Le Jardin de l'Oubli

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Thomas Deslaviere Architecture thesis

LE JARDIN DE L’OUBLI





« J’ai écrit ton nom sur le sable, Mais la vague l’a effacé. J’ai gravé ton nom sur un arbre, Mais l’écorce est tombée. J’ai incrusté ton nom dans le marbre, Mais la pierre a cassé. J’ai enfoui ton nom dans mon cœur, Et le temps l’a gardé. »

J’ai écrit ton nom, Paul Eluard



Le jardin de l’oubli, une nouvelle demeure pour nos âmes égarées et digitalisées. Ce projet de recherche traite de l’espace funéraire et questionne la notion de deuil, de recueillement, de mémoire et de sacré à l’heure d’un apogée numérique. Aujourd’hui, la mort n’est plus restreinte que dans le monde physique, elle a aussi gagné et envahi le réseau numérique éternel. Le décès est un processus de disparition et le cimetière un endroit où nous allons tous rendre hommage à ceux qui ne sont plus avec nous. Ce projet a donc pour but, la création d’un nouveau paysage funéraire, aux travers une architecture insolite du data center : un monstre technologique inhospitalié à l’homme, devenant un lieu de recueillement, permettant ainsi une suspension et un contrôle de la mort dans l’univers numérique.



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immortalité numérique.

Ce micro film et scénario spéculatif, a pour objectif de questionner et représenter un futur ou se dessine un «après» la mort grâce aux données numériques. Ici se pose la question de la place que peut prendre ces données après un décès, et la gestuelle extrêmement violente lors de leurs suppressions.

Avez-vous déjà rêvé de devenir immortel ? D’ici quelques années cette question pourrait devenir presque banale. L’immortalité est quelque chose qui a toujours attiré l’espèce humaine, avec par exemple la momification pour les pharaons. Ne plus vieillir, se régénérer de l’intérieur ou bien même transférer sa conscience dans un ordinateur. Aujourd’hui, nous disposons de moyens plus élaborés pour préserver un être humain. Ainsi des projets plus ou moins fous et avangardistes pour tromper la mort, foisonnent actuellement à travers la planète. Le numérique, ainsi que ses intelligences artificielles, peuvent-ils être la porte d’entrée à la vie éternelle? Quand bien même notre enveloppe corporelle serait un obstacle à l’immortalité, de nombreuses personnes envisagent et spéculent sur le fait de conserver uniquement notre esprit en le stockant de façon numérique dans un ordinateur. L’esprit et la pensée peuvent être en effet transformés en une collection de données numériques et quantiques sauvegardable; chacun pourrait donc continuer à exister via une version numérique de soi même avec ses propres souvenirs et sa propre personnalité. Certains cinéastes, par le biais de la science-fiction, se sont attardés sur le sujet d’une immortalité, faisant perdurer le défunt par-delà la mort grâce aux numériques et à ses données. « Be right back » et « San Junipero » deux épisodes de la série avant-gardiste Black Mirror, sont des premières tentatives de représentation de ce sujet. « San Junipero », épisode extrêmement abstrait, spécule un monde où il est possible, lors de son décès, de télécharger sa conscience dans une réalité simulée informatiquement stockée au sein d’un data center mortuaire. « Be right back », lui, n’est pas si éloigné de ce qu’il est aujourd’hui possible de faire. Il retrace l’histoire d’une jeune veuve ayant recours à une société permettant de rendre la « vie » aux défunts. Tout d’abord sous la forme d’une intelligence artificielle nourrie par ses données, qui évolue, se complexifie au fil de l’histoire et qui, enfin, à l’aide d’un androïde revêt l’aspect physique du défunt. La science fiction possède souvent quelques décennies d’avance sur la recherche et le développement des technologies. Cependant, nous pouvons voir actuellement apparaitre de multiples services proposant de créer un double numérique, non pas en téléchargeant notre cerveau, mais en utilisant nos données personnelles.


Continuer de vivre aux travers de données numériques qui expriment le vivant au-delà de la vie est ce qui se rapproche le plus de l’immortalité digitale actuellement. De nos données dont nous nourrissons nos médias sociaux, à nos achats en lignes ou encore nos échanges digital : manières, personnalité, souvenirs, sentiments, croyances, attitude et valeurs sont aujourd’hui déjà en totale gravitation et errements grâce aux miettes d’informations que nous laissons consciemment et inconsciemment à travers le réseau numérique. Les applications et autre système digital se composent et s’enrichissent par le biais de ces données éparpillées sur le web et en parallèle de cela, le service pose à l’utilisateur des questions sur sa vie, son travail, ses passions, ses croyances et copie au fur et à mesure ses tics de langages. Par la suite, les proches de l’utilisateur pourront discuter avec son reflet numérique, constitué tel un puzzle, de multiples médiums. Depuis toujours l’homme a le désire de correspondre avec les morts, par l’intermédiaire des religions, des chamanes, des tables tournantes ou encore de drogues. Aujourd’hui le numérique n’est peut être plus très loin de permettre cette promesse d’éternité. Nous nous dirigeons donc peut-être vers un avenir où, après leur mort, nos proches disparus revivront en tant qu’êtres numériques réanimés par des programmes sophistiqués d’intelligence artificielle. Au début des année 2000, Gordon Bell et Jim Gray, de chez Microsoft, estimaient qu’il était déjà tout à fait possible, grâce à des archives de discussions écrites ou enregistrées, de faire parler et partager le vécu d’une personne aux travers un logiciel. Le principal problème à cette époque était d’ordre technique. En effet la reconnaissance de la parole et de texte n’était pas encore assez élaborée. « Nourrir » une intelligence artificielle avec des données pour créer une « entité digitale » capable de répondre à des questions sur la vie d’un défunt en reprenant son histoire et sa manière de parler est donc une idée dans les tiroirs depuis un certain temps. D’après eux, il sera possible, avant la fin du siècle, d’atteindre une numérisation totale de la conscience et de la connaissance des usagers, qui, même après leurs disparitions charnelles, continueraient d’évoluer d’elles-mêmes. Nous serions alors confrontés à des programmes coexistant avec le monde physique, pouvant continuer d’assimiler expériences et érudition, atteignant ainsi le stade d’une plausible immortalité numérique. Voir des entités numérique éternelles perdurer et évoluer en autonomie parallèlement au monde actuel, tout en continuant de côtoyer proches et descendants, c’est se rapprocher du transhumanisme. Raymond Kurzweil, ingénieur en chef de Google et porte parole du transhumanisme, a la conviction que nous sommes à l’aube de la singularité technologique : Un concept où la civilisation humaine connaîtra une croissance technologique d’un ordre supérieur en faisant physiquement corps avec les technologies, notamment les réseaux de communication qu’il a créée, et qui désormais le dépassent. Selon lui et plusieurs pontes du domaine estiment que cette immortalité, en partie numérique, sera atteinte d’ici 2045. Nous sommes encore loin d’avoir accès aux technologies qui permettront de telles prouesses, mais d’une telle révolution émergeront forcement de multiples interrogations philosophiques, étiques ou encore spirituelles. Quel sera le statut juridique de ces consciences numériques immortelles, et qui en sera leur propriétaire. Le droit reste très vague sur ces questions qui conduiront sans doute de nombreux juristes à aborder des questions inédites liées à la mémoire des morts et à la liberté d’expression post-mortem. De plus, ce type de technologie sera forcément couteux pour les utilisateurs ce qui ainsi renforcera, encore une fois, une inégalité dans la population mais en l’occurrence, au sein du le monde virtuelw.


