Université Paris 1 Panthéon Sorbonne UFR 04 – Métiers des Arts et de la Culture
Mémoire professionnel ERDA / Accentus (75)
M1 Professionnel Métiers des Arts et de la Culture Juin 2013
Médias et nouvelles technologies : des outils modernes pour la démocratisation de la musique classique
Thomas Meugnot
Tuteur universitaire : Philippe Barthélémy, Maître de conférences associé Maître de stage : Marie Chantal Juglar-Escolle, Chargée de mission Insula orchestra 1
PREAMBULE Etrange acte que d'écrire ces lignes, qui introduisent ces pages alors qu'il s'agit bien des dernières que l'on rédige... Ce mémoire s'inscrit dans la continuité de mon action au sein de l'association ERDA/Accentus où j'ai pu oeuvré à la conception et mise en œuvre d'actions culturelles et pédagogiques pendant presque un an. Sur le terrain, de nombreuses interrogations naissaient : comment penser la démocratisation culturelle, quels objectifs lui donner, quels moyens apporter, comment évaluer les actions menées en ce sens ? Les pages qui suivent sont le fruit de cette longue réflexion et de sa confrontation à l'épreuve de la réalité. Leur rédaction s'inscrit dans une démarche visant à lier parcours universitaire et professionnel, pour se nourrir des apports théoriques du premier et des expériences concrètes du second. Le format court de ce travail m'a imposé un angle d'attaque précis et original : celui des outils du numérique. Il m'aura été inspiré à la suite d'un projet mené en novembre dernier pour la naissance d'Insula orchestra, nouvelle entité au sein d'ERDA/Accentus, et qui offre des moyens supplémentaires pour la mise en œuvre de ces actions grâce au soutien du Conseil Général des Hauts-de-Seine. S'il ne peut se prétendre exhaustif, ce mémoire se propose néanmoins d'être le distillat d'une année d'échanges et de recherches autour de l'utilisation de ces nouveaux outils, pratiques culturelles à part entière, au service de la démocratisation dans un domaine précis : celui des musiques savantes. Merci à tous ceux ayant rendu possible sa réalisation : Philippe Barthélémy, pour son suivi attentif ; Marie Chantal Juglar-Escolle, pour sa bienveillance et nos échanges tout au long de l'année ; Alice de Monfreid, pour l'initiation des projets que nous aurons portés comme héritage ; et enfin, Laurence Equilbey, chef d'orchestre et personnalité artistique d'envergure, dont le travail en faveur du décloisonnement des genres et des disciplines reste une grande source d'inspiration pour moi, tant humaine que professionnelle.
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RESUME DU MEMOIRE PROFESSIONNEL Ce mémoire se présente en deux parties distinctes. Dans un premier temps, nous reviendrons sur ma mission au sein de l'association ERDA/Accentus en tant que coordinateur action culturelle depuis septembre 2012, en présentant la structure d'accueil, ma fonction et les tâches réalisées, et en évaluant mon expérience et mes acquis professionnels au cours de cette durée. Directement en lien avec cette mission, une deuxième partie plus problématique visera à étudier le développement de nouveaux outils liés aux technologies numériques en faveur des interventions pédagogiques et culturelles et plus globalement, des actions en faveur de la sensibilisation à la musique classique et de sa démocratisation. Enfin, nous conclurons par une réflexion plus large sur la poursuite de ces initiatives et la confrontation entre leurs intentions et la réalité effective du terrain.
➢ nombre de signes : 102 622 ➢ nombre de pages hors annexes : 42 ➢ mon expérience en 10 mots clés : ateliers, contenus, musique, politique, financements, réflexivité, mécénat, social, animation, pédagogie. ➢ les outils du numérique et la démocratisation de la musique classique en 5 mots clés : sensibilisation, publics, répertoire, modernité, adaptation.
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SOMMAIRE PREAMBULE.....................................................................................................................................2 RESUME DU MEMOIRE PROFESSIONNEL.............................................................................. 3 PARTIE 1 : LA MISSION................................................................................................................. 5 1. Présentation de la structure d'accueil................................................................................................5 2. Fiche de poste................................................................................................................................... 7 3. Les expériences de la mission.......................................................................................................... 8 PARTIE 2 : PROBLEMATIQUE................................................................................................... 10 Introduction........................................................................................................................................ 10 Partie 1 : Les enjeux du marché..........................................................................................................11 1. Etat des lieux du marché de la musique classique en France : création, distribution.........11 1. L'organisation du marché de la musique classique enregistrée......................................... 11 2. La production discographique en France......................................................................... 12 3. La distribution matérielle en France................................................................................. 13 4. La distribution numérique en France................................................................................ 15
2. Les concerts de musique classique en France.....................................................................18 3. Définir le public de la musique classique à l'ère du numérique.........................................20 1. Une pratique culturelle élitaire......................................................................................... 20 2. La révolution numérique et la consommation de la musique classique............................. 22 3. Le non-public et les enjeux de la démocratisation culturelle.............................................22
Partie 2 : Les usages du numérique au service du classique.............................................................. 25 1. De nouveaux canaux de diffusion pour les concerts...........................................................25 1. Les prémices : l'opéra au cinéma...................................................................................... 25 2. Le video streaming : du site vitrine au site interactif........................................................26
2. De nouveaux outils pour développer les publics................................................................ 28 1. De nouvelles techniques de communication...................................................................... 28 2. Vers la redéfinition de l'expérience du concert.................................................................. 31 3. Vers une logique sensationnelle........................................................................................ 33
3. De nouveaux outils pour l'action culturelle........................................................................ 34 1. Des outils pédagogiques en ligne...................................................................................... 34 2. Des interfaces adaptées à chaque public.......................................................................... 35
Conclusion.......................................................................................................................................... 37 CONCLUSION GENERALE..........................................................................................................38 BIBLIOGRAPHIE........................................................................................................................... 40 4
PARTIE 1 : LA MISSION 1. Présentation de la structure d'accueil L'association type loi 1901 ERDA/Accentus (pour Education Recherche et Développement Artistique) est née en 2006 ; ce pôle regroupait encore l'an dernier trois entités préexistantes : le choeur de chambre Accentus, le département supérieur pour jeunes chanteurs/le jeune choeur de Paris du Conservatoire à Rayonnement Régional, et le programme européen Tenso. En 2012 s'y est adjointe une quatrième phalange, l'orchestre Insula orchestra. Accentus est un ensemble vocal professionnel fondé en 1991 par Laurence Equilbey, interprétant les grandes œuvres du répertoire mais aussi investi dans la création contemporaine. Partenaire privilégié de la Cité de la Musique, il est en résidence à l'Opéra de Rouen HauteNormandie depuis 2008 et est en compagnonnage artistique avec l'Orchestre de Chambre de Paris. Il est nitiateur et membre de la FEVIS (Fédération des Ensembles Vocaux et Instrumentaux Spécialisés), créée en 1999 et qui réunit les plus grands ensembles français. L'ensemble a collaboré avec de grands chefs et orchestres prestigieux (Pierre Boulez, Christoph Eschenbach, l'Ensemble Intercontemporain, le Concerto Köln, l'Akademie für Alte Musik de Berlin...) ; ses enregistrements, réalisés exclusivement pour le label Naïve, ont été salués par la critique (Choc de Classica, nomination aux Grammy Awards en 2004). Il a été récompensé plus largement par le prix Liliane Béttencourt pour le Chant Choral en 1995 ou en tant qu'Ensemble de l'année aux Victoires de la Musique en 2002, 2005 et 2008. Le département supérieur pour jeunes chanteurs, aussi appelé « jeune choeur de Paris », fait partie du CRR de Paris et a été fondé par Laurence Equilbey en 2002. Il vise à soutenir la création en assurant la formation diplômante et professionnelle d'une quarantaine de chanteurs. Cet ensemble a eu son lot de collaborations prestigieuses (notamment avec l'Atelier Lyrique de l'Opéra de Paris pour la production Orphée et Eurydice en 2012, sur une chorégraphie de Pina Bausch, ou avec Geoffroy Jourdain, qui dirige les Cris de Paris). Preuve de sa légitimité, le Jeune Choeur a reçu en 2008 le prix Liliane Béttencourt pour le Chant Choral. Laurence Equilbey continue d'assurer la coordination artistique et pédagogique du département ; sa direction musicale a été confiée à deux jeunes chefs, Henri Chalet et Olivier
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Bardot. ERDA/Accentus gère la production des concerts « hors les murs » du jeune choeur de Paris. Ces deux entités sont financées par le Ministère de la Culture et de la Communication via la Direction Régionale des Affaires Culturelles d'Île-de-France, la Ville de Paris et le Conseil Régional d'Île-de-France ; Accentus reçoit également le soutien de la SACEM et d'un cercle de mécènes privés. Tenso constitue depuis 2004 un programme européen de recherche et de coopération réunissant plusieurs choeurs, et travaillant au développement et à la diffusion des œuvres du répertoire patrimonial par l'animation de colloques, de workshops, de concerts, de publications et d'un site internet. Il soutient la création en ce sens où il fait collaborer différents acteurs (ensembles vocaux, compositeurs, instituteurs de recherche, centres de formation, institutions du spectacle vivant et professionnels de l'édition). Tenso regroupe un dispositif important de diffusion, notamment avec les Tenso Days (en septembre 2013 à Marseille), festival où le public peut découvrir ces œuvres et de nouvelles créations contemporaines. Tenso est financé par le programme européen de soutien à la culture. Insula orchestra, enfin, est né du désir artistique de Laurence Equilbey de diriger son propre orchestre autour de programmes explorant le répertoire pré-romantique (des années 1750 à 1820), en interprétant majoritairement les œuvres de Mozart, Schubert ou Haydn sur des instruments anciens. Sa première production a eu lieu en novembre 2012. Ce projet a été rendu possible grâce au soutien du Conseil Général des Hauts-de-Seine, qui finance le projet à la fois dans sa mise en œuvre et la diffusion de ses concerts, avec un accent principal mis sur le développement des actions culturelles et pédagogiques. La Ville de Boulogne-Billancourt participe à ce soutien, et la salle du Carré Bellefeuille accueille l'ensemble en résidence. Le Mécénat Musical Société Générale est également un contributeur important, après avoir longtemps supporté le choeur de chambre Accentus jusqu'au terme de sa convention de partenariat fin 2012. Regroupement de ces quatre entités, ERDA/Accentus veut donc contribuer au rayonnement de l'art musical (et plus particulièrement vocal) à travers la création (une quinzaine de productions chaque année), l'éducation (actions pédagogiques et culturelles, formation professionnelle) et la recherche. Grâce au rayonnement de Laurence Equilbey, éminente personnalité artistique (récompensée plusieurs fois), Accentus et maintenant Insula orchestra font partie des figures d'excellence dans leurs domaines respectifs.
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Parallèlement, dans un contexte économiquement difficile avec des subventions réduites, l'association bénéficie d'une relative bonne santé et du maintien de son activité. Après quelques années difficiles liées à une mauvaise gestion et une restructuration mal maîtrisée, la structure a retrouvé un certain équilibre budgétaire, notamment en trouvant de nouveaux partenaires privés et en développant ses ressources propres (location des espaces de répétition par exemple). Pour gérer l'ensemble de son activité, l'équipe, essentiellement féminine, se constitue de dix permanents : •
une directrice artistique et musicale
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un administrateur général
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une déléguée artistique
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une administratrice de production
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une administratrice adjointe, en charge de la communication et des partenariats
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un coordinateur artistique
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une chargée de mission Insula orchestra
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un coordinateur action culturelle
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une comptable
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un assistant général Ce à quoi il faut ajouter une attachée de presse chez Naïve et un chargé de production rattaché
au CRR de Paris (poste actuellement en cours de restructuration). Le siège social d'ERDA/Accentus est situé à Paris, dans le dixième arrondissement, où l'association bénéficie de ses propres locaux de répétition.
