour la gestion d'une épargne collective. Principalement constitué de migrants d'Amérique latine, RACI a pour ambition d'être un levier d'action pour cette communauté installée en Belgique depuis plusieurs années, peu importe le pays d'origine. Après avoir discuté et négocié les statuts internes de fonctionnement, le premier micro-crédit a pu être octroyé et les réunions se déroulent dans une ambiance très conviviale. Les membres ont décidé que les fonctions
Participer à une CAF vous intéresse ? Retrouvez toutes les infos sur les CAF sur la page Groupes locaux du site financite.be Si vous avez envie de vous informer, de participer à une CAF existante ou d'en créer une, écrivez-nous à citoyen@financite.be ou appelez le 02/340 05 63. www.financite.be
l'occasion de ses 25 ans et après quinze jours de débats et d'animations partout à Bruxelles et en Wallonie pour mieux faire connaître les initiatives citoyennes en matière de finance responsable, le Réseau Financement Alternatif organisait la deuxième édition des états généraux de la finance responsable et solidaire où près de 500 personnes, citoyens, représentants des mondes associatif, académique et politique ont répondu présents. Le public a rencontré les acteurs de la finance solidaire, participé à des ateliers pour découvrir d'autres modèles économiques comme celui des coopératives (avec ses principes de démocratie participative et de limitation des dividendes) ou encore pris part au débat autour du thème « Crise financière et modèles bancaires ».
Après-midi débat aux états généraux de la finance responsable et solidaire.
Du changement ! Le Réseau Financement Alternatif plaide pour une finance responsable et solidaire, celle qui investit directement dans l’économie réelle plutôt que dans des produits financiers, une finance qui œuvre à l’intérêt général et qui permet d'investir dans des projets utiles à l’homme et à l’environnement. C’était ce visage-là de la finance que les participants aux états généraux étaient venus rencontrer, grâce notamment aux nombreux stands d'associations membres du RFA ou encore des groupes locaux Financité. En conclusion à cette journée, Bernard Bayot appelle les citoyens que nous sommes tous à nous engager en participant individuellement et collectivement, au débat politique, en accordant, individuellement et collectivement, nos choix d'utilisateurs de services financiers avec les principes que nous voulons défendre, en se rassemblant dans nos quartiers, dans nos communes mais aussi au niveau global, pour renforcer un mouvement citoyen pour une finance responsable et solidaire.
Vous aussi... TENEZ VOTRE ENTOURAGE INFORMÉ ! En distribuant le Financité Magazine autour de vous, vous contribuez à sensibiliser le grand public à une pratique plus responsable de l'argent. C'est pourquoi, à partir d'une diffusion de 25 Financité Magazine, nous vous fournissons gratuitement. Contactez-nous au 02 340 08 62 ou via info@rfa.be. N’hésitez pas à nous proposer d’autres façons de faire passer le message : organisation d’une conférence sur la finance éthique et solidaire dans votre commune, lien depuis votre site Internet, etc.
DEVENEZ MEMBRE DU RÉSEAU FINANCEMENT ALTERNATIF Vous donnerez plus de poids à tous ceux qui soutiennent que la rentabilité de l’argent peut être non seulement économique, mais aussi sociale, environnementale et humaine. Pour devenir membre, il suffit de verser 25 € sur le compte 001-1010631-64 du Réseau Financement Alternatif avec la mention « membre RFA ».
Avantages réservés aux membres Vous soutenez un groupe local Financité. 15 € de votre cotisation leur sont directement versés. Vous recevez gratuitement le Financité Magazine chez vous. Vous recevrez gratuitement le Financité Hebdo (les news
du Réseau) et la Dépêche Financité (l'actu de la finance responsable et solidaire). Vous avez accès à tous les documents de la bibliothèque du Réseau Financement Alternatif. Vous participez aux assemblées générales du Réseau où vous aurez un droit de vote sur toutes les décisions concernant le Réseau. Vous recevez 10 % de réduction sur les services et publications du Réseau.
vidéo sur
financite.be essentielles, à savoir Président-TrésorierCaissier, seraient distribuées de manière rotative afin que tout un chacun participe à la prise de responsabilités. Grâce au soutien d'un animateur du RFA, le groupe se familiarise petit à petit à la méthodologie de base indispensable pour assurer un suivi correct des entrées et sorties d'argent. Une expérience encourageante qui a été menée par le RFA autour d'une douzaine de groupe de micro-épargne. Aujourd'hui, aux vues des résultats positifs, il est possible d'aller plus loin et d'encourager de nouvelles formes de solidarité et de participation. Avec pour leitmotiv, l'épargne comme outil d'émancipation !