Mais qu’en est-il des proches du défunt ? Comment réagir face à ses entités numériques artificiellement maintenus en vie ? Ces premiers signes «d’immortalité numérique» apparaissent de plus en plus clairement au sein de notre réseau numérique et insidieusement, les technologies numériques contribuent donc à façonner une nouvelle façon de concevoir la mort ainsi que d’aborder le deuil. Les corps des défunts continuent certes à se désagréger mais leurs identités numériques sont susceptibles de subsister. En conservant les traces de leurs passages et une sorte de vie sociale post-mortem sur internet, c’est comme s’ils n’avaient pas vraiment disparu. Actuellement, les individus sont de plus en plus enclins à rendre hommage directement aux morts via ces divers médias numériques tels que les réseaux sociaux, les messages, les courriels, etc.., plutôt que de communiquer avec d’autres personnes physiquement pour partager leur chagrin et exprimer leur douleur. Les recherches sociologiques montrent que ces pratiques modifient les comportements de deuil et obscurcissent également notre rapport au temps et à l’espace : en continuant de recevoir des informations du ou liés au défunt, et en créant un espace numérique et immatériel de deuil, ces différents médias numériques ont affecté le comportement traditionnel après le décès d’un proche.

Alors, Comment pouvons-nous commencer à désigner un lien entre l’expérience très fragile et humaine du deuil et l’environnement numérique qui conserve la vie et la mémoire de chacun ? “On dit qu’on meurt deux fois. La première fois quand on cesse de respirer, et la seconde, un peu plus tard, quand quelqu’un dit votre nom pour la dernière fois.”

Banksy



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deuil numérique.

Telle une bibliotheque ce compte instagram retrace de multiple anecdotes sur le processus de deuil evoluant et se transformant à l’ére du numérique.

« J’ai vu un fantôme… littéralement. Mon père est décédé quand j’avais à peine 6 ans, je ne me rappelle pas grand-chose de lui sauf qu’il m’avait offert une de ses vieilles XBOX pour un de mes anniversaires. Après sa mort je n’ai pas pu toucher à cette console pendant plus de 10 ans, mais un jour j’ai décidé de re brancher la machine et c’est là que j’ai découvert quelque chose. On avait l’habitude de jouer à un jeu de course qui était plutôt pas mal pour l’époque. Vous savez quand il y a une course contre la montre, le meilleur temps est enregistré sous la forme d’une voiture fantôme que vous devez battre. Oui, vous avez deviné, le fantôme de mon père roule toujours sur la piste. Alors j’ai joué et joué, jusqu’à ce que je sois presque capable de battre le fantôme. Jusqu’à ce qu’un jour je le rattrape, le dépasse… Je me suis arrêté juste devant la ligne d’arrivée, juste pour être sûr de ne jamais effacer le record. » Ce témoignage est une des premières formes spirituelles que la mort et le deuil ont pris à l’apparition de l’ère numérique, une époque qui a été révolutionnée par l’arrivée récente des ordinateurs, des smartphones, des consoles de jeux et des connexions internet permanentes. Aujourd’hui une grande partie de notre vie est numérique et la plupart des choses que nous faisons actuellement existe dans le nuage informatique. Des écrans et de multiples plates-formes nous soutiennent en permanence pour nous permettre un lien, une entrée et une interface vers cet univers persistant. C’est un lieu où nous nous informons, communiquons, partageons notre vie. C’est un endroit où l’on peut s’amuser et même tomber amoureux. Nous vivons pratiquement toute notre vie là-bas, et c’est étrange mais inéluctable que un jour, son contraire, la mort, prenne place et joue également un rôle dans ce réseau.

« C’est d’abord son corps qui a disparu dans la tombe. Puis ma routine avec elle s’en est allée. Ensuite, ce sont la couleur des murs de sa chambre et tous ses meubles que j’ai remplacés. Enfin, ce sont mes souvenirs d’elle qui se sont brouillés. Il restait seulement son mur Facebook, immuable et inaltérable face au temps et au deuil. » Avant, la mort et le deuil étaient des choses plus simples. Les cercles humains étaient plus restreints, les souvenirs des défunt vivaient sur des photographies, des lettres manuscrites ou sur des cassettes vidéo encombrante.


