Tony Guicheteau 2018 / 2019 MĂŠmoire de master 1 - Architecture Environnement & Cultures Construcives
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J’adresse mes remerciements à Nicolas Dubus pour son suivi ainsi que ses précieux conseils. Je remercie également Jacques Félix-Faure, Vincent Rigassi, Thomas Jusselme et Olivier Baverel de m’avoir accordé de leur temps. Enfin, je tiens à remercier ma famille et mes amis pour leur soutien et leurs conseils.
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Table des matières 7
Introduction
I - L’état de la construction en France aujourd’hui 11
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1 - L’évolution de la réglementation et des labels en France
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2 - L’énergie grise de la construction
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3 - Le choix des matériaux
II - Le matériau bois et son impact environnemental 23
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1 - Le bois, de la matière au matériau
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2 - Qu’est-ce que la performance environnementale ?
39 3 - À quelles conditions le bois est-il vertueux dans une construction ? 43
III - La réalité de la construction bois
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1 - L’utilisation du bois dans la construction vue par les concepteurs
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2 - « Vizcab », un outil d’aide à la décision
60 3 - La notion économique à l’encontre de la performance environnementale
Conclusion
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Bibliographie
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Entretiens
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Webographie
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Annexes
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Introduction Aujourd’hui, le réchauffement climatique et la crise écologique causés par l’activité humaine ne sont plus à démontrer. Même si la transition écologique prend de l’importance, les efforts aujourd’hui ne sont pas suffisants. Les humains polluent notamment depuis la révolution industrielle du XIXème siècle et rejettent beaucoup de gaz à effet de serre1, or, l’augmentation de la concentration de CO2 et la température sont liées (Benoit (Y), 2015). Le rapport du GIEC de 2018 sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5° est alarmant. Limiter l’augmentation de la température de 1,5 °C devient primordial pour limiter les impacts sur l’être humain, sur la faune et sur la flore. Le réchauffement climatique provoque par exemple des inondations avec des incidences sur la pèche et l’agriculture et donc des lourdes conséquences sur la pauvreté. Il peut de ce fait être responsable de la disparition de nombreuses espèces et causer de nombreuses crises géopolitiques. En massacrant la planète, l’homme se menace lui-même. Fort heureusement, les experts climatiques indiquent que même si la situation est dramatique, il n’est pas trop tard pour agir sur la réduction des émissions de GES dans les secteurs les plus consommateurs d’énergie en développant les forêts et les technologies pour absorber la pollution avant que les effets ne soient irréversibles. Outre le réchauffement climatique et l’émission de GES, l’homme puise de la matière dans des ressources limitées. L’exploitation des énergies fossiles, ressources épuisables et qui pour certaines rejettent du CO2, est destinée à produire la plus grande partie de l’énergie nécessaire aux activités humaines. Selon l’Agence Internationale de l’Energie, «la combustion d’énergie fossile est la première activité humaine responsable de l’émission de gaz à effet de serre» (ARENE Île de France, ICEB, 2012, p.17). En 2012, 41,5 % des énergies primaires consommées en France proviennent de l’électricité nucléaire, 30,3 % du pétrole et 14,8% du gaz. Les énergies renouvelables représentent seulement 8,8%, encore loin des engagements pris en 2009 dans le cadre du « paquet sur le climat et l’énergie à l’horizon 2020 »2 du parlement européen où l’objectif a été fixé à 20%3. De plus, les produits industriels utilisent des ressources en matériaux souvent limités en quantité (acier, sable…). L’enjeu est de taille car l’épuisement des ressources pourrait engendrer une révolution technologique culturelle plus importante que la révolution industrielle (Choppin (J), 2014). En plus de réduire nos consommations d’énergie et de trouver des solutions alternatives, il est important de conserver nos capitaux de ressources afin que les générations futures puissent répondre à leurs besoins. Or, la priorité n’est pas seulement de se préoccuper des ressources épuisables car l’homme consomme également trop de ressources renouvelables. L’empreinte écologique permet de mesurer la pression exercée par l’homme sur la nature et ainsi 1 Gaz à effet de serre (GES), dont le CO2 fait partie 2 Le paquet 2020 est un ensemble d’actes législatifs contraignants devant permettre à l’UE d’atteindre ses objectifs en matière d’énergie et de lutte contre le changement climatique à l’horizon 2020. 3 D’après l’ADEME, site internet consulté le 17/01/2019 https://www.ademe.fr/sites/default/files/ assets/documents/chiffres-cles-batiment-edition-2013-8123.pdf
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la consommation des ressources naturelles. « L’empreinte écologique de l’humanité a dépassé la bio capacité de la Terre » (Benoit (Y), 2015, p.XIII), c’est-à-dire la capacité annuelle à renouveler les ressources naturelles : c’est ce qui est appelé « earth overshoot day » ou « jour du dépassement ». Ce fameux jour arrive malheureusement de plus en plus tôt chaque année, en 2014 il était le 10 août alors qu’en 2018 il correspondait au 1er août. A partir de ce jour et jusqu’à la fin de l’année, nous vivons à crédit sur la planète avec « une surexploitation écologique de 50 % » (Benoit (Y), 2015, p.7). Depuis les années 1970 et les premiers chocs pétroliers, les activités de l’homme sont bouleversées à cause de sa dépendance aux énergies fossiles. Des actions apparaissent alors dans le but de réduire les consommations d’énergie, la réglementation thermique par exemple. La prise de conscience du risque des émissions de GES et du réchauffement climatique font leur apparition lors de la conférence de Stockholm sur l’environnement en 1972. Les Etats les plus pollueurs (et les plus riches) ont pris des engagements suite au protocole de Kyoto en 1997, traduisant une volonté juridique de stabiliser les émissions de GES (Chlela (F), 2008). La notion de développement durable apparaît pour la première fois dans le rapport Brundtland en 1987,« sustainable development » en anglais. « Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs »1, il cherche à apporter une solution à l’équilibre fragile entre l’homme, ses activités et son milieu. Il se compose de 3 dimensions indissociables : L’écologie, l’économie et le social. Aujourd’hui, la dimension culturelle est aussi prise en compte. Parmi les secteurs les plus pollueurs au niveau mondial, celui de la construction en fait partie. Il participe à hauteur de 25% des émissions de GES, selon le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (Molle (D.), Patry (P.M.), 2013) et à hauteur de 40 % du prélèvement des ressources naturelles au niveau mondial (Gobin (C), 2010). Le bâtiment possède un fort potentiel de diminution de consommation d’énergie, de consommation de ressources et d’impact sur le climat. Les chiffres de l’ADEME de 2005 indiquent qu’en France le secteur du bâtiment est le plus gros consommateur d’énergie parmi tous les secteurs économiques, soit 43% de l’énergie finale totale (Chlela (F), 2008). Cela s’explique en partie par le fait qu’en France, les 2/3 du parc logements ont été construits dans la période de l’après-guerre et avant 1975, dans un souci de reconstruction sans prise en compte de la performance thermique, ce qui engendre une forte consommation d’énergie finale en utilisation et par conséquent un rejet important de GES. Cet ensemble de bâtiments consomme en moyenne 400 kWh/m²/an. A titre de comparaison, la moyenne fixée par la RT 2012, en application à ce jour, atteint seulement 50 kWh/m²/an et une maison dite passive 15 kWh/m²/an (Benoit (Y), 2015). Grâce à la création de la réglementation thermique imposant des performances thermiques et l’évolution des modes de construction, cette consommation unitaire d’énergie finale a tout de même fortement diminué. Cette évolution se ressent dans la moyenne d’énergie finale qui est passée de 350 kWh/m²/an en 1973 à 180 kWh/m²/an (Benoit (Y), 2015).
Au vu des progrès qu’ont apporté les réglementations thermiques successives
1 D’après Wikipédia, site internet consulté le 03/01/2019 https://fr.wikipedia.org/wiki/Rapport_ Brundtland#cite_note-1
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sur le plan de la consommation énergétique, il m’a semblé légitime de mener une réflexion autour de la construction et plus précisément de l’impact environnemental que peut avoir le choix des matériaux dans le processus de conception. Ce sujet porte un réel intérêt pour l’étudiant et futur concepteur que je suis car il me semble intéressant de comprendre comment intégrer le paramètre environnemental dans le choix des matériaux de construction, dans l’objectif d’avoir un impact carbone minimal et notamment comment intégrer le bois dans la conception architecturale. En effet, ce matériau possède de nombreux avantages environnementaux. Il est souvent vendu ou perçu comme un matériau porteur d’avenir pouvant se substituer au béton ou à l’acier. Il s’agit également d’anticiper la future réglementation environnementale 2020 qui intégrera les questions d’impact carbone de la construction.
Il semble alors légitime de se demander, à quelles conditions le bois est-il une meilleure solution pour atteindre des bons niveaux de performances environnementales ?
Dans un premier temps, nous ferons un constat actuel de la construction en France en faisant le point sur les réglementations, les labels et l’énergie grise des matériaux. Ensuite, nous traiterons dans un second temps du bois, de la matière au matériau et passant en revue les utilisations du bois puis en posant une hypothèse de réponse à la problématique. Pour finir, nous analyserons les entretiens afin de trouver des éléments de réponses à la problématique.
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I - L’état de la construction en France aujourd’hui Le secteur du bâtiment fait partie des responsables du réchauffement climatique et de la pollution. Le contexte actuel du réchauffement climatique et de la transition écologique nécessitent de profonds changements dans les habitudes de construction mises en place pour certaines depuis des siècles.
1 - L’évolution de la réglementation et des labels en France Les réglementations thermiques en France en s’endurcissant au fur et à mesure ont permis jusqu’à aujourd’hui de redresser progressivement le cap de la consommation énergétique de la construction. En France, les 2/3 du parc logement ont été construits dans la période de l’après-guerre et avant 1975, dans un souci de reconstruction massive sans prise en compte de la performance thermique, ce qui engendre une forte consommation d’énergie finale1 en utilisation et par conséquent un rejet important de GES dû à l’exploitation d’énergie fossile comme source d’énergie. Cet ensemble de bâtiments consomme en moyenne 400 kWh/m²/an. A titre de comparaison, la moyenne fixée par la RT 2012 en application à ce jour atteint seulement 50 kWh/m²/an (Benoit (Y), 2015). Cette consommation unitaire d’énergie finale a fortement diminué avec la création de la réglementation thermique en 1974. Elle découle d’une prise de conscience à la suite du choc pétrolier de 1973. Cette première réglementation imposait des performances thermiques et des évolution des modes de construction. Depuis cette première réglementation, un grand nombre de labels, certifications et autres réglementations ont vu le jour2.
Réglementations, normes, certifications, labels : à quoi correspondent-ils et comment les différencie-t-on ? Commençons par le plus évident, la réglementation. Elle représente ce que la loi impose de respecter. Selon sa nature, un projet peut y être soumis tout comme il peut y échapper. Les autorités administratives (Etat, Sénat, Collectivités…) se chargent 1 On distingue l’énergie primaire qui est une forme d’énergie brute disponible dans la nature de l’énergie finale disponible pour l’utilisateur, qui a subi des pertes suite aux transformations et au transport. 2 Un tableau synthétique ainsi qu’un diagramme les regroupent, cf. Fig. 1
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de les élaborer. Ensuite, la norme correspond à un référentiel à respecter. Il existe 2 types de normes : réglementaires ou volontaires. Les normes réglementaires sont rendues obligatoires par la réglementation. En France, elles sont administrées par l’AFNOR (Association Française de Normalisation). Quant aux normes volontaires, les professionnel d’un secteur se mettent d’accord pour définir des critères communs pour leurs produits ou leurs services. Ces normes volontaires peuvent être récompensées par l’attribution d’un label. Une certification découle d’une démarche volontaire du promoteur ou du maître d’ouvrage pour obtenir la reconnaissance de qualité. Elle est encadrée par la loi du 3 juin 1994 et par décret du 30 mars 1995 du Code de la consommation. Ce dernier exige une séparation entre l’organisme certificateur et l’entreprise. Elle va généralement plus loin que la réglementation en terme d’exigences et elle est délivrée par un organisme certifié, indépendant et impartial à la suite d’une évaluation. Enfin, un label permet de garantir un niveau de qualité et de viser l’excellence selon des exigences précises. Il est défini par la publication d’un cahier des charges contenant l’ensemble des normes à respecter. Seul un organisme certificateur, lui-même accrédité par le COFRAC peut attribuer un label. Certains labels officiels sont définis par l’État et d’autres par des entreprises privées.
La réglementation thermique 2012 La RT 2012, applicable depuis 1er janvier 2013, exige un certain niveau de performance : elle fixe une limite de consommation d’énergie primaire selon la zone climatique et l’altitude de la construction, soit une moyenne de 50 kWh/m²/an. Dans ce calcul, elle prend en compte conventionnellement le confort estival (TIC)1, la consommation d’énergie primaire (Cep) et les besoins bioclimatique (Bbio) (Benoît (Y), 2015). Cependant, la RT 2012 possède quelques défauts. Elle oblige d’investir dans un système d’énergie renouvelable et dans des équipements énergétiques performants à haut rendement qui sont souvent très coûteux. En contrepartie, il serait peut-être plus intéressant d’investir dans des matériaux plus responsables et plus locaux qui sont souvent mis de côté car ils sont plus chers que les matériaux industrialisés. (Marroun (A), 2016). Aujourd’hui, pour construire une maison sobre BBC2, la RT 2012 n’est qu’une petite partie des performances exigées. Elle ne prend en compte ni la consommation d’énergie spécifique correspondant à l’électroménager et à la bureautique, ni les énergies grises des produits de construction.
La future réglementation environnementale 2020 Pour pallier ce manque entrent en jeu les labels, plus exigeants que la réglementation et de démarche volontaires. Ils permettent donc d’anticiper et d’expérimenter les futures réglementations. En effet, comme le montre l’exemple de la RT 1982, ses exigences étaient les mêmes que le label Haute Isolation Thermique, mis en application 2 ans auparavant et qui était supérieur à la précédente réglementation. De même, le label BBC du 3 mai 2007, qui indiquait une consommation énergétique 1 2
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TIC : température intérieure conventionnelle BBC : bâtiment basse consommation
Fig. 1 Graphique comparatif des labels et des rĂŠglementions
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globale égale ou inférieure à 50 kWh/m²/an, s’est vu rentrer dans les normes de la RT 2012. Dans la continuité des autres réglementations, on se rend compte que la future réglementation environnementale 20201 sera sans doute une application du label E+/C-. Elle portera donc, en plus de la performance énergétique en visant les constructions à énergie positive, sur la performance environnementale en limitant le rejet de GES via le bilan carbone. Celui-ci se calcule à partir de l’analyse de cycle de vie de chaque matériau utilisé dans la construction. Cette réglementation pourrait alors valoriser l’utilisation de matériaux renouvelables, performants et locaux par exemple.
Une évolution progressive des labels et des réglementations Grâce à la création d’un inventaire comparatif des réglementations et labels2, nous constatons qu’il en existe des divers et variés. Au fil des années, ils ont bien évolué et sont devenus de plus en plus exigeants et prenant en compte de plus en plus de paramètres en lien avec le confort et l’environnement. A la création de la première réglementation en 1974, la déperdition de chaleur par l’enveloppe était la seule préoccupation, dans le but de limiter les besoins en chauffage. L’évolution à ce jour se ressent dans la moyenne d’énergie finale qui est passée de 350 kWh/m²/an en 1973 à 180 kWh/m²/an en 2012. (Benoit (Y), 2015). Aujourd’hui le label E+/C- va beaucoup plus loin en intégrant tout le cycle de vie du bâtiment, de sa construction à sa destruction en passant par son exploitation. On constate une concentration de labels et certifications ces 4 dernières années. Cependant, on s’aperçoit qu’ils fixent tous une limite de consommation du même ordre de grandeur en allant vers les bâtiments à énergie positive, où fixer une limite perd tout son sens. C’est pour cela que les récents labels prennent désormais en compte l’impact carbone et environnemental de la construction, preuve qu’il s’agit d’un enjeu actuel. L’impact carbone, présent dans la plupart des labels applicables à ce jour, est aujourd’hui un enjeu important au vu de la volonté dans un futur proche de créer des bâtiments qui produisent plus d’énergie renouvelable qu’ils n’en produisent car la construction deviendra l’unique source de rejet de GES, elle doit donc être traitée de sorte que son impact soit minime. Pour faciliter le respect de la future réglementation et l’obtention d’un label, il est important de viser les plus hauts niveaux de performances, et ce dès la conception en utilisant des outils mis à disposition.
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La future réglementation s’appellera ainsi, son nom n’étant pas encore défini Voir Fig. 1
Fig. 2 Répartition du poids CO2 de l’acte de construire © NOVABUILD
2 - L’énergie grise de la construction Le progrès de la consommation d’énergie finale des bâtiments grâce aux réglementations thermiques incite à trouver de nouvelles solutions pour limiter l’impact environnemental du secteur du bâtiment. Aujourd’hui, des progrès restent à faire au niveau de la construction. Celle-ci, contrairement à la consommation d’énergie finale, a très peu évolué comme le montre cette illustration ci-dessous. En effet, les constructions traditionnelles ont un faible impact sur l’environnement, hors vie en œuvre, mais elles consomment une grande quantité d’énergie pour le chauffage. A ce jour, faire un bâtiment performant thermiquement n’est pas compliqué, ce qui reste difficile est d’ajouter à cela un faible impact environnemental. Comment en sommes-nous arrivés à une architecture aussi polluante ?
Fig. 3 Cumul d’énergie pour différents types de construction ©Fibois38
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L’influence de la révolution industrielle et des lobbies La révolution industrielle semble être le principal responsable. La fameuse citation de Bobbio « la fin justifie les moyens » (Piano (R), 2007, p.44) peut être une explication selon Renzo Piano. En effet, la « fin » est-elle la bonne fin ? Depuis la révolution industrielle du XIXème siècle, la « fin » donne plus d’importance au progrès scientifique et technique qu’à l’éthique et la conscience morale. Celle-ci ne prend pas en compte la conscience du mal être de l’environnement (Piano (R), 2007). « L’influence du sol, du climat, de la race, a cédé à l’action sociale et politique » (Alexandroff (G et J.M), 1982, p.146). Le progrès du verre, par exemple, s’est répandu et tout le monde rêvait de faire entrer la lumière chez lui, le climat n’était donc plus pris en compte dans la conception. Les éléments naturels tels que le vent et le soleil ont été négligés dans l’acte de bâtir par les architectes et les urbanistes du XXème siècle (Alexandroff (G et J.M), 1982). Les lobbies industriels ont pris plus d’importance que l’environnement et c‘est ainsi que « le ciment armé est devenu plus moderne que le bois ou les briques, seulement parce qu’il existe des panneaux préfabriqués en ciment qui, nous le savons, apportent une certaine raideur dans la gestion de l’environnement » (Piano (R), 2007, p.42). De même, la terre est un matériau qui peut être mis en œuvre de différentes manières : en pisé ou en torchis par exemple. Toutefois, avec le développement industriel la brique de terre cuite a fait son apparition pour être assemblée avec du mortier, puis on a créé des panneaux entiers préfabriqués devenant un prêt-àconcevoir et un prêt-à-poser. Ce procédé semble simple, peu cher, rapide et efficace au vu des normes. Est-il cependant efficace sur le plan environnemental ? (Choppin (J), 2014). Au début de la révolution industrielle, les éléments produits en masse étaient petits (vis, boulons…), puis ils ont grossi au fil du temps. Les éléments sont devenus des briques, puis des poutres en béton précontraint pour finir aujourd’hui avec des salles de bain complètes, et même des maisons entières livrées par hélicoptère (Contal (M.H.), 2014)1.
