TRADE FOR DEVELOPMENT
LE COMMERCE EQUITABLE et durable EN OUGANDA 1
L’OUGANDA, LA PERLE DE L’AFRIQUE Une histoire de l’Ouganda L’économie de l’Ouganda Le café l’or noir de l’Ouganda
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LE COMMERCE EQUIT ABLE EN OUGANDA Le commerce équitable, c’est quoi ?
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LE COMMERCE EQUITABLE DU CAFE EN OUGANDA Ankole Coffee Producers Cooperative Gumutindo Coffee Cooperative Enterprise Mirembe Kawomera : le café équitable, bio, casher et halal UNEX Union Export Services Ltd
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LE COMMERCE EQUITABLE DU THE EN OUGANDA Mabale Growers Tea Factory Mpanga Growers Tea Factory Igara Growers Tea Factory Limited Kayonza Growers Tea Factory Limited
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DES INITIATIVES DE COMMERCIALISATION DE FRUITS ET LEGUMES EQUITABLES EN OUGANDA Fruits of the Nile : l’innovation durable et équitable Ndali Estate
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LE SECTEUR DE L’ARTISANAT EQUITABLE EN OUGANDA National Association of Women Organisation (NAWOU) Uganda Crafts 2000 Limited Bead for life
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INITIATIVES DE COMMERCE DURABLE EN OUGANDA Uganda Organic Certification Ltd. (UgoCert) KAWACOM Le label Bukonzo Organics NUCAFE, la coopération globale Une pêche durable sur le Lac Victoria Trees for Global Benefit Kampala Jellitone Suppliers
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CONCLUSION
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ÉDITEUR RESPONSABLE Carl MICHIELS COORDINATION Piezo - Samuel Poos (CTB) RÉDACTION Dan AZRIA CONCEPTION Julie RICHTER PHOTO COUVERTURE BeadforLife © CTB, agence belge de développement, avril 2010. Tous droits réservés. Le contenu de cette publication peut être reproduit, après autorisation de la CTB et pour autant que la source soit mentionnée. Cette publication du Trade for Development Centre ne représente pas nécessairement le point de vue de la CTB.
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Pendant toute la période coloniale, l’Ouganda était considéré comme la «Perle de l’Afrique» par les occidentaux qui ont découvert le pays en recherchant les mythiques sources du Nil. Ses paysages magnifiques, la diversité de sa faune et de sa flore, ses terres fertiles, ses plantations prospères et sa paysannerie aisée, ... En 1962 au moment de son indépendance, l’Ouganda semblait prêt à affronter la modernité avec des atouts certains. Mais la guerre est arrivée. Révolution, guerre civile, dictatures sanglantes d’Idi Amin Dada puis de Milton Obote, conflits ethniques et religieux, invasion étrangère,rebellions armées, ... Pendant près de 25 ans, quasiment jusqu’à la fin des années 1980, l’Ouganda ne connaît que la guerre qui va fairede la «Perle de l’Afrique» l’un des pays les plus pauvres du monde. Depuis 1986 et la stabilisation politique du pays par Yoweri Museveni, les choses vont mieux en Ouganda malgré la persistance de troubles dans le nord. L’économie se redresse peu à peu ainsi que le niveau de vie des populations. Aujourd’hui, malgré son enclavement territorial, l’Ouganda s’engage dans la modernité et la mondialisation avec volontarisme en développant des activités à forte valeur ajoutée susceptibles de répondre aux demandes émergentes des grands marchés (l’agriculture biologique, notamment). Le commerce équitable et durable prend toute sa place dans ce projet de développement, ainsi que nous allons le découvrir dans cette brochure.
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UNE HISTOIRE DE L’OUGANDA Les premiers royaumes Les premières traces de présence humaine dans l’Afrique des Grands Lacs remontent à la haute antiquité. A partir du XVème siècle de notre ère, de grands royaumes apparaissent qui présentent comme particularité un modèle politique très centralisé sur des territoires particulièrement étendus. C’est ainsi que naissent notamment les royaumes de Bunyoro Kitara, de l’Ankole, des Iles Sese et du Buganda. Les siècles qui suivent, du XVIIème au XIXème siècle, sont marqués par l’expansion du royaume du Buganda qui prend le contrôle des principales voies commerciales qui relient en particulier les grands lacs à l’Océan Indien. Profitant de l’affaiblissement des royaumes voisins, les rois du Buganda (dont le plus connu est Kabaka Suna, « Kabaka » signifiant « roi ») soumettent les tribus de ces royaumes, conquièrent leurs territoires et assimilent leurs populations. Ainsi, le Buganda, petit royaume au début du XVIIème siècle, est devenu au début du XIXème la puissance régionale majeure de la région des Grands Lacs. C’est à partir de cette époque que les historiens commencent à assimiler l’histoire du Buganda avec celle de l’Ouganda.
La période précoloniale Les premiers étrangers lointains à entrer dans le royaume du Buganda sont des marchands arabes accueillis à la cour des Kabakas, à partir de 1830. Ils sont suivis dans les années 1860 par les premiers explorateurs britanniques qui sont à la recherche des sources du Nil. Parmi ceux-ci, citons Richard Burton, John Speke, James Grant et Henry Morton Stanley. Puis arrivent ensuite d’autres aventuriers venus de l’Europe entière, attirés par ce pays immense, politiquement très avancé et aux paysages magnifiques qui suscitent la fascination. Sir Winston Churchill surnommera ce royaume « la perle de l’Afrique ». La présence durable des européens dans le pays date des années 1877 – 1879 avec l’arrivée des missionnaires protestants puis des missionnaires catholiques qui se
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lancent dans une vaste campagne d’évangélisation, au Buganda tout d’abord puis dans les petits royaumes voisins. Mais les mouvements des églises chrétiennes se heurtent à la présence plus ancienne des commerçants arabes et des Swahili musulmans qui acceptent mal ces conversions des populations locales. Au contraire de ses sujets qui se convertissent en masse au catholicisme ou au protestantisme, le Kabaka Mutesa Ier (qui règne de 1852 à 1884) ne manifeste aucune intention de se tourner vers l’une des trois religions monothéistes importées par les Arabes puis par les Européens. L’organisation du royaume et l’histoire du Buganda puis de l’Ouganda vont être marqués en profondeur par ce facteur religieux, qui va notamment entrer en compte dans le déclenchement des guerres civiles de 1889 à 1895.
Des crises postcoloniales à aujourd’hui Les tensions s’exacerbent entre les populations nilotiques du Nord, opposées à la domination économique et politique du Buganda sur le pays, et les populations bantoues du Sud. En mai 1966, Milton Obote, le Premier ministre, originaire du nord du pays, envoie l’armée au Buganda pour imposer la centralisation. Avec l’aide de son chef d’état-major, Idi Amin-Dada, qui est issu des minorités musulmanes du nord-ouest, Milton Obote dépose le roi Kabaka Mutesa II, fait promulguer une nouvelle constitution qui abolit les royaumes et institue un régime présidentiel.
L’Ouganda colonial Rivale de l’Allemagne pour le contrôle de l’Afrique de l’Est, la Grande-Bretagne intervient militairement dans le royaume du Buganda pour mettre fin aux conflits ethniques et religieux qui déchirent le pays. En 1894, les Britanniques obtiennent du Kabaka Mwanga, fils de Mutesa Ier, la signature d’un accord de protectorat qui fait entrer officiellement le royaume dans l’empire colonial britannique. A l’occasion de la signature d’un second accord signé en 1900, connu sous le nom d’Uganda Agreement, le Buganda et les petits royaumes voisins soumis par l’armée britannique sont unifiés sous le nom d’Ouganda.
La décolonisation En dépit de la forte présence de missionnaires catholiques et protestants, l’Ouganda n’a jamais accueilli de colonies de peuplement britanniques ou européennes importantes. Les années qui séparent la signature de l’accord de protectorat des premières revendications indépendantistes sont surtout marquées par l’émergence d’une paysannerie aisée et le développement de l’agriculture dans le pays. Comme dans de nombreux pays soumis aux puissances coloniales, le mouvement indépendantiste se manifeste surtout après la Seconde Guerre mondiale. En 1953, le Kabaka Mutesa II est exilé à Londres pendant trois ans pour avoir exprimé une volonté d’indépendance. Les négociations pour aboutir à un traité d’indépendance sont longues et difficiles mais le 9 octobre 1962, l’Ouganda est reconnu comme Etat indépendant. Très vite vont se poser des problèmes liés à l’organisation politique et territoriale du nouvel état.
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En 1971, Idi Amin Dada, prend le pouvoir à l’occasion d’un coup d’état sanglant. Il augmente les effectifs militaires, fait massacrer ses opposants politiques et fait régner la terreur aussi bien parmi l’ethnie Baganda majoritaire en Buganda que parmi les populations nilotiques du Nord. Le nombre des victimes de son sanglant régime est estimé à 200 000 personnes, femmes, hommes et enfants. Alors que le pays manque de sombrer dans la faillite, le gouvernement ougandais obtient l’aide financière des Etats arabes alliés d’Amin Dada. En novembre 1978, en réponse aux incursions ougandaises sur son territoire, l’armée tanzanienne entre en Ouganda, soutient la rébellion ougandaise et contraint le dictateur Idi Amin Dada à prendre la fuite en Arabie Saoudite. Cependant, malgré le rétablissement d’un régime civil en Ouganda et le départ des troupes tanzaniennes, les troubles se poursuivent. En quelques mois, trois présidents se succèdent avant que Milton Obote revienne au pouvoir pour exercer une présidence encore plus sanglante que celle de ses prédécesseurs. Au début des années 80, le pays est dans une situation désastreuse. L’inflation atteint des sommets, une famine terrible décime le nord du pays, l’opposition est brutalement réprimée, des rebelles armés au nord (d’anciens partisans d’Amin Dada) et au sud (l’Armée Nationale de Résistance) s’opposent au gouvernement. En janvier 1986, Yoweri Museveni, chef de l’Armée Nationale de Résistance, accède au pouvoir en Ouganda et s’attèle à la reconstruction du pays, profondément fragilisé par ces années de troubles et de guerres. Le nouveau gouvernement engage de nombreuses réformes qui permettent au pays de s’engager sur la voie du développement. Au niveau économique, la situation s’améliore considérablement (stabilisation de l’inflation, croissance durable, etc.) mais la situation demeure difficile avec la persistance d’une rébellion violente dans le nord, l’Armée de la Résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army) soutenue par le Soudan islamiste, qui fait régner la terreur. Du point de vue politique, un gouvernement d’union nationale pluriethnique est mis en place qui s’efforce de stabiliser l’équilibre des pouvoirs entre les anciens royaumes.
L’ECONOMIE DE L’OUGANDA Jusqu’à son indépendance en 1962, l’Ouganda était souvent considéré comme l’une des perles de l’Empire britannique, en particulier pour son secteur agricole fortement développé. Pendant longtemps, le Buganda mais aussi les royaumes péri-phériques apparaissaient comme des modèles de prospérité rurale, grâce à une paysannerie dynamique et une agriculture très productive, surtout dans les secteurs du café et du thé. Mais vingt-cinq années de dictatures et de guerres civiles ont complètement ruiné le pays, faisant de l’Ouganda l’un des pays les plus pauvres du monde. Il faudra attendre la fin des années 80 pour que le pays commence à reconstituer son potentiel économique et s’engage dans la voie du développement. Aujourd’hui, malgré des disparités géographiques importantes (le nord-est du pays continue de souffrir des violences ethniques et confessionnelles), l’Ouganda connaît une croissance remarquable (de l’ordre de 10 % par an) largement soutenue par une politique économique plutôt habile. En effet, depuis l’arrivée au pouvoir de Yoweri Museveni en 1986, l’Ouganda qui souffre pourtant d’une situation d’enclavement au niveau géographique, s’est ouvert aux investissements étrangers et a encouragé une immigration importante, en particulier en provenance d’Inde.
sur le marché en 2010 (entre 6 000 et 10 000 barils par jour)1. Par ailleurs, des ressources minières ont été découvertes mais restent encore largement inexploitées, surtout du cuivre et du cobalt. Ces gisements pourraient contribuer à accélérer les investissements étrangers en termes d’infrastructures.
Une économie essentiellement agricole
L’industrie, le commerce et les services
Le principal secteur d’activité en Ouganda reste l’agriculture. Bénéficiant d’un climat idéal, de sols fertiles et de vaste terres arables, l’activité agricole est concentrée sur la production de café, de thé, de coton, de canne à sucre et de fruits et légumes. Aujourd’hui, l’agriculture occupe presque 80 % de la main d’œuvre dans le pays et fournit l’essentiel des devises étrangères.
Les grands secteurs industriels mais aussi les principales enseignes commerciales du pays sont, pour beaucoup, entre les mains des grandes familles d’origine indienne. Ces groupes, qui contribuent largement au dynamisme de l’économie nationale, sont très présents dans de nombreuses activités tertiaires (le tourisme, la finance, l’assurance, etc.). Et la crise financière est arrivée…
La pêche L’Ouganda a longtemps bénéficié d’un potentiel important de développement de ses activités piscicoles sur les littoraux de l’immense Lac Victoria et du Lac Albert, en particulier la pêche des perches du Nil. Mais la diminution très remarquée des ressources halieutiques et l’apparition d’importants désordres écologiques dans ces eaux menacent aujourd’hui ce potentiel et exigent de nouvelles pratiques de pêche. Des matières premières encore sous-exploitées Des nappes souterraines de pétrole ont été localisées en 2006 dans la région du Lac Albert. Grâce aux investissements importants qui ont été réalisés pour permettre leur exploitation, les premiers barils devraient être mis
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Globalement, l’économie ougandaise a plutôt bien affronté la crise financière et économique qui s’est déclarée durant l’été 2008 2. Avec un taux de croissance de près de 7% cette annéelà, le pays a su faire face aux turbulences économiques internationales et à l’instabilité politique régionale. Alors que la croissance du pays était jusque là surtout tirée par l’activité agricole, les derniers chiffres ont mis en évidence une stagnation de ce secteur et un fort développement des activités de service et de production industrielle. Mais la crise politique au Kenya voisin, l’épuisement des réserves halieutiques et les évolutions récentes des cours du pétrole devraient marquer un fléchissement de cette croissance.
