Université Panthéon-Assas Institut français de presse
LES MÉDIAS ET LE FRONT NATIONAL : Relations et cadrages.
Crédit photo : Thomas Latragna - 2014.
Thomas Latragna
Mémoire de Master 1 - Médias et communication Médias et politique : acteurs et enjeux Direction du Mémoire : Rémy Rieffel
Juin 2014
Les médias et le Front national : Relations et cadrages.
Thomas Latragna
SOMMAIRE
Introduction
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Première partie : Les débuts du Front national à la télévision : Des rapports compliqués qui laissent des traces. page 6 A. La parole donnée à un parti que l’on voulait marginal
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B. Le FN : un traitement particulier ?
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Seconde partie : Le cadrage médiatique du Front national à l’heure de sa dédiabolisation
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A. Les émissions de divertissement, l’accent mis sur l’image du parti
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B. Les émissions politiques, le programme du parti passé au crible
page 41
Conclusion
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Annexe 1
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Annexe 2
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Annexe 3
page 63
Annexe 4
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Source et Bibliographie
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Les médias et le Front national : Relations et cadrages.
Thomas Latragna
INTRODUCTION
L’importance qu’ont les médias dans le quotidien de notre société n’est pas à négliger. On sous-entend souvent qu’ils sont considérés comme étant un quatrième pouvoir se faisant relais entre deux entités pour passer un message et ont de ce fait un certain impact non négligeable sur notre société qu’il est toutefois difficile de mesurer.
Depuis la fin du XXème siècle, les médias et plus particulièrement la télévision ont participé à la consécration de l’Homme politique en lui accordant une plus large tribune afin qu’il puisse s’exprimer aisément à la population. Ce dernier est alors soumis aux contraintes médiatiques pour exister dans le jeu politique français, ce qui a pour conséquence la dévalorisation du capital politique au profit du capital médiatique. Nous constatons alors depuis plusieurs années que l’ascension électorale du Front national est imputée aux médias à qui il est reproché d’avoir largement contribué à sa légitimation dans le champ politique français. Longtemps défini comme étant parti d’extrême droite de par sa construction basée sur des groupes militants se plaçant dans cette lignée, le FN n’a pas joui d’une image positive caractérisée par une relation difficile entretenue avec les acteurs médiatiques. Pourtant, aujourd’hui force est de constater que l’opinion des français quant à l’image favorable qu’ils ont du parti présidé par Marine Le Pen tend à augmenter en parallèle du vote Front national qui lui se démocratise.
La présence médiatique des représentants du Front National n’est pas un phénomène nouveau, mais ne cesse de croitre depuis que Marine Le Pen est à la tête du parti et s'est lancée dans une vaste campagne de dédiabolisation. Le FN qui, selon ses dires, aurait changé, séduit de manière incontestable de plus en plus d'électeurs. Il parait alors logique dans un souci de démocratie que les médias reflètent cet engouement à travers des reportages ou en donnant la parole aux chefs de fils du parti au même titre que l'UMP ou le PS. Cependant le traitement particulier attribué au FN depuis son apparition dans les médias peut-être remis en cause, Marine Le Pen dénonçant alors le lynchage qu'il subit .
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Nous sommes ainsi en mesures de formuler les hypothèses suivantes : Pourquoi l'objectivité des journalistes à l'égard du Front National peut-elle être remise en cause ? Pourquoi la médiatisation du Front National donne au parti une certaine légitimité ? Pourquoi peut-on voir dans cette sur-médiatisation un moyen de décrédibiliser un parti qui se veut être un parti comme les autres ?
Peu de travaux existent sur les relations entre le nouveau Front national et les médias. Ainsi, un important travail de recherche a été effectué, reposant à la fois sur des entretiens accordés par des responsables politique du FN, des militants ou encore des journalistes traitant régulièrement le parti dans leurs sujets, mais également sur des observations faite sur le terrain auxquelles s’ajoutent des analyses de corpus et des études de contenus audiovisuels. La difficulté première a été d’avoir des réponses aux demandes d’entretiens. Les recours formels ayant été sans succès, les réseaux sociaux ont dans le cas du Front national servi à contacter Florian Philippot et avoir une réponse positive rapidement. Ce professionnel de la communication a été plus facilement abordable que les journalistes. Ainsi, pour contacter Salhia Brakhlia1 à l’origine de nombreux sujets et au centre d’un rapport de force compliqué avec le Front national, il aura fallu se rendre sur le plateau de l’émission Le Petit Journal pour laquelle elle travaille et interpeller l’animateur Yann Barthès pour qu’il puisse lui transmettre la requête. Une semaine plus tard le rendez-vous était fixé. Par soucis d’équité et pour préserver la spontanéité des interrogés, ces derniers n’ont pas eu préalablement accès aux questions.
La recherche se divise alors en deux temps ; dans une première partie intitulée « Les débuts du Front national à la télévision : Des rapports compliqués qui laissent des traces » nous reviendrons sur l’histoire du Front national, de sa création à l’élection de la fille de Jean-Marie Le Pen à la présidence du parti pour comprendre ses fondements, ses intentions et son origine. Après avoir lu bon nombre d’ouvrages sur les débuts médiatiques du FN et la relation qu’entretiennent entre autre les journalistes avec les hauts responsables politiques et économiques, il sera alors possible d’expliquer l’origine de cette image « diabolisée ». Il est aujourd’hui nécessaire à la compréhension du cadrage utilisé par les médias de se pencher sur 1
Entretien avec Salhia Brakhlia, 11 Mai 2014. Annexe 2. Page 4
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celui de l’époque, quelque peu similaire en période électorale, de ce que l’on connait actuellement, et le rôle important qu’ils ont joué dans la banalisation ou non du parti d’extrême droite.
Dans une seconde partie, intitulée « Le cadrage médiatique du Front national à l’heure de sa dédiabolisation » nous analyserons le contenu de trois types d’émissions bien définis. Une émission politique comme Des paroles et des actes présentée par David Pujadas sur France 2, une émission d’infotainment telle que Le Petit Journal présentée par Yann Barthès sur Canal+ et un Talk-Show, initialement On n’est pas couché présenté par Laurent Ruquier sur France 2. Ce dernier n’ayant jamais reçu le FN hors de la campagne présidentielle de 2012 et afin de ne pas biaiser notre analyse se focalisant davantage sur l’année 2013-2014, le Talk-Show de Thierry Ardisson, Salut les terriens a également été étudié dans le cadre de cette recherche. Dans chacune de ces émissions, nous mettrons en avant le temps d’antenne consacré au FN par rapport aux autres partis appuyés par les chiffres du CSA et des tableaux réalisés à la suite d’études quantitatives. Nous reviendrons également sur le rôle que joue aujourd’hui les émissions dans la légitimation d’un parti qui tend à devenir fréquentable. Ce travail a pour objectif de mettre en évidence l’image que renvoient les médias du Front national et de comprendre le rôle que le cadrage à sur sa légitimation.
Au terme de cette recherche sociologique prônant une neutralité axiologique visant à faire un travail d’historicisation pour comprendre la naissance du Front national et de sa diabolisation sous-tendu par les relations complexe qu’il entretient avec les journalistes tout en analysant l’évolution du traitement médiatique engendré par le changement de sa présidence, nous serons alors capable de comprendre le rôle qu’ont joué les médias sur l’image que renvoie le Front national.
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Les débuts du Front national à la télévision : Des rapports compliqués qui laissent des traces.
A. La parole donnée à un parti que l’on voulait marginal. Les médias sont-ils à l’origine de l’émancipation du Front national ou l’émancipation du parti est à l’origine de sa médiatisation ? Le phénomène Le Pen s’assimile facilement au paradoxe de l’oeuf et de la poule ; Quelle en est la genèse ? Même s’il est difficile de répondre à cette question, il est toutefois possible de rendre compte des différents facteurs, qu’ils soient d’ordre économiques, sociaux ou politiques, qui ont permis la percée années après années du parti d’extrême droite dans l’espace médiatique français et conjointement dans les urnes. Il est important pour comprendre ce phénomène de remonter rapidement à la création du FN et à ses premiers succès électoraux.
Créé le 5 octobre 1972 à l’approche d’élections législatives, le Front national est le fruit de plusieurs groupuscules extrémistes tels qu’Ordre Nouveau, considéré comme étant un mouvement politique français nationaliste très à droite et souvent qualifié de néo-fasciste. Ainsi, le Front national, dont Jean Marie Le Pen deviendra rapidement la figure emblématique, a longtemps été considéré comme un parti en marge de l’échiquier politique. Nostalgique de l’Algérie française, et à la vue de son orientation politique, il a longtemps eu du mal à présenter un candidat et quand par surprise il le pouvait, ses faibles scores (dépassant rarement les un pour-cent) ne lui permettaient pas d’attirer l’attention des médias. En 1982, lors des élections cantonales, les époux Jean-Pierre et MarieFrance Stirbois, tous deux sous l’étiquette Front national, récoltaient respectivement 12,6% et 9,58 % des voix dans chacun des deux cantons de la ville de Dreux. C’est une première historique pour le Front national qui n’avait encore jamais connu de pareils résultats, dépassant ainsi la barre des 10%. Ce succès se confirme l’année suivante, en 1983, lors des élections municipales où J.-P Stirbois obtenait 16,7% des voix après avoir axé sa campagne sur l’immigration, thème de prédilection pour un parti jouant davantage sur la peur, laissant sous-entendre qu’elle serait la cause de l’insécurité et du chômage et rappelant qu’un quart des habitants de la ville étaient d’origine étrangère. Face à ces bons scores, pour la première fois en Page 6
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perspective du second tour, le RPR et le FN faisaient liste commune. Celle-ci gagna les élections avec près de 55,3% des voix devant des dizaines de journalistes ayant fait le déplacement pour couvrir cet événement inhabituel qu’ils qualifieront de « coup de tonnerre »2. En effet, cas inédit, un cadre d’extrême droite obtint un poste à l’exécutif d’une ville donnant plus de place au parti qui fit alors son entrée dans le baromètre politique de TNS-SOFRES en janvier 1984. Les médias, notamment les journaux télévisés, à travers différents reportages sur l’élection, commençaient à relayer des commentaires mettant davantage en avant le caractère marginal et peu fréquentable du Front national ;
« L’alliance de l’opposition [RPR et FN] pour le second tour pose une question politique et morale »3. « Le MRAP4 exprime son inquiétude face à la montée du racisme exprimé dans ces résultats de Dreux, et face aussi à l’alliance conclu par l’opposition »5.
On assistait ici aux prémices d’une diabolisation, mettant déjà en avant des valeurs immorales et racistes, qui connut son apogée quelques années plus tard par la mise en place d’une stratégie par la majorité au pouvoir, à savoir le parti socialiste, qui aperçut alors un filon exploitable pouvant servir sa cause. Même si la médiatisation intense de cette élection municipale laissait supposer que le FN augmentait sans conteste, les résultats étaient toutefois à relativiser car à l’échelle nationale le parti ne représentait que 0,1% des suffrages. Nous sommes dès lors en droit de nous interroger sur le rôle prescripteur qu’ont eu les médias relatif à l’émergence du phénomène Le Pen. Il n’est cependant pas fortuit de faire un parallèle entre l’emballement médiatique qu’ont généré les résultats de Dreux aux élections cantonales de Brignoles en novembre 2013 ou des municipales d’Hénin-Beaumont en mars 2014 où le Front national a fait une percée remarquable, et qui a souffert, ou bien joui de cette même récupération par les différents médias français. Assurément, cette médiatisation intense a des effets à double 2
J.-P Stirbois reprendra cette expression pour le titre de son livre « Tonnerre de Dreux, l’avenir nous appartient », éd. National Hebdo, 1988. 3
Communiqué du premier secrétaire du parti socialiste Lionel Jospin, cité par Christine Ockrent, Antenne 2, 05 septembre 1983. Crochets rajoutés par l’auteur. 4
MRAP qui signifie Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, est une association française crée en 1949. 5
Christine Ockrent, Antenne 2, 05 septembre 1983. Page 7
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tranchant comme l’explique Florian Philippot, vice président du Front national, chargé de sa stratégie et de sa communication ; « À Brignoles, il y a eu une sur-médiatisation, ça a ses avantages et ses inconvénients. Pour nous ça met la lumière sur un très bon résultat, et on a gagné d’ailleurs, on a fait 54% face à tout le monde. Ça nous conforte dans notre dynamique nationale. Brignoles a un impact national. Mais ça ne banalise pas pour autant le vote, ça créer entre guillemets un phénomène d’anormalité »6.
Effectivement, les médias mettent en avant de bons résultats plaçant le parti dans une opposition jugée légitime d’être intégrée à l’offre effective de la politique nationale. Mais on y voit également un moyen de créer un sentiment d’anormalité en médiatisant de façon outrancière une élection banale à une différence près, celle qu’un cadre d’extrême droite soit élu. Il y a cette idée de prévention en élevant les résultats d’un scrutin local au rang de test national en remettant ainsi en cause, volontairement ou non, le vote FN, et ce, pour les deux élections à 30 ans d’intervalles. Cependant, on observe qu’une fois l’effervescence liée aux urnes de 1983 passée, le Front national n’a pas davantage bénéficié d’exposition médiatique. Pourtant, le 8 mai 1982 à Orléans, François Mitterrand tint un discours en faveur d’un pluralisme politique, ouvrant ainsi une brèche à Jean-Marie Le Pen qui, n’appréciant pas d’être invisible auprès des chaines de télévision lors du congrès du FN qui se tenait en l’honneur de Jeanne D’Arc, tira profit de la situation en adressant une lettre au Président de la République datée du 24 mai 1982. Il demanda à Guy Penne, alors conseiller de François Mitterrand pour les affaires africaines de remettre le message à ce dernier, dans lequel il lui demandait d’intervenir afin d’être invité, au même titre que ses adversaires politiques, sur les plateaux de télévision, notamment en vue des résultats qu’avait obtenu son candidat les 14 et 22 mars de la même année.
« L’unité nationale, ce n’est pas l’uniformité, c’est le pluralisme et le choc des idées »7. « Monsieur le président, notre mouvement vient de tenir à Paris son VIe congrès. Si vous ne disposiez, comme moyen d’information, que de la télévision d’État, vous
6
Florian Philippot, entretien, Avril 2014.
7
Extrait du discours de François Mitterrand, Orléans, 9 Mai 1982. Page 8
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n’en auriez rien su [...]. En effet, cette situation faite aux formations politiques non représentées à l’Assemblée nationale, déjà très injuste avant vous, s’est encore aggravée […] »8.
La requête du Président du Front national ne resta pas sans réponse; «L’incident que vous signalez ne devrait plus se reproduire »9. Dès lors, tout s’accéléra pour le parti d’extrême droite. Un mois plus tard, le 29 juin 1982, Jean Marie Le Pen fut invité à s’exprimer dans le journal du soir de TF1 où il était entre autre fait allusion à sa requête au Président après que le journaliste Alain Chaillou, au coté d’Annick Beauchamps ait lancé une pique ;
« Le président est un homme que vous connaissez bien monsieur Le Pen, puisque vous lui écrivez. Alors, il parait que vous êtes mécontent de la télévision, qui est pourtant indépendante ? - Il n’y a pas de télévision libre en France. Mais plutôt qu’à 23 heures je voudrais parler aux Français soit à midi, soit à 20 heures. Bref, pas quand ils dorment. En tout cas, je vois que cette lettre porte ses fruits. F. Mitterand sait se faire obéir. J’espère seulement que je serai réinvité en septembre pour notre grande fête des Bleu-Blanc-Rouge. - A. Chaillou : La prochaine fois, monsieur Le Pen, passez-nous un petit coup de fil, ça ira plus vite… - Mais c’est ce que je fais et ça ne marche jamais ! »10
Rappelons qu’en 1983, la première chaine de France, TF111, était encore publique12, ainsi son information n’était pas totalement indépendante vis-à-vis de l’État à qui on pouvait reprocher une certaine forme d’ingérence dans la grille des programmes et à la rédaction des journaux télévisés.
8
Extrait de la lettre de J.-M. Le Pen à F. Mitterrand, Plumes de l’ombre, Les nègres des Hommes politiques, Emmanuel Faux, Thomas Legrand et Gilles Perrez, ed. Ramsay, 1991. 9
Cité par Jacques Le Bohec dans Sociologie du Phénomène Le Pen, Paris, coll. Repères, éd. La Découverte, 2005, p. 13. 10
La main droite de Dieu : Enquête sur François Mitterrand et l’extrême droite, E.Faux, T.Legrand et G.Pérez, éd. Seuil, 1994, p. 18-19. 11
Télévision Française 1.
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La chaine sera privatisé en 1987. Page 9
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On constate aujourd’hui qu’il ne s’agissait pas d’un acte anodin de la part de François Mitterrand que de rendre les plateaux accessibles à J.-M. Le Pen. Même si en surface il en allait d’un respect du pluralisme politique, en approfondissant un tant soit peu la question et avec le recul nécessaire, on remarque qu’il y avait une véritable stratégie politique qui se cachait derrière la médiatisation du Front national. Jacques Le Bohec parle d’un « plaidoyer »13 en faveur d’un pluralisme qui ne bénéficiait qu’au Front National à l’instar des partis trotskistes, écologistes ou radicaux de gauche. Pour faire oublier les promesses de campagne qu’il ne put tenir, Mitterrand aurait « mis[é] sur J.-M. Le Pen »14 en lui permettant de s’exprimer à la télévision afin de faire « diversion et créer un contre feu »15. Le rythme de présence du leader d’extrême droite dans les grands médias s’accrut à la fin des années 1982, début des années 1983. Mais ce n’est qu’en 1984 qu’on nota un réel tournant médiatique pour J.-M. Le Pen. Son invitation à l’émission où se croisaient les ténors de la politique, « L’heure de vérité » diffusée sur Antenne 2 marqua une sorte de consécration pour le leader d’extrême droite qui fit en sorte de ne plus être l’oublié des plateaux télévisés. François Mitterrand quant à lui espérait par cette mise en lumière soudaine, que le leader du Front national s’adonnerait à quelques paroles provocatrices et abusives. L’objectif étant de valider le processus de « satanisation »16, d’« animalisation »17 et de « gangstérisation »18 de J.-M. Le Pen amorcé par le parti socialiste qui y vit un moyen de servir un intérêt personnel en réactivant « l’identité et la conscience de gauche »19. La lutte contre le racisme était alors un moyen de « combler son vide idéologique »20, le tout appuyé par la création de SOS Racisme la même année sous l’impulsion de deux cadres socialistes qui contribuèrent à la diabolisation du chef de l’extrême droite.
13
Sociologie du phénomène Le Pen, Jacques Le Bohec, op. cit., p. 14.
14
idem.
15
id.
16
Sociologie du phénomène Le Pen , Jacques Le Bohec, op. cit., p. 30.
17
idem.
18
id.
19
id.