Rejoignez le mouvement Financité
Financité
Soutenez votre magazine : abonnez-vous !
Groupes locaux
Le Financité Magazine est une publication trimestrielle distribuée à 100 000 exemplaires et destinée à mieux faire connaître la finance responsable et solidaire en Belgique.
Depuis 2010, les groupes locaux Financité continuent de fleurir un peu partout en Belgique. Réponses citoyennes à la crise financière, ils se sont développés chacun à leur manière, mais toujours autour des mêmes thématiques : la finance responsable et solidaire, les monnaies complémentaires, l'épargne et le crédit. Le Réseau Financement Alternatif (RFA) soutient ces groupes de citoyens qui veulent comprendre et agir afin de proposer des alternatives concrètes à la crise économique et sociale. Comment ? Le RFA vous apporte un soutien logistique, humain, informatif et... financier.
Abonnez-vous : vous recevrez chaque trimestre dans votre boîte aux lettres votre précieux magazine ; vous serez informé des dernières nouvelles sur la finance responsable et solidaire ; vous contribuerez ainsi à mieux faire connaître la finance éthique et solidaire.
Contactez-nous : www.financite.be - section groupes locaux 02/340 08 63 - citoyen@financite.be
Midis formations à la finance responsable et solidaire
« Crise financière et modèles bancaires »
Bonne année 2013 !
Pour vous abonner, il vous suffit de verser 10 € (avec la mention Abonnement Financité + votre nom ) sur le compte BE29 0011 0106 3164 du Réseau Financement Alternatif. Envoyez-nous par courriel ou par courrier postal une confirmation de l’adresse postale du ou des destinataires à commandes@financite.be ou au Réseau Financement Alternatif, Rue Botanique, 75 – 1210 Bruxelles.
Financité
Financité
Un livre édité par le Réseau Financement Alternatif
geons la Ensemble, chan
finance
État des lieux sur la dette publique. Comment et pourquoi les États sont-ils endettés ? Retour sur les causes de l'accroissement des dettes publiques lié au sauvetage du système financier et sur ses conséquences : les mesures d'austérité imposées à toutes les populations d'Europe. Analyses des mécanismes et des acteurs qui interviennent dans l'accumulation et le financement de la dette. Le 18 février 2013 :
Les enjeux de la dette publique belge. Avec un intervenant du CADTM.
NUMÉRO TRIMESTRIEL
Recapitalisation des banques, garanties astronomiques accordées à Dexia par l'État belge, et demain la faillite ? De nombreux collectifs réclament aujourd'hui un audit de la dette publique belge afin de valider la légitimité de celle-ci : qu'en est-il exactement ?
magazine
Numéro
trimestriel
26
Juin 2012
uNe publicatioN du réseau FiNaNcemeNt alterNatiF bureau de dépôt : 6000 charleroi
25
MARS 2012
UNE PUBLICATION DU RÉSEAU T FINANCEMEN ALTERNATIF BUREAU DE DÉPÔT 6000 CHARLEROI
:
Le monopole des banques commerciales est récent en Belgique, p.4 Des milliers de personnes épargnent et investissent sans passer par les banques, pp.5-8
Solde restant dû ? Avec un intervenant du CADTM.