Le deuil est quelque chose d’intemporel qui a traversé les âges, son origine est ancestral car Néandertal pratiquait déjà certains actes il y a plusieurs milliers d’années. Il est dépendant de notre culture et ne cesse de se réinventer. Cependant le but du deuil, qui est l’acceptation d’un départ définitif d’un être cher, reste ancré. Seul le processus évolue en fonction de nos sociétés, de nos technologies et des supports sur lesquels nous pouvons le pratiquer et aujourd’hui ses supports sont principalement numériques et virtuels Nous coexistons dans plusieurs univers et réseaux, physiques et virtuels. C’est donc assez naturellement que les applications numériques et en particulier les réseaux sociaux ont été investi par les morts. Si certains meurent demain, ce sera physiquement mais aussi numériquement sur Facebook, Google, Twitter, ou encore sur leurs banques en ligne. Nous découvrons à tâtons comment accompagner des états comme le deuil à notre mode de vie numérique et c’est une expérience que de nombreuses personnes sont menés à vivre de multiples façons. « Il m’arrive encore d’envoyer des messages à mon père sur Skype. Parfois je m’attendrais presque à ce qu’il me réponde... » Envoyer un message à une personne disparue, qu’elle qu’en soit la forme n’est pas une pratique nouvelle. Cependant, le contexte contemporain fait émerger des formes inédites de ces pratiques. Nous pouvons parler d’une réactualisation du deuil et nous pouvons observer que sur le réseau numérique et ses mediums, il peut prendre des formes très variées. « Après la mort d’une très bonne amie à moi, son profil Facebook est resté ouvert, c’est devenu une sorte de mausolée Facebookien. Ses amis postaient des messages et ses parents ses dessins. Cela permet aussi de se replonger dans des photos, de ne pas oublier ces moments » Peu importe la culture et l’époque, la mort occupe une place importante. Le décès d’un proche laisse à la famille un héritage de souvenirs et d’anecdotes qui vont le définir. Aujourd’hui les vivants peuvent retrouver cette même notion comme se sentir aidés, et entourés virtuellement. L’univers numérique devient un lieu où se rassembler et se recueillir afin d’entretenir la mémoire de personnes disparues. « Ça a commencé par un texto, puis par des mails de la banques et enfin des messages d’hommage écrits à mon frère se sont retrouvé autour de vidéos de chats sur YouTube et d’une publicité de voiture sur la page d’accueil de Facebook. C’était un mélange des genres assez horrible à voir, J’ai demandé du coup à chaque auteur de les supprimer. C’était gênant, parce que les autres aussi avaient le droit de faire leur deuil comme ils l’entendaient, mais on ne sait pas trop quoi faire quand deux processus de deuil entrent en opposition. » L’omniprésence apparente de la mort sur les écrans entraîne parfois même l’opposé de ce que le trépas était supposée créer : c’est-à-dire une distance, un éloignement qui se renforce avec le temps. Aujourd’hui les espaces numériques occupés par les morts son multiple et en particulier sur internet, où le sentiment de deuil se produit simultanément sur plusieurs plates-formes. Libérée de ses limites spatiales et temporelles, la mort peut donc parfois resurgir comme bon lui semble dans le quotidien de certains.


Toutes les civilisations se sont posées cette questions : comment vit-on avec nos morts et faisons leur deuil ? Ils ont toujours peuplé nos existence physique et psychique. Et aujourd’hui Numérique. Traditionnellement, les rituels de célébration des morts disposent de deux frontières symboliques permettant de contenir la mort afin d’éviter son irruption dans le quotidien : la frontière spatiale comme les cimetières et la frontière temporelle avec les différentes pratiques funéraire. Que la cérémonie se soit déroulée dans une église ou dans le jardin familial ou que le mort repose au cimetière ou dans une urne protégée dans le salon, il existe des espaces où est localisé le mort, un espace ne pouvant être occupés en permanence. Si les rites, actes et rassemblement physiques pour se séparer de l’enveloppe charnelles du défunt perdure elles n’ont pu cependant empêcher cette contagion de la mort à travers les strates du réseau numérique. Nous devons donc réapprendre à contrôler se nouveaux déversements funéraires. Les différents actes de recueillement se sont toujours imposés comme une parenthèse dans le quotidien. Cependant avec l’ère du numérique, l’individu possède la possibilité de gérer le décès d’un proche en permanence dans n’importe quel lieu du quotidien : devant son ordinateur, son smartphone, chez soi, au bureau. En ce sens, la mort n’est plus contenue dans un espace et un temps précis.

Alors, comment retrouver un contrôle de la mort dans notre univers numérique et tenter d’instaurer des frontières spatiales et temporelles comme nous le faisons physiquement ? «Tu n’es plus là où tu étais, mais tu es partout là où je suis.» Victor Hugo



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cimetières numériques.

Ces differents collages sont des representations caricaturales et critiques des dispositifs mis en place actuellement au sein de notre société et plus particulierement de nos cimetières pour répondre à une mortalité numérique croissante.

