Commerce équitable, commerce durable et production biologique en Bolivie

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COMMERCE ÉQUITABLE, COMMERCE DURABLE ET PRODUCTION BIOLOGIQUE EN BOLIVIE 1


ÉDITEUR RESPONSABLE Carl MICHIELS COORDINATION Phenyx43 RÉDACTION Dan AZRIA - Phenyx43 CONCEPTION Julie RICHTER - Phenyx43 PHOTO COUVERTURE Attilio Perez, producteur d’Anapqui - Crédit : Alter Eco

Cette publication du Trade for Development Centre ne représente pas l’avis officiel de la Coopération belge au Développement Bruxelles, décembre 2011

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INTRODUCTION

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DÉCOUVRIR LA BOLIVIE

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LE COMMERCE ÉQUITABLE, LE COMMERCE DURABLE ET LA PRODUCTION BIOLOGIQUE

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LES AUTRES SYSTEMES DE CERTIFICATIONS EN BOLIVIE

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CONCLUSION

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INTRODUCTION Enclavée au cœur de l’Amérique latine, la Bolivie est le pays le plus isolé et le plus élevé du continent. En dépit de l’étendue de ses ressources minières et énergétiques, la Bolivie demeure l’un des Etats les moins développés de cette partie du monde. Mortalité infantile, analphabétisme, violences faites aux femmes… les fléaux qui affectent le pays sont nombreux et difficiles à éradiquer. Pourtant, on observe depuis quelques années des progrès significatifs dans de nombreux domaines (santé, éducation) et, aujourd’hui, la Bolivie s’illustre par des prises de position environnementalistes et sociales fortes et originales, héritées des traditions indiennes autochtones qui s’expriment enfin, après des siècles de brimades et d’oppression. De fait, les Boliviens s’approprient aujourd’hui ces modèles économiques alternatifs que sont le commerce équitable, le commerce durable et l’agriculture biologique avec d’autant plus de volontarisme qu’ils s’inscrivent naturellement dans leurs cultures ancestrales et dans les pratiques naturelles et communautaires qui sont au cœur du patrimoine bolivien. Des initiatives à découvrir.

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Femme et enfant Aymara - CrĂŠdit : Practical action / Helen Marsh

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DÉCOUVRIR LA BOLIVIE

TERRES D’EXTRÊME REGARDS SUR L’HISTOIRE FRACTURES ET DÉFIS UNE ÉCONOMIE EN DEVENIR

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TERRES D’EXTRÊME Terre de contrastes, la Bolivie est le pays le plus élevé et le plus enclavé d’Amérique latine, entre le Chili, le Pérou, le Paraguay, le Brésil et l’Argentine.

Du fait de cette topographie très particulière, moins de 5 % des terres sont cultivables. Massifs, escarpements et infrastructures déficientes, les distances sont énormes, tant à l’intérieur du pays que par rapport au reste du monde. De nombreuses communautés indigènes vivent encore dans des zones reculées, difficiles d’accès, tandis que se concentrent dans les villes les descendants des Européens et tout ceux que l’exode rural a chassé de leurs terres.

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Mont Illampu - Crédit : Codiferous (Cody H.)

Contrainte par des reliefs accentués, avec des montagnes très hautes et des vallées profondes, la Bolivie connaît d’importantes variations climatiques liées à l’altitude. De l’Amazonie humide et tropicale aux plateaux froids et arides de l’Altiplano (la plus haute région habitée au monde après le plateau du Tibet) en passant par les volcans et canyons lunaires du sud, le pays offre une multitude de paysages, d’horizons et de senteurs.


Lac salé de Salar de Uyuni - Crédit : UN Photo / Andi Gitow

REGARDS SUR L’HISTOIRE Un pont d’or et de sang

Réformes et coup d’Etat

Avant sa colonisation par les Européens, le territoire de l’actuelle Bolivie faisait partie de l’Empire Inca, qui était alors la grande puissance de l’Amérique précolombienne.

Arrivé au pouvoir en 1952 malgré l’opposition de l’armée, le Mouvement Nationaliste Révolutionnaire est à l’origine des nombreuses évolutions que connaît la Bolivie à cette époque. Suffrage universel, réforme agraire, nationalisation des mines,… la politique interventionniste du nouveau gouvernement permet de redistribuer certaines des richesses détenues par les grands propriétaires. Mais les militaires s’opposent à ce projet politique et, en 1964, les généraux prennent le pouvoir à l’occasion d’un coup d’Etat particulièrement violent. Pendant près de vingt ans, les libertés individuelles sont mises à mal et les opposants persécutés.

Dans la violence et le sang, les conquérants espagnols s’approprient ces terres, imposent le catholicisme et s’emparent des fabuleux trésors qu’abrite le continent. Pendant plus de deux siècles, ces provinces sont pillées par les colons et c’est un véritable pont d’or et d’argent qui relie l’Amérique latine au Royaume d’Espagne.

Indépendance et conflits En 1825, après 16 ans de guerre, le pays obtient son indépendance et choisit son nom en hommage au héros national, Simon Bolivar. Mais l’indépendance n’amène pas la paix. Pendant plus d’un siècle, la Bolivie ne connaît que guerres aux frontières, révolutions et dictatures. Les conflits qui l’opposent à ses voisins affaiblissent considérablement le pays qui perd une partie de son territoire et son unique accès à la mer.

Dettes et démocratie Ce n’est que depuis 1985 que la démocratie pluraliste est instaurée dans le pays. Confrontés à des situations économiques et sociales tendues, les présidents qui se succèdent engagent le pays sur la voie des réformes exigées par les institutions financières internationales. En contrepartie d’un aménagement de sa dette, la Bolivie est contrainte de mener une politique drastique de lutte contre l’inflation, de réduction du déficit budgétaire et de privatisation de pans entiers de l’économie nationale.

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Fête du 1er mai à La Paz - Crédit : Jonquières, Alberto / UNESCO

Le pétrole et les droits des natifs Intérêts des multinationales contre revendications sociales, la découverte en 2000 d’immenses gisements de gaz provoque une crise politique qui va durer plusieurs années. Des mouvements populaires, essentiellement indiens, réclament (entre autres) la renationalisation des réserves de pétrole et de gaz, dont l’exploitation a été confiée à des firmes américaines et européennes. Les protestations et les tensions sociales fragilisent le pays et opposent les communautés. L’élection d’Evo Morales à la tête de l’Etat en 2005 marque un tournant majeur dans l’histoire politique et sociale de la Bolivie. Premier président d’origine amérindienne depuis le XIXème siècle, Evo Morales annonce la nationalisation des hydrocarbures et la renégociation de tous les contrats conclus avec les entreprises étrangères avec pour objectif de réserver à l’État plus de 80% des revenus issus de ces exploitations1. Pour importantes qu’elles soient en termes économiques et de justice sociale, ces décisions ne permettent cependant pas de résorber les fractures qui fragilisent le pays.

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FRACTURES ET DÉFIS

Marche de soutien à la constitution bolivienne - Crédit : Edwin Velásquez

Une nation déchirée Depuis 2005, les régions de l’est du pays réclament une plus grande autonomie (voire la sécession) et s’opposent aux mouvements d’origine autochtone qui dénoncent ces revendications, qui auraient pour seuls buts selon eux de servir les intérêts de la minorité oligarchique du pays. Malgré l’adhésion nationale au projet unitaire exprimée lors du référendum de 2006, les résultats favorables à l’autonomie obtenus dans les départements de Santa Cruz, Tarija et Pando trahissent la fracture territoriale est-ouest du pays. A de nombreuses occasions, ces oppositions dégénèrent en violences aussi bien dans les villes que dans les zones rurales. Les réformes mises en œuvre par la majorité présidentielle rencontrent des résistances très vives de la part des élites économiques créoles et des autorités locales (préfets) des régions de l’est qui concentrent les principales richesses du pays2. Depuis, de nouvelles consultations populaires ont été organisées qui ont confirmé la majorité unitariste au niveau national mais les volontés irrédentistes des riches régions orientales ne semblent pas fléchir.

Ethnies et pauvreté Estimée à un peu plus de 10 millions d’habitants, la population bolivienne est composée à près de 55 % d’Amérindiens (dont 30 % de Quechua et 25 % d’Aymara), à 30 % de métis et à 15 % de blancs d’origine européenne. Le pays est l’un des plus pauvres d’Amérique latine malgré des indicateurs de développement en croissance nette depuis plusieurs années. Les clivages économiques et sociaux se superposent aux divisions ethniques, et les populations les plus pauvres du pays sont majoritairement les Boliviens indigènes des zones rurales.

La coca, entre trafic et tradition En dépit de la mise en œuvre de politiques d’éradication (parfois très violentes) et de programmes de culture alternative, la Bolivie reste l’un des plus importants producteurs de feuilles de coca au monde. Les réactions à la répression menée contre les paysans ont d’ailleurs contribué à l’élection d’Evo Morales qui s’efforce depuis son accession au pouvoir de réhabiliter l’usage traditionnel de la coca, plante d’essence divine dans les cultures indiennes ancestrales. Mais cette attitude heurte les positions des Etats-Unis qui retirent en 2008 à la Bolivie les bénéfices commerciaux obtenus par le précédent gouvernement en échange de son engagement en faveur de l’éradication des cultures de coca. La Bolivie est alors classée par le gouvernement de Georges Bush Jr parmi les «mauvais élèves» de la «guerre contre la drogue».

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Lamas sur le lac salé de Salar de Uyuni - Crédit : Anouchka Unel

Longtemps, la Bolivie a été l’un des pays les plus pauvres du continent. Ce n’est qu’à partir des années 1990 que l’économie du pays se modernise.

UNE ÉCONOMIE EN DEVENIR Adhésion au MERCOSUR, privatisation de nombreuses compagnies publiques, soutien aux échanges régionaux… les réformes mises en œuvre par les premiers gouvernements démocratiquement élus ont contribué de manière significative au développement du pays, malgré sa forte dépendance à l’aide internationale. A partir de 1999, les institutions financières mondiales ont imposé à la Bolivie la mise en place de politiques d’austérité qui ont ralenti la croissance et abouti à la réduction des programmes de lutte contre la pauvreté, avec pour conséquences une aggravation des difficultés sociales, sensibles en particulier dans la paysannerie. Pourtant, malgré de sérieuses faiblesses structurelles (dette, infrastructures défaillantes, enclavement), la Bolivie dispose d’atouts importants pour affronter l’avenir. Le pays possède en effet des matières premières abondantes (gaz, pétrole, étain, plomb, tungstène, or et argent), ainsi que la moitié des réserves mondiales de lithium (très largement sous-exploitées), l’un des principaux éléments utilisés pour la fabrication des batteries de nombreux produits technologiques (téléphones et ordinateurs portables, etc.). Associées à une gouvernance économique considérée comme saine et judicieuse, ces ressources ont contribué à la baisse des niveaux de pauvreté au cours des dernières années et permis à la Bolivie de supporter sans trop de dommages la crise financière de 2008-20093. Globalement, les réformes mises en œuvre par le gouvernement d’Evo Morales ont assuré à la Bolivie une croissance maîtrisée et permis d’améliorer notablement la situation sociale. Cependant, nombre de problèmes demeurent, comme les inégalités et l’exclusion (dont sont en particulier victimes les autochtones), la relative fragilité des institutions démocratiques, les tensions politiques internes et la faible diversification de l’économie.