20
Pascal Perrineau, Le Symptôme Le Pen, Radiographie des électeurs du Front National, Paris, Fayard, 1998, p. 41 Page 10
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J.-M Le Pen a très tôt compris le rôle que pouvait jouer la télévision dans la consécration du politique ; « Pour être élu il faut aller à la télévision et pour aller à la télévision il faut être élu. En quelque sorte c’est une espèce de machine infernale que j’aimerai rompre »21. Ainsi, il a su saisir l’occasion et trouva le moyen d’assurer la pérennité de ses invitations sur les plateaux de télévision. Le Front national avait tout intérêt à profiter de cette médiatisation afin de donner de la lumière à ses idées et favoriser son expansion. « Plus on parle de moi, plus on m’aime »22 disait-il à l’occasion du bon score qu’il avait obtenu dans sa circonscription d’Auras en décembre 1983. Il multiplia les événements auxquels sont conviés les journalistes, telles que les universités d’été, les conférences de presse, les congrès et fêtes de parti, les meetings, les défilés du premier mai, et surtout, les déclarations provocatrices. J.-M. Le Pen faisait le spectacle et voulait avant toute chose marquer les esprits. Ce fut le 13 février 1984 sur le plateau de l’émission « L’Heure de Vérité » sur Antenne 2, à laquelle il était invité, qu’il créa un grand moment de télévision. Alors que le journaliste Albert du Roy lui posait une question sur l’hégémonisme soviétique dont il prêtait l’intolérance à son invité, le leader du Front National, en direct, se leva afin d’observer une minute de silence en mémoire de « tous ceux qui sont tombés, des dizaines de millions d’hommes tombés dans le monde sous la dictature communiste et d’avoir une pensée fraternelle à l’égard des millions d’hommes qui sont dans les camps et au goulag »23.
21
J.-M Le Pen face à Annick Beauchamps, IT1 Nuit TF1, 15 janvier 1982.
22
« Sociologie du phénomène Le Pen », Jacques Le Bohec, op. cit., page 19
23
J.-M. Le Pen, L’Heure de Vérité, Antenne 2, 13 février 1984 Page 11
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Cette scène marquante montre un journaliste qui essayait de ne pas se laisser déstabiliser, restant assis sur son siège, marquant cette volonté de se détacher des propos de son invité tout en continuant à poser ses questions au président du Front national qui se tenait debout, muet, le regard fixe ; « Moi je suis journaliste et je continue de poser mes questions si vous le voulez bien ».
L’image est jugée si spectaculaire qu’elle se trouva dès le lendemain reprise dans de nombreux journaux télévisés. J.-M Le Pen a réussi ce que l’on peut communément appeler un coup de communication et assura ainsi la pérennité de ses invitations à d’autres émissions. C’est d’ailleurs ce qu’explique R.-G. Schwartzenberg ; « Les mises en scène télévisées […] ont propulsés les efforts de J.-M. Le Pen pour augmenter et entretenir son autorité au sein du Front national et son capital politique »24. Et pour cause, l’Homme politique est un bon client et les chaines en ont consciences. Les journalistes eux même s’en amusaient. Le 1er juin 1984, Paul Amar animait un débat entre Jean-Marie Le Pen et Bernard Tapie dans le cadre de la campagne précédant les élections européennes sur France 2, durant lequel il avait proposé des gants de boxe aux deux contradicteurs, ce qui lui coûta sa place à la présentation du Journal télévisé. Chacune des apparitions du leader d’extrême droite faisait de très bonnes audiences. L’image sulfureuse du président du FN divertit et attire le téléspectateur. Nous étions dans une situation de cercle vicieux, ou vertueux selon où l’on se plaça. Chaque parti y trouvait sont intérêt et en tirait un avantage, avec d’un coté le Front national qui jouissait d’une médiatisation tant espérée et de l’autre les chaines de télévision avec des audiences en hausse. J.-M. Le Pen savait que ses passages à la télévision étaient très regardés, il commenta d’ailleurs à J. Le Bohec les résultats parut en Juin 1997, sur les audiences de l’émission « Envoyé spécial » diffusée sur France 2. Parmi les dix meilleures, deux numéros étaient consacrés au chef du parti d’extrême droite. « Recordman de tous les taux d’audience politique. Ich. Je. Oui. Moi. Et comme ça, c’est peut-être parce qu’on me voit pas souvent. Y’a un effet de contraste. Donc de curiosité. Ah ! Le Pen, c’est la fois d’l’année où il parle, venons tous devant l’écr-
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R.-G. Schwartzenberg, L’Etat spectacle. Essai sur et contre le star système politique, Flammarion, 1977. Page 12
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an […] Et j’ai été le recordman de cette émission là [envoyé spécial] et de très nombreuses autres »25. Toutefois, il est important de tempérer cette analyse, car même s’il est incontestable de dire que la médiatisation du leader d’extrême droite s’était accrue et que ses interventions se faisaient désormais à des heures de grande écoute, la part d’antenne qui lui était consacrée restait néanmoins très faible en comparaison des autres mouvements politiques siégeant au parlement français. Florian Philippot juge comme étant anormal le temps d’antenne qui était à l’époque accordé à J.-M. Le Pen, insistant sur le fait qu’on l’invitait davantage pour écorner son image ; « Dans les années 90, le traitement médiatique était loin d’être normal. On parlait de Jean Marie Le Pen qu’en période de crise, pour lui casser du sucre sur le dos et le reste du temps on n’en parlait pas. Sauf quand il y avait un problème ou pendant les élections présidentielles ».26
Jean Marie Le Pen a connu une ascension inattendue mais rapide dans un contexte politique et social qui lui était favorable et soutenu par une médiatisation qui s’est accrue au fil des années donnant lieu à ce que Jacques Le Bohec nomme « Le phénomène Le Pen ». Cependant, l'installation progressive du Front national dans le paysage politique français lui a valu un traitement sur mesure de la part de certains journalistes souvent soumis à des contraintes pouvant être liées entre autre à des pressions politiques, à l’effet d’agenda ou à la peur de servir les idées d’un parti ne correspondant pas à leur valeur, et mettant en exergue la question de légitimité du parti d’extrême droite. Même si dans un premier temps, cela n’allait pas en lui déplaisant comme il l’avouait à Jacques Le Bohec ; « Peu importe qu’on parle du FN en bien ou en mal, l’important c’est qu’on en parle ». Cette image véhiculée sera rapidement vécue comme une tare dont le parti traine encore les effets négatifs.
25
Entretien avec Jacques Le Bohec, octobre 2002, L’implication des journalistes dans le phénomène Le Pen, Volume I, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 147. 26
Florian Philippot, entretien, avril 2014. Page 13
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B. Le FN : un traitement particulier ? Comme nous l’avons vu précédemment, J.-M. Le Pen a su tirer avantage dans un premier temps des polémiques qui constituaient son personnage. Entretenues par l’Homme politique d’une part, les médias aussi ont joué un rôle important, ne serait-ce que par le traitement accordé au leader du Front national. Les journalistes ont dès les débuts médiatiques de J.-M. Le Pen été tiraillés par la manière dont ils devaient le questionner et parler des sujets entourant son parti. Reste alors à analyser les différentes interactions et traitements pour comprendre la place donnée aux journalistes dans l’institutionnalisation du « phénomène Le Pen ».
Dès ses premières invitations aux heures de grandes écoutes, le chef du parti d’extrême droite a su faire réagir ses opposants à la fois politiques et idéologiques, étant ainsi à l’origine de manifestations protestataires à chacun de ses actes de présence sur les plateaux télévisés. En effet, le 13 février 1984, dans « L’Heure de vérité », le présentateur François Henri de Virieu commença l’émission de la manière suivante ; « Cette invitation vous le savez ne fait pas plaisir à tout le monde. Il y a actuellement devant cette maison des manifestations »27. Régulièrement, les journalistes subissaient des pressions extérieures de la part d’associations, de politiques ou même des téléspectateurs accusant les chaines de télévisions de donner une tribune aux idées de J.-M. Le Pen en laissant ce dernier s’exprimer. Pour eux, le fait d’inviter le leader du Front national à la télévision était un moyen de légitimer le parti. Action directe28, en 1985, publiait un communiqué dénonçant l’implication des journalistes dans la banalisation des propos racistes ; « Nous avions déjà pris position contre toute forme de propagande raciste par les médias. Six mois plus tard, le service public se couche devant Le Pen ».
Ces pressions se traduisaient alors par un traitement exceptionnel de l’invité. Comme nous l’avons évoqué dans le point précédent, une des explications qui incitait les journalistes à pousser le leader d’extrême droite dans ses retranchements était notamment dû au fait qu’une image trop lisse de l’invité était sans intérêt pour les médias du point de vue de l’audience. Mais ce n’était pas l’unique raison. Lors
27
François Henri de Virieu, L’Heure de vérité, Antenne 2, 13 février 1984
28
Groupe armé anarcho-communiste Page 14
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de l’émission politique diffusée sur antenne 2, chaine du service public où l’audience ne doit pas primer sur la qualité des programmes, même si d’un point de vue économique « une chaine du service public, quoi qu’on en dise, ne peut pas se désintéresser de l’audimat »29, les journalistes Alain Duhamel, Jean Louis ServanSchreiber et Albert du Roy présents sur le plateau pour débattre avec J.-M Le Pen, se sont succédé et ont chacun leur tour posé des « questions agressives focalisées sur la question du racisme »30. Comme l’explique Jacques Le Bohec, « à partir du moment où ils acceptent l’échange public, les journalistes ne peuvent pas ne pas essayer de « se le faire » ou de « le planter » »31, au risque d’être accusés d’entrer dans le jeu de l’invité et donc de le banaliser. Cette manière de procéder est en réalité un moyen de se protéger de toutes remarques extérieures pouvant directement mettre en cause le journaliste d’avoir été « complice »32. Les médias contribuèrent ainsi au processus de diabolisation du Front national en appuyant sur la peur que conférait ce parti taxé de raciste et d’antisémite, à tort ou à raison ; « Monsieur Le Pen, vous faites peur. À l’origine de cette peur, la façon dont vous parler de la présence des étrangers qui vivent en France et leur statut. On connait de vous vos affiches […] deux millions de chômeurs ce sont deux millions d’immigrés en trop. C’est un slogan d’exclusion que vous complétez par un autre, la France et les français d’abord »33. Il y avait ici une volonté notable de la part du présentateur de renforcer l’image négative du Front national donnant ainsi le ton de l’émission dès lors qu’il présente son invité. Durant un entretien qu’a accordé Albert Du Roy à Jaques Le Bohec, celui-ci est revenu sur la manière dont il a appréhendé le personnage Le Pen lors de ce programme ;
« Jacques Le Bohec : On sent malgré tout une sorte de volonté d’en découdre malgré tout euh… quelque part de votre coté. Albert Du Roy : D’en découdre non, euh si, je reste sur un positionnement journalistique : si vous faites dire à quelqu’un quelque chose qu’il ne souhaitait pas dire,
29
Jean-Pierre Elkabbach interviwé par S. Kerviel, Le Monde, 14-15 janvier 2001.
30
« Sociologie du phénomène Le Pen », Jacques Le Bohec, op. cit., page 25
31
idem.
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33
id. François Henri de Virieu, L’Heure de vérité, Antenne 2, 13 février 1984 Page 15
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qui dépasse sa pensée ou qui dépasse sa politique de communication, ça peut même être une connerie […], vous avez réussi votre interview »34.
Il est important de noter que la volonté d’être opposé de manière explicite au Front national est davantage un positionnement stratégique des journalistes de l’audiovisuel vis-à-vis de leurs confrères travaillant dans la presse écrite. Ces derniers les mettaient souvent en difficulté en les accusant de favoriser la montée du FN, quand de leur coté les cadres du parti les rendaient coupables de manquer aux règles de déontologie journalistique, rendant la situation compliquée. Il est nécessaire de souligner que la presse écrite avait une grande part de responsabilité dans la diabolisation du Front national. Au lendemain de chaque émission, ils établissaient un débriefing de celle-ci soulignant toutes les erreurs et tous les mensonges de JeanMarie Le Pen. Il s’agissait d’un traitement qui était réservé à ce dernier. Pour les autres Hommes politiques, cette pratique était « moins systématique »35. On constate alors que dans le traitement journalistique du FN, il était plus prudent de ne pas transgresser certaines règles latentes, comme le confiait à Jacques Le Bohec un journaliste dont l’anonymat a été préservé ;
« Ce que je crois, c’est qu’il y a une obligation de tenir, d’avoir quand même un certain ton à l’égard du Front National. Jacques Le Bohec : Que vous ressentez pour vous-même ? - Bien sûr ! Une obligation de parler [...] de façon dépréciative. Euh, je trouve que, oui, c’est une contrainte [...] Je pense qu’il vaut mieux en rajouter pour donner le sentiment qu’on est « contre » plutôt que de dire les choses comme on les sent, sans d’ailleurs avoir la moindre affinité partisane à l’égard du Front National [...] »36
Mais outre la volonté de ne pas donner l’impression de « servir la soupe » au Front National, les valeurs personnelles du journaliste entraient souvent en jeu dans la manière d’appréhender le parti ;
34
Entretien de A. Du Roy avec J. Le Bohec, L’implication des journalistes dans le phénomène Le Pen, Volume 1, op.cit. p.89 35
G. Birenbaum cité par J. Le Bohec. idem, p.193
36
Entretien, Les interactions entre les journalistes et Jean-Marie Le Pen, Volume 2. , Jacques Le Bohec, L’Harmattan, 2004, p. 98. Page 16
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« Bon, il ne faut jamais, l’objectivité n’existe pas, évidemment, il ne faut jamais faire abstraction de son, de ses convictions. […] Si j’ai réussi de temps en t’/ enfin, si certains ont réussi de temps à autre à faire dire à Le Pen quelque chose qui a fait scandale, encore que lui n’a pas peur du scandale, euh eh ben eh ben l’interview était professionnellement réussie. Si, en plus, ce qu’on lui fait dire se retourne contre ses idées, eh ben le citoyen qu’on est est encore plus satisfait. »37.
Ces valeurs sont perçues comme étant des contraintes internes aux journalistes. Ils les ont assimilé au cours de leur vie et elles dépendent largement de leur origine sociale. Ceux-ci même qui animaient les débats politiques où se produisait J.-M Le Pen provenaient majoritairement de l’élite de la profession. Issus d’un environnement économique, social et culturel élevé, ils accédaient souvent aux formations les plus reconnues, celles des grandes écoles telles que l’ENA, HEC, Sciences politiques et côtoyaient ainsi des étudiants ayant grandit dans les mêmes dispositions et ayant de ce fait un capital intellectuel élevé. Rémy Rieffel a réalisé un échantillon en 1984 mettant en avant le fait que 70% des journalistes auraient été issus de la grande bourgeoisie et 23% d’entre eux seraient alors diplômés de Sciences Po38. Ainsi, ils ont côtoyés les mêmes bancs que certains Hommes politiques avec qui sans doute ils ont lié une amitié ou du moins une certaine affection alors qu’ils les interviewent sans aucun complexe à la télévision. Cette situation favorise d’une part le carnet d’adresse de l’un tout en assurant la présence médiatique de l’autre. Cependant, le leader du Front national a suivi une scolarité plus modeste, il n’est pas non plus issus de la grande bourgeoisie et en joue, renforçant ainsi son aspect marginal vis-à-vis de la classe politique implantée. Par ses positions anti-système, dénonçant ceux qu’il appelait les « cuistres de l’établissement médiaticopolitique », J.-M. Le Pen favorisait son cadrage radical opéré par des journalistes qui se trouvaient alors directement visés. Longtemps considéré comme un arriviste du fait d’un capital économique élevé donnant suite à un héritage, certains journalistes n’hésitaient pas à être dans l’affrontement et utilisaient lors d’interview un ton hautain et méprisant à l’encontre du président du FN, comportement que Rémy Rieffel définissait comme relevant du « racisme de classe »39. Franz-Olivier Giesbert en était l’exemple ;
37
idem.
38
Rémy Rieffel, L’élite des journalistes. Les hérauts de l’information, Paris, PUF, 1984.
39
idem. Page 17
Les médias et le Front national : Relations et cadrages.
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« Je me suis dit, je vais le faire sortir de ses gonds. Je suis arrivé comme un bouledogue, j’ai aboyé je ne sais combien de questions, et le problème, c’est qu’il n’est pas sorti de ses gonds… J’ai alors repris l’habit du journaliste. Si c’était à refaire, je ne le referais pas comme ça. J’avais les yeux révulsés ; il y a des moments où on ne se contrôle plus, on se dit qu’il faut taper dessus. J’aurais dû camoufler ma haine derrière le sourire ; j’étais un zombie qui posait des questions »40 .
Le président du Front national apparaissait comme une victime des élites alors que les journalistes s’efforçaient de montrer sa dangerosité. Cette attitude de leur part pouvait être à double tranchant. Ils souhaitaient avant tout montrer la face obscure de Jean-Marie Le Pen, mais l’on constate avec le recul nécessaire que cela a renvoyé aux téléspectateurs l’image d’un homme victime d’une forme d’acharnement, participant de ce fait à un de gain de crédibilité du personnage dont les propos finirent entre autre par être banalisés. Ainsi, nous sommes en droit de nous interroger sur les facteurs ayant participé, bien malgré eux, à la montée du Front national. Par exemple, le traitement réservé au parti d’extrême droite jouant ainsi au jeu de la diabolisation pouvait s’avérer avoir un retour positif comme l’explique un sympathisant à Jacques Le Bohec ;
« Jacques Le Bohec : Comment vous réagissez aux condamnations des médias visà-vis de Le Pen ? Le traitement général qui est fait de, de… du Front national ? - Bon, disons que… il faut bien s’dire que… tout ça… j’trouve ça injuste, si vous voulez. Mais dans un autre sens c’est positif aussi pour nous, faut pas… faut pas le dénier parce que ça nous fait de la publicité, hein ? »41
Les journalistes ont fait de J.-M. Le Pen un personnage de « personnage à part », « mythique »42 mis en valeur par une forme de spectacle, de mise en scène qui s’articulait autour de lui et qui lui a finalement beaucoup servi en terme de notorié-
40
Franz-Olivier Giesberg cité par G. Birenbaum (entretien de N. Molfessis), le front national en politique, Balland, 1992, p33-34. 41
Entretien de A. Du Roy avec J. Le Bohec, L’implication des journalistes dans le phénomène Le Pen, Volume 1, op.cit. p.29 42
Entretien de A. Du Roy avec J. Le Bohec, L’implication des journalistes dans le phénomène Le Pen, Volume 1, op.cit. p.128 Page 18
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té. Aurait-il fallu passer sous silence certains de ses dérapages ou continuer de dénoncer toute turpitude au risque de légitimer ses actes en leur donnant de l’importance ? Par exemple, en 1996, J.-M. Le Pen a tenu des propos jugés infâmes sur la nationalité et la couleur des joueurs de l’équipe de France de football relayés, pas nombre de médias et notamment les journaux télévisés du soir. Daniel Schneidermann expliqua ainsi d’où venait cette nécessité pour les journalistes d’en parler. Loin d’eux l’idée de donner une forme de crédibilité au parti d’extrême droite. Évoquer ses dérapages c’était « faire écho de ses ignominies, même pour les dénoncer, c’est comme d’habitude, malgré soi, leur assurer une large publicité. Mais faire silence, c’est les consentir »43. Toutefois, l’envie de vouloir dénoncer coûte que coûte les travers du parti, son idéologie et ses vices cachés pouvait s’avérer dangereuse. Les effets pervers se sont fait ressentir au fil des scrutins, le FN gagnant années après années nombre d’électeurs. L’intérêt croissant des médias a participé à sa légitimation dans le jeu politique Français, lui donnant une certaine visibilité auprès des sympathisants. La stigmatisation du parti d’extrême droite ne produisit pas les effets escomptés par les journalistes. Avant ce déferlement médiatique, on pouvait partager les mêmes idées que le Front national, mais du fait de sa représentation minime, les citoyens votaient moins facilement pour lui. Dès lors que son exposition télévisuelle s’est accrue, on a constaté une hausse du vote Front national, validant la thèse d’un parti intégré dans l’échiquier politique Français facilitant ainsi le vote chez les citoyens prédisposés. Nous sommes ainsi en mesure de dire que les médias ont « indirectement et involontairement favorisé »44 les succès électoraux du FN . Cela s’explique par le fait que certain d’entre eux aient placé le Front national en marge des autres partis politiques, le qualifiant souvent de renfermer des thèses racistes voir antisémites. L’image ainsi diffusée sous Jean-Marie Le Pen a attiré des sympathisants agacés par la politique (phénomène que l’on constate de nouveau aujourd’hui), mais surtout, qui se retrouvent dans les idées extrêmes que renvoient les journalistes du parti. Le leader du Front national y a donc sans doute vu une aubaine pour progresser lors d’élections quitte à avoir des militants à la limite du fréquentable auxquels il était impensable de tourner le dos, en quête de visibilité et de poids dans la balance politique. Mais ce qui au départ était considéré comme
43
Daniel Schneidermann, Le Monde, 30 juin 1996.