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Fig. 4 300 Kg de nature pour fabriquer 10 kg de produit industriel © Julien Choppin Alexander (C.) dans l’ouvrage de Contal (M.H.), 2014
La disparition de l’architecture vernaculaire au profit de la mondialisation L’architecture dite « populaire » a pris le dessus sur l’architecture dite vernaculaire. Aujourd’hui, une grande partie des matériaux est importée et les constructions locales se font rares. « Est « vernaculaire » (du latin) vernaculus) ce qui est engendré par et dans la maison, donc absolument territorialisé et faiblement lié à l’espace marchand ». (Choppin (J.), Delon (N.), 2014, p.25). Aujourd’hui, il est devenu banal d’extraire un minerai à 1 km de profondeur, de le faire parcourir 1000 km pour le transformer et au final créer une charpente métallique. La société d’aujourd’hui suit une philosophie où la rentabilité et le désir de faire des bénéfices le plus vite possible règnent avec des produits souvent venus d’ailleurs (Contal (M.H.), 2014)1. L’arrivée des énergies fossiles qui étaient en apparence illimitées a engendré le développement des machines et ainsi l’exportation massive des matériaux. Il semble à première vue que toutes les architectures sont uniques et contextuelles, en tout cas l’image qu’elles dégagent donne cette impression. Comme l’a dit Kévin Low, les gratte-ciels de Dubaï se différencient de la tour « the Shard »de Londres, elle-même différente des flèches jumelles de Kuala Lumpur. Pourtant, elles utilisent les mêmes machines pour aspirer l’air, les mêmes doubles vitrages, bref, les mêmes composants. La créativité de nos jours se traduit dans la forme et le contenu de celle-ci est la même aux quatre coins du globe (Contal (M.H.), 2014)2. Certains cas prouvent que la construction locale est essentielle et pour appuyer ce propos, prenons comme exemple les logements vernaculaires de Guyane. Ceux-ci étaient construits de matériaux locaux avec des systèmes de ventilation et de rafraîchissement astucieux adaptés au climat. Cependant, les constructions en parpaings arrivent en Guyane et se développent car elles sont considérées comme une réussite sociale. Pour ce type de construction, la matière est importée, elle nécessite de la main d’œuvre qualifiée et elle oublie les techniques astucieuses de ventilation naturelle pour laisser place à des installations électriques chères et énergivores. Cela donne un résultat très médiocre : les nouvelles constructions plus « modernes » sont humides, inconfortables, importées, chères et énergivores (Choppin (J), 2014). Les constructions vernaculaires traditionnelles étaient pensées pour utiliser le moins d’énergie possible afin de pallier le manque d’outils et de machines disponibles. Le bois disponible localement était privilégié pour son transport et sa mise en œuvre facile. Aujourd’hui on importe une trop grande quantité de matière malgré la disponibilité proche de celle-ci. Alors, sous prétexte qu’on peut produire de l’énergie en grande quantité, faut-il l’utiliser abondamment ? D’autant plus que l’énergie utilisée au transport de toute cette matière n’est pas sans conséquence sur la planète (Ware (S.), 2018).
Les enjeux du recyclage face aux déchets L’impact environnemental de la construction n’est pas concerné seulement par l’utilisation de matière importée, il concerne également les déchets. Par définition, un déchet concerne « tout résidu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, toute substance, matériau, produit, ou plus généralement tout bien 1 2
Alexander (C.) dans l’ouvrage de Contal (M.H.), 2014 Low (K.) dans l’ouvrage de Contal (M.H.), 2014
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meuble abandonné ou que le détenteur destine à l’abandon » (article L.541-1-1 du Code de l’environnement). En France, 1/3 des déchets proviennent de la construction dont une très grande partie proviennent de la démolition (site du ministère de la transition écologique et solidaire)1. Les bâtiments sont détruits et reconstruits uniquement pour des raisons économiques et politiques sans prendre en compte la dimension environnementale. Le bâtiment consomme beaucoup de matière ; le recyclage et la réutilisation constituent les enjeux de demain. Idéalement et dans une notion de développement durable, la conception d’un projet prend en compte sa destruction, notamment dans le choix des matériaux pour tenter de faire rentrer les déchets dans une économie circulaire et donc faire en sorte que les déchets d’un produit soit une ressource pour un autre. Il semble absurde de jeter des matériaux et des constructions encore en bon état alors que nous habitons dans une planète finie. Il est tout de même difficile de favoriser la rénovation à la destruction d’une construction ancienne en raison des nombreuses contraintes qu’imposent les normes actuelles thermiques, acoustiques et structurelles. La réhabilitation semble idéale, mais en réalité elle coute plus cher qu’une construction neuve. En contrepartie elle permet d’éviter une grande quantité de déchets et de consommer moins de ressource sur la planète (Brière (P.), 2018).
L’épuisement des ressources Outre les déchets que produit la construction, l’épuisement des ressources constitue un autre problème environnemental. L’enjeu est de taille car certaines des ressources consommées sont limitées. Il existe 2 types de ressources sur notre planète : les ressources non renouvelables et les ressources renouvelables. Le potentiel d’amélioration dans le secteur de la construction est important, les chiffres de la consommation des ressources en sont une preuve. En France, chaque année, la construction consomme énormément de matériaux de construction (béton, bois, ciment, plastiques, isolants…). Le sable fait partie des ressources épuisables, pourtant il est la deuxième ressource la plus utilisée après l’eau. Il sert notamment à la création du verre et du béton. « Deux tiers du poids annuel de la construction livrée en France tout programme confondus, sont en béton ou en béton armé » (Choppin (J), 2014, p.37). En conséquence, cette exploitation trop importante entraîne la fragilisation des rivières, des littoraux et de la biodiversité. De même, l’épuisement des ressources de certains métaux s’exprime en décennies alors que l’équivalent de 500 tours Eiffel est consommé toutes les 24h dans le monde (site Bastamag)2. Avec la volonté de réduire l’impact carbone de la construction dans un contexte où les ressources sont fragiles, le choix des matériaux devient une partie très importante de la conception architecturale.
1 D’après le Ministère de la transition écologique et solidaire, site internet consulté le 19/12/2018 https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/dechets-du-batiment-et-des-travaux-publics 2 D’après Bastamag, site internet consulté le 15/02/2019 https://www.bastamag.net/Quand-lemonde-manquera-de-metaux
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3 - Le choix des matériaux Repenser la conception d’un projet Le problème d’épuisement des ressources est, comme les déchets, à prendre en amont dans la conception du projet. L’objectif d’être « zéro déchet » et au vu de l’épuisement des ressources nous amène à repenser le cycle de la matière dans une économie moins linéaire et plus circulaire. Il paraît absurde de jeter de la matière et des matériaux alors que nous habitons une planète finie. L’écosystème a une capacité limitée, ce qui va à l’encontre du développement exponentiel des matériaux car, comme le souligne Luc Schuiten, « construire, c’est avant tout détruire, sur une portion de nature » (Choppin (J), 2014, p.22). Cette surconsommation de ressources va même au-delà des enjeux environnementaux, les pénuries annoncées pourront entrainer des conflits géostratégiques et diplomatiques. Le choix des matériaux aujourd’hui est toutefois difficile à traiter dans la conception d’un projet et le béton, étant un matériau malléable et simple à mettre en œuvre, correspond à une solution de facilité. Le travail de l’architecte s’arrête malheureusement souvent à imaginer une forme et la maîtrise d’œuvre technique s’occupe du reste. Les architectes ne pensent plus un projet en réfléchissant sa construction alors qu’il s’agit de l’origine de notre métier (Gobin (C), 2010). Penser la construction est devenu une tâche complexe car les concepteurs ont à leur disposition un nombre incalculable de matériaux et de solutions pour lesquels, malheureusement, les paramètres environnementaux sont souvent les derniers à être pris en compte. (Choppin (J), 2014). Prendre en compte le développement durable dans le choix des matériaux peut permettre de maîtriser l’impact carbone d’une construction. Le petit manuel de la conception durable écrit par Françoise-Hélène Jourda1 regroupe une série de 69 questions permettant aux concepteurs d’inscrire leur projet dans une démarche éco-responsable, en partant du choix d’implantation jusqu’aux détails de construction. Pour nous guider dans le choix des matériaux, on peut par exemple se demander si la structure et les éléments de façades sont démontables pour s’adapter à d’autres futurs usages. Les matériaux ayant la possibilité d’être assemblés seront alors favorisés. On peut également se demander si les matériaux de structures et d’enveloppe sont renouvelables, réutilisables ou recyclables. Ou même encore, on peut se demander s’il est possible d’organiser un chantier à faible impact sur l’environnement, en minimisant par exemple les transports de matières trop important.
L’analyse de cycle de vie, un outil d’aide à la décision Pour guider les choix des matériaux, il existe aujourd’hui des outils plus ou moins performants. L’analyse de Cycle de Vie, ou ACV, est un outil d’aide à la décision basé sur de nombreux critères. Elle permet de comparer des scénarios construc1
Jourda (F.H.), 2009, Petit manuel de la conception durable, éd. ArchibooksParis
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tifs dans le but de déterminer le moins impactant pour l’environnement. Elle prend en compte tous les flux générés dans le cycle de vie ainsi que leurs impacts environnementaux en fonction d’une unité fonctionnelle1. La norme NF P01-010 identifie 5 étapes dans le cycle de vie d’un produit de construction. (ARENE Île de France, ICEB, 2012) : 1 - La production : Toutes les étapes précédents la sortie d’usine du produit, c’est-à-dire l’extraction de la matière, le transport jusqu’au lieu de transformation et la fabrication du produit.
2 - Le transport : L’acheminement du produit de l’usine jusqu’au chantier.
3 - La mise en œuvre : Mise en place du produit et transport des déchets de mis en œuvre. 4 - La vie en œuvre : Entretien du produit, maintenance et remplacement partiel du produit. 5 - La fin de vie : démolition du produit, transport jusqu’au site de valorisation ou d’élimination.
Fig. 5 Etapes d’une analyses de cycle de vie ©Fibois38
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critère de performance où la fonction est associée à la quantité
Des logiciels existent pour utiliser l’ACV, comme INES ou ELODIE qui utilisent les Fiches de Déclaration Environnementale et Sanitaire (FDES). Ces fiches indiquent les cycles de vie des matériaux et des produits sous forme de données environnementales et d’impacts tels que la consommation de ressources énergétiques, l’épuisement des ressources, la pollution de l’air ou encore le réchauffement climatique. L’ACV dépend de chaque projet, elle ne peut pas être généralisée car elle prend en compte les données de localité et de programme. Elle permet de réaliser une conception contextuelle et éco-responsable et de choisir les matériaux les plus adaptés à une situation donnée. (Gobin (C.), 2010) Parmi la diversité de matière disponible, intéressons-nous à l’une des premières ressources utilisée en tant que matériau de construction, le bois.
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II - Le matériau bois et son impact environnemental Le bois est un matériau naturel. Possédant de nombreux atouts environnementaux, il pourrait être le matériau idéal pour aider une construction à devenir plus vertueuse et respectueuse de l’environnement.
1 - Le bois, de la matière au matériau
L’histoire du bois dans la construction Le bois en tant que matière a, dès la préhistoire, était utilisé comme matériau pour la construction des premiers habitats primitifs et des premières cabanes. Les troncs d’arbres utilisés étaient coupés à proximité de la construction, il y avait une facilité de mise en œuvre puisque les forêts composaient 90% de la France. A cette époque, le bois était employé tel qu’il poussait dans la nature, les constructeurs ne cherchaient pas à obtenir un madrier parfaitement droit. La transformation de la matière au matériau était donc la plus minimale possible et demandait très peu d’énergie. Les premiers assemblages apparaissent il y a 5000 ans en Autriche sous forme d’enfourchement et avec du cordage. Les premiers outils apparaissent à l’âge de Bronze, ce qui a permis la création des premières constructions en rondin et des premières fenêtres en peau de chèvre qui laissaient passer 30% de lumière. La construction bois, durant cette ère, commençait à être ingénieuse avec déjà une volonté d’utiliser le bon matériau au bon endroit. Par exemple, une porte était taillée dans un panneau de chêne pour sa robustesse alors que les pivots qui demandaient moins d’efforts étaient faits de pin. Le matériau bois se déclinait pour être utilisé dans des fonctions de plus en plus variées. Vient ensuite l’âge de Fer, le design du bois fait son apparition : une racine par exemple pouvait être utilisée comme une poignée de porte élégante. Les premiers temples Grecs étaient construits en bois de cèdre, ils sont la preuve que la construction bois est très ancienne. Ils ont été remplacés par des temples en pierre car tout le bois disponible en Grèce fut utilisé dans les flottes de guerre. Les assemblages tenons-mortaises sont découverts au Japon, ils permettaient aux civilisations de créer des greniers. Certaines constructions bois perdurent encore aujourd’hui, le plus vieux temple du monde au Japon datant du VIIème siècle peut en témoigner. Au IVème siècle, les romains amenèrent une grande évolution technique : la triangulation pour franchir des grandes portées. Il existait des troncs assez grands mais ils étaient malheureusement trop difficiles à manœuvrer.
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Fig. 6 Temple japonnais Todai-Ji datant du VIIIe siècle ©Kanpai.fr
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Cette rapide histoire de la construction bois nous apprend que cette matière est universelle et intemporelle, mais également essentielle à l’architecture et à la construction. Sans le bois, nous n’aurions pas toutes ces majestueuses cathédrales où il servait de coffrage pour les arcs boutants (Schweitzer (R.), 2018). qu’en est-il de la ressource du bois en France aujourd’hui ?
Un important patrimoine forestier français La France possède une quantité abondante de ressource en bois grâce à ses nombreuses forêts. A la création du code forestier, en 1827, la forêt occupait 8 millions d’hectares de la métropole française ; aujourd’hui elle occupe une superficie de 16,5 millions d’hectares, soit 30% de la superficie de la métropole. La forêt landaise constitue le plus grand massif forestier d’Europe, le département des landes étant composé à 63% de forêt. Les forêts françaises sont un héritage de plusieurs centaines d’années, un véritable patrimoine national, découlant d’une importante gestion et exploitation sur le long terme. Aujourd’hui 29% du massif forestier de la France est public1 et 71% des forêts sont privées. Cependant, parmi les forêts privées seulement 65% sont exploitées pour la production de bois en France (Gauzin-Müller (D.), 2001). Le territoire possède une grande variété d’arbres, plus de 120 espèces ont été recensées dont une trentaine est couramment exploitées et chaque année en moyenne sont récoltés 60% de résineux et 40% de feuillus alors que la proportion de feuillus est 2 fois supérieure (le chêne à lui seul, avec ses différentes espèces, représente 41% de la surface boisée). En France, on trouve principalement des chênes, des hêtres, des châtaigniers, des pins maritimes, des pins sylvestres, des épicéas et des sapins (Bolmont (D.), Fouchard (M.), 2010). Les 50 dernières années, la superficie des forêts françaises n’a cessé de croître en raison d’une sous-exploitation de celles-ci : elles progressent d’environ 0,4 % par an (Bolmont (D.), Fouchard (M.), 2010).
Les classifications du bois Le développement du bois dans la construction participe à la fabrication d’une économie nationale. Le secteur du bois représente 440 000 emplois et 60 milliards d’euros de chiffre d’affaires, ainsi son accroissement est bénéfique pour l’avenir économique, écologique et sociétal de la France (Manceau (M.), 2016). De plus, la gestion durable des forêts offre un meilleur contrôle de qualité du bois grâce à de nombreuses certifications et normes du bois. Les bois ronds en forêt sont classés en fonction de leur diamètre médian suivant la norme NF EN 1315. Les résineux peuvent également être classés selon leur qualité, en fonction de leurs singularités et de leurs altérations (nœuds ou présence de pourriture) selon la norme NF EF 1927. Ce classement allant de A à D permet entre autre de choisir la qualité du bois en fonction de son utilisation. Par exemple, pour faire de la menuiserie ou du mobilier on va privilégier un bois de 1 dont 11% sont des forêts domaniales appartenant à l’Etat et gérées par l’ONF, 18% appartiennent aux collectivités
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classe B alors que pour réaliser une ossature, le bois de classe C suffira. Il existe un classement similaire pour les feuillus, il s’agit de la norme NF EN 1316. Quant aux certifications FSC et PEFC, elles sont volontaires et permettent d’assurer la gestion durable des forêts. La marque FSC fut créée à la suite du sommet de la Terre de Rio en 1992 par des propriétaires forestiers, des entreprises de la filière bois et quelques associations. Son but est d’encourager les initiatives de gestion durable des forêts. La marque PEFC date de 1999 et garantit que le produit est constitué d’au moins 70% de bois issus de forêts gérées durablement (Bolmont (D.), Fouchard (M.), 2010).
Les engagements de la filière bois La filière bois est au cœur de plusieurs engagements d’acteurs, elle fait notamment partie des filières « vertes » soutenues dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Plusieurs fédérations (fédération nationale des promoteurs constructeurs, union nationale des HLM, fédération française du bois, UNSFA) et l’Etat (8 ministères) se sont réunis pour signer un accord cadre « bois, construction, environnement ». Ce plan vise à développer une formation technique, un produit industriel et à identifier les freins réglementaires dans le but de les supprimer. Il fait également un point technique sur le matériau bois autour de la solidité, de la thermique, de l’acoustique, du sismique, de la santé ou encore de la réglementation incendie. De plus, il vise à valoriser les feuillus, présents en grande quantité en France, à valoriser les solutions bois dans la rénovation énergétique et à développer la formation des acteurs (site Ofme)1. De plus, le Programme National de la Forêt et du Bois (PNFB) prévu par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt permet de fixer des lignes directrices et des orientations à destination de la sylviculture et la filière bois plus largement pour la période 2016-2026. Il a été mis en place par le Conseil supérieur de la forêt et du bois, regroupant la filière bois dans son intégralité. De nombreux organismes représentent la filière bois en France, tels que France Bois Forêt (FBF), la Fédération Nationale du Bois (FNB), l’Office National de Forêts (ONF) ou encore le Comité professionnel de développement des industries françaises de l’ameublement et du bois (Codifab) (site Wikipédia)2. Une véritable filière économique est tournée autour du bois, en partant de la récolte à la distribution en passant par la fabrication. Cette filière compte aujourd’hui plus d’employés que dans la filière automobile en France. La forte croissance du bois a entraîné les grosses entreprises du bâtiment à lancer leur propre filiale bois3 (site agriculture.gouv)4. En plein expansion, les réglementations autour du bois évoluent. L’arrêté du 19 juin 2015 modifie le texte du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l’incendie des bâtiments d’habitation et autorise le bois en façade. L’industrie du bois est en 1 Consulté le 06/11/2017 https://www.ofme.org/documents/FiliereBois/BoisConstruction/accordcadre.pdf 2 Consulté le 02/03/2019 https://fr.wikipedia.org/wiki/Fili%C3%A8re_bois 3 Vinci avec « Arbonis » ou Bouygues avec « Ossabois » et très récemment Eiffage avec le rachat de l’entreprise Charpentes Françaises 4 Consulté le 03/02/2019 https://agriculture.gouv.fr/la-filiere-foret-bois-une-filiere-tournee-verslavenir
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plein développement grâce aux fabrications numériques qui permettent de rationaliser la construction et permettent, de surcroît, une standardisation. Le bois pourra bientôt être placé sur un pied d’égalité avec le béton en termes de rationalité et de rapidité. L’industrie du bois est aussi relancée par des politiques volontaristes et un engouement planétaire. Les pouvoirs publics favorisent les projets bois, plusieurs concours récents sont tournés autour du bois. Le plan « réinventer Paris » demandait des matériaux innovants et la plupart des projets utilisait le bois. Aux Etats-Unis, en Suède ou encore en Norvège, c’est la course à la hauteur avec des tours en bois atteignant les 14 étages. On estime que d’ici 20 ans, 20 % des logements collectifs de 4 à 8 niveaux seront en bois (Niamas (O.), 2016). La construction bois étant en pleine expansion et en plein développement, il existe une grande variété de matériau pour de nombreuse utilisation dans la construction. Alors quels sont-ils ? Le bois dans la construction peut être employé de deux manières différentes : sous la forme de bois massif ou sous la forme d’un produit dérivé.
Fig. 7 Complexité et richesse de la filière bois ©Raphaëlle Pinoncély
Fig. 8 Implantation des feuillus et des résineux en France ©Raphaëlle Pinoncély
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Les usages du bois massif dans la construction Selon le ministère de l’agriculture, la filière bois en France représente 38 millions de m3 de récolte de bois commercialisés répartis dans trois sous-filières : le bois d’œuvre représente 19,4 millions de m3, le bois d’industrie représente 10,6 millions de m3 et le bois énergie représente 8 millions de m3. Les chutes de coupe, qui peuvent être considérées comme des déchets de la filière bois d’œuvre, contribuent à hauteur de 8,2 millions de tonnes à la production connexe de coproduits utilisés par l’industrie du papier et pour l’énergie (site agriculture.gouv)1. Après abattage du bois, il peut être transformé de différentes manières. D’abord, le tronc peut être tranché ou déroulé afin de fabriquer des panneaux de type contreplaqué ou lamibois. Le tronc peut également être scié pour faire diverses sections de bois massif tels que les bastaings ou les madriers par exemple. On trouve environ 2000 scieries en France, géographiquement proches des forêts. La France est le premier pays d’Europe scieur de feuillus mais il est seulement le 5ème vendeur de résineux. Le graphique ci-dessous montre les proportions de chaque essence de bois commercialisée par les scieries françaises. Lors du parcours du bois dans une scierie, la transformation de la matière peut être agrémentée d’opérations complémentaires pour apporter de la valeur ajoutée au matériau, comme un traitement, un rabotage ou encore un taille de charpente (Bolmont (D.), Fouchard (M.), 2010).