2. Fiche de poste Engagé en Contrat à Durée Déterminée de septembre 2012 à août 2013, à la suite d'un stage de trois mois en tant qu'assistant de production, je me suis vu confié la coordination des actions culturelles et pédagogiques entreprises par le choeur et l'orchestre à la suite d'un développement important de l'activité – traduit par une multiplication par 5 du budget dédié. Mes missions principales concernent notamment la conception, la mise en œuvre et le suivi de ces projets à travers différentes tâches : la préparation des éléments administratifs (contrats d'engagement des artistes, plannings, autorisations diverses, dossiers de production) ; la saisie des 7
données comptables (paies) et le suivi budgétaire ; la coordination logistique ; la réalisation du dispositif pédagogique (matériel artistique, site internet, dossiers d'oeuvres) ; la rédaction des dossiers à l'attention de nos partenaires institutionnels (Direction des Affaires Culturelles, Conseils Généraux, Mairies) et privés (mécènes confirmés et potentiels). Il s'agit donc d'un travail administratif important mais également d'un suivi sur le terrain des ateliers et projets menés. Sous la direction de la chargée de mission Insula orchestra, et en référence directe à l'administrateur général et son adjointe, je devais mettre en place ces dispositifs de taille diverse de manière autonome. Ma responsabilité n'intervenait qu'en second lieu, les initiatives et prises de contact avec nos partenaires sociaux et culturels étant assumées par la chargée de mission. Au fur et à mesure de mon expérience, j'ai néanmoins noté une plus large liberté dans ma manière de travailler et une certaine confiance de mes supérieurs hiérarchiques quant à mes compétences de gestion de ces projets. Présent à hauteur d'environ 21 heures hebdomadaires de septembre 2012 à avril 2013, j'ai occupé mes fonctions à temps plein pour les trois derniers mois une fois libéré de toute obligation universitaire. Le rythme d'activité pour les actions culturelles diminuant dès cette période malgré la préparation des interventions de la saison prochaine, j'ai également pris en charge la production de concerts pour le jeune choeur de Paris et assisté pour la mise en œuvre de ceux d'Accentus et d'Insula orchestra, en assurant leur suivi technique et logistique et la rédaction des feuilles de route. Ces missions incluaient notamment ma présence au siège social de l'association et mon déplacement sur les lieux d'interventions, de répétitions et de concerts (principalement en Île-deFrance).
3. Les expériences de la mission
Longtemps intéressé par les actions culturelles car conscient des enjeux de la transmission artistique pour sensibiliser le non public et les spectateurs de demain, j'ai pu vivre à travers cette expérience le rôle important du politique dans la conduite de tels projets. L'orientation de ces actions dépend ainsi largement de ceux qui la financent et de leurs préoccupations premières, contrairement à l'artistique par exemple, beaucoup plus libre. Tout l'intérêt était donc de proposer pour la nouvelle saison des projets novateurs conciliant ces publics cibles, la réalité budgétaire et nos idées en terme de conception de projets. Un travail important de communication auprès de nos partenaires a ainsi été mené pour plusieurs raisons : rendre compte de l'utilisation des subventions accordées ; légitimer le développement d'ateliers 8
essentiellement tournés vers la pratique vocale quand le budget visait à financer un orchestre ; mettre en avant l'image d'Insula orchestra, nouvelle entité, pour son rayonnement et capter de nouveaux publics sur le territoire des Hauts-de-Seine. Cette expérience aura également été forte en terme d'acquisition de compétences : prospection de nouveaux partenaires, développement d'outils numériques (vidéos, site internet), démarchage des lieux d'intervention, présentation du projet artistique et définition de celui culturel d'Insula orchestra. La gestion de projets de taille réduite (un à quatre intervenants pour une trentaine de participants) m'aura permis d'apprendre de manière autonome et sereine, jusqu'à maîtriser des parcours avec plus d'enjeux (jusqu'à 140 choristes amateurs sur un concert). Toujours interpellé par ces problématiques culturelles, je souhaite aujourd'hui me concentrer sur des productions de plus grande ampleur, avec une logistique plus complexe et aux véritables enjeux artistiques. Pour cela, je dois encore consolider mes compétences dans les domaines administratifs, juridiques et gestionnaires.
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PARTIE 2 : PROBLEMATIQUE Introduction Comment entend-on la musique classique aujourd'hui ? Historiquement, les avancées technologiques ont toujours bénéficié à sa diffusion. Avant l'apparition des systèmes d'enregistrement et de reproduction du signal sonore, le mélomane n'avait pas d'autre choix que de se rendre au concert. L'arrivée du compact disc dans les années 1980 a marqué, lui, celui d'une évolution sans précédent pour la qualité sonore. A cet égard, l'explosion du marché du disque classique s'est expliquée par le renouvellement des discothèques des mélomanes, qui abandonnaient les supports plus ou moins fiables (vinyles et cassettes audio) pour ces nouveaux formats. Aujourd'hui, le progrès technique a choisi la voie de la dématérialisation. Avec Internet, les points de consommation se sont retrouvés démultipliés en même temps que l'autonomie individuelle. La musique, plus que jamais, peut s'écouter partout et par tous les moyens : chez soi sur un ordinateur, dans la rue sur un téléphone, dans les transports au commun sur un baladeur, et bien sûr en concert dans les salles de spectacle. Il y a encore quelques années, acheter un CD en grande surface demeurait le geste le plus simple pour devenir amateur : cette action, anodine et peu coûteuse, situait la consommation musicale dans un contexte quotidien. Ce geste, maintenant, est devenu domestique. Derrière son écran, l'internaute a accès en quelques clics à un vaste catalogue. Il suffit de taper « Mozart » dans son Itunes store pour comprendre à la fois comment la technologie a mis cet art à la portée de tous, tout en rendant la démarche désemparante pour le néophyte : comment s'y retrouver parmi ces innombrables versions et/ou ré-éditions ? Comment choisir ? Aujourd'hui, les outils du numérique offrent de nouvelles possibilités d'action pour élargir les publics de la musique classique ou toucher différemment ceux qui la pratiquent déjà. Les pages qui suivent visent à les identifier pour mieux les comprendre. Comment peuvent-ils s'inscrire dans une politique de démocratisation culturelle ? Dans un premier temps, il convient de remonter en amont de la chaîne pour dresser un état des lieux du marché de la musique classique enregistrée en France et analyser comment Internet a percuté ces acteurs. Après une rapide analyse des publics sous l'ère numérique, nous détaillerons les initiatives ayant fait usage de ces outils, supports et contenus modernes de manière novatrice.
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Partie 1 : Les enjeux du marché 1. Etat des lieux du marché de la musique classique en France : création, distribution 1. L'organisation du marché de la musique classique enregistrée Une des spécificités de ce marché, à l'inverse du secteur des variétés, repose sur la distinction nette entre la sphère du spectacle et celle du disque. Pour enregistrer, un artiste doit avoir interpréter plusieurs fois le programme en public. Le concert n'intervient pas comme outil de promotion pour la sortie d'un disque mais plutôt l'inverse. Pour un ensemble musical, l'enregistrement discographique ne constitue qu'une partie de son activité artistique, majoritairement dominée par la production de concerts. Il ne constitue donc pas une fin mais un moyen : le disque remplace la carte de visite auprès des diffuseurs et marque un jalon dans une carrière (par l'enregistrement d'un programme artistique déterminant par exemple). Une enquête menée auprès des choeurs professionnels membres du réseau européen Tenso confirme cette vision : le disque reste un document à la fois d'archives et de diffusion, notamment pour toucher de nouveaux publics. 1 Il s'agit d'un acte important mais non prioritaire, qui ne permet d'ailleurs pas de générer de recettes significatives : la vente de CD et DVD ne représente en effet que 0,5% des ressources propres. 2 L'industrie discographique est basée sur le système de l'oligopole à franges : les grands majors (Universal, Sony et Warner) réalisent une part essentielle du chiffre d'affaires sur le marché ; quelques producteurs indépendants (Harmonia Mundi, Naïve) bénéficient d'une visibilité significative ; enfin, autour d'eux gravitent des petits labels indépendants apparaissant et disparaissant au gré des projets et des années, à tel point qu'il est difficile d'évaluer concrètement leur présence en raison des restructurations incessantes. L'une des principales tendances du marché depuis 2003 est celle de la concentration, à la fois verticale et horizontale : les majors étendent leur activité sur l'ensemble de la chaîne de fabrication et de distribution et intègrent d'autres labels pour constituer des fonds de catalogue considérables. Ils distribuent également bien souvent les productions des petits acteurs indépendants, imposant leur logique économique de rentabilité sur le marché.
1 Gregory Parry, Live after Live Music Survey (consulté le 17.02.2013 sur http://www.tenso-vocal.eu/tpm/TPM %202011/page56/index.html) 2 Thomas Guyonvarch, Enquête sur les activités des ensembles vocaux et instrumentaux spécialisés, Paris, FEVIS, 2010. 11
2. La production discographique en France Le marché de la musique enregistrée en France représente au premier semestre 2011 un chiffre d'affaires TTC de 385,2 millions d'euros, accusant une perte de 564,4 millions d'euros depuis 2003, soit un recul de 64,3%.3 Face à cette crise, la musique classique reste pourtant le genre le moins touché : -15,4% en volume et -25,4% en valeur depuis 2003. A titre d'exemple, les variétés françaises, elles, accusent une chute de -69% en volume et -67,4% en valeur ; le jazz et le blues, autre secteur de niche, diminuent de -46% en volume et -56,3% en valeur. La crise aura finalement permis à la musique classique de gagner 4,8 points sur le marché de la musique enregistrée, captant en 2011 9,2% du chiffre d'affaires total. Précisons qu'en 1988, sa part de marché était de 14,6% avant de chuter à 5,4% en 2001 en raison d'une stagnation des ventes (le phénomène de renouvellement des discothèques de mélomanes étant passé) face à un marché global du disque en hausse.4 Car la musique classique a toujours été un petit marché : un disque se vend en moyenne autour de 400 exemplaires. 5 On reste loin des chiffres attendus pour un album de variétés. « Le disque classique est une activité divorcée des majors. Son économie est modeste, c'est un artisanat culturel. Les quantités vendues en France, si elles semblent moins importantes qu'elles ne l'ont été au moment du boom du CD, ne sont surprenantes qu'à l'échelle de la variété ou aux yeux des professionnels trop récents » annonçait en 2002 Yves Riesel, fondateur du distributeur Abeille Musique.6 La logique de rendement à court-terme est ici moins pressante : les disques bénéficient d'une longévité accrue au sein des catalogues distributeurs, quand l'échec commercial aurait avorté l'existence d'un enregistrement de variétés par exemple. Ce que les théoriciens économiques appellent l'effet de longue traîne est donc caractéristique du genre classique. Mais qu'on ne s'y trompe pas : la production d'un disque par un ensemble musical devient de plus en plus difficile, ce que confirment les professionnels. 7 Il faut ici distinguer deux logiques de production qui structurent le système d'édition : d'un côté, celle des majors, fondée sur le vedettariat, les best-sellers, compilations thématiques et autres cross-overs (artistes mélangeant les genres, parfois avec un succès critique contesté comme Les Prêtres ou André Rieu). Ils bénéficient pour cela du contrôle des circuits de distribution et de moyens de diffusion importants. De l'autre côté, les labels indépendants concilient logique de rentabilité et philosophie artisanale, orientant leur activité vers des productions originales et 3 André Nicolas, Les marchés de la musique enregistrée au premier semestre 2011, Cité de la musique/Observatoire de la musique, Paris, 2012, p.5. 4 Elisabeth Moret, Succès public pour la musique classique – La Folle Journée, Mémoire de DESS Développement culturel et direction de projet, sous la direction de Bernard Lehmann, Lyon, Université Lumière Lyon 2/Arsec, 2002, p.23. 5 Elisabeth Moret, op.cit, p.41. 6 Ibid., p.44. 7 Gregory Parry, op.cit. 12
exigeantes. Ces derniers sont les acteurs d'une politique dynamique d'édition, représentant 75% de l'offre sur le marché (dont un tiers pour les labels indépendants français, l'importation représentant les deux tiers restant).8 La concentration des ventes de CD classique est donc largement inférieure à celle des autres secteurs : au premier semestre 2011, les dix meilleures ventes de CD classique totalisaient 12,8% des ventes du segment en volume et 10,7% en valeur ; à titre de comparaison, le top 10 tous genres confondus représentait 44,1% des ventes en volume et 43,8% en valeur. La ventilation des ventes sur un plus grand nombre de références s'explique par un catalogue conséquent, lié à un répertoire séculaire, enrichi par la durée de l'exploitation des enregistrements et des carrières artistiques. Depuis 2003, le nombre de références vendues en musique classique s'est accru de 34,1% (20,5% de nouveautés) dépassant de loin les musiques actuelles (+13,7% pour les variétés françaises, +14,2% pour celles internationales, +4,6% pour le jazz et le blues) quand celui des musiques du monde s'effondrait (-22,2% de références retirées du catalogue). S'il ne représente que 8,2% du volume des ventes au premier semestre 2011, le segment classique (46 607 références) constitue toutefois 19,9% du nombre total de références de CD audio. Ces données, comptabilisées lors du passage en caisse des produits, ne prennent donc pas en compte celles disponibles mais invendues en 2011. Faut-il parler d'une surabondance de l'offre ? Cette politique dynamique connaît aujourd'hui ses difficultés : en un an, et pour la première fois depuis 2005, le nombre de nouveautés a chuté de 16,2% (s'alignant sur la tendance globale) et 2,8% des titres à l'intérieur du catalogue ont été déréférencés. Ce recul de la production devrait sans doute continuer pour des raisons structurelles. Si crise il y a, ce n'est pas à cause des labels indépendants, toujours nombreux, mais d'un problème de distribution.