Pour une autre finance
Finance en eaux troubles
Les pays dits du Sud ont déjà remboursé plusieurs fois leurs dettes. Mécanisme de domination ou dette légitime ? Analyse également sur l'état des dettes dites « odieuses » dans le monde. Les fonds vautour, ces fonds spéculatifs qui pillent le Sud. Pourquoi et comment est-ce possible ? Les formations ont lieu de 12h30 à 14h à l’adresse bruxelloise du Réseau (rue du Botanique, 67-75 à 1210 Bruxelles). La participation à ces ateliers est gratuite, mais l’inscription est vivement recommandée. Venez partager votre sandwich avec nous, les boissons vous sont offertes.
Épargnez-vous votre banquier
magazine
Le 18 mars 2013 :
Le 21 janvier 2013 :
Ensemble, changeons la finance
L’Épi, la nouvelle monnaie en Lorraine belge, p.12 Plus de relance, moins d'austérité, p.14
profit ? p.4 n ou source de L'eau : bien commu , quels rôles ation du secteur Face à la privatis ? pp.5-7 jouer nos élus peuvent encore
© Reporters/Isabel Grosse Holtforth
e finance Pour une autr de par le nes émergent
citoyen politique de Des résistances à réorienter la monde. Elles visent t général, pp.8-9 l'eau vers l’intérê e, p.12 ve interpelle l'Europ Finance-la-Neu
Disponible sur www.financité.be et en librairie au prix de 15 euros
Pour vous inscrire, téléphonez au 02/340 08 60 ou envoyez un courriel à info@rfa.be.
Choisissez le projet que vous voulez soutenir.
Financité magazine
Financité magazine
Financer une multinationale ou un projet social ?
© Jens Grossmann/laif
la finance éthique et solidaire en pratique
Finance islamique et solidaire ?
Donnez du sens à votre argent Prêt à placer une partie de votre argent dans des projets à plus-value sociale, environnementale ou culturelle ? Faites votre choix.
Déjà entendu parler de finance halal ? Un secteur qui pèse notamment 14 milliards d'euros au Royaume-Uni. Et qui sur certains points convergent pas mal avec celui de finance solidaire.
En bref La finance islamique suit la charia. Elle interdit toute forme d’intérêt. Elle est fondée sur des critères extrafinanciers et éthiques. Amandine Cloot1
P
our bien comprendre la finance islamique, il vous faudra d'abord oublier les principes inhérents à la finance classique. Ici, c'est la charia, ou l'ensemble des interprétations du Coran et de la Sunna qui définit les règles du jeu. Sa principale caractéristique est d'ailleurs celle qui surprend le plus : en finance halal, tout forme d'intérêt, fixe ou prédéterminé, est interdite. Autre principe fondamental : toute manœuvre purement financière non liée à une activité économique est prohibée.
Les règles de la charia
? ?
Une spéculation, une transaction financière qui n'est motivée que par elle-même, est donc interdite en finance islamique. Chaque mouvement financier devra en outre provenir d'activités non illicites, ou non haram. La charia interdit en effet aux musulmans le commerce des produits suivants : l'industrie porcine, l'alcool, le tabac, la pornographie, les armes, ou encore les jeux de hasard et le cinéma. Si un pourcentage jugé acceptable des bénéfices liés à un projet provient d'activités haram, la transaction pourra être tolérée mais soumise au principe de purification des revenus. Cette opération consiste à reverser les bénéfices générés par une activité illicite à une œuvre de bienfaisance. Enfin, au sein d'une banque islamique, c'est le sharia board, un conseil réunissant des théologiens qui en principe ont suivi une formation en économie ou en finance, qui prend les décisions. Il vérifie la conformité des actions prises par la banque avec la charia et octroie également un certificat sharia compatible aux fonds d'investissement halal.
Mot à mot !
« Des économies de bout de chandelle » SIGNIFICATION : Des économies mesquines ou insignifiantes. ORIGINE : À l'époque, le personnel qui travaillait dans les habitations bourgeoises avait pour habitude de réunir les restes de chandelles, le suif non brûlé, et de les revendre à un cirier pour qu'il en fasse de nouvelles. Cette coutume de récupération était perçue comme ridicule et mesquine par les familles bourgeoises et l'économie correspondante comme insignifiante. Ce qui explique les deux manières de connoter l'expression.