Fig. 9 Sciages commercialisés par les scieries françaises ©AFNOR
En sortie de scierie, le bois est classé selon des critères esthétiques et mécaniques suivant des normes. Les critères de classement d’aspect et d’esthétique sont basés sur les normes NF EN 975-1 pour les feuillus et NF EN 1611-1 pour les résineux. Ces critères peuvent être liés à la structure du bois (poche de résine, nœuds, fentes…), liés au débit (flache ou moelle découverte), liés aux altérations biologiques (pourriture) ou liés aux déformations géométriques (flèches, gauchissement…). Quant aux critères de classement mécaniques, ils sont définis selon les normes NF B 52-001, qui tiennent compte de la résistance mécanique caractérisée par le taux d’accroissement, et NF EN 338 qui établit un système de classe de résistance d’utilisation générale pour les codes de calculs de structures (Bolmont (D.), Fouchard (M.), 2010).
Les bois sont classés selon d’autres critères, comme par exemple le séchage,
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consulté le 25/02/2019 https://agriculture.gouv.fr/infographie-la-filiere-foret-bois-en-france
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Fig. 10 Débitages d’un tronc d’arbre ©Copain des copeaux
la durabilité face aux risques de diverses dégradations (champignons, coléoptères, termites) ou encore l’imprégnabilité. Concernant le traitement des bois, il existe différentes méthodes : par badigeonnage, par trempage, par trempage-diffusion, par autoclave, par injection d’huiles végétales ou par thermo-traitement. Le traitement d’un bois permet d’obtenir un certain niveau de classe d’emploi. Pour choisir l’essence de bois et le traitement à appliquer, la norme EN 350-2 propose une méthodologie d’aide à la décision en déterminant dans un premier temps la classe d’emploi1 (Bolmont (D.), Fouchard (M.), 2010). Si le bois massif ou le bois déroulé ne suffit pas pour des raisons dimensionnelles, structurelles ou toutes autres raisons, il existe un très grand nombre de produits dérivés. Ces dérivés sont une reconstitution avec ou sans liant de bois massif, de bois déroulé ou de bois tranché.
Les usages du bois massif dans la construction On retrouve d’abord les bois panneautés. Il s’agit de pièces de bois collés ensemble sur leurs champs et sur leurs faces pour les panneaux multicouches. Les panneaux monocouches n’ont pas un usage structurel, ils peuvent être employés pour des plans de travail des portes, du mobilier, du bardage ou encore des marches d’escaliers. Les panneaux multicouches, autrement appelés CLT, peuvent être utilisés 1
voir Fig.9
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Fig. 11 Méthodologie générale de décision pour choisir le bois massif et les traitements appropriés à la classe d’emploi ©EN 335-2
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structurellement pour des murs ou des planchers. Ils sont constitués plutôt de bois résineux comme l’épicéa, le mélèze ou le douglas. Le bois massif abouté correspond à l’assemblage bout à bout de 2 lames de bois, avec de la colle et par entrures multiples. On peut retrouver ce type d’assemblage avec des longueurs parfois supérieures à 10 m. Ce dérivé est utilisé pour des éléments de charpente, les membrures des poutres en I, les lamelles pour le lamellé-collé et même pour des éléments d’ossature. Ensuite, on retrouve les bois massifs reconstitués, autrement appelés contre-collés. Il s’agit de lames de bois massif collées linéairement dans le sens du fil du bois. Les essences résineuses sont privilégiées pour ce type de reconstitution. Possédant une plus grande stabilité dimensionnelle que le bois massif, il est couramment employé dans les charpentes, pour des poteaux, des poutres ou des madriers. Le lamellé-collé s’obtient en collant plusieurs lamelles. Comme le bois massif reconstitué, les résineux sont privilégiés pour cette application. Les lamellés-collés permettent de réaliser des grandes portées, parfois même supérieures à 100m. Ils sont employés dans les éléments de structure tels que les poutres ou les poteaux. On retrouve aussi les carrelets lamellés-collés, similaires au lamellé-collé dans son procédé de fabrication. Ils sont utilisés principalement dans les menuiseries, utilisant du chêne, du pin ou des bois tropicaux. Il existe des panneaux contreplaqués qui s’obtiennent par collage de couches de plaquages déroulées adjacentes à fils croisés en angle droit. Ils existent avec de nombreuses essences et possèdent une bonne stabilité et sont assez légers. On peut ainsi les employer dans les murs, les planchers, les coffrages, dans les poutres en I, mais aussi pour du mobilier et de l’habillage. Le lamibois est quant à lui obtenu en collant des couches de placage de bois, le plus souvent résineux. Il est employé en tant que poutre ou poteau dans les constructions de grandes portées avec des contraintes structurelles importantes. Les panneaux de particules, ou panneaux agglomérés, sont fabriqués sous pression et chaleur à partir de particules de bois en ajoutant un liant polymère. Il peut être utilisé pour les dalles de planchers ou les supports de couverture et dans des mobiliers. Il est souvent habillé d’un revêtement décoratif. Les panneaux d’OSB sont constitués de lamelles de bois liées ensemble par un liant. Ils sont employés comme contreventements pour les ossatures, dans les poutres en I ou comme panneau de finition intérieure. On retrouve également les panneaux de fibres, obtenus à partir de fibres lignocellulosiques avec application de chaleur et de pression. Ces panneaux ont des emplois similaires aux panneaux d’OSB mais ils peuvent également être employés comme complément d’isolation. Il existe un dérivé du bois sous forme d’isolant en panneaux de fibre de bois ou en laine de bois. Enfin, on retrouve les revêtements décoratifs, utilisés pour recouvrir les panneaux. Ils existent sous forme de placage de bois massif, de stratification ou de panneaux mélaminés (Bolmont (D.), Fouchard (M.), 2010).
Le tableau ci-après synthétise tout ses types de bois.
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Monocouches Plans de travail Porte Marches d’escalier Mobilier
Bois panneauté (CLT)
Résineux : épicéa, mélèze, douglas
Chêne, pin, bois tropicaux
Menuiserie
Carrelets lamellés-collés
Résineux : épicéa, mélèze, douglas
Poutres Poteaux
Poteaux
Poutres
Eléments de charpente
Résineux : épicéa, mélèze, douglas
Essence privilégiée
Lamellé-collé
Bois massif reconstitué (contre-collé)
Poteaux Poutres Eléments d’ossatures et de charpentes Bardage Planches
Bois massif
Multicouche Mur Planchers
Utilisation
Matériaux
Illustration
© Peltier Bois
© Schneider
© Piveteau bois
© Atelier Cut
© Copain des copeaux
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Panneaux OSB
Dalle de planchers
Panneaux agglomérés
Panneau d’ossature Panneau de finition intérieure
Mobilier
Support de couverture
Poutre Poteaux
Habillage
Mobilier
Panneau d’ossature Dalle de planchers
Membrure de poutre en I
Lamelles pour lamellé-collé
Lamibois
Contreplaqué
Eléments d’ossature
Bois massif abouté
Elément de charpente
Utilisation
Matériaux
Résineux : épicéa, mélèze, douglas
Essence privilégiée
Illustration
© SMBois
© SMBois
© Forestmaine
© Wikipédia
© Descamps
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Panneau d’ossature Panneau de finition intérieure Complément d’isolation
Isolation
Panneaux de fibres
Fibre et laine de bois
Revêtement décoratif
Utilisation
Matériaux
Essence privilégiée
Illustration
© SMBois
© Soprema
© Hubo
Trouver le bois sous autant de formes différentes offre un avantage de taille à ce matériaux. Il possède en plus d’autres avantages environnementaux.
Les avantages de l’utilisation du bois dans la construction D’abord, il est excellent d’un point de vue environnemental. Il fait partie de la catégorie des matériaux bio-sourcés et renouvelables, un avantage de taille dans le contexte actuel d’épuisement des ressources. Il ne nécessite ainsi que de l’eau, du soleil et de l’humus, tous disponibles gratuitement dans la nature. Il a, durant sa croissance une activité photosynthétique, il est donc considéré comme un puits à carbone. La photosynthèse transforme le CO2 en oxygène, 1 m3 de bois exploité stockent 1 tonne de CO2. Ainsi, les forêts françaises stockent en moyenne 550 tonnes de CO2 par hectare, ce qui correspond à 200 000 L de gasoil (Cornillier (C.), Vial (E.), 2008). A titre de comparaison, pour une portée et une charge égale, le bois massif stocke du CO2 (13 Kg éq CO2/ml pour un bois local et 25 pour un bois importé) quand le lamellé-collé en produit 15, le béton 33 et l’acier 75 accordé à INIES (Gros (S.), Lambouroud (P.), 2013).
Fig. 12 Comparaison de différents types de poutres ©Fibois38
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Utiliser le bois dans la construction est d’autant plus bénéfique pour l’environnement car seuls les arbres en croissance capturent le CO2. Les arbres non-exploités par l’homme subissent une dégradation biologique naturelle, leurs bilans carbone deviennent alors neutres car ils relâchent tout le CO2 qu’ils ont emmagasiné (Gauzin-Müller (D.), 2001). Selon le GIEC, grâce à la sylviculture dynamique et au développement de l’utilisation du bois, la filière pourrait compenser jusqu’à 40% des émissions de CO2 en 2030 (Manceau (M.), 2016). L’exploitation et la gestion durable des forêts est donc un atout important pour le développement durable, utiliser le bois comme matériau de construction permet de baisser le niveau de CO2 et permet la création de produits tierces : le débit de bois résineux nécessaire à l’extraction d’1 m³ pour la construction permet de créer également 1,5 m³ de bois de chauffage, 1,8 m³ de papier et carton et 0,3 m³ de bois valorisé autrement (compostage, paysage…) (Manceau (M.), 2016). De plus, le matériau bois ne demande que très peu d’énergie de transformation ce qui lui offre un atout environnemental supplémentaire, quand le principal objectif des réglementations thermiques était de réduire la consommation d’énergie. En effet, il faut en moyenne 30 kWh/m3 pour transformer le bois en matériau de structure pendant que le béton nécessite environ 180 kWh/m3 et l’acier environ 6000 kWh/m3 (Gauzin-Müller (D.), 2001). Le bois étant une ressource universelle, présent sur une grande partie de la planète, il pourrait demander que très peu d’énergie de transport quand la matière utilisée est locale, ce qui n’est malheureusement pas souvent le cas. Le bois est avantageux aussi pour sa mise en œuvre. En effet, ce matériau offre une grande flexibilité de construction grâce à ses nombreuses possibilités d’assemblage et de mise en œuvre, aussi bien en préfabrication que de façon artisanale. Sa mise en œuvre est très rapide ce qui permet une diminution considérable de temps sur le chantier et par conséquent de réduire les nuisances. De plus, la construction bois est légère. A masse égale, le bois est le matériau de structure le plus résistant face au béton et à l’acier, les moyens déployés à sa mise en œuvre sont alors moindres et les fondations s’amenuisent en conséquence par rapport à une construction en béton (site Cécobois)1. Selon Roland Schweitzer, l’utilisation du béton est une aberration. Ce type de construction consomme une quantité astronomique de bois pour les coffrages alors que cette matière pourrait être utilisée directement en structure (Schweitzer (R.), 2018). Le bois possède également de bons avantages sur le plan acoustique et thermique. Contrairement à ses matériaux de structure concurrents, le bois permet une limitation des ponts thermiques non négligeable grâce à sa faible conductivité. A titre de comparaison et selon le CNDB, un mur ayant une structure bois atteint, avec une épaisseur de 20 cm, un coefficient de conductivité thermique de 0,28 W/m°C alors que pour atteindre les mêmes performances avec un mur en béton et isolation, l’épaisseur grimpe à 40 cm (Gauzin-Müller (D.), 2001). Enfin, contrairement aux préjugés, sa résistance au feu est excellente. Malgré le fait qu’il soit combustible et qu’il s’enflamme facilement, sa dilatation et sa conductibilité thermiques sont faibles. Il brûle de manière prévisible et la couche extérieure qui se consume en premier créée une couche protectrice, ce qui permet de garder le cœur 1
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Consulté le 02/02/2019 https://www.cecobois.com/proprietes-mecaniques
intact. Ainsi, les occupants et les pompiers ont le temps nécessaire pour l’évacuation (Gauzin-Müller (D.), 2001). Pourtant perçu comme un matériau d’avenir et malgré ses très nombreux avantages, certains facteurs peuvent s’opposer à l’utilisation du bois dans la construction.
Les freins à son développement La France a perdu une grande partie de son savoir-faire du bois durant la Première Guerre mondiale car les charpentiers étaient envoyés sur le front pour entretenir les tranchées qui étaient faites de bois (Ware (S.), 2018). Ajouté à cela l’industrialisation du béton et de l’acier à partir du XIXème siècle et le pouvoir de ses lobbies aujourd’hui, le manque d’expérience, de formation, d’outils de conception et de professionnels de la construction bois se fait ressentir aujourd’hui, même si la tendance est en train de s’inverser. Ce qui peut dissuader les maîtres d’ouvrage à privilégier une construction bois plutôt qu’une autre est la difficulté à trouver des acteurs capables de satisfaire leurs attentes en quantité, en qualité, en technicité et en régularité due à l’absence cruciale de solutions techniques standardisées et généralisées. De plus, les bureaux de contrôles manquent de qualification sur ce matériau et ont donc tendance à sur-dimensionner la construction bois et donc d’en augmenter son prix. Quant aux maîtres d’œuvre, ils auront des difficultés à trouver des entreprises assez compétentes et des fournisseurs de produits bois spécifiques et innovants. Une construction bois implique également plus de réflexion et plus de connaissance que les autres matériaux car elle nécessite un BET bois, peu nombreux aujourd’hui (Guy (J.C.), 2010). Au rappel de la problématique – à quelles conditions le bois est-il une meilleure solution pour atteindre des bons niveaux de performances environnementales ? – on peut se demander à quoi correspond un bon niveau de performance environnemental. Aujourd’hui et comme le montre le graphique Fig. 1, un certain nombre de labels et de réglementation sont en application, en lien avec cette performance. L’actuelle réglementation thermique 2012 peut être négligée car elle sera prochainement remplacée par la réglementation environnementale 2020 qui s’appuiera sur le référentiel du label E+/C-, aujourd’hui en expérimentation.
2 - Qu’est-ce que la performance environnementale ? L’impact carbone de la réglementation environnementale 2020 Parmi les labels attribuables à ce jour, la plupart fixent leurs conditions principalement sur les consommations d’énergie finale en utilisation des bâtiments, en kWh/m²/an. Ils sont tous en dessous de 50 kWh/m²/an, débordant sur les bâtiments à
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énergie positive. Sur les 8 labels, 5 d’entre eux intègrent dans leurs critères d’obtention les notions d’impact carbone et d’énergie grise de la construction, le véritable enjeu au vu des très bonnes performances environnementales. Le label E+/C- (énergie positive et réduction carbone) met l’accent, entre autre, sur la performance énergétique, environnementale et sanitaire, sur le stockage carbone et la qualité de l’air intérieur. Le « C » de ce label correspond donc à « carbone », il traite de l‘emprunte environnementale dans une analyse de cycle de vie sur 50 ans. Il est basé sur 2 indicateurs : Eges qui correspond à l’indicateur des émissions de Gaz à Effet de Serre sur l’ensemble du cycle de vie et EgesPCE qui est l’indicateur des émissions de Gaz à Effet de Serre de produits de construction et des équipements utilisés. Le niveau Carbone 1 est le plus facile à atteindre, il est accessible à tout mode de construction alors que le niveau Carbone 2 est plus exigeant sur le choix des matériaux employés, il traduit ainsi une bonne performance environnementale (Obadia (S.), 2019). L’impact environnemental d’une construction peut se mesurer grâce à l’énergie grise. Elle correspond, selon Erik Niemann, à « la somme totale de l’énergie nécessaire à assurer l’élaboration d’un produit, et ceci de l’extraction du ou des matériaux bruts, le traitement, la transformation, la mise en œuvre du produit, ainsi que les transports successifs qu’aura nécessité la mise en œuvre. Sont également incluses les dépenses énergétiques des matériels et engins ayant contribué à son élaboration » (Benoit (Y), 2015, p.28). De nombreux paramètres sont pris en compte, comme le choix des matériaux, l’énergie employée sur le chantier et celle employée pour la déconstruction et le traitement des déchets, cela sur le cycle de vie du bâtiment. L’impact environnemental d’un matériau dépend de plusieurs facteurs : sa fabrication (ou transformation), les flux de matières, l’épuisement ou le renouvellement des ressources, le transport du site de transformation au site de mise en œuvre ainsi que sa fin de vie. (Hoyet (N), 2013). Il est important pour l’architecte dans le choix des matériaux de minimiser l’énergie grise. Celle-ci est de l’énergie perdue mais une partie peut être récupérée grâce au réemploi ou à la valorisation de matériaux. Comment se fait la répartition de l’énergie grise dans une construction ? Sur la base du logiciel Tribu en prenant en considération plusieurs constructions, on peut donner les moyennes. La structure principale représente 20 à 50 % de l’énergie, l’enveloppe 17 à 57 %, les équipements 15% et l’aménagement intérieur 10 à 40 %. Pour obtenir les indicateurs Eges et EgesPCE du label E+/C-, les concepteurs utilisent des logiciels agréés qui sont basés sur les FDES1 des produits de construction. Les logiciels sont les suivants : ClimaWin de BBS Slama, OneClick LCA de Bionova, élodie du Cstb, novaEQUER d’Izuba Energies, ThermACV de logiciels Perrenoud. Les fiches FDES ne servent pas à comparer 2 matériaux, ni à être analysées car elles utilisent des unités ésotériques qui sont complexes à comprendre quand on n’est pas spécialiste de l’ACV. Les indicateurs Eges et EgesPCE permettent de synthétiser toutes ces données (site Batirama)2.
1 Fiche de déclaration environnementale et sanitaire 2 consulté le 19/12/2019 https://www.batirama.com/article/15584-comment-calculer-le-c-ou-carbone-du-label-e-c.html
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Fig. 13 Répartition de l’énergie grise ©GT ICEB
Comment peut-on alors définir un bon niveau de performance environnemental ? Si le label E+/C- prend en compte l’impact environnemental, l’énergie grise des matériaux et s’appuie sur des indicateurs d’émission de gaz à effet de serre en se basant sur une analyse de cycle de vie complète, alors on peut dire qu’atteindre le niveau de performance C2 signifie que la construction est performante sur le plan environnemental. Avec ces données, il nous semble légitime de penser qu’utiliser le bois dans la construction permet d’atteindre des hauts niveaux de performances. Mais à quelles conditions ?