44
Entretien de A. Du Roy avec J. Le Bohec, L’implication des journalistes dans le phénomène Le Pen, Volume 1, op.cit. p.7. Page 19
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une bonne manière de prospérer pour le FN s’est avéré être un réel handicap avec un parti sans cesse cantonné aux dérapages de son président et de ses militants.
Un autre facteur entre en compte dans la tendance au vote FN. Les médias peuvent tenir, sans le vouloir forcément, un discours banalisant en faveur de la pensée et des thèses d’extrême droite. Lors de l’élection présidentielle de 2002, à la surprise générale, Jean-Marie Le Pen a confirmé son ascension fulgurante par sa présence au second tour face à Jacques Chirac avec 17% des suffrages, doublant ainsi le Parti Socialiste représenté par Lionel Jospin. Rapidement, les médias, notamment TF1, ont été accusés d’avoir favorisé la pensée Lepeniste en parlant de manière régulière d’insécurité. L’hypothèse d’un effet d’agenda sur le thème de l’insécurité n’est donc pas à nier. Pourtant, tous les journalistes ne partagent pas le même avis sur la question. David Pujadas avait déclaré dans Télérama ;
« Je ne crois pas que la place donnée à l’insécurité était excessive. On a eu un traitement assez juste. On ne peut pas se déterminer en fonction des électeurs. On ne peut pas se dire « ne parlons pas de l’insécurité parce que cela fait le jeu de Le Pen »45.
Pour Jacques Le Bohec, une chose est certaine, le phénomène Le Pen serait une création des médias et des journalistes qui lui ont fait de la publicité gratuite soit en banalisant des thèses contestables, soit en essayant de le ridiculiser. Mais imputer aux journalistes l’entière responsabilité de la montée du Front National et de sa banalisation ne serait pas rendre compte de l’exactitude des événements. Les politiques ont également joué et jouent toujours un rôle qui s’étend sous plusieurs formes à travers les médias. En poursuivant sur le phénomène d’agenda médiatique, les stratégies amorcées par certains partis politiques ont favorisés une « dérive à droite »46 des discours et de la société. Il est important de remettre en cause la stratégie politique de François Mitterrand, qui a favorisé la montée du Front national en utilisant les médias pour obtenir des répercutions positives sur sa politique. En instrumentalisant le parti d’extrême droite, il lui a ouvert une brèche médiatique qui ne peut être refermée. S’en est suivi le développement d’un discours lié à l’immigration dans toutes les
45
David Pujadas cité par N. Delesalle, trouble à France 2, Télérama, 30 avril 2002.
46
Jean-Marie Colombani, L’oeuf du Serpent, Le Monde, 19 Mai 1987. Page 20
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formations politiques. La droite comme la gauche ont participé à une surenchère sur le thème de l’immigration en vue de reconquérir un électorat attiré par le Front national. Ainsi, nous avons pu observer nombre de dérapages. C’est le cas de Jacques Chirac qui en 1991, alors président du RPR, tenait les propos suivant : « Et qui voit [le couple de travailleurs Français] sur le palier à coté de son HLM, entassé une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses et une vingtaine de gosses et qui gagne 50 000 Francs de prestations sociales sans naturellement travailler. Si vous ajoutez à cela le bruit et l’odeur […] ». Mais ce ne fut pas le seul. Edith Cresson du Parti Socialiste évoquait la même année des « Charters » pour reconduire les immigrés clandestins dans leur pays, François Mitterrand quand à lui parlait du « seuil de tolérance » alors que Valérie Giscard d’Estaing introduisait le concept de « droit du sang ». Tant d’exemples qui ont favorisé la « lepénisation » des esprits. Plus récemment, le même phénomène a été observé avec la droitisation assumée de l’UMP notamment lors de l’élection présidentielle de 2012 durant laquelle Nicolas Sarkozy avait « dragué » de manière explicite l’électorat du Front national en durcissant entre autre son discours sur l’immigration créant ainsi une passerelle entre les militants UMP et FN. « J’ai voté Front National, parce que quand je vois les idées de monsieur Copé à la télé qui sont tellement proches du FN, je me dis pourquoi pas voter un nouveau parti 47». Une partie de la droite classique s’est ainsi décomplexée pour adopter les représentations et l’idéologie du FN, ce qui, en quelque sorte participe à une légitimation de ce parti. Le Front national étant la seule expérience en terme de politique française qui n’ait jamais été essayée et dans une situation politique, économique et sociale en crise renvoyant à l’inefficacité de la droite et de la gauche, il devient alors une alternative qu’il ne faut plus négliger. Tous ces exemples ont pour but de mettre en avant le rôle des acteurs politiques qui promeuvent eux même dans les médias le Front national dans un cadre économique et social qui se répète ; défaite de la droite, déception de la gauche se concluant ainsi par une montée du parti d’extrême droite qui se refuse toute alliance afin de confirmer une position marginale dont elle ne peut tirer qu’avantage dans un contexte de défiance vis-à-vis des leaders politiques au pouvoir.
47
Intervention d’une auditrice, Le grand direct des médias, Europe 1, 26 Mai 2014 Page 21
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Nous avons pu tout au long de cette partie établir un panorama du contexte politique, social et médiatique dans lequel a émergé le Front National, conjugué par un traitement souvent compliqué emprunt à des contraintes strictes conditionnant en partie le travail journalistique et les relations difficiles entretenues avec le parti d’extrême droite. Force est de constater qu’empêcher son ascension était quasiment impossible. Au lendemain de la présidentielle de 2002 où J.-M Le Pen était arrivé au second tour, le FN a connu un passage à vide. L’arrivée de Marine Le Pen à la présidence du parti en 2011 a eu pour conséquence d’insuffler une image nouvelle jouant davantage sur sa posture de Femme que de « fille de », mettant ainsi en avant un coté plus humain et rassurant basé notamment sur une stratégie de dédiabolisation dont l’objectif principal est d’attirer les classes populaires et décomplexer le vote Front national.
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II. Le cadrage médiatique du Front national à l’heure de sa dédiabolisation Lors du congrès de Tours le 16 janvier 2011, Marine Le Pen s’empare de la présidence du Front national. Commence alors une tentative jusqu’ici ininterrompue de conquête du pouvoir. Elle a triomphé de Bruno Golnish, fidèle compagnon de Jean Marie Le Pen depuis trente ans, qui incarne l’aile radicale et historique du FN. Avec l’élection de la benjamine du clan Le Pen à la tête du parti, distance est prise avec le passé par la mise en place d’une ambitieuse stratégie dite de dédiabolisation. « Le front national que je présiderait sera un parti renouvelé, ouvert et efficace »48. Pour Marine Le Pen, l’objectif est de faire du FN un parti comme les autres, un parti respectable, un parti républicain. « De ce congrès commencera un effort sans précédent pour transformer le Front national »49. Et cette transformation du Front national passe par sa normalisation, c’est-à-dire, par un changement d’image. Ainsi, dans cette perspective de dédiabolisation amorcée par Marine Le Pen, il est nécessaire d’analyser le traitement que font les médias par une mise en lumière de la manière dont-ils appréhendent la stratégie opérée par la présidente du Front national dans l’objectif de changer l’image du parti dont elle a hérité.
A. Les émissions de divertissement, l’accent mis sur l’image du parti Aujourd’hui, les politiques se prêtent de plus en plus régulièrement au jeu des émissions de divertissement pour s’adresser à un public plus vaste. La posture du journaliste a laissé place à l’animateur comme chef d’orchestre de programmes qui tendent à s’américaniser. Les émissions de débats télévisés s’inspirent de ce que l’on appelle communément outre atlantique un « Talk-show », rassemblant un groupe de personnes issues de milieux différents et discutant autour de sujets décidés par l’animateur. Ces programmes « hybrides »50 abordent le politique d’une forme tout à fait nouvelle, n’hésitant pas à traiter des thèmes jusque là préservés en utilisant régulièrement le ton de l’humour. Ainsi, un politique peut facilement se
48
Extrait du discours de Marine Le Pen à Tour, 16 janvier 2011.
49
idem.
50
Le traitement humoristique des personnalités politiques dans les Talk- Shows français, Guy Lochard, Questions de communication, 2008, p. 65. Page 23
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trouver invité au coté d’artistes, peoples et autres célébrités du moment s’adressant alors à un public plus populaire et plus large que les émissions de débat politique à proprement parlé où l’auditoire est généralement politisé. Cette télévision commerciale a pour objectif de rassembler un grand nombre de téléspectateurs aux heures de grandes écoutes, moment où la concurrence se fait rude à coup de « guerre des audiences ». Les animateurs ont ainsi la faculté de rassembler un plus grand public ou des catégories spécifiques répondant au coeur de cible des annonceurs, particulièrement le « public jeune »51 en seconde voir « troisième partie de soirée »52. Les politiques participant à ce type d’émissions sont souvent en mal de reconnaissance. Régulièrement présentés comme étant des figures émergentes des partis auxquels ils sont associés, ils sont à la recherche d’une certaine visibilité médiatique pouvant ainsi légitimer leur rôle. Toutefois, certains acteurs bénéficiant d’un capital politique suffisant voient alors en leur participation un moyen de se faire connaitre et de s’adresser à un public sensiblement moins intéressé par la politique. Le Front national a su voir en l’évolution des émissions de télévision un avantage considérable leur permettant d’augmenter leur temps de parole médiatique dans une logique de conquête d’un nouvel électorat plus populaire tout en revendiquant une image plus lisse. Les divertissements sont alors perçus comme un réel tremplin visant à faire découvrir un FN plus humain, loin des préjugés d’antan comme l’analyse Florian Philippot : « On participe à ce genre d'émissions car on ne va pas seulement se cantonner aux matinales ou émissions politiques que seuls des passionnés de politique regardent. Avec les émissions de divertissement c'est un moyen de se montrer à un autre public qui ne s'intéresse pas toujours à la politique »53.
Toutefois, le traitement que réserve les animateurs au Front national n’est pas toujours enclin à l’objectivité et cache régulièrement dans l’humour une manière dissimulée de renvoyer le parti à ses vieux démons. Ainsi, l’émission Salut les terriens présentée par Thierry Ardisson chaque samedi sur Canal + montre un discours centré davantage sur l’image du parti que sur son programme politique. L’animateur a pour vocation de faire un traitement différent
51
L’échange politique à la télévision : Interviews, débats et divertissements politiques, Patrick Amey, Pierre Leroux, éd . L’Harmattan, 2012, p. 44. 52
idem.
53
Entretien avec Florian Philippot, 29 avril 2014. Page 24
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du politique en usant un langage souvent familier frôlant parfois l’insolence dans le but de déstabiliser son invité et de dévoiler sa vraie personnalité. La mise en scène de l’émission a tendance à effacer la légitimité traditionnelle du politique au profit de la singularité de la personne. Invitée de l’émission du 15 février 2014, Marine Le Pen s’est soumise à l’interview « sans concessions » de Thierry Ardisson. Ce dernier donne une description introductive du parti et de sa présidente qui lui est propre et n’hésite pas à jouer sur l’intonation de sa voix et autres mimiques afin de mener le jeu. Passant d’un registre humoristique à un registre sérieux à la frontière du solennel ne correspondant pas à l’image habituelle que renvoie l’animateur, l’objectif est d’ébranler son interlocutrice qui évolue dans un univers dont les codes ne coïncident pas avec sa fonction. Dans ce contexte, Marine Le Pen se trouve en posture d’infériorité, subissant ainsi cette mise en scène. On parle alors d’une situation de « double bind » entre la nécessité de montrer un aspect humain de sa personnalité révélant un certain sens de l’humour communiqué par le biais de rires ou de sourires sans se risquer au rabaissement de sa fonction de politique54 :
03
TA
d’après le baromètre d’image du fn réalisé par tns sofres + pour le monde france info et canal plus + 34% des français affirment adhérer aux idées du front national ils étaient 22% en 2011
*/ [ j’ai commencé à la suivre parce que j’sais pas j'avais envie de baiser puis tout d’un coup elle s'est retournée et là qu'est-ce que je vois ?] putain marine le pen nan nan marine le pen nan mais tu le crois pas tu le crois pas ? […] [ je me retourne puis je la vois qui marche derrière moi puis je commence à fliper […] c’est vraiment un cauchemar ] /* (musique de philippe katerine)
04
TA
marine le pen il ne faudrait pas que ça monte trop sinon vous seriez obligée de gérer le pays quand même (rire du public)
Le choix de Thierry Ardisson est sans équivoque dans cet extrait. On constate dès lors qu’il engage le début de l’interview sur l’aspect peu fréquentable du parti en utilisant un élément sonore issu de la chanson 20-04-2005 de Philippe Katerine dont les paroles grossières visent Marine Le Pen. L’animateur joue également la carte de la dérision en s’appuyant sur les codes de l’émission soutenu par les rires du public dans l’objectif de remettre en cause la 54
Codes de transcription, Annexe 1, p.51. Page 25
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crédibilité de son invitée politique à pouvoir être légitime de prétendre aux plus hautes fonctions de l’Etat sans paraitre médisant. Cela contraint la présidente du Front National à utiliser des adoucisseurs afin de feindre son agacement et ne pas paraitre en décalage vis-à-vis d’un public qui participe à l’ambiance chaleureuse de l’émission.
05
MLP
(en souriant) « c’est un petit peu l’objectif »
06
TA
bonne chance (rire du public) \ alors ce poste de premier ministre de jean françois copé en 2017 (rire de marine le pen) vous commencez à y croire ?
07
MLP
(en riant) « ça c’est un truc qu’aurait pu faire gaspard proust » (souriant) « on est vraiment dans l’humour là »
08
TA
(ton grave) « non on n’est pas dans l’humour parce que vous savez bien que vous n’allez pas arriver au pouvoir toute seule à un moment faudra composer avec l’ump »
Ici, l’animateur change de ton sur un sujet qui de prime abord semblait sarcastique en adoptant une posture plus sérieuse, presque moralisatrice jetant ainsi une forme de discrédit à la réaction amusée de Marine Le Pen. Pour Théodore Hadorno, s’amuser signifie être d’accord, on peut ainsi noter dans cette perspective la volonté qu’a Thierry Ardisson de garder une certaine distance avec la présidente du Front National en s’obligeant à ne pas rire.
Alors que Marine Le Pen se défend en parlant d’un plébiscite des citoyens à la cause du Front national, Thierry Ardisson n’hésite pas à stigmatiser les électeurs de ce parti. L’humour est alors utilisé comme une arme qui fait passer une idée mais qui ne peut être incriminée ni attaquée par l’invitée qui en manquerait alors considérablement aux yeux des téléspectateurs et perdrait ainsi en capital sympathie :
14
TA
en tout cas chez vous les skinheads mettent des perruques maintenant non ? (Rire du public et de marine le pen )
15
MLP
(en souriant) « Mais on n’a pas de skinheads chez nous »
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16
TA
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alors résultat vous ne voulez plus que l’on dise que votre parti est d’extrême droite donc euh + il n’est plus d’extrême droite mais enfin + (sérieux) « ils le savent vos militants ça ? » (rire public)
Ces phrases qui ont pour objectif de caricaturer les idées des électeurs du Front national comme étant très à droite et ainsi approuver les dires selon lesquelles le parti n’aurait changé qu’en façade ne sont pas isolés. Le 26 Octobre 2013 Florian Philippot, vice président chargé de la stratégie de communication du parti était invité dans Salut les terriens. La même raillerie lui a été adressée mot pour mot. Il y a cette volonté bien marquée pour Thierry Ardisson de vouloir dénoncer devant les téléspectateur une stratégie d’enfumage visant à cacher les travers du FN.
20
TA
& bah justement, contrairement à votre père qui lui était réellement libéral + vous vous êtes beaucoup plus sociale + mais toujours aussi (articulant) « nationaliste » est-ce qu’on peut dire que vous êtes sociale nationaliste ?
Dans ces extraits, l’animateur fait un parallèle cocasse entre le Front national et le national socialisme. Il accuse Marine Le Pen d’être sur la lignée du nazisme tout en employant judicieusement le mot « contrairement » visant à l’opposer à son père qui était la figure emblématique du parti diabolisé. De cette manière, l’animateur consent que le Front national a changé mais que ce changement le rapproche davantage du nazisme sans pour autant le citer explicitement. La présidente du FN agacée par un tel amalgame affiche toutefois un sourire et feint de prendre cela sur le ton de l’humour propice à ce genre de programme télévisé. On parle alors de sourire d’ornement dont l’objectif unique est de paraitre agréable aux téléspectateurs. Le but n’étant pas d’ajouter au discours un effet particulier mais simplement de montrer un visage détendu et agréable. En revanche, Thierry Ardisson adopte une nouvelle fois une posture plus sérieuse, se refusant de rire avec ce parti qu’il associe implicitement au Troisième Reich : 21a
MLP
& (rire forcé) « Ahah, la très bonne (insiste sur le mot) “blague” » + euh non
22a
TA
& (sérieux) « non ce n’est pas juste une ce n’est pas une blague »
21b
MLP
& non nous sommes
22b
TA
& Mais non Florian Philippot il dit moi je veux bien qu’on m’appelle national
23a
MLP
& ouai Page 27
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22c
TA
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& populiste donc euh.
