Le commerce équitable en Afrique du Sud

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Le commerce Équitable EN AFRIQUE DU SUD 1


ÉDITEUR RESPONSABLE Carl MICHIELS COORDINATION Phenyx43 RÉDACTION Dan AZRIA - Phenyx43 CONCEPTION Julie RICHTER - Phenyx43 PHOTO COUVERTURE L’équipe Stellar - Crédit : Stellar Wine

Cette publication du Trade for Development Centre ne représente pas l’avis officiel de la Coopération belge au Développement Bruxelles, décembre 2011

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INTRODUCTION

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UNE PRÉSENTATION DE L’AFRIQUE DU SUD

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LE COMMERCE ÉQUITABLE

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LE COMMERCE ÉQUITABLE EN AFRIQUE DU SUD

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LES ORGANISATIONS DE PRODUCTEURS ÉQUITABLE EN AFRIQUE DU SUD 27 CONCLUSION 3

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INTRODUCTION Depuis la fin de l’apartheid et l’arrivée au pouvoir de l’ANC (African National Congress) en 1994, l’Afrique du Sud apparaît comme la grande puissance du continent et ce malgré les nombreuses difficultés que connaît le pays : clivages ethniques très marqués, violences urbaines, crises sociales aigües, forte propagation du SIDA/VIH, etc. Mais l’Afrique du Sud, c’est surtout l’un des pays les plus riches du monde en termes de biodiversité, c’est une nation arc-en-ciel où, après des décennies de fractures, cohabitent des populations et des ethnies multiples, et c’est aussi la première puissance d’un continent d’avenir. Riche de ces nombreux potentiels, ce pays multiculturel s’illustre par une forte sensibilité à l’innovation, une volonté manifeste (notamment au sein des populations noires) de s’approprier les concepts et les techniques d’une économie moderne plus égalitaire, une attention croissante aux problèmes environnementaux et une prise de conscience des menaces qui pèsent sur le patrimoine exceptionnel du pays. Autant de facteurs qui expliquent la multiplicité et la richesse des initiatives menées en Afrique du Sud en matière de commerce équitable.

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CrĂŠdit : Michael Jung - Fotolia

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UNE PRÉSENTATION DE L’AFRIQUE DU SUD

PARADIS NATUREL UNE HISTOIRE DE LARMES ET D’ESPOIRS LES COULEURS DE L’ARC-EN-CIEL L’ÉCONOMIE SUD-AFRICAINE

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PARADIS NATUREL

Girafes, Kruger Park, Afrique du Sud Crédit : D. Gordon E. Robertso

Situé à l’extrémité australe du continent africain, l’Afrique du Sud partage ses frontières avec la Namibie, le Botswana et le Zimbabwe au nord et avec le Mozambique et le Swaziland au nord-est. Le Lesotho est, pour sa part, un État enclavé à l’intérieur même du territoire sud-africain. Des plaines occidentales aux rivages de l’Océan Indien, l’Afrique du Sud est traversée par de nombreux paysages et des climats très divers, méditerranéen dans la région du Cap, subtropical sur les plages de Durban, désertique sur la côte atlantique et tropical sur les plateaux du nord du pays.

Cette variété de paysages et de climats explique la richesse naturelle exceptionnelle de l’Afrique du Sud qui possède une faune et une flore très diversifiées. Les déserts, savanes, forêts et montagnes offrent en effet des niches écologiques pour un très grand nombre d’espèces animales et végétales. Dans le Namaqualand sur la côte atlantique, plus de 4 000 espèces végétales fleurissent en même temps entre mi-août et mi-septembre1. Sur ses quelques 3 000 km de côtes vivent des populations très importantes de mammifères marins parmi lesquelles des baleines, des dauphins, des globicéphales et de très importantes colonies d’otaries et de phoques venant principalement de l’Antarctique. L’Afrique du Sud est le premier des 17 pays mégadivers, groupe de pays qui détiennent la majorité des espèces et sont donc considérés comme les plus riches de la planète en matière de diversité biologique par le Centre de Surveillance de la Conservation de la Nature (UNEP-WCMC), une agence du Programme des NationsUnies pour l’Environnement.