UN PEU D’HISTOIRE C’est en Ouganda au tout début du XXème siècle que les Européens ont découvert les vertus du Coffea canephora, la variété de caféier sur lequel pousse l’un des cafés les plus appréciés dans le monde, le robusta, dont les grains contiennent deux fois plus de caféine que ceux de l’arabica. Les propriétés particulières de cette plante magique étaient connues depuis longtemps sur le continent africain. Consommé depuis l’aube des temps par les populations locales d’Afrique de l’Est, le café était notamment utilisé dans la médecine traditionnelle ou dans le cadre de pratiques religieuses et de rituels. Dans les royaumes du Buganda, d’Ankole et de Bunyoro (qui constituaient l’actuel Ouganda), le café était considéré comme une richesse et on en faisait un usage important lors des grandes cérémonies, lors des mariages ou des rituels. A partir du XVIIIème siècle, le café devient un produit colonial, l’une de ces marchandises comme le sucre et les épices dont le commerce va constituer l’un des piliers du système esclavagiste d’abord, de l’oppression coloniale ensuite. Le nom « Max Havelaar » est d’ailleurs à l’origine le nom d’un des personnages centraux d’un roman publié en 1860 aux Pays-Bas qui raconte les terribles conditions de travail imposées par les colons hollandais aux populations locales sur les plantations de café de l’île de Java. Tout le XIXème siècle voit se multiplier le nombre de ces plantations sur la plupart des terres coloniales situées entre les Tropiques du Cancer et du Capricorne.
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L’ECONOMIE DU CAFE A partir de la fin des années 80, le marché mondial du café a connu une crise structurelle majeure qui a affecté en profondeur les populations et les structures de production de tous les pays producteurs. Le niveau de l’offre a largement dépassé la demande et on a assisté à une chute brutale des cours du café qui sont tombés, au début des années 2000, à leurs niveaux le plus bas jamais atteints. La Banque Mondiale estime qu’à cette époque, les producteurs de café ont perdu 4,5 milliards de dollars par an en moyenne. En Afrique et en Amérique centrale, cette crise a entamé très profondément des finances nationales largement dépendantes de leurs exportations de matières premières et les gouvernements de ces pays ont été contraints de procéder à coupes drastiques dans les programmes sociaux et de lutte contre la pauvreté, au détriment de millions de familles de planteurs de café. La fin de l’Accord International sur le café en 1989 a marqué le début de la crise. De nombreux facteurs sont entrés en jeu : l’échec des stratégies de croissance de la production imposées par le FMI aux pays producteurs, l’intervention des multinationales du café (dont Nestlé, Philip Morris, Kraft, etc.) qui ont stocké de grandes quantités pour maintenir les cours au plus bas et la baisse de la consommation dans les pays riches 3. Concurrencés par la Colombie, le Brésil et le Vietnam, les pays africains producteurs figuraient parmi les premières victimes de cette crise. Mal organisées, les filières de production se sont révélées incapables d’adopter des positions communes et de se faire entendre des acteurs importants, notamment dans le cadre des négociations internationales. A partir de 2005, les choses se sont quelque peu améliorées et le prix du café est revenu à un niveau plus acceptable pour les producteurs. Mais cette crise a illustré la volatilité des cours et la nécessité de mettre en place un système stable et plus juste.
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LE COMMERCE EQUITABLE, C’EST QUOI ? Le commerce équitable est né d’un constat simple : les écarts de richesse entre les populations des pays les plus riches et celles des pays les plus pauvres ne cessent de se creuser malgré les sommes investies dans l’aide au développement. En moins d’un siècle, l’écart de revenus entre les 20 % des pays les plus riches et les 20% des pays les plus pauvres est passé de 11 contre 1 en 1913 à 75 contre 1 aujourd’hui. Guerres, catastrophes naturelles, infrastructures défaillantes, corruption, … les causes de ce déséquilibre sont multiples mais parmi celles-ci figurent indubitablement des problèmes économiques structurels de fond. La spéculation sur les matières premières, la spirale de l’endettement, la concurrence subventionnée des producteurs des pays du Nord, tous ces mécanismes constituent autant d’obstacles au décollage des pays les plus pauvres qui ne maîtrisent pas leur développement. Bien que ces inégalités commerciales aient été mises en évidence dès le 19ème siècle (notamment avec la publication en 1860 du roman du Néerlandais Edouard Douwes Dekker dont Max Havelaar est le héros), c’est à partir de l’Après-guerre qu’apparaissent les premiers projets de commerce équitable, par des organisations américaines et anglaises (Thousands Villages aux Etats-Unis et l’ONG Oxfam au Royaume-Uni).
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En 1999, les principales organisations internationales du commerce équitable (la World Fair Trade Organisation, la Fair Trade Labelling Organizations - FLO et le Network of European World Shops) s’entendent sur une définition commune : « Le Commerce équitable est un partenariat commercial, fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la planète. Les organisations du commerce équitable (soutenues par les consommateurs)s’engagent activement à soutenir les producteurs, à sensibiliser l’opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et pratiques du commerce international conventionnel ».
Pour soutenir la mise en œuvre de ce système économique, ces organisations listent les 10 grands principes à respecter : •
Créer des opportunités pour les producteurs qui sont économiquement en situation de désavantage.
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Favoriser la transparence et la crédibilité.
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Encourager la capacité individuelle.
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Promouvoir le commerce équitable.
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Garantir le paiement d’un prix juste.
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Veiller à l’égalité entre les sexes.
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Assurer des conditions de travail décentes.
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Eviter le travail des enfants.
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Protéger l’environnement.
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Encourager des relations commerciales fondées sur la confiance et le respect mutuel
Concrètement, le commerce équitable garantit aux producteurs des pays les plus pauvres des prix d’achat plus rémunérateurs que les cours mondiaux ainsi qu’une relative stabilité des prix et la mise en place de conditions et de délais de paiement favorables (voire des possibilités de préfinancement), qui évitent aux paysans et aux artisans de brader leurs produits ou d’avoir recours à des prêts usuriers. Le prix équitable est négocié. Il doit pouvoir couvrir tous les coûts de production du produit, y compris les coûts environnementaux, et assurer aux producteurs un niveau de vie décent. De plus, les acheteurs du commerce équitable s’engagent généralement en faveur de programmes sociaux (alphabétisation, accès aux systèmes d’éducation et de soins, etc.) et soutiennent les investissements productifs des organisations de producteurs.
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L’histoire du commerce équitable est indissociable de l’histoire du café. Avec la crise des années 90 qui a affecté les niveaux de vie de millions de petits producteurs dans de nombreux pays pauvres, les bénéfices qu’apportent les principes du commerce équitable à ce secteur sont devenus parfaitement évidents. Prix d’achat plus élevés et garantis, primes sociales, aides à l’investissement productif, conseils et formations, … Autant d’éléments structurants dans le fonctionnement du commerce équitable du café qui ont contribué à alléger les difficultés de ces producteurs mais aussi à les aider à se structurer pour mieux affronter les aléas qu’imposent les structures du commerce mondial du café aux petits cultivateurs des pays pauvres.
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ANKOLE COFFEE PRODUCERS COOPERATIVE Associé à la crise mondiale des matières premières agricoles des années 90, le processus de libéralisation du marché du café en Ouganda a provoqué d’importants soubresauts des systèmes de production, de gestion et de commercialisation du café et du thé, les principales activités du pays, souvent au détriment des organisations étatisées héritées de l’ère postcoloniale. C’est ainsi que nombre de ces mastodontes se sont retrouvés dans l’incapacité d’honorer leurs échéances et ont fait faillite pour n’avoir pas su s’adapter aux évolutions du marché et aux demandes des acheteurs internationaux. C’est ce qui s’est passé pour la Banyakole Kweterana Coopérative Union Limited (BKCU), une des plus importantes coopératives de production de café Robusta du sud-ouest de l’Ouganda, qui a fait faillite en 1996. Dans un premier temps, les petits producteurs locaux qui dépendaient de cette centrale n’ont eu d’autres choix que de se tourner vers d’autres intermédiaires pour assurer la centralisation et la commercialisation de leurs récoltes sur les marchés internationaux, dont la plupart fonctionnent sous forme d’enchères, généralement organisées à Mombasa au Kenya pour les pays d’Afrique de l’Est. Ces fermiers du District de Bushenyi se sont alors tournés vers UNEX, une agence de commercialisation ougandaise spécialisée qui prend une commission sur les ventes pour ses services de gestion et d’intermédiation vers les acheteurs étrangers. Entretemps, les producteurs de café Robusta de la région ont reçu l’appui de plusieurs organisations de commerce équitable, dont CaféDirect qui met en place en 2000 un Programme de Partenariat de Production (Producer Partnership Programme) pour accompagner la filière de production locale dans ses projets de réorganisation et former les agriculteurs locaux. Certifiés équitables (Fairtrade) à la fin des années 90, une dizaine de groupes locaux regroupant environ 4000 producteurs décident de fonder ensemble une nouvelle coopérative intermédiaire, plus petite et plus souple, qu’ils nomment Ankole Coffee Producers Cooperative Union Limited (ACPCU), du nom de l’ancien royaume intégré à l’Ouganda au début du XXème siècle. En s’organisant ensemble de cette manière, ces producteurs ont affirmé leur volonté de prendre en main leur destin, d’assumer seuls le rôle auparavant dévolu à l’agence commerciale intermédiaire et de créer de l’emploi, en maintenant les activités de valeur-ajoutée au niveau local. Accompagnée par des organisations internationales de commerce équitable, dont CaféDirect (l’une des principales centrales d’achat de café équitable qui a pris immédiatement une importante série d’engagements pour acheter les récoltes à venir et préfinancer certains investissements), la coopérative connaît une croissance rapide. John Nuwagaba, le manager général de l’ACPCU, témoigne : « CaféDirect nous a beaucoup aidé depuis notre création en 2001. Ils nous achètent notre café à un très bon prix et la prime nous a permis de mener à bien de nombreux projets. A partir du deuxième paiement, la prime du commerce équitable a permis aux récoltants de se consacrer à l’éducation de leurs enfants. Nos membres ont développé une véritable culture de la solidarité et la coopérative a pu être recapitalisée. Nous avons aussi été encouragés et soutenus pour développer la coopérative et nous avons été accompagnés dans nos négociations avec nos partenaires stratégiques. Tant de bonnes choses » 4.
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La prime Premium versée par CaféDirect a effectivement permis de réaliser des projets très concrets au bénéfice de toute la communauté : •
La construction d’une maison coopérative et d’une bibliothèque à Kashekuro
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La rénovation de l’école primaire de Kihumuro et de la maison du directeur de l’école
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La réparation et la rénovation de quatre autres écoles de villages
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La culture de nouveaux semis
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La réparation d’un pont
Avec l’appui de ses partenaires, l’Ankole Coffee Producers Cooperative Union Limited a par ailleurs recruté deux personnes chargées de gérer la coopérative et d’engager les négociations commerciales avec les acheteurs internationaux.
Le projet de conversion à l’agriculture biologique Depuis la fin de l’année 2008, la jeune coopérative s’est engagée dans un procesus de certification biologique de sa production et de ses procédés de transformation grâce à des financements internationaux. Ce projet s’est mis en place d’autant plus facilement que le café robusta a peu de prédateurs naturels et requiert très peu d’engrais. Les producteurs de l’ACPCU utilisent des méthodes d’enrichissement naturel des sols et quasiment aucun pesticide ou herbicide. La fertilisation des terres agricoles se fait avec le compost de feuilles de bananiers et le fumier des bovins qui circulent librement parmi les plantations. Quant au pesticide, il est fabriqué lui aussi de manière naturelle à partir des extraits du piment Bird-Eyes, une variété qui pousse parmi les plants de café. Les caféiers sont entourés de bananiers, d’ignames, de plants de haricots et d’autres cultures vivrières qui enrichissent les sols ombragés. Mis en place en janvier 2009, ce programme de conversion à l’agriculture biologique est particulièrement ambitieux. Il vise en effet à permettre aux 4 000 producteurs de la coopérative de fournir jusqu’à 800 tonnes de café certifié équitable et biologique à partir de 2011. Les responsables de la coopérative espèrent par ailleurs que l’augmentation des recettes générées par les ventes de ce café de très haute qualité conduira de nouveaux producteurs à rejoindre le programme et les membres actuels à accroître leur production de café biologique et équitable. Pour atteindre ces résultats, les responsables de l’Ankole Coffee Producers Cooperative Union Limited se sont dotés de moyens importants. En effet,13 personnes ont été recrutées. Un coordinateur et douze agents de terrain (Field Officer) sont affectés à chacune des dix sociétés de villages qui composent la coopérative. Formés par des experts de l’Agence de Certification Biologique Ougandaise Nogamu, ces agents de terrains sillonnent les plantations en vélo pour contrôler la croissance des jeunes plants et conseiller les cultivateurs. Ce programme, dont la mise en œuvre est prévue sur trois ans, ambitionne de certifier au moins 95 % des producteurs de la coopérative. Elaboré avec le soutien d’Agriterra, une ONG néerlandaise d’appui aux communautés rurales, le modèle économique de ce programme est tout à fait remarquable. Le budget global de l’opération de conversion biologique de la coopérative, d’un montant total d’environ 160 000 euros sur trois ans, représente un coût par bénéficiaire direct (sachant qu’une famille de cultivateurs compte en moyenne 7 personnes) estimé à environ 2 euros par an.