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LE COMMERCE ÉQUITABLE, LE COMMERCE DURABLE ET LA PRODUCTION BIOLOGIQUE Commerce équitable ? Commerce durable ? Production biologique ? Du poInt de vue du consommateur, ces différentes appellations recouvrent des concepts qu’il est souvent difficile de distinguer précisément. Il est donc nécessaire, avant de se plonger dans la réalité des initiatives mises en œuvre en Bolivie, d’évoquer ce que chacune de ces notions recouvre et d’en détailler les principaux constituants. Quels sont les points communs et les différences entre ces différents modèles ? Sur base de quels critères sont-ils définis ? Ce sont là quelques unes des questions auxquelles nous allons tenter de répondre4.

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Des modèles alternatifs Bien qu’ils soient nés à des époques différentes, le commerce équitable et la production biologique sont les fruits de préoccupations assez proches les unes des autres. En effet, il s’agissait à chaque fois de proposer des modèles qui permettent de corriger les excès et les dérives des systèmes commerciaux et/ou productifs dominants. Les pionniers de l’équitable et du biologique ont imaginé ces modèles comme des alternatives corrigées de l’économie de marché en accordant une importance nouvelle aux questions environnementales et sociales, considérées elles aussi comme des piliers du développement, à l’égale des logiques économiques. Plus récentes, les certifications durables ont été mises en place avec la volonté d’intégrer les opérateurs de l’économie traditionnelle dans une logique de croissance plus soucieuse de l’environnement et des conditions de vie des travailleurs, en particulier dans les pays du Sud.

Les trois piliers du développement Le commerce équitable, le commerce durable et la production biologique ont donc comme principal point commun d’appréhender le développement sur la base de ces trois piliers : l’économie, le social et l’environnemental. Outre leur histoire propre et leur organisation globale, ces trois modèles se distinguent donc essentiellement par le fait qu’ils accordent plus ou moins d’importance à chacune de ces questions. Il importe de souligner que ces 3 piliers se positionnent l’un par rapport à l’autre en fonction de l’attention que chacun d’eux porte à des critères précis que l’on peut lister ainsi (en sachant qu’on peut évidemment les approfondir)5 :

ENVIRONNEMENT

SOCIAL

ÉCONOMIE

Gestion de l’énergie

Interdiction du travail forcé

Prix minimum garanti

Gestion de l’air

Interdiction du travail d’enfants

Prime

Gestion de l’eau

Interdiction de la discrimination

Préfinancement

Gestion du sol

Rémunérations décentes

Traçabilité

Gestion des déchets

Liberté d’association et de négociation collective

Gestion de la biodiversité Mesures contre les OGM Gestion du transport

Temps de travail Santé et sécurité Mesures disciplinaires décentes Gestion des plaintes Droits de peuples indigènes

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Il est donc possible de représenter ainsi ces trois modèles :

ÉCONOMIQUE +

DURABLE -

-

BIOLOGIQUE

ÉQUITABLE +

-

ENVIRONNEMENTAL

+

SOCIAL

Labels, garanties et certifications Ces modèles alternatifs respectent les principes fondamentaux de l’économie de marché. Le consommateur est libre de choisir le produit qui l’intéresse. Son engagement est de sa responsabilité.

Agroforesterie - Crédit US Aid

Or, de plus en plus de consommateurs sont sensibles à ces questions environnementales et sociales et sont conscients des dérives du système dominant et des menaces qu’il fait peser sur les sociétés et les écosystèmes. Nous sommes ainsi nombreux à vouloir que nos achats ne contribuent pas au réchauffement climatique, n’encouragent pas le travail des enfants ou ne meurtrissent pas les communautés indigènes. Mais comment avoir cette certitude ? Pour garantir au consommateur le fait que ses dépenses répondent à ces préoccupations, les pionniers de l’équitable, du biologique et du durable ont adopté le principe de certifications qui permettent de garantir formellement que le produit acheté a été élaboré et commercialisé dans le respect de tout ou partie de ces critères. Il existe aujourd’hui plusieurs dizaines de certifications et de labels équitables, biologiques ou durables. Si la plupart respecte l’essentiel de ces critères, chacun à ses spécificités qui peuvent être de nature sectorielle (appliqué plus particulièrement à l’agriculture par exemple), géographique ou culturelle. Certaines de ses certifications ont aussi été élaborées pour s’appliquer à des familles particulières de produits (les plantes rares, par exemple, ou les produits de la mer).

Pour en savoir plus : «Commerce équitable et durable - Tant de labels et de systèmes de garantie... Comment s’y retrouver en tant que consommateur?», Une brochure du Trade for Development Centre éditée en janvier 2010, disponible sur www.befair.be

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Artisane bolivienne - Crédit : Magasins du Monde

LE COMMERCE ÉQUITABLE EN BOLIVIE Le commerce équitable est né d’un constat simple : les écarts de richesse entre les populations des pays les plus riches et celles des pays les plus pauvres ne cessent de se creuser malgré les sommes investies dans l’aide au développement.

AUX ORIGINES DU COMMERCE ÉQUITABLE Guerres, catastrophes naturelles, infrastructures défaillantes, corruption,… les causes de ces déséquilibres sont multiples mais parmi celles-ci figurent indubitablement des problèmes économiques structurels. La spéculation sur les matières premières, la spirale de l’endettement, la concurrence subventionnée des producteurs des pays industrialisés, tous ces mécanismes constituent autant d’obstacles au décollage des pays les plus pauvres qui ne maîtrisent pas leur développement. Bien que ces inégalités commerciales aient été mises en évidence dès le XIXème siècle (notamment avec la publication en 1860 du roman du Néerlandais Edouard Douwes Dekker dont Max Havelaar est le héros), c’est à partir de l’Après-guerre qu’apparaissent les premiers projets de commerce équitable initiés par des organisations américaines et anglaises (Thousands Villages aux Etats-Unis et l’ONG Oxfam au Royaume-Uni). C’est en 1964, lors de la Conférence des Nations unies pour la Coopération et le Développement (CNUCED), qu’est définie pour la première fois la notion de commerce équitable avec comme principe fondateur «Le commerce, pas la charité» («Trade, not Aid»). Les premiers magasins de commerce équitable s’ouvrent en Europe dans les années 1960, tandis que se mettent en place dans les pays en développement les coopératives et organisations de producteurs qui vont bénéficier de ces échanges plus justes.

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LE COMMERCE ÉQUITABLE, C’EST QUOI ? En 1999, les principales organisations internationales du commerce équitable (la World Fair Trade Organisation WFTO, Fairtrade International - FLO, l’European Fair Trade Association - EFTA et le Network of European World Shops - NEWS6) se sont entendues sur une définition commune : « Le commerce équitable est un partenariat commercial, fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au sud de la planète. Les organisations du commerce équitable (soutenues par les consommateurs) s’engagent activement à soutenir les producteurs, à sensibiliser l’opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et pratiques du commerce international conventionnel.» Concrètement, le commerce équitable garantit aux producteurs des pays les plus pauvres des prix d’achat généralement plus rémunérateurs que les cours mondiaux ainsi qu’une relative stabilité des prix et la mise en place de conditions et de délais de paiement favorables (voire des possibilités de préfinancement), qui évitent aux paysans et aux artisans de brader leurs produits ou d’avoir recours à des prêts usuraires.

e prix équitable couvre tous les L coûts de production du produit, y compris les coûts environnementaux, et assure aux producteurs un niveau de vie décent. De plus, les acheteurs du commerce équitable s’engagent à verser des primes supplémentaires dites «de développement» qui sont utilisées pour la réalisation d’investissements productifs et/ou de programmes sociaux (alphabétisation, accès aux soins, etc.).

Pour soutenir la mise en œuvre de ce système économique, ces organisations ont défini les 11 GRANDS PRINCIPES à respecter 1. Créer des opportunités pour les producteurs économiquement en situation de désavantage. 2. Favoriser la transparence et la crédibilité. 3. Encourager la capacité individuelle. 4. Promouvoir le commerce équitable.

Producteur CenfroCafe - Crédit : Trade Aid New Zealand

5. Garantir le paiement d’un prix juste. 6. Veiller à la non discrimination (égalité des sexes) et à la liberté d’association. 7. Assurer des conditions de travail décentes. 8. Proscrire le travail des enfants. 9. Protéger l’environnement. 10. Encourager des relations commerciales fondées sur la confiance et le respect mutuel. 11. Promouvoir le respect et la diffusion de l’identité culturelle valorisée dans les produits et procédés de production (nouveau critère). 17


Depuis 1988 et la création,d’une part, de la WFTO, l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable (qui s’appelait l’IFAT, l’Association Internationale du Commerce Equitable jusqu’en 2009), et le lancement du label Fairtrade Max Havelaar, d’autre part, on observe l’émergence et la coexistence de deux grandes filières de régulation du commerce équitable : la filière labellisée et la filière intégrée.

FILIÈRE LABELLISÉE ET FILIÈRE INTEGRÉE Mode d’organisation historique du commerce équitable, la filière intégrée présente comme caractéristique principale le fait que tous les acteurs intervenant dans l’élaboration et la commercialisation du produit (producteur, transformateur, importateur et points de vente) sont engagés dans le commerce équitable et se conforment volontairement à ses principes. Avec ses 400 organisations membres (dont une majorité dans les pays en développement) représentant l’ensemble des maillons de la chaîne du commerce équitable (producteurs, transformateurs et distributeurs), la WFTO, l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable, est considérée depuis sa création en 1989 comme le principal coordinateur de la filière intégrée. Depuis peu, la WFTO est occupée à développer son propre système de certification, le WFTO Fair Trade System.

La filière labellisée repose sur la certification du produit commercialisé. Les entreprises qui élaborent ces produits s’engagent à respecter un cahier des charges précis et à s’approvisionner auprès d’organisations de producteurs des pays en développement (souvent des coopératives) qui ont été agréées par l’organisme de labellisation (organisation indépendante qui certifie le respect des critères définis pour l’attribution du label). Les produits labellisés peuvent ensuite être commercialisés dans n’importe quel point de vente, y compris la grande distribution classique. Le label Fairtrade Max Havelaar est le plus célèbre d’entre eux mais il en existe d’autres (Fair for Life, FairWild, Ecocert ESR, Naturland Fair, notamment) qui proposent des approches ou des logiques spécifiques.

La coexistence de ces deux filières illustre l’existence de visions différentes du commerce équitable, qui portent en particulier sur le type de relations à établir avec les acteurs économiques privés (multinationales, grande distribution) et sur des divergences entre une vision de développement (et de dénonciation du commerce international) d’une part, et une perspective commerciale reposant sur l’engagement volontaire, d’autre part.

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Les organisations de commerce équitable d’Amérique latine sont, pour la plupart, fédérées par des organisations «coupoles» qui les représentent au niveau international.

LES PARTENAIRES DU COMMERCE ÉQUITABLE EN AMÉRIQUE LATINE WFTO Latina América La WFTO-Latin America (WFTO-LA) est le chapitre régional de l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable (WFTO, ex-IFAT) pour l’Amérique latine. A ce titre, l’organisation, dont le siège est au Paraguay, fédère et représente les organisations de producteurs membres de la WFTO sur l’ensemble du continent.

Artisan de Minka - crédit : Trade Aid New Zealand

Avec comme objectif principal l’amélioration des conditions de vie des petits producteurs, la WFTOLA se mobilise pour renforcer la capacité de ses membres à conquérir de nouveaux marchés en les assistant dans le développement de leurs produits et ce, dans le respect des principes du commerce équitable. En tant qu’organisation continentale, WFTO-LA se distingue par son engagement à promouvoir les identités culturelles traditionnelles des petits producteurs (amérindiens en particulier) et par ses efforts pour favoriser le développement du commerce équitable aux niveaux national et régional (Sud-Sud).