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Vue panoramique du centre du Cap depuis Table Mountain - Crédit : FCatarinella

UNE HISTOIRE DE LARMES ET D’ESPOIRS De la préhistoire à la colonisation L’histoire européenne de l’Afrique du Sud commence en 1488 quand le navigateur portugais Bartolomeu Dias atteint le cap de Bonne-Espérance suivi, quelques années plus tard, par Vasco de Gama, qui longe ces côtes pour rejoindre les Indes. Mais l’histoire des terres australes du continent africain est bien plus ancienne que cela. Les premières traces de présence humaine en Afrique du Sud datent en effet de la préhistoire (-40 000 avant notre ère) et révèlent la présence de peuples Khoïkhoï et Bochimans. A partir du VIème siècle, des populations de langue bantoue venues du delta du Niger s’installent dans l’actuelle province du KwaZulu-Natal. L’implantation définitive des Européens en Afrique du Sud date de 1652 avec l’établissement au Cap de représentants de la Compagnie hollandaise des Indes orientales, qui sont rejoints en 1688 par deux cents huguenots français qui contribuent à la fondation en 1691 de la colonie du Cap. Les premiers contacts entre les Boers (nom donné aux fermiers libres d’origines française et néerlandaise) et les peuples indigènes datent de 1770 et tournent rapi-

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dement au conflit. Ainsi débute en 1779 la première des neuf «guerres cafres» qui vont opposer pendant près d’un siècle les colons blancs et leurs descendants aux populations bantoues.

L’Empire britannique Le XVIIIème et le XIXème siècles sont marqués par la colonisation du pays par les forces britanniques qui chassent de leurs terres et massacrent les Boers, tandis que dans l’est du pays, Shaka, le Roi des Zoulous, étend son empire. Inéluctables, les affrontements entre l’armée de Sa Majesté et les puissants guerriers zoulous voient la victoire de ces derniers lors de la célèbre bataille d’Isandhlwana mais les troupes britanniques finissent par s’imposer sur les terres tribales du Zoulouland. En 1910, le dominion de l’Union d’Afrique du Sud (qui regroupe les colonies du Cap, du Natal, du Transvaal et de l’Orange) est fondé sous la forme d’une démocratie parlementaire dotée d’une large autonomie et d’un parlement souverain. Deux ans plus tard, est créé le Congrès national africain (ANC) qui revendique une plus grande participation des populations noires aux affaires du pays.


Panneau datant de la période de l’Apartheid Credit : EI C

Le temps de l’apartheid Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les nationalistes blancs créent le Broederbond, une société secrète ayant pour objet la promotion politique, sociale et économique des Afrikaners (la dénomination devenue usuelle des Boers). Dans les années qui suivent, des universitaires nationalistes élaborent un nouveau concept idéologique fondé sur la séparation physique et culturelle des différentes ethnies, estimant que le rapprochement des communautés conduirait à une érosion de l’identité et du patrimoine hérités des premiers colons d’origine néerlandaise et française. Ces théories imprègnent en profondeur les cultures politiques des partis blancs qui accèdent au pouvoir à la veille de la Seconde Guerre mondiale. En 1948, le gouvernement sud-africain met en place l’apartheid et déploie des mesures raciales radicales à l’encontre des populations noires dont les droits sont supprimés les uns après les autres. A partir des années 1960, le régime sud-africain est mis en cause sur la scène internationale. Nous sommes en pleine Guerre froide et le continent africain est secoué de toutes parts par les soubresauts de la décolonisation. De nombreux soldats et mercenaires sud-africains prennent part aux combats que livrent les colons blancs contre les mouvements nationalistes noirs dans toute l’Afrique australe. En 1961, le pays rompt ses derniers liens institutionnels avec la Grande-Bretagne et proclame la fondation de la République d’Afrique du Sud et le retrait du Commonwealth. L’ANC s’engage dans la lutte armée en créant une branche militaire, Umkhonto we Sizwe, dont l’un des chefs se nomme Nelson Mandela. Arrêté en 1963, il est condamné à perpétuité pour terrorisme. Assassinats, émeutes, emprisonnements,… Pendant plus de vingt années, la spirale de la violence se déchaine dans tout le pays sur lequel pèsent par ailleurs des sanctions économiques et politiques internationales.