Qu’advient-il de nos données après que nous ayons trépassé ? Le contenu que nous avons publié au fil de notre vie sur les réseaux tels que les photos, les vidéos, les messages ou autres commentaires, est il condamné à rester éternellement accessibles en ligne ? Lorsque l’on parle de mort numérique, il est en réalité très souvent question de la sauvegarde de l’identité numérique, de la gestion de données et d’une éventuelle éternité des profils personnelles sur les réseaux. Ainsi, malgré les avancées notables dans le domaine, la mort numérique continue de proliférer et conduit à la création d’un véritable cimetière numérique en total laisser-aller. Aujourd’hui, plus de 100 millions de comptes de personnes défuntes sont recensé seulement par Facebook. La mort numérique est donc une problématique qui va s’imposer à nous de façon très concrète dans les années à venir. Le monde numérique à complexifié la vie avec les morts. Il a renforcé l’ambivalence des ritualités et espaces funéraires qui a toujours consisté à contrôler la mort en retenant ou en congédiant le défunt. L’aider à partir ou lui allouer un nouveau statut, depuis toujours, au sein de notre société le « mort doit trouver sa place ». Des frontières symboliques pour circonscrire la mort se sont incarnées fréquemment par des limites visibles mais aussi intangibles. En effet, des tentatives de délimitations temporelles et spatiales ont contribué à garder la mort entre des parenthèses pour protéger notre société de subir un déversement mortuaire quotidien. C’est une des principales fonctions des rites funéraires et des cimetières. La temporalité du rite induit un début et une fin tandis que son emplacement créait une délimitation physique. On ne célèbre donc pas indéfiniment le disparu, mais pendant un certain temps dans des espaces dédiés via des protocoles spécifiques qui sont mis en scène par les vivants. Malgré tout, il est courant et logique que, parfois, ritualisations et dimensions spatiales ne soit pas sur la même longueur d’onde. En effet, l’espaces comme le cimetière localise les morts durablement, tandis que la célébration d’un disparu peut ne pas nécessairement se dérouler dans un espace déterminé. Par exemple parler du défunt dans la rue, chez soi en regardant une photo ou encore ce remémorer un souvenir de lui sont des pratiques courantes. Cependant, aujourd’hui ces conduites de deuil, possédant des limites qui ne sont pas toujours tangibles et palpables se sont extrêmement accentuées. Comme la plupart des pratiques contemporaines, le deuil se déploit dans une réalité ou la séparation entre espaces physiques et espaces numériques est devenue caduque. C’est donc sur internet que se poursuit ce type de commémoration ne possédant plus forcement une délimitation spatiale et temporelle dédiée. L’accès aux réseaux virtuels via un dispositif technologique comme les smartphones, entraine la possibilité de se recueillir à travers le monde numérique sur les traces binaires laissées par le défunt, comme par exemple sur ses différents réseaux sociaux.


Aujourd’hui, afin de maitriser la mort au sein du monde numérique, de premières tentatives de design et de commémoration apparaissent : Dans un premier temps, au sein même du numérique, des dispositifs virtuels tendent à s’imposer comme nouveaux supports de deuils et de recueillements. On peut distinguer d’un coté les plateformes funéraires en ligne comme les sites web mémoriaux ou les cimetières virtuels. Ces médiums explicitement voués à l’expression mortuaire se définissent par leurs caractères funèbres et sacrés. Ce sont des espaces numériques qui possèdent des frontières dans une certaine mesure, car ils ne sont pas visibles et consultés par tous ; ils rassemblent généralement les proches du défunt. De l’autre les multiples mediums numériques de communication et partage, tels que les messageries en ligne et les réseaux sociaux pour ne citer que les plus importants. N’ayant pas pour vocation à la base de gérer la mortalité en leur sein, au fil du temps, ils n’en n’ont pas moins été investis comme espaces communautaires de doléances pour rendre hommage aux morts. Ils ont donc évolué en se sens et de nouvelles dispositions ont petit à petit émergées, comme par exemple lorsque le compte d’un utilisateur d’un réseau social est transformé en mémorial après son décès. Ces différents dispositifs virtuels ont donc généralement pour objectif au sein du monde numérique, de démarquer l’emplacement du mort et de lui consacrer un lieu bien défini. Or, les comptes mémoriels ont en commun avec toutes les autres localisations des morts sur Internet, de conserver une proximité inédite entre les endeuillés et les espaces de commémoration virtuels. Cette proximité n’est plus soumise aux lois qui s’imposent dans les espaces physiques. Dans un monde connecté, l’endeuillé doit lui-même gérer cette distance qui s’imposait automatiquement autrefois. Malheureusement, comme dit précédemment, la facilité avec laquelle nous pouvons fréquenter ces espaces et ce temps transforme leurs essences même : Ce ne sont plus des espaces physiques dédiés comme les cimetières et des temps éphémères comme les enterrements, qui mettent symboliquement à distance la mort. Ce sont à l’inverse, des espaces accessibles et des temps libres, qui peuvent réinscrire la mort dans le quotidien. Il ne s’agit donc plus seulement de design, de mobilisation d’espaces numériques mortuaires ou de cimetières virtuels. Accessible en un seul clic, les endeuillés ont la possibilité de constamment retourner dans ces espaces numériques funéraires. Le temps de commémoration n’a donc plus de limite ni de barrière physique. Il est donc important aussi de gérer cette notion de distance, de fréquentation, de temporalité propre à chacun afin que ce processus de ritualisation et mémorialisation à portée de clic ne deviennent éventuellement banales. Or, la norme dans notre société est d’être continuellement connecté, de conserver un lien, et de se jouer des contraintes de l’espace, du temps, et aujourd’hui de la mort. Dans un second temps, après l’apparition de ces tentatives virtuelles, des dispositifs au sein même de l’espace physique ont éclos, en particulier dans nos cimetières charnels. Jusqu’à présent, les proches qui souhaitaient se servir du numériques pour entretenir la mémoire de leurs disparus pouvaient alimenter une page funéraire ou encore faire perdurer leurs pages Facebook. Aujourd’hui, la digitalisation des monuments funéraires est en plein essore. La technologie des smartphones a fait entrer la tombe elle-même dans la révolution numérique. Apparue depuis quelques années maintenant, la tombe connectée donne la possibilité à l’utilisateur d’être directement redirigé sur internet et d’avoir accès à de multiples informations numériques sur le défunt : photographies, mots de la famille, biographie. Esthétiquement, la tombe connectée n’est rien de moins que la gravure d’un QR code sur la pierre tombale pouvant être scanné par les visiteurs avec leur smartphone. Malgré tout, la localisation d’un accès aux données numérique dans un « lieu » traduit la tentative des vivants de contenir la mort à l’intérieur de certaines frontières : symboliques, temporelles et matérielles.