Soutenir le commerce équitable en Amérique latine En réponse aux demandes de nombre de ses membres à travers le monde, la WFTO développe depuis peu son propre système de certification, le WFTO Fair Trade System, présenté comme «un système de certification global, efficace et léger conçu pour transformer n’importe quelle activité économique en activité durable et équitable.»7 Cette nouvelle certification présente certains avantages évidents pour les coopératives, filières, entreprises et associations de producteurs des pays en développement. En effet, à la différence du label Fairtrade Max Havelaar, elle s’applique à toute l’organisation et à l’ensemble de ses produits et services et doit permettre de viser tant les marchés locaux que ceux d’exportation. Concrètement, le fait d’être en conformité avec cette norme volontaire WFTO Fair Trade System atteste

qu’une organisation a mis en place un ensemble de pratiques et de procédures démontrant sa bonne gestion sur les plans social, économique et environnemental. Au terme d’un audit fructueux, mené par une tierce partie indépendante, le produit vendu par l’organisation certifiée peut être revêtu d’un label attestant que sa provenance et sa production respectent les principes et les pratiques du commerce équitable. L’Organisation Mondiale du Commerce Equitable a lancé une procédure de concertation internationale pour préciser les critères de ce nouveau système de certification (qui en est à sa deuxième mouture). La finalisation de ces normes WFTO Fair Trade System dépendra des recommandations formulées à l’issue d’études pilotes qui sont menées dans différents pays d’Asie, d’Europe, d’Afrique et d’Amérique latine.

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En Amérique latine, c’est l’organisation WFTO-LA qui est en charge de la gestion de ce projet et des expérimentations qui sont réalisées auprès de coopératives bénévoles dans les pays retenus (Pérou, Equateur et Bolivie).

2. Implémenter intégralement la norme WFTO Fair Trade System au sein de trois organisations de producteurs pilotes au Pérou, en Equateur et en Bolivie (avec pour objectif la certification de ces organisations).

Pour ce faire, la WFTO-LA a identifié les actions prioritaires à mettre en œuvre pour réaliser ce projet en soulignant la nécessité d’un renforcement de ses équipes sur le terrain. Un programme de travail intégré et détaillé à été établi avec 4 objectifs précis :

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1. Mettre en place une équipe qualifiée pour accompagner la mise en place et l’évaluation de la nouvelle norme WFTO Fair Trade System sur le continent.

4. Soutenir le développement des membres de WFTO-LA par l’accès à de nouveaux marchés et la multiplication des contacts commerciaux.

Elaborer les outils et les procédures d’autoévaluation préalables à la certification pour 10 autres organisations de producteurs et accompagner la mise en œuvre des plans d’amélioration.

Inscrits dans le Plan Stratégique 2010-2014 de l’organisation WFTO-LA, ces axes de travail doivent effectivement permettre aux acteurs du commerce équitable latino-américains de contribuer à l’élaboration de la nouvelle certification WFTO Fair Trade System et à son déploiement sur l’ensemble du continent.

Avec le soutien du Trade for Development Centre de la CTB Le projet de WFTO-LA s’inscrit dans le cadre d’une vision du commerce équitable forte, généreuse et ambitieuse. C’est notamment pour cela que le Trade for Development Centre de la CTB, l’Agence belge de développement, a choisi de le soutenir financièrement (pour un montant de 64 000 euros sur 16 mois). Cette participation belge au programme a permis de mener à bien les actions prévues avec des résultats concrets et probants pour chacun des objectifs retenus. Renforcement et formation des équipes locales, élaboration des outils et procédures de monitoring, identification et mobilisation des coopératives participantes, accompagnement des opérateurs techniques, participation à des salons et foires commerciales en Amérique latine, en France et aux Etats-Unis,… le projet mis en place avec volontarisme par le personnel et les consultants de WFTO-LA a pour finalité la prise en compte des besoins spécifiques des producteurs latino-américains par la WFTO lors des étapes finales d’élaboration du système de certification WFTO Fair Trade System.

Productrice Prodecoop Crédit : Trade Aid New Zealand

Le projet est à la hauteur de ces enjeux. Il s’agit de veiller à ce que les artisans et paysans d’Amérique latine s’approprient ces nouveaux outils techniques et commerciaux et participent ainsi au vaste mouvement de maturation que connaît le commerce équitable aujourd’hui. Pour en savoir plus : www.wfto-la.org www.wfto.com/sftms www.befair.be

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Producteur CorpoAgro Crédit : Green Mountain Cafe

CLAC Latina América Coordinadora latinoamericana y del caribe de pequenos productores de comercio justo. Fondée en 2004 à Mexico, la CLAC (Coordination Latino-Américaine et des Caraïbes de petits producteurs du commerce équitable) est l’organisation indépendante qui représente les producteurs certifiés équitables en Amérique latine. A ce titre, elle a notamment pour fonction de rapprocher les producteurs des instances dirigeantes et des organisations de certification de Fairtrade International (dont elle est membre). Présent dans 21 pays, la CLAC fédère près de 300 organisations regroupant environ 200.000 petits producteurs qui font vivre environ un million de personnes8.

Un label pour les petits producteurs Depuis 2006, la CLAC travaille en collaboration avec d’autres organisations solidaires en Amérique latine pour concevoir un nouveau label destiné à favoriser la certification équitable des petits producteurs pour lesquels les systèmes de certification existants paraissaient inadaptés. Lancé en novembre 2010 au Honduras, à l’occasion de l’Assemblée Générale de la CLAC, ce nouveau label intitulé «Symbole des Petits Producteurs» vise à promouvoir les productions des groupements de petits producteurs d’Amérique Latine et des Caraïbes qui s’engagent en faveur de l’amélioration des conditions de vie de leurs communautés et du respect de l’environnement.

Olga Araque, productrice APCO - Crédit : Trade Aid New Zealand

Si les principes qu’elle défend sont sensiblement les mêmes que ceux des certifications existantes, cette initiative présente comme particularité d’avoir été conçue par les organisations du continent pour répondre aux problématiques spécifiques que rencontrent les petits producteurs latino-américains. Elle vise en outre à favoriser autant le commerce équitable Sud-Sud qu’à rendre visibles ces produits sur les marchés des pays du Nord. Etablis par les petits producteurs eux-mêmes rassemblés au sein de l’organisation FUNDEPPO (la Fondation des Petits Producteurs Organisés), les critères permettant d’accéder à cette certification incluent notamment des notions de taille des exploitations (15 hectares pour une activité agricole ou 500 ruches maximum s’il s’agit d’apiculture), de fonctionnement démocratique, de traçabilité des produits, de gestion, de protection sociale et de politique commerciale. Chacun des pays partenaires veille au respect de ces critères avec le concours d’organismes de certification nationaux reconnus. Le Symbole des Petits Producteurs est par ailleurs ouvert au reste du monde, c’est-à-dire que des acheteurs et producteurs des autres continents peuvent l’acquérir et l’utiliser pour leur promotion de leurs produits. Enfin, l’autre originalité de ce nouveau label réside dans les coûts des démarches de certification, qui sont bien plus bas que ceux pratiqués notamment dans le système Fairtrade International, et qui sont fixés en fonction du nombre de producteurs évoluant au sein de l’organisation9. Créé par les producteurs des pays du Sud pour leurs propres besoins, ce nouveau label devrait contribuer à sensibiliser les populations latino-américaines au commerce équitable et favoriser l’appropriation de ce concept par les petits producteurs. Une nouvelle étape pour le développement du commerce équitable Sud-Sud.

Pour en savoir plus : http://clac-comerciojusto.org www.tusimbolo.org

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LES INITIATIVES DE COMMERCE ÉQUITABLE EN BOLIVIE EL CEIBO, le cacao équitable en Bolivie Douloureux souvenirs Nous sommes au milieu des années 1970. La Bolivie traverse une grave crise économique et sociale liée à la sécheresse et à la baisse des revenus miniers qui entrainent d’importants mouvements d’exode rural. Chassés par la faim et la misère, des dizaines de milliers de personnes quittent les campagnes pour rejoindre les banlieues des grandes villes. Face à cette situation, le gouvernement militaire bolivien cherche à développer de nouvelles activités agricoles, en particulier dans le secteur du cacao, une culture récemment introduite dans le pays à partir de plants provenant d’Equateur et de Trinidad. Pour ce faire, les autorités poussent des milliers de familles des communautés amérindiennes des hauts-plateaux à s’installer dans les vallées et les plaines tropicales de l’Alto Beni, situées quelque 4000 mètres plus bas, à l’orée de la forêt amazonienne. Le choc du transfert est terrible et nombreux sont ceux qui ne supportent pas ce changement brutal d’environnement et les nouvelles affections et maladies qu’il entraine. Qui plus est, les financements et le soutien technique promis par le gouvernement n’arrivent jamais et demeurent lettres mortes. Pourtant, certaines familles décident de rester et d’exploiter les parcelles qui leur ont été accordées en s’organisant en communautés villageoises sur le modèle de celles qu’elles ont quittées. En 1977, quatre d’entre elles décident de se regrouper pour trouver des alternatives aux pratiques commerciales des intermédiaires qui les exploitent et pour mieux commercialiser leur production de cacao. Ensemble, elles créent la fédération de coopératives El Ceibo (nom symbolique qui signifie «l’arbre qui ne meurt jamais»)10.

Estanilao, producteur El Ceibo Crédit : Alter Eco

La voie du succès Depuis sa création, la fédération El Ceibo enchaîne les succès et les innovations réussies. Peu de temps après avoir brisé le monopole des intermédiaires locaux peu scrupuleux, l’organisation centrale décide de se doter de ses propres installations de transformation pour accroître la valeur ajoutée de sa production et ne pas se limiter à la culture et à la vente des graines brutes. Quelques années plus tard, en 1986, la fédération investit même dans une petite usine (certifiée ISO 9002 et ISO 14 001) à El Alto, dans les faubourgs de la capitale, La Paz, et devient ainsi la première coopérative de producteurs boliviens à fabriquer et à commercialiser (y compris à l’export) des produits finis à base de cacao.

Ysaac, producteur El Ceibo Crédit : Alter Eco

Premier sur le bio et champion de l’équitable En matière de certification aussi, la fédération El Ceibo fait figure de pionnière. En effet, dans la foulée de ces investissements productifs, les coopératives membres prennent conscience du potentiel économique lié à la commercialisation de produits certifiés. Et, en 1988, après des mois de travail, la fédération obtient sa certification biologique et commence à engranger les bénéfices de ses investissements. Cette expertise acquise dans le domaine de la production agricole biologique va permettre de positionner la fédération El Ceibo parmi les organisations les plus avancées du secteur. C’est donc à ce titre qu’elle participe à la création en 1991 d’AOPEB, l’Association des Organisations de Producteurs Biologiques de Bolivie (cf. Page 41). Forte de ces succès, la fédération de coopératives poursuit son développement et fait l’acquisition en 1995 d’un nouveau site industriel équipé des machines les plus modernes. Et, quelque temps plus tard, en 1998, l’organisation de producteurs obtient sa certification Fairtrade (décernée par Flo-Cert) pour l’essentiel de sa production. Aujourd’hui, plus de 90% de la production exportée est commercialisée dans le cadre des filières équitables11.