L’animateur s’appuie sur des déclarations de Florian Philippot pour accréditer sa thèse selon laquelle le parti de Marine Le Pen se veut social nationaliste en jouant sur l’ambiguité du mot populiste. Le 13 octobre 2013, il avait déclaré au vice président du Front national que « Marine Le Pen a accepté à demi mot qu’on dise National populiste »55. Ce dernier avait ainsi répondu ; « Non elle n’a pas accepté qu’on dise cela, le but quand on dit populiste, c’est qu’on dise démagogique »56. En réalité, Thierry Ardisson définit lui même la ligne politique du Front national en disant s’appuyer sur des propos de cadres du parti qui n’auraient en réalité jamais été tenu. L’animateur fait des raccourcis dans le but de servir une idée qui lui parait être la bonne et qu’il revendiquait haut et fort dans l’émission du mois d’octobre : « Vous êtes socialiste national, je vous l’ai déjà dit, je vous le répète ce soir et ce qu’il y a derrière [ce terme] écoutez, c’est la vérité »57. Ainsi l’objectivité de l’animateur est remise en cause, il prend clairement position contre le parti en s’efforçant de renvoyer à l’antenne, et par conséquent aux téléspectateurs, une vérité qui lui semble être la bonne.
40
TA
(solennellement) « on peut avoir confiance en vous marine ? »
41
MLP
(interloquée) « mais bien sur… » */ & aie confiances oui crois en moi /* (musique faisant référence au serpent hypnotisant ses proies dans le livre de la jungle) [Fin de l’interview]
Thierry Ardisson fait de la rhétorique. Il savait pertinemment que Marine Le Pen allait répondre positivement sur la confiance que l’on peut lui accorder. C’est une méthode calculée lui permettant de conclure 55
Extrait de « Salut les terriens », 13 octobre 2013, Canal plus.
56
Extrait de « Salut les terriens », 13 octobre 2013, Canal plus. Crochets ajoutés par l’auteur.
57
idem. Page 28
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l’interview sur le chant de Ka, le serpent du film Le Livre de la jungle qui hypnotise ses proies avant de les manger, le tout accompagné d’une modification de l’image à l’antenne rappelant les yeux du serpent. Cela renvoie à l’idée d’un parti manipulateur qui trompe le citoyen. En ayant le dernier mot, il prend ainsi la posture de vainqueur dans cette confrontation d’idées.
La parole politique est fortement contrainte dans les émissions de divertissement. Le traitement du Front national à l’antenne minimise les prises de parole servant à exposer le programme du parti afin de mettre en avant les problèmes liés à l'ambiguité de l’image qu’il renvoie. L’émission de divertissement est rarement une tribune aux idées, mais une manière de cumuler un capital sympathie auprès du public. De plus, l’animateur est maitre absolu du déroulement de l’émission. Il est en position de supériorité. Patrick Amey parle de « consécration de l’animateur »58 qui s’est vu accorder une place importante dans les grilles de programme lui octroyant une visibilité médiatique maximale avec un positionnement en « access prime time ». L’animateur a un rôle central et les invités ne sont que de simples figurants. L’invité politique quant à lui n’est pas sur un terrain sécurisant et le moindre faux pas peut être fatal à sa carrière. Il est important de noter que les émissions de Thierry Ardisson sont enregistrées et subissent des montages très important avant leur diffusion accréditant la thèse de toute puissance de ce dernier. Florian Philippot se plaignait entre autre que les passages où il abordait des sujets politiques de manière sérieuse étaient très souvent coupés au montage car ne s’adressait pas au public du programme : « Thierry Ardisson parle de politique, on peut quand même parler sérieusement même si c'est un divertissement. L'inconvénient chez Ardisson c'est que l'émission est enregistrée. La moitié est perdue au montage. Le fait que ça soit un divertissement le public est différent. L'objectif est d'être visible et de nous faire connaître à ceux qui ne s'intéressent pas forcément à la politique. Il est vrai que les émissions de ce type peuvent désacraliser la figure du politique. Mais bon, vous savez il m'arrive de faire des matinales très sérieuses et d’avoir une question sur Nabilla pour conclure l’entretien »59.
58
L’échange politique à la télévision : Interviews, débats et divertissements politiques, Patrick Amey, Pierre Leroux, op. cit., p.44. 59
Entretien avec Florian Philippot, 29 avril 2014. Page 29
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Certes, l’animateur de l’émission n’épargne pas ses invités quels qu’ils soient, mais on remarque cependant qu’il contribue à prolonger une forme de diabolisation du parti en réfutant l’idée selon laquelle le Front national aurait pu changer. Il décide toutefois de traiter à sa manière le cas du FN pour pouvoir corroborer l’idée d’un parti qui n’est pas davantage fréquentable que sous la présidence de Jean-Marie Le Pen. En revanche, certains animateurs, pour ne pas participer à la normalisation du parti qu’ils jugent toujours placé à l’extrême droite de l’échiquier politique, ont décidé de boycotter la présence de ses dirigeants en ne les invitants pas. Ainsi, les Le Pen n’ont jamais été invité à l’émission de Michel Drucker Vivement Dimanche sur France 2 qui a pourtant vu passer bon nombre d’hommes politique de droite comme de gauche. En effet, les propos de Jean Marie Le Pen et son déni sur les chambres à gaz ont profondément choqué Michel Drucker compte tenu des souffrances endurées par sa famille durant la seconde guerre mondiale. Mais le cas le plus frappant est sans conteste l’émission de Laurent Ruquier On n’est pas couché. Chaque semaine l’animateur reçoit face à ses chroniqueurs des personnalités faisant l’actualité et une partie importante du programme est consacrée à la politique. Tous les partis politiques se sont succédés sur le plateau à l’exception du Front national, choix que l’animateur assume : « Tant que rien ne m'y oblige, je choisis les invités politiques que je reçois comme bon me semble. Je veux avoir plaisir à les recevoir et ne souhaite pas livrer mon audience aux idées du Front national, qu'il soit représenté par Marine, Jean-Marie Le Pen ou Bruno Gollnisch. Je n'invite pas les gens qui font de mauvais films. Je ne prends pas non plus ceux qui encouragent les mauvais sentiments et sont un danger pour la cohésion nationale. C'est ma vision du service public»60.
En effet, le CSA ne prévoit pas en matière de divertissements ou d’infotainment l'équilibre des temps de parole, de ce fait rien n’oblige l’animateur d’inviter un des représentants du Front national hors des périodes de campagne électorale. Toutefois, lors de la campagne présidentielle de 2012, Laurent Ruquier s’est vu contraint d’inviter Marine Le Pen et Louis Aliot dans un soucis de respect des temps de paroles imputés à chaque candidat. Pour Florian Philippot le comportement de l’animateur vis-à-vis du parti est inacceptable. S’agissant d’une chaine du service public dont la redevance est payée par les Français, ceux-là même qui votent pour le Front national, il est alors légitime selon lui d’inviter le parti : « Nous sommes souvent boycotté d'émissions. Notamment Ruquier du service public. C'est inaccep60
Extrait, Le Point, Emmanuel Berretta, 15 décembre 2010. Page 30
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table car il bafoue les électeurs. La seule fois où on a pu aller dans son émission c’était lors de la présidentielle car il n'avait pas le choix. On aimerait pouvoir discuter de notre programme dans cette émission où il y a une partie très politique, mais on ne nous en donne pas la possibilité […] On peut considérer qu’il y a peu d'objectivité dans le traitement que Ruquier fait de nous »61.
Cette forme de limitation arbitraire de la parole du Front national pose le problème d’une implication malgré eux des animateurs à la pérennisation du phénomène Le Pen amorcé sous l’ancienne présidence du parti. Le boycott empêchant aux dirigeants du FN de s’exprimer en public peut être interprété comme une forme de censure confortant le sentiment de « persécution »62. Lors d’un entretien qu’avait accordé Anne Sinclair au journal Le Monde, cette dernière était revenue sur la nécessité ou non de continuer à inviter les Le Pen à la télévision : « Il est normal d’informer sur le Front national […] mais il me semble que le face à face est, de toute façon, voué à l’échec. Soit on lui sert la soupe, soit on le banalise, soit on l’agresse, on joue les procureurs et l’on sort de notre rôle »63 Ce constat est d’autant plus vrai aujourd’hui. Laurent Ruquier certes ne donne pas la possibilité à Marine Le Pen de s’exprimer sur ses plateaux de télévision, toutefois, l’animateur n’hésite pas lors de ses tirades humoristique à en parler. Le 5 novembre 2011, alors qu’il présentait l’arbre généalogique des partis politique français, celui du Front national suscita de vives réactions. En effet l’animateur présenta un arbre en forme de croix gammée emblème absolu du nazisme avec la tête de Marine Le Pen en son centre
auquel
Laurent
Ruquier
ajoute ; « On apprend un truc incroyable, c’est la fille de Jean Marie Le Pen ». Ainsi, cet exemple montre bien la volonté qu’a l’animateur de nuire à la stratégie de dédiabolisation qu’a engagé le Front national depuis que Marine Le Pen en est la présidente, en la renvoyant constamment aux débordements de son père et en s’appuyant sur des propos pouvant parfois être jugés stigmatisants remettants ainsi
61
Entretien avec Florian Philippot, 29 avril 2014.
62
L’implication des journalistes dans le phénomène Le Pen, op.cit., p. 147.
63
Entretien, Le Monde, 16-17 février 1997. Page 31
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en cause la normalisation du parti. Jean François Kahn parle d’« erreur » qu’ont fait les médias de ne pas dissocier Marine Le Pen de son père et ainsi conforter l’adage « tel père, telle fille » car cela a créé dans la tête du téléspectateur-électeur un sentiment de victimisation et d’oppression infligé au parti accrédité de surcroit par la condamnation des propos de Laurent Ruquier par la Justice. Les animateurs peuvent se permettre certaines libertés quant au traitement des politiques, que certains assimilent comme étant une certaine forme de militantisme car ils n’ont pas les mêmes pressions déontologique que les journalistes. C’est d’ailleurs le reproche qu’est fait au « Petit journal » de Canal + présenté par Yann Barthès. Certains politiques, le Front national en première ligne, remettent en cause l’objectivité des journalistes de l’émission posant ainsi la question de leur légitimité : « Ils sont vraiment journalistes ? Je ne savais pas. On a souvent eu affaire à eux, ils ne nous respectent pas, nous méprisent, ils sont méchants, ne sont pas professionnels et ne respectent pas la charte de déontologie des journalistes »64.
Le Petit journal est une émission d’infotainment. Comme le dit Salhia Brakhlia, journaliste pour le programme, leur objectif est d’ « informer tout en divertissant »65. L’émission est ambiguë dans sa forme car elle traite la politique de manière sérieuse mais n’hésite pas à ajouter des pastiches humoristiques en décryptants de manière caustique les sujets. Daniel Schneidermann accuse Yann Barthès de présenter des interviews erronées, de faire des compilations tendancieuses, de biaiser certaines informations recueillies et ainsi de participer à la dépolitisation du politique en le dévaluant notamment par l’usage combiné de registres discursifs à savoir parodiques, sarcastiques voir critiques en favorisant une forme d’intrusion journalistique. La définition que donne Patrick Amey de cette dernière en citant Goffman correspond au travail effectué par les équipes du « Petit Journal » ; « les intrusions journalistiques dans le territoire du moi peuvent se concevoir comme autant d’atteintes aux réserves d’informations que l’acteur politique entend habituellement contrôler lorsqu’il s’exprime avec ses pairs. Qu’elles traduisent la posture d’un journaliste épieur (eaversdroppers) ou celle d’un témoin indiscret qui surprend une conversation (overhearer), ces intrusions par micros interposés (micro-cravate oublié, micro-perche tendu) participe d’un journalisme aux aguets as-
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Entretien avec Florian Philippot, 29 avril 2014. Entretien avec Salhia Brakhlia, 11 Mai 2014. Page 32
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pirant à démasquer la vraie personnalité de certains politiciens, qui, faute de vigilance, se trahissent lors d’apartés et d’échanges en coulisse »66. Cependant, le Front national bénéficie d’un cadrage particulier visant à dévaloriser le parti. Comme pour les émissions pré-citées, Le Petit Journal participe dans son traitement à perpétuer l’idée selon laquelle le Front national n’aurait pas changé en jouant sur un cadrage très particulier mettant en exergue les moindres défauts. De manière systématique, dès que le parti est abordé dans le divertissement c’est pour le renvoyer à ses aspects les plus sombres afin de contrecarrer la stratégie de dédiabolisation orchestrée par Marine Le Pen. Outre cette volonté de diaboliser, la manière dont sont montés et introduits les sujets à l’antenne tendent à décrédibiliser au maximum le FN et ses cadres en lançant par exemple une pastille humoristique juste après le sujet : « Sans transition, retrouvez les débiles à la neige après la pub ». Sur l’ensemble des émissions tournées depuis septembre 2013, pas une seule fois Yann Barthès à fait ce que l’on appelle un « teasing » pour annoncer la suite de l’émission. C’est une manière de faire un parallèle implicite entre « les débiles », sketch caricaturant les candidats de télé réalité, et les ténors du Front national. Salhia Brakhlia67, journaliste du « Petit Journal » ayant souvent couvert l’actualité du Front national nie le caractère récurrent et le manque d’objectivité de l’émission à l’égard du parti, confirmant toutefois le traitement particulier qui lui est accordé : « TL : Monsieur Philippot vous accuse de faire du militantisme, de stigmatiser, de renvoyer à des stéréotypes du parti ? Que répondez vous à cela ? - C’est très simple, c’est que la différence de traitement que l’on a entre le FN et les autres partis, c’est qu’avec les autres partis on se permet de faire de temps en temps de l’ironie […]. La différence avec Marine Le Pen c’est qu’on a avec le parti tout entier, décidé de ne pas rigoler. On s’est dit c’est un parti quand même assez dangereux, il y a des discours qui ne sont pas du tout démocratiques, on s’en tient aux faits. TL : Donc il y a cette volonté de montrer une image assez sombre du parti ? - Non parce que si ils étaient nickel on montrerait que ce serait un parti nickel, c’est ça le truc, c’est que si Marine Le Pen, si il n’y avait rien qui dépassait du
66
L’échange politique à la télévision : interviews, débats et divertissements politiques, Patrick Amey et Pierre Leroux, op.cit., 2012, p.116. 67
Intégralité de l’entretien avec Salhia Brakhlia, Annexe 2, p.52 Page 33
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parti, on ne dirait rien, sauf que là, et nous ne sommes pas les seuls à le traiter, ça vrille de temps en temps, ça vrille même souvent »68. En décidant de ne pas traiter avec humour les sujets concernant le Front national, il y a une réelle volonté de marginaliser le parti en l’abordant sérieusement, durcissant ainsi le ton dans un divertissement qui se veut pourtant avoir un regard amusé sur la politique. Lors de l’émission diffusée le 8 janvier 2014, Salhia Brakhlia s’est vu refusée des voeux à la presse. Ce n’était pas la première fois que le Petit journal se faisait interdire l’accès à un événement du Front national. Ainsi l’émission de ce début d’année nous servira d’exemple au traitement particulier réservé au parti. Contrairement à son habitude, Yann Barthès n’a pas débuté par le sommaire de l’émission mais par une métaphore visant à mettre en garde le Front national en leur faisant comprendre que plus les journalistes de l’émission seront empêchés de faire leur travail et plus Le Petit Journal parlera d’eux : « Si vous interdisez à un môme de manger du chocolat, dès que vous aurez le dos tourné il va se goinfrer de chocolat, normal. Hier marine le Pen nous a interdit de chocolat, aujourd'hui on fait une ÉNORME pièce montée tout en chocolat, la dégustation commence maintenant »69.
En effet, un grande partie du divertissement a été consacré au Front national avec une édition spéciale de huit minutes sur vingt-cinq, soit 32% de l’émission. Yann Barthès est dans la narration, il introduit le sujet en détaillant la manière dont ses équipes font pour être accréditées et participer à des événements tel que les voeux à la presse après avoir reçu une invitation du service de presse du Front national, image à l’appui. Cela leur donne une forme de crédit en vue de ce qui va leur arriver : « Et voilà comment ça se passe des voeux. Comme tous les parti, le service de presse du FN nous a envoyé un mail, comme à tout le monde nous invitant aux voeux, le voici le mail »70. Yann Barthes attribue ensuite une expression consistant à révéler leur état d’esprit au moment de se rendre à l’adresse où Marine Le Pen doit faire ses voeux afin de renforcer l’idée selon laquelle ses journalistes sont naïfs et sans arrières pensées, et
68
Entretient avec Salhia Brakhlia, Mai 2014. Crochets ajoutés par l’auteur.
69
Extrait, Le Petit Journal, Canal +, 8 Janvier 2014.
70
idem. Page 34
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ne s’attendent surtout pas à se faire de nouveau interdire d’accès : « On y va clopin clopan »71. L’animateur continue de décrire ce qui leur est arrivé et prend du recul sur sa chaise faisant le signe des guillemets avec ses doigts tout en changeant l’intonation de sa voix lorsqu’il s’agit de répéter une phrase visant à légitimer la position
du
parti
sur
l’échiquier
politique : « Et étant donné que le FN est un parti comme les autres »72. Salhia Brakhlia explique la nécessité pour Yann Barthès de se détacher de ces propos nous indiquant de ce fait ce qu’il pense implicitement du Front national : « Oui c'est un moyen de se détacher du discours de Marine Le Pen qui dit on est un parti comme les autres on est fréquentable, on est comme les autres on veut être traité comme les autres. On vit nous même des situations qui nous amènent à nous dire que ce n’est pas un parti comme les autres. Nous on voit bien la différence entre le Front national et les autres partis. Yann ne peut pas dire de sa bouche oui le front national est un parti comme les autres, avec tout ce que l’on vit. Ce n'est pas possible ». Yann Barthès se lance ensuite dans une comparaison entre les différents sièges des partis arborant leur logo, à l’instar du FN où rien n’indique sur le bâtiment qu’il s’agit de leur quartier général et donc donne un exemple, pourtant dérisoire, servant à discréditer la thèse selon laquelle il serait un parti comme les autres. De plus le traitement de l’image accrédite cette thèse, le fond sonore jovial pour l’UMP et le PS change et devient plus sombre pour marginaliser davantage le parti. Le Petit Journal se met en figure de boucémissaire du Front national, retournant ainsi la situation à son avantage afin de dire aux téléspectateurs que ce ne sont pas eux les mauvais mais le FN qui les empêche de faire leur travail de journalistes
71
id.
72
id. Page 35
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accrédités, image à l’appui.
A l’écran, nous assistons à une scène cocasse montrant Salhia Brakhlia interdite d’accès tandis que tous les journalistes eux sont invités à entrer : « Elle a assisté au défilé de toute la presse qui a répondu au même mail que nous »73. La couleur de l’aplat relevant les paroles de l’homme chargé de la sécurité gérant l’accès change selon à qui il s’adresse, passant du rouge au vert, moyen en d’autres termes d’appuyer la différence de traitement que subit l’équipe de l’émission. Pendant toute la séquence, nous entendons les réactions du public en studio qui est une ressource essentielle pour l’instance médiatique et agit comme indicateur fournissant la manière dont doit être perçue ce qui est vu ou entendu. Le retour plateau montre l’animateur souriant, moqueur, savourant la situation face à un public consterné, renforçant ainsi l’image de bourreau du Front national avant de lancer le jingle de l’édition spéciale : « c’est dans la nature humaine, dès qu’un truc est interdit on a envie de gratter. On fait péter l’édition spéciale avec le logo et tout le toin-toin, toute la cavalerie »74.