Des critères extra-financiers Pour décider d'investir ou non dans un projet, le sharia board procède à un double filtrage. Le premier est un filtre extra-financier. Il faudra en effet vérifier que l'entreprise ne s'adonne pas à des activités haram. À titre d'exemple, les secteurs de l'hôtellerie et de l'aviation sont normalement exclus. Pourquoi ? Parce que ces industries ont l'habitude de servir de l'alcool. La vente d'alcool ne sera tolérée que si les bénéfices retirés sont compris entre 5 à 15 % selon les sharia boards. Et comme expliqué plus haut, l'argent récolté grâce à ces activités sera purifié en étant reversé à des œuvres caritatives. Le second filtre, financier lui, est surtout destiné à juger de l'endettement d'une société. Le sharia board tiendra compte du pourcentage de deux ratios : le ratio de la dette sur la capitalisation boursière et le ratio des liquidités et titres porteurs d'intérêts détenus par l'entreprise sur la capitalisation boursière. Qui dit dette, dit en effet riba (intérêt) et est donc considéré suspect par la loi islamique.
Quels investissements ? Deux grandes catégories de produits d'investissement sont à distinguer en finance islamique : les portefeuilles de titres conformes à la charia et les financements de projets. La première catégorie est légèrement moins régulée que la seconde car il est bien sûr difficile pour la banque, alors actionnaire parmi d'autres du fonds, de dialoguer avec les différentes entreprises le composant. A contrario, lorsqu'une banque islamique finance un projet dans sa quasi-totalité, le sharia board sera très strict et exigera une conformité totale des actions du projet avec les préceptes de la charia.
Pas si différentes... Vous l'aurez sans doute remarqué au fil de la lecture, la finance islamique présente quelques similitudes avec la finance responsable. On notera premièrement l'origine religieuse : la finance socialement responsable a été fondée sur des considérations religieuses également, réprouvant ce qui est nuisible pour l'homme et la société. À l'heure actuelle cependant, la majorité des fonds ISR se basent sur des critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance. À ce niveau d'ailleurs, les deux types de finance divergent. Si la finance islamique est clairement conduite par certains critères éthiques, elle n'accorde pas d'importance dans sa sélection aux critères environnementaux et sociaux. Les critères éthiques dont elle tient compte se résument à éviter les secteurs interdits par la loi islamique. La purification des revenus impurs est un autre point de comparaison. Cette démarche n'est en effet pas très éloignée de celle des produits financiers avec partage solidaire, qui consiste à reverser une partie des bénéfices tirés d'un investissement à une association. Mais dans le cas d'un investissement solidaire, l'investisseur a souvent le droit de choisir à qui seront reversés ses bénéfices. En finance isla-
Trimestriel No 28 · Décembre 2012
la finance éthique et solidaire en pratique
Investissement solidaire collectif mique, il s'en référera à la politique de la banque ou du fonds. Entre similitudes et différences, se distingue une convergence fondamentale entre finances islamique et solidaire : la prise en considération des critères extra-financiers pour contribuer à une finance plus responsable, non tournée exclusivement vers le profit. Une finance qui, dans les deux cas de figure, redevient l'outil des entrepreneurs et non des spéculateurs. 1. D'après une analyse de Hernalsteen, M., La finance islamique : vous avez dit investissement halal ?, www.financite.be, rubrique bibliothèque.
Du côté des lecteurs Le précédent numéro du Financité Magazine (FM 27) traitait des moyens dont disposait la Banque centrale européenne (BCE) pour financer les États (Pourquoi les États n'empruntent pas à la banque centrale européenne ?). Franco Carminati, membre du GT Monnaie et d'Attac, a réagi à cet article qui, selon lui, apporte de l'eau au moulin du discours dominant, là où il faudrait le contester. En substance, voici les arguments avancés : Sur une fausse perception de la création monétaire : il est faux de prétendre que la BCE finance indirectement les État : sa seule aide consiste à prendre en pension en quantité plus importante qu’elle ne l’aurait fait par le passé des bons d’État devenus « douteux » sur les marchés pour éviter que les taux d’intérêt ne montent trop fort pour les États concernés. Sur le dumping monétaire : il est souvent argumenté que si un État gardait le pouvoir de dévaluer sa monnaie, il fausserait les équilibres économiques et pratiquerait un dumping monétaire déloyal vis-à-vis de ses partenaires commerciaux. (…) Là où une modification des taux de change aurait permis de corriger la donne, la monnaie unique interdit ces ajustements. Nous sommes loin d’une situation vertueuse et collaborative ! Sur la peur irrationnelle de la « planche à billets » : la BCE s’est rendue à l’évidence qu’elle ne pouvait contrôler l'inflation (contrairement à la mission qui lui est assignée). Depuis plusieurs années, ce critère n’est plus central pour la BCE. Il est surprenant que nombre de progressistes en soient encore restés à cette vision monétariste !