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Damian, producteur El Ceibo - Crédit : Alter Eco

De l’intérêt d’être certifié Fidèle aux principes et règles du commerce équitable, la fédération El Ceibo est administrée par un collège de représentants élus par les coopératives locales. Ils ont notamment pour tâches de piloter les activités de la centaine de salariés qui apportent une assistance technique et administrative aux communautés paysannes du réseau. Ce soutien opérationnel des équipes d’El Ceibo porte sur les questions agricoles biologiques (entretien des pépinières, valorisation des sols, etc.) mais elle comprend aussi des formations en gestion, comptabilité, contrôle qualité et un appui technique pour préparer la transformation de la matière première. Le fait d’être certifié (et a fortiori d’être doublement certifié, bio et équitable) présente énormément d’intérêt pour les communautés paysannes qui constituent la fédération El Ceibo. D’un point de vue économique, cette situation assure en effet à ces producteurs des prix d’achat garantis et des engagements de commande sur la durée, ce qui contribue à la stabilisation et à la croissance maîtrisée de leurs activités, a fortiori dans un secteur agricole (le cacao) traditionnellement soumis à des variations de cours qui peuvent être brutales et inattendues. La fédération, qui a en outre réussi le pari du contrôle intégré de la productioncommercialisation, achète ainsi aux coopératives membres les fruits de leurs récoltes au meilleur prix (fixé à l’avance), traite cette production et en revend l’essentiel aux importateurs du commerce équitable (Oxfam Fairtrade, par exemple) qui, en plus, contribuent au développement de la fédération par le biais des primes spéciales équitables. Jusqu’ici, ces ressources ont été utilisées pour soutenir les investissements productifs réalisés par la fédération (l’outil industriel) mais aussi pour la réalisation de programmes sociaux, communautaires et environnementaux.

L’organisation fournit notamment une couverture sociale à ses quelque 1200 familles membres (maladies, accidents et vieillesse) et gère des programmes de bourse pour financer les études des collégiens des communautés. Enfin, au niveau environnemental, El Ceibo développe des projets de diversification des cultures et contribue ainsi à la conservation de la biodiversité et du patrimoine agricole de la région tout en sécurisant les revenus des petits paysans (en particulier des femmes) qui commercialisent ces nouveaux produits (agrumes, bananes - cultivés en culture mixte avec le cacao) sur les marchés locaux. Le temps a passé depuis l’époque cauchemardesque des migrations forcées, des maladies et de la misère. Les paysans amérindiens de la fédération El Ceibo ont su contribuer au bien-être de leurs communautés en faisant des choix judicieux à chaque étape de leur développement. Indubitablement, l’engagement équitable et biologique fait partie de ces très bonnes idées.

Cosses de cacao - Crédit : Didier Gentilhomme

Pour en savoir plus : www.elceibo.org

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Femme Uros - CrĂŠdit : Martin T.

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Près de la moitié de la population bolivienne vit encore sous le seuil de pauvreté, en particulier dans les campagnes et sur les hauts-plateaux. Pourtant, des progrès très sensibles ont été enregistrés ces dernières années qui ont en particulier profité aux femmes du pays.

Femme et enfant de Bolivie - Crédit : Twiga

Q’ANTATI - Les artisannes de Bolivie Les boliviennes sont ainsi plus de 700 000 à avoir appris à lire et à écrire grâce à la campagne d’alphabétisation «Yo sí puedo» lancée en 2006 (plus de 85 % des bénéficiaires sont des femmes). Mais en dépit de ces efforts gouvernementaux qui placent la Bolivie en bonne position pour atteindre les Objectifs du Millénaire en termes d’éducation (97 % d’adultes alphabétisés et parité des sexes dans l’éducation primaire et secondaire d’ici 2015), les fléaux qui affectent le pays sont tels que la réduction significative de la pauvreté reste un objectif difficile à atteindre. Et cette misère, qui touche en particulier les zones rurales et les communautés indigènes, a pour principales victimes les femmes qui sont douloureusement confrontées aux problèmes de violence conjugale et domestique et de sous-représentation dans les structures dirigeantes des organisations politiques, économiques et sociales. Q’Antati - Créer pour exister En 1974, un groupe de femmes artisanes, dont une majorité est issue de l’ethnie indienne Aymara, décide de se structurer en groupement pour valoriser leur savoir-faire artisanal et proposer ensemble une gamme de produits susceptibles de séduire les marchés nationaux et internationaux. Nommée Asociación de Artesanos Q’Antati («aube» en langue aymara), la nouvelle organisation associe des communautés féminines rurales des montagnes ainsi que des groupes de femmes des régions urbaines autour de La Paz et chacune de ces unités se spécialise dans une forme d’artisanat traditionnel. Les techniques utilisées pour la création de ces vêtements (gants, bonnets, écharpes, etc.) et couvertures en laine d’alpaga, de ces instruments de musique et objets décoratifs sont héritées des savoir-faire que les Indiennes se transmettent de mères en filles depuis des générations. Pour bon nombre de ces femmes indigènes des hauts-plateaux, les ressources générées par la vente de ces objets par leur organisation constituent un complément de revenus important qui s’ajoute aux recettes des ventes agricoles. L’organisation fédère aujourd’hui douze groupements regroupant quelque 450 femmes Depuis l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable développe artisanespeu, qui filent, tissent, brodent, sculptent et taillent ces objets et(WFTO) textiles dans le resson propre système de certification, le WFTO Fair Trade System (cf. page 18). pect des traditions ancestrales. En tant que chapitre régional de l’organisation mondiale, COFTA (Cooperation for Fair Trade in Africa - COFTA) pilote la mise en place de cette nouvelle cerEquitables tification le cadred’autogestion de programmes initiés centrale dans cinq pays Fondée surdans les principes et deexpérimentaux partage, l’organisation intervient d’Afrique, dont l’Afrique du Sud. beaucoup en appui de ses membres par le biais de formations techniques (à l’innova-

Le WFTO Fair Trade System de l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable (WFTO) en Afrique du Sud

tion, à la gestion de production, et à l’intégration en filières) mais aussi pour moderniser les équipements de production (dans le respect absolu des savoir-faire traditionnels) des communautés de femmes qui sont ses membres. Par ailleurs, celles-ci réfléchissent depuis peu à la mise sur pied d’un projet de tourisme équitable et, en parallèle, au développement de réseaux de commerce équitable Sud-Sud. Membre de l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable (WFTO), Q’Antati est souvent citée comme une référence en matière de commerce équitable pour et par les femmes. Dans un pays économiquement et socialement fragile, l’organisation des artisanes indigènes boliviennes a réussi à associer des communautés réparties sur des territoires très différents et à fédérer les volontés de chacune pour créer une identité commune, synonyme de solidarité, de fierté et de traditions.

Pour en savoir plus : www.oxfammagasinsdumonde.be

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Transport du Quinoa - Crédit : Alter Eco

Sur les plateaux froids et arides de l’Altiplano (la plus haute région habitée au monde après le plateau du Tibet) pousse le quinoa, une céréale (plus exactement une pseudo-céréale12) aux nombreuses vertus nutritives, que les Incas appelaient «Chisiya mama», qui signifie en quechua «Mère de tous les grains».

ANAPQUI - Le quinoa équitable

Les recettes générées, auxquelles s’ajoutent les primes de développement, ont été réinvesties dans l’amélioration des structures productives et dans la mise en place d’actions d’envergure dans les domaines de l’éducation et de la santé. La construction de réservoirs d’eau pour l’abreuvement des animaux dans une trentaine de communautés a considérablement diminué la charge de travail des femmes qui n’ont plus à sortir l’eau des puits pour les lamas13.

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Des programmes de diversification ont été développés pour promouvoir de nouvelles activités touristiques et artisanales au bénéfice des communautés qui acquièrent ainsi de nouvelles compétences et valorisent leurs savoir-faire traditionnels. Le développement des activités d’ANAPQUI, en tant qu’organisation d’envergure nationale, a favorisé la création de nouvelles entreprises équitables en Bolivie, notamment dans les secteurs de la transformation du quinoa. La société La Coronilla, par exemple, produit et vend des «Popsnacks» (sorte de popcorns) fabriqué à partir de quinoa acheté à ANAPQUI. Dès les débuts, en 1972, les fondateurs de cette entreprise privée de nouilles, plats préférés des Boliviens, ont souhaité contribué à la revalorisation de produits indigènes sur le marché local. Les employés (dont les trois quarts sont des femmes) touchent plus que le salaire minimum officiel (ainsi qu’un treizième mois) et bénéficient d’une couverture sociale étendue (assurance maladie et accidents).

Chocolat au quinoa - Crédit : Alter Eco

Emblématique des cultures andines, le quinoa a longtemps été l’aliment de base des populations indigènes des hauts-plateaux. En 1983, des communautés de producteurs quechuas et aymaras du sud de l’Altiplano se regroupent et fondent ANAPQI, l’Association Nationale des Producteurs de Quinoa, pour vendre leurs excédents de récoltes sans passer par les intermédiaires locaux qui leur imposaient alors des conditions commerciales très dures. Aidée par des agences d’aide au développement, l’organisation centrale (qui fédère des groupements de producteurs locaux) s’engage dans la production biologique (certification Ecocert obtenue en 1997) puis équitable (Fairtrade International / FLO en 2006). Distribuée dans les réseaux du commerce équitable et les boutiques diététiques aux Etats-Unis et en Europe, la production de quinoa d’ANAPQI connaît un succès considérable et les bénéfices sociaux de cette croissance sont rapidement visibles.


Alexandre Koiransky and Jean-Francois Daniel Crédit : Gastro Gossip / Fairtrade Spirits

Quinoa - Crédit : Twiga

FAIR, la vodka au quinoa équitable En 2009, deux jeunes Français lancent FAIR, la vodka au quinoa équitable. Après des mois de recherche au cours desquels ils ont cherché à associer les savoir-faire des producteurs d’ANAPQUI aux talents des distillateurs charentais de la région de Cognac, les concepteurs de ce nouveau produit ont mis sur le marché ce spiritueux équitable qu’ils destinent prioritairement aux marchés anglo-saxons. Ce sont ainsi près de 25 000 bouteilles que la SAS Fair Trade Spirit Company a produit dès la première année avec comme objectif de «construire un partenariat de long terme avec les collectivités de producteurs afin de leur assurer un développement durable.»14 Très vite, le succès est au rendez-vous et le vertueux breuvage récolte de nombreuses récompenses : Meilleure vodka de l’année 2009 aux New York Spirits Awards Médaille d’or au Chicago Beverage Testing Insitute Médaille d’argent au WSWA 2010 Médaille d’argent à la San Francisco Spirits Competition 2011 Et vous n’avez pas de fini de découvrir les nouvelles saveurs du quinoa équitable. C’est en effet au tour maintenant de la bière de quinoa Fairtrade (et biologique) d’arriver dans nos frigos (www.altiplano-beer.com).

Pour en savoir plus : www.fairtradespirits.com www.altiplano-beer.com

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Artisanes d’Ayni - Crédit : Ayni Bolivia

AYNI BOLIVIA Créer pour survivre

Equitable, c’est important

En Bolivie, comme dans de nombreux pays d’Amérique latine et d’Afrique, l’artisanat traditionnel constitue l’une des principales sources de revenus pour les populations les plus pauvres des zones urbaines. Dans les campagnes, la production artisanale représente un complément de ressources important pour les communautés paysannes dont les productions agricoles sont soumises aux aléas des marchés et des conditions climatiques. La plupart du temps, ce sont les femmes qui créent ces bijoux, paniers, broderies, céramiques ou instruments de musique et les recettes de ces activités sont prioritairement affectées à l’éducation, à la santé et aux besoins quotidiens de la famille15.