Yann Barthès diffuse tout de même des images des voeux à la presse qu’il annonce comme étant disponible sur le site du FN et authentifie donc les images qu’il diffuse. Pourtant, pendant dix secondes le téléspectateur assiste à une scène dite off se déroulant avant la prise de parole. Marine Le Pen est seule face aux caméras, et attend, tourne en rond. L’animateur ne fait aucun commentaire et la caméra filmant l’image rapportée à l’écran fait des mises au point sur la tête de la présidente du Front national ajoutant un aspect comique à la situation, désacralisant la stature politique de cette dernière. Après dix secondes d’attentes, ce qui est très long à l’antenne, Yann Barthès commente la scène en disant « Elle attend quoi ? » afin de
73
Extrait, Le Petit Journal, Canal +, 8 Janvier 2014.
74
Extrait, Le Petit Journal, Canal +, 8 Janvier 2014. Page 36
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la décrédibiliser davantage et de poursuivre « Marine Le Pen attend en fait que toutes les chaines en direct soient toutes là pour commencer, et bonne année ! ». L’animateur veut en réalité faire comprendre que Marine Le Pen soigne avec attention l’image qu’elle renvoie et que sans les médias, elle ne pourrait exister. Le discours commence, mais il est fait choix de nous montrer un passage en particulier : « Et voici la phrase du jour ». Il s’agit du moment où la présidente du Front national dit être attachée à la liberté de la presse en France et partout dans le monde. Le retour plateau montre l’animateur prit d’un fou rire avec le public avant d’ajouter « Ah pardon c’était sérieux ». A cet instant, la volonté est de mettre en avant le fait qu’elle ne met pas en application les beaux discours qu’elle tient dans les médias et que de ce fait, elle ment en toute impunité. Enfin, Yann Barthès en se servant de la définition que fait Marine Le Pen du journalisme collant particulièrement bien avec le travail qu’effectue Le Petit Journal remémore rapidement aux téléspectateurs tous les aspects négatifs du Front national. Il reprend ainsi les termes énoncés par la présidente du parti et les applique aux sujets fait sur le FN : « Comme quand on a dévoilé que les tables rondes du FN étaient bidonnées peutêtre. Quand on a décrypté votre clip de rentrée la France est belle protégeons la et que les images provenaient des pays étrangers. Quand le premier mai on a prit du recul sur vos militants censés être nettoyés d’extrémistes. Et qu’on a du analyser ce tatouage d’un des participants au défilé, une référence aux divisions SS ». Certes, Le Petit journal tend à révéler des informations mais la manière dont celles-ci sont présentées à l’antenne ont pour but de discréditer le parti qu’il considère encore comme étant d’extrême droite, à raison ou à tort. Florian Philippot s’est exprimé à ce sujet : « Il est normal que les personnes autour aient les questions pré-écrites. Sachant que la table ronde était filmée il fallait s’assurer que l’on ne nous poserait pas plusieurs fois les mêmes questions. Si les journalistes avaient fait correctement leur travail en venant nous voir, ils n’auraient pas tirés de conclusions hâtives et fausses ». Mais le reportage du Petit Journal ayant été le plus relayé dans les autres médias est celui concernant l’annuel défilé du premier mai du front national qui s’est tenu en 2013. Les journalistes ont présenté à l’antenne des images effrayantes des militants frontistes laissant ainsi penser aux téléspectateurs qu’ils sont tous racistes Page 37
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puisque rien n’est présenté pour nuancer le propos. De plus, le jingle d’ouverture arbore le logo du Front national à l’époque du père, celui que Marine Le Pen a fait adoucir considérant qu’il se rapprochait trop de celui du parti d’extrême droite italien qui se revendiquait sur la lignée du fascisme et ne correspondait plus à la nouvelle image du parti.
YB
(plateau) permettez nous de vous présenter trois personnes présentes dans le cortège + ce monsieur venu en famille
SB Fillette SB
tu as quel âge ? onze ans et tu connais marine le pen ? oui tu la trouves comment marine le pen ? bien qu’est ce que t’aimes bien chez marine le pen ? ses discours qu’est ce que tu as retenu dans ses discours ? qu’elle veut être présidente et qu’elle veut que ce soit que les blancs qui habitent en france
Fillette SB Fillette SB Fillette SB Fillette
YB
(retour plateau) (sarcasme) « c’est mignon + onze ans » (rire du public)
SB Fillette SB Fillette
toi t’es d’accord avec ça du coup ? un peu et pourquoi ? parce que moi j’ai des amis ils sont un peu noirs mais ils sont aussi sympa
YB
(voix off) et comme quoi un enfant n’est pas totalement con on arrive à la retourner en deux minutes
SB
et donc tes copains qui sont un peu noirs tu les aimes bien en fin de comptes ? oui donc tu voudrais qu’ils restent en France ? ouai
Fillette SB Fillette YB
(retour plateau) voilà \ rencontre numéro deux attention c’est furtif cet homme de dos que si on arrête l’image et si on zoom on a un tatouage comme ça + quel est ce joyeux tatouage ? […] Page 38
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YB
Thomas Latragna
on a cherché et on a trouvé l’histoire du tatouage il s’agit de deux croix entrelacés […] et mon tout donne (en s’amusant) « un tatouage nazi »
Le public ne réagit pas à l’instance médiatique. Le silence a pour but de contraster avec la réaction jouée de l’animateur et est donc utilisé pour créer une atmosphère lourde sur un sujet grave.
YB
et enfin voici notre troisième rencontre pile devant la scène de marine le pen une dame avec au bout de son drapeau un saucisson pur porc
SB
Pourquoi avoir mis du saucisson sur votre drapeau ? Pour me faire un périmètre de sécurité
Militante
YB
(retour plateau) La meuf met un saucisson pour éloigner les musulmans (rire public) + mais le truc c’est que notre journaliste salhia brakhlia s’appelle salhia brakhlia + et voici la suite
SB Militante
pourquoi il y a un saucisson au bout de votre drapeau ? c’est une devinette + aux armes citoyens formez vos bataillons marchons (coupure au montage) & une réponse ? ben non je n’ai pas envie de répondre. Il y a, il y a une idée
SB Militante SB
Miltiante
SB YB
(criant et articulant « & je n’ai pas envie de répondre + vous comprendre moi + moi française + ok » moi aussi (retour plateau) salhia être autant française que toi qui a (se frappe le front avec sa paume de main) « saucisson sur drapeau » mais salhia cerveau toi pas cerveau saucisson sur drapeau \ (se frappe le front avec sa paume de main) front national + on résume une gamine de onze ans qui pense qu’il faut sortir les (fait des guillemets avec ses doigts) « un peu noirs » de france + une femme qui met du saucisson sur un drapeau en disant à notre journaliste moi parler français et un mec avec un tatouage nazi après ce tournage permettez nous de faire évoluer un peu notre jingle piqure de rappel voilà notre nouveau jingle
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L’idée transmise aux téléspectateurs au travers de ces images est celle d’un parti dont les militants sont extrémistes, racistes, antisémites et assimilés à l’idéologie nazie. Yann Barthes renforce cette idée en changeant le jingle à l’image du signe SS. Florian Philippot accuse Le Petit Journal de partir à la traque dans le but d’interviewer et de ne garder que des propos venant de personnes fragiles mentalement, séniles, allant jusqu’à faire des story board avant même d’aller sur le terrain et donc d’avoir le sujet déjà pré-conçu. Salhia Brakhlia quant à elle réfute ces accusations visant à dire que le sujet est « séquencé » à l’avance mais avoue toutefois préparer un angle avant d’aller tourner. Elle nie cependant avoir cherché des individus susceptibles de nuire à l’image du FN car de toute manière en allant à ce défilé il est très facile de récolter ce type de discours « il suffit de tendre le micro et de laisser les gens parler. J’ai vu un mec de France Inter […] et il m’a demandé si j’avais un peu discuté avec eux, j’ai dit oui, et il m’a dit c’est hallucinant. On n’a même pas eu besoin de se dire ce qu’on avait c’était marquant »75.
Le Petit Journal assume sa position d’adversaire médiatique du Front national sans pour autant approuver le terme d’émission politisée. Il montre toutefois quotidiennement que le parti n’a changé qu’en façade, avec une meilleure stratégie de communication, la mise en place d’éléments de langages tout en donnant l’impression qu’un nettoyage a été effectué dans ses rangs mais qu’au final, les valeurs n’ont pas changé, les idées sont toujours aussi radicale que sous Jean Marie Le Pen. Pour cela, il diffuse des images visant à remettre en cause la légitimité du Front national aux yeux des téléspectateurs pour qu’ils puissent se faire une idée fortement influencée par l’émission n’hésitant pas à user de moyens stigmatisants. A travers ces différentes études de contenus, nous nous rendons compte que la parole est beaucoup plus libre dans les émissions de divertissement, laissant les animateurs vedettes de leur programme s’exprimer librement et faire des choix arbitraires quand au traitement réservé à leurs invités et plus particulièrement au Front national qu’ils aiment détester. Comme le dit Marshall Mcluhan, le moyen de communication est plus important que ce qui est communiqué, le message étant le médium utilisé. On note également qu’il est constamment fait allusion à la nouvelle image de ce parti que l’on tente de mettre à mal pour lui faire perdre toute crédibi75
Entretien avec Salhia Brakhlia, 11 Mai 2014. Page 40
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lité plutôt que de chercher des problèmes liés à son programme politique ce qui risquerait fortement d’ennuyer les téléspectateurs en les assommants de discours dont les termes utilisés ne sont pas toujours à la portée de tous.
B. Les émissions politiques, le programme du parti passé au crible Les émissions politiques sont avant toute chose des programmes sérieux devant répondre à certaines exigences dans un soucis d’impartialité et d’égalité de traitement vis-à-vis des différents partis politique composant le paysage français. Souvent suivies par un public politisé, elles se doivent de répondre aux attentes de ces derniers en abordant le programme de chacun des invités. Ainsi les émissions politiques émettent davantage des critiques sur le fond que sur la forme du discours. Pour le Front national, le cas est complexe. Le Parti n’a jamais exercé les plus hautes fonctions de l’Etat et de ce fait est souvent abordé dans les émissions son aspect amateur, rappelant fréquemment les problèmes liés à la gestion de la ville de Toulon sous l’exécutif d’un élu FN. Par conséquent, lorsqu’un cadre du Front national est invité dans une émission de débat politique Marine Le Pen comme Florian Philippot regrettent de devoir constater que les journalistes ont un rôle d’inquisiteur cherchant davantage la faille dans les villes gagnées aux municipales par le Front national et déclarent qu’ils y vont « comme on va au zoo, on fait le reportage pour voir qui sont ces animaux, ce n’est pas de la curiosité, dans toute la tonalité c’est une sorte de mépris, de réserve, d’hostilité »76 à la suite d’un reportage diffusé dans l’émission Des paroles et des actes sur France 2. Toutefois Florian Philippot est satisfait de la manière dont est traité le FN dans l’émission de David Pujadas : « - Je n'ai rien de négatif à dire sur cette émission. Pujadas fait très bien son travail. Il est impartial. On a le même traitement que tout le monde. TL : Pourtant votre parti n'était pas représenté lors de l'émission spéciale sur les municipales. - En effet on n'y était pas. Je ne savais même pas qu’il y en avait eu une. Et bien non on n'a pas été invité. Ce n'est pas la qualité des invitations que je regrette,
76
Marine Le Pen, Extrait Des paroles et des actes, France 2, 10 avril 2014. Page 41
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mais la quantité. Nous ne sommes que trop
Thomas Latragna UMP
NPA
FDG
UDF
PS
FN
Part du temps d’antenne accordé à chaque parti.
peu représenté encore aujourd’hui »77. Il est vrai que les cadres du parti de Marine Le Pen sont moins invités dans l’émission « Des paroles et des actes » que les cadres du PS et de l’UMP. En un an, du Jeudi 21 février 2013 au Jeudi 10 avril 2014, il y a eu dix émissions et vingt neufs politiques invités de tout bord. Douze étaient associés au Parti Socialiste, dont neuf avaient un poste au gouvernement et représentaient ainsi l’Etat. Ça a été le cas par exemple avec Manuel Valls alors ministre de l’intérieur ou de Christiane Taubira en qualité de ministre de la justice. Onze politiques étaient rattachés à l’UMP alors considéré comme le principal parti d’opposition à la vue des résultats des élections présidentielles ou plus récemment des municipales. Enfin, l’émission a reçu trois cadres du Front national quand le Front de gauche, le NPA ou encore l’UDF n’ont eu qu’un seul de leur cadre d’invité78.
L’émission spéciale sur les municipales diffusée le 27 mars 2014 n’avait cependant pas convié de représentants du Front national sur le plateau alors qu’étaient présent Michel Sapin, ministre du travail, Brice Teinturier, délégué général d'IPSOS, Laurent Wauquiez, député UMP de Haute-Loire, Roselyne Bachelot, ancienne ministre UMP dont il faut souligner la décision de se retirer de la vie politique depuis 2012 ou encore Edouard Martin, ancien leader syndical et candidat PS aux élections européennes. Rien ne semble pouvoir expliquer qu’un candidat FN élu dès le premier tour comme Steve Briois ne soit pas invité pour comprendre le phénomène dans une émission animée durant l’entre deux tours. Le fait principal de cette élection a été nié, appréhendé comme un épiphénomène peut-être pour minimiser ce que l’on appelle la montée du Front national. Suite à un reportage diffusé en début d’émission visant à montrer le ras-le-bol de la population face à la classe politique, Brice Teinturier exposa des chiffres venant d’enquêtes d’opinions. Il exposa qu’ « aujourd’hui un français sur quatre ce qui n’est pas mince, vingtquatre pour-cents des français estiment qu’un autre régime ou un autre système
77
Entretien avec Florian Philippot, 29 Avril 2014.
78
Tableau récapitulatif des invités de l’émission Des paroles et des actes, Annexe 3, p.62 Page 42
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politique que la démocratie serait tout aussi bien »79 et relia ce sondage au Front national et ses sympathisants en déclarant que « quasiment la moitié, quarante cinq pour-cent se disent qu’un autre système serait tout aussi bon que la démocratie »80. L’expert parle d’un parti qui ne peut se défendre car n’est pas représenté sur le plateau. La manière dont sont annoncés les chiffres tendent à montrer le Front national comme un parti anti-démocratique alors que la majorité des militants sont d’après ces chiffres favorables à la démocratie. De plus, si les militants FN sont plus nombreux à remettre en cause la démocratie, cela serait davantage causé par la manière dont est encore considéré le parti à la vue des résultats. Ils ont l’impression de voir la légitimité du parti auquel ils accordent leur confiance bafouée soutenant les dires de Florian Philippot : « Il y a un problème de démocratie car certains n’arrivent pas à intégrer le résultat des urnes »81. Pourtant, David Pujadas, présentateur de l’émission accorde beaucoup d’importance à ce que son émission soit irréprochable et totalement objective dans le traitement de ses invités politiques. Il n’hésite pas en direct à faire des mises au point en répondant aux accusations qui lui confèrent soit trop de laxisme lors des invitations du FN ou au contraire de présenter des reportages à charge du parti. L’émission du 10 Avril 2014 est en ça un très bon exemple car une polémique avait alors eu lieu sur le choix des débatteurs politique, Marine Le Pen ayant refusé d’affronter Martin Schultz actuel président du parlement européen. Reproche était fait à David Pujadas d’avoir cédé aux demandes de la présidente du parti : « J’en profite pour vous donner une précision sur l’organisation des débats, ça fait parti du rapport de confiance, personne ne dicte sa loi à quiconque ici et comme partout ailleurs quand on organise un débat politique, un face à face, et bien c’est entre deux personnes consentantes. On ne peut pas forcer quelqu’un à dialoguer et cela quel que soit l’invité, c’est dit »82. On aperçoit toutefois durant cette séquence Marine Le Pen hocher la tête ce à quoi s’ajoutaient des mimiques marquant son désaccord et pour cause ; lors de l’élection 79
Extrait, Brice Teinture, Des paroles et des actes, France 2, 28 mars 2014.
80
idem.
81
Entretien avec Florian Philippot, 29 avril 2014.
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Extrait, David Pujadas, Des paroles et des actes, France 2, 10 avril 2014. Page 43
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présidentielle de 2012, Jean Luc Mélenchon avait été « imposé »83 comme contradicteur à la présidente du Front national dans ce qu’elle décrit comme un choix fait par soucis d’audience et de « logique commerciale »84 lançant ainsi à David Pujadas « Vous êtes un peu le Paul Amar des temps modernes, vous auriez pu nous donner peut-être une paire de gants de boxe »85. Le traitement particulier qu’avait dénoncé Marine Le Pen n’a donc cette année pas été renouvelé dans un soucis d’équité vis-à-vis des politiques et de confiance vis-àvis du téléspectateur dont le choix ne doit pas être induit de quelque manière que ce soit. Marine Le Pen n’est pas une bonne cliente des émissions de télévision à l’instar de son père et remet souvent en cause le traitement qui lui a été réservé au cours de celle-ci. Humeur avec laquelle doit apprendre à composer David Pujadas pour ne pas donner raison à ses dires. Après s’être plainte de ne pouvoir exprimer ses idées en 2012 « Si je dois conclure et bien je dirais que j’ai comme d’habitude en sortant de cette émission pu exprimer dix pour-cents à peu près des multiples sujets dont j’avais envie de parler. Que je regrette bien souvent que l’exercice des émissions politiques telles que celle-là consistent non pas tant à informer ceux qui nous écoutent des positions de l’invité politique qui est invité […] Comme vous êtes tous engagés et bien engagez vous, engagez vous, présentez vous politiquement » remettant ainsi en cause l’objectivité des contradicteurs présents sur le plateau dont Nicolas Demorand alors directeur de la rédaction de Libération. Plus récemment, en février 2014, c’est un reportage sur Villers-Cotteret ville gagnée par le FN lors des municipales qui l’a fait réagir. Le cadrage du sujet montre à la fois un FN qui séduit mais qui créé également des tensions entre les habitants à la suite de l’élection de Franck Briffaut. Le reportage remet en cause la légitimité de certains colistiers qui ne semblent pas avoir d’expérience politique, renvoyant ainsi l’image d’un parti amateur qui propose des solutions mais ne sait pas comment les appliquer c’està-dire implicitement un parti démagogique. Ce reportage fait toutefois ressortir un sujet récurrent cher au Front national à savoir l’immigration. C’est davantage le fait de toujours conduire les cadres du FN sur les mêmes sujets qui peut être reproché aux émissions politiques. Loin de réellement vouloir contredire le Front national, les thèmes abordés dans les émissions politiques ont tendance à servir les idées du
83
Extrait, Marine Le Pen, Des paroles et des actes, France 2, 23 février 2012
84
idem.