Pour en savoir plus : www.cafedirect.co.uk/our_partners/africa/uganda/acpcu www.flo-cert.net www.fairtrade.org.uk
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GUMUTINDO COFFEE COOPERATIVE ENTERPRISE(PARTENARIAT CTB) Créée en 2000, la coopérative Gumutindo Coffee Cooperative Enterprise est née sur les ruines du vieux système coopératif ougandais. En effet, depuis les années 60, l’Ouganda, à l’instar de la plupart des pays africains, organisait sa production agricole autour de gigantesques unions de coopératives dont les structures, très lourdes, dépendaient en grande partie de l’Etat. La libéralisation du marché du café dans les années 1990 a vu l’émergence de nouvelles organisations qui ont pu organiser elles-mêmes leurs productions et leurs activités commerciales, au détriment de l’ancienne Union Coopérative Bugiso (BCU – Bugiso Cooperative Union) qui dominait jusqu’alors la production de café mais qui n’a pas su s’adapter à ce nouveau système. Avec ses centaines de milliers de producteurs affiliés, la BCU représentait l’archétype même de la structure de production africaine qui centralisait la commercialisation de centaines de coopératives de base, nommées Primary Societies. Mais ce système, très peu flexible et trop étatisé, n’a pas su s’adapter à la crise internationale du café du début des années 90. Ces méga-coopératives, beaucoup trop lourdes, se sont montrées incapables de répondre aux demandes des grossistes et importateurs étrangers qui ont fait leur apparition sur de nombreux marchés africains suite à la libéralisation du marché. La coopérative Gumutindo (qui signifie « Bon fermier » en langue Bugisu) a été créée par quatre des coopératives de base (Primary Societies) les plus actives et les plus transparentes qui constituait la BCU, avec pour objectif de produire un café de qualité qui puisse être vendu au meilleur prix. Mise en place en 2000, avec l’appui technique de TWIN, l’ONG britannique de commerce équitable, et le soutien financier de fonds alternatifs comme Shared Interest, la coopérative Gumutindo qui regroupait à sa création près de 3000 producteurs autrefois affiliés à la BCU a rapidement été rejointe par d’autres coopératives de base qui ont souhaité bénéficier des structures de mutualisation de cette organisation intermédiaire.
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Mais rapidement, les responsables de la coopérative ont compris que pour survivre et se développer, ils devaient apprendre à maîtriser l’ensemble de la filière, de la production à l’exportation. Pour ce faire, ils créent la Gumutindo Coffee Cooperative Enterprise en 2003 qui est certifiée équitable (Fairtrade) l’année suivante. Grâce à l’appui de la Gumutindo Management Agency, une cellule de conseil spécialisée en certification et marketing interne à la coopérative, l’ensemble des produits des fermes affiliées sont aujourd’hui certifiés biologiques ou en passe de l’être. Ces fermes sont situées dans le district de Mbale, à l’est de l’Ouganda, près de la frontière avec le Kenya, sur les versants du Mont Elgon, un volcan éteint et la plus haute montagne du pays. Le climat subtropical et les terres volcaniques fertiles constituent un environnement idéal pour la production de café. Des bananiers et autres arbres fruitiers choisis sont plantés entre les caféiers, ainsi que des plants de haricots ou de maïs. Des recherches sont menées avec l’aide d’experts pour parvenir aux meilleurs équilibres entre les espèces végétales, des techniques antiérosives sont mises en application afin d’obtenir les meilleurs rendements possibles sans nuire à l’environnement. Aujourd’hui, la Gumutindo Coffee Cooperative Enterprise est composée de 6 grandes coopératives de villages : Busamaga (422 fermiers), Bumayoga (428 fermiers), Buginyanya (690 fermiers), Nasufwa (553 fermiers), Konokoyi (745 fermiers) et Peace Kawomera (976 fermiers). Grâce au système équitable, ces fermiers bénéficient de préfinancements de leurs récoltes. Les coopératives de base livrent leur production au magasin central de Gumutindo qui assure le conditionnement en sacs de 60 kg, lesquels sont stockés dans les entrepôts de la coopérative avant d’être transportés jusqu’au port de Mombasa au Kenya d’où ils partiront pour l’Europe et les Etats-Unis. La liste des réalisations collectives menées à bien par la coopérative Gumutindo grâce au système équitable est impressionnante : acquisition de nouveaux entrepôts et de bureaux modernes en 2006, conversion des fermes à l’agriculture biologique, extension de la clinique, création de trois écoles primaires et d’un établissement d’enseignement secondaire, mise en place et implantation de deux centres locaux de santé, fourniture d’électricité dans les villages, etc. Les importateurs du commerce équitable, CaféDirect ou Equal Exchange par exemple, paient le prix « Premium » pour le café des producteurs de la coopérative Gumutindo, considéré comme excellent. Les paysans sont en effet payés 2,70 dollars le kilo alors que le prix moyen sur les cours mondiaux était de 1,6 dollars le kilo ces six dernières années. Difasi Namisi, un producteur affilié à Gumutindo, témoigne : « L’argent que j’ai gagné grâce à la prime (Fairtrade Premium) l’année dernière m’a permis de payer l’inscription de ma fille à l’école. Je l’ai dit à mes amis et à mes enfants : nous devons consacrer notre temps à produire du café de très bonne qualité. Et depuis que les autres fermiers ont vu que nous recevions cette prime, ils essaient de faire comme nous et la qualité s’améliore ». Cette prise en compte de la qualité du produit final constitue l’une des caractéristiques du système Gumutindo qui encourage fortement ses fermiers affiliés à s’engager dans ce sens, à prendre conscience du fait que c’est l’excellente qualité du produit qui in fine justifie ce prix d’achat élevé. Lydia Nabulumbi, responsable qualité au sein de la coopérative Gumutindo, gère le laboratoire technique, conseille et forme les producteurs des coopératives de base, anime des ateliers de dégustation. Comme elle l’explique, son travail consiste à « faire prendre conscience aux fermiers du fait qu’ils doivent produire du café d’excellente qualité pour otenir un bon prix et accroître leurs revenus et le niveau de vie de leurs familles ».
Pour en savoir plus :
L’APPUI DU TRADE FOR DEVELOPMENT CENTRE Le Trade for Development Centre de la CTB soutient les activités de promotion et de marketing de la coopérative Gumuntido pour valoriser sa production, en particulier auprès des importateurs et des consommateurs européens et nord-américains.
Le projet que soutient le TDC en coopération avec l’organisation non-gouvernementale britannique de commerce équitable Twin, qui en assure l’assistance technique, vise à élaborer une nouvelle gamme de produits de grande qualité et à soutenir la promotion et la commercialisation de ce nouveau café gourmet. La réalisation de ce projet doit s’étaler sur deux ans: • La première année, les priorités sont données à l’identification des variétés de café existantes sur le terrain et à la recherche d’opportunités commerciales spécifiques sur les différents marchés-cibles. Des supports de vente seront mis au point et une première série de contacts doivent être pris pour aboutir aux premières ventes pilotes. • La deuxième année, après évaluation des progrès accomplis, sera consacrée au déploiement des actions de commercialisation des produits de la gamme de cafés gourmets de Gumutindo avec pour objectif, d’une part, de consolider les relations commerciales établies avec les premiers acheteurs dans le cadre de partenariats durables et, d’autre part, de développer la clientèle en rencontrant de nouveaux acheteurs. Ce projet bénéficie du soutien du Trade for Development Centre pour un montant de 26 250 euros.
www.omdm.be/ouganda/gumutindo.html www.maxhavelaar.be/fr/mh/producer/detail/106/profile www.cafedirect.co.uk/our_partners/africa/uganda/gumutindo www.fairtrade.org.uk/producers/coffee/gumutindo_coffee_cooperative_uganda/default.aspx www.flo-cert.net
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Joab Jonadav Keki, initiateur du projet
MIREMBE KAWOMERA : DELICIEUSE PAIX CAFE EQUITABLE, BIO, CASHER ET HALAL Tout à fait surprenante, l’histoire de la coopérative Mirembe Kawomera trouve ses racines dans l’histoire religieuse particulière de l’Ouganda. Au début du XXème siècle, alors que les missionnaires protestants britanniques s’engagent dans de vastes mouvements de conversion des populations locales, un chef de guerre charismatique de la ville de Mbalé, allié des Anglais, nommé Semei Kakungulu, reçoit en 1919 une bible des mains d’un missionnaire.
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L’histoire raconte qu’à la lecture du livre saint, Kakungulu, qui s’était engagé depuis son enfance aux cotés des colonisateurs britanniques dans l’espoir de devenir Vice-roi du Buganda, finit par conclure qu’il se trouvait bien plus en accord avec les enseignements de l’Ancien Testament qu’avec le Nouveau. « Dans ce cas, lui aurait répondu un missionnaire, vous n’êtes pas chrétien, vous êtes juif ». Semei Kakungulu, délaissé par ailleurs par les occupants britanniques qui commencent à le trouver encombrant, décide de se déclarer juif et se convertit ainsi que ses trois mille sujets et leurs familles. Pendant plusieurs années, la nouvelle communauté s’efforce de suivre les prescriptions de la Thora sans avoir de contact avec le Peuple d’Israël. Ce n’est qu’en 1926 que Semei Kakungulu rencontre pour la première fois un commerçant juif à Kampala qui lui enseigne les rites et les pratiques réellement en usage. Cette communauté, qui s’est réfugiée dans la région d’Abayudaya, constitue l’unique cas d’apparition endogène d’une communauté religieuse juive dans l’histoire. Elle survivra à la mort de son chef historique mais connaitra des périodes très difficiles, en particulier pendant le régime tyrannique d’Idi Amin Dada qui la persécuta dans le sang, contraignant un grand nombre de ses membres à se convertir à l’Islam ou au christianisme. En 1979, ils ne sont plus que trois cents, mais avec l’aide de l’Etat d’Israël (qui a quand même eu un peu de mal à reconnaître cette communauté tout à fait unique) et de la diaspora juive mondiale, la communauté renaît et obtient sa reconnaissance religieuse et l’appui de rabbins israéliens et américains.
TROIS COMMUNAUTES, UN PROJET Au début des années 2000, Joab Jonadav Keki, le leader de la communauté juive de la région de Mbalé, par ailleurs fermier et musicien, décide d’aller à pied frapper aux portes de tous les producteurs de la région, quelle que soit leur appartenance religieuse, pour trouver ensemble une solution à la crise qui frappe le secteur du café depuis plusieurs années. Cette crise mondiale de la surproduction a profondément affecté les niveaux de vie des producteurs ougandais, dont certains ont même dû vendre les terres qu’ils cultivaient depuis des décennies ou retirer leurs enfants des écoles pour les faire travailler dans les plantations. « Notre plus sérieux problème est religieux », disait Joab Jonadav Keki 5 qui soulignait les vives tensions qui régnaient entre les communautés, en particulier depuis la période Idi Amin Dada durant laquelle les juifs étaient honnis, brimés et publiquement traités de « tueurs de Christ » par les chrétiens et d’ « oubliés de Dieu » par les musulmans. Les discours d’ouverture et de tolérance de Joab Jonadav Keki finissent par porter leurs fruits et en 2002, il est élu au Conseil du Sous-Comté de Namanyonyi avec le soutien des trois communautés religieuses qui le reconnaissent comme leader crédible. Puis en 2004, aux termes de longues réflexions collectives, la coopérative Mirembe Kawomera (qui signifie « Délicieuse Paix » en Luganda, l’une des langues ougandaises) est créée avec pour objectifs de rapprocher les communautés et de contribuer à leur développement. « Nous avons longtemps réfléchi, raconte Joab Jonadav Keki, en nous concentrant surtout sur ce qui nous rapprochait. Nous avons cherché tous ces points communs dans nos livres saints. Par exemple, nous avons reconnu le fait que nous saluons tous avec le mot « Paix » : Shalom, Salaam, Mirembé. »
« J’achète tout, je veux l’histoire toute entière »
vec son aide, la coopérative Mirembé Kawomera a A obtenu le soutien du Directeur exécutif de la Thanksgiving Coffee Company, Paul Katzeff, qui s’est engagé à acheter la production de la coopérative à un prix supérieur de 30 % environ aux prix du marché et à l’accompagner dans ses démarches de certification. « J’achète tout », dira Paul Katzeff, « Tout ou rien, Je veux l’histoire toute entière. Je veux apporter cette histoire au monde ».
Une fois ces valeurs communes reconnues et acceptées, il a fallu bâtir un projet économique et trouver de nouveaux marchés. Pour ce faire, la nouvelle coopérative a reçu de nombreux appuis, notamment celui de la chanteuse américaine, Laura Wetzler, qui s’intéresse à la musique traditionnelle hébraïco-africaine.
La coopérative Mirembé Kawomera, qui rassemble aujourd’hui près de 1000 petits producteurs et leurs familles, fait elle-même partie de la coopérative plus importante Gumutindo. Les trois grandes communautés religieuses sont représentées au Conseil Exécutif : l’actuel président est juif, le vice-président est chrétien et le trésorier est musulman.
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« Nous espérons maintenant faire de notre coopérative un modèle pour les projets de développement entre les communautés », explique Joab Jonadav Keki. Il ajoute : « nous espérons que d’autres coopératives s’engageront vers ce modèle de coexistence pacifique. Ensemble, nous vivons beaucoup mieux. Vous n’imaginez pas l’harmonie et la paix qui règne maintenant dans notre grande communauté depuis que la coopérative a été créée».
DOUBLEMENT CERTIFIE : BIO ET EQUITABLE Les caféiers cultivés par ces paysans poussent sur les flancs du Mont Elgon, un volcan éteint situé à l’est de l’Ouganda, près de la frontière avec le Kenya voisin. Le café, une variété d’arabica doux, est certifié équitable, bio, casher et halal. Bien que relativement peu importante en quantité (environ 50 tonnes), la production de la coopérative Mirembé Kawomera est reconnue pour sa qualité, sa douceur et sa saveur. Grâce à ces certifications équitable (Fairtrade Certified) et biologique, la vente du café de la coopérative rapporte non seulement de quoi rémunérer les producteurs à un niveau plus décent mais elle permet à la coopérative de réinvestir une partie
Pour en savoir plus : www.mirembekawomera.com www.thanksgivingcoffee.com www.yesmagazine.org/issues/spiritual-uprising/java-justice
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de ses recettes dans des projets de développement sociaux et économiques, dans la formation des cultivateurs et la mise en place de projets durables. La certification équitable garantit en outre aux producteurs un accès au crédit et le paiement d’une partie de leur production avant la récolte. Ainsi, ces dernières années, les membres de la coopérative ont fondé ensemble une communauté dynamique et mis en place toute une série d’actions concrètes en faveur des fermiers et de leurs familles, telles que la construction d’écoles, le développement de l’accès à l’eau potable et à l’électricité dans les villages.
UNEX - UNION EXPORT SERVICES LTD. Née sur les ruines de l’ancien monopole détenu par le Coffee Marketing Board, Union Export Services Ltd. (UNEX) est une société d’export qui gère la commercialisation des productions de café de nombreuses organisations de producteurs ougandais. UNEX a été labélisée Fairtrade par FLO-CERT pour les conditions commerciales favorables qu’elle propose à ces groupements de producteurs, en particulier en matière de prix d’achat et de préfinancement des ventes. Ce système permet de fait aux cultivateurs d’être payés dès la livraison de leurs productions, sans qu’ils aient à attendre qu’elles soient vendues aux enchères de Mombasa. Aujourd’hui, UNEX est l’un des principaux interlocuteurs commerciaux des importateurs du commerce équitable qui ne souhaitent (ou ne peuvent) pas travailler en direct avec les coopératives et les groupements de producteurs de café.