Créée en 2002 à La Paz, Ayni Bolivia est une société de commerce équitable qui s’est spécialisée dans la vente de vêtements et de jouets traditionnels créés au sein de communautés indigènes très pauvres (25 groupements représentant près de 200 familles) réparties dans toute la Bolivie, aussi bien dans les montagnes andines que dans les zones tropicales amazoniennes.

Vendre, le grand défi Depuis quelques années, le travail artisanal à domicile en solitaire fait place progressivement à de nouvelles formes d’organisations collectives. Structurées en «comités», ces hommes et ces femmes se regroupent par métier et par spécialité avec comme objectifs un meilleur accès aux matières premières, l’échange de savoir-faire et de techniques, l’homogénéisation des gammes de produits et, plus largement, une amélioration de la qualité et une meilleure gestion des coûts de production16. Si cette tendance à la professionnalisation des filières de production contribue de manière significative à la création de valeur et donc de revenus pour ces artisan(e)s, le fait est que la pérennisation et le développement de ces activités à fort impact social nécessitent d’accéder à de nouveaux marchés de manière durable.

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Membre depuis 2010 de l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable (WFTO), Ayni Bolivia développe ses activités dans le plus grand respect des principes et valeurs du commerce équitable. Ainsi, l’entreprise assure à ses artisans fournisseurs des rémunérations nettement supérieures au salaire minimum légal («Un salaire de développement pas un salaire de subsistance» comme l’explique Vania Rivero, le fondateur17), auxquelles s’ajoutent les primes équitables spéciales (qui sont généralement consacrées à l’achat de médicaments, de matériel scolaire, etc.). Ayni garantit en outre la transparence absolue des conditions et modalités de vente (l’artisan connaît les marges de chacun des intermédiaires) et s’engage formellement en faveur de relations commerciales durables avec les artisans (garantie d’achat). Des actions de valorisation des savoir-faire et des cultures traditionnels sont régulièrement menées pour promouvoir les œuvres et créations des artisans qui sont par ailleurs encouragés et soutenus dans leurs efforts pour améliorer la qualité des produits finis (organisation de formations, conseils techniques, rémunérations spéciales, etc.).


Crédit : Ayni Bolivia

Enfin, une attention toute particulière est portée à la sécurisation des conditions de travail et à la protection de l’environnement (recyclage des matériaux, colorants naturels, économie d’eau et d’énergie). «Le commerce équitable est entre vos mains», tel est le slogan de Ayni Bolivia qui brandit fièrement l’étendard de cette identité bolivienne traditionnelle, généreuse et solidaire.

Un impact social réel Les activités commerciales d’Ayni Bolivia, que ce soit dans sa boutique de La Paz où à l’export sur les marchés internationaux, génèrent des bénéfices sociaux très concrets pour les centaines de familles défavorisées qui en bénéficient. C’est le propre du commerce équitable de soutenir le développement économique et social des communautés de producteurs les plus exposées dans les pays en développement en les aidant à valoriser leur savoir-faire et leurs traditions. La santé et l’éducation sont les domaines où la valeur sociale du commerce équitable est la plus importante pour ces familles indiennes menacées par l’extrême pauvreté. Les prix d’achat pratiqués par Ayni Bolivia sont calculés pour permettre à ces artisanes de financer l’accès aux soins de base pour leur familles ainsi que l’inscription des enfants à l’école. Crédit : Ayni Bolivia

De nouveaux horizons

Afin d’assurer des perspectives durables de développement aux communautés indigènes avec lesquelles elle travaille depuis bientôt dix ans, Ayni Bolivia s’est engagée en novembre 2010 dans un ambitieux projet intitulé «New Hope» (Nouvel Espoir) avec pour objectif de commercialiser aux Etats-Unis les petites marionnettes indiennes traditionnelles tricotées par les artisanes de la communauté Aymara qui vivent à El Alto aux abords de la capitale, La Paz. Or, mettre sur le marché aux Etats-Unis des jouets pour enfants, cela n’est pas si évident. Il convient en effet de répondre à un grand nombre de normes techniques et de sécurité afin de garantir le fait que ces petites poupées de laine tricotées que l’on enfile au bout des doigts pour raconter des histoires ne représentent aucun danger pour les petits de moins de trois ans qui en profiteront. Inflammabilité, résistance des matériaux, composition chimique, étiquetage,.. les règles à respecter pour commercialiser des jouets pour les tout-petits sont nombreuses et complexes et exigent l’intervention d’agences et de laboratoires spécialisés pour obtenir les précieuses autorisations. Soutenu financièrement par le Trade for Development Centre de la CTB, l’Agence belge de développement, ce projet «New Hope» vise en particulier à assurer des ressources et des emplois durables à la vingtaine d’artisan(e)s Aymara qui créent ces petites poupées colorées et l’univers enfantin dans lequel elles évoluent. Les enjeux sont très concrets. En effet, le projet prévoit que l’accès au marché états-unien permettra de doubler en l’espace de deux ans les volumes annuels vendus (de 2 500 à 5 000 unités), ce qui aura pour conséquence de pérenniser la filière de production garantissant ainsi des revenus et des ressources pour l’ensemble des familles Aymara qui vivent de cette activité.

‘’Nous aimons notre Mère la Terre et nous voulons défendre et faire connaître notre culture et les savoir-faire de nos ancêtres.» 18 Vania Rivero, fondateur d’Ayni Bolivia Crédit : Ayni Bolivia

Pour en savoir plus : www.aynibolivia.com - www.craftsfrombolivia.com

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La mine de Cotapata - Crédit : Cumbre del Sajama /Cotopata

Dans le monde, près de 15 millions de personnes travaillent dans le secteur de l’extraction aurifère au sein d’exploitations minières artisanales de petites tailles, en particulier en Amérique latine et en Afrique.

CUMBRE DEL SAJAMA Le sang et l’or

Mineurs de Cotapata Crédit : Cumbre del Sajama / Cotopata

Après des années de crise, le secteur aurifère bolivien connaît une croissance importante depuis 2009, liée pour l’essentiel à la hausse des cours mondiaux, à une meilleure organisation des filières et à l’implication plus forte de l’Etat bolivien 20.

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Accidents, empoisonnements, exploitation des enfants, contrebande, violences, environnement dégradé,… les conditions de travail de ces mineurs sont généralement épouvantables et les pratiques commerciales des intermédiaires traditionnels condamnent souvent ces ouvriers et leurs familles à la pauvreté et à la misère. L’Organisation Internationale du Travail a ainsi indiqué que les risques d’accidents étaient six fois plus élevés dans ces mines de petite taille que dans les exploitations industrielles à grande échelle. L’OIT souligne en particulier les menaces que fait peser l’exposition quotidienne aux nombreux produits toxiques utilisés sur ces sites (acide nitrique, mercure et cyanure) sur la santé des mineurs et de leurs familles ainsi que sur l’environnement et les ressources naturelles (eau, récoltes, etc.)19. Graves menaces pour l’environnement en Bolivie En dépit des récentes dispositions adoptées par le gouvernement, les conditions de travail dans ces exploitations artisanales de petites tailles (qui occupent l’essentiel de la main d’œuvre employée dans le secteur) restent extrêmement difficiles. Souvent, les mineurs qui exploitent ces galeries et ces filons sont contraints de faire travailler les membres de leur famille pour assurer à celle-ci les revenus qui leur permettront de vivre. L’exploitation aurifère cause d’importants dommages environnementaux en Bolivie, qui sont surtout imputables aux sites miniers artisanaux et de petite taille qui ont un impact négatif plus marqué sur les systèmes écologiques locaux que les exploitations de taille moyenne ou l’industrie de production. Dans ces structures de petite échelle, les facteurs de contamination chimique ont en effet tendance à être concentrés sur de petites zones, ce qui conduit à de très graves dégradations de l’environnement local. Quarante pour cent environ des parcs nationaux situés dans les zones tropicales du pays sont menacés par des activités minières qui mettent en péril le patrimoine naturel de ces aires protégées21.


Changer la donne Fondée en 2004 par un réseau d’organisations indépendantes, l’Alliance pour une Exploitation Minière Responsable (Alliance for Responsable Mining - ARM) a été créée pour changer cette triste réalité et offrir des perspectives de développement et de justice aux quelques 100 millions de personnes qui vivent directement ou indirectement de cette activité d’extraction artisanale. L’objectif est clair : il s’agit de «développer l’équité et le bien-être des communautés des exploitations minières artisanales de petite échelle par l’amélioration des pratiques professionnelles, sociales et environnementales, par la bonne gouvernance et la mise en place de pratiques de restauration des écosystèmes.»22 Entre 2008 et 2009, l’ARM et Fairtrade International, la célèbre fédération des organisations de labellisation (qui gère en particulier le label équitable Fairtrade Max Havelaar) ont travaillé de concert pour établir et formaliser le premier label Fairtrade et Fairmined Gold qui certifie le caractère équitable d’une production d’or.

Ce nouveau label repose sur le respect de 5 grands principes 23 : 1. Un prix d’achat minimum garanti pour les organisations de mineurs fixé à 95% du prix du marché (établi par la London Bullion Market Association LBMA), alors qu’actuellement ce produit est acheté entre 30 et 85% de ce prix. 2.

L’attribution pour les organisations certifiées d’une prime sociale Fairtrade Premium (équivalent à 10% du prix fixé par la LBMA) et d’une prime supplémentaire de 5% si l’or vendu respecte des critères écologiques stricts (sans traitement chimique).

3. La gestion par les organisations de mineurs des procédures de commercialisation qui permet à ces derniers de mieux négocier leur production, voire de la préfinancer.

4. Les sites miniers certifiés doivent recourir à des pratiques sécurisées et responsables pour la gestion des produits chimiques toxiques utilisés pour la récupération de l’or. L’utilisation de ces produits doit être limitée au strict minimum avec comme objectif leur élimination totale des processus de production. Les organisations de mineurs qui récupèrent l’or sans utiliser ces produits (par des moyens mécaniques) reçoivent une prime écologique spéciale. 5. L’or certifié Fairtrade et Fairmined ne contribuera pas aux conflits ou à la violence. Au contraire, la présence d’organisations certifiées dans les zones de conflit aide à l’instauration de la paix par la stabilisation économique, la traçabilité et la transparence des ventes d’or certifié.

Lingot d’or équitable Crédit : Cumbre del Sajama / Cotopata

Le premier lingot certifié équitable est bolivien Les ultimes phases de mise en place de ce nouveau label ont été menées dans le cadre de projets-pilotes associant neuf organisations de producteurs en Amérique latine et c’est au sein de la coopérative minière de Cotapata, dans la province de La Paz en Bolivie, qu’a été produit en janvier 2011 le premier lingot d’or labellisé équitable au monde. Située au cœur du Parc national de Cotapata à 4 500 mètres d’altitude, la coopérative Cotapata Mining a été fondée en 1991. Les 88 travailleurs (dont 10 femmes) qui y travaillent reçoivent un salaire plus élevé que la moyenne (d’environ 200 $ US alors que le salaire minimum national est de 80 $ US) et bénéficient d’avantages sociaux rares dans ce secteur24. Réputée pour son haut niveau d’organisation, la coopérative minière de Cotapata est en outre reconnue comme l’une des rares coopératives de producteurs d’or qui fonctionne avec un système fermé de récupération du mercure et offre une sécurité totale à ses mineurs. De par son emplacement au cœur d’un parc national, la coopérative est impliquée depuis de nombreuses années dans la préservation des ressources environnementales locales et la mise en place de pratiques d’exploitation minière responsable25. Le site est organisé autour d’une mine souterraine de roches dures, d’où les travailleurs membres de la coopérative extraient près de 2,5 kilos d’or chaque mois.