3. La distribution matérielle en France Au premier semestre 2011, les labels indépendants essuient un recul de -29,6% de leur chiffre d'affaires depuis 2003 (-23,3% pour les majors) et -30,2% en volume d'édition (-7% pour les majors). La main mise des multinationales s'accentue ; alors que le secteur classique avait toujours été caractérisé par une présence plus importante des distributeurs indépendants (en 2003, 36,1% de part de marché en volume contre 13,8% tous secteurs confondus), celle-ci accuse un recul de 6,2 points (29,8%). Ainsi, les majors, dominant le marché de la distribution en valeur (32%) et en volume (70,2%), distribuent les cartes à leur guise et selon leur propre logique court-termiste. Le deuxième point le plus préoccupant reste celui des canaux de distribution. La vente des 8 Louis Bricard, Vingt préconisations pour la survie des disques de musique classique, Rapport remis au Ministère de la Culture et de la Communication, 2003, p.38. 13
disques classiques reste dominée par les Grandes Surfaces Spécialisées (GSS), représentant 61,4% du chiffre d'affaires, et parmi lesquelles la FNAC reste un acteur décisif (entre 80 et 85% selon les années). Or, on connaît les difficultés de ces enseignes qui se traduisent par des fermetures de magasins (celle de la FNAC Bastille à Paris, de 11 magasins Harmonia Mundi fin 2011 ou le récent dépôt de bilan de Virgin Megastore), et la diminution des places de vente consacrées aux supports musicaux au profit de produits culturels (ou non) à plus fortes marges. Il en résulte une moindre exposition physique du segment classique et un nombre limité de références présentes en magasin, privilégiant les nouveautés, best sellers et éditions bradées provenant des fonds de catalogue des éditeurs. Cette situation est tout sauf favorable à l'idée de diversité culturelle. Les Grandes Surfaces Alimentaires (GSA) captent quant à elles 16,8% des ventes unitaires du segment. On peut préciser que cette performance est notamment liée au succès commercial du deuxième album en 2011 des Prêtres (leur part oscillant entre 10 et et 13% les années précédentes). La Vente Par Correspondance (VPC) sur Internet constitue 14,2% en volume des ventes, un chiffre au-dessus de la moyenne du marché tous genres confondus et qui a explosé depuis 2003 (+198,5% d'unités vendues et +10,2 points de part de marché). Ces trois canaux, totalisant 93,4% des ventes (tant en volume qu'en valeur) de CD classique, se caractérisent par un accès orienté vers le libre-service et l'autonomie du consommateur. Il en résulte trois choses : la déspécialisation des réseaux, la déqualification de la vente d'un point de vue informationnel, et le manque d'attractivité des points de vente en tant que lieu d'écoute des attentes de la clientèle. Ce rôle, c'est le disquaire qui l'a longtemps assuré. Or, aujourd'hui, il ne représente, avec la VPC traditionnelle et les petites librairies, que 6,6% des parts de marché (soit -10,3 points depuis 2003, avec un effondrement de -67% d'unités vendues et -68,6% de chiffre d'affaires). Les 3 000 disquaires que l'on pouvait recenser dans les années 1980 sont aujourd'hui moins d'une centaine. 9 Aujourd'hui, pour accéder à une catalogue de qualité, ne subsistent que les sites de vente en ligne, sans intermédiation. Qui donc aujourd'hui peut renseigner les mélomanes et surtout, orienter les publics moins connaisseurs dans leurs choix ? Le support physique a perdu toute valeur en tant qu'objet. Il s'écoule en lot de 3 CD pour le prix de 2 (technique du multibuy), en coffrets et intégrales (celle Mozart éditée pour 99 euros en 2006 fut à cet égard un véritable succès commercial), ou en éditions bradées quand les distributeurs écoulent leur fonds de catalogue. Le risque de ces techniques marketing incitant à une consommation de masse, outre celui de mettre en avant sur le marché de piètres interprétations des œuvres, est d'assimiler pour le consommateur la valeur du support à celle du contenu. Or, derrière un disque se cachent des artistes pour qui ces éditions ne rapportent plus rien. La valse des 9 Louis Bricard, op.cit. p.75. 14
étiquettes et la dévaluation rapide des enregistrements n'aident pas non plus le consommateur à trouver ses repères. En ce sens, tous ces facteurs participent d'une dépréciation du support physique sans pour autant se préoccuper des attentes et comportements du consommateur. Mais l'offre numérique peutelle vraiment pallier aux déficiences du marché discographique classique ?
4. La distribution numérique en France En France, 2006 reste l'année de la mise en ligne d'une offre importante de musique classique par les majors en proposant les catalogues de grands labels (Deutsche Grammophon, Decca Classics). Aujourd'hui, les chiffres disponibles tous genres confondus indiquent une fourchette entre 12 et 20 millions de titres disponibles selon les sites. Le marché de la musique numérique en France a représenté 50,2 millions d'euros de chiffres d'affaire au premier semestre 2011, soit une hausse de 18,1% en un an. S'il ne constitue que 13% du marché de la musique enregistrée en valeur, elle se hisse aujourd'hui à 49,2% de part de marché en volume. 10 Ces chiffres révèlent la faiblesse des revenus induisant une véritable restructuration du marché, caractérisée par des économies d'échelle au niveau de la distribution. Les opérateurs se transforment et leur concentration se renforce : 2/3 des répertoires présents concernent toujours les catalogues des majors.11 D'autre part, l'internationalisation de ce marché ouvert donne moins de poids aux acteurs locaux qui accusent une concurrence forte et ne peuvent supporter les coûts de développement liés à ces nouveaux canaux de distribution. Or, la régulation du marché par les pouvoirs publics n'arrive pas à suivre le rythme des progrès techniques et doit s'opérer dans un contexte global ouvert, peu favorable aux mesures protectionnistes. Pour mieux comprendre les mutations de ce marché, il convient d'identifier quels types d'acteurs il rassemble. La diffusion musicale numérique ne se limite en effet pas au simple téléchargement mais rassemble un large panel de services liés aux nouveaux modes de consommation en ligne. On peut définir quatre grands pôles : le téléchargement (53% de part de marché au premier semestre 2012), les abonnements (24,7%), le streaming financé par la publicité (14,6%) et la téléphonie mobile (7,8%). 12 Ces dernières années ont vu l'explosion des revenus du streaming et des abonnements due à une montée en puissance de ces nouveaux modes. Le marché 10 André Nicolas, op.cit., p.5. 11 André Nicolas, L'évolution des marchés de la musique en France, Cité de la musique/Observatoire de la musique, Paris, 2011, p.18. 12 André Nicolas, Etat des lieux de l'offre de musique numérique au premier semestre de l'année 2012, Cité de la musique/Observatoire de la musique, Paris, 2012, p.4. 15
du téléchargement mobile, lui, s'effondre. Ces services restent dominés par quelques opérateurs majeurs : iTunes pour le téléchargement (plus de 70% de part de marché pour son secteur) et Deezer pour le streaming (69%). 13 Ces situations sont notamment liées au pratiques contractuelles juridiques et commerciales abusives qui constituent autant de barrières à l'entrée sur le marché pour de nouveaux opérateurs. Analysant l'évolution du marché numérique entre 2007 et 2011, l'Observatoire de la Musique démontre cette difficulté de survivre : un tiers des opérateurs observés avait cessé leur activité à la fin de la période, soit par rachat, fusion, dépôt de bilan ou diversification. 14 Le secteur est donc maîtrisé non plus par des acteurs historiques français spécialisées dans la musique mais par des opérateurs majoritaires de l'industrie plus large des médias, bénéficiant des moyens nécessaires pour le marketing de l'offre, l'innovation et la conquête de nouveaux marchés territoriaux qui sont les conditions de leur survie. La dévaluation des contenus amorcée par la dépréciation du support physique et le téléchargement pair à pair n'est pas non plus complètement résolue. La distribution numérique, en tentant de trouver un système économiquement viable pour survivre, a développé un marché pluriel, à la fois commercial et composite non commercial. Cette fausse gratuité de la pratique (qui trouve son financement par la publicité ou un système d'abonnement forfaitaire) entretient ce phénomène de dévaluation de la musique, qui devient un produit que l'on consomme comme média, en concurrence directe avec d'autres services (VOD, cinéma, jeux) pour le partage du temps disponible. D'une politique d'acquisition et d'appropriation de l'objet, on est passé à celle de diffusion de flux désorientés. C'est une véritable révolution des pratiques d'écoute par les usagers, modelées par des opérateurs industriels trans-médiatiques. Or, encore une fois, il convient de s'interroger sur la spécificité de la musique classique dans ces systèmes de diffusion. Sa part est ici beaucoup plus difficile à évaluer en France en raison d'un manque de données. Secteur de niche, il représente tout l'enjeu de la diversité musicale dans l'offre numérique. Certains labels refusent encore de licencier leurs catalogues, et d'autres s'en retirent. Les producteurs indépendants, présents sur 94% des sites en 2009, n'étaient plus distribués que sur 66% d'entre eux deux ans plus tard. A une époque où elle n'a jamais été autant exposée, on ne peut toutefois s'empêcher d'évoquer l'idée d'une « pauvreté de l'abondance ».15 Dans l'usage, l'orientation des consommateurs dans leurs pratiques est surtout liée à la puissance des moteurs de recherche, nouvelle force prescriptive, qu'à une réelle prise en compte de leurs attentes et goûts. En ce sens les rapports de force économiques entre opérateurs majoritaires pèsent de tout leur poids sur cette diversité de l'offre. Avec Internet, plus encore que dans la 13 Ibid. 14 André Nicolas, Evolution de l'offre de musique numérique du 2 nd semestre 2007 au 2 nd semestre 2011, Cité de la musique/Observatoire de la musique, Paris, 2012, p.5 15 Ibid. 16
distribution du disque physique, s'installe une cartographie du consommateur davantage basée sur ses habitudes de consommation que sur une segmentation par type de clientèle. La spécialisation demeure finalement autant problématique pour la distribution de musique en ligne que physique : les deux sites spécialisés dans le répertoire classique et suivis par l'Observatoire de la musique entre 2007 et 2011 ont ainsi supprimé certains services essentiels, comme le streaming (MusiClassics) ou le téléchargement, délégué à des opérateurs plus généralistes (la Deutsche Grammophon renvoie désormais vers la plate-forme iTunes).16 Si le système de distribution numérique semble accentuer la tendance d'une domination des majors, il faut néanmoins se préserver de propos trop fatalistes. Internet offre la possibilité pour les contenus de niche de s'exposer de manière plus autonome, notamment grâce au pouvoir de prescription de l'internaute et au principe de buzz, et ainsi à des circuits alternatifs d'émerger même s'ils sont encore peu visibles. L'audience est cependant beaucoup plus éclatée sur Internet. Pour y répondre et adapter les contenus, de nouvelles compétences apparaissent dans les métiers des industries culturelles comme le community management. De nombreuses initiatives permettent enfin d'espérer des manières plus innovantes de diffuser la musique classique avec Internet : certains sites d'« édition à la demande » permettent d'accéder à des œuvres qui ne sont plus disponibles dans le marché physique ; des artistes lyriques et des musiciens, à la suite de l'exemple sans précédent initié par le groupe Radiohead, proposent leurs enregistrements et d'autres contenus sur leur site internet en invitant les internautes à payer le montant qu'eux-mêmes jugent appropriés (Barbara Hendricks, Tom Hampson, Peter Maxwell Davies, Tasmin Little en sont quelques exemples). 17 Ces initiatives restent majoritairement étrangères, montrant un relatif retard des différents acteurs du marché industriel français de la musique classique quant à ces questions. 5. Internet et l'économie de la création Un des enjeux majeurs de cette distribution dématérialisée reste la rémunération des ayantsdroits. Le téléchargement illégal a souvent été accusé de vouloir tuer la création. Or, comme nous l'avons vu, les ensembles musicaux vivent très peu de l'industrie discographique, qu'ils sollicitent surtout pour des raisons d'archives et de communication. L'enquête menée par Tenso démontre que le principal désagrément causé par le téléchargement non autorisé chez ces artistes n'est pas le manque à gagner financier, mais celui du contrôle perdu sur la qualité sonore de l'enregistrement. 16 Ibid., p.22. 17 Marius Carboni, Marketing Strategies in the UK Classical Music Business: An examination into changes in the classical music business since 1989, Thèse de doctorat « Changes in classical music business models since 1989 », Hertfordshire, University of Hertfordshire, 2011, p.98. 17
Les données permettant d'évaluer les effets du téléchargement illégal sur l'industrie musicale française ne sont malheureusement pas disponibles. En Grande-Bretagne, il aurait représenté sur l'année 2008 14% du marché en valeur, chiffre à prendre avec beaucoup de précautions tant les estimations affluent et divergent.18 La British Phonographic Industry (BPI), association interprofessionnelle regroupant notamment les grands majors et qui publie cette enquête, estime que 9% des fichiers musicaux téléchargés correspondrait au répertoire classique. C'est relativement peu. Avec la diffusion numérique, les artistes touchent des royalties, bien que dans des proportions toujours plus faibles, sur le streaming et le téléchargement. Surtout, de nouvelles possibilités de se financer indépendamment du circuit traditionnel s'ouvrent à eux, avec le crowd-funding, où l'internaute anonyme contribue à une levée de fonds en ligne pour la réalisation et promotion d'un projet. Les plateformes françaises les plus connues pour ce nouveau système de financement sont Kisskissbankbank ou Mymajorcompany mais elles portent peu de projets de musique savante et leur efficacité reste limitée (la plupart des soumissions ne voyant pas le jour faute d'investissement). Un exemple notable toutefois fut la campagne menée par le Kronos Quartet, aux Etats-Unis, pour financer leur projet Under 30, où un compositeur de moins de 30 ans, à la suite d'un appel à candidatures, vit sa création produite sur scène puis enregistrée. Avec l'ère numérique, l'industrie musicale se voit transformée de deux façons : les innovations technologiques obligent la mutation d'un système daté et obsolète de production et de distribution. Ces filières peuvent choisir la réalisation d'économies d'échelle ou évoluer profondément dans leur manière de faire. Deuxièmement, ces outils offrent un nouveau regard sur l'essence même de l'art, en réalignant l'artiste et le public, ce dernier pouvant devenir à la fois créateur, producteur et diffuseur.19 Mais l'enregistrement ne constitue qu'une petite partie de l'activité artistique d'un ensemble musical. La musique est avant tout vivante, live, elle s'écoute en direct. L'enjeu principal quand on parle de sensibilisation reste bien souvent d'amener les néophytes en salle. Qui sont les acteurs des concerts de musique classique en France ?
