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UNE NOUVELLE RUBRIQUE: MA RUE À DÉCOUVRIR

MA RUE

ituée dans le quartier des Pâquis, à proximité de la gare Cornavin, la rue de Fribourg est un monde en soi. Cette courte artère revêt un air de village cosmopolite, où se côtoient des habitants et des commerçants de tous horizons. Autrefois connue comme le centre de la vie sociale ibérique à Genève, elle a su s’adapter au contact de ses nouveaux arrivants. Ici, il est possible de se dégoter d’authentiques bottes de cowboy ou un recueil de poésie arabe. On peut manger érythréen, libanais ou espagnol. Pour tuer le temps, on a le choix entre les afterwork des bars branchés ou les jeux en réseaux de l’un des derniers cybercafés de la ville. Alors, certes, le lieu n’offre pas le décorum parfait pour des selfies de touristes, et il ne bénéficie même pas du genre d’aura sulfureuse que possède sa célèbre voisine, la rue de Berne, mais qu’importe!

Alain Bittar se souvient s’être installé ici un peu par hasard il y a près de quarante ans, quand il y a ouvert la librairie arabe L’Olivier , qui deviendra vite un lieu incontournable de la vie culturelle et intellectuelle à Genève, avec ses concerts, ses conférences et ses arrivages de livres frappés par la censure dans les différents pays du monde arabe. Très vite, il s’est acclimaté à l’esprit de sa rue d’accueil, fait de beaucoup de solidarité et d’un petit peu d’irrévérence. Par exemple, confie-t-il, à l’époque où il y avait des parcomètres individuels, les habitants avaient mis en place un système pour guetter de loin l’arrivée des contractuels. Que d’amendes de stationnement évitées ainsi !

Ici, la petite histoire rencontre souvent la grande. L’ancien maire de Genève Patrice Mugny se souvient, dans l’ouvrage qu’il consacre à cette «Nouvelle Andalousie», que dans sa jeunesse, dans les années 70, les bistrots espagnols étaient notamment fréquentés par des militants anti-franquistes. Plus proche de nous, le Crowned Eagle , bar à l’ambiance tamisée, a été un point de rencontre pour les opposants politiques à la dictature en Tunisie. Le propriétaire des lieux, Jalel Matri, raconte par exemple qu’avant de devenir le premier président démocratiquement élu de l’Histoire de son pays, Moncef Marzouki venait souvent y retrouver des associations des droits de l’Homme. Aujourd’hui l’enseigne est surtout fréquentée par des expats venus jouer au billard ou simplement savourer une pinte, signe des temps qui changent, mais également d’une gentrification qui inquiète parfois les habitants de la rue.

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