3 - À quelles conditions le bois est-il vertueux dans une construction ? A partir des référentiels du label E+C- et une connaissance suffisante sur la construction bois, on peut en déduire une hypothèse sur les conditions d’utilisation du bois dans l’objectif d’atteindre des bonnes performances environnementales. Une construction bois semble écologique et responsable, seulement sous certaines conditions. Une mauvaise conception peut entrainer une augmentation de l’impact environnemental. Parmi les conditions, certaines correspondent au bilan Eges et EgesPCE. D’abord, pour réduire au maximum le bilan carbone d’une construction bois, il est important de comprendre d’où proviennent les émissions. Une partie de l’énergie grise provient du transport des matériaux. La première condition est donc de minimiser le transport de matière en exploitant au maximum le bois des forêts à proximité gérée durablement. Mais cela ne s’arrête pas là. Il est également essentiel de privilégier des entreprises locales, notamment dans le cas d’une construction en bois préfabriquée où l’impact carbone du transport sera minimisé. Il serait également préférable de choisir du bois taillé dans une scierie à la fois proche d’une forêt, de l’entreprise de préfabri-
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cation et du site de construction. La France possède une quantité importante de forêts gérées durablement, de scieries et d’entreprises travaillant le bois réparties sur le territoire, cela devrait donc être possible. Une autre partie de l’énergie grise que peut engendrer une construction bois provient des produits chimiques et des procédés de traitement du bois pour augmenter la durabilité du bois. Or, les bois naturels possèdent des classes d’emplois variant selon les essences de bois. Cependant certaines utilisations nécessitent une classe supérieure à la classe naturelle d’une certaine essence1, il faut donc lui ajouter un traitement chimique. Alors, pour éviter le traitement des bois, il est préférable d’utiliser une essence de bois adaptée à son emploi dans la construction pour une durabilité optimale du matériau et un impact environnemental moindre. Pour une meilleure durabilité de la construction bois, la qualité du bois est également importante. La qualité peut dépendre de l’âge du bois lorsqu’il est taillé (un bois plus vieux aura une plus grande durabilité), du procédé de séchage et du débit utilisé (IMAGE de débit) qui peuvent entrainer des anisotropies, c’est-à-dire des déformations du bois. L’énergie grise provient également de la transformation de la matière brute en matériau. Certains produits en bois nécessitent que très peu de transformation comme le bois massif, alors que d’autres comme le lamellé-collé ou les panneaux d’OSB demandent de l’énergie à la production et utilisent des produits chimiques non naturels (colle). Ainsi, pour viser les plus hauts niveaux de performances environnementales, l’utilisation du bois doit rester rationnelle. Utiliser du bois massif est une priorité et pour cela, les portées et les descentes de charges doivent être optimisées pour ce type de matériau afin d’éviter le sur-dimensionnement et l’utilisation de matière inutile. Une construction bois n’utilise jamais uniquement du bois ; l’acier et le béton seront toujours présents dans les assemblages ou les fondations. Une conception intelligente permettra de les réduire au maximum et d’utiliser tous les potentiels du bois avec des assemblages intelligents nécessitant très peu d’éléments métalliques. Dans le choix d’une poutre lamellé-collé pour une grande portée, il est important de comparer ce choix à d’autres matériaux du point de vue de l’énergie grise et de l’impact carbone. L’utilisation du béton est parfois plus rationnelle car il peut nécessiter moins de matière. Les logiciels de calculs d’ACV peuvent permettre de comparer différentes solutions lors de la conception. Il peut également être important de penser une construction bois dans un objectif de minimiser les chutes. Les scieries taillent le bois dans un certain nombre de dimensions standards. Ces dimensions ont été pensées dans un souci de rentabilité pour optimiser la production de matériaux à partir d’un tronc d’arbre et donc de réduire les déchets, même s’ils sont valorisés dans d’autres domaines. L’utilisation de dimensions qui sortent de « l’ordinaire » peut engendrer un surcoût énergétique dû à la retaille par l’entreprise qui assemble les matériaux. L’emploi du bois est également conditionnée au-delà des labels et des réglementations, des conditions d’ordres architecturales. Une grande attention doit être portée à la conception des détails constructifs. Il est en effet nécessaire d’assurer une 1 Un tableau regroupe les caractéristiques des classes d’emploi définies par la norme NF EN 335 sur le site consulté le 16/02/2019 http://www.gedibois.fr/672-classes-des-bois.htm
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bonne durabilité du matériau en le protégeant des dégradations qu’il pourrait subir. Le principal facteur de dégradation du bois est l’eau, c’est pourquoi il faut éviter tout contact entre les deux éléments et surtout éviter les pièges à eau où elle pourrait stagner et accélérer la dégradation. Les notions architecturales d’esthétique et de confort ne doivent toutefois pas être négligées au profit de la performance environnementale. Une enquête sur des cas concrets est nécessaire, afin de se rendre compte à quel point il est difficile en pratique de créer une construction bois avec le minimum d’impact environnemental, afin de comprendre les facteurs qui influent sur l’utilisation du bois dans la construction et donc afin de vérifier l’hypothèse.
Méthodologie d’enquête L’enquête est constituée de 4 entretiens. Le premier est celui de l’architecte Jacques Félix-Faure, architecte au sein de l’agence « Atelier 17C », auteur de la future construction bois de logements sociaux en R+8 pour le concours d’Actis dans la ZAC Flaubert de Grenoble. Le second est celui de Vincent Rigassi, architecte associé de l’agence « RA2 ». Il a réalisé un certain nombre de projets en bois et en matériaux bio-sourcés dans la région Rhône Alpes, dont l’herbier du Diois en bois et paille situé à Châtillon en Diois (Drôme). Le troisième entretien est celui d’Olivier Baverel, enseignant ingénieur à l’ENSAG ainsi qu’à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées. Il est également chercheur au sein du laboratoire Navier où il a réalisé quelques travaux autour du développement durable. Enfin, le dernier entretien est celui de Thomas Jusselme, à la fois chercheur associé au groupe de recherche building 2050 au sein du Smart Living Lab à l’EPFL, professeur à la haute école de Fribourg en efficience énergétique du bâtiment et créateur du programme Vizcab ayant pour but d’intégrer la performance énergétique carbone au plus tôt dans le processus de conception. Les trois premiers entretiens porteront sur la pratique architecturale du bois du point de vue d’un architecte ou d’un ingénieur, principalement dans les Alpes, avec la prise en compte du paramètre environnemental dans la conception. Ils chercheront à comprendre en quoi la volonté d’atteindre des hautes performances environnementales peut influer sur la manière de concevoir et d’intégrer le bois. Un appui sur le projet de Atelier 17C, labélisé E+/C- permettra de mieux comprendre les attentes de ce label et de savoir si l’utilisation du bois a permis d’obtenir des bons résultats. Le dernier entretien sera axé sur le logiciel Vizcab afin de comprendre comment il fonctionne et en quoi il peut être utile aux concepteurs et à la construction bois. Une version de démonstration du logiciel permettra de tester différentes hypothèses. L’idéal pour répondre à la problématique aurait été de pouvoir analyser différents bâtiments labellisés E+/C- avec en complément un entretien de leurs concepteurs, de comparer l’utilisation du bois et les performances atteintes dans ces projets afin de tirer des leçons pour anticiper la future réglementation environnementale. Cependant, ce label étant aujourd’hui une expérimentation, très peu de projets à ce jour ont obtenu ce label et parmi ceux qui l’ont obtenu, la plupart sont en construction ou ne sont pas réalisés, à l’image des logements sociaux de la ZAC Flaubert de l’Atelier
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17C. Il existe donc trop peu de documentation les concernant pour établir une analyse qualitative. Il est également important de comparer des constructions comparables, avec les mêmes contraintes. En effet, si on reste trop généraliste dans l’utilisation du bois dans la construction, les résultats risquent d’être erronés. Un logement individuel n’aura pas les mêmes contraintes acoustiques et de résistance au feu qu’une construction destinée à des bureaux par exemple. Compte tenu du court délai de ce mémoire ainsi que de la difficulté à trouver des créneaux concordants, j’ai obtenu seulement 4 entretiens pour cette enquête. Elle ne sera pas, par conséquent, aussi exhaustive que je l’aurais souhaité.
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III - La réalité de la construction bois L’enquête qui suit permet de se rendre compte de la réalité de la construction bois, qui peut être différente de l’hypothèse posée précédemment. L’étude de différents points de vue et différentes pratiques permettra d’approfondir la notion de performance environnementale. Dans un premier temps, nous allons nous intéresser aux discours des concepteurs architectes et ingénieurs.
1 - L’utilisation du bois dans la construction vue par les concepteurs Le projet de Jacques Félix-Faure, labellisé E3/C2 Jacques Félix-Faure est gérant d’une petite société d’architecture « atelier 17C » à Barraux (38), composée de 5 à 6 architectes. Avec une trentaine d’années d’expérience, leur activité est diversifiée. Ils réalisent aussi bien des projets publics que des projets privés, des plans paysages, quelques bâtiments industriels, beaucoup de réhabilitations et des refuges de montagne. Pour chaque projet, ces architectes montent des équipes aux disciplines variées, composées d’ingénieurs, de paysagistes, d’urbanistes ou même de sociologues. Leurs objectif est que chaque élément d’une équipe se sente impliqué dans le projet et puisse participer à la décision finale. Plusieurs notions relient tous leurs projets. D’abord, la notion environnementale est au cœur de toutes leurs réflexions, elle fait partie intégrante de chaque conception. A cela, s’ajoute des notions d’urbanisme, de social et de paysage. Enfin, le concept du « bon matériau au bon endroit » pour eux est primordial, ils n’ont d’apriori sur aucun matériau. Chaque projet, suivant son territoire, a une réponse adéquate. Dans certains projets, tout de même, le bois devient essentiel et permet de développer la filière bois. Ils ont réalisé quelques projets significatifs en haute montagne qui sont des refuges. Ce sont des petits projets mais dans un environnement très contraignant où tous les curseurs doivent être poussés à bout : autonomie énergétique, pérennité, construction préfabriquée, chantier rapide et problématique de ressource de l’eau. Le projet qui nous intéresse ici n’est pas encore sorti de terre. Il est question du projet « le Haut-Bois », situé en plein cœur de la ZAC Flaubert à Grenoble. Il s’agit d’un immeuble de logements sociaux passifs, en bois, en R+8 au maximum et dans une zone sismique de niveau 4. Lorsqu’il sera construit, il deviendra l’immeuble en bois le plus haut de France dans une zone sismique aussi élevée. Ce projet est intéressant vis-à-vis de notre problématique car il est d’une part en bois et d’autre part il a
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> Bâtiment passif, > structure bois, > matériaux biosourcés 56 logements sociaux
Le Haut-Bois Grenoble
Fig. 14 Représentation réaliste du projet ©ACTIS
ZAC FLAUBERT ENTRE LE CENTRE ANCIEN ET LA VILLE NOUVELLE
CHARTREUSE
D
56 LOGEMENTS SOCIAUX ÉPLACEMENTS À GRENOBLE BÂTIMENT PASSIF ALTERNATIFS STRUCTURE BOIS MATÉRIAUX BIOSSOURCÉS
VERCORS
BELLEDONNE Fig. 15 Plan de localisation ©ACTIS
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obtenu le label Passivhaus et obtenu les résultats E3/C2 au label E+/C-, qui est un très bon résultat. Pour les concepteurs, ces labels et le fait qu’il soit en bois n’étaient pas des priorités. Le plus important dans ce projet est que 56 familles vivront ensemble et de façon intéressante. Ce projet propose avant tout des logements à Grenoble avec un beau paysage autour. Il fait en sorte d’offrir une double orientation et d’amener les gens à se rencontrer dans une cage d’escalier centrale qui est une véritable rue verticale vivante possédant des qualités d’espace. Cette rue est une faille entre 2 plots et la forme des plots découle de l’exploitation d’un plan d’urbanisme permettant d’en faire ressortir des points positifs et maximiser l’ensoleillement. Au-delà du confort qu’offre ce projet aux futurs utilisateurs, ce bâtiment est ambitieux et possède des hautes performances environnementales comme le prouvent les labels qui lui ont été attribués. Mais du point de vue des concepteurs, les labels ne sont pas importants. La notion environnementale est ce qui les motive le plus dans la conception, ils travaillent au-delà des labels. La préoccupation est d’intégrer la priorité environnementale dès le début de la conception en faisant appel à des compétences extérieures. Certains maîtres d’ouvrages demandent pour des raisons de subventions, l’obtention d’un label mais finalement, si la réglementation est correctement assimilée, elle ne détermine pas la façon de concevoir un projet. . Ce projet montre que la réglementation possède un certain nombre de défauts. Elle a été pensée pour encourager le développement des constructions avec un faible impact carbone mais elle va, pour l’instant, à l’encontre des constructions avec des matériaux biosourcés. Le label E+/C- s’appuie sur les fiches FDES mais qui sont trop peu nombreuses pour les matériaux biosourcés et notamment le bois. La structure du projet est en CLT (dalle et murs). Or, il n’existe que 2 FDES pour ce type de produit : une fiche générique déclarée par le ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer et par le ministère du logement et de l’habitat durable qui est censée être dédiée à l’application du référentiel « Energie-Carbone » pour les bâtiments neufs, et une fiche déclarée par l’entreprise Finno-suédoise Stora Enso. L’évaluation des niveaux de performance carbone pour le label du projet du Hautbois montre la défaillance du label. En effet, les résultats utilisant la fiche de CLT « générique » montrent que le projet n’atteint même pas le niveau C1 pourtant, soi-disant, accessible à tous. Etonnant pour une construction en bois ! Dans ce cas-là, les produits de construction impactent fortement le potentiel de réchauffement climatique sur l’ensemble du cycle de vie, à hauteur de 834.34 Kg CO2 eq. (plus de 70%). À contrario, les résultats utilisant la fiche de « Stora Enso » sont totalement différents : le projet atteint le niveau C2 et les produits de construction n’impactent plus qu’à hauteur de 657.02 Kg CO2 eq. sur le potentiel de réchauffement climatique (64% du cycle de vie total). Ces résultats montrent l’imprécision de ce label. De plus, le CLT utilisé proviendra probablement du fabriquant autrichien KLH, néanmoins ils n’ont pas produit de FDES de leur matériau. De ce fait, les résultats seront sans doute encore différents, peut être mieux ou moins bien. Les fiches ne permettent également pas de choisir le
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type de ciment, son dosage et le taux de ferraillage, or ce sont des choix qui peuvent fortement faire varier l’impact environnemental. Construire en bois ce projet semblait une évidence vis-à-vis de la pénurie annoncée du béton et du sable, Jacques Félix-Faure est convaincu qu’il faut apprendre à construire des immeubles en bois. Dans l’objectif d’être autonome et de consommer le moins d’énergie possible, le bois était le meilleur choix face au béton ou à l’acier. Le système constructif retenu a été le CLT, comme précisé précédemment. L’utilisation de ce dérivé industriel du bois était intéressant afin d’éviter d’utiliser des grandes sections de bois. Étant composé de petites planches que l’on peut trouver dans toutes les forêts, collées entre elles, le CLT est un matériau adapté pour des logements sociaux. Il apparaît aux yeux des concepteurs comme le devenir de la filière bois. Le CLT est disponible en France depuis peu, l’industriel Piveteau ayant investi beaucoup d’argent pour la création de ce matériau. Autrement, il faut se tourner vers d’autres usines en Europe. Le bois peut difficilement être local actuellement, il est toutefois possible d’utiliser du bois des Alpes pour du CLT, mais le fait de le faire transformer dans une usine plus lointaine enlève tout l’intérêt d’utiliser du bois local. L’utilisation du CLT offre de surcroît l’avantage d’un chantier plus rapide, plus propre et moins bruyant. Il s’agit d’un avantage intéressant dans un tel projet ayant un contexte urbain où le chantier provoque de nombreuses nuisances. De plus, la préfabrication en atelier permet d’offrir un travail moins éprouvant pour les ouvriers et ainsi d’obtenir une meilleure qualité de fabrication. CONCEPTION TECHNIQUE ET STRUCTURELLE REFENDS ET STRUCTURE DE CONTREVENTEMENT Risques sismiques moyens : Grenoble en zone 4/5 Utlisation du métal pour lier les panneaux bois La section de la poutraison métale permet de favoriser les usages (section bois trop haute, espaces inexploitables) Métal et Bois utilisés au bon endroit Strucutre des escaliers autonome et indépendante
MISE EN OEUVRE
CHANTIER RAPIDE ET PROPRE
Fig. 16 Principe constructif ©ACTIS
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56 LO
BÂ ST MATÉR
Fig. 17 Représentation réaliste du projet ©ACTIS
Au-delà de cette réglementation, faire une construction en bois peut être contraignant car les pompiers et les bureaux d’études connaissent le béton mais très peu le bois. Ce projet permet de franchir des étapes jamais franchies. En travaillant avec le CTSB, ils ont dû prouver que le complexe de façade était efficient face au feu avec un essai Lepir à l’échelle 1. La réglementation n’est pas encore écrite pour les bâtiments de ce type ; grâce à des projets comme celui-là elle évoluera. La notion économique a jouée un rôle essentiel dans la conception de ce projet. Même avec la volonté de faire un projet le plus qualitatif possible, la réalité économique nous ramène toujours à la raison. Alors le travail des architectes, en prenant en
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compte cette notion économique, consiste à mettre en avant ce dont on est capable de faire pour convaincre le maître d’ouvrage de mettre l’argent aux endroits essentiels du projet et de faire les bons choix de matériaux au vu des enjeux environnementaux. Certes le projet du Hautbois est cher pour un bâtiment de logements sociaux mais il s’agit aussi de la responsabilité du bailleur social de faire des compromis pour aider au développement de ce que pourraient devenir les bâtiments dans 30 ans. La démarche de ce projet devrait être payante économiquement mais il est aujourd’hui précurseur. Il est plus cher car il a nécessité une démonstration de faisabilité. Le fait de gagner 6 mois de chantier apporte une vraie crédibilité, les prochains projets de ce type auront plus de facilité à sortir de terre. Cette réalité économique va également à l’encontre de l’utilisation de bois local, notamment dans le cas d’un projet public fonctionnant sur un système d’appel d’offre. L’entreprise qui offrira le meilleur prix du m3 de bois sera forcément avantagée, tout dépendra de la volonté du maître d’ouvrage à privilégier l’utilisation d’un bois local ou non. Finalement, les labels de ce projets n’ont eu aucune influence sur sa conception, cela ne l’empêche pas de prendre en considération les enjeux environnementaux. Sans le bois, le bâtiment ne serait pas aussi intéressant et performant, il participe à la grandement à la réduction de l’impact environnemental. Les contraintes en lien avec le budget sont en définitive celles qui ont le plus influencé la conception.
L’importance de la main d’œuvre selon Vincent Rigassi Vincent Rigassi travaillait auparavant au sein du laboratoire de recherche « CRAterre » sur le matériau de la terre aux quatre coins de la planète. Il décide de devenir architecte libéral et de créer l’agence « RA2 » où il se concentre sur la construction avec des matériaux locaux (terre, bois et paille). Ils travaillent surtout sur des marchés publics dans des zones rurales. Ils créent ainsi, principalement, des logements sociaux et bâtiments publics, dont les 2 tiers portent sur de la rénovation de l’existant pour des raisons environnementales. La notion environnementale pour lui est essentielle dans un projet, sans pour autant s’appuyer sur les référentiels de réglementation ou de label. En effet, il porte un regard plutôt négatif sur ceux-ci, notamment au départ sur les 14 cibles de la certification HQE qui pour certaines se rejoignent. Par exemple, la performance thermique et le confort ne doivent pas être 2 objectifs différents, ils sont en réalité tributaires l’un de l’autre. Selon lui, la question environnementale est une préoccupation absolue des architectes, qui ont une approche globale contrairement aux bureaux d’études. La réponse à la question « une bonne architecture est-elle une architecture écologique ? » est évidente pour lui. Certains exemples, que ce soit le Corbusier ou autre, montre que l’approche environnementale existe avant même la création de la HQE et que, par définition, une bonne architecture est pensée autour des questions de lumière, d’éclairage, de confort, de chaleur, d’apport solaire, d’orientation, de position dans le territoire et de principes constructifs. Ces réflexions sont inhérentes au travail de l’architecte, il s’agit par définition de l’architecture.
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De plus, Vincent Rigassi reste assez contestataire de la réglementation, celleci étant dépendante et subissant du « bidouillage technique » (entretien n°2) sous la pression du système politique et des lobbies du secteur électrique et des matériaux industriels. Par exemple, dans la réglementation actuelle, le bois a perdu l’avantage alors qu’il était bonifié dans la réglementation précédente face aux bâtiments chauffés à l’électricité, non pas pour des raisons environnementales ou thermiques mais pour des raisons de lobbying et de pression du secteur électrique et nucléaire. Finalement, les réglementations sont le résultat de compromis qui vont dans la direction de ceux qui ont le pouvoir et non dans la direction de réseaux de constructions écologiques. La future réglementation environnementale exigera des données sur l’analyse de cycle de vie des matériaux. Or, le calcul de cycle de vie se base sur des fiches FDES produites par des filières et pour des matériaux industriels. Or, si on parle de pierres, de bois en circuit court ou de terre qui ne découlent pas du secteur industriel de manière - « ce qui fait aussi leur qualité » (Entretien n°2) –, il n’existe pas de données, ils sont d’emblée pénalisés. Le fond de cette future réglementation est bon, son application reste cependant discutable sur le fait qu’elle s’appuie sur le secteur privée en négligeant des matériaux possédant des valeurs patrimoniales et environnementales. Au sein de son agence, Vincent Rigassi a créé des bâtiments passifs dès 2006, bien avant que cette notion apparaisse au niveau réglementaire. L’évolution des labels et des réglementations ne change pas la façon de concevoir à partir du moment où on conçoit au-delà de ces normes. La réglementation est à prendre avec vigilance et du recul afin qu’elle ne contraigne pas la façon de concevoir. Dans la façon de concevoir de l’agence RA2, le choix des matériaux intervient dès les esquisses. Les questions globales sur un projet poussent à s’interroger sur le système constructif dès le départ dans le projet. Le choix du matériau est beaucoup conditionné par des questions de budget. La réalité économique restreint certains choix de construction, c’est pourquoi il est important d’avoir un panel de propositions, parfois de 3 ou 4 solutions qui nous paraissent pertinentes pour un projet donné. Le choix de faire une construction bois se fait donc au départ. Une ossature bois possède des caractéristiques constructives différentes d’un système poteau poutre en béton. Transformer un projet conçu en béton avec du bois ne fonctionnera donc pas. Le choix du bois est important, il permet de rivaliser avec des constructions dites conventionnelles tout en restant économiquement accessible (avantage que ne possède pas la terre). Dans le cas d’une construction en bois, la priorité pour cet architecte reste de privilégier un bois plus ou moins local, tels que des résineux dans des formes assez courantes et classiques. Le choix d’un bois local peut être freiné par certains facteurs. La notion économique en fait partie, elle impacte fortement une construction, plus que la technique. Dans le cas d’un marché public, la réalité constructive implique la notion de budget induite par un maître d’ouvrage. Alors le choix d’un bois local ou national dépend de la consultation des entreprises. En fonction des choix économiques du maître d’ouvrage le bois choisi sera local ou simplement national. Par exemple, il a réalisé un projet où l’objectif était d’utiliser le bois de la commune. Il s’agissait, dans ce cas-là, d’une volonté du maître d’ouvrage, l’économie n’était alors plus le principal critère de choix.