2. Les concerts de musique classique en France Les opérateurs de ce secteur sont nombreux, et notre propos n'est pas d'analyser leur fonctionnement mais seulement de les identifier afin de mieux comprendre leurs possibilités d'agir en faveur d'une démocratisation des publics. Les ensembles musicaux, à savoir les orchestres et choeurs, qu'ils soient composés d'artistes 18 Robin Crutchley, BPI Statistical handbook, Londres, BPI Ltd., 2009, p.80. 19 Joshua Fineberg, Classical music, why bother ?, Londres, Routledge, 2006, p.60. 18
permanents ou intermittents, sont les premiers acteurs du secteur. Le Centre de Documentation de la Musique Contemporaine (CDMC) en recense plus de 150 à un niveau professionnel, mais il ne faut pas oublier tous ceux qui, en amateur, contribuent au rayonnement du répertoire. L'autre versant de la musique classique vivante en France est constitué du réseau de diffusion propre à ce secteur : maisons d'opéras et théâtres lyriques, bien sûr, mais aussi salles de palais des congrès, théâtres municipaux, centres culturels ou, plus ponctuellement, scènes nationales. 29% de la diffusion s'opère également dans le cadre de festivals. 20 France Festivals en recensait en 2010 une centaine, du petit festival local proposant une dizaine de représentations à celui à rayonnement national et international avec plus de 45 productions à l'affiche. 21 Nous n'y comptabilisons pas les manifestations pluridisciplinaires, également nombreuses. L'important soutien financier apporté aux ensembles et à ces manifestations démontre le caractère institutionnel de ces structures et l'idée d'un « service public » qu'elles remplissent. Il n'en a pas toujours été ainsi. Avant 1966 et la création d'un Service de la musique sous le ministère d'André Malraux, la politique musicale en France était tout simplement inexistante. Avec Marcel Landowski à sa tête, ce Service va entreprendre un grand plan décennal pour tisser un réseau fort d'opérateurs-diffuseurs sur l'ensemble du territoire : orchestres régionaux, chorales agrées, ouvertures de conservatoires et de lieux de formation à la pratique musicale, implantations d'organisations en charge de la coordination de cette politique nationale à l’échelon local dans une logique déconcentrée. Depuis une quinzaine d'années, les politiques publiques se caractérisent de deux façons : premièrement, elles sont majoritairement menées par les collectivités territoriales, l'Etat assurant principalement l'orientation et la coordination de ces politiques par l'intermédiaire des DRAC. Deuxièmement, notamment depuis le plan quinquennal Tasca-Lang, l'idée d'une démocratie culturelle est davantage fondée sur l'éducation artistique et les pratiques artistiques amateurs. Les actions culturelles menées par les ensembles et manifestations, qui bénéficient souvent de budgets fléchés à cet effet, vont dans ce sens. Elles contribuent à un effort constant d'élargir les publics et à les rapprocher d'institutions fortement soutenues mais dont les productions sont boudées par une partie importante de la population. Comment les technologies du numérique ont-elles influencé cette branche du spectacle vivant ? Leurs effets sont surtout à chercher au niveau de la communication de ces structures.
20 Thomas Guyonvarch, op.cit., p.6 21 Guillaume L'Hôpital, Quand la musique se joue en réseaux : l'exemple d'accentus et du réseau européen Tenso, mémoire de master PPCS – Direction de projets culturels, sous la direction de Philippe Teillet, Grenoble, Institut d'Etudes Politiques, 2011, p.21. 19
Pour l'industrie musicale et les acteurs de la création et du spectacle vivant, l'enjeu majeur est donc aujourd'hui de réussir à préserver la diversité musicale tout en s'adaptant à un marché en profonde et rapide mutation. Cet objectif ne peut être réalisé sans une réflexion globale et transversale, alliant opérateurs industriels, politiques publiques et acteurs indépendants, lesquels restent le tissu actif de cette diversité. L'offre culturelle ne doit pas non plus être dissociée des services marchands qui gravitent autour. Les politiques culturelles doivent donc lier investissements consacrés au spectacle vivant (lieux, ensembles, manifestations) et régulation du marché en favorisant l'implantation physique de zones d'excellence culturelle (commerces) irriguée par des infrastructures et services en ligne adaptés, dans une perpective à la fois locale et globale pour satisfaire la curiosité de tous.
3. Définir le public de la musique classique à l'ère du numérique 1. Une pratique culturelle élitaire « La musique classique est mal équipée pour survivre dans une culture de l’instantané. Elle a, en effet, pour valeurs principales la discipline, la concentration, la recherche de la perfection, l'individualisation, la contemplation spirituelle et/ou philosophique. Pour se plonger dans la musique classique, il faut développer une sensibilité à mille lieux des valeurs majoritaires d'aujourd'hui, les valeurs aisément transmissibles, aisément compréhensibles de la culture populaire, parmi lesquelles la libération rapide de l'agressivité, l'identification au groupe, la popularité, tout ce qui est aux antipodes de la sensibilité ».22 Ce discours très catégorique d'un journaliste américain, Andrew Clarke, dans le Financial Times montre le poids des représentations collectives qui stigmatisent encore la musicophilie. Qu'est-ce qu'être un mélomane ? Trois critères peuvent qualifier son comportement : il écoute le disque, se rend au concert et pratique la musique. L'ensemble de ces activités de consommation caractérisent la pratique culturelle de la musique classique, selon la définition sociologique de Philippe Coulangeon.23 Pourtant, il existe mille façons d'aimer la musique à son échelle, à son rythme, à son niveau. Ces trois entrées offrent autant de voies diverses d'accessibilité à la musique qui se croisent ou se superposent pour satisfaire une même passion. Toutefois, la réalité sociale est moins compréhensive. Pierre Bourdieu pose ainsi les 22 Louis Bricard, op.cit, p.8. 23 Philippe Coulangeon, Sociologie des pratiques culturelles, Paris, La Découverte, collection « Repères », 2005. 20
fondements d'une sociologie du goût qui survit encore aujourd'hui : il s'agit, selon sa définition, du « principe de tout ce que l'on a, personnes et choses, et de tout ce que l'on est pour les autres, de ce par quoi on se classe et par quoi on est classé ».24 La musique classique serait donc le parangon d'une pratique culturelle élitaire. Cela suppose deux choses : que cette pratique concerne un public réduit et que celui-ci est majoritairement issu de milieux sociaux aisés. En 2008, 7 Français sur 100 ont assisté à un concert de musique classique au cours des 12 derniers mois.25 Ce chiffre reste le même qu'il y a 40 ans. Les déterminismes sociaux prévalent : 20% des CSP supérieures (cadres et professions libérales) se rendent au concert contre seulement 2% des agriculteurs ou des ouvriers non qualifiés. Les Bac+4 sont 30% à y aller contre seulement 4% des non-diplômés. Une véritable scission est de plus apparue ces dernières années entre une certaine « élite » spectatrice et le reste de la population, qui s'y rend toujours moins. Il en va de même pour l'écoute du répertoire : 41% des cadres supérieurs (et 68% des anciens cadres !) citent la musique classique comme ce qu'ils écoutent le plus, contre 15% des ouvriers (et 32% des anciens ouvriers). Plus le niveau de diplôme augmente, plus les gens déclarent s'y adonner : 21% des CAP/BEP contre 45% des Bac+4. Les catégories socioprofessionnelles supérieures sont également, sans surprise, celles qui achètent le plus de CD et consomment la musique sur Internet. Enfin, 39% des cadres et professions intellectuelles supérieures déclarent savoir jouer d'un instrument contre seulement 19% des ouvriers et 15% des indépendants. Cela ne veut pas dire qu'ils sont les plus réguliers à s'y adonner, ni qu'il s'agit de leurs uniques pratiques. A cet égard, Philippe Coulangeon parle de publics « omnivores ».26 Le temps d'un goût univoque pour la culture « légitime » est révolu, les catégories sociales supérieures se caractérisent par leur éclectisme. L'écoute de variétés s'intègre ainsi chez eux dans un répertoire musical beaucoup plus vaste (dont la musique classique), quand les choix culturels des ouvriers et employés, eux, sont beaucoup plus exclusifs. Bernard Lahire nous permet également d'aller plus loin dans notre analyse avec sa théorie des dissonances culturelles internes aux individus. En entretien, les personnes interrogées avouent leurs pratiques les moins légitimes mais les minimisent. Telle qu'aujourd'hui caractérisée par notre société, la musique classique traduit un univers social particulier. « Le choix de se rendre à un concert de musique classique ou d'acheter un disque ne déclenche pas les mêmes mécanismes sociaux, la plupart du temps inconscients, que lorsqu'on décide d'aller voir Johnny Halliday en concert ou de visiter un musée historique ».27 La tension entre culture légitime et celle illégitime 24 Pierre Bourdieu, La Distinction, Paris, Les Editions de Minuit, 1979, p.59. 25 Olivier Donnat, Pratiques culturelles des Français, Paris, DEPS/Ministère de la Culture et de la Communication, 2008. 26 Philippe Coulangeon, op. cit. 27 Adeline Viey, Démocratisation et musique classique : mythe ou réalité, mémoire de fin d'études sous la direction de 21
demeure. Nous y reviendrons. Une autre caractéristique de ce public est son âge : il vieillit. En 1973, les 25-39 ans étaient les plus nombreux à se rendre au concert (10%) ; la part des plus de 60 ans (5%) était même moins importante que celle des 15-24 ans (6%). Aujourd'hui, le constat est sans appel : plus on vieillit, plus on se rend au concert ; les plus de 60 ans sont désormais 9% à le faire.