C’est un fait, la culture occidentale inhume ses morts et matérialise des lieux physiques pour s’y recueillir. De mon point de vue, les dispositifs mis en places au sein des nos deux réalités, physique et numériques, ne sont actuellement que de multiple coups d’épées dans l’eau. D’une multiplication des medium de recueillement au sein de nos réseaux numériques aux parasitages de nos cimetières charnels via des QR codes : ces « fausses » tentatives de contrôles sur la mort numérique sont dérisoires face à la quantité astronomique de données dont sont producteurs nos sociétés et cette accessibilité des utilisateurs toujours omniprésente sur le réseau. En tant que architecte et personnes fermement ancrés au sein de ce monde numérique, je pense que, aujourd’hui, nous devons établire une toute nouvelle façons de retrancher les données des défunts et de les archiver afin de rétablir cette parenthèse au sein de notre quotidien pour se recueillir comme nous l’avons toujours fait. Nous devons trouver ainsi un équilibre entre le recueillement numérique et la libération émotionnelle afin de construire ce qui peut être durable et emphatique pour les endeuillés, parce que le chagrin, après tout, nous affecte tous.

Comment par le biais de l’architecture peut-on réconcilier nos enveloppes charnelles et nos morts binaires ? «Les hommes ont créé des cimetières afin de se fixer dans le temps et, malgré la décomposition dans l’espace.» Emile Marcel



LE JARDIN DE L’OUBLI


Nous nous trouvons à Paris dans un lieu atypique du Bois de Vincennes. Le jardin d’agronomie tropicale. À l’instar de son nom, ici subsiste peu de végétation tropicale : seuls quelques bambouseraies s’y fondent. Aujourd’hui devenu lieu de recueillement pour les soldats coloniaux tombés pour la France. Ce site à l’abandon, ou la nature a repris ses droits, voit en son sein un espace d’un nouveau genre apparaitre à l’image d’une serre émergeant parmi la végétation.




Après avoir pénétré dans le jardin par une porte chinoise et avoir cheminé au travers des stèles de commémoration couvertes d’une frondaison luxuriante, nous aboutissons à une vaste clairière bordée de chênes, de pins où se dresse un bâtiment opale diffusant la lumière.



Tout en légèreté, une peau composée d’une structure triangulée et de vitres semble protéger une prolifération de câbles comparable à d’énigmatiques plantes grimpantes nacrées.


Un chemin au pourtour du bâtiment nous conduit à l’entrée masquée par une forêt de bambou.



Tout en transparence et en légèreté, un immense espace fermé par des murs de verre et dépourvu de cloisons intérieures nous apparait. Un tapis de câbles, telles des racines vitrifiées au sol, fait émerger d’étranges arbres pétrifiés formant une étrange canopée.



Parsemé de multiples plans d’eau et d’arbres plus ou moins évasées le lieu semble tenter un mimétisme de l’espace naturel environnant.



En nous approchant et examinant les plans d’eau la compréhension technique du lieu se fait. Les câbles qui précédemment formaient le sol et les arbres s’avèrent émerger de ce bassin technologique à l’allure de mangrove. En son sein une partie du coeur du data center se dessine. Immergées, les nombreuses cuves de stockage de données font leur apparition et les leds clignotantes composant les disques durs semblent donner à leurs, tours rythme et vie à cette nature artificielle.



Les alcôves plus ou moins importantes formées par les arbres se présentent telles des niches permettant à qui le souhaitent le receuillement. Les données des multiples personnes défuntes enfouies et sauvegardées au coeur du data center semblent se révéler avec parcimonie et volupté par le biais d’écrans translucides.



Comme un cycle et telles des étoiles filantes, les mémoires des défunts apparaissent et disparaissent se succédant les unes après les autres.




Comment retrouver un contrôle de la mort dans notre univers numérique et tenter d’instaurer des frontières spatiales et temporelles comme nous le faisons physiquement ? Comment pouvons-nous commencer à designer un lien entre l’expérience très fragile et humaine du deuil et l’environnement numérique qui conserve la vie et la mémoire de chacun ? Comment par le biais de l’architecture peut-on réconcilier nos enveloppes charnelles et nos morts binaires ? Au cours de notre vie, nous constituons consciemment et inconsciemment une entité numérique éparse : Que ce soit au travers des réseaux sociaux, de nos achats sur internet, ou de nos envois de mails et sms. Lorsque nous mourons, le contrôle plus ou moins minime que nous avions sur notre histoire numérique cesse. Nous laissons donc derrière nous un héritage numérique éparpillé sur le réseau, qui au fil du temps n’a cessé de s’accroître et se détailler. Après notre disparition, plusieurs problèmes émergent donc : - Notre double numérique peut être mis à rude épreuve. Il peut subir la duplication, le piratage, ou encore pire la suppression. - Pour certains de nos proches c’est cette totale anarchie numérique et les errements de ce double numérique qui peut être difficile à surmonter en période de deuil. On sait que dans 50 ans, les différentes plateformes numériques, comme facebook par exemple, auront plus d’utilisateurs morts que vivants et donc on peut supposer qu’un nettoyage drastique sera mis en place au sein des lieux de stockage contenant notre univers numérique. Il faut donc dès aujourd’hui et à l’avenir que les spectres numériques qui hantent et resurgissent à travers notre réseau internet trouvent un certain repos. Le projet a donc pour objectif de créer un lieu physique et numérique permettant dans un premier temps de guider nos entités numériques défuntes vers un droit à l’oubli et une immortalité contrôlée. Et proposer dans un second temps aux proches une nouvelle expérience du recueillement et de la mémoire. On appelera ce lieu « cimetiere numérique »


Cimetière numérique ?

Cimetière

Data Center

Hybridation ?


Qu’est ce qu’un cimetière numérique ? Quand on parle de stockage et de sauvegarde d’une grande quantité de données, on pense immédiatement au data center, temple de la donnée numérique dédié à la circulation de l’information. Les centres de données sont les réceptacles d’une partie plus ou moins grande de notre monde numérique et les plateformes telles que les smartphones ou les ordinateurs sont des entrées du monde physique. En même temps, quand on aborde la mort et le deuil au sein de l’architecture, on parle de cimetière, de tombe, de crypte... Ce sont des lieux qui établissent naturellement une frontière spatiale entre les vivants et les morts. Ces espaces doivent permettre aux personnes qui les traversent d’être accompagnées durant leur deuil et en leur sein, ils doivent instaurer des notions telles que le respect de la mémoire et de la méditation ainsi qu’une certaine « spiritualité ». La proposition architecturale est donc de créer une architecture hybride : Hybride entre l’espace de stockage et l’espace funéraire. Mais aussi un hybride entre nos deux réalités, notre réalité physique et la réalité numérique.