>
Financité magazine
>
>
Partage solidaire
>
>
Rfa
>
Investissez chez un financier solidaire
Investissez dans le projet qui vous importe
Soutenez une association
Vous confiez votre argent à d'autres organismes financiers éthiques qui, à leur tour, l'investissent dans les projets à plus-value sociale, environnementale ou culturelle.
Vous choisissez directement l'entreprise, la banque ou le projet dans lequel vous investissez, pour soutenir une économie sociale et respectueuse de l'environnement.
Coopératives Alterfin ( www.alterfin.be ) :
Coopératives* et asbl Agricovert (www.agricovert.be) :
finance des institutions de microfinance et des associations de petits producteurs liés au commerce équitable dans le Sud.
[parts] distribue des produits agricoles bio (par le biais de circuits courts) et aide les exploitants à s’installer et maintenir une agriculture paysanne familiale.
Vous placez votre argent dans des produits financiers qui investissent dans des entreprises éthiques cotées en Bourse. Le Réseau Financement Alternatif se charge de reverser une partie des bénéfices réalisés sur le produit à une association bénéficiaire de votre choix**. Plus vous investissez, plus l'association reçoit de l'argent !
Crédal ( www.credal.be ) : finance des projets, des entreprises belges d’économie sociale ou actives dans la lutte contre l’exclusion et octroie des microcrédits en Belgique.
Emissions Zéro ( www.emissions-zero.coop ) :
Eltys ( www.eltys.org ) :
[parts] s’occupe de l’éco- et la biorénovation d’un bâtiment à Namur destiné à héberger des associations.
investit dans des projets de petite et moyenne taille respectant une charte éthique sociale, écologique et économique.
Incofin ( www.incofin.be ) : finance des petites entreprises dans les pays en développement et en transition via des institutions de microfinance durables.
Oikocredit-be ( www.oikocredit.be ) : finance des projets solidaires dans les pays en voie de développement. ASBL L’Aube, La Bouée, Les Ecus Baladeurs, La Fourmi Solidaire, Le Pivot financent des associations belges à visée locale.
Banques Compte d'épargne Triodos (www.triodos.be) : investit dans l’environnement ( 40 % ), l’économie sociale ( 23 % ), la culture et le non-marchand ( 35 % ) et dans d’autres secteurs durables ( 2 % ).
[parts] investit dans la production d'énergie renouvelable.
Espace Kegeljan ( www.espacekegeljan.be ) :
Lucéole ( www.luceole.be ) : [parts] réalise des investissements durables dans le domaine des énergies renouvelables à Habay.
Les Tournières ( www.lestournieres.be ) : [parts] réhabilite des bâtiments dans la région de Liège pour en faire des habitations sociales ou les louer à des associations. Nosse Moulin ( www.nossemoulin.org ) : [parts] investit dans la production d'énergie renouvelable. Réseau Financement Alternatif (www.financite.be) : [obligations] promeut la finance responsable et solidaire.
Vins de Liège : [parts] développe une activité viticole respectueuse de l'environnement sur les hauteurs de Liège.
Banques Banque Triodos ( www.triodos.be ) : [certificats d'action] investit dans le capital de la banque Triodos, qui soutient l'économie réelle.