2. La révolution numérique et la consommation de la musique classique L'impact d'Internet ne semble rien avoir changé pour ces consommateurs réguliers : 79% des mélomanes continuent d'écouter la musique sur des supports physiques, contre 7% grâce aux technologies du numérique.28 Pour ces adeptes, leur utilisation du Web se limite à l'achat de CD en ligne (29% des répondants) et la recherche d'informations sur les œuvres et compositeurs qu'ils écoutent (27%). La consommation dématérialisée n'est ainsi pas encore passée dans les mœurs. Ceci pour deux raisons : le public dont nous parlons est majoritairement âgé et n'a pas un usage régulier de ces outils (seuls 53% des 65 ans et plus utilisent Internet). 29 D'autre part, la question de la qualité sonore est plus présente pour ces mélomanes ; or, longtemps, les fichiers numériques disponibles étaient accusés d'appauvrir le son original, en raison d'un échantillonnage trop faible, contrairement à la qualité CD, très fidèle à l'enregistrement original (le master). Si des progrès aujourd'hui ont été faits, une certaine suspicion demeure, expliquant l'entrée ralentie de la dématérialisation dans les usages. L'utilisation d'Internet ne semble donc pas renforcer la pratique culturelle de ces publics déjà réguliers. En revanche, il nous paraît inévitable qu'il puisse s'agir d'un nouveau médium capable de partir à la conquête de celui qui ne « pratique » pas la musique classique : le non-public. 3. Le non-public et les enjeux de la démocratisation culturelle Il a souvent été évoqué le désintérêt d'une grande partie de la population pour la musique classique en raison de son image poussiéreuse et snob, symbole de la « haute culture » institutionnelle historique. Cette séparation entre musique populaire, produisant des effets immédiats sensuels sur les corps et les esprits, et celle dite savante, aux structures abstraites complexes que l'on ne maîtrise que par une écoute attentive et des pré-requis culturels, est née à Max Sanier, Lyon, Institut d'Etudes Politiques, 2006, p.14. 28 Sondage BVA Les Français et la musique réalisé pour les revues Classica et Pianiste en 2006. 29 Sondage IFOP Observatoire des réseaux sociaux réalisé en novembre 2012. 22
l'origine de la transmission des répertoires : le premier majoritairement oral et le second écrit. A la fin du XVIème siècle, avec le courant baroque, cette distinction s'est renforcée par le système commanditaire : les cours, les princes et les monarques, mécènes des arts, s'approprient un genre qui devient à leur service. Avec l'établissement de la bourgeoisie dans le champ social au XIX ème siècle, un entre-deux apparaît : celui de la musique « légère », divertissante, celle des salons, des danses à la mode, des opérettes et du répertoire du café-concert. Elle se développe au croisement du système libéral, de la marchandisation de l'art, de l'amateurisme musical et du piano comme pratique plus accessible. Cette hiérarchisation persiste dans les représentations collectives mais a-t-elle vraiment lieu d'être ? « Nous avons isolé la musique dans un univers bien confiné et lui avons donné l'image d'une musique bourgeoise réservée à une élite alors qu'aujourd'hui, la musique classique est accessible à tous dans de multiples occasions ».30 L'ambiant music, dont Brian Eno est un exemple représentatif, en est ainsi l'héritière. Si la scission cultures légitime/illégitime persiste dans certains milieux idéologiquement fortement marqués, elle n'a toutefois plus de sens pour les nouvelles générations, qui évoluent dans un milieu médiatique ouvert où les instances de transmission se multiplient sans aucun contrôle. C'est le salad bowl culturel : « il suffit d'un clic pour passer du plus érudit au plus distractif », constate Olivier Donnat, qui conduit les enquêtes sur les pratiques culturelles des Français au sein du Département des Etudes Prospectives et Statistiques. 31 L'intérêt pour la musique classique n'est pas absent : 8% des Français la cite spontanément comme leur genre préféré (en deuxième, après les chansons et variétés françaises, 33%), même si 23% n'en écoutent jamais.32 Contrairement à ce que nous avions vu dans les pratiques culturelles, le registre, lui, ne rebute personne : 26% des Français seulement lui associent l'adjectif d' « élitiste » et 73% le trouvent « accessible ».33 L'enjeu est donc là : il faut activer la pratique des non-publics. 76% des Français ne sont jamais allés à un concert de musique classique de leur vie, 77% à un opéra.34 Cela concerne 91% des 15-19 ans contre 66% des plus de 65 ans, 82% des non-diplômés contre 37% des Bac+4, 93% des ouvriers contre 41% des cadres et professions intellectuelles supérieures. Ce constat est le même au niveau de l'écoute : 43% des adolescents ne s'y intéressent pas contre 11% des personnes les plus âgées, 7% pour les cadres et professions intellectuelles supérieures contre 44% des ouvriers. Lorsqu'on évoque le principe de démocratisation culturelle, on parle souvent d'actions menées en direction de deux publics distincts : celui issu d'un milieu social défavorisé et les jeunes. Les 30 31 32 33 34
Louis Bricard, op.cit, p.108. Michel Abescat, Les Français et la Culture : révolution chez les 15-25 ans in Télérama n°3118, octobre 2009. Enquête Pratiques culturelles des Français, op.cit. Sondage IFOP Les Français et la musique classique, réalisé pour L'Express et publié le 2 février 2001. Enquête Pratiques culturelles des Français, op.cit. 23
objectifs sont dans les deux cas différents : il s'agit pour le premier de le sensibiliser à des pratiques culturelles spécifiques dont il se détourne pour de multiples raisons ; dans le deuxième cas, on souhaite prévenir cette désaffection en créant une habitude et une appétence pour le rendre plus tard autonome dans ses choix et ses pratiques. Les jeunes, bien sûr, incarnent l'inévitable question du renouvellement des publics, enjeu principal de la musique classique comme nous l'avons constaté. Du point de vue des ensembles, cette cible est d'ailleurs considérée comme prioritaire. 35 Dans le cadre de notre étude, cela nous paraît clairement justifié. Premièrement, le rapport des jeunes à la musique est primordial. Ils la placent ainsi comme leur activité culturelle favorite (73% des 15-24 ans, devant le cinéma et la télévision) et en écoutent en moyenne 1h30 par jour. 36 Ce sont également les plus gros consommateurs des nouvelles technologies de l'information et la communication : ils sont 98% à se connecter régulièrement à Internet et 77% à utiliser des réseaux sociaux comme Facebook.37 Les chiffres de l'enquête Pratiques culturelles des Français en 2008 nous permettent de préciser leurs usages. Il convient simplement de rappeler combien ces derniers se sont développés ces dernières années et que ces données ont dû progresser depuis. Ainsi, 80% d'entre eux consomment de la musique en ligne, et 79% visitent des sites et blogs en relation avec cette pratique. Ces usages ne servent cependant pas la culture institutionnelle : ils ne sont que 4% à se rendre sur des sites de musées ou d'expositions, par exemple. Cette pratique de l'Internet, toutefois, est multitâche : on écoute de la musique en visitant des blogs ou en discutant sur les réseaux sociaux. Ceci est à mettre en parallèle avec les propos d'Andrew Clarke, journaliste cité un peu plus tôt, et qui irait à l'encontre d'une pratique de la musique classique supposant écoute contemplative et réfléchie.
Face à ces constats, plusieurs directions nous semblent possibles dans une volonté d'agir sur ces publics : utiliser ces nouveaux canaux pour développer les usages en adaptant les contenus en fonction des comportements, reconsidérer les formats traditionnels observés dans les programmations pour moderniser l'image du spectacle, et surtout, réfléchir non pas en terme d'univers social mais plutôt médiatique, dont la musique classique s'est aujourd'hui exclue. C'est ce à quoi contribuent les initiatives que nous allons développer dans notre deuxième partie.
35 Enquête Les actions culturelles et pédagogiques réalisée pour l'association ERDA/Accentus en 2012. 36 Sondage Opinionway Les Français et la musique réalisé pour la SACEM en 2010. 37 Sondage IFOP Observatoire des réseaux sociaux, op. cit. 24
Partie 2 : Les usages du numérique au service du classique 1. De nouveaux canaux de diffusion pour les concerts 1. Les prémices : l'opéra au cinéma Le succès des retransmissions de spectacles de maisons d'opéra sur écrans géants et dans les salles obscures reste un phénomène récent mais constitue l'exemple le plus visible et populaire pour une utilisation des nouveaux médias afin d'accroître l'audience des maisons d'opéra. En 2006, Peter Gelb, directeur du Metropolitan Opera de New York (le MET) lance une politique de retransmissions des premières de six spectacles en direct puis en différé dans les cinémas américains et étrangers, touchant environ 325 000 spectateurs. 38 A la fin de la saison 2009, le dispositif cumulait 1 800 000 spectateurs à l'international, pour 24 productions et une soirée de gala, soit deux fois plus que la fréquentation annuelle du MET (856 000). Cette politique est aujourd'hui complétée par la retransmission gratuite sur la place du Lincoln Center des soirées d'ouverture ou de spectacles issues des saisons précédentes, permettant de toucher 6 000 spectateurs à chaque fois. 39 Le phénomène est relayé en France depuis 2008 avec le réseau Pathé Live qui diffuse dans plus de 100 salles (cinémas, mais aussi scènes nationales ou municipales) les spectacles du MET, du Bolchoï de Moscou et du Nederlands Dans Theater de La Haye, en direct lors de soirées exceptionnelles. Sur la saison 2012-2013, cela concernait 12 opéras dont 7 nouvelles productions. La curiosité est réelle et le succès, certain : pour la rediffusion en avril 2011 de La Traviata de Verdi avec Nathalie Dessay, 34 000 spectateurs français ont pu en profiter. En 2012, le réseau de salles MK2 rejoignait le dispositif. Depuis 2010, le réseau des salles UGC programme également l'opération Viva l'opéra!, avec une hausse de fréquentation de 40% entre la première et la deuxième saison. 45 villes en France sont concernées par la retransmission en différé de dix productions issues de différentes maisons d'opéra à travers le monde pour la saison 2012-2013. 40 L'Opéra de Paris a signé en sus un accord de partenariat privilégié avec ce réseau d'exploitation, pour la diffusion d'une sélection de productions en direct dans le cadre du dispositif. D'autres initiatives plus ponctuelles existent, comme les retransmissions des opéras du Royal 38 Philippe Agid, Jean-Claude Tarondeau, Le Management des opéras, Paris, Descartes & Cie, 2011, p.143. 39 Ibid., p.144. 40 Site du Ministère de la Culture et de la Communication [http://www.culture.fr/Actualites/Musiques-Concerts/Lopera-au-cinema-vers-une-democratisation-du-bel-canto] consulté le 22 mars 2013. 25
Opera House de Londres au sein du réseau CGR en régions ou celles des cinémas Le Balzac et ou de L'Arlequin à Paris. L'Opéra Comique diffuse également certains de ses spectacles en salles. Si le succès de ces opérations est clair (80% de la jauge remplie), les données manquent pour établir réellement leurs effets en terme de démocratisation. 41 S'il est certain que ce type d'évènements attirent un public féru d'opéra et fréquentant déjà les salles de spectacles, une politique tarifaire réduite cible particulièrement les jeunes publics. C'est aussi une action de territoire intéressante pour permettre d'accéder aux productions des plus grandes maisons d'opéra à l'international. Ces initiatives restent toutefois dominée par une logique événementielle : l’instantanéité du direct connaît un réel plébiscite qui inspire d'ailleurs d'autres expériences (la retransmission du dernier spectacle de Laurence Foresti dans les salles de cinéma) et qui jouent également sur leur caractère ponctuel et non banal. Les spectacles choisis restent des chefs d'oeuvre du répertoire, dessinant une ligne éditoriale privilégiant l'accessibilité à tous, et non l'innovation. Le dispositif, d'autre part, cultive cette image exceptionnelle, grâce à des réservations très vite complètes (comme pour un spectacle ordinaire) avec une tarification spécifique, et en mettant en scène la projection – ainsi, au cinéma Le Balzac, les spectateurs se voient remettre une coupe de champagne. Ces démarches entretiennent donc une image assez exclusive et luxueuse de la pratique de la musique classique, sans pour autant en restituer la pleine expérience. La qualité sonore est souvent critiquée par les professionnels, et la retransmission d'un spectacle ne saurait être assimilée au spectacle en lui-même. Nous sommes en effet là en présence d'un tout autre objet, pensé par un réalisateur qui, après discussion avec le metteur en scène, propose un regard inédit sur une œuvre. Les retransmissions du MET, eux, proposent également quelques irruptions au sein des coulisses. Le show prévaut sur la musique. On imagine d'ailleurs assez mal la retransmission d'un simple concert au cinéma, visuellement beaucoup moins spectaculaire.