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Outre la notion économique, la construction bois permet une préfabrication en atelier de charpente, qui peut rester assez locale, ce qui lui offre l’avantage de rester dans des coûts assez compétitifs et de réduire l’impact environnemental par rapport à une construction conventionnelle. Cela dépend, bien sûr, s’il s’agit d’un bois massif ou d’un dérivé selon les principes constructifs, la taille des sections et la localité de la matière. Il est vrai que la filière bois locale a beaucoup évoluée ces dernières années, elle est capable de fournir des bois de qualité équivalente à celle des pays plus lointains tels que la Suisse, l’Autriche ou l’Allemagne, la qualité du bois n’est pas le paramètre le plus important selon cet architecte. La transformation en amont et la transformation sur le chantier constituent les clés de son travail de conception. En effet, si on considère une construction avec un bois parfait transformé, la capacité d’adaptation en cas d’imperfections est restreinte. A l’inverse, si dès le début, le projet est pensé autour de la ressource locale, la conception aura une forte capacité d’adaptation à cette ressource car on pourra donner des sections précises, on connait le type de bois etc. Le prix d’une construction dépend également de la quantité de matériau de second œuvre utilisée. En effet, comme le montre le projet « d’Izouba », le principe était d’utiliser très peu de matériaux de second œuvre. Le bâtiment paraît ainsi brut, les plafonds sont des plaques d’OSB, la structure reste apparente. La plâtrerie ou le carrelage sont donc très peu utilisés. Il s’agit de choix de conception, le projet a été pensé différemment de la logique conventionnelle qui est de faire une boîte de second œuvre avec des matériaux abominables, énergivores et qui ont demandé beaucoup de transport dans la boîte de gros œuvre. Pour rester compétitive, une construction bois doit donc minimiser ses sections et utiliser les matériaux les plus bruts possibles. Pour Vincent Rigassi, les matériaux brut sont essentiels, il s’oppose fortement à l’utilisation de produits industriels car ce sont des matériaux qui demandent peu de transformations sur le chantier mais beaucoup d’énergie en amont. L’industrie pousse à absorber le maximum de transformations dans le secteur amont du chantier. A l’inverse, une approche environnementale cherche le maximum de transformation sur le chantier avec des matériaux les plus bruts possible. Toute l’économie et le système aujourd’hui sont faits pour encourager des technologies très consommatrices en énergie et en transport et avec peu de main d’œuvre, alors que les techniques patrimoniales ou écologiques sont des techniques qui demandent peu d’énergie et de transport mais néanmoins beaucoup de main d’œuvre. L’idéal serait d’avoir une main d’œuvre moins chère que l’énergie, cela dépend de choix politiques qui aujourd’hui privilégient un système productif basé sur le pétrole plutôt que sur l’être humain. Finalement, la façon de concevoir de Vincent Rigassi met en avant les matériaux bruts et locaux, qui sont très peu transformés en amont en prenant soin de favoriser la main d’œuvre humaine.
Le progrès dans le respect de la nature selon Olivier Baverel Olivier Baverel est enseignant ingénieur à l’ENSAG ainsi qu’à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées. Il est également chercheur au sein du laboratoire Navier où il
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a réalisé quelques travaux autour du développement durable. Selon lui, la réglementation environnementale de 2020 va dans le bon sens en entrant de manière assez importante dans la conception en imposant un certain nombre de critères supplémentaires, l’important étant de refaire converger économie et écologie, deux notions qui étaient assez synonymes avant l’arrivée du pétrole. Cette nouvelle réglementation exploitera la notion de l’analyse de cycle de vie, une science qui est en train de se mettre en place. Cette science de l’analyse environnementale n’est aujourd’hui pas encore établie mais, comme toutes nouvelles technologies, elle s’installera progressivement dans les mentalités. Comme le souligne Olivier Baverel, c’était le cas des treillis : en 1830 ils étaient perçus comme inutiles. Lorsqu’on a su les calculer et qu’on les a théorisés, le treillis est devenu omniprésent. L’ACV permettra entre autres de repenser les méthodes de construction en intégrant la démontabilité des éléments de construction. La construction bois peut être éternelle parce qu’elle est capable d’être démontée et remontée, comme le prouvent de nombreux exemples d’anciennes constructions bois du Vorarlberg. A l’inverse, une construction béton tiendra des millénaires, de manière statique, sans besoin de remplacement. Ce sont 2 manières de voir la durabilité, l’enjeu de demain dans un principe de durabilité se trouvant dans la possibilité de démonter, quel que soit le matériau. La limite de la réglementation et de l’exploitation de l’ACV se trouve dans les logiciels. Ceux-ci utilisent des protocoles proposés par les scientifiques mais fortement influencés par les entreprises industrielles. Par exemple, pendant un certain temps, l’énergie solaire nécessaire à faire pousser le bois était comptée dans l’impact environnemental du matériau alors qu’on parle d’une énergie naturelle et renouvelable. Il existe aujourd’hui de nombreuses dissymétries dans le système mais à terme on ne pourra plus camoufler les vrais chiffres. Le bois est un matériau intéressant vis-à-vis de l’analyse de cycle de vie, avec un impact environnemental limité, sa principale force selon Olivier Baverel étant sa capacité de préfabrication. Il possède un certain nombre de qualités que le béton et l’acier n’ont pas, cependant il a ses défauts sur des problèmes de feu, d’acoustique et de vieillissement s’il est mal utilisé. Alors il ne faut pas le mettre en compétition face aux autres matériaux, il est plus intéressant de dire que chaque solution à son matériau. Le bois peut être vertueux, mais seulement s’il est bien utilisé, bien encadré et avec une chaine complètement bien maîtrisée. Avec n’importe quelle technologie vous pouvez faire le bien et le mal et le bois étant prélevé dans un espace de biodiversité, on voit aujourd’hui des récoltes de bois scandaleuses où tout est détruit. Il est important de ne pas oublier que « Ta terre t’a été prêtée par tes enfants et pas donnée par tes parents » (Entretien n°3), ce qui a dicté les milles générations avant nous. L’utilisation du bois est plus intéressante pour des petites constructions, pour cet ingénieur faire des IGH1 en bois est l’équivalent d’une formule 1 pour communiquer, l’intérêt environnemental étant questionné. Ces constructions permettent de pousser les limites toujours plus loin, notamment avec l’arrivée du CLT et d’autres 1
Immeuble de grande hauteur
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nouveaux produits qui permettent d’ouvrir le champ des possibles architecturaux. Le bois, tel qu’il est perçu dans pas mal d’esprit consistant à prendre un joli arbre pour fabriquer une maison est absurde aujourd’hui, la construction bois traditionnelle n’est actuellement pas suffisamment efficiente. Le bois est utilisé avec un procédé de transformation de haute technologie, les produits Steico et autres permettent d’être efficients. Bien utilisés, ils ont un potentiel très intéressant. Alors avec le bois, on peut réellement imaginer aller vers de nouvelles utilisations et de nouvelles formes de construction. L’arrivée de la robotique est perçue par de nombreuses personnes comme étant une solution. Cependant ce n’est pas certain car l’industrie 4.0 n’est pas gratuite en termes d’impacts environnementaux. Faire tourner internet nécessite 10% de l’électricité de la planète. Alors il faut être vigilant avec ces nouvelles technologies qui peuvent être une bonne chose comme elles peuvent être un authentique désastre avec de la « peinture verte » devant. La robotique peut permettre de sauver le marché local de petite taille. En France, énormément de petites scieries ferment les unes après les autres. Le parc de la Chartreuse essaye de se sauver en créant une usine de seconde transformation du bois, c’est-à-dire de couper en masse du bois pour entrer en compétition avec des fabricants tels que Steico. Le problème est que les politiques ont 30 ans de retard, ils essayent d’entrer dans un marché déjà rempli. La robotique pourrait innover en scannant une bille de bois et à l’aide d’un algorithme sortir le plus de planches possible. Ainsi les scieries deviendraient compétitives en exploitant les nouvelles technologies au service de l’efficience. Pour résumer, Olivier Baverel croit au développement de la robotique et des nouvelles technologies, à conditions qu’elle soit utile au développement des marchés locaux tout en prenant soin de l’environnement.
Des visions pas si différentes Ces entretiens ont permis de faire ressortir des visions assez différentes du devenir de la construction bois d’un concepteur à l’autre. Elles sont toutes légitimes et convergent cependant sur certains points. D’abord, les 3 concepteurs s’accordent sur les défauts de la réglementation environnementale 2020 et des labels : même si la loi va dans le bon sens, elle n’est pas prête à ce jour et elle manque de précision. En effet, architectes comme ingénieurs soulignent le manque de données concernant la construction en matériaux locaux en circuit court et en matériaux biosourcés, dont fait partie le bois, pendant que la majorité des FDES sont largement influencées par le secteur privé et les industries. Alors, si on veut une architecture avec la meilleure performance environnementale possible, les deux architectes préconisent de travailler toujours au-delà des labels en intégrant le paramètre environnemental dès le début de la conception. Jacques Félix-Faure précise également que la réglementation concernant la résistance au feu n’est pas complète à ce jour pour les immeubles de grandes hauteurs
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en bois. Elle nécessite des projets démonstrateurs tel que le « Hautbois » pour s’établir correctement. Olivier Baverel ne semble pas convaincu de l’intérêt environnemental de construire des IGH en bois mais rejoint le point de vue des autres sur le fait que franchir des limites permet de faire progresser la construction bois. Ensuite, le point fort de la construction bois est sa capacité de préfabrication. Cela permet d’avoir une construction qui reste assez locale et qui offre l’avantage d’avoir un coût assez compétitif face aux autres types de constructions. La préfabrication permet également de réduire le temps du chantier et, dans le cas de constructions importantes, d’offrir de meilleures conditions de travail. Deux visions s’opposent maintenant : l’une favorisant les produits industriels et l’autre plutôt les produits bruts et la main d’œuvre humaine. D’une part, Jacques Félix-Faure voit l’avenir de la filière bois dans les produits industriels, notamment le CLT. Composé de sections de bois « classiques » et offrant une grande raideur statique, le CLT semble être le matériau le mieux adapté pour des constructions de grandes hauteurs ou pour des refuges de haute montagne. Il permet une mise en œuvre rapide et efficace tout en étant financièrement accessible. Le point de vue d’Olivier Baverel est similaire mais toutefois nuancé. Il pense que la robotique et la transformation de haute technologie du bois peuvent lui apporter une valeur ajoutée en lui permettant de devenir plus efficient. A contrario, Vincent Rigassi s’oppose totalement à l’idée d’industrialisation du bois, l’économie actuelle étant pensée pour favoriser les technologies très consommatrices en énergie et en transport avec peu de main d’œuvre. Ainsi, il favorise dans ses projets plus de transformation sur le chantier et moins en amont. Cependant, les deux visions sont légitimes. Il est vrai que l’industrialisation ne permet pas de réduire l’impact environnemental mais elle sera plus intéressante pour des constructions importantes de grandes hauteurs alors que la main d’œuvre humaine que préconise Vincent Rigassi sera plus adaptée pour des projets d’échelles plus modestes. Finalement, chacune des visions est adaptée à une échelle de projet et un contexte bien spécifiques. Enfin, l’expérience des deux architectes font ressortir le fait que la volonté de faire une construction performante avec l’impact environnemental le plus faible possible est bridée par la réalité économique et budgétaire, notamment dans le cadre d’un marché public. Le bois des Alpes est cher, alors pour certains projets, l’utilisation de bois local sera compliquée quand le budget est trop restreint. Souvent dans la consultation des entreprises, celui qui proposera le prix du m3 sera favorisé, la qualité environnementale dépend alors de la volonté du maître d’ouvrage à privilégier des meilleurs matériaux mais plus chers. Du point de vue d’Olivier Baverel, le choix d’un bois local ou non n’est pas le paramètre le plus important. Pour lui, tant que la chaîne du bois, de la récolte à la mise en œuvre, ne sera pas parfaitement maîtrisée, c’est-à-dire que la biodiversité ne sera pas correctement préservée, alors l’utilisation du bois ne pourra pas vertueuse.
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Le choix des matériaux peut s’avérer une tâche difficile pour les concepteurs. Le progrès des technologies permettent, grâce à des outils de plus en plus complets utilisant la récente science de l’analyse de cycle de vie, d’aider les concepteurs à faire les bons choix suivant le paramètre environnemental. « Vizcab » fait partie d’un de ces outils.
2 - « Vizcab », un outil d’aide à la décision Vizcab est un programme développé par la start-up « Combo solutions ». Un entretien avec Thomas Jusselme, un de ses créateurs, a permis d’en savoir plus sur ce logiciel. Il possède un profil hybride entre recherche et pratique. Il est d’abord chercheur associé au groupe de recherche building 2050, au sein du Smart Living Lab1 où son travail consiste à définir les caractéristiques scientifiques du futur bâtiment qui va émerger de tous les chercheurs au sein du Smart Living Lab. Ce bâtiment servira de support à des personnes qui travaillent sur l’habitat du futur (juristes, sociologues, architectes ou des physiciens du bâtiment par exemple). Il a créé la Start Up « Combo solutions » qui développe le logiciel « Vizcab ».
Qu’est-ce que « Vizcab » ? Il s’agit d’un outil issu de travaux de recherche menés au sein de l’EPFL pour lequel un brevet a été déposé. Le programme est basé sur une technologie qui est l’association de différentes techniques du génie mécanique, de la statistique, des analyses de cycle de vie etc. Il part du principe qu’il faut intégrer au plus tôt, dans le processus de conception, des notions de performances thermiques et environnementales. Sur l’interface initiale, le « dashboard », on a le choix entre une partie évaluation qui fonctionne comme tout autre logiciel de calcul d’ACV (Elodie par exemple) et une partie exploration qui nous intéresse ici. Le concepteur commence par intégrer au logiciel une volumétrie 3D simple et il définit son projet de façon basique : il renseigne le type de construction (logements, bureaux…), sa situation, ses dimensions, le nombre de niveaux et les hauteurs sous plafonds… Et Vizcab lance des dizaines de milliers de calculs qui sont des combinaisons d’une quinzaine de paramètres pouvant varier, offrant ainsi une banque de données propre au projet dans un contexte météo spécifique avec une simulation thermodynamique énergétique et une analyse de cycle de vie. Afin d’être accessible au plus grand nombre de concepteurs, cette base de données n’apparaît pas sous la forme d’un tableau Excel compliqué, mais grâce à des techniques de data visualisation sous forme de « table de mixage ». Ainsi, on peut aisément faire varier les paramètres en visualisant directement la conséquence. 1 nieur)
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(inter-institution entre l’EPFL, l’université de Fribourg et la haute école d’architecture et d’ingé-
Fig. 18 Interface exploration de Vizcab ©Combo solutions
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Ces paramètres variables de conception ont été proposés de 2 manières. D’abord, ce sont les paramètres traditionnellement utilisés par les concepteurs à cette phase de conception (pourcentage de vitrage, type de structure). Ce sont des paramètres qui sont influents sur la performance énergétique et carbone des bâtiments. Ensuite, chaque paramètre a été couplé à la base de données INIES dans laquelle on retrouve les Fiches de Données Environnementales et Sanitaires. Ces fiches sont produites par la filière des industriels, les fabricants réalisent pour leur produit une analyse de cycle de vie. Ces fiches sont utiles au logiciel pour quantifier les impacts sur l’environnement. Vizcab permet par exemple, à une étape de conception où la qualité du vitrage n’est pas définie, d’observer comment se comporte le projet si je mets du double ou triple vitrage, si je vitre beaucoup ou non mes façades. Je peux également faire varier mon type d’isolant, le type de chaudière, etc.
Quel est l’intérêt de ce programme ? Le programme porte un réel intérêt pour les concepteurs car il permet d’intégrer les notions de performances environnementales au moment le plus efficient de la conception, c’est-à-dire au moment où la conception est encore suffisamment flexible pour faire des choix importants. Une fois le design abouti et détaillé, faire des changements peut avoir un impact important sur la construction. Habituellement, les ingénieurs ou les architectes qui font des simulations prennent appui sur énormément d’hypothèses pour, à la fin, déboucher sur un résultat qui soit plus le reflet de ces hypothèses que le reflet des qualités intrinsèques du projet. Vizcab permet alors de renverser cette situation où l’incertitude devient intéressante à explorer, toutes les variables de conception qui ne sont pas encore figées peuvent être explorées grâce à cet outil d’analyse paramétrique qui permet d’explorer tout un champ des possibles. Cela permet donc d’observer les conséquences de toutes les variables qui ne sont pas encore figées sur la performance globale du projet mais aussi sur les autres paramètres. C’est-à-dire par exemple que si on met du carrelage céramique partout, on ne pourrait peut-être pas mettre de menuiseries en aluminium car la quantité de carbone que le projet pourra émettre, est en grande partie utilisée par le carrelage. Cela permet très tôt, dans la conception, de matérialiser dans un langage architectural les contraintes de performance énergétique et carbone qui sont induites par les réglementations ou les différents labels.
Pourrait-il alors favoriser l’utilisation du bois ? Le programme ne favorise aucun matériau, aucun choix, il s’agit juste de l’application d’algorithmes et de base de données. Le programme n’est pas fait pour mettre en avant un produit, il est fait pour se rendre compte de comment il est possible d’utiliser un produit. On s’aperçoit qu’il est réalisable d’utiliser quasiment n’importe quel produit de construction, cela implique plus ou moins de contraintes sur les autres para-
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mètres. Par exemple, pour atteindre les niveaux de carbone, on peut faire un bâtiment en béton, par contre il va être contraignant sur tous les autres postes, les possibilités se réduiront. Au contraire, si je construis en bois j’aurais plus de flexibilité en termes de conception sur les autres postes et j’aurais la possibilité de faire davantage de choix. Le logiciel permet de manipuler une version de démonstration. Il s’agit d’un immeuble de logements de 4 étages, chaque étage est à une hauteur de 3m, il se situe dans le département du Rhône (69) à une altitude de 165m. Sa surface est de 2880 m² dans une volumétrie rectangulaire, orienté Nord-Nord-Est. Au départ, on a 18 018 scénarii possibles pour ce projet. Commençons d’abord par fixer des objectifs de niveau carbone 2 et de niveaux BEPOS 3. Les scénarii possibles chutent alors à 3490. Ensuite, nous pouvons jouer sur les éléments principaux de structures, à savoir les éléments horizontaux et verticaux. En utilisant des planchers en bois et des murs en CLT, il reste un choix de 223 scénarii, alors qu’en mettant des planchers en béton et des murs en béton armé avec une isolation par l’extérieur, les choix se restreignent à 98 possibilités. On se rend bien compte, dans l’objectif d’atteindre des hauts niveaux de performances environnementales, que le choix du bois en structure principale offre plus de flexibilité dans le choix des autres paramètres par rapport au choix du béton. On peut également observer que les paramètres les plus impactants sont les planchers et moins les façades. On retrouve moins de report de charge sur les façades que sur les planchers, ces derniers doivent franchir de grandes portées donc les complexes sont plus stressés. De plus, la performance est ramenée au m² de surface habitable et on retrouve plus de planchers par m² que de façades. L’élément plancher dans la structure demande donc plus d’attention, c’est également là qu’on aura d’avantages de contraintes en lien avec l’acoustique et le feu. A cela s’ajoute une question de flexibilité d’espaces, les dalles selon les usages auront des franchissements plus ou moins importants. On ne peut donc pas travailler de façon générique, selon qu’on œuvre sur du logement ou sur du bureau, les contraintes ne seront pas les mêmes. Egalement, il y a des constructions bois qui sont autant énergivores ou émettrices de carbone que des constructions béton, car la construction béton s’optimise en enlevant de la matière où on en a pas besoin, en dimensionnant au plus juste au niveau des aciers et en utilisant un béton recyclé, ce qui peut faire baisser la facture carbone. A contrario, ce qui peut faire monter la facture carbone d’une construction bois, qui intrinsèquement possède des qualités environnementales, se trouve dans le procédé de fabrication : plus on va utiliser de la colle, plus on va le raboter, le sécher ou l’associer dans des complexes sandwichs et plus sa facture carbone va augmenter. On peut voir des systèmes constructifs bois aussi pénalisants que des systèmes constructifs béton. L’important est alors de comparer à ce qu’on appelle l’unité fonctionnelle équivalente. Cela veut dire qu’il faut faire attention que ce que l’on compare est comparable. Il faut alors le même indice d’affaiblissement acoustique, la même protection au feu et la même qualité structurelle. Par exemple, si on compare simplement une dalle béton à une dalle CLT, cette dernière sera nettement meilleure. Or, pour que les deux soient comparables, il faut rajouter un isolant acoustique, une protection au feu et, à ce moment-là, on se rend compte que la dalle CLT n’est plus aussi parfaite qu’elle pourrait l’être en apparence, les valeurs intrinsèques disparaissent sous l’influence des contraintes. On s’aperçoit que les qualités du bois sont intéressantes mais
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Fig. 19 ExpÊrimentation avec une structure en bois ŠCombo solutions
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Fig. 20 Expérimentation avec une structure en béton ©Combo solutions
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si pour des objets complexes on ajoute des contraintes acoustiques et d’incendie, on utilise un bois non brut de sciage mais découlant d’un procédé de sciage et de collage, le complexe bois ne sera pas forcément le meilleur choix environnemental. Finalement, la réalité des normes et des réglementations impose un certain nombre de contraintes plus ou moins importantes selon la nature de la construction. Qu’il s’agisse de logements individuels, collectifs ou de bureaux, la construction bois n’est pas tout le temps la réponse la plus adaptée pour atteindre les plus hauts niveaux de performances environnementales. L’outil Vizcab en somme ne fait que refléter cette réalité. Mais ce programme possède quelques défauts. Le fait de faire des choix très forts tel que le propose Vizcab très tôt dans la conception peut n’apporter que très peu de valeur ajoutée ; simuler un projet nécessite de miser sur beaucoup d’hypothèses. De plus, certaines fiches FDES sont des médianes. Elles représentent l’impact moyen d’une famille de produits quand il existe une grande variété de fiches pour un même type de matériau, ce qui peut fausser les résultats. Cet outil innovant d’aide à la décision est intéressant pour les concepteurs. Il permet d’intégrer le paramètre environnemental dès le début de la conception, au moment le plus propice. Il manque peut être aujourd’hui de précision dû au manques de FDES, ce qui rejoint le problème souligné par les concepteurs. Avec les témoignages des concepteurs ainsi que la découverte de Vizcab, qu’en est-il de l’hypothèse formulée au départ ?