Physiquement

Réalité

Virtuellement

Passage Cheminement

Lien

Réalité numérique

Nouvelle nature d’espaces perceptibles ?

Géométries ?

Data center Google

Mausolée d’Auguste

Fractals ?


Comment ce lieu peut-il créer un passage, un lien, un chemin, entre notre réalité et la réalité numérique ? La réalité numérique n’a presque qu’un seul niveau de lecture qui est le virtuel. L’idée est donc de créer un espace qui puisse permettre de façon « sensible » un croisement entre l’univers matériel vécu physiquement et l’univers numérique perçu virtuellement afin de forger un passage et de pouvoir extraire le contenu numérique de cette machine qu’est le data center. Le lieu sera vécu et perçu, physiquement et virtuellement. Il permettra en temps de deuil de naviguer et d’être guidé vers les données des défunts qui auront pris à leurs tours un caractère constitutif à l’espace.

Comment développer cette architecture hybride qui cherche à être, plutôt qu’un simple emboîtement entre nos deux réalitées, une toute nouvelle nature d’espaces perceptibles ? On observe habituellement dans l’architecture des data centers et des tombeaux des organisations extremement précises et bien spécifiques. Au cours des siècles ces lieux ont pu prendre des formes pouvant être organisées de façon plus ou moins complexe géométriquement. L’architecture s’inspire souvent de géométries produites par la nature. En son sein, on y trouve une notion intéressante qui est la fractale, une forme géométrique répétitive, observable à plusieurs échelles. Si l’on se tourne vers les mathématiques et l’ordinateur, les algorithmes permettent actuellement de créer une géométrie fractale, dite géométrie absolue. Ce sont des géométries dites absolues, car elles permettent une navigation infinie entre les échelles. De l’infiniment grand à l’infiniment petit. On peut donc soupçonner ici une opportunitée, un point de départ à exploiter pour potentiellement imaginer la création de cette architecture hybride et de ce passage entre nos deux réalités. Une architecture qui utilise et s’inspire des algorithmes et l’informatique pour générer des objets et espaces. Une architecture à mi-chemin entre le physique et le numérique.



Comment et avec quoi fabriquer cette architecture ? Les data centers à travers leurs architectures et leurs machines possèdent un catalogue insoupçonné d’éléments permettant la création et le design. Une collection de matériaux conceptuels pouvant être utilisée pour fabriquer cet espace ainsi que de multiples comparaisons à des lieux de cultes ou artistiques ont été établie.




4000m 3000m 2000m 1000m 0m 1000m 2000m 3000m 4000m

N PARIS

2000m 1500m 1000m 500m 0m 500m 1000m 1500m 2000m

N BOIS DE VINCENNES

200m 150m 100m 50m 0m 50m 100m 150m 200m

N JARDIN D’AGRONOMIE TROPICAL


Où localiser une telle architecture ? « Le Jardin d’Agronomie Tropicale » est situé en bordure du Bois de Vincennes et à proximité de Nogent-sur-Marne, à seulement 15 minutes de Paris. En s’y aventurant on découvre le lourd passé de ce lieu à travers les vestiges du temps des colonies françaises. En effet, « Le Jardin d’Agronomie Tropicale » abritait sur sept hectares, les vestiges de l’exposition coloniale de 1907 dont certains sont recouverts de végétation et d’autres encore en place. Connu sous le nom de « Zoo Humain », ce jardin est un véritable témoignage historique d’une époque heureusement révolue. Elle est devenue ensuite un lieu de mémoire après la Première Guerre mondiale, car plusieurs monuments aux morts y ont été érigés pour les troupes coloniales qui ont combattu en territoire métropolitain. Le jardin fut ensuite complètement abandonné...

Pourquoi un tel site ? Le Jardin d’Agronomie Tropicale est un lieu de mémoire, les traces multiples qui s’y dévoilent sont autant de résonances sur l’Histoire du XXème siècle. C’est un jardin au caractère éclectique et singulier parmi les jardins parisiens, son entretien est pourtant au quasi-point mort : les stèles sont endommagées par le mauvais temps, les pavillons coloniaux insalubres et les serres qui jadis conservaient de multiple plantes tropicales sont dévastées. La perspective d’une révolution au sein du site sont pour l’instant à l’arrêt. Utiliser ce lieu pour développer notre projet permettrait ainsi de lui donner un nouveau souffle et réconcilierait peut-être enfin les populations avec son lourd passé. De plus, ce site est finalement déjà un cimetière à l’abandon. Par ses nombreuses stèles de commémoration parsemant son terrain, il serait en parfait adéquation pour accueillir un espace de recueillement d’un genre nouveau. Pour finir, ce jardin si atypique qui se distinguait auparavant par des traits raciaux douteux deviendrait aujourd’hui, par l’apparition d’un cimetière numérique, un lieu de mémoire universel.