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AVEC LE SOUTIEN DE LA CTB L’AGENCE BELGE DE DÉVELOPPEMENT Cette certification est l’aboutissement d’un engagement fort de la coopérative Cotapata Mining qui a bénéficié de l’accompagnement technique de Cumbre del Sajama, une organisation bolivienne d’assistance aux communautés minières créée en 1997. Ce groupe interdisciplinaire fournit un appui aux activités d’extraction en accordant une importance particulière à l’intégration des femmes, au développement durable et la responsabilisation sociale des entreprises et des coopératives.

Inauguration des premiers lingots d’or certifié Crédit : Cumbre del Sajama / Cotopataa

Ainsi, tandis que l’ARM et Fairtrade International prennent en charge la coordination internationale du programme, Cumbre del Sajama assure l’accompagnement technique, la formation des mineurs et la mise en place des procédures opérationnelles dans les quatre sites d’extraction boliviens retenus pour l’expérimentation (dont Cotapata).

Initié en 2009, ce projet, qui aura permis à la coopérative Cotapata de produire le premier lingot d’or certifié, bénéficie du soutien financier du Trade for Development Centre de la CTB, l’Agence belge de développement, qui était déjà intervenu en 2007 et 2008, dans le cadre d’un premier programme.

es actions menées avaient alors permis de tester les critères techniques de certificaL tion de l’ARM et de sensibiliser les organisations de mineurs aux principes et règles du commerce équitable. C’est en particulier grâce aux résultats obtenus lors de ce premier projet que Fairtrade International a décidé de s’engager dans ce programme de certification de l’or. Ainsi, lorsque l’ARM et Fairtrade International ont mis en commun leurs expertises et leurs savoir-faire pour élaborer ensemble ce nouveau label Fairtrade et Fairmined Gold, Cumbre del Sajama et les groupements de mineurs qui étaient d’ores et déjà impliqués dans cette démarche avaient acquis une première expérience significative en matière de certification et ce, grâce au soutien du Trade for Development Centre de la CTB. De nombreux obstacles ont du être franchis pour parvenir à la certification de ces premiers lingots, parmi lesquels les questions de traçabilité du produit qui exigent d’identifier et de qualifier chacun des acteurs qui prennent part au processus, de la mine au détaillant. Mais, ainsi que le soulignent les responsables de projet, «ce qui fut le plus difficile à mettre en place pour obtenir cette certification, c’est le fait de devoir établir des procédures pour chaque étape de la production et de documenter tous ces processus.»26 D’un montant de 67 707 euros, le soutien financier du Trade for Development Centre de la CTB s’est révélé une «contribution importante à la réalisation de ce projet.»27

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Travailleurs de Cotapata - Crédit : Cumbre del Sajama / Cotopata

Ce n’est que le début

«Le nouveau modèle économique élaboré grâce à la certification équitable de l’or va permettre de renforcer les coopératives minières aurifères en Bolivie et d’améliorer considérablement les conditions de vie des mineurs et de leurs familles grâce aux primes sociales». Daniel Lafuente, Cumbre del Sajama

Avec la labellisation de ces premiers lingots, l’objectif principal du projet a été atteint, ouvrant ainsi de nouveaux horizons pour des milliers de communautés de mineurs dans le monde. Les enjeux sont colossaux et les chantiers à mener pour assurer la dissémination des résultats de cette première expérimentation réussie sont à la hauteur des perspectives de développement qui se dessinent. Protection de l’environnement et des travailleurs, adoption de réglementations sociales, financement d’infrastructures communautaires, valorisation du travail des femmes,.. les bénéfices sociaux de cette nouvelle norme équitable sont d’ores et déjà perceptibles dans ce secteur d’activité sensible. Ce n’est qu’un début mais cette initiative a déjà reçu le soutien de nombreux acteurs importants de la joaillerie et du luxe, notamment celui de Stephen Webster, qui créé des pièces uniques pour de grandes stars comme Madonna, Jennifer Lopez ou Kate Moss et qui dirige Garrard, l’une des plus anciennes bijouteries du monde. «Nous avons l’intention de développer très vite le volume d’affaires que nous réaliserons avec l’or Fairtrade» explique-t-il avant d’ajouter : «Je veux qu’un jour cela représente 100% de nos ventes. Même si le coût pour nous est plus élevé, de 10% ou plus, nous prendrons en charge ce surplus. Nous ne voulons pas que le prix soit une raison de ne pas choisir un produit plus responsable.»28 Plus que tout autre produit, l’or a une immense valeur émotionnelle et symbolique. Depuis l’annonce de cette première certification Fairtrade et Fairmined, nombreux sont ceux qui rêvent d’offrir ou de porter des bijoux créés à partir de cet or vertueux. Colliers, bracelets, bagues, alliances,.. de l’espoir étincelant.

« Notre or brille encore un peu plus. Si un homme vous offre une bague créée avec notre or, alors dites : «Oui !» Vous en tenez un bon !» Paulina, mineure à Cotapata 29

Pour en savoir plus : www.cumbredelsajama.com www.fairgold.org

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Salar de Uyuni - CrĂŠdit : Danielle Pereira / Miradas.com.br

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LES AUTRES SYSTEMES DE CERTIFICATION EN BOLIVIE «La Bolivie est la synthèse de l’Univers.» Alcide d’Orbigny, anthropologue, explorateur et paléontologue français (1802 - 1857) 30 En matière de développement durable, la Bolivie fait figure de porte-étendard des nations en développement. Soumis à des pressions économiques et sociales fortes, le pays puise dans ses racines indigènes et la richesse de sa nature pour défendre des positions originales et volontaristes en matière de préservation des ressources, de droit des communautés et de valorisation des patrimoines culturels et écologiques.

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Manejo de Cuencas - Crédit : CTB Sfmthd - Crédit : Fotolia

LE DÉVELOPPEMENT DURABLE EN BOLIVIE Merveilles en danger La Bolivie possède l’un des patrimoines naturels les plus riches du monde. Des hauts plateaux de l’Altiplano aux vallées tropicales amazoniennes, des volcans aux décors lunaires des déserts de sel, des glaciers géants au lac Titicaca, le pays recèle un nombre exceptionnel d’écosystèmes (plus d’une soixantaine parmi les quelque 112 recensés) qui hébergent environ 20 000 espèces de plantes et des milliers d’espèces animales (dont environ 250 espèces de vertébrés menacés de disparition). Riche de ses multiples reliefs et dénivelés, la Bolivie possède en outre près de 20% des provisions d’eau douce du globe31 et des paysages encore inaltérés. Mais ces trésors sont fragiles. L’exploitation des ressources naturelles conjuguée au réchauffement climatique global provoquent des blessures profondes, dont certaines paraissent irrévocables. Ainsi, depuis 1982, le glacier de Chacaltaya a perdu plus de 80 % de sa superficie et il aura selon toute probabilité disparu complètement en 2013. Le bassin du système Tuni Condoriri éprouve, quant à lui, une perte d’environ 40 % de sa calotte glaciaire depuis 1983, et on estime qu’il la perdra en totalité vers 204532. Cette agonie des ressources a des conséquences catastrophiques pour les écosystèmes mais aussi pour les populations des grandes villes qui seront tôt ou tard privées d’eau33.

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Une loi pour protéger la Terre-Mère

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Au mois de mai 2011, le gouvernement bolivien, sous l’impulsion des communautés locales andines et du président Evo Morales, a introduit une «Loi de la Terre Mère» qui accorde des droits à la nature comparables aux droits de l’homme. Cette disposition légale, la «Ley de Derechos de la Madre Tierra» reconnaît ainsi à la nature les droits fondamentaux suivants : Droit à la vie Droit de perpétuer les processus naturels indépendamment de toute intervention humaine Droit à l’eau et à l’air pur Droit à être exempt de pollution Droit à la diversité et à la non-modification cellulaire ou génétique Droit de la nature à ne pas être affectée par des projets d’infrastructure ou de développement qui pourraient perturber l’équilibre des écosystèmes ou des populations en place Inspirée des croyances et des traditions populaires des peuples andins, cette loi prévoit en outre un certain nombre d’obligations légales au niveau institutionnel et inscrit le développement durable dans la vie politique locale et nationale.

Femme et enfant boliviens - Crédit : CTB

L’étendard du développement durable En matière de développement durable, la Bolivie occupe une place très particulière sur la scène mondiale, particulièrement affirmée depuis l’élection d’Evo Morales à la présidence. Le nouveau chef de l’Etat donne en effet sa voix à la majorité indienne autochtone de son pays et à ses croyances et cultures ancestrales, lesquelles accordent une place importante à la Pachamama, le culte de la déesse-terre qui demeure très vivant dans les communautés quechuas et aymaras descendantes de l’ancien empire Inca. Entre économie solidaire, traditions indiennes et volonté de préserver les richesses naturelles dont elle est dotée, la Bolivie d’aujourd’hui s’affirme comme l’un des chœurs les plus puissants et originaux du concert mondial qui s’élève en faveur d’un monde moins matérialiste.

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L’AGROFORESTERIE DURABLE EN BOLIVIE LE COMMERCE DURABLE, C’EST QUOI ? L’Institut International pour l’Environnement et le Développement a défini ainsi le commerce durable en 2000 : Le commerce durable prend place lorsque les échanges internationaux de biens et de services génèrent des bénéfices sociaux, économiques et environnementaux en conformité avec les quatre principes fondamentaux du développement durable :

1. Il crée de la valeur économique. 2. Il réduit la pauvreté et l’inégalité. 3. Il régénère les ressources environnementales. 4. Il est mené dans le cadre d’une gouvernance caractérisée par l’ouverture, la transparence et l’imputabilité.

Le commerce équitable et le bio sont des modèles spécifiques de commerce durable.

DES LABELS POUR LES FORÊTS Au début du XIXème siècle, les forêts tropicales couvraient une superficie de 16 millions de kilomètres carrés à la surface du globe. Aujourd’hui, il en reste moins de la moitié. Chaque année, la déforestation détruit quelque 13 millions d’hectares dans le monde35. Malgré l’adoption de lois forestières particulièrement strictes, la Bolivie perd près de 300 000 hectares de forêts chaque année, ce qui, rapporté au nombre d’habitants, place le pays parmi les huit nations qui ont les plus hauts taux de déforestation per capita dans le monde . Les destructions de ces espaces naturels extraordinairement riches en biodiversité ont pour causes principales l’extension des terres agricoles, les médiocres méthodes de culture (incluant la culture sur brûlis) et la demande internationale de bois tropical36. Par ailleurs, le Réseau pour une Bolivie libre d’OGM (Red por una Bolivia Libre de Transgénicos) a indiqué qu’au cours des 15 dernières années, le développement des cultures de soja pour l’exportation a provoqué la déforestation de plus d’un million d’hectares37. Cette spirale de la destruction n’est pas forcément irréversible. Depuis une vingtaine d’années, des initiatives sont mises en place pour développer des activités forestières et une économie du bois respectueuses de l’environnement et des besoins des populations locales.

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Ces nouveaux modèles de production sont aussi des opportunités de développement pour les communautés qui vivent de ces forêts dans les pays du Sud.