Pour en savoir plus : www.triodos.com
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Avec une production estimée à 35 000 tonnes en 2007, l’Ouganda figure au 8ème rang des producteurs mondiaux de thé 6 et au troisième rang en Afrique. ontrairement au café ou au cacao, le C thé est vendu exclusivement dans le cadre de transactions privées ou par le biais de ventes aux enchères qui se tiennent à Mombasa au Kenya pour toute la production d’Afrique de l’est. Il n’existe pas de marché à terme pour le thé. Conscients des atouts structurels du pays en matière de production agricole (fertilité des terres, faible consommation d’engrais synthétiques), le gouvernement ougandais s’est engagé en faveur d’une dynamisation du secteur en mobilisant des investissements relativement importants en particulier dans les activités de transformation (séchage, etc.) et des projets d’organisation des filières.
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Ce volontarisme des autorités ougandaises en faveur d’une valorisation de la production se retrouve par ailleurs dans le soutien fourni pour la création d’une filière biologique certifiée et par l’accueil réservé aux organisations du commerce équitable. A titre d’exemple, TraidCraft, l’une des principales organisations britanniques d’importation de thé, s’approvisionne essentiellement en Ouganda auprès de coopératives de production qui bénéficient des conditions avatageuses garanties par le système du commerce équitable. Héritées de l’ère postcoloniale, les sites de transformation du thé qui étaient auparavant aux mains des grandes organisations d’État sont progressivement devenus les propriétés collectives des petits producteurs qui constituent des interlocuteurs volontaires pour le développement du commerce équitable en Ouganda.
MABALE GROWERS TEA FACTORY Créée en 1994 dans le District de Kyenjojo, la coopérative Mabale Growers Tea Factory Ltd rassemble près d’un millier de petits cultivateurs qui se sont associés pour gérer collectivement un site industriel coopératif pour leur production de thé à feuilles vertes. Les principales variétés cultivées sont le Broken Pekoe, le Pekoe Fannings et le Pekoe Dust.
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Localisé au cœur d’une des principales zones de culture de thé en Ouganda, sur les hauteurs des Montagnes Rwenzori (appelées aussi Montagnes de la Lune), près de Fort Portal, l’une des principales agglomérations de l’ouest du pays, ce site coopératif de production se compose aujourd’hui d’une usine de transformation, de deux grandes plantations de thé et d’une plantation d’eucalyptus qui fournit le combustible pour le four de l’usine. Erigé en 1969, l’ensemble du site était jadis géré par les services de l’Etat ougandais qui les abandonna durant le sanglant régime d’Idi Amin Dada. Ce n’est que des années plus tard, dans les années 1990, à l’occasion du lancement du Programme gouvernemental pour les Petites Exploitations de Thé que le site est repris, rénové, réhabilité et privatisé au bénéfice d’une association de 950 actionnaires, pour la grande majorité des propriétaires de petites exploitations (moins de deux hectares en moyenne) qui approvisionnent l’usine avec leurs récoltes.
Détenu collectivement par l’association des planteurs de thé, le site de Mabale emploie aujourd’hui plus d’une centaine de permanents et autant de travailleurs temporaires, affectés essentiellement aux activités de séchage, de transformation et d’ensachage du thé, tandis que les plantations de Nyamasoga et de Mparo, détenues elles aussi par la coopérative, font vivre plus d’une centaine de personnes. A l’exception de la production destinée à la filière équitable ou (pour une très faible part) au marché local, l’essentiel du thé transformé sur le site est vendu aux acheteurs internationaux aux enchères de Mombassa au Kenya. La coopérative Mabale Growers Tea Factory Ltd travaille en étroite collaboration avec sa consœur, la Mpanga Growers Tea Factory qui fonctionne sur un schéma assez comparable. Dans cette région rurale de l’Ouganda où le secteur agricole est le principal pourvoyeur d’emplois, ces deux coopératives fournissent une part très significative des opportunités de développement à la population locale composée pour l’essentiel de petits fermiers, dont la plupart sont tout justes capables d’assurer la subsistance de leurs familles. En dépit d’un environnement très favorable pour l’agriculture, la région est pauvre et rares sont les villages qui bénéficient de l’électricité. La plupart des gens n’ont même pas de vélo. Le site de la coopérative joue donc un rôle fondamental pour l’économie locale. En effet, il offre aux producteurs des débouchés commerciaux d’autant plus intéressants qu’ils s’inscrivent en partie dans le cadre du système de commerce équitable. De fait, non seulement les producteurs affiliés sont rémunérés à un prix au kilo qui est supérieur d’environ 25 % aux prix du marché, mais surtout ce prix d’achat est garanti sur la durée et il s’inscrit dans le cadre de relations contractuelles entre le producteur et la coopérative qui prévoient l’achat par cette dernière de l’intégralité de la récolte (pour autant que la qualité reste constante). C’est en 1997 que la coopérative des producteurs de thé Mabale Growers Tea Factory Ltd est certifiée équitable par FLO. Les bénéfices de cette certification se sont vite fait sentir et ceux-ci ont très vite été réinvestis dans le système productif, avec la mise en place de lignes de production modernes, la construction de routes et l’organisation de sessions de formation pour les producteurs.
Le cycle vertueux s’est engagé et l’amélioration de la qualité a conduit à une augmentation des prix de vente aux enchères et donc à un accroissement des recettes dont l’essentiel a été redistribué aux producteurs actionnaires. Seule une petite part de la production est vendue à travers les circuits de commerce équitable (moins de 5 %), mais la prime donnée par les importateurs de la filière équitable constitue une contribution importante pour le site, la coopérative et ses membres. Cette prime Fairtrade se compose d’un montant complémentaire calculé sur la base du volume des ventes dans le circuit équitable et qui est systématiquement réinvesti en investissements productifs ou pour soutenir des projets économiques ou sociaux collectifs. L’utilisation de ces sommes est décidée par un comité spécial composé de représentants élus des actionnaires et des travailleurs. Silver Kasoro-Atwoki, exploitant et membre du comité, témoigne : « Grâce au système équitable, nous avons considérablement amélioré la qualité et la quantité de notre production de thé. Nous avons ouvert de nouvelles routes dans la région, créé un centre de soins et ajouté un nouveau bâtiment à l’école secondaire. Le commerce équitable contribue de manière très significative au développement social de notre communauté et nous permet d’envisager un meilleur avenir pour nos enfants » 7. En 2008, l’usine de la coopérative des producteurs de thé Mabale Growers Tea Factory Ltd est le premier site ougandais de transformation de thé à être certifié HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point). Ce certificat, qui valide les méthodes et principes de gestion de la sécurité sanitaire employés dans l’usine, confirme la volonté de la coopérative de s’engager dans une démarche de qualité de ses produits.
Pour en savoir plus : www.mabaletea.com www.cofta.org www.flo-cert.net www.fairtrade.org.uk/producers/tea/mabale_growers_tea_factory/default.aspx www.cafedirect.co.uk/our_partners/africa/uganda/mabale
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MPANGA GROWERS TEA FACTORY Située dans le District de Kabarole dans l’ouest de l’Ouganda, l’usine de transformation de la Mpanga Growers Tea Factory est l’un des quatre sites (avec ceux de Mabale, d’Igara et de Kayonza) qui appartenaient auparavant à la Corporation Ougandaise des Producteurs de Thé (Uganda Tea Growers Corporation - UTGC), une organisation créée par les pouvoirs publics en février 1966. Bâtis à l’origine pour assurer la transformation des récoltes des producteurs locaux et leur fournir une large palette de services, ces grands sites industriels ont souffert d’une longue période d’abandon et de déshérence pendant le régime d’Idi Amin Dada. Construite entre 1971 et 1976, l’usine n’a commencé à fonctionner véritablement qu’à partir de 1988 sous l’égide de l’UTGC. En 1995, dans la foulée des mouvements de libéralisation des marchés du thé et du café en Afrique, le site de Mpanga est privatisé au bénéfice des producteurs locaux qui acquièrent en commun des parts de la nouvelle entité, qui prend le nom de Mpanga Growers Tea Factory Limited. Soutenu par l’Union Européenne, le processus de libéralisation lancé dans les années 1990 par l’Etat ougandais visait clairement à encourager les petits producteurs de thé à s’investir dans des projets collaboratifs, à développer leurs productions et à mutualiser leurs investissements. Depuis l’année 2000, les 200 000 actions de la société sont intégralement détenues par près de 500 producteurs locaux qui ont adopté une organisation de type coopératif avec à sa tête un Comité des Directeurs élus lors de l’Assemblée Générale des Actionnaires qui sont tous des cultivateurs de thé. Avec plus de 460 travailleurs employés directement par la compagnie sur le site ou sur les zones de production, la Mpanga Growers Tea Factory Limited fait vivre directement près de 4700 personnes.
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En plus de son usine de transformation, la Mpanga Growers Tea Factory Limited possède quatre plantations de thé qui s’ajoutent aux zones de cultures détenues individuellement par les fermiers actionnaires pour représenter près de 1300 hectares (dont 16 % appartiennent à la compagnie). A l’instar de son organisation sœur de Mabale, la Mpanga Growers Tea Factory Limited commercialise sa production transformée sur trois marchés : la vente aux acheteurs internationaux aux enchères de Mombassa au Kenya, le marché local et, enfin, la filière équitable. Si ce dernier marché ne constitue que 2% du volume total des ventes, il représente beaucoup pour la direction de la compagnie qui souhaiterait développer ce type de ventes. Invité pour la Quinzaine du Commerce Equitable du Comté de Devon en Angleterre, Martin Odoch, l’un des managers de la Mpanga Growers Tea Factory Limited, souligne le fait que « sur les versants tropicaux des Montagnes Rwenzori, les producteurs de thé qui possèdent l’usine de Mpanga récoltent et transforment plus que du thé. Nous travaillons nos récoltes avec le plus grand soin et nous les commercialisons avec le sourire car nous savons que grâce au commerce équitable, nous ne souffrirons pas d’insomnie la nuit en nous demandant si le marché va récompenser nos efforts en nous proposant un prix acceptable. Je voudrais vraiment souligner l’importance que nous accordons aux consommateurs du commerce équitable car c’est grâce à eux que nos producteurs gardent le sourire en Ouganda » 8.
La prime versée par les importateurs du commerce équitable, dont CaféDirect, a notamment permis de réaliser un certain nombre d’investissements productifs sur le site de Mpanga, dont l’achat d’une ensacheuse industrielle moderne et la création d’une cantine et de sanitaires pour les travailleurs du site. Mais le principal bénéfice qu’a tiré la Mpanga Growers Tea Factory Limited de ses relations privilégiées avec ses clients de la filière équitable concerne l’adoption et la mise en place en 2006 du système HACCP qui définit des standards internationaux d’hygiène et de sécurité pour la production agroalimentaire. Mise en œuvre dans le cadre du Programme de Partenariat de CaféDirect (Producer Partnership Program), l’adoption de la norme HACCP a largement bénéficié aux travailleurs du site (qui disposent depuis de sanitaires neufs et de meilleures conditions de travail), mais surtout elle a contribué à accroître la qualité du produit fini tout en offrant des garanties importantes à l’ensemble des clients de la compagnie (en particuliers les importateurs britanniques). Compte tenu des caractéristiques du marché international du thé, ce type d’initiatives contribue véritablement à accroître le prix de vente du produit qui offre ainsi des garanties de qualité de niveau international. Titulaire d’un Certificat en Hygiène Alimentaire obtenu dans le cadre du projet, Patrick Tiberondwa, l’un des responsables de la production témoigne : « L’introduction du système HACCP et des normes alimentaires BRC (British Retail Consortium) et les formations mises en place nous ont permis d’améliorer l’ensemble des process de production pour un thé de meilleure qualité » 9.
Pour en savoir plus : www.mpangatea.com www.cofta.org www.flo-cert.net www.cafedirect.co.uk/our_partners/africa/uganda/mpanga www.teanewsdirect.com
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IGARA GROWERS TEA FACTORY LIMITED I nstituée en 1966 par le parlement ougandais pour organiser la filière de production du thé, la Corporation des Producteurs de Thé Ougandais (Uganda Tea Growers Corporation – UTGC) est à l’origine de la construction de quatre grands sites industriels, dont l’usine d’Igara achevée en 1969. Pendant plus de 20 ans, la production de thé en Ouganda s’est organisée autour de ces grands pôles publics qui assuraient la transformation, le conditionnement et la commercialisation du thé. Mais, comme le reste de l’économie, la filière a souffert terriblement des années de dictature et de guerre qui ont ravagé le pays entre la fin des années 60 et le milieu des années 80. En 1995, avec la libéralisation du secteur du thé et du café, le capital de l’entreprise Igara Growers Tea Factory Limited a été ouvert aux producteurs locaux invités à acquérir des parts de la nouvelle entité en déduisant le montant de ces parts des récoltes qu’ils livraient à l’entreprise. ocalisé dans le District de Bushenyi, une zone L de basses collines à 350 km au sud-ouest de la capitale Kampala, à proximité des frontières avec le Rwanda et la République Démocratique du Congo, le site d’Igara emploie aujourd’hui quelque 200 personnes qui assurent la transformation des feuilles de thé noir livrées par les quelque 4 000 agriculteurs affiliés et leurs fournit toute une série de services techniques (fourniture d’intrants, formation, etc.). La région d’Igara est très pauvre et de nombreux producteurs sont contraints de livrer à pieds leurs récoltes à l’usine, faute de routes praticables.