1. Porte chinoise 2. Monument à la gloire de l’expansion coloniale 3. Monument à la mémoire des soldats malgaches 4. Plaque commémorative de l’hôpital de la Mosquée 5. Monument à la mémoire des soldats cambodgiens 6. Pagodon chinois 7. Esplanade de Dinh 8. Pagode indochinoise 9. Monument à la mémoire des soldats indochinois 10. Pavillon tunisien 11. Pavillon Guyane 12. Statue de Persée


13. Cabane du jardinier 14. Pavillon du Maroc 15. Pavillon de la Réunion 16. Bunker de solvant 17. Pavillon des Indochines 18. Monument à la mémoire des soldats d’Afrique noire 19. Monument à la mémoire des soldats noirs 20. Serres historiques


01. Porte chinoise

15. Pavillon de la Réunion

20. Serres historiques


8. Pagode indochinoise

10. Pavillon tunisien

5. Monument à la mémoire des soldats cambodgiens



01 Une forêt de Cables.


Quelle architecture pour ce data center mortuaire ? Les data centers sont des boîtes noires, des espaces fermés recroquevillés sur eux-mêmes strictement voués aux machines et à leurs fonctions. Ils possèdent leur propre microclimat et une atmosphère casi-stérile. Avec leurs mur grillagés, barbelés et des dizaines de caméras de sécurité, la plupart des data centers ont des airs de centre pénitentiaire. Ici l’homme n’y est pas accepté ; tout y est hostile. Les seuls personnes possédant le précieux sésame pour ces cavernes technologiques sont les gardes ou les informaticiens chargés de la réparation si un problème survient sur ces machines casi-autonomes. Aujourd’hui et dans le futur, cette autonomie semble vouloir être poussée a son paroxysme par la robotisation au sein des data centers afin dans faire des lieux exclusivement ouverts aux machines et restreindre encore plus l’accès physique aux êtres humains. C’est toute la tentative de ce projet architectural : comment rendre ouvert, universel et acceuillant à l’homme un espace, qui lui désire le repousser ? Comment transformer un lieu technologique aseptisé en un espace dit «sacré» permettant le recueillement ? Le site choisi pourvu d’une vegetation luxuriante ainsi que le projet architectural d’utiliser et de s’inspirer des geométries naturelles telles que les fractales font apparaitres une notion, celle de la forêt et des arbres. La forêt occupe dans l’histoire de l’homme une place fondamentale. Dans leurs rapports, qui remontent au plus profond des âges, se mêlent l’attirance et la crainte, l’amour et la répulsion. La forêt est un lieu de retraite et d’inspiration, de mystères et de mythes. Elle est un lieu à la fois inquiétant et enchanteur, de perdition et de refuge, où nature et culture s’opposent et se rencontrent. C’est dans la densité des bois et des clairières lumineuses que les rythmes et espaces achitecturaux ce dessinent. Nous pouvons alors édifier un data center telle une forêt ou un jardin en imaginant son organistion technologique produire un biomimetisme de la vegetation sauvage dont le Jardin d’agronomie tropical est pourvu. Et Pour ce faire utiliser le principes mathématiques du fractale des arbres permettant de concevoir de multiples objets qui formeront et rythmerons a leur tours la forêt numérique.



Algorithme mathématique Arbre à trois branches

Script - Lissage


Branches infinies

Arbre


Script 1

Script 2

Évasement : 10°

Évasement : 10°

Évasement : 20°

Évasement : 20°

Évasement : 30°

Évasement : 30°


Script 3

Script 4

Évasement : 10°

Évasement : 10°

Évasement : 20°

Évasement : 20°

Évasement : 30°

Évasement : 30°


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Comment fabriquer ces arbres ? Un fractale que nos sociétés utilisent depuis des siècles, peut-être inconsciement dans l’ingénierie, est celui du câble ou de la corde. Bien avant la construction du Golden Gate Bridge ou du Tower Bridge, les Incas d’Amérique du Sud construisaient des ponts à travers des ravins montagneux de plusieurs centaines de pieds de large grâce à des câbles tissés à la main à partir de longs brins d’herbes. Aujourd’hui, les cables modernes utilisent toujours le même principe : un petit nombre de fibres sont tissées dans une fibre plus grosse, dont plusieurs sont ensuite tissées dans une fibre encore plus grosse. Ce motif fractale répétitif permet donc à des fibres, qui auparvant étaient faibles et flexibles, de se combiner en un tout, offrant ainsi une grande résistance et une certaine maniabilité. En appliquant ce même principe technique aux cables que recèle notre data center, la constitution d’un lieu tentant un biomimétisme de la nature environnant faisant émerger une forêt technologique n’est plus une lubie.



Cuivre

Echelle

Corde de cuivres

Paire

Corde de paires


Câble

Corde de câbles

Echelle


x2

x1

x4

x3

x5


x6







02 Une mangrove de stockage.


Où et comment sont stockées les données des défunts ? À cause de leurs besoins croissants en refroidissement, les data centers standards sont des endroits bruyants, froids et hostiles : des ventilateurs tournant à grande vitesse ainsi que des tuyaux encombrants acheminant de l’air froid, voila le décor dépeint en leur sein. Cette demande continue de froid rend le lieu inconfortable, dû à ses températures basses et ses bruits assourdissants, au peu de personnes s’y aventurant. Aujourd’hui, un nouveau système a émergé, celui du « Liquid cooling », refroidissement par immersion. Le principe est simple, à l’intérieur d’une cuve les composants électroniques, les serveurs et autres connectiques complexes sont immergés dans un liquide refroidissant. Le data center possedant des systemes de refroidissement par immersion voit son environnement rendu plus pratique et confortable. Grâce à des racks de stockage aux dimensions réduites ainsi que la disparition des nombreux ventilateurs et autres tuyaux, il voit sa conception architecturale évoluer vers un espace silencieux, casi-libre, aux températures stables. On voit donc ici une opportunité pour la conception de notre lieu. En utilisant ce principe nous pouvons rendre le data center plus accueillant pour l’homme et parallelement à cela, nous permettre une liberté de création plus importante en nous délestant d’une grande partie du système technique archaïque.



Cuve de stockage « Liquid cooling»

Disques durs

Ossature

Circuit de refroidissement


Utilisation et démultiplication du principe de cuve stockage afin de créer un système de plus grande envergure. Une forme esthétique voulu plus organique ce rapprochant d’un plan d’eau naturelle : une mangrove.