2. Le video streaming : du site vitrine au site interactif
En France, le modèle du video streaming (diffusion en direct ou en différé sur Internet) est encore peu répandu pour la musique classique. Certaines initiatives assez populaires comme ArteLiveWeb (gratuite) ou MediciTv.com (mêlant contenu accessible librement ou grâce à un 41 Hélène Combis-Schlumberger, Le cinéma, relais du spectacle vivant, reportage diffusé sur France Culture le 21 septembre 2012. 26
abonnement payant) permettent toutefois accéder à un catalogue varié et régulièrement actualisé d'opéras et concerts par des artistes et ensembles de renom. Sur ArteLiveWeb, la chaîne culturelle européenne met gratuitement en ligne des vidéos soit co-produites par elle, fournies par ses partenaires ou bien exclusives, spécialement envisagées pour le site. Les différents acteurs de la musique vivante, des diffuseurs jusqu'aux artistes, sont autant de producteurs de contenus pour le site, où ils peuvent y contrôler l'utilisation faite.. De nombreux ensembles musicaux participent également depuis leur site Internet à proposer du contenu accessible pour tous. En France, le terrain est principalement occupé par les ensembles permanents, comme l'Orchestre de Paris ou l'Orchestre National du Capitole de Toulouse (l'ONCT), qui s'associent avec les deux opérateurs cités un peu plus haut. Leurs concerts sont ainsi diffusés gratuitement en live streaming sur leurs sites puis accessibles à la demande pendant un certain temps. Certains contenus peuvent rester visibles plus longtemps mais uniquement sur abonnement. Les ensembles intermittents, par manque de moyen et de ressources humaines, sont en retrait. Le site des Arts Florissants reste toutefois une référence : extraits de concerts ou de DVD, interviews exclusives, concerts en intégralité, enregistrements sonores partiels ou complets, partitions, photos... Le site propose ponctuellement de suivre en direct un concert, à l'instar des exemples précédents. Ce dispositif est fortement développé à l'international. Le Berliner Philharmoniker propose ainsi sur son site de ressources l'accès à l'intégralité de son catalogue contre paiement. Le Royal Liverpool Philharmonic Orchestra offrait également en 2007 une expérience interactive sur son site où le visiteur pouvait s'asseoir dans une salle de concert reconstituée en trois dimensions et assister au concert d'ouverture de saison. Un entretien virtuel était ensuite proposé avec le chef d'orchestre Vasily Petrenko. Les utilisateurs du site Second Life, monde virtuel très populaire, pouvaient prolonger l'expérience en discutant entre eux. Pour assurer la qualité du flux et de la réception, cette expérience avait été limitée à 100 spectateurs. 42 Le video streaming permet ainsi d'accéder à un large catalogue de contenus pour ceux qui ne peuvent se rendre aux concerts pour de multiples raisons (accessibilité géographique, prix des billets, manque de temps...) ; contrairement à la diffusion dans les salles de cinéma, est délaissée dans ces dispositifs la logique spectaculaire pour se concentrer sur le contenu proposé. La qualité sonore et visuelle des captations exige un matériel et une logistique qui, bien sûr, ne sont pas toujours à la hauteur des attentes du spectateur. La variété de l'offre et surtout les possibilités d'extension à d'autres contenus montrent toutefois l'intérêt des acteurs de la musique vivante quant au potentiel ouvert par les technologies du numérique. Le site, autrefois simple vitrine d'un 42 Marius Carboni, op.cit., p.127. 27
ensemble, se transforme progressivement en centre de ressources comme relais interactif avec son audience. Il ne s'agit plus seulement d'assurer la promotion des concerts ou d'offrir l'opportunité d'acheter des enregistrements en physique ou dématérialisés. Il convient d'offrir une expérience autre que celle de la salle de concert pour un public différent mais curieux, susceptible de se connecter depuis l'ensemble du globe. Certaines initiatives vont encore plus loin, proposant au spectateur une position active au sein de la création musicale. Nous les détaillerons un peu plus tard.
2. De nouveaux outils pour développer les publics 1. De nouvelles techniques de communication
Les technologies du numérique offrent en sus de nouvelles possibilités pour interagir avec le public en terme de communication. C'est ici l'enjeu des réseaux sociaux et, par extension, des interfaces mobiles. Il existe environ une quarantaine de réseaux et médias sociaux correctement implantés en France, chacun avec leurs possibilités et contenus propres. 82% des internautes se déclarent aujourd'hui membres d'au moins une de ces communautés. 43 Ils n'étaient que 20% en 2007. Un Français moyen serait inscrit sur 3,5 réseaux sociaux, ce taux progressant chaque année. Pour toute institution culturelle, ces chiffres sont la preuve qu'il y a là un moyen de toucher une audience large à moindre coût. Ces plateformes évoluent constamment, et leur fréquentation aussi. Plus d'un internaute sur deux est aujourd'hui inscrit sur Facebook (54%). Twitter offre une progression assez notable : 5% en 2009 et 12% en 2012. Windows Live Messenger et Copains d'avant restent des réseaux fédérateurs (respectivement 46% et 33%, même si ce dernier accuse un recul de fréquentation de 16 points en 4 ans). Google+, dernier né, progresse de 9 points en un an jusqu'à atteindre 21%. Considérant l'évolution rapide de ces chiffres, il semble vain de vouloir dresser une cartographie systémique permettant d'analyser clairement l'usage de ces technologies. Toutefois, de grandes tendances se dessinent pour nous offrir matière à l'analyse. Chaque public a ses propres usages des réseaux sociaux : les plus jeunes (18-24 ans) s'en servent pour communiquer instantanément mais surtout partager des contenus : photos (Instagram, Picasa), vidéos (Youtube, Dailymotion) et musique (Deezer). Les plus âgés, eux, privilégient ceux basés sur la fonctionnalité messagerie : Facebook, MSN Messenger, Copains d'avant, Google+, 43 Sondage IFOP Observatoire des Réseaux sociaux, op.cit. 28
Trombi. La musique, dans tous les cas, tient une place de choix dans ces pratiques : 34% des internautes suivent des artistes musicaux, contre seulement 23% des acteurs ou 20% des personnalités politiques. Principalement, ils cherchent à se tenir au courant de leurs actualités (57%). L'idée de créer de la proximité entre l'artiste et le public est loin d'être essentielle (seuls 3% des internautes reconnaissent cet objectif). La notion de partage n'est pas non plus prioritaire : 5% des personnes suivant un artiste partagent leurs goûts avec leurs contacts. Cela dit, on fait découvrir plus volontiers une chanson aux autres (35%) qu'une exposition (21%). Un internaute sur 5 commente un concert ou spectacle auquel il assiste, contre 15% quand il s'agit d'une émission en livre streaming (phénomène du double écran). Une stratégie de communication numérique doit donc penser ces comportements et réagir selon. Il faut également considérer son prolongement pour anticiper les usages futurs et les inciter. L'exemple britannique du London Symphony Orchestra est éclairant : autrefois actif sur Myspace, l'ensemble est présent sur Facebook depuis 2007 (plus de 60 000 abonnés), Youtube (environ 15 000 abonnés, plus de 7 millions de vues), Twitter (118 000 abonnés), Google+ (17 000 abonnés), FourSquare, et gère aussi un blog. Jo Johnson, digital marketing manager de l'ensemble, estime qu'environ 4 millions de personnes sont ainsi touchées par le dispositif de communication global, dont la moitié au Royaume-Uni et la majorité des autres aux Etats-Unis. 44 Les réseaux sociaux s'insèrent en effet dans un ensemble plus large. Selon elle, le choix des plateformes est crucial et implique une réflexion autour du public ciblé et du contenu publié. Il ne s'agit pas ici de marketing, c'est-à-dire d'annoncer unilatéralement un concert ou la sortie d'un enregistrement et d'inciter l'audience à s'y rendre, mais de communication au sens de dialogue interactif, où les deux parties se retrouvent influencées. Le contenu doit donc être pertinent et impliquer un maximum d'acteurs (tant au niveau de la production que de la réception), flexible et réactif. Dans les usages, cela correspond à des vidéos, des photos, des actualités, des liens ouvrant sur une expérience interactive de la musique vivante (interviews des collaborateurs artistiques, vue sur les répétitions et les coulisses, retour sur les concerts). Un autre rôle majeur joué par les réseaux sociaux est celui de la médiation. Face à une offre pléthorique, l'internaute a ici accès à un outil de tri et d'accès à l'information dont il a besoin. Pour le public déjà réuni, d'autres outils permettent d'aller plus loin : les applications pour smartphones. Entre 40 et 50% des Européens sont aujourd'hui équipés d'un téléphone intelligent, et 82% des 44 How can social media & mobile web tools help marketing communications strategies for the performing arts, conférences données dans le cadre des Tenso Professionnals Meetings à Paris (10 et 11 mai 2012, CDMC/Cité de la Musique, Musicora/Palais Brongiart). 29
usagers se connectent quotidiennement au mobile web.45 Surtout, ils consacrent 2 heures par jour à leur smartphone, soit 20% de leur pratique des médias. Bon nombre d'institutions ont donc compris l'intérêt de développer une application pour ces téléphones, plus légère qu'un site adapté aux mobiles et participant de leur identité numérique. Ils y mettent à disposition un guide pratique (accès aux salles, plans, programmations, informations diverses, photos et vidéos) et renforcent la pratique communautaire, en proposant des réductions et des contenus exclusifs aux détenteurs de l'application (celle développée pour le London Symphony Orchestra, ciblant particulièrement les étudiants) ou des jeux concours (par exemple pour le festival Piknic Electronik au Canada, où les spectateurs pouvaient se prendre en photo avec des visuels de l'évènement, les partager et gagner des places, dans une optique de stratégie de communication virale). L'objectif d'une stratégie réussie est de rentre l'expérience du concert aussi intéressante que possible et de maintenir le lien avec le public déjà réuni tout en l'élargissant. Les réseaux sociaux multiplient les rendez-vous de l'orchestre avec le spectateur, créant un sentiment d'appartenance et de fidélité concrétisé souvent par la présence au concert. Cette relation n'est pas immédiate : il s'agit de bâtir une communauté autour d'un ensemble et d'envisager ce lien sur le long terme. Tous les thèmes ne s'y prêtent pas forcément : Tim Rutherford-Johnson, rédacteur d'un blog musical, confie : « Dans le monde de la musique contemporaine, il y a peu de débat et de critiques à engager ; il s'agit d'un petit milieu et tout le monde se connaît ».46 Luc Hossepied, responsable de la communication pour l'Ensemble Intercontemporain, le souligne encore quant à sa propre expérience : « Le blog ne fonctionnait pas et nous avons bientôt compris que ses lecteurs ne réagissaient pas puisqu'ils ne sentaient pas suffisamment légitimes pour débattre de la musique contemporaine ».47 Si les effets de telles stratégies sont difficiles à évaluer, elles permettent néanmoins de construire un travail de communication et de médiation à moindre coût autour de la programmation musicale d'un ensemble. Ce travail en est d'autant influencé par ces médias : Roei Amit, directeur chargé du numérique à la Réunion des Musées Nationaux – Grand Palais explique que les comportements du public ont changé. « Il ne veut plus simplement s'assoir à un concert en face d'un orchestre. Il faut lui parler autrement. Ce qui importe aujourd'hui est d'interagir avec lui, le surprendre, lui offrir quelque chose pour l'intéresser et capter son attention face à la multitude des contenus disponibles sur le Net. »48 L'enjeu est là : les individus étant de plus en plus actifs sur les réseaux numériques, la concurrence s'accroît entre les différentes activités culturelles face à cette 45 46 47 48
Ibid. A propos du blog http://johnsonsrambler.wordpress.com/. Ibid. Ibid. 30
réduction du temps de loisirs disponible. Ces publics doivent donc être captés là où ils peuvent et proposer une communication flexible et réactive. De nouvelles expériences artistiques naissent également dans ce but et se répandent. 2. Vers la redéfinition de l'expérience du concert