3 - La notion économique à l’encontre de la performance environnementale Suite à cette enquête, l’hypothèse qui définissait les conditions d’utilisation du bois est-elle confirmée ?
La localité du bois Premièrement, nous évoquions la notion de localité induisant peu de transport, de la récolte à la mise en œuvre de la matière bois. Il s’avère que les architectes prennent en compte la quantité de transport dans le choix des matériaux, mais ce n’est pas toujours une évidence. En effet, dans le cas de marché public, lors de la consultation des entreprises, le choix se fait en fonction du prix du m3 de bois que proposent les artisans et pas en fonction de la qualité du bois. Le bois local des Alpes est en général plus cher que la moyenne donc le choix se tournera plus vers un bois national plutôt que local. Tout dépend ensuite du maître d’ouvrage et de sa volonté à privilégier un bois local mais plus cher, cela fait aussi partie du travail de l’architecte
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de convaincre celui qui a le pouvoir budgétaire de mettre l’argent au bon endroit. Dans tous les cas, le bois sera rarement importé d’Amérique du Nord par exemple. De plus, le bois étant en général préfabriqué en atelier, la construction bois reste plus ou moins locale, à condition bien sûr que les entreprises le soient également. Le fait d’assembler la structure, la menuiserie, l’isolation et la finition dans un même lieu permet de diminuer la quantité de transport. Dans cette logique de préfabrication, le cas de l’immeuble le « Hautbois » de l’atelier 17C montre qu’utiliser un bois des Alpes n’a pas de sens. En effet, la structure est en CLT assemblé dans l’usine KLH en Autriche, donc cela coûterait trop cher en transport d’acheminer un bois de Chartreuse jusqu’en Autriche pour ensuite le mettre en œuvre à Grenoble. De plus, la réglementation et les labels ne sont pas prêts aujourd’hui pour la construction locale utilisant des matériaux non-industriels en circuits courts. Les Analyses de Cycle de Vie manquent de précision et restent trop globales dans leurs méthodes de calculs, ce qui ne favorise donc absolument pas l’utilisation du bois dans la construction. C’est pour cette raison que les architectes ne prennent pas en compte les labels et les réglementations dans la conception. Ils intègrent le paramètre environnemental dès le début pour arriver au final à des performances qui vont au-delà des labels. L’impact environnemental d’une construction peut être faible, à condition que l’architecte soit sensible à la préservation de l’environnement. Le choix des essences de bois et de qualité était identifié comme une condition indépendante dans l’hypothèse, ils sont en fait étroitement liés à la condition de localité. Tout comme cette dernière condition, le choix des essences, dans le cas d’un marché public, dépend du maître d’ouvrage et de son budget. Néanmoins, les essences utilisées sont souvent choisies en fonction de leurs emplois, alors les essences courantes tels que des résineux sont privilégiés.
Le bois massif ou ses dérivés Concernant la condition de la quantité de transformation de la matière, les avis sont controversés. L’hypothèse mettait en avant le fait que la transformation de la matière bois augmente l’impact environnemental, alors il est préférable d’utiliser du bois massif. Sur ce point, Vincent Rigassi est plutôt d’accord, dénonçant une économie et un système favorisant les produits industriels consommateurs d’énergie. Pour des projets à petites échelles, avec des efforts peu importants, l’emploi de matériaux bruts de sciage est évident, mais quand il s’agit d’immeuble de grande hauteur ou de bâtiment nécessitant des grandes portées, l’emploi du bois massif devient plus compliqué. La transformation du bois, permettant d’ajouter des qualités structurelles, doit être utilisée à bon escient, quand la situation le demande sans sur-dimensionner les sections.
L’efficience des sections de bois La condition d’utiliser les dimensions standards du bois disponibles sur le marché rejoint la condition d’utiliser le bois brut, sans transformation. En effet, tout dépend de la section dont on aura besoin. En tout cas, l’utilisation de sections courantes
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permet de développer les filières locales dans lesquelles les petites scieries sont en train de fermer les unes après les autres. Alors si la découpe du bois, grâce notamment à la robotique, devient rentable et efficiente, le bois local pourrait devenir moins cher.
Le soin des détails Enfin, la dernière condition proposée était une bonne conception des détails pour une durabilité optimale. Cette condition est finalement évidente, dès lors qu’on choisit d’utiliser le bois, toute la conception sera pensée autour du matériau bois. Le choix des matériaux se fait le plus en amont de la conception, car on adapte difficilement une construction pensée pour du béton en bois. En plus des conditions proposées dans l’hypothèse, l’enquête a permis de révéler d’autres conditions.
Les conditions économiques et typologiques Premièrement, la notion économique joue un rôle primordial dans la conception et dans le choix des matériaux. La volonté de faire un bâtiment à l’impact environnemental le plus faible possible se heurte à la réalité économique et budgétaire. Les meilleurs matériaux, d’un point de vue environnemental, sont les matériaux issus d’un circuit court et qui sont les plus bruts possibles. Or, ce sont des matériaux qui demandent le plus de main d’œuvre, de transformation sur le chantier et donc qui sont financièrement les moins accessibles. Alors la construction et le choix des matériaux doivent d’abord être possibles financièrement notamment pour respecter le piler social du développement durable. La notion économique bride finalement la performance environnementale. Ensuite, l’utilisation du bois n’est pas toujours la meilleure solution pour faire baisser l’empreinte carbone. Il s’agit toujours d’employer le « bon matériau au bon endroit ». La typologie de la construction joue un rôle déterminant dans le choix du système constructif. D’un logement individuel de petite taille à un immeuble de bureaux, les contraintes de portées, acoustiques et de résistance au feu diffèrent. Un immeuble doit respecter un certain nombre de normes incendie et acoustiques, ce qui oblige d’ajouter des matériaux supplémentaires pas des plus sobres à une structure en bois. On se retrouve alors avec un complexe de structure avec une énergie grise parfois supérieure à une structure béton. Il est important de comparer les systèmes constructifs en prenant en compte l’unité fonctionnelle, ce que fait très bien Vizcab.
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Conclusion Le contexte actuel de réchauffement climatique et de transition socio-écologique pousse à repenser les modes de construction. L’évolution progressive des réglementations thermiques et des labels ont permis une réduction considérable de l’impact environnemental dû à la consommation d’énergie finale. L’enjeu de demain, à l’image de la future réglementation environnementale de 2020, se situe dans la réduction de l’impact environnemental sur l’ensemble du cycle de vie d’un bâtiment, de sa construction à sa destruction. L’utilisation massive de matériaux industriels, non renouvelables et importés a fortement participé à la dégradation de la planète. Le bois, matière renouvelable, capturant du CO2, disponible sous de nombreuses formes et présent en grande quantité aux quatre coins de la planète, semble être le matériau porteur d’avenir, la solution pour offrir des performances environnementales supérieures aux constructions. Pour être vertueux, l’utilisation du bois dans la construction exige un certain nombre de conditions. On pourrait penser que les labels jouent en faveur de ce matériau, mais ce n’est absolument pas le cas dans la pratique. Les concepteurs dénoncent une influence des lobbies industriels dans les calculs d’analyse de cycle de vie ; les matériaux locaux et bio-sourcés – pourtant les plus intéressants sur le plan environnemental – sont largement désavantagés. Alors, la réglementation permet seulement de rationaliser la construction. En théorie, l’utilisation du bois permet d’avoir un impact carbone très faible, à condition que le bois soit massif, local, bien dimensionné, non traité, assemblé sans acier, brut et mis en œuvre par l’être humain. En pratique, deux facteurs brident largement la performance environnementale. D’une part, la réalité économique contraint certains choix de matériaux, la main d’œuvre humaine étant beaucoup plus chère que l’énergie. D’autre part, selon la typologie du projet, les contraintes de normes imposent un ajout conséquent de matériaux complexifiant ainsi la construction bois. Subséquemment il n’y a pas de matériaux meilleurs que d’autres pour répondre aux enjeux planétaires. Utiliser le bon matériau au bon endroit permet d’être plus vertueux en s’adaptant à chaque contrainte de chaque projet. Les réglementations et les labels ne permettent, finalement, que d’offrir une meilleure image politique et commerciale, l’architecture doit donc aller au-delà de l’influence de la société. Tout n’est qu’une question de volonté générale, l’initiative de s’impliquer dépend de chacun. Il n’existe pas de solution unique, les efforts et les technologies utilisés à bon escient pourront amener un changement progressif des mentalités. Finalement, l’utilisation du bois dans la construction est vertueuse à condition d’avoir une conscience respectueuse de l’environnement. Cette réflexion nous amène à penser qu’un profond changement de l’économie et du système, au-delà de l’architecture, pourrait être une des solutions. Néanmoins, est-ce réalisable quand la société d’aujourd’hui n’évolue qu’en prévision d’une continuelle rentabilité ?
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Entretiens Entretien 01 : Jacquues Félix-Faure, entretien effectué par l’auteur, 06/03/2019 Entretien 02 : Vincent Rigassi, entretien effectué par l’auteur, 07/03/2019 Entretien 03 : Olivier Baverel, entretien effectué par l’auteur, 15/03/2019 Entretien 04 : Thomas Jusselme, entretien effectué par l’auteur, 08/03/2019
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Annexes Entretien 01 : 06/03/2019
Jacquues Félix-Faure, entretien effectué par l’auteur,
Pour commencer est-ce que vous pouvez présenter que réalise votre agence ? Je suis gérant d’une petite société d’architecture qui s’appelle atelier 17 C, on est entre 5 et 6 architectes, nous sommes basés à Barraux au-dessus de Pontcharra et cela fait maintenant depuis environ une trentaine d’années que cette société avance petit à petit. Notre activité est très diversifiée, nous faisons des projets publics pour des communes, des projets pour des associations plutôt privées comme l’Arche Jean Vannier (association qui s’occupe d’handicapés mentaux) ou la fédération des œuvres laïques. On fait des études comme des plans paysages pour des communautés de communes ; on fait bien sûr un peu de bâtiments industriels, beaucoup de réhabilitations. Plusieurs choses relient ces projets : d’abord, la notion environnementale qui depuis le début nous habite, elle est au cœur de toutes nos réflexions. Ensuite, il est important pour nous d’allier à notre architecture les notions d’urbanisme, de social et de paysage, notamment dans les plans paysages par exemple. Enfin, il y a aussi la notion du « bon matériau à utiliser au bon endroit », on peut aussi bien travailler de la paille que du bois, que du métal…
Quelle importance accordez-vous à l’aspect environnemental dans la conception d’un projet ? Prenez-vous par exemple appuie sur des référentiels de label ? Bien sûr parlons des labels. Le prochain projet qui va sortir de terre est labélisé Passivhauss et E3+ C2-. Ce dernier est un nouveau label qui est un peu plus transversal. Mais on travaille au-delà des labels. La notion environnementale est pour nous ce qui nous motive le plus dans notre projet et on la met tellement au cœur de notre projet qu’elle fait partie de notre conception. On ne se demande pas comment on pourrait faire en sorte que ce projet soit un peu moins énergivore et un bilan carbone un peu plus positif au milieu d’une conception. Dès le départ ceci fait partie de nos priorités et pour cela on travaille avec des compétences extérieures, des thermiciens mais aussi des gens qui s’occupent des qualités environnementales, des gens qui s’occupent des bilans carbone, c’est à dire qu’on créé des équipes qui œuvrent ensemble.
Vis à vis de ces paramètres environnementaux, à quel moment intervient le choix des matériaux utilisés dans un projet ? Je te disais « le bon matériau au bon endroit », c’est à dire qu’on ne veut pas avoir d’aprioris. Chaque projet suivant son territoire à une réponse qui est adéquate. Concernant les projets en paille, récemment on a fait une brasserie dans notre village dans laquelle quelqu’un voulait faire de la bière. Il y avait vraiment besoin de beaucoup d’inertie et en même temps beaucoup d’isolation. Cette personne n’avait pas beaucoup de moyens mais pouvait faire beaucoup d’auto-construction. La paille s’est avérée être, par rapport à tous ces critères donnés, la bonne réponse qui révélait son
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activité puisqu’il allait travailler avec le seigle. Il y a réellement une vraie résonnance dans plusieurs projets. Dans d’autres projets, le bois devient essentiel, certains projets permettent de développer notamment la filière bois. Contrairement à ce que l’on pourrait penser avec ce matériau, nous avons fait quelques projets très significatifs en haute montagne qui sont des refuges (refuge de l’aigle, refuge du pressé). Ce sont de petits projets mais néanmoins des projets dans lesquels nous sommes contraints de pousser à bout tous les curseurs ; autonomie énergétique, pérennité par rapport à un certain milieu, faire en sorte de ne pas abimer le milieu dans lequel on se trouve, construction préfabriquée, rapidité de construction, problématique de ressource de l’eau et également rapport au paysage. Un refuge c’est avant tout la façon dont tu révèles un paysage. Ces projets de refuges ont été pour nous spirituellement une façon de nous ressourcer. Notamment, le refuge de l’aigle qui intégrait en même temps une notion de patrimoine, qui était quand même très particulière et situé à 3500m d’altitude. Nous devions faire quelque chose qui était lié au patrimoine. Donc par rapport à cela ces refuges sont en fait révélateurs de notre façon de travailler. C’est à dire que quelque part on veut aller jusqu’au bout de ces démarches-là. Nous ne pouvons pas ne pas aller au bout du projet, la moindre erreur ne pardonne pas. Les autres projets sont un petit peu en dessous de ces exigences mais nécessitent néanmoins beaucoup d’énergie et une volonté de pousser à chaque fois les curseurs le plus loin possible. Il y a aussi une notion économique dans les projets qui est à prendre en compte. Nous souhaiterions toujours faire le projet le plus poussé qualitativement et on ne peut pas toujours pour des raisons économiques. Quand on prend en compte cette notion économique, notre travail consiste à mettre en avant ce dont on est capable de faire et à faire comprendre à notre maitre d’ouvrage en disant « ceci est important de le développer pour telle et telle raison et on mettra de l’argent ici et pas là pour telle et telle autre raison », c’est là que notre travail d’architecte est important ; d’être en capacité de faire avec notre maitre d’ouvrage les bons choix matériaux au vu des enjeux économiques. Pour pouvoir avoir un projet qui aille le plus loin avec la notion économique, la notion de programme est importante. Actuellement nous travaillons sur un projet de réhabilitation d’une école. On a réussi à amener la commune à faire également une mairie qui sera à la fois local associatif mais également local de co-working avec un logement au-dessus. On doit composer avec la mutualisation dans les campagnes ; au lieu de faire séparément une mairie et un local associatif, nous avons tout rassembler dans un seul projet en faisant accepter des horaires, des façons de fonctionner, des mises en communs de certaines choses… Finalement tout ceci est le plus important dans un tel projet, et bien au-delà de tous les matériaux.
Vous avez expliqué auparavant que vous constituiez des équipes adaptées pour les projets, de quoi sont-elles constituées ? De bureaux d’études, d’ingénieurs ? Ce sont des bureaux d’études dans lesquels il y a des ingénieurs, mais cela peut être aussi des paysagistes, des urbanistes voire des sociologues. Nous avons un petit bureau, nous essayons de monter des équipes dans lesquelles la personne de l’équipe qui s’occupe du projet est chef de ce projet. C’est lui qui rend compte au reste de l’équipe et c’est lui-même à un moment donné qui pren-
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dra la décision finale. On veut en face de nous des chefs de projets qui sont impliqués et qui ont à cœur de mener une affaire à son terme dans les meilleures conditions possibles. Nous mettons beaucoup d’énergie à créer des équipes engagées et qui fonctionnent. Et c’est pour cela que les maîtres d’ouvrages font appel à nous, car ils savent que nous avons cette envie, cette motivation qui à chaque projet nous demande de nous réimpliquer.
Est-ce que le progrès et l’évolution des réglementations thermiques et des labels au fil des années ont changé votre façon de concevoir les projets ? Et notamment j’aimerais savoir à quel point les règlementations thermiques et les labels influencent les choix architecturaux. On pourrait le croire mais moi je dirais absolument pas. Les règlementations si nous les connaissons un peu, nous pouvons en faire « ce que l’on veut » et faire dire au projet « ce que l’on souhaite ». On va nous demander une certaine chose on va l’atteindre mais ce n’est pas ce qui détermine la façon dont on conçoit nos projets par rapport à ces labels-là. Par exemple la notion de confort d’été est évoquée très peu dans les labels, or c’est un des problèmes majeurs aujourd’hui et donc on met la notion de confort d’été très en avant, parce qu’on sait qu’aujourd’hui on climatise la plupart du temps. Comment peut-on ne pas climatiser les projets ? Cette notion-là n’existe pratiquement pas dans les labels. On nous dit de moins consommer l’énergie mais on ne fait pas trop attention à cela, alors que finalement, on peut résoudre cette notion de confort d’été par la ventilation, par l’isolation, par plusieurs autres procédés et de façon relativement simple. La notion de qualité de l’air dans Passivhauss apparait, mais très peu dans d’autre, or c’est fondamental. La notion par exemple de matériaux apparait très peu or finalement quand on construit en terre, quand on construit en bois est tellement différent que quand nous avons des matériaux métalliques ou autres. Donc cette perception qu’on peut avoir des matériaux est très importante et on essaie beaucoup de dépasser la notion. Parfois, certains clients nous disent que pour des questions de subventions ils veulent que ce projet-là soit labellisé, alors d’accord, on va remplir les cases mais ce n’est pas ça notre souci premier.