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Organisée sur un modèle coopératif participatif, l’entreprise Igara assure le traitement du thé noir qui constitue la spécialité de la région. La transformation, réalisée sur le site, comprend plusieurs étapes : séchage, écrasement, fermentation et cuisson des feuilles qui sont ensuite conditionnées et transportées à Kampala ou à Mombasa au Kenya. Les actionnaires-producteurs sont structurés en comités d’une trentaine de membres environ autour de centres de collectes répartis sur tout le territoire couvert par l’entreprise. Les dirigeants du comité de direction sont élus démocratiquement lors des assemblées générales annuelles et certains d’entre eux sont nommés au niveau de l’Uganda Tea Development Agency Limited, un organe de gestion mis en place conjointement avec l’usine-sœur de Kayonza pour contribuer à la qualité globale de la production de thé noir ougandais. Comme la plupart des compagnies coopératives de production de thé en Ouganda, Igara Growers Tea Factory Limited ne commercialise qu’une petite part de sa production sur les marchés dits équitables, l’essentiel étant vendu aux enchères à Mombasa au Kenya où se trouvent certains des principaux sites de stockage d’Afrique de l’Est. Fournisseur depuis 1998 de CaféDirect, l’un des principaux importateurs européens de commerce équitable de thé et de café, Igara Growers Tea Factory Limited a su profiter de recettes supplémentaires générées par les ventes au secteur équitable pour réaliser des investissements importants en faveurs des agriculteurs affiliés.
Pour en savoir plus : www.ugatea.com www.solidarmonde.fr/prod_igara.pdf www.flo-cert.net www.cafedirect.co.uk/our_partners/africa/uganda/igara
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Ainsi, plus d’une trentaine de centres locaux de collecte ont pu être créés pour faciliter l’accès au site pour les producteurs les plus éloignés. Quant à la prime équitable versée par ces clients de la filière équitable, elle est gérée par un comité constitué de 3 femmes et de 10 hommes élus pour représenter les producteurs-actionnaires mais aussi les travailleurs du site et la direction de l’organisation. L’obtention de cette prime a permis de mener à bien plusieurs projets importants pour la population. Les premières dépenses furent ainsi consacrées à l’achat de matériel scolaire (livres, stylos crayons) pour les enfants des cultivateurs de thé et les employés de l’usine. Le comité a également décidé la construction d’une maternité qui a bénéficié d’une aide complémentaire du gouvernement. Les femmes devaient auparavant être transportées (généralement à pied) sur une distance de 60 km pour accoucher à l’hôpital le plus proche (les problèmes survenant en route étaient la cause d’un taux de mortalité important). En 2004, près de 1000 femmes accouchèrent au centre de naissance. Les primes du commerce équitable ont aussi été utilisées pour mettre en œuvre un projet d’eau potable (préservation des sources d’eau), pour acheter du matériel informatique et établir la connexion Internet au sein d’Igara. Ainsi que le souligne Robert Ejiku, l’un des responsables de la production dans l’usine, « Vendre notre production à CaféDirect a élargi nos options commerciales mais le bénéfice le plus important, c’est la prime que nous recevons et que nous utilisons pour les projets de la communauté » 10.
KAYONZA GROWERS TEA FACTORY LIMITED La culture du thé sur le site de Kayonza a été lancée en 1959, avec la construction des premières pépinières par la Corporation Ougandaise de Développement (Uganda Development Corporation). Avec ceux de Mabale, d’Igara et de Mpanga, le site de production et de transformation de thé noir de Kayonza fait partie des premiers projets agro-industriels de l’ère postcoloniale. Gérés dans un premier temps par la Corporation des Producteurs de Thé Ougandais (Uganda Tea Growers Corporation – UTGC), ces grands sites de production ont souffert des années de guerre et de dictature avant de sombrer en faillite au début des années 90, faute d’avoir pu s’adapter aux mutations des marchés mondiaux. Gravement menacée, la filière du thé ougandais s’est alors engagée, avec le soutien massif de l’Union Européenne, dans un processus de libéralisation qui permet aux producteurs des différents sites d’en devenir propriétaires.
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C’est ainsi qu’entre 1995 et 2000, les 4 000 cultivateurs de thé du site de Kayonza, dans le District de Kanungu dans le sud-ouest du pays, ont acquis l’ensemble des parts de l’usine et des plantations qui lui sont adossées, la plupart du temps grâce à des avances sur les récoltes à venir. L’essentiel du thé noir récolté et transformé dans l’usine de Kayonza est vendu sur les marchés aux enchères de Mombasa au Kenya. Les récoltants-propriétaires (dont plus de 15 % sont des femmes) se sont fixés un objectif clair : « Devenir une compagnie rentable et durable de production de thé d’excellente qualité grâce à une gestion efficace qui profite aux petits producteurs ». Certifiée HACCP, l’usine de Kayonza est pilotée par un Comité de Direction composé de six membres élus lors de l’Assemblée Générale annuelle. Quant à la gestion et au management du site, ils ont été confiés à l’Agence de Développement du Thé Ougandais (Uganda Tea Development Agency) qui assure aussi la gestion du site de production d’Igara. Conjointement mise en place par les deux compagnies, l’Agence de Développement du Thé Ougandais leur fournit des services dans de nombreux domaines, administratifs, financiers et marketing notamment.
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Localisée à Kampala, la capitale, l’Agence emploie des responsables expérimentés formés pour la plupart dans les deux sites de production. Aujourd’hui, Kayonza est le premier producteur de thé noir ougandais, avec près de 2,2 millions de tonnes commercialisés en 2008, dont une faible part seulement est vendue aux acheteurs internationaux du commerce équitable. Mis en place à partir de 1998, les partenariats avec les organisations du commerce équitable (avec CaféDirect notamment dans le cadre d’un Programme de Partenariat de Production) ont permis de bénéficier de primes Premium pour un montant global d’environ 250 000 euros sur sept ans, grâce auxquels de nombreux projets communautaires et sociaux ont pu être menés à bien, avec en particulier la construction de 13 écoles primaires et secondaires où sont scolarisés plus de 5000 enfants de la région. Par ailleurs, trois unités locales de soins et une maternité ont été créées dans une région où, auparavant, les femmes enceintes devaient marcher cinq à sept jours pour rejoindre la plus proche clinique où accoucher. Une route a été construite pour faciliter l’accès à certaines plantations et une ligne téléphonique a été installée dans l’usine.
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FRUITS OF THE NILE L’INNOVATION DURABLE ET ÉQUITABLE La coopérative Fruits of the Nile a été fondée en 1991 par Kate Sebag, Angello Ndyaguma et Adam Brett pour permettre aux producteurs ougandais de fruits et légumes de mieux commercialiser leurs produits. Dès le début, le principal problème que la coopérative s’est efforcée de résoudre concernait l’accès de ces producteurs aux marchés porteurs dans un pays enclavé (sans accès à la mer) qui ne disposait en outre d’aucune infrastructures de conditionnement adapté (de conserveries ou de verreries pour les jus de fruits par exemple). A cette époque, de nombreux producteurs se retrouvaient dans l’impossibilité de stocker ou d’écouler leurs fruits et légumes qui finissaient par pourrir, faute d’accès aux marchés. Pour résoudre cet épineux problème, Kate Sebag, Angello Ndyaguma et Adam Brett ont conçu et développé un nouveau modèle de sécheuse solaire construite à partir de moustiquaires (relativement faciles à se procurer sur le marché local) et de cadres de plastique très résistants. Avec l’appui des agences économiques locales, ils ont pu tester leur nouveau système de conservation naturelle auprès de producteurs locaux. Les premiers fruits et légumes séchés au soleil grâce à ce procédé innovant ont été commercialisés sur les marchés de Grande-Bretagne sous le nom « Tropical Wholefoods ». Cette première expérimentation connut un certain succès commercial et les responsables de Fruits of the Nile engagèrent alors un large mouvement de sensibilisation et de formation des producteurs ougandais de fruits et légumes à cette méthode naturelle de conservation dans le cadre d’ateliers soutenus par l’Institut Britannique des Ressources Naturelles puis par le Conseil Africain de la Recherche Scientifique et Industrielle. Grâce à la mise à disposition par la coopérative du matériel de base pour la réalisation de ces sécheuses solaires, de nombreux producteurs font sécher de manière tout à fait naturelle et écologique leurs bananes, leurs ananas ou leurs papayes. Dorothy et David Mugabe, un couple de producteurs locaux font sécher 200 à 300 kilos de bananes par an et la vente de cette production à la coopérative assure plus de 70 % de leurs revenus.
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Avec le temps, une organisation s’est mise en place et aujourd’hui, dans plus de 60 villages essentiellement situés dans le sud et le sud-ouest du pays, ce sont près de 700 fermiers qui approvisionnent les opérateurs qui gèrent ces « fermes solaires ». La coopérative Fruits of the Nile soutient l’ensemble de la filière en organisant des formations, essentiellement dans les domaines de la qualité, de l’hygiène, de la commercialisation et de l’échange de bonnes pratiques. Pour les producteurs, les bénéfices économiques se sont très vite fait sentir. Noraj Kagimu, une productrice de la région de Mbarara, témoigne : « Je suis l’une des fondatrices d’une association de femmes ici. J’ai d’abord entendu parler de ces sécheuses solaires à Masha. J’en ai parlé à mes amies de l’association. Avant, je gérais un magasin et un restaurant mais quand j’ai comparé les revenus que je tirais de cette activité avec ceux que généraient les sécheuses solaires, j’ai rapidement constaté que ces dernières rapportaient plus. Alors, on s’y est mis et aujourd’hui, notre groupe dispose de trois centres de séchage. Pour moi, cette activité de séchage m’a fourni une nouvelle source de revenus, surtout après la mort de mon mari. Maintenant, je peux payer l’école de mes enfants avec l’argent que je gagne en séchant mes fruits. Dépenser en soins de santé, acheter des vêtements, … tout cela est maintenant possible avec l’argent que nous gagnons avec la vente de nos fruits séchés. Qui plus est, j’ai réussi à tirer un bénéfice important de ma production de bananes et, avec les déchets, je nourris mon bétail qui me donne plus de lait. Aujourd’hui, j’emploie cinq femmes à plein temps pour mon activité de séchage et j’achète leurs fruits à mes amies. Sans la coopérative Fruits of the Nile, je serais obligée de mendier auprès de ma belle-famille, surtout après la mort de mon mari » 11. L’ensemble de la production de fruits et légumes séchés au soleil est acheté selon les règles du commerce équitable par la coopérative Fruits of the Nile qui aide par ailleurs les populations locales à accéder à des financements alternatifs ou à bénéficier de prêts avantageux pour leurs projets de développement. L’intervention de Fruits of the Nile a permis la mobilisation de nouvelles sources de financement, dont le Fonds Européen de Développement pour les Microprojets, l’Agence pour la Coopération et la Recherche en Développement, le Gatsby Trust et la Fondation Shell.
Grâce à ces différents soutiens, la coopérative Fruits of the Nile exporte chaque année près de 80 tonnes de fruits séchés, essentiellement des ananas et des bananes. Et, en 2005, les efforts entrepris par la coopérative ont permis de former l’ensemble des acteurs de la filière de production aux méthodes de culture biologique et de certifier celle-ci (HACCP). Les bénéfices commerciaux engendrés par cette certification ont permis à la coopérative de réaliser de nouveaux investissements avec en particulier l’édification d’un nouvel entrepôt de stockage, répondant intégralement aux normes HACCP, à deux pas des sources du Nil. En 2008, Fruits of the Nile a remporté l’Ashden Award pour les économies renouvelables qui a récompensé la coopérative pour le caractère innovant et reproductible de son système et pour le soutien qu’elle apporte aux producteurs pour maîtriser et exploiter l’énergie solaire. L’exemple fourni par Jane Nawuliro, une productrice de la coopérative, est édifiant : « Quand j’ai commencé le séchage solaire, je me suis rendu compte que cela me rapportait beaucoup plus que mon activité précédente de couture à la machine. J’ai mobilisé les femmes de l’Association des Femmes de Tukolelere Wamu dont je suis secrétaire et nous avons acheté une sécheuse solaire. Je ne regrette rien. J’ai pu ainsi m’acheter un bout de terrain, j’ai construit un abri de stockage et maintenant, ma famille et moi, nous sommes heureux. Ma maison bénéficie de l’énergie solaire qui fait fonctionner les sécheuses le jour et nous fournit de l’électricité la nuit pour les lumières, la télévision et la radio. Je fournis même du travail à plusieurs femmes du voisinage maintenant » 12.
Pour en savoir plus : ww.fmfoods.co.uk/tw/fon.htm w www.cofta.org www.ashdenawards.org/files/reports/fruits_of_the_nile_case_study_2008_0.pdf
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NDALI ESTATE Dirigé par Lulu Sturdy, une Britannique qui a hérité de l’entreprise, Ndali Estate est une ferme tropicale de production de vanille située sur les versants du Mont Ndali, perchée au milieu des cratères éteints et des lacs des Montagnes de la Lune à l’ouest de l’Ouganda. L’entreprise cultive sa propre production de vanille biologique qu’elle complète en achetant leurs récoltes aux quelques 600 producteurs de vanille de la région aux conditions du commerce équitable. Le coût d’achat pratiqué est calculé sur base des prix de la filière auxquels s’ajoutent une marge complémentaire ainsi que la prime Fairtrade qui est réinvestie dans les projets collectifs de la communauté (avec notamment la construction d’une école). Ces conditions de rémunération sont d’autant plus intéressantes pour les producteurs locaux que les cours mondiaux de la vanille ont connu des baisses importantes dans les années 2003 et 2004. Certifiée FLO-CERT, la vanille commercialisée par Ndali Estate est aussi biologique. Ni pesticides, ni herbicides, ni fertilisants chimiques, ni additifs, la vanille de Nadali Estate est 100 % naturelle, et d’une qualité supérieure due aux conditions particulières d’exploitation et aux propriétés spécifiques des sols volcaniques des Montagnes de la Lune.