Des collaborations artistiques type cross-over se développent, qu'elles donnent lieu à un simple enregistrement ou, de manière plus pertinente, à des projets scéniques. Certains artistes se tournent ainsi vers le classique pour explorer un nouveau répertoire ou choisissent de réorchestrer leurs titres pour leur donner une nouvelle couleur. En 2005, Jeff Mills, DJ américain, fait réinterpréter ses titres par l'Orchestre Philharmonique de Montpellier sous la direction du chef d'orchestre Alain Altinoglu pour le projet Blue Potential. Un enregistrement sera publié. Suite à cette expérience, il écrit de nouveaux morceaux avec la collaboration d'un compositeur de formation classique, Thomas Roussel. Ce nouveau projet, Light From the Outside World, est créé en Norvège en 2011 avec l'Orchestre Symphonique de Stavanger, puis repris à la Salle Pleyel en 2012 avec l'Orchestre National d'Île-de-France. Ce dernier concert, mêlant l'orchestre et des interventions en direct du DJ, est retransmis en direct sur les sites de la Cité de la Musique et d'ArteLiveWeb, puis disponible en différé. Les initiatives dans l'autre sens existent. En 2009, Laurence Equilbey, chef d'orchestre et directrice artistique du choeur de chambre Accentus (et aujourd'hui d'Insula orchestra), fait appel à des artistes de la scène électro et électro-pop (Para One, Murcof, Marc Collin, Emilie Simon) pour le projet Private Domain. De grands classiques du répertoire baroque sont réarrangés dans le cadre d'un enregistrement largement promu en raison de la renommée des intervenants, et portés sur scène dans une cathédrale pour le festival du Printemps de Bourges, puis à la Cité de la musique. Qu'il s'agisse de créer ou d'adapter un répertoire préexistant, on comprend que ces projets sont influencés par la culture du remix, très en vogue avec ces nouveaux outils du numérique où la réappropriation et le détournement des œuvres deviennent accessibles à tous. Ils se définissent par une envie personnelle, celle de l'artiste, pour un travail de recherche sonore, et non la volonté de démocratiser un genre. « L'important, c'est que ce genre de projets soit une nécessité artistique, et non pas un calcul pour attirer de nouveaux publics. Ce n'est pas cela la motivation, ni la clé » souligne Laurence Equilbey, qui a toutefois constaté à l'occasion des concerts un public plus jeune que d'habitude.49 Le succès de tels projets repose sur trois axes : le travail d’ingénierie sonore mené 49 Entretien personnel mené avec Laurence Equilbey le lundi 4 avril 2013. 31
pour contourner les complications techniques (balance et gestion de l'acoustique notamment), un travail des lumières plus ciselé que dans le cadre d'un concert de musique classique pour proposer une véritable expérience visuelle, et la construction de nouvelles positions spectatorielles. Les salles demeurent assez conservatives et revendiquent la conception du concert hérité de Wagner : spectateur assis et silencieux, plongé dans le noir. Pour les concerts donnés dans les églises, Private Domain offrait la possibilité de déambuler, de danser ou de rester assis. Si le déficit d'attention est certain, Laurence Equilbey préfère passer outre : tout repose sur le niveau de concentration d'écoute que le spectateur souhaite avoir. Ces expériences sonores, si elles sont bien reçues par la critique et par le public dès lors qu'elles bénéficient d'une caution artistique, sont encore perçues avec une légitimité moindre par le milieu des professionnels de la musique classique. Laurence Equilbey qualifie Private Domain comme un projet « parallèle à ses activités ». « Les artistes pop ou électro sont plus ouverts à la musique classique, alors que les musiciens classiques restent souvent dans leur propre monde. Beaucoup de mélomanes parmi mon public habituel adorent cet album. Les professionnels sont, eux, en général plus conservateurs et goûtent moins les alliages de styles. » Ces démarches restent ponctuelles, revendiquant une logique spectaculaire et évènementielle. Certains artistes en ont toutefois fait leur ligne artistique : Thomas Roussel, ayant travaillé avec Jeff Mills pour son dernier projet, mêle également arrangements classiques et compositions électroniques au sein du duo très populaire SomethingALaMode (SALM). La porosité entre ces deux genres, qui partagent le goût d'une pulsation régulière et le sens des boucles harmoniques, permet ainsi d'initier des collaborations artistiques hybrides, donnant lieu à des projets alternatifs susceptibles, selon les collaborateurs impliqués, d'amener les publics à se croiser et se confronter à d'autres genres. S'il ne s'agit pas là d'un travail de sensibilisation au répertoire, il faut néanmoins souligner ici l'effort des acteurs de la création de proposer des expériences accessibles à tous et sans étiquette.
D'autres initiatives visent à agir directement sur les positions spectatorielles et pensent l'élargissement des publics en amont du projet. Le New World Symphony Orchestra, à Miami (EtatsUnis) est un ensemble composé de jeunes musiciens qui y parfont leur formation professionnelle. Installé dans un bâtiment conçu par Frank Gehry depuis 2011, le New World Center, les concerts sont retransmis en direct sur un mur de 650 m2 en extérieur et agrémentés de QR codes qui, une fois scannés, proposent au public des informations supplémentaires sur les œuvres. Dans la salle de concert, les projections visuelles complètent les performances pour donner une image moderne des
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concerts de musique classique. Plus étonnantes encore sont les soirées PULSE : Late Night at the New World Symphony. Les performances de l'orchestre, d'une durée de 15 minutes environ, sont entrecoupées par l'intervention d'un DJ ; les gens peuvent consommer de l'alcool et déambuler sur la scène, entre les musiciens, pour interagir avec eux ou danser. La salle de concert est alors transformée en véritable discothèque, avec jeux de lumière à l'appui, jusqu'au bout de la nuit. Une politique tarifaire attractive (20 dollars le billet) est mise en place pour ces soirées évènementielles pour attirer un maximum de publics jeunes – la moitié du public ayant en effet moins de 40 ans. 50 D'autres expériences ont été menées, notamment quant au format du concert : des billets pour voir des performances de 30 minutes à prix très bas (2,50 dollars) ont été mis en place. S'il s'agit bien là d'un travail de sensibilisation au répertoire au travers de ces évènements ciblés, celui-ci met en jeu de nouveaux formats de concerts visant à innover, de part une utilisation autre de la salle ou en dédoublant les espaces d'écoute. Depuis son installation dans ce nouveau bâtiment, Howard Herring, président du New World Symphony, a constaté une augmentation de 50% des nouveaux publics.51
3. Vers une logique sensationnelle
D'autres exemples permettent également de comprendre comment les nouvelles technologies peuvent amener les publics à participer directement à la création d'une œuvre ou à la vie d'un orchestre. C'est le principe du Do It Yourself (DIY). En 2009, le YouTube Symphony Orchestra organise une grande campagne de recrutement de jeunes musiciens en incitant les candidats à poster leurs vidéos sur le site de partage de vidéos. Une caution artistique était apportée par le London Symphony Orchestra et le chef d'orchestre Sir Michael Tilson Thomas – qui n'est autre que le directeur artistique du New World Symphony. L'orchestre final fut assemblé après vote des internautes, et un concert fut organisé au Carnegie Hall, à New York, après plusieurs jours de répétitions. L'opération se répéta en 2011 pour un concert final à l'Opéra de Sydney, retransmis en direct sur YouTube. Ce livestream demeure un des plus grands succès du site, avec plus de 11,1 millions de personnes connectées en direct et le plus grand nombre de vues pour un concert intégral. 52 50 Jordan Levin, Pulse : Late Night at the New World Symphony, 16 janvier 2012, disponible sur http://www.miami.com/pulse-late-night-new-world-symphony-article 51 Anne Midgette, Learning how to play technology, in The Washington Post, 15 mars 2013, disponible sur http://www.washingtonpost.com/entertainment/music/learning-how-to-play-technology/2013/03/14/c04567c6-8a8f11e2-98d9-3012c1cd8d1e_story.html. 52 Melissa Lesnie, YouTube Symphony attracts 33 million views worlwide,in Limelight, 25 mars 2011, disponible sur 33
Twitter-dammerung, projet initié par le Royal Opera House en 2009, place les réseaux sociaux comme outils même de la création. Pendant trois semaines, les internautes étaient invités à tweeter pour participer à la rédaction d'un livret d'opéra, à la manière d'un cadavre exquis. Deux compositeurs furent ensuite en charge de créer une œuvre à partir du texte établi. L'opération fut considérée comme un succès parce qu'elle mobilisa un nombre important de jeunes gens (la cible du projet) et qu'elle fut très économique à mettre en œuvre. « Il faut utiliser la technologie au cœur des projets. Au final, notre travail avec ces nouveaux médias se résume à toucher un public pas nécessairement intéressé par le monde de la musique et de faire qu'il vous écoute ».53 Si le résultat artistique, de l'avis même de Rachel Coldicutt, en charge du projet, ne fut pas impressionnant, il a néanmoins permis d'attirer 900 participants à l'opération. 54 On peut parler d'une logique sensationnelle dans ces deux exemples, en ce sens où la participation du public est envisagée sur le moyen terme seulement (deux mois pour le casting en ligne pour le YouTube Symphony Orchestra, trois semaines pour l'écriture collaborative du livret du Twitter-dammerung) et ne donne pas lieu à un accompagnement plus poussé. Leur succès d'audience n'est pas non plus nécessairement synonyme d'excellence artistique, les critiques ayant été dans les deux cas assez réservées. On est donc là plutôt en présence de one-shots évènementiels, dont la réussite marketing et l'intérêt du dispositif mis en œuvre sont indéniables, mais moins percutants dans leurs résultats.
3. De nouveaux outils pour l'action culturelle 1. Des outils pédagogiques en ligne
Grâce aux outils du numérique, la dématérialisation des contenus et leur accessibilité en ligne offrent de nouvelles possibilités pour les actions culturelles et pédagogiques mises en place par les institutions et ensembles musicaux. Les espaces dédiées à ces interventions deviennent de véritables centres de ressources pour leurs participants, avec la possibilité d'accéder aux dossiers d'oeuvres et différents documents qui sont autant de portes d'entrée à la compréhension de la musique pour les néophytes. Pour une classe d'élèves participant à un projet au long court (sur l'ensemble de l'année http://www.limelightmagazine.com.au/Article/252414,youtube-symphony-attracts-33-million-viewsworldwide.aspx. 53 Ibid. 54 How can social media & mobile web tools help marketing communications strategies for the performing arts, op.cit. 34
scolaire par exemple), la réalisation d'un blog constitue à la fois une restitution des temps forts vécus,
appelant
des
compétences
plus
« académiques » :
rédactionnelles,
synthétiques,
argumentatives. C'est en plus une vitrine qui documente ces dispositifs pour de futurs participants ou les partenaires financiers pour l'ensemble. Insula orchestra a ainsi mis en place en 2012 un ensemble de vidéos karaoké pour les participants du parcours Mozart en famille. Sur un espace dédié, ils pouvaient s'entraîner à chanter des pièces du compositeur autrichien sans pré-requis musical aucun (comme la lecture de partitions), ou s'échauffer grâce à des vidéos mettant en scène des exercices pratiques. En couplant ce dispositif audiovisuel avec des ateliers encadrés plus traditionnels, les participants étaient accompagnés tout au long du parcours en vue d'une restitution avec l'orchestre. Le coût d'un tel matériel est conséquent mais peut être amorti par sa réutilisation dans d'autres projets. Son maintien en ligne permet également la réappropriation du projet par d'autres acteurs et la poursuite informelle du parcours par les participants qui reviennent régulièrement sur le site. On retiendra de cet exemple une vision moderne de l'approche du répertoire qui envisage la pratique musicale de manière ludique et utilise avec pertinence le principe du détournement en usage dans le Web 2.0 tout en assurant sa qualité artistique.