Notre avenir dépend des forêts La préservation des forêts tropicales n’est pas une lubie environnementaliste. La déforestation menace l’humanité de diverses manières. La destruction des zones boisées contribue à la désertification et réduit considérablement la fertilité des terres. Le manque de fertilisants naturels (humus) et la destruction des habitats de nombreuses espèces pollinisatrices obligent des milliers de paysans à recourir à des produits chimiques qui empoisonnent les terres et les rendent improductives en quelques années. L’autre grande menace que la disparition des forêts primaires fait peser sur notre existence et celles des générations futures concerne le réchauffement climatique qui pourrait nous confronter d’ici quelques décennies à des périls que nous croyions avoir vaincus (exodes, pénuries, guerres, etc.). Or, les grandes forêts équatoriales (en particulier la forêt amazonienne) contribuent à capturer le dioxyde de carbone, l’un des principaux agents responsables du réchauffement de l’atmosphère terrestre.


Noix du Brésil, Bolivie - Crédit : Shared Interest

La Bolivie en pointe

«Nous constatons qu’en Bolivie, les taux de déboisement sont en fait plus faibles dans les zones exploitées de façon durable que dans la plupart des municipalités et même dans certaines zones protégées par l’Etat». Steffen Reichle, Science Training Manager pour l’organisation The Nature Conservancy 41

En matière de certification des zones forestières et de commerce durable du bois, la Bolivie fait partie des pays les plus avancés et les plus impliqués, et ce depuis près d’une vingtaine d’années. En 2004 déjà, un rapport conjoint du Forest Stewardship Council et de l’Agence pour le Développement International états-unienne (USAID) soulignait le fait que «vingtquatre pays dans le monde ont des forêts certifiées pour une surface totale de 4.462.157 surface hectares dont 1.474.175 hectares en Bolivie (soit près de 33% du total), plaçant le pays en première place dans le monde entier quant à l’étendue de forêts tropicales certifiées.»38 Mises à jour en 2009, ces études ont évalué à près de 2.093.160 hectares les surfaces de forêts boliviennes certifiées, ce qui représente près de 10% des ressources globales du pays39. Aujourd’hui, la Bolivie se présente donc comme l’un des leaders mondiaux en matière de gestion des bois tropicaux certifiés et les quelque 300 millions de dollars que tire le pays de cette activité profitent en grande partie aux entrepreneurs et aux populations locales qui disposent ainsi d’une activité économique rentable et durable40.

LE PROGRAMME BOLFOR II En 1993, le gouvernement bolivien et l’Agence pour le Développement International états-unienne (USAID) lancent le Programme de Gestion Durable des Forêts Boliviennes (BOLFOR) avec pour objectifs d’enrayer la déforestation galopante du pays et de préserver ses ressources naturelles et sa biodiversité exceptionnelle, menacées en particulier par l’extension des terres agricoles.

Le programme intervient sur cinq axes principaux : La protection des forêts naturelles et la conservation de la biodiversité à grande échelle ; L’élargissement des zones protégées pour la protection de l’habitat des espèces animales et végétales menacées (le jaguar, la loutre géante, l’aigle harpie, les tortues des forêts et les arbres d’acajou, notamment) ; Le soutien au développement économique local des communautés autochtones ; La valorisation des bienfaits et des avantages de la gestion durable des forêts naturelles pour les communautés forestières boliviennes ; La promotion de l’agroforesterie durable en Bolivie et dans le monde. Le programme rencontre un tel succès qu’il est poursuivi en 2003 dans le cadre d’un second projet BOLFOR II qui se concentre en particulier sur le renforcement de l’offre et de la demande en bois certifiés et sur le soutien à l’exploitation et au commerce durable des produits forestiers ligneux et non ligneux. Les résultats économiques et sociaux de ce dispositif intégré sont éloquents. En effet, les familles impliquées dans quatorze des seize entreprises forestières communautaires participant à BOLFOR II ont bénéficié d’une augmentation moyenne de 23% de leurs revenus entre 2004 et 2006. En outre, conformément aux principes du commerce durable, une part significative des ressources générées par la vente de bois issu d’exploitations gérées durablement est utilisée pour la réalisation de projets sociaux et communautaires, en particulier en matière de santé, d’éducation et d’infrastructures42.

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AGRICULTURE ET PRODUCTION BIOLOGIQUE EN BOLIVIE PRODUCTION BIOLOGIQUE ET DÉVELOPPEMENT

Crédit : FH MIRA

i en Europe (et en occident en général), la production biologique est surtout consiS dérée pour ses vertus sur la santé des consommateurs, il convient de souligner les multiples incidences positives de ces modes de production agricole sur les populations qui les adoptent, sur leur développement et sur leur environnement. Selon la définition de la Fédération Internationale des Mouvements de l’Agriculture Biologique (IFOAM), «l’agriculture biologique englobe tous les systèmes d’agriculture qui font la promotion d’une production d’aliments ou de fibres environnementalement, socialement et économiquement saines. Ces systèmes s’attachent à considérer la fertilité du sol comme la clé d’une bonne production. En respectant les besoins et les exigences des plantes des plantes, des animaux et du paysage, ils visent à améliorer la qualité de l’agriculture et de l’environnement, dans tous leurs aspects. L’agriculture biologique réduit considérablement les intrants en se refusant à utiliser des produits chimiques de synthèse : engrais, pesticides et produits pharmaceutiques. Au contraire, elle permet aux puissantes lois de la nature d’améliorer à la fois les rendements et la résistance aux maladies.»43

UN MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT VERTUEUX Les bienfaits de l’agriculture biologique comme modèle de développement méritent d’être valorisés. Il est aujourd’hui en effet admis que l’agriculture biologique : - est nettement meilleure pour la santé des consommateurs mais aussi pour celle des producteurs. Selon l’OMS, au moins 3 millions de travailleurs agricoles dans le monde souffrent chaque année d’intoxications par les pesticides et 220 000 en décèdent.

dans les fermes de l’agriculture biologique, les paysans assurent la conservation, la reproduction et la transmission des variétés et des semences qui sont utilisées pour les cultures mais aussi pour la production d’engrais et de compost et pour la lutte naturelle contre les nuisibles.

- participe au renforcement de la sécurité alimentaire dans les pays en développement. Rendements accrus, meilleure résistance aux maladies et parasites, diminution de l’érosion des sols, diversification génétique,… l’agriculture biologique concourt de manière très significative à la sécurisation alimentaire des populations les plus exposées aux risques de pénuries et de famines.

- contribue à l’approvisionnement alimentaire mondial de manière équilibrée et durable. Dans les pays du Sud, les rendements de l’agriculture biologique sont nettement supérieurs à ceux de l’agriculture conventionnelle qui appauvrit les sols, pollue les cours d’eau et rend les paysans dépendants d’intrants et d’engrais chimiques (voire transgéniques) qui coûtent de plus en plus cher. Chaque année, ce sont plus de 200 millions d’hectares de terres agricoles qui deviennent improductives à cause des pesticides et des mauvaises pratiques d’irrigation.

- soutient le développement économique et social des communautés rurales. En renforçant la bonne gouvernance des organisations agricoles, en qualifiant la main d’œuvre locale et en stimulant la mutualisation des savoirs et des ressources, l’agriculture biologique contribue au développement harmonieux des territoires et limite l’exode rural et ses conséquences désastreuses sur les équilibres démographiques dans les pays en développement. - protège la biodiversité (diversité génétique, diversité des espèces et diversité des écosystèmes). En effet,

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- favorise l’émancipation des femmes. De fait, la diversification des tâches et la valorisation des savoirs en botanique et herboristerie font partie des pratiques de l’agriculture biologique. Les femmes trouvent naturellement leur place dans ces modes de production et le développement économique qui en découle renforce leur position dans les sociétés et leur permet de disposer de revenus propres (souvent réinvestis dans l’éducation des enfants et l’accès aux soins de santé).


Marché bio - Crédit : Consejo Departamental de Competitividad de Cochabamba

Avec près de 42 000 hectares consacrés à la production biologique (soit près de 0,11% de sa surface agricole exploitable), la Bolivie fait partie des dix pays latinoaméricains les plus impliqués dans ce mode de production alternatif44. Leader dans le secteur de la noix du Brésil biologique, le pays est en outre très présent sur les marchés du cacao et du café organiques. Mais c’est au niveau de son potentiel que la Bolivie se distingue. En effet, le pays occupe la deuxième place mondiale en termes de biocapacité, laquelle exprime la «capacité (d’un territoire) à générer une offre continue en ressources renouvelables et à absorber les déchets découlant de leur consommation, compte tenu des technologies et de la gestion des ressources en vigueur.»45 Evaluée en hectares globaux (hag) par habitant, la biocapacité est calculée comme le produit des surfaces productives disponibles par la bioproductivité moyenne de ces surfaces, la bioproductivité par hectare étant fonction à la fois de la nature de l’écosystème et de la façon dont il est géré.

L’AOPEB, S’ORGANISER POUR REUSSIR La modernisation et la structuration du secteur agricole en Bolivie datent de la période 1970-1980. Dans les années qui suivent se mettent en place dans le pays les premières initiatives alternatives, dans le domaine du commerce équitable puis en matière de production biologique avec des premières exportations à partir des années 199046. Les bénéfices de ces projets apparaissent évidents mais très vite se posent les questions d’organisation des filières. En effet, les primes à la production biologique et / ou équitable apportent un surplus économique significatif pour les petits producteurs. Cependant, pour exporter, ceux-ci doivent s’intégrer dans une organisation bien structurée, capable de gérer des volumes importants et de faire respecter les critères des certificateurs internationaux (et d’en payer le coût).

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C’est donc pour répondre à cette nécessaire structuration de la filière biologique que six organisations de producteurs ont créé, en 1991, l’Association des Organisations de Producteurs Biologiques de Bolivie, l’AOPEB, avec pour mission de «participer à la construction d’une société durable en impulsant la formation, le renforcement et le développement d’un mouvement agroécologique qui influe et prend part aux prises de décision de l’Etat et de la société.»47 Membre par ailleurs du Réseau National de Commerce Equitable de Bolivie, l’AOPEB, fédère et représente les structures paysannes engagées dans la production bio, soutient la certification de ses membres et leur participation aux foires agricoles biologiques aux niveaux local, national et international. Aujourd’hui, l’AOPEB compte une soixantaine de membres, qui ne sont pas seulement des regroupements de producteurs mais aussi des associations de transformateurs et diverses organisations non-gouvernementales. L’ultime obstacle, la certification

Paysannes boliviennes - Crédit : MacJewell

Dans le cadre de son développement, le secteur biologique bolivien s’est très vite confronté aux problématiques de certification. En effet, aujourd’hui, la plupart des systèmes de labellisation biologique exigent l’intervention d’agences externes, souvent occidentales. Certifier sa production agricole est donc coûteux et n’est alors envisagé que pour l’exportation de volumes relativement importants sur les marchés du Nord, à l’exclusion du marché intérieur. L’AOPEB, qui apparaît donc comme l’acteur majeur dans ce domaine, a initié en 1994 la création de BOLICERT, un organisme national de contrôle indépendant qui certifie les produits boliviens sur la base des normes européennes, américaines ou japonaises, en fonction de l’endroit où les produits sont exportés. Ce système répond aux demandes des organisations de producteurs qui souhaitent exporter leur production vers les marchés occidentaux à haut potentiel.