Pour en savoir plus : www.fmfoods.co.uk/tw/ndaliestate.htm www.flo-cert.net
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NATIONAL ASSOCIATION OF WOMEN ORGANISATION NAWOU Fondée en 1992, l’Association Nationale des Organisations de Femmes d’Ouganda (National Association of Women Organisation – NAWOU) est une organisation nongouvernementale qui fédère plus de mille associations locales de femmes en Ouganda avec pour objectifs d’améliorer les conditions de vie des femmes ougandaises et de constituer « un corps de femmes solides et unies, équipé des connaissances et de l’expérience visant l’autonomisation des femmes ». Originellement mise en place pour coordonner et représenter ces associations au niveau national et international, l’organisation s’est progressivement appropriée de nouvelles compétences et de nouvelles missions. C’est ainsi qu’aujourd’hui NAWOU organise des formations pour les femmes ougandaises, accompagne les projets économiques de ses membres, gère des programmes de microcrédits et des projets d’alphabétisation, d’accès aux soins ou de sensibilisation des femmes aux dangers du virus HIV. Depuis sa fondation, l’Association Nationale des Organisations de Femmes d’Ouganda a gagné un crédit considérable et son influence s’étend maintenant aux sphères de l’action publique. C’est ainsi que plusieurs de ses membres ont été élues au Parlement national ou au sein des instances locales et provinciales. Par ailleurs, affiliée au Conseil International des Femmes et au Conseil International pour le Bien-être Social (International Council for Social Welfare), NAWOU collabore à de nombreux programmes internationaux en partenariat avec de grandes ONG, des agences de coopération au développement et des réseaux associatifs. Enfin, NAWOU, l’Association Nationale des Organisations de Femmes d’Ouganda, s’est vu reconnaître le statut d’organe consultatif auprès du Conseil économique et social des Nations-Unies (ECOSOC).
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C’est au niveau de son département Artisanat que l’association NAWOU inscrit ses activités dans le cadre du commerce équitable. Cet important département de l’association a pour missions d’organiser des formations aux métiers de l’artisanat pour les femmes, et de fournir à celles-ci une assistance technique ainsi que les ressources nécessaires au lancement de leurs projets. Mais NAWOU intervient aussi pour soutenir la production, la promotion et la commercialisation de ces créations artisanales au niveau local et international. Ces femmes reçoivent de NAWOU des prêts et des conseils et sont mises en relation avec des acheteurs internationaux. Aujourd’hui, le département Artisanat de l’association compte près de 200 artisanes qui travaillent au sein de la dizaine d’ateliers que gère NAWOU dans tous le pays. Un grand nombre de ces femmes vivent avec le virus du Sida et n’ont accès aux soins que grâce à l’association. Tous les objets d’art créés par ces artisanes sont réalisés dans le respect des techniques traditionnelles et seules des teintures naturelles sont utilisées pour la confection des bijoux, des jouets, des instruments de musique, des vêtements et des paniers commercialisés par les femmes de NAWOU, tant sur les marchés locaux qu’internationaux (en particulier en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux Etats-Unis, en Espagne et au Royaume-Uni). Forte de ces activités d’accompagnement social et économique, l’Association Nationale des Organisations de Femmes d’Ouganda (NAWOU) est membre de l’IFAT (devenue en 2009 la WFTO, l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable) et de COFTA depuis 1995. Depuis sa première participation à un salon du commerce équitable en Allemagne en 1998, l’organisation participe régulièrement à ce type d’évènements, où ses produits rencontrent un succès certain et où ses responsables rencontrent les acheteurs internationaux, suivent les tendances et étudient les demandes des importateurs, notamment Oxfam et Ten Thousands Villages.
Selon Pamela Kyagera, responsable du marketing, « nous pouvons aller loin dans la lutte contre la pauvreté à travers un commerce équitable. Les femmes que vous voyez apporter les produits artisanaux ne le feraient jamais par le biais des marchés conventionnels. Elles ne vendraient pas dans des marchés qui sont loin de leurs maisons. Elles n’auraient pas assez d’information et elles seraient exploitées » 13. La grande majorité des femmes artisanes utilisent en effet ces revenus pour améliorer leur moyen de subsistance et faire vivre leurs familles. L’histoire de Joyce Nakazi nous éclaire sur les difficiles conditions de vie de ces femmes qui portent sur leurs épaules la survie de leur famille. Joyce Nakazi créé des paniers de couleurs qu’elle vend par le biais du centre de collection de NAWOU à Kampala. Elle est veuve, mère de trois jeunes enfants et handicapée à la suite d’un accident. A la mort de son mari en 1998, elle n’avait plus rien, qu’une maison dont elle ne pouvait plus payer le loyer. Elle a pu s’en sortir grâce à NAWOU : « J’ai beaucoup profité de la vente de ces paniers et j’ai réussi à construire une maison à partir de mes économies. J’ai également payé pour l’éducation de mon fils aîné, qui a réussi son examen d’entrée à l’université. J’avais l’habitude de travailler comme assistante dans une école maternelle près de notre église, mais l’argent ne suffisait pas. Alors j’ai quitté pour fabriquer plutôt des paniers » 14 explique-t-elle. Mais, les accompagnatrices de NAWOU ne limitent pas leur intervention à un soutien social ou économique aux femmes en difficulté. Il s’agit aussi de leur enseigner l’importance d’un travail de qualité dans la valeur de leurs créations. Pamela Kyagera travaille avec près de 70 femmes de différentes parties de l’Ouganda sur cette question : « Ce n’est pas facile d’enseigner aux femmes à comprendre les exigences de qualité, mais au cours des années, elles ont appris. Et, bien sûr, nous avons dû apprendre à nos consommateurs à comprendre certaines variations parce que ces produits artisanaux sont fabriqués par des êtres humains » 15. Enfin, les productions artisanales de NAWOU s’intègrent dans une démarche naturellement respectueuse de l’environnement. Les paniers sont élaborés à partir des fibres et des feuilles de banane collectées après la récolte des fruits, ce qui signifie que non seulement les artisans n’ont pas besoin de dépenser de l’argent pour les matières premières mais aussi que leurs produits sont naturels et durables.
Pour en savoir plus : www.nawouganda.org www.nawou.interconnection.org www.cofta.org www.tenthousandvillages.ca www.infosdelaplanete.org
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UGANDA CRAFTS 2000 LIMITED
Malgré quelques succès économiques récents et un taux de croissance relativement élevé, l’Ouganda reste un pays pauvre, aux conditions de vie difficiles pour les plus démunis, en particulier les femmes seules et tous ceux que vingt années de guerre et de répression ont meurtris. C’est pour tous ceux-là qu’en 1983, Betty Kienne, une femme d’affaires ougandaise, et Marylin Dodge, une volontaire de l’UNICEF, ont créé Uganda Crafts, une organisation qui aide les femmes seules et leurs familles, les handicapés, les orphelins et les personnes atteintes du virus du Sida / VIH à appendre un métier d’artisan, à fabriquer et à vendre leurs productions artisanales. A l’origine, le projet visait surtout à pallier l’absence de systèmes publics de prise en charge des plus faibles dans la société ougandaise. A cette époque, Uganda Crafts n’est qu’une petite échoppe proche du Grand Hôtel de Kampala.
Grâce au soutien financier et technique d’Oxfam, Uganda Crafts fait aujourd’hui travailler près de 300 artisans dont 85 % de femmes. Le groupe Uganda Crafts, dont le siège est toujours situé a Kampala, y possède un magasin où ne travaillent que des personnes handicapées et où est vendue une partie de la production de ses membres (environ 42 %), le reste étant vendu sur les marchés internationaux (en particulier dans les magasins du commerce équitable). Uganda Crafts fournit à ses membres la possibilité de vendre leurs créations (surtout des bijoux originaux et des objets tissés et colorés), mais elle leurs propose aussi des formations techniques en conception de produits, en design et en commerce. De plus, les artisans qui travaillent pour Uganda Crafts bénéficient d’un accès aux soins de santé et aux services de transport, ils reçoivent des prêts en cas d’urgence ou des aides au lancement de nouveaux produits. Dans les années 1990, l’organisation se développe, grâce notamment au soutien d’organisations internationales comme Ten Thousands Villages, et sa notoriété dépasse les frontières du pays. A partir de 1988, une part significative de la production est destinée à l’exportation. En juin 2000, Uganda Crafts est devenu une entreprise privée sous le nom Uganda Crafts 2000 Limited, mais continue à se consacrer à son ambition première : créer de l’emploi pour les plus démunis, former ces personnes aux métiers de l’artisanat, encourager la créativité et l’innovation, préserver les cultures africaines de création traditionnelle, et tout cela, dans le cadre des principes et valeurs du commerce équitable. En 2007, l’entreprise est devenue membre de l’IFAT, devenue depuis la WFTO, l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable, et de COFTA. De fait, depuis sa création, Uganda Crafts s’est employé à appliquer les principes du commerce équitable en rémunérant convenablement (et rapidement) les artisans qui en sont membres, mais aussi en favorisant le respect de l’environnement et des traditions. Milly a 28 ans. Elle est orpheline, mère célibataire et doit s’occuper seule de ses 4 enfants. Mais Milly est aussi l’une des plus habiles artisans du magasin d’Uganda Crafts à Kampala, une experte dans la création originale de paniers tissés et colorés à la main. Après des années passées à confectionner ses paniers au sein de l’entreprise Uganda Crafts, elle forme maintenant les nouveaux, des enfants ou des filles-mères pour la plupart. Milly est très fière de ce qu’elle a accomplit grâce a Uganda Crafts. Elle a pu faire construire sa maison et tous ses enfants vont à l’école.
Pour en savoir plus : www.ugandacrafts2000ltd.org www.cofta.org www.tenthousandvillages.ca http://awava.blogspot.com/2009/04/fair-trade-feature-uganda-crafts2000.html
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BEAD FOR LIFE Fondée en 2004 par trois américaines impressionnées par la qualité et la beauté des perles de papier fabriquées par les femmes ougandaises, l’organisation non-gouvernementale BeadforLife (Perle pour la Vie) s’est fixée pour objectif de développer le niveau de vie des femmes les plus pauvres, veuves, abandonnées ou atteintes par le VIH en commercialisant leur production artisanale sur les marchés locaux mais aussi dans les magasins que l’organisation a ouvert aux Etats-Unis, à Boulder dans le Colorado, et en Europe, à Paris depuis avril 2009. Clairement intégrée dans un objectif d’éradication de la pauvreté des femmes ougandaises, l’action de BeadforLife comprend la formation de ces femmes aux métiers de la création de bijoux et de sacs réalisés à partir de perles de papier recyclé, peintes ou vernies. Puis lorsque celles-ci ont acquis un savoir-faire suffisant, BeadforLife les accompagne dans la création de leur entreprise en s’engageant durablement sur l’achat de leurs productions à des prix qui leur permettront de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. L’organisation propose par ailleurs à ces entrepreneuses des formations complémentaires en commerce et design ainsi que l’accès à des financements pour démarrer et développer leurs micro-entreprises.
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Jennifer Rowell-Gastard, la coordinatrice de BeadforLife en Europe, résume ainsi la philosophie de son organisation : « BeadforLife travaille à l’éradication de l’extrême pauvreté en créant des ‘ponts de compréhension et de commerce’ (bridges of understanding and commerce) entre les Africains les plus pauvres et les citoyens du monde qui se sentent concernés. Les femmes ougandaises transforment des papiers de couleur en jolies perles, et les gens attentionnés ouvrent leurs cœurs, leurs maisons et leurs communautés pour acheter et vendre ces perles. Ces perles deviennent ainsi des revenus, de la nourriture, des soins de santé, des inscriptions à l’école et de l’espoir. C’est un petit miracle qui nous enrichit tous » 16 et d’ajouter : « Nos perleuses et nos couturières sont des femmes très pauvres, qui vivent avec moins de deux dollars par jour, qui travaillent très dur, qui sont intelligentes et tellement fortes dans leur désir de s’élever ». En plus d’acheter à ces femmes leurs créations et de les vendre, BeadforLife soutient de nombreux projets de développement local dans les domaines de la santé, de la formation professionnelle des jeunes, de l’éducation et du logement. Ces projets sont financés intégralement par les ventes des perles et des bijoux et permettent non seulement d’améliorer le quotidien des créatrices mais aussi d’autres personnes qui vivent dans la misère en Ouganda. Pour ce faire, BeadforLife a mis en place
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un programme de subventions pour soutenir d’autres organisations à but non-lucratif qui travaillent à l’éradication de la pauvreté. Jennifer Rowell-Gastard insiste sur ce point : « Tous nos profits sont réinvestis dans nos Projets de Développement Communautaires (Community Development Projects). BeadforLife dispose de son propre programme pour soutenir d’autres organisations non-commerciales à œuvrer en faveur de l’éradication de la pauvreté. A travers ces collaborations, nous pouvons démultiplier notre capacité à contrer l’extrême pauvreté. Actuellement, nous soutenons financièrement une douzaine d’organisations ». Les œuvres des créatrices de BeadforLife sont vraiment magnifiques. Elles fabriquent à la main des perles de toutes tailles à partir de papier de couleur, qu’elles peignent ou vernissent à l’aide de colorants et de teintes naturelles avant de les assembler en colliers, sacs, bracelets ou boucles d’oreilles. La création de ces perles exclusivement composées de papier recyclé contribue de manière très concrète à la préservation de l’environnement. Les perleuses découpent des triangles dans des pages de magazines colorées, des vieux calendriers, des tracts ou des boîtes de céréales, avant de les rouler à la main et de les coller pour en faire des perles qui sont ensuite décorées avec un vernis acrylique écologique et inodore.
Le mode de commercialisation de ces perles et bijoux créés par les femmes ougandaises est très original, comme nous l’explique Jennifer Rowell-Gastard : « Nous engageons des centaines de femmes partout dans le monde pour accueillir des Perles-Party (BeadParties) dans leurs maisons et leurs bureaux, dans leurs églises ou dans leurs clubs. Accueillir une Perle-Party ou fournir des perles pour des évènements communautaires, c’est amusant et c’est un moyen facile d’aider à éradiquer la pauvreté. Nous rendons cela plus facile grâce à nos petits guides, à notre matériel pédagogique, et aux jolies perles que nous offrons à ces généreuses volontaires partout dans le monde ».
POUR CHAQUE COLLIER DE 10 $ VENDU PAR BEADFORLIFE 17: • 1.10 $ sont utilisés pour financer les opérations en Ouganda • 2.00 $ reviennent directement à l’artisan • 2.60 $ sont consacrés aux coûts de commercialisation sur le marché nord-américain (y compris les coûts de transport, de promotion, etc.) • les 4.30 $ restants sont investis dans des projets de développement communautaires en Ouganda. Ainsi, un peu moins des 3/4 du chiffre d’affaires réalisé par BeadforLife pour une vente aux Etats-Unis revient en Ouganda.