Grâce aux outils du numérique, la dématérialisation des contenus et leur accessibilité en ligne offrent de nouvelles possibilités pour les actions culturelles et pédagogiques mises en place par les institutions et ensembles musicaux. Les espaces dédiées à ces interventions deviennent de véritables centres de ressources pour leurs participants, avec la possibilité d'accéder aux dossiers d'oeuvres et différents documents qui sont autant de portes d'entrée à la compréhension de la musique pour les néophytes. Pour une classe d'élèves participant à un projet au long court (sur l'ensemble de l'année scolaire par exemple), la réalisation d'un blog constitue à la fois une restitution des temps forts vécus,
appelant
des
compétences
plus
« académiques » :
rédactionnelles,
synthétiques,
argumentatives. C'est en plus une vitrine qui documente ces dispositifs pour de futurs participants ou les partenaires financiers pour l'ensemble. 2. Des interfaces adaptées à chaque public
Le 7 novembre 2012, l'orchestre belge Brussels Philharmonic donnait un concert où des
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tablettes numériques remplaçaient les traditionnelles partitions. Grâce au soutien d'un mécène, l'orchestre entame ainsi un vaste projet de numérisation et de développement d'une interface adapté aux besoins spécifiques d'un musicien sur scène : calibrage de l'écran pour tourner les pages, possibilité d'afficher l'ensemble du conducteur ou un seul pupitre, synchronisation des notes indiquées par le chef d'orchestre à l'ensemble des musiciens. Les qualités pratiques d'un tel dispositif amènent ainsi à penser de nouveaux supports, en sus des contenus évoqués plus tôt, pour l'action culturelle. Les jeunes publics, friands de ces technologies, y trouveraient là une image plus moderne d'une pratique culturelle souffrant souvent d'aprioris poussiéreux et élitistes. Pour des publics plus âgés, la découverte de ces outils est un bon prétexte pour les amener vers le répertoire classique. Les développeurs informatiques de certains marques ont ainsi mis en place des interfaces spécialement adaptées à certaines catégories d'individus (enfants ou seniors), simplifiées ou mettant en avant des fonctionnalités susceptibles de les concerner plus directement. La déclinaison de ces supports peut aussi être envisagée en fonction des compétences musicales de chacun : plus ludique pour les néophytes, plus pointue pour les participants déjà musiciens. De telles initiatives n'existent pas encore dans notre champ d'étude mais constituent une piste à exploiter. Dans tous les cas, pour reprendre les mots du violoniste Todd Reynolds, « la technologie reste un outil. Tout tourne autour de la musique : comment sonne-t-elle ? Quels sont ses effets ? Il ne s'agit pas de savoir comment on la fait. Ils n'en ont pas conscience et ça ne les intéresse pas nécessairement ».55 Un spectateur moyen n'a pas connaissance de cela et ce n'est pas ce qui l'amène dans une salle de concert. « Tout part de la musique et de sa magie ».
55 Anne Midgete, op. cit. 36
Conclusion
Nouvelles techniques de diffusion, de création, de communication et de médiation : nombreux sont les champs concernés à tous les niveaux professionnels des ensembles musicaux par les technologies numériques, et tout autant sont les possibilités offertes et à penser quant à leur configuration et leur mise en œuvre. La puissance médiatique de ces outils aujourd'hui dans notre quotidien et leur prise en compte en tant que pratiques culturelles à part entière les posent comme voie incontournable de l'action culturelle pour les années à venir. L'éducation artistique étant l'un des grands chantiers de l'actuelle politique initiée par notre gouvernement, notamment illustrée par la réforme des rythmes scolaires à venir dès la rentrée 2013-2014 et l'insertion de nouvelles plages d'activités culturelles dans le temps éducatif de l'enfant, ces actions sont amenées à prendre de l'ampleur. Pour un ensemble musical, l'opportunité est à saisir de proposer des initiatives innovantes et adaptées à cette nouvelle demande, pour mettre en œuvre des projets en dehors d'une conception traditionnelle et réductionniste. Derrière l'émancipation de l'individu voulue par la culture et son éducation en tant que citoyen par d'autres voies que les compétences académiques, les ensembles musicaux ont tout à gagner d'être les acteurs de cette sensibilisation en concertation avec les instances traditionnelles comme l'école. La musique classique souffre en effet d'un problème de vieillissement des publics, et de nouveaux viviers de spectateurs sont à capter dès le plus jeune âge pour remplir les salles de demain, légitimer le maintien de ses financements importants et nécessaires, et assurer la pérennité et le dynamisme artistique d'un art multi-millénaire.
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CONCLUSION GENERALE Promis par François Hollande lors de sa campagne électorale, un grand chantier pour l'éducation artistique et culturelle a été lancée par Aurélie Filippetti à la fin de l'année 2012. Face au contexte économico-social difficile, la mise en œuvre d'une politique ambitieuse en faveur des artistes semble aujourd'hui moins évidente. Reconnecter la création avec son public pour légitimer son financement, là semble s'être établi le consensus politique pour la culture. L'éducation artistique n'est pas une nouveauté, puisque de nombreuses actions ont été menées en ce sens depuis 30 ans : création des 10% pédagogiques pour les lycées en 1973, des Classes à Horaires Aménagés en 1974 ou des classes à Projets Artistiques et Culturels en 2001. Longtemps, l'insuffisance des moyens a été dénoncée, tout comme le manque d'ambition d'une politique qui joindrait les efforts du Ministère de la Culture et de la Communication et celui de l'Education Nationale pour impulser un élan général. La mesure de l'efficacité de ces actions pour l'éducation artistique, et plus largement des politiques de démocratisation, sous-entend la dotation d'indicateurs. Pour la musique classique, cela se résume bien souvent au nombre de spectateurs dans les salles de concert ou dans les festivals. Cette vision nous semble pourtant un peu étroite. Que fait-on des mélomanes écoutant leurs airs préférés à la radio, regardant un concert en streaming sur internet ou découvrant avec attention le livret du dernier enregistrement acquis ? Avant même de parler de démocratisation, il s'agit de se poser la question : quel est notre objectif ? Veut-on en faire des mélomanes ou des gens avec une pratique artistique ? Imaginer qu'en remplissant les salles avec des publics scolaires, nous leur donnerons goût au répertoire et qu'ils reviendront d'eux-mêmes écouter un concert quelques années plus tard, est une utopie. « On ne séduit pas quelqu'un en le fixant directement dans les yeux et en lui assénant gravement : vous allez vivre la plus grande expérience de votre vie ! », dénonce Jean-François Zygel, qui contribue à donner un peu plus de visibilité à la musique classique. 56 Un public cible s'appréhende dans son rapport à l'apprentissage ; tout est question de passeurs. Pour toucher les plus jeunes, la musique classique doit tenir compte d'un modèle de diffusion qui a échappé à son industrie, transformé par ses acteurs-consommateurs et qui brouille les classifications traditionnellement établies, dont les critères étaient soit esthétiques, soit liés au support ou au genre. Paul Régimbeau, DJ aussi connu sous le pseudonyme Mondkopf, prédit ainsi l'avenir musical : « On se repèrera moins par style ou mouvement mais de plus en plus par mode de consommation ou par le média prescripteur ».57 56 Bernard Mérigaud, Jean-François Zygel : entendre plus, c'est jouir mieux in Télérama n°3026, janvier 2008. 57 La Gaîté Lyrique/Gonzaï, Les visioonaires : Mondkopf – quel avenir pour la musique ?, 7 février 2013 disponible 38
En cela, les outils du numérique ont bouleversé la donne et le progrès technique continuera de le faire. Il s'agit de refuser la fuite en avant. Le grand défi aujourd'hui est d'anticiper pour et avec ces publics les changements techniques à venir et les attentes de leurs consommateurs, pour les faire concorder avec la survie économique de tout un système et, potentiellement, trouver d'autres voies à la création pour alimenter son dynamisme. Aujourd'hui, c'est aux professionnels de ces institutions et opérateurs culturels d'aller à leur rencontre sur un terrain encore bien en friche.
sur http://www.gaite-lyrique.net/gaitelive/les-visionnaires-mondkopf-quel-avenir-pour-la-musique 39
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André Nicolas, Evolution de l'offre de musique numérique du 2nd semestre 2007 au 2nd semestre 2011, Cité de la musique/Observatoire de la musique, Paris, 2012.
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André Nicolas, Etat des lieux de l'offre de musique numérique au premier semestre de l'année 2012, Cité de la musique/Observatoire de la musique, Paris, 2012.
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Gregory Parry, Live after Live Music Survey, Tenso Network, Paris, 2012.
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Sondage IFOP Observatoire des réseaux sociaux réalisé en novembre 2012.
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Enquête Les actions culturelles et pédagogiques réalisée pour l'association ERDA/Accentus en 2012.
Articles –
Bernard Mérigaud, Jean-François Zygel : entendre plus, c'est jouir mieux in Télérama n°3026, janvier 2008.
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Michel Abescat, Les Français et la Culture : révolution chez les 15-25 ans in Télérama n°3118, octobre 2009.
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Melissa Lesnie, YouTube Symphony attracts 33 million views worlwide,in Limelight, 25 mars 2011, disponible sur http://www.limelightmagazine.com.au/Article/252414,youtubesymphony-attracts-33-million-views- worldwide.aspx.
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Jordan Levin, Pulse : Late Night at the New World Symphony, 16 janvier 2012, disponible sur http://www.miami.com/pulse-late-night-new-world-symphony-article
–
La Gaîté Lyrique/Gonzaï, Les visionnaires : Mondkopf – quel avenir pour la musique ?, 7 février
2013,
disponible
sur
http://www.gaite-lyrique.net/gaitelive/les-visionnaires-
mondkopf-quel-avenir-pour-la-musique –
Anne Midgette, Learning how to play technology, in The Washington Post, 15 mars 2013, disponible sur http://www.washingtonpost.com/entertainment/music/learning-how-to-playtechnology/2013/03/14/c04567c6-8a8f- 11e2-98d9-3012c1cd8d1e_story.html.
Travaux universitaires –
Elisabeth Moret, Succès public pour la musique classique – La Folle Journée, Mémoire de DESS Développement culturel et direction de projet, sous la direction de Bernard Lehmann, Lyon, Université Lumière Lyon 2/Arsec, 2002.
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Adeline Viey, Démocratisation et musique classique : mythe ou réalité, mémoire de fin d'études sous la direction de Max Sanier, Lyon, Institut d'Etudes Politiques, 2006.
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Guillaume L'Hôpital, Quand la musique se joue en réseaux : l'exemple d'Accentus et du réseau européen Tenso, mémoire de master PPCS – Direction de projets culturels, sous la direction de Philippe Teillet, Grenoble, Institut d'Etudes Politiques, 2011. 41
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Marius Carboni, Marketing Strategies in the UK Classical Music Business: An examination into changes in the classical music business since 1989, Thèse de doctorat « Changes in classical music business models since 1989 », Hertfordshire, University of Hertfordshire, 2011.
Conférences, colloques et entretiens –
How can social media & mobile web tools help marketing communications strategies for the performing arts, conférences données dans le cadre des Tenso Professionnals Meetings à Paris (10 et 11 mai 2012, CDMC/Cité de la Musique, Musicora/Palais Brongiart).
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Hélène Combis-Schlumberger, Le cinéma, relais du spectacle vivant, reportage diffusé sur France Culture le 21 septembre 2012.
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Entretien personnel mené avec Laurence Equilbey le lundi 4 avril 2013.
Sites internet –
Culture.fr, portail du Ministère de la Culture et de la Communication, consulté le 22 mars 2013
[http://www.culture.fr/Actualites/Musiques-Concerts/L-opera-au-cinema-vers-une-
democratisation-du-bel-canto]
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