Comptes d'épargne Compte d'épargne Cigale de BNP Paribas Fortis ( www.bnpparibasfortis.be ) : investit 25 % dans des projets à plus-value sociétale et 75 % dans des entreprises cotées en Bourse respectant les critères éthiques, sociaux et environnementaux. La banque cède 0,23 % de l'encours à une association au choix de l'épargnant**. Celui-ci, en outre, peut également lui céder ses propres intérêts.
Fonds de placement AlterVision Balance Europe ( www.bnpparibasfortis.be ) : investit dans des entreprises cotées en Bourse respectant les critères éthiques, sociaux et environnementaux. La banque cède 60 % des droits d'entrée à une association au choix de l'épargnant**.
Evangelion ( www.degroof.be ) : investit dans des entreprises cotées en Bourse respectant les critères éthiques, sociaux et environnementaux. La banque cède 60 % des droits d'entrée à la Fondation Saint-Paul. **Depuis 25 ans, le Réseau Financement Alternatif ( RFA ) soutient des associations grâce aux mécanismes du partage solidaire. L'association est à choisir parmi les 90 membres du Réseau Financement Alternatif, actifs dans l’économie sociale, l’environnement, la lutte contre l’exclusion, l’éducation et la formation, la paix et les droits de l’homme, les relations Nord-Sud ... La liste de nos membres est disponible sur www.financite.be ( rubrique rechercher / membres RFA ).
Le dividende des coopératives agréées varient entre 0 et 6 %. Le montant minimum à investir dépend du produit. Pour les coopératives présentées, il varie entre 60 et 500 €.
Tous les produits éthiques et solidaires sur www.financite.be.
Retrouvez le texte complet sur www.financite.be, dans le dossier de ce magazine. Si, vous aussi, vous voulez réagir aux articles du Financité Magazine, écrivez-nous ! Nous ne manquerons pas de publier vos textes. info@financite.be
Investisseur solidaire ? Dites-le à vos amis !
Investissement solidaire direct
Et aussi toute l'actualité de la finance responsable et solidaire, des analyses d'éducation financière, des jeux pour mieux comprendre la finance, mais aussi des vidéos, des témoignages, ... Grâce à sa bibliothèque en ligne, financite.be est également devenu une référence en matière d'ouvrages et de réflexion sur la finance responsable et solidaire. Près de 3 000 documents sur la finance y sont accessibles en quelques clics.
Financité magazine
Besoin de plus d’infos ? Consultez www.financite.be
la tribune Financité
Trimestriel No 28 · Décembre 2012
Le solidaire à la française Depuis 2010, Sophie des Mazery dirige Finansol, association regroupant les acteurs de la finance solidaire en France. Chez nos voisins, beaucoup de changements dans le secteur sont en marche, notamment au niveau des pouvoirs publics.
Vidéo sur
Sophie des Mazery
financite.be
En 2003, une loi est passée obligeant toutes les sociétés à proposer au moins un fonds d'épargne solidaire à leurs employés. L'épargne solidaire a alors connu une très forte progression.
Entretien réalisé par AMANDINE ClOOT Financité : Finansol en quelques mots, pour les lecteurs qui ne vous connaissent pas ? Finansol est une association qui regroupe les acteurs de la finance solidaire, des établissements financiers qui proposent des produits solidaires et des entreprises à fortes activités sociales ou environnementales. Notre mission au sens large consiste à développer et à promouvoir la finance et l'épargne solidaire. Nous menons, dans ce but, différentes actions : des actions de communication, un suivi de la situation via des analyses et enfin une sensibilisation des pouvoirs publics. Nous avons aussi créé un label de produits financiers solidaires. À l'heure actuelle, le portefeuille en contient 122, tous sélectionnés d'après deux critères : une transparence totale et la solidarité. Une partie de l'argent engrangé par ces produits doit impérativement être reversée à des entreprises à fort impact social ou environnemental. Y-a-t-il une définition de la finance solidaire à la française ? Il faut surtout distinguer chez nous l'ISR (investissement socialement responsable) de la finance solidaire. L'ISR, d'un côté, sélectionne des entreprises cotées sur les marchés d'après des critères ESG (environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance). La finance solidaire, de l'autre, finance des entreprises choisies en fonction de leur utilité effective comme la lutte contre l'exclusion, la cohésion sociale ou encore le développement durable. Ces entreprises ne sont pas cotées en Bourse. Cependant, nous avons un point de convergence avec les OPVCM, organismes de placement collectif. Si l'épargnant place son argent dans un OPCVM solidaire, 10 % de son épargne est affecté au financement de projets solidaires. Les 90 % restant (composés de titres cotés classiques) doivent eux être obligatoirement affecté à des fonds ISR. Et au niveau historique ? La finance solidaire a été créée en France, il y a un peu moins de 30 ans, par des militants associatifs. Puis il y a eu un véritable tournant dans les années 2000. En France, une entreprise est obligée de reverser un pourcentage de ses bénéfices à ses employés via l'épargne. En 2003, une loi est passée obligeant toutes les sociétés à proposer au moins un fonds d'épargne solidaire à leurs employés. L'épargne solidaire a alors connu une très forte progression. En 10 ans, son encours a été multiplié par 12. Je pense qu'en finance, c'est sans doute l'une des meilleures performances jamais enregistrées, non ?