LE BILAN DES ACTIONS menées entre 2004 et 2009 par l’organisation BeadforLife est réellement impressionnant 18 : • Formation
de plus de 660 perleuses à la fabrication des perles de papier • Accompagnement à la création de plus de 150 entreprises artisanales par des femmes formées au métier de perleuse, lesquelles ont embauché à leur tour près de 1300 personnes • Appui à la construction de plus de 110 maisons pour les perleuses et leurs familles • Edification d’une maison communautaire et construction de deux puits • Lancement d’un programme de formation professionnelle pour des jeunes appauvris • Financement de séminaires qualifiants pour les élèves de formation professionnelle • Développement d’un programme de subventions pour soutenir d’autres organisations travaillant à l’éradication de la pauvreté
Rapportée par la journaliste Theresa Morrow dans le Seattle Times 19 , l’histoire de Fatuma, l’une des perleuses de BeadforLife, illustre l’extrême dureté de la vie pour de nombreuses femmes ougandaises et l’importance d’organisations telles que BeadforLife qui les accueille quand elles sont rejetées par tous. Fatuma a été enlevée à l’âge de 13 ans quand les rebelles de l’Armée de Résistance du Seigneur sont entrés dans son village, dans le nord du pays, alors qu’elle et les autres enfants étaient à l’école. « Ils sont arrivés lorsque nous étions en classe, à 10 heures du matin. Quand la cloche de la récréation a sonné, l’un des maîtres de l’école s’est rendu compte que nous étions encerclés ». Les rebelles laissent les plus jeunes enfants sur place mais emmènent les plus vieux, dont Fatuma qui s’exprime à voix basse, écrit la journaliste. « A partir de là, vous mourrez, vous vous flétrissez, vous abandonnez la vie. Certains ont été tués, beaucoup. Ceux qui ont résisté ou qui ont essayé de fuir. Ils ont été tués d’une affreuse manière ». Fatuma est contrainte de rester avec les rebelles pendant deux ans jusqu’au jour où elle parvient à s’enfuir, à l’âge de 15 ans, enceinte d’un des nombreux rebelles qui l’ont violée. Sa famille a menacé de tuer le bébé, alors elle a fuit à nouveau. Plus tard, elle s’est mariée, mais son mari est mort alors qu’elle était enceinte, la laissant seule avec quatre enfants. Accueillie par BeadforLife, Fatuma apprend le métier de créatrice de perles et de bijoux. Elle est accueillie au Village de l’Amitié, un village d’accueil géré par BeadforLife et Habitat for Humanity, une autre ONG spécialisée dans la construction de maisons pour les populations les plus pauvres des pays en développement. Grâce à ce soutien, Fatuma a pu faire construire sa propre maison, où elle habite aujourd’hui avec sa famille. Ses quatre enfants vont à l’école. BeadforLife est membre de la Fédération du Commerce Equitable (Fairtrade Federation).
Pour en savoir plus : www.beadforlife.fr
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INITIATIVES DE COMMERCE DURABLE EN OUGANDA Depuis le Sommet de la Terre à Rio en 1992, les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux enjeux écologiques et aux conditions de vie des populations les plus pauvres. En réponse à cette prise de conscience progressive, les initiatives se multiplient pour proposer aux consommateurs du 21ème siècle des alternatives de commerce durable plus respectueuses de l’environnement et des êtres humains les plus exposés. Par l’utilisation du mot « durable », les initiateurs de ces pratiques entendent mettre l’accent non seulement sur des conditions décentes de travail, mais aussi, sur la protection des travailleurs, et sur le fait que ces échanges commerciaux s’effectuent avec une réelle prise en compte des ressources environnementales et un souci de préservation et de régénération des matières premières. On parle donc de commerce durable lorsque les échanges commerciaux de biens et de services génèrent des bénéfices sociaux, économiques et environnementaux en conformité avec les principes fondamentaux du développement durable : •
création de valeur économique ;
•
réduction de la pauvreté et des inégalités ;
•
régénération de ressources environnementales.
Ces principes s’imposent d’autant plus que les pays en développement sont les premières victimes du réchauffement climatique et de la dégradation de l’environnement qui provoque sécheresses et inondations au détriment des paysans qui constituent l’essentiel de la population de ces pays. Pour répondre à ces défis majeurs, le gouvernement et les organisations ougandaises se sont investies massivement en faveur du développement de l’agriculture biologique et du commerce durable. Comme dans de nombreux pays du Sud, la notion de développement durable est moins perçue en Ouganda comme une obligation morale ou une dette envers les générations futures que comme un axe de développement économique et social du pays et de l’ensemble de la région. Il s’agit concrètement d’étudier dans quelle mesure telle ou telle action environnementale peut avoir une incidence directe sur l’économie du pays et sur sa structure sociale. C’est dans le cadre de ces réflexions que s’appréhendent en particulier les efforts énormes réalisés par le gouvernement ougandais pour mettre en place et soutenir la création d’une filière de production biologique certifiée en Ouganda. Le pays occupe d’ailleurs la 1ère place en Afrique en termes de superficie dédiée à ce type de production (avec 296 000 hectares) devant la Tunisie (158 000 hectares), l’Ethiopie (140 000 hectares) et la Tanzanie (62 400 hectares) 20. Les autres initiatives durables que nous avons observées et retenues s’inscrivent, elles aussi, dans cette logique de création de développement et de valeur. Qu’il s’agisse, comme pour la société Fruits of the Nile, de concevoir et de distribuer des systèmes de transformation (séchage) des fruits grâce à l’énergie solaire, ou comme Ndali Estate de repenser les cultures de production dans le cadre de mélanges étudiés d’essences et de plantes capables de s’enrichir les unes les autres, chacun de ces projets répond aux spécifications du développement durable, tout en favorisant un enrichissement direct des producteurs.
Pour en savoir plus : www.riaed.net
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UGANDA ORGANIC CERTIFICATION LTD. UGOCERT Le projet de mise en place d’un programme de Certification Biologique Ougandais a été évoqué dès 1998 dans le cadre de la première conférence internationale des exploitants de l’agriculture biologique organisé en Ouganda. La création de NOGAMU, le Mouvement National de l’Agriculture Biologique en Ouganda (National Organic Agricultural Movement of Uganda) en 2001 a été marqué par une dynamique d’unification de l’ensemble des parties prenantes dans le secteur et a rendu possible le développement d’un programme national de certification qui s’est concrétisé avec la définition de standards nationaux (Uganda Organic standards - UOS) et la création d’une agence chargée de la certification des produits biologiques ougandais. C’est ainsi qu’est née UgoCert, l’Agence Ougandaise de Certification Biologique. En 2001, UgoCert a mis en place le Comité de Référentiel Biologique (Organic Standards Committee) chargé de définir les critères de certification, puis, un an plus tard, un programme de certification a été initié avec l’appui de Grolink AB, une organisation suédoise spécialisée, et le soutien financier du programme EPOPA. Reconnu organisme certificateur en 2004, UgoCert fait partie du groupe NOGAMU qui associe l’ensemble des acteurs de la filière biologique ougandaise, aussi bien les compagnies privées, les organisations de consommateurs et les ONG que l’Autorité Ougandaise de Développement du Café Ougandais (Uganda Coffee Development Authority). La création d’UgoCert répondait à la volonté de ces acteurs de mettre en place une agence de certification capable de proposer l’ensemble des services nécessaires aux opérateurs ougandais de la filière biologique mais aussi de présenter une démarche crédible auprès des acheteurs internationaux de la filière biologique. Pour ce faire, UgoCert s’est fixé pour mission principale de « contribuer au développement et au renforcement de systèmes de production intégrés à un environnement durable (environmentally sustainable production systems) en développant des standards et des lignes directrices et en favorisant la confiance envers la production biologique. UgoCert oeuvrera activement en faveur de systèmes de production intégrés à un environnement durable en Ouganda et dans le reste du monde » 21. Enfin, UgoCert s’est vu confié par les autorités ougandaises un ensemble de missions complémentaires qui vont de l’information des opérateurs, à la représentation auprès des instances internationales en passant par la participation aux programmes de coopération et la promotion de la filière nationale.
Pour en savoir plus : www.ugocert.org
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KAWACOM Fondée en 1996, la société Kawacom s’est très rapidement imposée comme l’une des principales sociétés d’export de café robusta en Ouganda. Dès 1998, la société s’engage dans le commerce international du café biologique et devient ainsi la première société ougandaise d’export spécialisée dans le café ougandais bio. Kawacom s’est illustrée en participant aux programmes de soutien à la conversion biologique de plusieurs filières locales de production de café, notamment dans le District de Bushenyi, en partenariat avec Krav Control et AgroEco Conseil, deux agences d’origine européenne qui accompagnent ce type de démarches. Un cultivateur de café du Mont Elgon explique pourquoi il a participé à ce programme : « Un de mes amis m’a parlé du projet bio et de Kawacom. Grâce au prix fort, je pourrai envoyer mes enfants dans une meilleure école » 22. Accompagné par l’une des conseillères de Kawacom, il a commencé à suivre les formations du programme et procède aux premiers aménagements sur ses terres. Sa ferme pourra être certifiée bio l’année prochaine. Aujourd’hui, plus de 10 000 producteurs se sont engagés auprès de Kawacom pour produire et vendre du café biologique, faisant de l’Ouganda le premier producteur de café bio en Afrique subsaharienne.
Pour en savoir plus : www.kawacom.com www.forumducommerce.org
LE LABEL BUKONZO ORGANICS Mis en oeuvre par un consortium d’ONG coordonné par l’organisation Kiima Foods, ce projet a pour objectif la création et la mise en place d’un label de certification biologique de production du café, des fruits et de la vanille en Ouganda, en renforçant les liens entre des agriculteurs isolés afin de les aider à atteindre l’objectif de la commercialisation de leurs produits. Regroupées sous le nom de Bukonzo Organics, ces six Organisations Non-Gouvernementales développent ce programme qui prévoit la mise en œuvre de formations destinées aux agriculteurs ainsi qu’un ensemble d’actions de soutien aux petites exploitations pour qu’elles se constituent en coopératives primaires, qu’elles mettent en pratique des systèmes de contrôle interne (SCI) et qu’elles s’organisent pour gérer des unités locales de transformation. L’objectif plus spécifique de ce projet était d’établir une coopération entre les ONG locales et les former sur des méthodes de mise en place et de suivi du SCI. Aujourd’hui Bukonzo Organics emploie des inspecteurs chargés de contrôler et de former les agriculteurs au respect des normes du système de contrôle interne. Bien que subventionné par des organisations d’aide au développement, ce processus d’acquisition d’un label biologique est long et coûteux. Mais d’importants progrès ont été réalisés et les producteurs doivent se concentrer sur la certification du café et constituer une coopérative en leur nom propre, et non plus au nom de Bukonzo Organics. Avec l’appui des six ONG à l’origine du projet et du Kabarole Research Centre situé à Kasese, les agriculteurs impliqués dans ce programme travaillent pour remplir les conditions permettant la certification (norme UGOCERT) et renforcer leurs capacités de production.
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NUCAFE LA COOPERATION GLOBALE Organiser les filières de production Fondée en 1995 sous le nom d’Association Ougandaise des Fermiers de Café, l’organisation a pris le nom d’Union Nationale des Négociants de Café et des Fermes Entreprises (National Union of Coffee Agribusinesses and Farm Enterprises - NUCAFE) en 2003 pour affirmer le projet stratégique déterminé par les producteurs membres. Forte de ses 125 associations membres présentes sur l’ensemble du territoire national, la NUCAFE a pour mission de «développer un système durable et orienté vers les marchés d’associations de producteurs de café qui favorise un accroissement des revenus de leurs exploitations». Cette logique s’inscrit dans le cadre des politiques de soutien aux producteurs fragilisés par la crise des marchés du café et les maladies qui ont affecté les plantations depuis le milieu des années 1990. Pour répondre à ces défis et soutenir le secteur de production du café, la NUCAFE développe des programmes d’appui aux fermiers et aux coopératives pour les encourager à investir et s’approprier l’ensemble des maillons de la chaîne de production du café, de la culture à la commercialisation en passant par la maîtrise des procédés de transformation et de conditionnement. Pour ce faire, la NUCAFE fournit aux producteurs et aux organisations de producteurs un ensemble de services et de matériels grâce auxquels ceux-ci peuvent améliorer leurs positions stratégiques dans la chaîne globale de valorisation du café (coffee value chain), augmenter leurs marges et maîtriser les activités à plus haute valeur ajoutée. Certaines des associations membres de la NUCAFE sont elles-mêmes constituées de groupements de producteurs. Toutes ensembles, ces associations représentent plus de 100.000 familles de producteurs (soit près de 6% du nombre total de plantations en Ouganda). La NUCAFE les encourage à occuper le plus grand nombre possible de fonctions dans le système productif et commercial global du café en Ouganda, de manière à constituer un réseau capable de porter des projets transversaux dans ce secteur, d’assurer la diffusion des pratiques nouvelles et de mutualiser les investissements et les innovations. C’est en particulier dans le domaine de l’amélioration de la qualité de la production que s’investit la NUCAFE qui a développé des nouvelles gammes de produits à haute valeur ajoutée qu’elle propose aux acheteurs étrangers pour le compte des producteurs membres.
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Le café durable et équitable A partir de 2007, l’organisation investit dans la production de café durable et équitable certifié avec l’aide de partenaires occidentaux, dont Agricord, Agriterra, USAID et Oxfam International. Ainsi, dans le cadre de son Plan Stratégique 2008 - 2012, la NUCAFE s’est notamment fixé pour objectif de «certifier commerce équitable, UTZ certified et biologique, et de contrôler 10 % de ses associations membres» pendant cette période tout en visant à ce «que 70 % de son système global puisse être considéré comme durable». La certification UTZ Certified Très présent en Afrique de l’est, UTZ Certified est un programme de certification mondial qui plaide « pour une production et des achats de café responsables » en offrant « la garantie d’une qualité sociale et environnementale dans la production de café ». Géré par la Fondation UTZ, une organisation indépendante à but non lucratif, dont le siège est aux Pays-Bas et au Guatemala, le Code de conduite UTZ couvre trois domaines : les bonnes pratiques agricoles et commerciales, les critères sociaux au regard des conventions de l’Organisation Internationale du Travail, et les critères environnementaux. La certification, un parcours difficile Le cas de la certification UTZ illustre bien les difficultés que rencontrent les petits exploitants et les coopératives de producteurs à s’inscrire dans le cadre des programmes de certification durable. En effet, ainsi que le montre les études réalisées sur le sujet, ce sont souvent les exploitations les plus importantes ou celles dont les responsables sont déjà sensibilisés aux questions de certification qui sont aujourd’hui les plus à même d’intégrer ces programmes. Autrement dit, rarement ceux qui en ont le plus besoin.