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parti. Il n’y a pas une émission de février 2013 à Mai 2014 où n’ont pas été abordé les sujets sur l’immigration, la priorité nationale, la religion et le culte, l’euro et le retour aux francs donnant ainsi un boulevard à Marine Le Pen pour exposer ses idées. Certes, des experts et des analystes sont présents sur le plateau pour contredire l’invitée ou la pousser dans ses retranchements comma ça a été le cas de Stefan Braendel qui en février 2013 a conclu l’émission en caractérisant le Front national de parti d’extrême droite en le rapprochant du Parti national démocrate Allemand dont on dit l’idéologie proche du néonazisme. Le problème qui peut être soulevé à l’égard de ces experts amenés à réagir à chaud à l’actualité ou à un propos qu’a tenu Marine Le Pen est qu’ils réagissent en général dans l’urgence. On les appelle les « fast thinkers » c’est-à-dire qu’ils ont la faculté de penser très vite et de tirer des conclusions rapidement sur un fait qu’ils viennent de voir ou d’entendre. Mais cette faculté à ses limites comme le dit Bourdieu car en général ces experts intellectuels pensent et exposent leurs idées, leurs contradictions selon des idées reçues c’est-à-dire banales, convenues, communes ne posant donc pas de problèmes de réception et n’étant pas issus d’un réel travail sociologique les poussant à interroger le monde social dans le temps, « urgence et sagacité ne faisant pas bon ménage »86 : « Ce qui est sûr c’est qu’il y a un lien entre la pensée et le temps. Et un des problèmes majeurs que pose la télévision, c’est la question des rapports entre la pensée et la vitesse. Est-ce qu’on peut penser dans la vitesse ? Est-ce que la télévision, en donnant la parole à des penseurs qui sont censés penser à vitesse accélérée, ne se condamne pas à n’avoir jamais que des fast-thinkers, des penseurs qui pensent plus vite que leur ombre […] La réponse est, me semble-t-il, qu’ils pensent par « idées reçues ». La pensée est, par définition, subversive : elle doit commencer par démonter les « idées reçues » et elle doit ensuite démontrer […] Or, ce déploiement de la pensée pensante, est intrinsèquement lié au temps »87
On relève enfin que l’émission donne la possibilité aux téléspectateurs de réagir à l’émission par le biais de twitter. Casetti et Odis qualifient de « Néo-télévision » le principe d’interactivité qui, grâce aux interfaces technologiques, confèrent un rôle de co-participant au téléspectateur. Cependant nous n’en sommes qu’au stade primitif, les tweets passant à l’antenne après avoir été sélectionnés par la rédaction
86
Sur la télévision, Pierre Bourdieu, Libre-Raisons d’Agir, 1996, p. 29-32
87
Sur la télévision, Pierre Bourdieu, op. cit., p. 30-31. Page 45
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n’interpellent pas l’invité politique directement. Ils se satisfont à eux-même, permettent de montrer aux différents téléspectateurs leur position sur le sujet, et il est même parfois possible d’en analyser une tendance plus ou moins influençable. Par exemple, si la majorité des tweets diffusés à l’antenne sont négatifs, cela amène le téléspectateur à se poser des questions quant à la crédibilité de l’invité politique alors que des tweets positifs auront pour conséquence d’accroitre les opinions favorables face aux positions et idées présentées par la personnalité invitée. On constate alors que malgré le caractère impartial de l’émission, la majorité des tweets passés à l’antenne lorsque l’invitée est Marine Le Pen ont pour but de dénoncer et critiquer cette dernière. Il est toutefois difficile d’évaluer le degré d’implication de la rédaction dans le choix des tweets diffusés et donc de savoir si la sélection se fait de manière arbitraire ou si les commentaires principalement négatifs reflètent bien la majorité des messages envoyés.
Certains accusent les médias de participer aujourd’hui non plus à la dédiabolisation du Front national, mais à son expansion électorale en diffusant de manière exponentiel des sujets sur le parti. En Mars dernier, un rappel à l’ordre a été fait par le CSA à BFM TV, à qui il était reproché de ne pas respecter la stricte égalité du temps d’antenne accordé aux différents parti en période électorale. Ainsi le temps de parole accordé au Front national était de 42,98% entre le 10 février et le 7 mars 2014, soit vingt-trois minutes et vingt et une secondes sur un total de cinquante quatre minutes et vingt secondes du total de temps de parole. Cependant la régulation avait été effectué quelques jours plus tard par la chaine. Christine Kelly, membre du CSA, a alors expliqué lors d’une conférence donnée aux étudiants de l’université Panthéon-Assas comment BFM TV s’y était pris pour rétablir une équité sur les temps de parole accordés aux différents partis : « Vous savez, il suffit de diffuser en boucle le soir quand personne ne regarde un discours d’Eva Joly pour faire augmenter son temps d’antenne ». Il a alors longuement été reproché à la chaine d’information en continu de faire le jeu du Front national en lui faisant bénéficier d’une large couverture médiatique. Page 46
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Le 7 avril 2014 était invité chez Jean-Jacques Bourdin le président du Front de gauche Jean-Luc Mélenchon qui avait alors tenu les propos suivants : « Pour une fois que ce n'est pas le Front National qui parle ici, c'est moi ! […] le CSA a établi que sur la question des municipales, BFM TV avait donné la parole 46% du temps au Front National, et 0% aux autres »88. Mais c’est davantage la réponse que va fournir Jean Jacques Bourdin pour défendre sa chaine que les accusations faites par Jean Luc Mélenchon qui est intéressante. Le journaliste explique clairement que ce temps d’antenne était consacré à une critique du Front national : « La parole que l’on a donné au Front national c’était une parole critique, les reportages que l’on a fait c’était justement pour critiquer »89. Cette phrase révèle la difficulté que rencontre encore aujourd’hui les chaines lorsqu’elles parlent du Front national, car elles sont exposées à divers types de pressions. Pour Florian Philippot ces reproches sont orchestrés par des personnes « organisées qui utilisent les réseaux sociaux, écrivent des lettres aux directeurs des chaines. À 95% ce sont des militants du Front de gauche »90 le but étant de perpétuer la tradition de la diabolisation à tort ou à raison ;
« On parle de diabolisation, on nous diabolise quand on commence à faire de bons scores. Mais en général on ressort toujours les mêmes propos, les mêmes choses. Il n'y a rien de nouveau. On relate le passé. Qui n'a jamais fait de bourdes. Est-ce qu'on fait un foin à l'UMP sur ce que Jacques Chirac a pu dire concernant les noirs et leur odeur. Non. Et franchement ils font bien, car ça ne regarde que Chirac et personne d'autre. Hors là, on n'entache tout le FN même des années après »91.
88
J.-L. Mélenchon face à J.-J Bourdin sur BFM TV, 7 avril 2014.
89
J.J Bourdin sur BFM TV, 7 avril 2014.
90
Entretien avec Florian Philippot, 29 Avril 2014.
91
Entretien, Florian Philippot, 29 Avril 2014. Page 47
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On constate en effet que le Front national fait peur, que ça soit aux médias comme aux politiques. Le traitement du parti est ancré dans une forme de tradition visant à le diaboliser dès lors que les sondages montrent une recrudescence du vote FN. Les adversaires politiques ressortent ainsi les mêmes discours dans les médias, les mêmes arguments liés au passé du parti. Arnaud Montebourg en a fait l’exercice lors de la conclusion d’un débat l’opposant à Marine Le Pen pour les municipales sur le plateau du Grand Jury pour RTL, Le Figaro et LCI :
« Le Front National est un parti qui propose des solutions extrêmement dangereuses, le retour au franc Le Pen c’est le programme de l’argentine à l’époque de la faillite du pesos convertible quand les mères de famille allaient taper dans les casseroles pour demander à manger au gouvernement. C’est l’autarcie albanaise, d’ailleurs regardez son programme, vous verrez et avec un peu, un brin de purification ethnique, vous voyez ce que je veux dire, c’est pas très agréable. […] [C’est un parti] démagogique qui passe son temps à vociférer mais qui n’a pas le début d’une solution sauf extraordinairement dangereuse. Et tout ça pour couronner le tout, moi je n’oublie pas que le président d’honneur du Front national a fait il y a quelques années l’éloge de la Gestapo et de l’occupation allemande, donc tous les français ils ont ça en tête vous voyez ce que je veux dire ? Et comme disait ma grand mère, madame, les chiens ne font point des chats ».92
Ainsi, les émissions politique ne sont pas pour autant politisées, tentant de traiter de manière équitable les différents parti. Pourtant, bien malgré elles, elles se font tremplin d’un discours stigmatisant prôné par les adversaires politiques, confortant l’image négative et l’idée d’un traitement particulier réservé au Front national.
92 Arnaud
Montebourg, Les débats du grand jury, RTL , Le Figaro, LCI, 23 février 2014. Crochets ajoutés par
l’auteur Page 48
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Conclusion
Au cours de cette recherche nous avons tenté d’expliquer et de comprendre les rapports compliqués qu’ont connu et connaissent toujours le Front national et les médias. Ces derniers souvent crédités d’être à l’origine des bons scores électoraux du parti par une large médiatisation de celui-ci n’ont été en réalité qu’un médium mal utilisé par certain et ayant servi à d’autres. Nous avons pu constater de manière progressive au long de cette démarche explicative visant à mettre en exergue le rôle qu’ont tenu les médias dans la démocratisation du vote FN, que les journalistes ne disposaient que de faibles marges de manoeuvres, tiraillés à la fois par des facteurs internes et externes. Joël Roman révélait ainsi les cinq stratégies mises en oeuvre par les journalistes dans le traitement du Front national et les risques qu’ils comprenaient. Ainsi, ignorer le parti pouvait être considéré comme une posture frileuse quand la diabolisation se voulait maladroite. Le mimétisme était quant à lui davantage démagogique face à une banalisation du parti jugée dangereuse. Enfin l’affrontement montrait une certaine forme d’ambiguité sortant le journaliste de son rôle. Les acteurs médiatiques ont cependant rempli un devoir démocratique en médiatisant bon gré malgré le Front national au vue de ses premiers succès électoraux difficilement imputable aux médias qui n’étaient pas encore réellement entrés en jeu. Le traitement qui lui a toutefois été réservé a construit inconsciemment l’image d’un parti marginal qui, in fine, ne l’a pas totalement desservi. Les électeurs ayant perdu foie en la politique ou se trouvant dans une certaine détresse sociale ont ainsi vu dans le FN une solution annexe qu’il ne fallait plus négliger. Même si l’expansion semblait inévitable, la sur-médiatisation que connaissent chacunes des victoires électorales du Front national, l’effet de loupe agissant comme un regard inquisiteur et les adversaires politiques utilisant les médias pour relayer des messages stigmatisants, à l’affut du moindre dérapage de Jean-Marie Le Pen auquel ce dernier se prêtait facilement avec son franc parlé, ont participé à sa diabolisation mais également à sa légitimité, deux phénomènes ne pouvant finalement pas être dissociés. Ainsi, quand ces mêmes acteurs politiques ont vu leur discours se durcir participant de ce fait à la construction d’un agenda médiatique davantage basé sur des questions liées à l’immigration et à l’insécurité, ils ont également contribué à une banalisation du discours lepeniste et donc à une forme de légitimation du Front national.
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Aujourd’hui, même si tout laisse à croire que Marine Le Pen a changé le parti en le rendant davantage fréquentable, les médias et les politiques constituent plus que jamais des adversaires visant à montrer que même si dans la forme le FN est différent, dans le fond il reste attaché à ses valeurs d’antan. On accuse ainsi les divers programmes qu’ils soient dans un régime de présentation caractérisé par des échanges verbaux sur un plateau ou dans un régime de représentation où les activités de filmage in-situ et l’insertion de commentaire en voix off font partie à part entière du genre de l’émission, d’être dans une approche militante. Par conséquent, ils retranscriraient par des montages et des cadrages discutables des sujets qui se focaliseraient essentiellement sur des exceptions de comportement pour en faire des généralités, stigmatisants alors l’essence même du Front national et globalisant la vision que l’on peut s’en faire. Mais l’on ne peut pas non plus accuser les médias de mentir et de « bidonner » les images. Nous sommes aujourd’hui en mesure de dire que l’objectivité journalistique est souvent mise à mal par les valeurs internes à celui-ci, dirigeant alors largement la conduite de l’acteur médiatique vis-à-vis du Front national. Le défilé du premier Mai tel qu’il est relayé par certaines émissions comme Le Petit Journal tend à faire un dessein caricatural du militant Front national pour alerter l’opinion des risques qui peuvent encore émaner du vote frontiste. Dans une logique sociologique, il semblait alors essentiel de prendre part au cortège du premier Mai pour être au plus près des militants FN qui de prime abord semblaient loin des stigmates d’individus aux crânes rasés et aux tatouages nazis. Ils ressemblaient surtout à des personnes lambdas, venues de toute la France, souvent en famille pour soutenir une figure politique comme on le fait dans d’autres partis. Après avoir analysé les comportements de chacun, c’est en les écoutants parler que l’on s’est rendu compte de la persistance des idées visant à exclure l’étranger considéré alors comme une menace persistante, à l’origine des maux des français93. Les militants se positionnent en victime de l’Etat. Un homme ayant accepté de répondre à quelques questions nous a frappé par son discours donnant une forme de crédit au traitement médiatique qui grossit toutefois le trait dans une perspective sensationnaliste. L’homme d’une soixantaine d’année se disant contre l’idéologie de Jean-Marie Le Pen avouait être fier de voir Marine Le Pen considérée comme plus humaine et ayant de surcroit reconnu les crimes de la seconde guerre mondiale, succéder à son père. Il ajoute à cela sa tristesse face au discours journalistique qualifiant les militants Front national de racistes en concluant « je ne suis pas raciste, je suis contre la ra93
Reportage fait lors du défilé du 1er mai, Annexe 4, p.62 Page 50
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caille musulmane ». La médiatisation visant à critiquer ce type de discours isolés à eu pour effet de le banaliser. Après cela, on ne peut que constater que le problème est ailleurs. Les médias en faisant entrer dans l’opinion public des sujets tel que l’immigration, les Roms, l’affaire Leonarda etcetera ont favorisé la banalisation d’une pensée qui en se généralisant s’est légitimité perdant alors son aspect marginal. Pour conclure, reprenons cette phrase de Pierre Joude qui dit : « A force d’accuser un peu n’importe qui de participer à la lepenisation des esprits, on court un petit risque, celui de faire perdre tout sens à l’accusation et on détruit de se fait son image de parti extrémiste isolé, on le banalise »94.
94
La littérature sans estomac, Pierre Joude, Agora, 2002. Page 51
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Annexe 1
Conventions de transcription :
soulignement
chevauchement de parole
&
continuation d’une même prise de parole après un chevauchement
\
interruption
+
pause brève
intonation montante
intonation descendante (rire)
description du comportement verbal (phénomène ponctué)
(en riant) « … »
description du comportement verbal (phénomène circonscrit entre les guillemets
[commencé], […]
passage modifié, coupé dans les exemples pour une meilleure lisibilité.
*/ paroles /*
Ajout d’un effet sonore rompant avec la narration
Absence de majuscules et de ponctuation.
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Annexe 2 : Entretien de Salhia Brakhlia, journaliste pour l’émission Le Petit Journal de Canal +.
Thomas Latragna : Comment définissez-vous le petit journal. Quel est le but de l’émission ? Salhia Brakhlia : Informer, c’est la mission première, on informe et on diverti aussi. TL : Il y a donc une question de divertissement… SL : Ah bah oui, on informe… Si tu regardes bien l’émission, y’a plusieurs parties, il y a la partie actualité, où c’est de l’information mais comme c’est Le Petit Journal on enrobe de quelques trucs un peu marrants. TL : Ça concerne plutôt la première partie de l’émission, parce qu’après il y a l’arrivée de Martin Weill qui se veut plus sérieux.
SL : Oui parce que les sujets sont plus sérieux, en fin de compte, la politique Française, nous on la traite de manière sérieuse mais on l’enrobe avec des petits trucs un peu marrants.. TL : Pour que ça soit à la portée de tout le monde ? SL : Voilà, parce qu’il y a beaucoup de jeunes qui nous regardent et il faut donner envie aux jeunes de nous regarder parce que ça leur permet de s’intéresser à la politique, moi je me rappelle que pendant la campagne, il y a beaucoup de jeunes qui venaient me voir quand je suivais les candidats pour me dire heureusement que Le Petit Journal est là parce qu’on regarde les JT et c’est chiant ils disent tout le temps la même chose. Alors que là, c’est beaucoup plus à la portée des jeunes et c’est mieux quoi. Il y a les JT pour les grands et Le Petit Journal pour les grands et les petits. TL : Est-ce que vous vous voyez plus comme un supplément d’informations, c’est à dire qu’on voit des choses dans Le Petit Journal que l’on ne voit pas forcément dans les JT ce qui permet au téléspectateur de se faire une meilleure opinion. SB : C’est toi qui peux me le dire en fait, parce qu’en fin de compte quand tu regardes un JT, bah tel euh TL : Ca va être beaucoup plus formel SB : Voila ! Ils vont être beaucoup plus formel, et nous on essaye de montrer les coulisses. Je pense qu’en regardant les deux [journaux télévisés et Le Petit Journal], tu as une information plutôt complète. TL : Pour le cas du Front national, est-ce que vous avez l’impression que les médias ont participé à la banalisation du parti ? En parlant davantage, en en parlant énormément aujourd’hui dans les médias, ces derniers n’y seraient-ils pas pour quelque chose ? SN : Le truc c’est que Marine Le Pen est beaucoup plus souvent sur les plateaux télé que ne l’était Jean-Marie Le Pen.