Mangrove de stockage


Mangrove de stockage



Câbles

Disques durs


Eau







03 Une canopée de donnée.


Quelle enveloppe donner à ce data center ? Malgré toutes les libertés que peut prendre l’architecte, un data center reste un espace cloisonné et totalement hermétique à l’extérieur. Quand on pense aux différentes caractéristiques de ce projet, son emplacement et sa conception de l’espace, tout de suite apparait l’idée d’une serre. En effet, le jardin d’agronomie tropicale auparavant possédait de multiples serres regorgeant de plantes exotiques. Malheureusement aujourd’hui elles sont inutilisables et laissées à l’abandon. La matérialité et la conception d’une serre sont pourtant à l’opposé de celles du data center. D’un coté ouvert à la vie et son développement, de l’autre technologique et aseptisé. D’un coté libre et transparent, de l’autre confiné et aveugle. Utiliser ce principe de la serre pour isoler notre data center et son jardin technologique est une idée plutôt poétique, repondant à l’historique du site et à notre souhait d’un espace de légerté. Rapprocher notre de data center vers une idée de la serre permet de le rendre plus humain et chaleureux.

Comment permettre la lecture aux visiteurs des mémoires numériques ? Comment avoir un niveau de lecture approprié des différentes données contenues au coeur du data center ? Quand on parle du numériques à l’heure actuelle, on parle forcément d’écrans et de virtuel pour permettre sa lisibilité. L’idée a donc été de fusionner et incorporer à travers cette serre de multiples écrans souples et transparents, permettant ainsi aux visiteurs d’avoir accès aux données des défunts enfouies et protégées. Ils seront placés d’une façon bien spécifique : à la cime des différents arbres de câbles parsemant notre sanctuaire numérique. Les différentes formes et évasements des arbres créeront ainsi des alcôves aux multiples niches composées d’écrans aux images évanescentes permettant ainsi le recueillement aux endeuillés.



Peau extérieur Verre et ossature métalique.

Peau intérieur Verre et ossature métalique.

Alcove formée d’écrans permettant une lecture des données enfouies dans le data center.

Câbles provenant des bassins


Canopée de données









04 Le Jardin de l’oubli.


01. Délimitation du projet.



02. Nettoyage de la zone, correction des circulations de base, et réhabilitation des stèles et pavillons abandonnés.



03. Définir les entrées du projets et renforcer leurs situations en les ornants par la végétation de bambou existante au site.



04. Renforcement de la végétation éxistante et création d’un écrin végétal.



05. Implantation des bassins de stockages du data center. Leur alimentation se fera par l’eau du site existant.



06. Calcul algorithmique de l’ordinateur afin de définir l’implentation des différents arbres de câbles. Elle sera calculée en fonction des paramètres du sites et des centralités désirées au sein du lieu.



07. Implantation de la forêts de câbles.



08. Fermeture et isolation totales du data center par une canopée formée d’une double peau de verre et d’écrans.



Plan du Jardin de l’oubli.




Un diplôme n’est absolument pas une balade en solo qui se confectionne en un ou deux ans de travail. Non. Je pense qu’un diplôme est la résultante de multiples années d’études, où au travers de projets, de recherches, de discussions et de critiques, on se questionne, on doute, on murit et on se trouve. Il n’est en soi pas une fin mais plutôt la continuité et le debut de nouvelles réflexions. Tout cela a donc commencé pour moi lorsque j’ai franchi le seuil de l’école Confluence Institute for Innovation and Creative Strategies in Architecture. Je vais donc exprimer ici, mes plus sincères reconnaissances, aux personnes formidables avec qui j’ai eu la chance de partager le quotidien et qui m’ont accompagné durant mon cursus. Tout d’abord je veux remercier infiniment Odile Decq, directrice, architecte, qui m’a permis d’entrer au sein d’un cursus à son image innovant et téméraire. Je veux remercier en parallèle à cela Nicolas Hannequin, professeur, pour son savoir, son objectivité et ses conseils avisés. Merci à vous de toujours nous avoir fait avancer dans le sens de de la reflexion et de l’action. Une grande pensée à Aaron Sprecher, Chandler Ahrens, Jacques Sautereau, Sir Peter Cook, Mateo Cainer, Celine Saraiva ainsi que tout les intervenants avec qui j’ai eu la chance de travailler et d’échanger. Merci d’avoir partagé avec moi vos infinies connaissances. Merci à tout mes camarades, Ophélie, Anouchka, Jean-Baptiste, Arthur, Kevin, Jhila, Hugo, Maxime, Josephine, Meriem, Sid, Patrick, Omar, Maelle, Allal, Monica, Aldo, Pauline, Clement, Martin, Pierre, Francesco, Gero, Charles, Domitille. Nous avons pu échanger et nous continuerons à échanger sur l’avenir de demain. Merci a ma famille pour la patience et le soutient durant toutes ces années. J’aurais ces derniers mots pour mon tuteur d’exception pour ce diplôme, Lionel Lemire. Guide et ancrage durant cette année de travail. Merci pour son temps et sa patience. Merci pour son aide, son érudition et sa bienveillance qui m’ont permis de façonner, structurer, edifier ma pensée et mes travaux. Merci de m’avoir fait prendre position.



Bibliographie

Audiovisuel Ghost in the Shell, Mamoru Oshii, 1995 After Your Final Status Update(tedtalk), Adam Ostrow, 2011. Black mirror(série télévisée), Saison 2 - Episode 1, Be right back, 2013 Black mirror(série télévisée), Saison 3 - Episode 4, San Junipero, 2016 Embracing death(tedtalk), Caleb Wilde, 2014. Architecture of Infinity(documentaire), Christoph Schaub, 2019.

Lectures The Age of Spiritual Machines: When Computers Exceed Human Intelligence, Raymond kurzweil, 1999. Digital Immortality - Microsoft research, Gordon Bell & Jim Gray, 2000. Douleur exquise, Sophie Calle,2003 Sapiens, Yuval Noah Harari, 2011. Digital Death: Mortality and Beyond in the Online Age, Christopher Moreman & David Lewis, 2014. Que faites-vous de vos morts?, Sophie Calle, 2019

Projets architecturaux Subdivided Columns - Michael Hansmeyer, 2010 New-territories - Francois Roche, 1991/2019 Art Biotop Water Garden - Junya Ishigami + Associates, 2019





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