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DANY LAFERRIÈRE « F A I R E D A N S E R L A L A N G U E S U R L A PA G E »
Invité d’honneur,
Dany Laferrière s’est approprié la scène d’ouverture du salon Le Livre à Metz de façon magistrale: une conversation qui s’apparente à une réflexion sur l’écriture, son rapport au monde et à la vie.
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Vers d’autres rives, Dany Laferrière, Éditions de L’Aube, 16 €
Un décor planté d’objets qui ont façonné sa sensibilité d’écrivain, parmi lesquels une machine à écrire, un verre de vin et une baignoire, des objets qui sont prétextes à une déambulation entre souvenirs et amour de la littérature, un arrêt sur quelques souvenirs du chemin parcouru de l’enfant à l’Académicien, en passant par l’homme. Parmi la foule qui se presse autour de lui, nous avons ensuite pu rencontrer l’Académicien, qui a résolument gardé son âme enfant...
LIGNES ET RIVAGES
Vers d’autres rives, le dernier livre de Dany Laferrière, mêle autobiographie dessinée et fiction, sincérité et expérimentation. L’auteur s’y raconte, avec son regard d’adulte-enfant, il revient sur les moments, objets et personnes qui ont jalonné sa vie. Lassé de l’outil machine à écrire, il a laissé libre cours à ses pensées, crayon à la main, et son écriture manuscrite file comme le sentiment de liberté qu’il a toujours recherché... Si Haïti est bien au cœur de son œuvre – «Je pense le pays rêvé et non le pays réel!» –, l’Académicien affirme cepen- dant l’universalité: «La nationalité d’un livre n’est pas celle de son auteur. » Il récuse l’appellation «écrivain haï- tien», réductrice et stéréotypée : «Je suis écrivain, je suis haïtien, mais pas forcément un écrivain haïtien, car dans l’écriture, le monde entier entre. La bibliothèque où je puise mes références n’est pas forcément celle des écrivains haïtiens. On ne dit pas d’un médecin qu’il est médecin haïtien. Il a appris une médecine universelle. L’écrivain aussi!»
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À LA RENCONTRE DES LECTEURS
Devant son stand au salon de Metz, les lecteurs se bous- culent: les uns ont lu toute son œuvre, savourant sa langue épicée et poétique, d’autres recherchent un peu d’exo- tisme, attirés par les couvertures colorées, d’autres enfin veulent feuilleter son dernier ouvrage. Mais lorsqu’une dame lui demande lequel est le plus récent, il répond du tac
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« C’est le drame des pays qui accueillent les gens sans les voir : ils ne voient que des groupes, là où il y a des individualités. »
au tac: «Ça, c’est la question à ne pas me poser!Je fais de la littérature pour qu’il n’y ait pas de date, et pour tous les âges!» L’auteur prend plaisir à discuter et à dédicacer, dessiner, colorier quelque chose pour chacun. Un lecteur aguerri nous confie son amour pour la prose de Laferrière: «Il sait placer une ambiance, un décor et il pourrait y mettre n’im- porte quoi, on y resterait. Ses livres sont à la fois dépaysants et très actuels. Cette mélancolie fait que l’on ne veut pas en sortir. Cela ne s’explique pas!» Tou- ché, l’écrivain répond: «J’aime bien cette conception du décor. Pour moi, c’est la description du style: ce n’est pas le sujet qui impressionne, mais la présence de l’auteur qui devient un ami – à la fois un visage et un paysage. »