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Pionnier du commerce biologique Sud-Sud Pour autant, ces procédures de certification BOLICERT sont souvent trop lourdes pour le marché intérieur et ne conviennent pas pour les petits producteurs qui souhaitent promouvoir leur attachement à une agriculture domestique naturelle destinée aux distributeurs locaux. C’est la raison pour laquelle depuis novembre 2010, l’AOPEB pilote un vaste projet de mise en place d’un Système de Garantie Participatif (cf. ci-dessous) à l’échelle nationale avec pour finalité le développement des ventes de produits biologiques (fruits, légumes, céréales, café, herbes médicinales, miel, etc.) sur le marché intérieur bolivien. Ce programme, qui a reçu le soutien appuyé du gouvernement et du président Evo Morales, inclut non seulement la formation technique des producteurs et l’implémentation du Système de Garantie Participatif dans leurs organisations, mais aussi l’établissement de partenariats commerciaux durables dans chaque région (avec les collectivités, les négociants et les transformateurs) ainsi qu’un appui technique aux municipalités qui s’engagent à soutenir les filières biologiques locales (organisation de foires bio, etc.). Le développement de la production biologique pour le marché national en Bolivie aura des conséquences importantes en termes économique et social, et c’est pour cela que le Trade for Development Centre de la CTB, l’Agence belge de développement, apporte son soutien à ce projet, pour un montant de 112 500 euros (75% du budget total). Multiplication des foires agricoles biologiques, promotion et fourniture de menus bio dans les écoles et les cantines publiques, sensibilisation des consommateurs, partenariats et conventions avec les collectivités,… le projet d’AOPEB vise à développer de manière très concrète la consommation de produits biologiques à tous les niveaux de la société bolivienne.

Un mode de certification alternatif : les Systèmes de Garantie Participatifs (SGP) «Systèmes d’assurance qualité orientés localement, les Systèmes de Garantie Participatifs certifient les producteurs sur la base d’une participation active des acteurs concernés et sont construits sur une base de confiance, de réseaux et d’échanges de connaissances.»48 Bien que développés localement en fonction des spécificités nationales et des contextes culturels, les Systèmes de Garantie Participatifs répondent à un objectif unique (certifier biologique une production agricole) et présentent un certain nombre de caractéristiques communes : un cahier des charges précis (basé sur les recommandations de l’IFOAM), un engagement des producteurs, un système et des procédures de gestion documentés, des mécanismes de vérification, un logo et label, ainsi que des conséquences bien définies en cas de non-conformité. Et cela fonctionne. Les SGP permettent de garantir aux consommateurs que les produits qu’ils achètent à ces producteurs certifiés respectent formellement les principes de l’agriculture biologique.

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CONCLU SION Après des siècles de colonisation, de guerres et de dictatures, la Bolivie s’affirme aujourd’hui comme l’une des voix les plus originales parmi les nations en développement. Riche de son patrimoine naturel exceptionnel et de ses traditions fortes et anciennes, la Bolivie défend une vision du monde plus respectueuse de la nature et des communautés. Longtemps méprisé ou méconnu, cet héritage majeur s’affirme de plus en plus, au niveau culturel mais aussi en matière sociale et économique. Les nombreux projets mis en œuvre dans les domaines du commerce équitable, du commerce durable et de l’agriculture biologique témoignent de l’attachement des Boliviens à ces valeurs humaines et environnementalistes. Il est temps d’écouter ces voix nouvelles.

Femme et enfant autochtones de l’Altiplano - Crédit : Ana Bucher/ WWF

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SOURCES ET RÉFÉRENCES 1 Source : www.wikipedia.org 2 Source : www.wikipedia.org 3 Source : Agence canadienne de développement international - www.acdi.gc.ca 4 Source : Extraits de «Commerces équitable et durable : tant de label et de systèmes de garantie. Que choisir pour ma production ?», une brochure du Trade for Development Centre téléchargeable gratuitement sur : www.befair.be/fr/articles/www-befair-be/2-ressources/ressources.cfm 5 Source : Idem 6 Aujourd’hui intégré au sein de WFTO Europe 7 Source : www.wfto.com 8 Source : www.clac-comerciojusto.org 9 Source : Arnaud Deharte, «Fait au Guatemala», 9 mai 2011 - http://faitauguatemala.blogspot.com 10 Source : www.oxfammagasinsdumonde.be/bolivie/el-ceibo.html 11 Source : http://artisansdumonderouen.org/bolivie-el-ceibo/ 12 Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Quinoa 13 Source : Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières (AVSF) - Projet INTERSALAR SALINAS - BOLIVIE - Bilan 2006 14 Source : www.fairtradespirits.com/our_values.html 15 Source : «L’artisanat culturel en Bolivie» in Défis Sud n°97 - Octobre-novembre 2010 16 Source : Idem 17 Interviewé le 10 février 2011 18 Interviewé le 10 février 2011 19 Source : Kara Gammell, The Telegraph, «Gold: you can now buy Fairtrade bullion and jewellery», 14 Février 2011 - www.telegraph. co.uk/finance/personalfinance/investing/gold/8323260/Gold-you-can-now-buy-Fairtrade-bullion-and-jewellery.html 20 Source : «La minería generó al menos 22.000 empleos el año 2010» - www.paginasiete.bo/Generales/Imprimir.aspx?id=257147 21 Source : Danilo Bocange, «Small-Scale Mining in Bolivia: National Study Mining Minerals and Sustainable Development», August 2001 No. 71, Institute for Environment and Development (IIED). 22 Source : www.communitymining.org 23 Source : ARM - FLO, «FLO and ARM create historic partnership for gold from artisanal and small scale miners by launching Fairtrade and Fairmined gold standards», 17 mars 2010 24 Source : ARM, Cotapata Gold Mining Cooperative - www.communitymining.org/index.php/en/bolivia 25 Source : Patrick Schein, «Les communautés pilotes d’artisans mineurs de l’Or Équitable» - www.patrickschein.com/communau tes-minieres.php 26 Source : Interview de Daniel Lafuente, responsable du projet chez Cumbre del Sajama réalisée le février 2011 27 Source : Idem 28 Source : Kate Carter, The Guardian, «Fairtrade hallmark sets the gold standard», 14 février 2011 - www.guardian.co.uk/ lifeandstyle/2011/feb/14/fairtrade-gold 29 Source : Liz Jones, Daily Mail, «Going for gold? Just make sure it’s Fairtrade», 14 février 2011 - www.dailymail.co.uk 30 Source : EL’Or Vert du Décor - http://lorvertdudecor.over-blog.com/article-pourquoi-la-bolivie-44787507.html 31 Source : Idem 32 Source : Andrea Urioste E., «La nouvelle équation alimentaire à l’autre frontière : une proposition venant de la Bolivie», Revue Vie Economique, Volume 1 N°3 - www.eve.coop/?a=32 33 Source : Fiche Bolivie, Good Planet - www.goodplanet.info/Zones/Etat-du-monde/Pays2/Bolivie2 34 Source : Guillaume J., «La Bolivie adopte une loi de la Terre-Mère», Jeudi 2 juin 2011 - http://www.ecolopop.info/2011/05/la-boli vie-adopte-une-loi-de-la-terre-mere/13358 35 Source : Idem 36 Source : Fiche Bolivie, Good Planet - www.goodplanet.info/Zones/Etat-du-monde/Pays2/Bolivie2 37 Source : Idem 38 Source : Wilson García Mérida, «U.S. NGO defines the forest policies of Pando, Bolivia» (Translated by Scott Campbell March), 17 mars 2011 - http://angrywhitekid.blogs.com/weblog/2011/03/us-ngo-defines-the-forest-policies-of-pando.html 39 Source : Idem 40 Source : Cara Goodman, «Bolivia Saving the Forest for the Frogs» - The Nature Conservacy -www.nature.org/ourinitiatives/re gions/southamerica/bolivia/explore/saving-frogs-in-bolivia.xml 41 Source : Idem 42 Source : «Places We Protect. Bolivia Sustainable Forest Management Project»- The Nature Conservacy -www.nature.org/ourinitia tives/regions/southamerica/bolivia/explore/saving-frogs-in-bolivia.xml 43 Source : IFOAM - International Federation of Organic Agriculture Movements - www.ifoam.org / Aurélie Carimentrand et Denis Requier-Desjardins, «Stratégie de qualification des produits, des filières et des territoires, commerce international & intégration Nord-Sud : Le cas des filières agroalimentaires biologiques et équitables en Amérique Latine», (RINOS/CEIM) - Montréal, juin 2005 44 Source : Source : L’agriculture biologique dans le monde 2010 - www.agencebio.org/upload/pagesEdito/fichiers/Ch2_Chiffres Cles2010.pdf 45 Source : Good Planet, Biocapacité - www.goodplanet.info/Zones/Etat-du-monde/Indicateur/Biocapacite/(theme) 46 Source : Anne-Sophie ROBAST, «La Bolivie De la misère à l’espoir ? Consommer Bio en Bolivie : l’expérience innovante de l’AO PEB» - Mars 2007 - www.ritimo.org/dossiers_pays/ameriques/bolivie/bolivie_bio.html 47 Source : Statuts de l’AOPEB, cités dans : Anne-Sophie ROBAST, «La Bolivie De la misère à l’espoir ? Consommer Bio en Bolivie : l’expérience innovante de l’AOPEB» - Mars 2007 - www.ritimo.org/dossiers_pays/ameriques/bolivie/bolivie_bio.html 48 Source : IFOAM - International Federation of Organic Agriculture Movements - www.ifoam.org

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LE TRADE FOR DEVELOPMENT CENTRE

Pour le Trade for Development Centre, programme de la CTB (l’Agence belge de développement), les commerces équitable et durable peuvent être des outils de réduction de la pauvreté, et des leviers de développement. Le centre a pour objectif l’émancipation économique et sociale des petits producteurs du Sud, à travers leur professionnalisation et l’accès aux marchés, que ces derniers soient locaux, régionaux ou internationaux. Pour se faire nous avons développé les activités suivantes :

> Appui aux producteurs Programme d’appui financier Le Trade for Development Centre soutient les producteurs marginalisés, les micro et petites entreprises ainsi que les projets d’économie sociale actifs dans le commerce équitable ou durable. Il finance différentes activités permettant d’augmenter leurs capacités et leur accès au marché : création de nouveaux produits, introduction de systèmes de contrôle de la qualité, obtention d’une certification, formations (en gestion, marketing…), participation à des foires commerciales... Activités d’appui à la commercialisation Le TDC est un centre d’expertise en « marketing & ventes » et un organe d’appui concret aux projets de la CTB liés directement ou indirectement à la commercialisation de produits et/ou services : • Conseil stratégique en business et marketing • Information et analyse de marchés • Coaching en marketing & ventes

> Diffusion d’information et plate-forme d’échange Via son site Internet, sa newsletter et différentes publications, le Trade for Development Centre veut apporter aux consommateurs, pouvoirs publics, producteurs et autres acteurs économiques, une information la plus objective possible sur les différents labels, systèmes de garantie de commerce équitable et durable. Il contribue aussi aux débats pour une gestion des ressources naturelles et un commerce plus respectueux de l’Etre humain et de son environnement. Le Centre participe activement à différentes plates-formes d’échange entre acteurs concernés, notamment la plate-forme belge d’appui au secteur privé « Entreprendre pour le développement ».

> Sensibilisation Le TDC met en place des campagnes de sensibilisation à destination des consommateurs (Semaine du commerce équitable), des acteurs économiques et des pouvoirs publics belges.

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CTB - agence belge de dĂŠveloppement TRADE FOR DEVELOPMENT centre rue haute 147 1000 Bruxelles T +32 (0)2 505 19 35 www.btcctb.org www.befair.be 48


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