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TL : Oui SB : Elle est en ça plus fréquentable. Parce qu’elle présente mieux, en fait. Elle présente mieux, elle ne fait pas peur, elle ne dit pas de grosses conneries quand elle vient à la télé [partie inaudible], mais elle ne dérape pas, elle essaye de ne pas déraper, contrairement à son père, et en ça elle a une image beaucoup plus soft, beaucoup plus sympa, et elle est beaucoup plus invitée sur les plateaux de télévision. Et en même temps ce que disent les journalistes, parce qu’on en discute entre nous, ce que disent les journalistes, c’est qu’on ne peut pas ne pas l’inviter, parce qu’effectivement elle fait 20%. Donc à un moment, il faut faire un choix, ils préfèrent l’inviter pour la mettre face à ses contradictions, l’interroger sur ce qu’elle veut faire… TL : Sur son programme SB : Voilà, sur son programme. TL : Donc on ne l’invite plus pour parler de son image contrairement à Jean-Marie Le Pen qui lui était un bon moyen pour les médias de faire monter les audiences, parce qu’il allait forcément déraper à un moment. Du coup est-ce que les invitations lancées à Marine Le Pen sont aujourd’hui un moyen de la décrédibiliser sur son programme. SB : Mais oui parce que la forme, la forme est est est nickelle. TL : C’est ça. Est ce qu’il y a du coup cette volonté de décrédibiliser le programme de Marine Le Pen quand on l’invite dans les médias ? SB : non, non, non, déjà en l’invitant on lui donne la parole et ça c’est un boulevard pour elle, parce qu’elle est très très bonne en communication et elle ne se laisse pas avoir. TL : Florian Philippot me disait par exemple moi je peux aller dans toutes les émissions, il n’y a pas de soucis je saurai me défendre. Vous en pensez quoi ? SB : Un mec comme Philippot est très très bon quand il va aller sur un plateau télé. Il s’est manier le langage, il sait toucher les gens et donc du coup c’est difficile de le coincer. Pour chaque idée il a son argument parce que bien évidemment ils mettent en place des éléments de langage comme tous les partis politique il met des éléments de langage en place et hop il les dévoile à tout le monde, à tous les médias. Le seul truc c’est qu’avec Jean-Marie Le Pen c’est que les éléments de langage il n’y en avait pas trop et il parlait vachement librement TL : Maintenant tout est cadré SB : Tout est contrôlé oui. En terme d’image tout est contrôlé, en terme de discours tout est contrôlé, il n’y a rien qui dépasse. Ils essayent de faire croire qu’il n’y a rien qui peut dépasser. Sauf que pendant… TL : C’est là que vous vous intervenez en quelques sortes ? SB : Parce que, on a l’exemple pendant les municipales, il y a eu plein de dérapages des candidats. Elle a voulu tout contrôler Marine Le Pen sauf qu’à un moment, si tu grossis de plus en plus, tu veux grossir de plus en plus il y a des choses que tu ne peux pas contrôler. TL : Mais est ce qu’il y a plus de dérapages de candidats du Front national que des autres partis ? Ou alors est-ce que l’on ne se focalise pas plus sur le front national à essayer de chercher le moindre petit travers du parti ? Page 54
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SB : Non parce que les dérapages des candidats du Front national ils sont choquants. C’est des trucs même pas démocratique, c’est anti-républicain, c’est raciste de temps en temps. Comme euh j’sais pas si tu avais suivi mais la la candidate je sais plus dans quelle ville… TL : Sur Christiane Taubira, où elle avait dit que c’était un singe ? SB : Voilà, c’est fou. C’est du racisme pur et simple. TL : Comment expliquez vous que les débordements du Front national ont plus de retentissement médiatique que ceux des autres parti ? SB : C’est faux la seule différence avec le Front national c’est qu’on peut pas avoir d’un coté Marine Le Pen qui dit moi mon parti est niquel on n’a rien à se reprocher, on est comme tous les autres partis il n’y a pas de racisme, il n’y a pas de xénophobie, pas d’antisémitisme rien du tout et sauf qu’à coté on a des candidats aux municipales qui font tout le contraire de ce qu’elle dit. C’est juste le discours qui n’est pas cohérent avec la réalité. TL : C’est donc ça qui pose plus problème selon vous, elle veut montrer une image blanche alors que… SB : Sauf que la base militante, juste la base militante du FN reste la même que sous JeanMarie Le Pen et ça on le voit et c’est flagrant quand on va couvrir le défilé du 1er Mai. TL : L’an passé vous aviez couvert le premier mai, on voyait cette dame qui avait un saucisson au bout du drapeau, une image qui a bien fait parler SB : Bien choquante, j’étais la première choquée sur le moment. TL : Mais après, tous les militants ne sont pas comme ça au FN SB : Ils ne sont pas tous comme ça les militants du FN, mais ils sont, en fait, bah en fait ce qui est gênant dans la communication du Front national c’est qu’elle veut, c’est que Marine Le Pen, le front national veut faire croire que le parti est fréquentable. Que l’ensemble du parti est fréquentable, qu’elle a, en gros c’est ce qu’elle disait à un moment, qu’elle a fait du nettoyage. Mais ce n’est pas vrai, elle n’a pas fait du nettoyage dans le sens ou quand moi je vais couvrir le premier mai je vois toujours des mecs avec des tatouages nazis sur la tête, des crânes rasés comme on dit. La preuve, j’ai vu une dame avec un saucisson qui me dit « moi française » c’est du racisme pur et simple et malheureusement ça touche même les enfants. Ce qui m’avait choqué en plus ce premier mai là c’est que on voyait la différence par rapport à d’autres premiers mai, parce que j’en ai quand même couvert plusieurs. La différence avec ce premier mai là c’est que il y avait des familles entières et de plus en plus, du coup ça donne une bonne image, on a l’impression d’une sortie familiale, les gens ont envie de venir, c’est beau de voir ça de voir cette image là on se dit c’est beau. Mais quand on tend le micro et qu’on va voir par exemple la petite fille qui me dit quand je lui demande si elle connait un peu le discours de Marine Le Pen et qu’elle me dit «oui elle veut que tous les enfants noir partent de la France mais qu’elle n’a pas envie parce qu’elle a un petit copain qui est un peu marron et qu’elle l’aime bien, c’est que le discours va même chez, le discours raciste, parce que là c’est carrément raciste là, le discours raciste atteint les enfants et là c’est un problème. On ne peut pas dire que le parti est nickel quand on voit ça.
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TL : J’ai été dans le cortège du FN cette année, c’est sur que j’en ai entendu des discours comme ça, ainsi que des discours de la Manif Pour Tous, je me suis collé un peu aux journalistes qui posaient des questions, même moi je me suis fait un peu bousculé, car comme je prenais des notes, on me prenait pour un journaliste, donc on m’a traité de collabo, voilà j’ai eu le droit à tout ça. SB : Ça il y a une vrai défiance envers les journalistes. TL : Mais en dehors de ça j’en ai entendu des gens tenir ce discours mais je n’avais pas l’impression que c’était une majorité. C’est à dire que j’ai entendu beaucoup de gens, qui étaient contre l’Europe, beaucoup de gens qui étaient contre le gouvernement actuel, contre la politique et qui venaient manifester contre la politique en général, ils étaient plus là pour contester quelque chose, et du coup c’est vrai, j’ai vu un skinhead, j’ai vu deux trois extrémistes avec des discours la France aux français etc. mais je n’avais pas l’impression que c’était une généralité. Quand on regarde Le Petit Journal et qu’on voit le militant avec le tatouage SS, qu’on voit la dame avec son saucisson, bah moi avant d’y aller j’avais des à priori. Même les gens a qui je disais que j’y allais me disaient de faire attention à moi, c’est dangereux, il y a des nazis, et au final j’y suis allé comme j’allais à d’autres manifestations de d’autres partis, c’était un peu la même ferveur. SB : Sauf que dans ces défilés là on ne dit pas la France aux français, et on n’entend pas, bleu blanc rouge la France aux français. Mais moi ce que je fais quand je vais à ces défilés du premier mai, c’est que je vais interviewer toute sorte de personne. Parce qu’on va pas se dire, oui le petit journal c’est facile ils vont voir un mec tatoué ils vont dire c’est bon ils sont tous comme ça. TL : Donc vous ne ciblez pas à l’avance ? SB : Ah ba non, ba non. TL : C’est-à-dire que vous ne partez pas avec des apriori en vous disant il faut à tout prix pour ce soir qu’on trouve le militant avec le signe.. SB : Bah non ça on ne peut pas, ça on ne peut pas… TL : Mais vous vous en doutez un peu quand même que vous allez en trouver, parce qu’en cherchant bien même moi, en cherchant bien j’ai vu un skinhead. SB : Toi t’as cherché, moi je n’ai pas cherché. c'est-à-dire que moi quand j’arrive, je peux pas dire, le travail de journaliste on peut pas dire alors aujourd'hui, on ne va pas faire ses courses, quand j’arrive au premier mai je vois les jeunes, parce que c’est eux qu’on voit les plus actifs qu’on voit le plus. Si t’y allais dès le matin donc les jeunes sont déjà en rang et tout ça. Tu vois les jeunes tu entends le discours, tu te dis c’est les jeunes ils s’emballent un peu trop. Tu continues tu vois des familles, tu vas au hasard, tu vas voir la petite fille, du pur hasard, hop tu vas voir la petite fille elle te lâche ça.. TL : C’est un discours redondant que vous aviez l’impression d’entendre à chaque fois SB : C’est ça, plus t’avances, et plus t’as ça et c’est ça qui est gênant parce que tu as Marine Le Pen qui est sur la tribune et qui dit que non non moi je suis juste patriote il n’y a pas de mal à être patriote, tu vois. C’est en ça que c’est gênant, c’est que la la base militante du FN elle dit pas la même chose que l’élite du FN, que la direction.
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TL : M. Phillipot vous accuse de faire du militantisme, de stigmatiser de renvoyer à des stéréotypes du parti. SB : C’est très simple, c’est que la différence de traitement qu’on a entre le FN et les autres parti c’est qu’avec les autres parti on se permet de faire de temps en temps de l’ironie, voilà on va voir F.Holland ou Jean Francois Copé, on peut faire deux blagues avant, pas avec lui, moi je ne fais pas de blagues avec les politiques, mais dans le sujet on peut faire des blagues et après tu vas poser ta question, sois tu le met en difficulté, sois tu ne le met pas et tu poses ta question voilà. La différence avec Marine Le Pen c’est que, qu’on a avec le FN tout entier, c’est qu’on a décidé de ne pas rigoler. On s’est dit c’est un parti quand même assez dangereux il y a des discours qui ne sont pas du tout démocratique, on ne s’en tient qu’aux fait. TL : Donc il y a quand même cette volonté de montrer une image assez noire, enfin, l’image noire du parti ? SB : Non parce que si ils étaient niquel on montrerait que ce serait un parti nickel, c’est ça le truc, c’est que si Marine Le Pen bah elle était euh je sais pas moi si , en gros si il n’y avait rien qui dépassait du parti on ne peut rien dire, sauf que là il n’y a pas que nous qui le traitons, sauf que ça vrille de temps en temps, ça vrille même souvent pendant les municipales. Il n’y avait pas une semaine où il n’y avait pas un candidat qui faisait n’importe quoi, alors qu’ell!e au niveau national elle essaye de tenir son discours TL : Est-ce-que c’est pas du aussi à la sur médiatisation du FN. Quand un élu d’un autre parti va déborder, comme ça a été le cas pour un maire UMP qui a tenu des propos choquant sur les Roms, on ne va pas autant en parler que pour le FN
SB : Nous on les montre, on les montre. Je ne sais pas si tu avais suivi Nadine Morano juste après la présidentielle, elle était sortie de l’UMP et avait dit aux militants vous avez vu tous les drapeaux étranger qu’il y avait place de la bastille. Ça on le montre. Copé pareil il peut pas dire nous on n’a rien avoir avec le FN on ne fait pas d’alliances on a pas du tout le même discours et derrière on a Nadine Morano qui vrille un peu et puis quelques candidats pareil pendant les municipales qui s’allient avec le FN ça on le montre TL : En montrant ça, est ce qu’il n’y a pas une certaine légitimité donné aux idées du FN ? Parce que montrer l’UMP qui est un parti bien implanté, et le fait de montrer ça, de montrer que du coup l’UMP a tendance à aller vers l’extreme droite ou à s’allier avec l’extreme droite ne favorise pas les électeurs à tendre vers le FN ? SB : Oui mais on y peu rien nous TL : Mais est ce qu’au fond ce n’est pas dire aux militants ou sympathisants UMP, de leur dire nous maintenant on parle aussi du FN ? SB : Oui mais le truc c’est que ce n’est pas selon moi, ce n’est pas aux journalistes de dire aux gens pour qui il faut voter, TL : Mais votre rôle est important car vous renvoyez une image SB : Oui mais nous on n’a pas à dire pour qui il faut voter.
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TL : Oui c’est certain mais est ce que cela ne les amène pas implicitement, ça ne les induits pas à se dire, bon et bien au final comme on parle beaucoup du FN, on le rapproche de l’UMP SB : Mais les gens après sont pas cons, ils réfléchissent TL : Mais on se rend compte que les médias ont une certaine puissance, ne serait-ce qu’en voyant les résultats du premier tour des élections après que les médias aient parlé en continu de l’insécurité en France et ont ainsi favorisé la montée du FN SB : Sur ces sujets là il peut y avoir une responsabilité des journalistes, je suis d’accord avec toi. Mais on ne peu pas, moi qui couvre la politique, je ne peux pas me dire non je ne vais pas parler de ça parce que sinon l’électeur là va voter pour le FN, on ne peut pas me dire ça. Il faut juste que je dise il se passe ça, et je vais le montrer et ensuite c’est au téléspectateur de réfléchir et de se dire alors ça veut dire quoi, d’aller plus loin. C’est pour ça que nous on essaie de montrer les coulisses de chaque événement parce que dans chaque événement les coulisses ont encore plus de sens que le discours officiel et c’est comme ça qu’on peut aider les téléspectateurs à réfléchir par eux même. Le but c’est de donner les éléments. TL : En fait vous arrivez à un endroit, vous n’avez pas de sujet préparé, et vous vous dites, voila on va regarder ce qu’il se passe SB : bah non, tu ne peux pas anticiper ce qu’il va se passer TL : on voit par exemple que pour un sujet, lors d’un déplacement, on voit que tu as des notes avec dessus, « Marine la cougar » SB : Tout à fait TL : Donc il y avait une story board qui était faite à la base SB : Non, ce n’est pas un story board. En fait, quand tu prépares un sujet, le sujet c’était, Marine le Pen va a Henin Beaumont, j’avais lu les attaché de presse, et avec elle des jeunes candidats du FN moyenne d’âge 25 ans, entre 20 et 25ans, une femme quatre cinq jeunes de 20-25ans, tu sais qu’elle va faire le marcher, évidemment, l’image qui te vient c’est « Marine la cougar ». Moi ça me fait rire, du coup ce que j’ai fait c’est que je l’ai mis sur un carnet et je me suis dit peut être que je vais en faire un jingle même si on évite de faire de l’ironie à la base avec le FN. Tu te le note, ça ne veut pas dire que t’as séquencé ton sujet. Il y a une différence entre séquencer son sujet et, parce que en fin de compte je ne savais pas ce qui allait se passer, moi quand j’ai lu l’attaché de presse en plus j’appelle les attachés de presse pour savoir ce qui va se passer parce que tu vas pas couvrir un sujet comme ça, sans savoir le sujet tout ça, le mec au téléphone me dit Il y aura Marine Le Pen elle sera avec Steeve Briois candidat du Front national mais il y aura aussi cinq six jeunes, candidats aux municipales âgés de 20 à 25 ans et de la région nord pas de calais TL : A l’avance, vous vous dites que peut être que ça pourrait être sympa d’explorer, même avant d’y être, d’explorer ce filon. SB : Bah évidemment, tu te prépares un angle, tu te dis l’angle de Marine Le Pen entouré de ses mecs
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TL : Est ce que c’est un peu pareil quand vous êtes allée au défilé du premier mai, tu avais un angle et peut être que vous vous êtes dit qu’il fallait faire ressortir que les militants d’extreme droite ne sont pas si sein que Marine le pen le prétend. SB : Le truc c’est que le défilé du premier mai, ce n’est pas 5 personnes, donc tu ne peux pas savoir qui il y aura TL : mais vous pouvez les trouver SB : T’imagines le temps que je passerais, puis c’est compliqué au final et je serais fichu. Il y a d’autres médias qui travaillent et tu peux pas dire j’ai vu, je ne sais pas moi, en gros le mec tatoué que j’ai vu, les autres médias l’ont vu aussi, sauf qu’ils ont fait le choix de ne pas le diffuser. Les petites filles, moi j’ai vu un mec de France Inter, on discutait à un moment, et on se faisait la réflexion, t’as vu il y a plein de familles et tout ça, il me fait oui t’as discuté un peu avec eux et alors moi je dis oui et il me fait c’est hallucinant, on n’a même pas eu besoin de se dire ce qu’on avait, c’était marquant. TL : Parmi tous les interviews que vous avez fait à ce moment là, c’est quelque chose de récurent ? C’est a dire que vous avez choisi ces trois là à l’antenne, mais vous auriez pu en mettre un autre ça aurait été un peu près le même discours ? SB : oui d’ailleurs c’est assez marrant parce que à chaque fois que je vais au premier mai, je te jure que j’ai, vraiment, j’ai même pas besoin, en fait pour moi c’est le tournage le plus facile, je tend le micro, je dis bonjour vous êtes là pour quoi, premier mai journée du travail ? Il y en a toujours un pour te répondre Bah oui la journée des travailleurs Francais donc du coup, tu te dis qu’il y a un coté.. c’est le sujet le plus facile pour moi. TL : Pour les voeux a la presse on voit Yann Barthès dire que vous avez reçu un message de l’attaché de presse du FN est ce que c’est vous qui l’avez reçu ? SB : C’est un communiqué oui TL : C’est un communiqué qui est distribué à tous les journalistes ? SB : A toutes les rédactions, en fait ce qu’il se passe, comme Le Petit Journal ça fait longtemps qu’il existe, c’est que tu envoies ton adresse mail au Front national et tu dis j’aimerais être dans la mailing list du FN. Ça veut dire qu’à chaque fois que le FN organise un événement, une conférence de presse, et voilà, si tu veux demander une interview ou quoi, ça passe par ça. Donc dès qu’ils ont une info à envoyer aux rédactions, ils ont les adresses de toutes les rédactions française, et ça part. TL : Ils ne font pas le tri en fait SB : ah non. Nous on a reçu l’invitation, c’est bizarre du coup. TL : Vous vous attendiez à être interdite d’accès pour les voeux SB : Non TL Alors que c’était déjà arrivé en décembre, un mois plus tôt ? SB : La différence, c’est qu’en décembre c’était un meeting, là c’était une conférence de presse. C’est là la grosse différence. C’est que tu peux te dire là c’est un meeting, elle fait ce qu’elle veut, c’est son événement elle fait ce qu’elle veut, elle ne veut pas me faire entrer Page 59