Donc, on peut parler d'une véritable conscience solidaire en France ? En tout cas, il y a du progrès. Nous en sommes même à un vrai tournant. La crise que l'Europe est en train de traverser est terrible, dévastatrice. Mais a aussi un effet de catalyseur sur la conscience des gens : la grande majorité de la population ne veut plus que son argent serve à n'importe quoi, pire, qu'il aille contre l'intérêt général. Les gens veulent désormais savoir précisément où va leur épargne. On remarque aussi que parmi les différents secteurs de la finance solidaire, tout ce qui touche aux besoins sociétaux directs des Français est la première source d'investissement. Investir par exemple dans une société qui créera de l'emploi ou des logements sociaux en France. À contrario, les investissements à destination des pays du Sud baissent, mais heureusement le secteur est soutenu par un noyau militant. Au niveau politique aussi, il y a du changement.... Le nouveau gouvernement est bien plus sensible à notre cause. La preuve directe : nous avons désormais un ministre de l'Économie sociale et solidaire, une nouveauté. Et surtout ce ministre est directement rattaché au ministère de l'Économie et des Finances, preuve aussi que la matière intéresse, que la finance solidaire est vue comme un secteur en croissance, générateur d'argent également. Benoît Hamon, l'actuel ministre, travaille pour plus de visibilité. Une loi-cadre est prévue pour le premier semestre 2013, c'est une avancée incroyable. Nous pourrons disposer de vraies statistiques. En défi-
nissant clairement la finance solidaire, elle pourra mieux se développer, s'organiser, car ce qui ne se compte pas ne compte pas, malheureusement. Finansol a organisé en novembre dernier, comme chaque année, la Semaine de la finance solidaire. Vos impressions sur cette édition ? Ce fut une très belle semaine. Nous avions prévu un impact communicationnel fort, avec une campagne relayée dans un maximum de médias et beaucoup d'événements, notamment, les Grands Prix de la finance solidaire organisés en partenariat avec Le Monde. Et oui, mon impression est très positive, nous en sommes à un tournant ! Et vos souhaits pour 2013, alors ? Notre message pour 2013, il est valable en France, mais aussi partout en Europe. Nous voulons que 1 % du patrimoine des Européens soit investi dans des entreprises aux plans sociétaux forts, nous voulons, entre autres, que les jeunes motivés qui pensent solidaire, qui pensent durable puissent obtenir le financement nécessaire à leur projet. Actuellement, 0,1 % du patrimoine est investi en finance solidaire1. La progression devra donc être forte sur le moyen terme, mais en même temps qu'est ce que c'est que 1 % ? Cela nous paraît accessible. Il est temps que tous les épargnants se disent qu'une partie de leur épargne peut avoir une vocation sociale. 1. En Belgique, l'encours de produits solidaires au 31 décembre 2012, s'élève à près de 5 milliards d'euros, soit 1,19 % des investissements totaux.
Souscrivez des produits solidaires via www.financite.be
Financité magazine