Pouvez-vous m’en dire plus sur votre projet ZAC Flaubert ? Il s’agit d’un immeuble de logements sociaux passifs, en bois, en R+8 dans une zone sismique 4 et avec des matériaux biosourcés. Il va devenir le plus haut immeuble en bois de France dans une zone sismique 4. Mais encore une fois ce n’est pas le plus important, ce qui nous intéresse est qu’il y ait 56 familles qui vivent ensemble de façon intéressante, ce projet est d’abord des logements Grenoble avec un très beau paysage autour. Alors on fait en sorte qu’il y ait une double orientation, que les gens se rencontrent, qu’il y ait une cage d’escalier qui soit autre chose qu’une cage aveugle avec un ascenseur à coté, qu’il y ai des qualités d’espaces de logement etc. Le projet, c’est d’abord ça. Et puis après c’est un bâtiment en bois mais les gens pourraient s’en moquer de ça, il s’agit du problème de l’architecte. Le fait qu’il soit en bois est notre problème vis-à-vis de la pénurie annoncée du béton et du sable, donc apprenons à construire des immeubles en bois et montrons comment dans 30 ans normalement pratiquement tous les immeubles devraient être en bois. Et quand on regarde le résultat que l’on a sismiquement, comment il répond bien par rapport à ça, on a des
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fondations qui ressemblent à des fondations de maisons individuelles tellement on arrive à diffuser l’énergie d’un tremblement de terre. On sent qu’on a vraiment raison d’aller dans cette direction-là alors le problème de ce projet-là est qu’il est, par rapport à un prix bâtiment social, plus cher donc ça nous a demandé un maitre d’ouvrage qui lui aussi est convaincu de dire « ok, je fais cette expérience aujourd’hui de ce que pourrait être un bâtiment dans 30 ans mais en disant qu’il est de ma responsabilité de bailleur social que de se projeter dans 30 ans » en définissant ce que seront les critères d’un bâtiment social et passif. Il est évident d’être autonome, de consommer le moins d’énergie, il est évident le fait d’être en bois. Ce sont des choses que l’on n’aurait pas réussi à faire en béton, le bois est très approprié à ces contraintes. Mais n’oublions pas qu’il s’agit d’abord de beaux appartements pour que les gens y habitent, nous sommes architectes d’abord pour ça, la technique vient après.
La notion sociale semble donc plus mise en avant qu’autre chose ? Oui la notion d’habiter est au cœur de notre travail d’architecte, c’est comme ça qu’on a gagné le concours. Tous les autres participants avaient fait des cages d’escaliers qui étaient des cages d’escaliers minimum où tu prends l’ascenseur, dans un trou noir et tu oublies la ville. Nous avons fait une rue verticale dans lequel tu vois la chartreuse, Belledonne, le Vercors, dans lequel tu vas rencontrer ton copain et tu vas parler avec lui au niveau du palier, dans lequel tu fais un peu d’exercice physique etc. Cela ne parait rien mais ça change complètement le projet. Cette rue est une faille entre 2 plots, parce que la forme nous était donné par un plan d’urbanisme qui avait été fait à moment donné et nous l’avons exploité en sortir un point positif quelque part.
Comment le bois est intégré dans ce projet ? Quelle provenance, sa mise en œuvre ? D’abord, si nous avons été sélectionné pour ce concours au départ, c’est parce qu’on avait une expérience de bois, qui nous a été donné par les refuges et notamment l’utilisation du CLT, un matériau industriel. Le CLT est intéressant pour nous car nous ne sommes pas obligé d’utiliser des grosses sections de bois, il est composé de plusieurs petites planches collés les unes aux autres, nous pensons que le devenir de la filière bois passe par cela. On trouvera toujours des demandes de grosse sections particulières, mais faire en sorte que le logement social soit porté par un matériau bois industriel fait de petites sections que l’on peut trouver dans toutes les forêts nous paraît logique. Et le fait de croiser le bois courant et de le coller pour en faire plusieurs plis va lui donner toutes ses qualités. Il est vrai qu’en France la première usine de CLT est très récente (Piveteau), et cela prouve que nous sommes mûr à faire du CLT car Piveteau, un des piliers de la filière bois en France, a investi plus de 15 millions d’euros dans une usine de CLT. Une fois que je t’ai dit ça, on est d’une simplicité, nos coupes sont très simples. Cependant, aujourd’hui la problématique est que les pompiers ou les bureaux de contrôles connaissent le béton, le bois ils ne connaissent pas. Nous devons donc franchir des étapes qui n’ont pas encore été franchis. Alors, avec le CSTB, nous avons dû prouver que notre complexe de façades était efficient d’un point de vue feu avec un essai Lepir. Ce sont des choses réglementaires et la réglementation n’est pas encore écrite pour ce type de bâtiment, on a donc dû l’écrire en même temps qu’on faisait le projet, après ce n’est pas compliqué. Notre axe de faire des projets en ville, c’est faire
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des projets pour lesquels le chantier est le plus rapide possible et dans lesquels la préfabrication doit aller au maximum. Pourquoi la préfabrication ? Car le métier d’artisan pour monter un immeuble est très compliqué, très éprouvant physiquement alors on a des difficultés à obtenir une très bonne qualité de fabrication. Il y a des moments ou les artisans travaillent dans des conditions tellement difficiles qu’ils peuvent oublier la mise en place d’un isolant ou d’une vis par exemple. On pense que plus on arrive à préfabriquer les choses plus on arrive à de la qualité et plus on arrive aussi à faire en sorte que les gens travaillent dans de bonnes conditions et peuvent réaliser les choses comme il faut. Ensuite, on a une logistique de montage le plus rapide possible. On va donc retrouver dans le lot ossature une multitude de macro-lot : menuiserie, isolation, couvertures. On créé un macro-lot dans lequel on retrouve un savoir-faire complet. Pour une fois, c’est le charpentier qui se fait livrer les menuiseries et qui les installe sur les façades. Les deux axes sont ceux-là : le CLT et la préfabrication. Aujourd’hui cela devrait normalement être payant économiquement, ça ne l’est pas encore sur ce type de projet parce qu’on est précurseur, parce que les gens ont un peu peur, parce qu’ils ne savent pas faire ils découvrent donc ils mettent des prix un peu haut mais le fait de gagner ces 6 mois on pense qu’on aura aussi économiquement une vrai crédibilité. Le prochain projet de ce type et les suivants vont permettre petit à petit de passer sur cette logique.
Finalement c’est comme cela, grâce à des projets démonstrateurs qui permettent de progresser. Oui voilà, il y en a d’autres mais effectivement on ouvre des portes pour pouvoir imaginer l’immeuble de demain. C’est ça que l’on essaie de mettre en place avec notre maitre d’ouvrage, avec le bureau de contrôle avec le SPS et puis avec tous les bureaux d’études et on sait que si on arrive à passer toutes ces barrières-là, le prochain sera un peu mieux et ainsi de suite. Pour nous c’est vraiment très intéressant, c’est un défi de proposer un tel projet au vue des normes qui peuvent le freiner. On sort de la banalité et de la routine pour imaginer les bâtiments de demain.
Finalement, que pensez-vous de la qualité du bois dans les Alpes ? Le bois des Alpes est cher et ce n’est pas note priorité pour l’instant de privilégier le bois local. Si on arrive d’abord à construire en bois, on aura fait un grand pas. Par exemple, pour un refuge qu’on a réalisé, nous avons utilisé du bois des Alpes sous forme de CLT mais assemblé en Autriche chez KLH car à l’époque ils étaient les seuls fabriquant de CLT. Alors ça n’a plus de sens dans ce cas-là d’utiliser du bois local s’il doit être transformé plus loin. Nous privilégions aujourd’hui les entreprises qui vont proposer le meilleur prix du m3, peu importe d’où provient le bois. La future étape sera bien entendu d’utiliser des bois locaux, labélisés etc. En France, pour faire valider le label E+C- par exemple, nous devons nous appuyer sur les fiches FDES. Cependant, elles sont trop peu nombreuses et le bois n’est suffisamment bien renseigné dans ces fiches.
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Entretien 02 : Vincent Rigassi, entretien effectué par l’auteur, 07/03/2019 Pour commencer, pouvez-vous présenter très rapidement le travail de votre agence ? Nous travaillons plutôt dans les marchés publics, les logements sociaux et bâtiments publics, plutôt en milieu rural qu’urbain et beaucoup de rénovations. Les 2 tiers des projets que l’on fait portent sur de l’existant pour des raisons environnementales. Avant de créer mon activité d’architecte libéral en SARL au sein de l’agence « RA2 » avec Laetitia, mon associé, j’étais dans un laboratoire à l’école de Grenoble qui s’appelle Cratère qui travaille sur la terre. Cratère travaille surtout à l’étranger et je trouvais intéressant qu’on puisse faire de la terre et de la construction avec des matériaux locaux ici aussi donc c’est pour cela que j’ai monté mon agence et puis la terre on en fait peu, surtout en rénovation, parfois quelques projets neufs mais cela reste compliqué pour des tas de raisons alors nous avons assez vite commencer à faire de la construction en bois et paille.
Lors de la conception d’un projet à quel moment intervient le paramètre environnemental et surtout quelle importance prend-il ? Par exemple vous appuyez-vous sur des référentiels de labels ou autres pour la conception ? Non très peu, c’est un vieux débat au départ de ce qui s’appelait la HQE (Haute qualité environnementale). Il y avait 14 cibles environnementales. Mais ça n’a aucun sens car pas mal de cibles se rejoignent. La question qui concerne par exemple la performance thermique ou du confort, ce ne sont pas 2 objectifs différents, ils sont tributaires l’un de l’autre. Le débat était plutôt de dire qu’en fait la question environnementale n’était pas une préoccupation de bureau d’études mais une préoccupation globale qui doit rester le fait des architectes parce que ce sont eux qui ont une approche globale et je me souviens à l’école d’architecture avoir fait des cours qui étaient portés autour de la question « bonne architecture est-elle une architecture écologique ? ». Justement, en prenant plein d’exemples d’architectures, que ce soit le Corbusier ou autre qui montraient qu’une approche environnementale existait bien avant la HQE et qu’en fait, par définition, une bonne architecture est quand même en général une approche environnementale. Donc cela veut dire que l’approche environnementale fait partie de l’architecture pour des questions de lumière, d’éclairage, de confort, de chaleur, d’apport solaire, d’orientation, de vent, de position dans le territoire, les principes constructifs, toutes ces choses font partie de l’architecture. Je n’aime pas le mot «performance thermique» n’est pas aussi inhérent dans le travail de l’architecte. Ce n’est pas une option, il s’agit par définition de l’architecture.
A quel moment intégrez-vous le choix des matériaux dans une conception d’un projet ? Assez tôt, généralement dès les esquisses. Si on se pose des questions un peu globales sur un projet on va s’interroger sur le système constructif donc dès le départ dans le projet on s’interroge sur le choix des matériaux. Il y a aussi des conditions qui font qu’on doit prévoir plusieurs solutions parce qu’il y a souvent des questions de budget qui sont compliquées donc ça veut dire par exemple que pour de la réhabilitation thermique, sur une isolation de façade, on va se dire qu’on va faire de la paille et de la terre dans des logements sociaux, on l’a fait parfois, mais des tas de fois on ne
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l’a pas fait car ce n’était pas possible économiquement. Il faut aussi avoir un panel de propositions qui est parfois de 3 ou 4 solutions.
Justement sur quels critères choisissez-vous les matériaux ? C’est plutôt l’inverse, nous proposons des solutions qui nous paraissent pertinentes et après on sait assez vite si par rapport au budget on est dans les clous ou pas et si on est hors budget c’est qu’il faut proposer d’autres solutions qui soient dans le budget.
J’imagine que vous travaillez avec des bureaux d’études techniques, quels rôles jouentils dans la conception d’un projet et à quel moment interviennent-ils ? On travaille un souvent avec les mêmes qui interviennent dès le début et puis les bureaux d’études nous connaissent mais se connaissent entre eux aussi. Cela veut dire qu’il y a un fonctionnement assez horizontal où on a l’habitude de travailler tous ensemble donc on sait assez bien ce qui marche ou ne marche pas, comment des projets précédents nous ont fait tirer des leçons pour les projets futurs. Ils interviennent à toutes les étapes. Nous en tant qu’archi on pose les principes. Généralement sur les principes on est assez d’accord, après c’est plus des questions d’affinage, de dimensionnement, d’entrer plus dans le détail sur des choix de sources d’énergie, des choix de principes thermiques climatiques. En plus on va dire que par exemples avec des bureaux d’études thermiques ils sont en général assez demandeur de faire des bâtiments performants donc si l’archi propose des bâtiments performants en général il n’y a pas de problèmes, après c’est plus sur des dispositif ou parfois on va avoir des approches un peu plus complexes qu’une réponse typique : des doubles peaux, des choses qui peuvent varier en fonction des saisons, des choses qui sont plus difficiles à calculer pour un bureau d’études, et des fois on pousse à faire des choses qui sont un peu inhabituelles même si ça leur demande un peu plus de travail, c’est un petit challenge mais c’est dans leur cœur de métier donc ils sont plutôt impliqués dans ce qui les intéresses
Est- ce que le progrès des réglementations thermiques successif au cours des années et même de l’amélioration des labels a-t-il changé votre façon de concevoir et à quels points ces réglementations peuvent avoir un impact sur les choix architecturaux ? Nous avons fait des bâtiments certifiés passifs en 2006, donc bien avant qu’on en parle au niveau réglementaire. Cela n’a donc pas changé notre manière de faire puisque nous étions plutôt en avance là-dessus. Après, sur la réglementation je suis dans d’autres associations et réseaux professionnel où nous sommes plutôt contestataires par rapport à la réglementation, sur l’annonce politique et la manière dont elle est mise en place souvent avec beaucoup de lobbies du secteur électrique, du secteur des matériaux industriels etc. qui ont plutôt tendance à faire en sorte que l’objectif politique soit quand même sacrément altéré par des « bidouillages techniques ». Par exemple, le fait qu’on puisse continuer à chauffer à l’électricité ou avec des pompes à chaleur alors que le bois selon une réglementation thermique précédente était favorisé par rapport au chauffage électrique par exemple, les coefficients faisaient que le calcul thermique d’un bâtiment en bois était bonifié par rapport aux bâtiments chauffés par à l’électricité. Dans la réglementation actuelle il y a un recul là-dessus, le bois n’as plus
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l’avantage. Ce n’est pas pour des raisons environnementales ou thermiques, c’est pour des raisons de lobbying, de pression du secteur électrique et nucléaire qui est derrière, c’est pour cela que la réglementation est le résultat de beaucoup de compromis et généralement les compromis sont plutôt dans la direction de ceux qui ont plus de pouvoir que les réseaux de constructions écologiques. Donc il faut être vigilant avec la réglementation, mais à nous cela ne change pas notre manière de concevoir, mais c’est plutôt qu’on va être vigilant sur la réglementation pour qu’elle nous permette de continuer à faire ce que l’on fait. Par exemple, j’ai travaillé sur des règles pro de la construction en paille et on est en train de faire un guide de bonne pratique sur la construction en terre, parce que justement il y a des tas de durcissement réglementaires qui font que les choses qui ont pu se faire il y a quelques années ne peuvent plus se faire. Par exemple dans la future réglementation qui ne va pas s’appeler thermique mais environnementale, elle exige des données sur l’analyse de cycle de vie des matériaux, mais en posant comme principe que c’est forcément des matériaux industriels, il y a une filière derrière qui est capable de renseigner ces matériaux. Or, si on parle de pierres, de bois en circuit court, de terre etc. il n’y a pas de données, pas de secteur industriel - ce qui fait aussi leur qualité - mais comme il n’y a pas de données, là le principe qui était supposé être acquis pour la prochaine réglementation (qui pénalise d’emblée ces matériaux non industriels) pour inciter le secteur productif à fournir des données environnementales et quand ces sont des matériaux pour lesquels il n’y a pas de données, il n’y a pas de secteur industriel, c’est une double peine. Justement il y a pas mal de structures qui commencent à s’organiser pour essayer de faire changer cela, que les données par défaut ne soient pas d’emblée pénalisées. Il serait bien au moins d’avoir des données fiables mais qui soient plutôt appuyées par le secteur public pour des matériaux qui ont des valeurs environnementales, patrimoniales et indiscutables.
Comment intégrez-vous le bois dans vos réalisations, sous quelle forme, quel type, sa provenance ? Le fait de faire le choix d’un projet de construction en bois ou non se fait au départ. Le choix d’une ossature ou d’un principe poteaux poutres par rapport à une voile béton n’aura pas les mêmes principes constructifs. A partir du moment où c’est un projet en bois en général c’est quand même du bois plus ou moins local, basé sur des résineux et des choses qui sont assez courantes, classiques. Le débat est plus sur des bois très locaux avec des labels type « bois des Alpes » où parfois il y a aussi des incidences de coût, donc c’est juste des variables dans les consultations d’entreprises qui font que si ce n’était pas sur le budget du maître d’ouvrages la construction sera en bois national mais pas local par exemple. Il s’agit donc plus de question de budget que des questions techniques. Une ossature bois reste une ossature bois, que le bois soit local ou pas. Il y a tout de même des choix qui sont importants : travailler un bois massif ou en dérivé de bois qui soit collés, il s’agit des choix de principes constructifs, si on travaille avec des grosses sections ou des petites sections. On a fait des projets par exemple où on visait le bois de la commune qui était scié directement sur place. Après c’est aussi tributaire des volontés des maîtres d’ouvrages, par exemple l’école qui était en bois de la commune c’était une volonté très forte du maître d’ouvrages, là il n’y a pas eu de questions de prix, c’est à dire que pour eux ce n’était pas
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négociable. Ils voulaient du bois de leur commune et après ils nous ont choisis aussi parce que nous sommes ceux qui ont répondu en leur inspirant plus confiance sur le fait qu’on était aussi très volontaires pour utiliser le bois de la commune.
En fait, principalement ce qui pourrait empêcher d’utiliser un bois local ce pourrait être des raisons économiques ? Oui bien sûr. C’est toujours un problème, c’est un problème qui est récurrent dans tous les matériaux de forte transformation sur le chantier. Concernant les matériaux industriels, en fait il y a quasiment pas de transformation sur le chantier, tout est fait en usine. Le placo-plâtre est un bon exemple, la seule transformation sur le chantier c’est de visser les plaques et de faire les joints. Et si on prend du plâtre brut et qu’on le gâche, on le taloche etc, l’essentiel de la valeur du travail se fait sur le chantier et pas en amont. Et pour le bois c’est un peu pareil, si on prend du bois collé qui permet d’avoir des grandes sections, des grandes portées, il y a moins de travail sur le chantier et plus de travail sur la fabrication du matériau. Donc l’industrie pousse à absorber le maximum de transformation dans le secteur amont du chantier. A l’inverse nous avons une approche environnementale, on essaie au contraire de faire au maximum de transformation sur le chantier pour des matériaux très brut au départ. Toute l’économie est faite, cela changera peut-être, mais elle est faite pour encourager des technologies qui sont très consommatrices en énergie, très consommatrices en transport et avec peu de main d’œuvre alors que les techniques patrimoniales ou écologiques, c’est plutôt l’inverse, ce sont des techniques qui demandent peu d’énergie, peu de transport et beaucoup de main d’œuvre. En fait il faut faire en sorte que la main d’œuvre coûte moins cher que l’énergie. Ce n’est pas le cas puisque à kilowattheure égale, le Pétrole coûte 200 fois plus cher que de faire travailler un humain. Ça, ce sont donc des choix politiques qui sont faits pour encourager à un système productif basé sur le pétrole plutôt que d’être basé sur l’humain.
Que pensez-vous du bois disponible localement notamment le bois labellisé bois des Alpes ou autre ? Le label n’a pas d’influence sur la qualité du bois, il est juste influent sur la provenance. La filière bois régionale, pour sa part, a beaucoup évolué depuis une dizaine ou une vingtaine d’années ; on trouve actuellement des bois de qualité presque équivalente à celle de pays plus lointains comme la Suisse, l’Autriche, l’Allemagne etc. Cela rejoint également la question de départ relative à la transformation en amont et transformation sur le chantier. En effet, si on fait un projet sans tenir compte de la qualité du matériau, alors que la conception de celui-ci est prévue avec un bois parfait, il sera effectivement très compliqué de s’adapter si par cas le bois présente des imperfections. Si à contrario, nous faisons un projet en imaginant que l’on va utiliser la ressource locale, alors ce projet sera pensé pour que cette ressource soit adaptable. Si on veut travailler avec le bois local on va donner les sections, les débits, on connait le type de bois et de ce fait le projet est pensé pour fonctionner avec ce que l’on a. A l’inverse, si on fait un projet hors sol, on prend une sorte de bois idéal, de béton idéal ou de terre idéale et de ce fait il n’y a pas du tout de capacité d’adaptation, comparé à un projet pensé en fonction de ce qu’il y a localement et où tout se passe très bien.