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et bien je ne vais pas entrer. Heureusement il y a une petite solidarité avec les journalistes qui nous a permis d’assister à la conference de presse mais pas au meeting, et là je ne peux pas me battre car c’est son meeting, donc je ne peux rien faire. La différence avec les voeux à la presse, c’est que ce sont des voeux à la presse, toute la presse est invitée à entrer, que tu travailles pour Marianne ou pour Rivarol. Dès que tu as ta carte de presse, tu peux y entrer. C’est un parti politique, c’est le troisième parti de France. TL : Quand vous arrivez sur les lieux, vous allumez à quel moment la caméra ? SB : Là ce qu’il s’est passé c’est que je garais la voiture, on était un peu en retard j’ai dit à mon équipe allez-y avant moi le temps que je me gare vous n’aurez plus de place dans la salle. Eux n’ont pas la carte de presse car se sont des techniciens. Ils vont pour y entrer et ils se sont retrouvé bloqué. Moi j’arrive, et je vois qu’ils sont dehors. Je dis qu’est ce que vous faites dehors ? Et donc du coup ils me disent que apparemment on ne peut pas entrer nous, nous Le Petit Journal on ne peut pas entrer. moi j'ai ma carte de presse, que je travaille pour Le Petit Journal ou BFM TV j’ai ma carte de presse, donc je sonne, et là j’ai dit tu enregistres, car ce n’est juste pas normal, je sonne, et là le mec me dit vous n’entrez pas et là ça commence. Quand il y a une injustice, moi ça me rend dingue, ça me rend dingue et c’est pour ça que je dis à mes équipes de filmer, peut importe le parti politique, mais parce que ce n’est pas normal, ce n’est pas normal, vraiment pas normal. Je suis devenue dingue moi sur le moment parce que tu peux pas dire… TL : Vous ne vous êtes pas dit a ce moment là, on tient un truc ? SB : Non parce que c’est chiant, parce que à un moment tu veux faire ton travaille, t’es empêché de faire ton travaille, c’est le minimum d’assister à une conference de presse, de voeux à la presse et ça elle te l’interdit, elle te l’interdit juste parce qu’elle n’a pas envie. Parce qu’elle considère que t’es un militant politique alors que tu as ta carte de presse, ça c’est fou. Et moi ça j’aurais pu le faire pour n’importe quel parti politique. La différence c’est que les autres partis politique ne le font pas ça. Mélenchon me l’a fait en 2012 et on l’a montré parce que c'était inadmissible qu’il fasse ça. Je ne comprend pas, en fait c'est très simple, je ne comprend pas comment des personnalités politiques se permettent d’interdire des journalistes à des événements en gros de choisir quels journalistes ils font entrer ou pas. Toi t’es sympa je te laisse entrer mais toi non puis toi j’aime pas comment tu as fait le sujet sur moi la dernière fois, c’est fou ça. TL : Quand Yann Barthès parle du parti, on le voit se reculer sur sa chaise et faire les guillemets avec ses doigts pour dire parti comme les autres, il y a une envie de se détacher ? SB : De se détacher du discours de Marine Le Pen, parce que Marine Le Pen dit on est un parti comme les autres on est fréquentable, on est comme les autres on veut être traité comme les autres. On vit nous même, on vit des situations qui nous amène à nous dire que ce n’est pas un parti comme les autres. nous on voit bien la différence entre le Front national et les autres partis. Yann ne peut pas dire avec sa bouche oui le front national est un parti comme les autres avec tout ce que l’on vit ce n’est pas possible. TL : Pour revenir à la quenelle de YB, pourquoi ils ont abordé le sujet ? SB : Bah ça c’est marrant parce que en fait ils nous ont refoulé des voeux, ils ont prit la voiture pour aller dans un restaurant juste à coté et donc du coup évidemment on y va,et il y a Julien Rochdy qui arrive à pieds et là je lui parle, je lui dit est ce que ne pas faire entrer le petit journal à la conférence de presse c’est de la censure ? Le mec me dit non, il évite les questions et entre dans le restaurant. Évidemment il prévient tout le monde. Et pourPage 60
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quoi on sait qu’ils ont tout prévu, c’est parce que quand ils sortent, le premier à sortir c’est Louis Alliot et il avait écrit sur sa serviette de table non a la quenelle de Yann Barthès. Il est venu et l’a mis directement devant la camera. À ce moment là j’ai dit à mon cadreur, on n’est pas là pour lui servir la soupe, il a préparé son truc. Ils avaient préparé leur coup, c’était de créer cette cacophonie pour pas que je puisse en placer une. TL : Vous n’avez pas eu la réponse à votre question. Seule Marine Le Pen ne s’est pas prêtée au jeu et vous a ignoré. SB : Mais Marine Le Pen a une technique pour ne pas, parce qu’elle a décidé de ne plus me répondre et sa technique c’est que son agent de sécurité derrière lui donne son téléphone pour faire croire qu’elle est en ligne. Quand elle nous voit au loin, le mec lui donne son téléphone. Pour pas montrer qu’elle est arrogante elle fait genre je suis en ligne. TL : Et du coup on voit que Yann Barthès au retour plateau ne prononce pas le mot quenelle, est ce une manière de se détacher ? SB : Parce que la photo quand il l’a fait, il voulait être sympa, et ça lui retombe dessus. Ça créé un polémique et quand tu vois que le FN s’en sert, là c’est pénible, du coup il prend un maximum de distance et il dit je ne vais pas rentrer dans leur jeu et par contre je vais montrer que eux ils ne sont pas corrects qu’ils évitent nos questions pour parler de quenelle etc. Ils ont l’air ridicule. J’étais choqué parce que ce sont des hommes qui sont à la tête d’un parti politique. Ayant vécu la situation, je me suis dit ils sont fou de faire ça. Nous on a tout montré, on est transparent. On ne peut pas faire la leçon au FN qui cache des choses etc et ne pas se l’appliquer. En fait je me posais plein de questions. Quand tu ressors de séquences comme celle-ci tu te poses plein de questions parce que tu dis, mais qu’est ce qu’ils ont voulu faire, pourquoi ils ont fait ça, pourquoi ils sont six ou sept, pourquoi il n’y en a pas un qui me prend et qui me dit non écoutez ce n’est pas de la censure, ça aurait été beaucoup plus malin. Si Marine Le Pen s’était arrêtée en disant, écoutez mademoiselle, ce n’est pas de la censure laissez moi tranquille j’ai pas envie de vous parler, si elle avait dit juste ça je n’aurais rien pu faire, j’ai beau reposer ma question 15 fois , elle m’aurait répondu point final. TL : Vous avez des reproches à faire à certains journalistes sur la manière dont ils traitent le FN ? SB : Je n’ai pas de reproches à faire, chacun à ses raisons. Quand je traite le front national, et la manière dont je le fais, j’ai mes raisons. Nous notre but c’est de montrer que malgrés le discours officiel du FN, il reste des choses qui ne sont pas normale qui font que ce n’est pas un parti traditionnel. TL : Mais le parti a changé par rapport à avant ? SB : Bien sur, c’est l’image qui a changé, c’est la communication, mais les valeurs restent les mêmes. Le but de la dédiabolisation c’est que les gens adherent, le tout reposant sur une certaine misère sociale. Nous on essaye de tenir aux faits, quand elles donnent des chiffres on est là pour dire que ce n’est pas vrai. Son discours ne va pas avec ce qu’elle promet, avec la réalité. Par exemple pendant le défilé un mec a donné un coup à mon cadreur, c’était un jeune, et le mec lui a dit t’es en train de filmer une fille qui a volé le travail à une française. Un autre un mec qui a voulu être sympa avec moi, je lui dit selon vous qu’est ce qu’il faut changer, le sujet est large, il y a 10 000 possibilités de réponses, c’est archi ouvert et là le mec te dis, les étrangers. Là tu dis, le problème ce n’est pas que les étrangers il y a d’autres Page 61
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problèmes en France. Il me dit mais vous ne vous rendez pas compte, ils volent le travail des français, ils perçoivent des prestations sociales alors que nous on est entrain de galérer, ils viennent comme ça et profites de la France. Il a voulu être sympa avec moi et il me dit mais bon cous ça va. Et là je le regarde et je fais comment ça moi ça va ? Et il me fait oui vous ça va vous avez l’air intégrée.
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Annexe 3 Tableau récapitulatif des invités de l’émission Des paroles et des actes diffusé sur France 2 du 21 février 2013 au 10 avril 2014. Date de l'emission
Nom de l'invité
Secteur d'activité
Fonction
Parti
10 avril 2014 : Marine Le Pen
Marine le Pen
Politique
Présidente du FN, conseillère régionale nord pas de calais, députée européenne.
Front national, extrême droite
Alain Lamassoure
Politique
Député européen
Ump
Yann Galut
Politique
Député de la PS 3ème circonscription du Cher, Porte parole de la gauche forte.
Mourad Boudjellal
Sport
Président du rugby club toulonnais
Jean Claude volot
Groupe d'intérêt, militantisme
Conseiller de pierre Gattaz, président du MEDEF
Jean Pierre Mercier
Groupe d'intérêt, militantisme
Délégué syndical CGT
Nathalie SaintCricq
Expertise
Journaliste politique
Jeff Wittenberg
Expertise
Expert politique
François lenglet
Expertise
Journaliste economique
Anne Fulda
Reporter au figaro
Hervé gattegno
Rédacteur en chef de vanité faire et éditorialiste RMC.
28 mars 2014 : Michel Sapin
Politique
Ministre du travail
Autre
Délégué général d'IPSOS.
MEDEF
PS
Spécial Municipales Brice Teinturier
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Date de l'emission
Nom de l'invité
Secteur d'activité
Thomas Latragna
Fonction
Parti
Laurent Wauquiez Politique
Vice président, député et maire UMP
UMP
Roselyne Bachelot
Politique / Autre
Ancienne ministre, chroniqueuse télé
UMP
Édouard Martin
politique, Groupe d'intérêt, militantisme
Ancien syndicaliste, candidat aux élections européennes.
PS
Julian Bugier
Journaliste
Journaliste pour France 2
Alexandre Jardin
Ecrivain
Co-fondateur du mouvement BleuBlanc-Zèbre
Jean-Pierre Le Goff
autre
Sociologue au CNRS
Salah Amokrane
Groupe d'intérêt, militantisme
Association Tactikollectif
Matthieu Pigasse
Banquier de la gauche
Directeur général de la banque Lazard
Paolo Lévi
Autre
Correspondant ANSA (association nationale des sociétés par action)
Jean-Louis Bourlanges
politique et essayiste
Ancien député européen
UDF centre droit
Manuel Vall
Politique
Ministre de l'intérieur
PS
Xavier Raufer
Criminologue
Eric Ciotti
Politique
Député ump
Ump
Samira Guerrouj
Groupe d'intérêt, militantisme
Fondatrice de l'association ACLEFEU
Alain Finkielkraut
Philosophe, écrivain, essayiste et académicien
François Langlet
06 février 2014 : Manuel Valls
Gauche
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Date de l'emission
Droit de réponse
16 Janvier 2014 : suite à la conférence de presse du 14 janvier. "Où va FH?"
Droit de réponse
28 Novembre 2013
Thomas Latragna
Nom de l'invité
Secteur d'activité
Fonction
Parti
Florian Philippot
Politique
Vice président du FN
FN
Nathalie SaintCricq
Expertise
François Langlet
Expertise
Alba ventura
Éditorialiste RTL
Jeff wittenberg
Chroniqueur
Franz Olivier Giesber
Directeur du magazine le point.
Michel sapin
Politique
Ministre du trvail
PS
Stéphane le Foll
Politique
Ministre de l'agriculture
PS
Michel Édouard Leclerc
Homme daffaire
PDG E.Leclerc
Laurent berger
Groupe d'intérêt, militantiste
Secrétaire général de la CFDT
Catherine Barthelemy
Manutention
PDG de Manuloc
Olivier Besancenot
Politique
Porte Parole NPA
NPA (Nouveau parti anti capitaliste)
Henri Guaino
Politique
Député Ump
UMP
Franz Olivier Giesbert
Expertise
François Langlet
Expertise
Nathalie saint cricq
Expertise
Christophe barbier
Directeur de la rédaction de l'express
Angela diffley
Journaliste britannique a RFI
Pierre Moscovici
Politique
Ministre de l'économie
PS
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Date de l'emission
Droit de réponse
10 octobre 2013
Nom de l'invité
Secteur d'activité
Fonction
Parti
Arnaud Montebourg
Politique
ministre du redressement productif
PS
Valérie Pecresse
Politique
Députée UMP
UMP
Denis Payre
Autre
Entrepreneur
Nathalie saint cricq
Expertise
François Langlet
Expertise
Thomas legrand
Editorialiste
Éditorialiste France inter
Guillaume roquette
Directeur de la rédaction du figaro magazine
Michaela Wiegel
Frankfurter Allgemeine
Jean François Copé
Politique
Isabelle Maurer
Jeudi 5 septembre 2013
Thomas Latragna
Président UMP
UMP
Demandeuse d'emploi
Najat Vallaud Belkacem
Politique
Porte parole du gouvernement
PS
Nathalie saint cricq
Expertise
Jeff wittenberg
Expertise
François Langlet
Expertise
Christiane Taubira
Politique
Ministre de la justice
PS
Christian Estrosi
Politique
Député maire UMP
UMP
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Date de l'emission
Nom de l'invité
Secteur d'activité
Thomas Latragna
Fonction
Parti
Dame à l’identité cachée. Sa fille a été agressée et en est restée dans le coma plusieurs jours.
droit de reponse
Jeudi 6 juin 2013
Droit de réponse : examinateurs
25 avril 2013 (record d'audience)
Nathalie saint cricq
Expertise
Dominique verdeilhan
Expertise
Jeff wittenberg
Expertise
Françoise fressoz
Expertise
FOG
Expertise
François Fillon
Politique
Nathalie saint cricq
Expertise
François langlet
Expertise
Jeff wittenberg
Expertise
Bernard Cazeneuve
Éditorialiste journal le monde
Député ump ancien premier ministre
ump
Politique
Ministre du budget
PS
Hélène jouan
Expertise
Rédactrice des magazines d'info de France inter
FOG
Expertise
Jean Luc Melenchon
Politique
Président du Front de gauche, député européen.
FDG
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Date de l'emission
Droit de suite
Nom de l'invité
Secteur d'activité
Nathalie Saint Cricq
Expertise
François Lenglet
Expertise
Jacques Attali
Économiste, écrivain, haut fonctionnaire français
Jeff wittenberg
Expertise
Benoist apparu
Politique
Helene jouan
Expertise
Guillaume roquette
Expertise
Paolo Lévi
Jeudi 21 février 2013
Thomas Latragna
Fonction
Parti
Homme de gauche
Député Ump
UMP
Correspondant à Paris de l'agence de presse ANSA (italien)
Marine Le Pen
Politique
ŃATHALIE ST Cricq
Expertise
François lenglet
Expertise
Malek boutih
Politique
Jeff wintenberg
Expertise
Bruno Lemaire
Politique
Présidente du FN et députée européenne
FN
Député de l'Essonne et e. Président de SOS racisme.
PS
Ancien ministre, député
UMP
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Les médias et le Front national : Relations et cadrages.
Date de l'emission
Nom de l'invité
Secteur d'activité
Droit de suite
Hélène jouan
Expertise
Thomas Latragna
Fonction
Nicolas demorant
Directeur de liberation
Stefan Braendle
Correspondant à paris de la Berliner Zeitung
Parti
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Les médias et le Front national : Relations et cadrages.
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Annexe 4 Reportage sur le défilé Front national du 1er Mai 2014
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Source et Bibliographie Sources
Entretiens originaux : Vice Président du Front national chargé de la stratégie de communication : Florian Philippot, réalisé le 29 avril 2014 à Paris. Militant Front national : Anonyme, réalisé le 1er mai 2014 à Paris. Journaliste de l’émission Le Petit Journal diffusé sur Canal + : Salhia Brakhlia, réalisé le 11 mai 2014 à Paris.
Extraits d’émissions consultés à partir des archives de l’INA, disponible sur le site www.ina.fr : « Le Journal », Antenne 2, 5 septembre 1983. « L’Heure de Vérité », Antenne 2, 13 février 1984 « L’Heure de Vérité », Antenne 2, 16 octobre 1985. « L’Heure de Vérité », Antenne 2, 27 janvier 1988. « L’Heure de Vérité », Antenne 2, 13 novembre 1994. « IT1 Nuit », TF1, 15 janvier 1982. Extraits d’émissions consultés en vidéo à la demande : www.canalplus.fr : « Salut les terriens », Canal +, 13 octobre 2013. « Salut les terriens », Canal +, 14 février 2014. « Le Petit Journal », Canal +, 1er mai 2013. « Le Petit Journal », Canal +, 8 septembre 2013. « Le Petit Journal », Canal +, 2 décembre 2013. « Le Petit Journal », Canal +, 8 janvier 2014. « Le Petit Journal », Canal +, 17 avril 2014. www.pluzz.fr : « Des Paroles et des actes », France 2, 23 février 2012. Page 73
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« Des Paroles et des actes », France 2, 21 février 2013. « Des Paroles et des actes », France 2, 21 avril 2013 « Des Paroles et des actes », France 2, 6 juin 2013. « Des Paroles et des actes », France 2, 5 septembre 2013. « Des Paroles et des actes », France 2, 10 octobre 2013. « Des Paroles et des actes », France 2, 28 novembre 2013. « Des Paroles et des actes », France 2, 16 janvier 2014. « Des Paroles et des actes », France 2, 6 février 2014. « Des Paroles et des actes », France 2, 28 mars 2014. « Des Paroles et des actes », France 2, 10 avril 2014. www.bfmtv.fr : « Bourdin direct », BFM TV, 7 avril 2014. www.lci.fr / www.rtl.fr : « Le débat du grand jury », LCI, 23 février 2014.
Extrait Radio-phonique : « Le grand direct des médias », Europe 1, 26 mai 2014 Articles de Presse « Le Front national expliqué à mon père », Charlie Hebdo, Hors Série, Janvier 2014. Mahrane Saïd « Le Pen raconte Mitterrand », Le Point, 28 Octobre 2011 Poivre d’Arvor, Patrick, « Tuons le messager du malheur », Le Monde, 16 mai 2002. Rosso Romain, « Derrière le discours, le programme », L’Express, 2 mai 2002.
Discours Mitterand, François « Le Journal », Mitterrand à Orléans pour les fêtes de Jeanne d’Arc, Antenne 2, 9 mai 1982. Enquête IPSOS-STERIA, Fractures françaises, janvier 2014 : http://www.ipsos.fr/ipsos-public-affairs/ actualites/2014-01-21-nouvelles-fractures-francaises-resultats-et-analyse-l-enquete-ipsos-steria Page 74
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Baromètre TNS-Sofres, Image du Front national, février 2014 : http://www.tns-sofres.com/etudes-etpoints-de-vue/barometre-2014-dimage-du-front-national Chiffres du CSA, Relevés des temps d’intervention des personnalités politiques hors campagnes électorales : http://www.csa.fr/csapluralisme/tableau?annee=2000 Chiffres du CSA : Temps de parole sur les chaines d’information, du 10 février au 14 mars 2014. Communiqué du CSA : Municipales : le CSA rappelle à l’ordre BFM TV sur la répartition des temps de parole : http://www.csa.fr/Espace-Presse/Communiques-de-presse/Municipales-le-CSA-rappelle-al-ordre-BFM-TV-sur-la-repartition-des-temps-de-parole
Bibliographie
Ouvrages : Jacques Le Bohec, Sociologie du phénomène Le Pen, 2005. Jacques Le Bohec, Les interactions entre les journalistes et le phénomène Le Pen, vol. 2, Paris, L’Harmattan, 2004. Le Bohec Jacques, L’implication des journalistes dans le phénomène Le Pen, vol.1, Paris, L’Harmattan, 2004. Serge Halimi, Les nouveaux chiens de garde, 2005. Michel Wieviorka, Le Front National, entre extrémisme, populisme et démocratie, Maison des sciences de l’Homme, 2013. Patrick Amey, Pierre Leroux, L’échange politique à la télévision : Interviews, débats et divertissements politiques, L’Harmattan, 2012. François Jost, Introduction à l’analyse de la télévision, éd. Ellipses, 2007. J.-P Stirbois, Tonnerre de Dreux, l’avenir nous appartient, éd. National Hebdo, 1988. E. Faux, T. Legrand, G. Perrez, Plumes de l’ombre, les nègres des hommes politiques, éd. Ramsay, 1991. E. Faux, T. Legrand, G. Perrez, La main droite de Dieu : Enquête sur Francois Mitterand et l’extrême droite, éd. Seuil, 1994. R.-G. Schwartzenberg, L’Etat spectacle. Essai sur les stars du système politique, Flammarion, 1977. Rémy Rieffel, L’élite des journalistes, les hérauts de l’information, Paris, PUF, 1984. Pascal Perrineau, Le Symptôme Le Pen, Radiographie des électeurs du Front National, Paris, Fayard, 1998. Caroline Monnot, Abel Mestre, Le système Le Pen, enquête sur les réseaux du Front national, Denoël, 2011.
Revues : Patrick Amey, Mise en scène des débats télévisés vers une socio-semiopolitique des plateaux de télévision, Questions de communication, 2007. Guy Lochard, Le traitement humoristique des personnalités politiques dans les Talk- Shows français, Questions de communication, 2008. Jean-Claude Soulages, Les rhétoriques télévisuelles. Le formatage du réel, Questions de communication, 2007
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