NUCAFE, l’Union Nationale ougandaise des Négociants de Café et des Fermes Entreprises, a su mettre en place un systéme de gestion grâce auquel ces obstacles ont pu être gérés et levés les uns après les autres. En effet, lors de la Convention Nationale des Fermiers ougandais en 2008, l’organisation a annoncé qu’une première coopérative membre, la Kibinge Coffee Farmers Association s’était vue certifiée UTZ devenant ainsi la première en Ouganda.
Pour en savoir plus : www.nucafe.org www.omdm.be www.fao.org www.utz-certified.org
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C’est à ce niveau que le rôle d’une organisation comme NUCAFE prend tout son sens en pilotant des projets de certification pour des groupes relativement importants d’associations de producteurs avec le soutien des agences de promotion et de certification du commerce équitable, biologique ou durable. Celles-ci sont en effet pleinement conscientes de cette situation et du fait que pour accompagner les organisations de producteurs vers la certification, il y a un certain nombre d’obstacles à lever : Les coûts de la certification : Ceux-ci dépendent largement du type de certification visée mais globalement le passage à une production certifiée impose à l’organisation de producteurs des coûts qui sont relativement importants et qui comprennent tant les coûts directs (documentation, recherche, certification, investissements obligatoires, etc.) que les coûts indirects (temps passé en formation, délais de rentabilité accrus, conformité à la législation sociale et environnementale, etc.). Changements organisationnels : Par certains aspects, le changement des habitudes et des méthodes constitue souvent l’un des obstacles principaux à la certification. En effet, aussi bien dans les domaines de la production que de la commercialisation, la certification impose aux producteurs d’adopter de nouvelles pratiques dont les bénéfices ne sont pas toujours perçus immédiatement. L’abandon des solutions faciles : L’obtention de la certification durable, responsable ou biologique requiert notamment de renoncer aux pesticides ou aux engrais artificiels (dont l’usage est toutefois peu répandu en Ouganda) au profit de solutions naturelles qui nécessitent parfois un surcroît de travail de la part des cultivateurs ainsi que l’adaptation des plantations (avec par exemple la plantation d’essences mélangées pour enrichir les sols naturellement).
UNE PECHE DURABLE SUR LE LAC VICTORIA Deuxième plus grand lac d’eau douce du monde avec une superficie de 68 800 km², le Lac Victoria borde trois pays d’Afrique de l’Est : la Tanzanie (pour 51 % de ses côtes), l’Ouganda (43 %) et le Kenya (6 %). En Europe, le Lac Victoria s’est particulièrement fait connaître en 2005 avec la sortie sur les écrans de cinéma du documentaire « Le Cauchemar de Darwin » d’Hubert Sauper qui décrit la situation alarmante des populations riveraines du lac qui dépendent de plus en plus d’une ressource à la fois précieuse et prédatrice : la « perche du Nil », un poisson très apprécié des consommateurs des pays développés. Très lucrative, cette pêche génère plus de 100 millions de dollars de recettes annuelles et emploie près de 700 000 personnes. Mais cette activité économique génère de nombreux effets pervers au niveau environnemental liés en particulier à la surexploitation des ressources et aux très importants déséquilibres constatés dans la biodiversité du lac et de ses rives. Le Groupe des Femmes Pêcheuses de Katosi (Katosi Women Fishing Group) est une association de femmes créée à la fin des années 1990 pour améliorer les conditions de vie des femmes de Katosi, une petite bourgade portuaire de quelques milliers d’habitants située sur les rives du Lac Victoria. Les femmes de l’association pratiquent la pêche depuis des décennies sur le lac et le poisson qu’elles pêchent est pour l’essentiel destiné à l’exportation vers les pays riches. Mais les évolutions de ces dernières années, tant au niveau de la raréfaction des ressources qu’au niveau des évolutions du marché, ont poussé les femmes de Katosi à vouloir diversifier leurs activités. En s’engageant dans la transformation du poisson séché et en réalisant de nouveaux investissements collectifs dans les domaines de l’élevage et l’artisanat, les femmes de Katosi se mobilisent pour ne plus dépendre que de la pêche.
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Margaret Nakato est l’une des leaders du Katosi Women Fishing Group mais elle est aussi Vice-Présidente du Forum Mondial des Pêcheurs. C’est à ce titre notamment qu’elle et ses amies militent en faveur de l’adoption des principes du commerce durable dans le secteur de la pêche en particulier en Ouganda. Elle s’en explique : « Nous devons faire pression pour être associés aux prises de décisions. Sinon, tous nos efforts seront vains. Il faut que les prix remontent. Le prix du fuel et le prix des filets de pêche augmentent mais le prix du poisson pour les pêcheurs, lui, est toujours le même. Ce n’est pas rentable et c’est dangereux. La surexploitation du lac a déjà diminué les ressources en poissons. Et maintenant, pour gagner plus d’argent, les pêcheurs utilisent des filets qui capturent même les jeunes poissons. Les stocks s’épuisent. A moins d’une réaction rapide, il n’y aura bientôt plus de poissons. Il faut que les communautés de pêcheurs du lac s’organisent en réseau, non seulement pour améliorer leurs conditions de vie mais aussi pour conserver les ressources en poissons. Les fonds nous manquent encore pour mettre en place un tel réseau mais c’est essentiel pour la survie des communautés ». Pionnières sur ces questions, les femmes du Katosi Women Fishing Group ont commencé à développer des projets et des actions collectives pour répondre à ces problèmes. Ainsi, le groupe s’est rapproché d’organismes de financements pour mettre en place des plans de crédits pour le démarrage de nouvelles activités et le soutien aux investissements productifs. Mais les projets du groupe ne s’arrêtent pas là : « Nous réfléchissons à de grandes réalisations pour les femmes de la région qui soient aussi des sources d’emplois. Nos projets incluent l’acquisition d’un bateau équipé de cales réfrigérées et la mise en place d’un site de transformation à Katosi, ainsi nous pourrons préparer nous-mêmes le poisson pour l’export au lieu de le vendre cru. (…) Ce projet permettrait aux femmes de toute la région d’accéder au commerce mondial, créerait de l’emploi et répondrait à nos vœux d’industrialisation. Aujourd’hui, les usines de transformation du poisson présentes en Ouganda sont pour la plupart aux mains des investisseurs étrangers » 23. Les femmes de Katosi se mobilisent en faveur d’une pêche équitable et durable sur le Lac Victoria et, si les obstacles sont nombreux, leur démarche commence à porter ses fruits. Ainsi, l’association Katosi a été retenue par plusieurs fondations internationales (dont la Fondation Charles Léopold Mayer et l’ADEPA, le réseau sur la pêche en Afrique de l’ouest) pour organiser des échanges avec les communautés littorales de Tanzanie afin d’intervenir dans la gestion de la ressource du lac Victoria. Des représentants de ces communautés doivent venir en Europe afin d’établir une alliance avec les organisations de consommateurs et citoyennes et des grandes surfaces pour tenter de faire évoluer cette situation et tenter, enfin, de faire entrer les pratiques durables dans la filière de la pêche sur le Lac Victoria.
Pour en savoir plus : www.altermondes.org www.icsf.net www.fph.ch
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TREES FOR GLOBAL BENEFIT Trees for Global Benefit (« Des arbres pour un bénéfice global ») est un projet de certification Plan Vivo mis en place en mai 2003 avec la participation des communautés rurales du District de Bushenyi, dans le sud-ouest de l’Ouganda. Elaboré en 1994 dans la région du Chiapas au Mexique, le concept de Plan Vivo a été mis en œvre dans le cadre d’un programme international de recherche piloté par le Centre de Gestion du Carbone d’Edimbourg (Edinburgh Centre for Carbon Management) et l’Université d’Edimbourg pour concevoir un système global de gestion des émissions de CO2 par les communautés rurales. Le projet Trees for Global Benefit vise à mettre à disposition de ces communautés rurales des moyens originaux pour tirer profit de leur environnement tout en favorisant un reboisement des forêts de la région. En incitant ces populations à implanter et à exploiter des pépinières d’essences mélangées, le projet a clairement pour objectif de réduire les émissions de gaz carbonique par ces communautés et les exploitations agricoles qui sont à l’origine de plus de 90 % des émissions de gaz du pays. Le projet Trees for Global Benefit s’inscrit très clairement dans une démarche qui se veut profitable aux communautés. En plus d’être formées aux pratiques des plantations durables, celles-ci bénéficient de conseils pour mieux exploiter commercialement leur production en jouant sur les éléments de la biodiversité locale. Administré par l’agence Environment Conservation Trust Uganda (EcoTrust) avec la collaboration du Centre de Gestion du Carbone d’Edimbourg, le projet Trees for Global Benefit bénéficie du soutien de Rainforest Alliance qui en assure la tierce évaluation.
Pour en savoir plus : www.treesftf.org/projects/uganda.htm www.planvivo.com/fx.planvivo/scheme/uganda.aspx
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KAMPALA JELLITONE SUPPLIERS L’utilisation du bois comme combustible contribue à la déforestation et de nombreux projets dans le monde visent à concevoir des solutions alternatives susceptibles d’être effectivement déployées dans les pays en développement. Lauréate du Prix Ashden 2009 pour les énergies renouvelables, la compagnie Kampala Jellitone Suppliers utilise des résidus agricoles usagés pour fabriquer des briquettes combustibles à base de sciure de bois séché et compacté, de pelures d’arachides et de résidus des cultures de café. Le combustible ainsi produit remplace alors le bois et le charbon de bois qu’utilise une grande partie de la population ougandaise.
Concrète et relativement facile à mettre en place, la solution élaborée par Kampala Jellitone Suppliers rencontre un réel succès en Ouganda. Des écoles, des hôpitaux et des usines dans tout le pays achètent et consomment ces briquettes qui sont produites à raison de 130 tonnes par mois environ pour un coût à l’achat inférieur au prix du bois ou du charbon (rapporté à l’énergie produite). Outre le facteur recyclage des déchets, les bénéfices environnementaux de cette activité sont significatifs. En effet, l’étude menée par la Faculté d’Ingénierie de l’Université de Makarere a montré que le système mis en place par Kampala Jellitone Suppliers permet d’économiser près de 6,1 tonne de CO2 par tonne de briquette produite, ce qui correspond à environ 9 300 tonnes par an. Soutenu dans le cadre de plusieurs projets internationaux (notamment par le gouvernement danois), le processus de fabrication des briquettes combustibles mis en place par Kampala Jellitone Suppliers présente comme intérêt majeur de pouvoir s’inscrire dans le cadre d’actions de dissémination et de reproduction dans de nombreux pays d’Afrique en particulier où la matière première ne manque pas.
Pour en savoir plus : www.ashdenawards.org/winners/ KJS09
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Après des décennies de guerres et de dictatures qui ont détruit une grande partie du système productif et des équilibres communautaires hérités de l’ère coloniale, l’Ouganda réintègre l’ordre économique mondial en misant sur des secteurs à forte croissance et des activités à forte valeur ajoutée économique et écologique. En ce qu’elles contribuent à développer la richesse du pays tout en élevant le niveau de qualification de la population et en s’efforçant de préserver une nature exceptionnelle, ces initiatives soulignent l’engagement de l’Ouganda en faveur du commerce équitable, durable et biologique et de l’établissement de dispositifs régionaux dans ces différents domaines. A terme, cet investissement devrait porter ses fruits et, espérons le, l’Ouganda redeviendra la Perle de l’Afrique.
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SOURCES, EXTRAITS ET NOTES 1
Source : Atlaséco 2009
2
Source : African Economic Outlook
3
Source : Oxfam-Magasins du Monde. Pour en savoir plus : www.omdm.be/analyses
4
Source : Cité dans CaféDirect PLC Annual Report 2207-2008
5
Source : Dee Axelrod , « Muslim, Jewish, and Christian coffee farmers make mirembe kawomera - delicious peace », in Yes Magazine, 8 novembre 2005 - www.yesmagazine.org/issues/spiritual-uprising/java-justice
6
Source : FAO, cité dans « Le secteur du thé dans les relations commerciales UE-ACP », Note de synthèse Agritrade, Avril 2009
7
Source : Interview de Silver Kasoro-Atwoki accordée à Fairtrade Foundation - www.fairtrade.org.uk/producers/ tea/mabale_growers_tea_factory/silver_kasoro_atwoki.aspx
8
Source : Jon Wills, « Ugandan Tea Grower On Fairtrade Mission”, in Tea News Direct, 24 mars 2008 www.teanewsdirect.com/2008/03/ugandan-tea-grower-on-fairtrade-mission
9
Source : www.cafedirect.co.uk/our_partners/africa/uganda/mpanga3
10
Source : www.cafedirect.co.uk/our_partners/africa/uganda/igara2
11
Source : www.fmfoods.co.uk/tw/ugandaprofile.htm
12
Source : www.fmfoods.co.uk/tw/ugandaprofile.htm
13
Source : http://lacurieusehistoiredumonde.centerblog.net/rub-la-planete-des-femmes-2.html
14 Source : Wambi Michael (IPS - Inter Press Service - Afrique du Sud), « Des femmes manient les outils du commerce
équitable pour combattre la pauvreté » - www.infosdelaplanete.org/4621/des-femmes-manient-les-outils-ducommerce-equitable-pour-combattre-la-pauvrete.html
15
Idem
16
Interview réalisée par l’agence Piezo le 25 novembre 2009
17
Source : http://vertes-et-mures.blogspot.com/2007/07/quid-du-commerce-quitable.html
18
Source : www.beadforlife.fr et Rapport d’évaluation « 2008 BeadforLife Evaluation Summary.pdf »
19
« Connected by a string of beads through the BeadforLife Program », in The Seattle Times, 7 décembre 2008. A lire sur http://seattletimes.nwsource.com/html/travel/2008470060_trbeadforlife07.html
20
Source : www.organic-market.info
21
Source : www.ugocert.org
22
Source : Camilla Ohlsson et Alex Kasterine, Centre du commerce international, « Ouganda: Les agriculteurs bio séduisent l’Europe », www.forumducommerce.org/news/fullstory.php/aid/1071
23
Source : www.icsf.net
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