Peut-être une dernière question. Selon vous quels sont les principaux avantages du
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bois et à contrario ses principaux défauts ? Je n’ai pas forcément de matériaux fétiches ; je travaille aussi bien la terre que le béton ou la paille. Un projet fonctionne si nous le pensons compte tenu du matériau choisi et ne fonctionne pas si on tente de transformer un projet conçu en béton par du bois. Toutes ces raisons font que tout se déroule au mieux dans notre fonction. Par ailleurs, le choix de travailler le bois me convient davantage que la terre que je travaillais auparavant et qui s’avérait très compliquée d’un point de vue économique essentiellement. La possibilité de rivaliser avec des constructions conventionnelles, n’est pas envisageable avec la terre. La construction bois permettant beaucoup de préfabrication en atelier, différent de la transformation industrielle en amont dans un atelier de charpente local, on arrive à des coûts relativement compétitifs à ceux de constructions conventionnelles. Les projets faits en bois avec des matériaux de base végétale, avec de la paille, sont bien placés en termes de prix quasiment équivalents à des constructions béton/polystyrène. C’est aussi le but, par exemple pour le bâtiment « d’Isouba », une des principes était d’utiliser très peu de matériau de second œuvre. Presque tout est brut, c’est-à-dire qu’il peut y avoir des plafonds OSB sans faux plafonds, la structure est apparente, ce qui fait qu’on va utiliser très peu de plâtrerie, très peu de carrelage etc. Au final on se retrouve avec un projet qui n’est pas très cher, car les lots sont terminés, c’est livré et fini. C’est donc des choix de conception que de penser différemment. Il y a une espèce de logique qui était de dire qu’on fait une sorte de boite avec à l’intérieur un genre de deuxième boite faite avec des matériaux de second œuvre qui sont abominables, tels que des plaques de plâtre, des faux plafonds, des sols en plastique, des matériaux de ce style-là qui ne génèrent pas de savoir-faire, qui sont énergivores et qui ont demandé beaucoup de transport. Pour conclure, si on a un mur en pierre, un mur en béton ou un mur en terre, ce ne sera pas le même rapport qu’une boite de Placo posée devant du gros œuvre.
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Entretien 03 : Olivier Baverel, entretien effectué par l’auteur, 15/03/2019 Quelle importance prend la dimension environnementale dans la conception d’un projet et dans le choix des matériaux ? La loi va dans le bon sens, elle va commencer dès l’an prochain à imposer un certain nombre de critères. La loi rentre de manière assez importante dans la conception. Et si on regarde 2025 et 2030, ce sera l’élément dimensionnant. Aucune société à part celles qu’on a créées ces 100 dernières années n’avait créé des déchets, n’avait détruit la nature, aucune à part quelques contre-exemples. Globalement l’humanité avait réussi une adéquation entre économie et écologie qui étaient très synonymes mais depuis le pétrole globalement, d’autres valeurs ont été ajoutés mais qui ne fonctionne pas. Il faut donc refaire converger économie et écologie. Par exemple, un paysan briançonnais, n’avait qu’un seul indicateur qui était de créer à manger dans un espace qu’il préservait pour la génération d’après. «Ta terre t’as été prêtée par tes enfants et pas donné par tes parents». C’est ce qui a dicté les milles générations avant nous.
Quel peut être votre rôle et le rôle des ingénieurs en général auprès des architectes sur l’impact environnemental d’un projet ? Premièrement, j’ai un rôle très particulier dans cette école où je suis exclu de tout, je suis chercheur à l’école des Ponts, reconnue mondialement et j’ai 4 thèses sur le sujet. Les gens pensent sortir vers le haut avec l’arrivée de la robotique, ce n’est pas certain car la robotique n’est pas gratuite en termes d’impact environnemental, pour fabriquer un robot. Faire tourner internet nécessite 10 % de l’électricité de la planète. Il faut être vigilent vis-à-vis de cette industrie 4.0, celle qu’on essaye de nous vendre. Peut-être que ça peut être bien mais ça peut aussi être un authentique désastre avec de la peinture verte devant. Ce qui est intéressant est que l’analyse de cycle de vie - qui n’est pas enseigné dans cette école et qui est, je le dis très fort, rester dans le XXème siècle - est une science qui est en train de se mettre en place mais qui n’est pas encore dans les protocoles d’évaluation et de compréhension. Alors quand on ne comprend pas ce qu’on fait d’un point de vue scientifique, on est encore très loin de l’appliquer. Par exemple, les treillis, en 1830 étaient perçus comme inutiles, c’est simplement au XIXème siècle qu’on a su les calculer. Une fois qu’on savait faire la théorie, d’un coup on ne voyait plus que des treillis. Aujourd’hui, même la science de l’analyse environnementale n’est pas complètement établie, elle est en voie de se faire et avant que tout cela se transcrive dans le monde de la pratique il y a quand même du temps. Néanmoins, il y a 20 ans j’avais le même discours, les gens me traitaient de fou et m’insultaient, mes collègues de l’école d’architecture l’ont fait mais aujourd’hui les choses ont quand même changés, c’est-à-dire que plus personne n’oserait m’insulter sur ce que je viens de dire. Finalement, en 20 ans d’avoir changé les esprits n’est pas mal. On a changé les esprits des élites mais on n’a pas changé les pratiques. Ce sera le challenge des 20 prochaines années.
Sous quelles conditions le bois dans la construction peut-il avoir l’impact environnemental le plus faible ?
Le bois est hyper piégeur. Vous savez qu’il y a une centrale à charbon à Gar-
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danne qui tournait au charbon pour faire de l’électricité, et ils se sont dit «on va être écolo, on va la faire tourner au bois». Il faut 1 million de m3 par ans de bois pour faire tourner cette centrale, cela me fait pleurer. Tous les arbres autour de l’A480 ont servi pour alimenter, c’est une honte, tout ça pour faire une centrale électrique d’un rendement de 30%, donc 7 arbres sur 10 sont coupés inutilement ! C’est toujours la même histoire dans l’humanité, avec n’importe quelle technologie vous pouvez faire le bien ou le mal, et le bois à aucun moment est une solution miracle. Le bois bien utilisé, bien encadré, avec une chaîne complètement bien maîtrisée, là vous êtes vertueux. Sinon, vous êtes très rapidement absolument catastrophique, finalement peut être pire que le pétrole. Le bois va être prélevé dans un espace qui possède une biodiversité, c’est un scandale comment ils détruisent tout, des fois on a envie d’aider les lobbies du pétrole ! En ce moment, on voit des effets extrêmement néfastes de l’utilisation du bois (d’une manière générale, pas forcément dans la construction). Tant qu’on ne gère pas bien la chaîne, où est pris l’arbre, comment on le prélève correctement dans la nature sans détruire tout autour et sans ruiner les sols, le bois n’est absolument pas vertueux. Dans la culture française, il y a toujours la recherche de la solution unique générale du problème alors que c’est complètement faux ! De toute façon, nous n’avons pas la ressource pour construire entièrement en bois donc il y a un paquet de solutions possibles. Aujourd’hui la construction bois représente environ 4% de la construction, on ne parle de rien. Le plus important pour les générations future est de préserver les espaces de biodiversité. Qui nous a donné le droit de détruire la nature, l’espace de vie des animaux sauvages ? La vraie question est de savoir comment on préserve ça. Le marché sera de toutes façons local, de petite taille en défendant les petites scieries qui sont toutes en train de fermer. Là l’industrie 4.0 à peut-être quelque chose à apporter. Regardez ce qu’essaye de faire le parc de Chartreuse : faire une usine de seconde transformation en bas, c’est-à-dire couper en masse pour faire de la seconde transformation pour entrer en compétition avec Steico et les autres sauf qu’il vont arriver en retard sur le marché et cela va être des millions d’argent public perdu. Alors que l’industrie 4.0 arrive, on pourrait très bien prendre la bille de bois, on la scanne et avec un algorithme on réussit à sortir le plus de planches possible avec un robot. On peut rester avec des toutes petites usines qui restent en altitude, en ajoutant la robotique 4.0 qui là peut être vertueuse. Le problème est que les politiques ont 30 ans de retard, Steico sont là depuis 30 ans et ils ont tout pensé et des politiques arrivent sur le marché et veulent faire la même chose ! Qui arrive sur un marché avec 20 ans de retard ? A part les entreprises qui sont prêt à mettre un milliard d’euro, mais je doute fort sur le bois de chartreuse. Ce que je viens de dire sera la même question pour tous les matériaux. Les ressources sont limités (sable et gravier), construire comme en France en béton banché n’a pas de sens ni d’intérêt architectural ou constructif. Les entreprises de BTP ont investi dans une technologie très consommatrice de béton et ils ne veulent pas en changer pour des raisons de business et puis pour des raisons acoustiques le béton banché marche assez bien. Mais si on fait le bilan environnemental d’un bâtiment en béton banché ou en poteaux dalle avec remplissage, l’ACV est bien meilleure pour la deuxième option. L’ACV va permettre de repenser toutes ces méthodes de construction, y compris la démontabilité des choses. La construction bois dit «je construis de manière éternelle parce que je suis capable d’être démontée et remontée» et béton dit «je tiendrais des millénaires de manière statique». C’est deux manières de penser. Demain, il faudra surtout réfléchir à la démontabilité des choses,
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quel que soit le matériau utilisé.
Les logiciels de calcul d’ACV favorisent-t-il l’utilisation du bois dans la construction ? Globalement non. Premièrement les logiciels utilisent le protocole proposé par les scientifique et influencé par les entreprises. Pendant un certain l’énergie solaire pour faire pousser le bois était comptée donc cela faisait des quantités d’énergie incroyable pour faire une poutre un bois. Les choses sont en train d’évoluer, c’est tout une question de comment s’établis une science, qui est une science de la comptabilité et il faut bien qu’elle soit payée par de l’argent public. Il existe aujourd’hui des dissymétries dans le système mais à terme on ne pourra plus trop camoufler les vrais chiffres.
Quels sont, selon vous, les principaux avantages du bois dans la construction et ses défauts ? La force du bois l’instant est de pouvoir être préfabriqué. Vous prenez Toyota qui est un fabriquant de maison, 20% ou 30% des maisons japonaise sont fabriquées par Toyota et qui ont exactement tout ce que je viens de dire (notamment le réemploi et une grande garantie). Il est certain que le bois a des qualité que le béton et l’acier n’ont pas mais aussi des défauts sur des problèmes de feu et d’éventuelles problèmes de vieillissement si il est mal utilisé et mal pensé. Mais il ne faut pas les mettre en compétition, ce qui est intéressant est que à chaque solutions son matériau. Ce n’est pas un matériau contre les autres, c’est un raisonnement français. Tu feras difficilement des fondations en bois. Bien utiliser le bois est quand même intéressant, il reste un matériau avec un impact limité et il est intéressant pour sa capacité de préfabrication en incluant facilement l’isolant etc. Il est quand à portée de pas mal de gens d’un point de vue technologique par rapport à l’acier. C’est un matériau agréable à travailler et des propriétés thermiques pas mauvaises mais acoustiques lamentables. Il est plus intéressant pour des petites constructions, faire des IGH en bois est l’équivalent d’une formule 1 pour communiquer mais j’ai des gros doutes sur l’intérêt environnemental. Ils permettent de pousser des limites, l’arrivée du CLT et des nouveaux produits permettent d’ouvrir le champ des possibles architectural. Ce sont des produits de seconde transformation, manufacturés avec des outils très précis. Le bois tel qu’il est vu dans pas mal d’esprit qui est de dire «je prends un jolie arbre que j’utilise pour fabriquer ma maison» est une blague. Le bois est utilisé avec un procédé de transformation de haute technologie, les produits Steico et autres qui permettent d’être efficient et bien utilisé derrière ont un potentiel très intéressant. La construction traditionnelle en bois est limitée, 85% de la section sert à faire l’assemblage, en termes d’efficience on fait mieux. Avec le bois, on peut réellement imaginer aller vers de nouvelles utilisations et nouvelles formes.
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Entretien 04 : Thomas Jusselme, entretien effectué par l’auteur, 08/03/2019 Qui êtes-vous ? Je suis Thomas Jusselme, j’ai un profil hybride entre recherche et pratique, actuellement sur 3 postes différents. Je suis à 45% à l’EPFL en tant que chercheur associé au groupe de recherche building 2050, au sein du Smart Living Lab (inter-institution entre l’EPFL, l’université de Fribourg et la haute école d’architecture et d’ingénieur). Mon travail consiste à définir les caractéristiques scientifiques du futur bâtiment qui va émerger de tous les chercheurs au sein du Smart Living Lab. Ce bâtiment servira de support pour des personnes qui travaillent sur l’habitat du futur (juristes, sociologues, architectes ou des physiciens du bâtiment par exemple). J’ai également un poste de professeur à la haute école de Fribourg en efficience énergétique du bâtiment. J’ai aussi créé plusieurs structures de conseil en France sur l’efficacité énergétique du bâtiment et je suis actuellement dans une Start Up qui développe le logiciel Vizcab ayant pour but d’intégrer la performance énergétique carbone au plus tôt dans le processus de conception. Pouvez-vous m’en dire plus sur Vizcab ? Il s’agit d’un outil issu de travaux de recherche que j’ai mené à l’EPFL pour lequel on a déposé un brevet et fait un transfert technologique entre l’EPFL et la Start Up Combo Solutions. Vizcab est basé sur une technologie qui est l’association de différentes techniques du génie mécanique, de la statistique, des analyses de cycle de vie etc. Ce programme part du principe qu’il faut intégrer au plus tôt dans le processus de conception des notions de performances. Il s’agit du moment le plus efficient d’intégrer ces notions car elles auront plus d’impact sur le projet, c’est un moment où la conception est encore assez flexible pour faire des choix importants. En effet, une fois le design abouti et détaillé, faire des changements trop tard dans le processus de conception impacte très fortement la construction. Très tôt en amont on peut faire des choix très fort, le problème est qu’on a très peu de détail, c’est le revers de la médaille car simuler un projet peu détaillé n’a pas beaucoup de valeur ajouté parce qu’on doit miser sur beaucoup d’hypothèses. Les ingénieurs ou les architectes qui font des simulations prennent énormément d’hypothèses pour à la fin déboucher sur un résultat qui est plus le reflet de ces hypothèses que le reflet des qualités intrinsèques du projet. Vizcab permet alors de renverser cette situation où l’incertitude devient intéressante à explorer, toutes les variables de conception qui ne sont pas encore figées peuvent être explorées grâce à cet outil d’analyse paramétrique qui permet d’explorer tout un champ des possibles. Notamment, à cette étape de la conception la qualité du vitrage n’est pas définit, on peut donc observer comment se comporte le projet si je mets du double ou du triple vitrage, si je vitre beaucoup mes façades ou non, si j’isole beaucoup ou pas avec un isolant laine de bois ou laine de verre, si je mets une chaudière gaz ou une chaudière bois etc. Un quinzaine de paramètre de conception sont ainsi disponibles. Ainsi le concepteur avec une volumétrie 3D très simple peut définir son projet de façon basique (par exemple, c’est un logement, situé à Grenoble, 10 m de large et 30 m de long, 4 étages avec telle hauteur sous plafond…) et Vizcab lance des dizaines de milliers de calculs qui sont des combinaisons de tous ces paramètres et met à disposition une banque de données propre au projet, dans un contexte météo spécifique avec une simulation thermodynamique énergétique et une analyse de cycle
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de vie. Cette base de données n’apparait pas sous la forme d’un tableau Excel compliqué mais sous la forme d’une interface interactive permettant au concepteur d’explorer cette base de données grâce à des techniques de data visualisation sous la forme d’une « table de mixage ». On peut directement visualisée la conséquence de la variation d’un paramètre. Cela permet d’observer les conséquences de toutes les variables qui ne sont pas encore figées sur la performance globale du projet mais aussi sur les autres paramètres. C’est-à-dire par exemple que si je mets du carrelage céramique partout, je ne pourrais peut être pas mettre de menuiseries en aluminium car la quantité de carbone que le projet pourra émettre est en grande partie utilisée par le carrelage. Cela permet très tôt dans la conception de matérialiser dans un langage architectural les contraintes de performance énergétique et carbone qui sont induites par les réglementations ou les différents labels. Aujourd’hui le programme s’adresse aux concepteurs mais Vizcab va se décliner dans différents produits, dont un destiné aux maîtres d’ouvrages pour changer leur façon de passer commande auprès des architectes, pour mieux comprendre quel est l’impact d’un objectif de performance sur une commande architecturale, pour éveiller la maitrise d’œuvre sur les paramètres les plus sensibles. Un autre produit sera destiné aux concepteurs, il se pourra se plugger à la maquette numérique pour importer très rapidement un projet et faire varier les paramètres.
Selon quels critères ou sur quelle base les paramètres et les choix de matériaux du logiciel sont-ils basés ? Les paramètres de conception ont été proposés de 2 manières. D’abord, ce sont les paramètres traditionnellement utilisés par les concepteurs à cette phase de conception (pourcentage de vitrage, type de structure). Ensuite, ce sont aussi des paramètres qui sont influents sur la performance énergétique et carbone des bâtiments. Chaque paramètre a ensuite été couplé à la base de données INIES dans laquelle on retrouve des fiches de données environnementales et sanitaires (FDES). Ces fiches sont produites par la filière des industriels, les fabricants réalisent pour leur produit une analyse de cycle de vie. Ces fiches sont utiles au logiciel pour quantifier les impacts. Certaines FDES sont des médianes, c’est-à-dire qu’elles représentent l’impact moyen d’une famille de produits, par exemple s’il existe 15 types d’isolants laine de roche, on va prendre l’isolant qui a un impact moyen de tous ceux-là. Plus tard, il y aura la possibilité de choisir le produit que l’on souhaite.
Selon vous et selon le programme, sous quelles conditions le bois est-il le meilleur choix ? Finalement, le logiciel favorise-t-il le bois ? Le programme ne favorise aucun matériau, aucun choix, c’est juste l’application d’algorithmes et de base de données. Le programme n’est pas fait pour mettre en avant un produit, il est fait pour se rendre compte de comment il est possible d’utiliser un produit. On s’aperçoit qu’il est possible d’utiliser quasiment n’importe quel produit de construction, cela implique plus ou moins de contraintes sur les autres paramètres. Par exemple, pour atteindre les niveaux de carbone, on peut faire un bâtiment en béton, par contre il va être contraignant sur tous les autres postes, les possibilités se réduiront. Au contraire, si je construis en bois j’aurais plus de flexibilité en termes de conception sur les autres postes et j’aurais la possibilité de faire plus de choix. Main-
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tenant ce qu’il faut savoir, il y a des constructions bois qui sont autant énergivore ou émettrice de carbone que des constructions béton car la construction béton s’optimise en enlevant de la matière où on en a pas besoin, en dimensionnant au plus juste au niveau des aciers et en utilisant un béton recyclé, ce qui peut faire baisser la facture carbone. Ce qui peut faire monter la facture carbone d’une construction bois, qui intrinsèquement possède des qualités environnementales, se trouve dans le procédé de fabrication : plus on va utiliser de la colle, plus on va le raboter, le sécher ou l’associer dans des complexes sandwichs et plus sa facture carbone va augmenter. On peut voir des systèmes constructifs bois aussi pénalisant que des systèmes constructifs béton. L’important est alors de comparer à ce qu’on appelle l’unité fonctionnelle équivalente. Cela veut dire qu’il faut faire attention que ce que l’on compare est comparable. Il faut alors le même indice d’affaiblissement acoustique, la même protection au feu et la même qualité structurelle. Par exemple, si on compare juste une dalle béton à une dalle CLT, cette dernière sera nettement meilleure. Or, pour que les deux soit comparable, il faut rajouter un isolant acoustique, une protection au feu et à ce moment on se rend compte que la dalle CLT n’est autant meilleure qu’en apparence. On s’aperçoit que les qualités du bois sont plus intéressantes mais pour des objets complexes avec des contraintes acoustique et liées au feu et qu’en plus le bois n’est pas brut de sciage mais découle d’un procédé de sciage et de collage, le complexe bois ne sera pas forcément le meilleur choix environnemental. L’outil Vizcab finalement ne fait que refléter cette réalité. On a pu voir que les paramètres les plus impactant sont les planchers et moins les façades. On retrouve moins de report de charge sur les façades que sur les planchers, les planchers doivent franchir de grandes portées donc les complexes plus stressés. De plus, la performance est ramener au m² de surface habitable, et on retrouve plus de planchers par m² que de façades. L’élément plancher dans la structure demande donc plus d’attention, c’est également là qu’on aura le plus de contraintes en lien avec l’acoustique et le feu. A cala s’ajoute une question de flexibilité de espaces, les dalles selon les usages auront des franchissements plus ou moins importants. On ne peut donc pas travailler de façon générique, selon qu’on travaille sur du logement ou sur du bureau les contraintes ne seront pas les mêmes. On ne peut pas résonner dans l’absolue d’une typologie à l’autre avec la construction bois.
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« Traites bien la Terre : elle ne t’as pas été donnée par tes parents, elle t’as été prêtée par tes enfants » Proverbe amérindien