Réconciliation et vuvuzelas En 1990, le nouveau président sud-africain, Frederik De Klerk met fin à l’apartheid, légalise l’ANC et les partis noirs et ordonne la libération de Nelson Mandela. Un processus de transition constitutionnelle est engagé qui aboutit en 1994 aux premières élections multiraciales de l’histoire du pays, remportées par l’ANC. Nelson Mandela devient le premier président noir du pays.

En 2009, Jacob Zuma devient le nouveau président de la république sud-africaine et doit affronter de nombreux défis, aussi bien politiques que sociaux. Malgré ces difficultés, l’Afrique du Sud et la nation «arc-en-ciel» s’engagent avec détermination et volontarisme dans le XXIème siècle. La première puissance du continent connait ainsi une réelle reconnaissance internationale avec en particulier l’organisation du Sommet de la Terre à Johannesburg en 2002 puis la Coupe du Monde de Football en 2010.

La nation sud-africaine doit faire face à son histoire et la mise en place en 1995 de la Commission Vérité et Réconciliation présidée par l’Archevêque Desmond Tutu contribue fortement à l’apaisement des tensions communautaires. Voulue par Nelson Mandela, cette action est aujourd’hui considérée «comme l’une des pierres angulaires de la réconciliation sud-africaine»2. Dirigé par Thabo Mbeki de 1999 à 2008, le pays doit gérer les conséquences économiques et sociales de la transition vers une société plus égalitaire et faire face à d’importantes difficultés liées notamment à la répartition des ressources, à la propagation du VIH/ SIDA, à la précarisation d’une part importante de la population et à la dégradation des infrastructures.

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Nelson Mandela et Kofi Annan Crédit : UN Photo / Eskinder Debebe


Supporters célébrant la Coupe du monde, Le Cap, Afrique du Sud, avril 2007 - Crédit : Octagon

Héritage de l’histoire, l’Afrique du Sud se caractérise par une diversité culturelle et ethnique ancestrale.

LES COULEURS DE L’ARC-EN-CIEL Jeune homme de la tribu Ndebele (Afrique du Sud) Crédit : UN Photo / P. Magubane

Comptant pour environ 80 % de la population totale du pays (qui était de 50 millions d’habitants en 2010), la population noire se compose de différentes ethnies dont les plus importantes sont les Zoulous et les Xhosas. Les blancs, descendants des Boers et des colons britanniques, représentent près de 10 % de la population et constituent le deuxième groupe racial du pays devant les métis (9 %) et les indiens (2 %). La société sud-africaine a souffert du coût social de la transition des années 1990. Départs massifs des blancs diplômés, affectation politique des ressources, appauvrissement général, hausse de la criminalité,… les nombreux maux qui ont affecté le pays expliquent le recul de celui-ci dans plusieurs classement internationaux. Ainsi, selon l’Indicateur du Développement humain du Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD), l’Afrique du Sud a reculé de 39 places entre 1990 et 2009 et le nombre de personnes vivant en dessous du seuil d’extrême pauvreté a doublé en dix ans, pour atteindre près de 9 % de la population3.

Le fléau La transition politique et sociale n’est pas la seule cause des problèmes qu’affronte le pays. En effet, l’Afrique du Sud subit de plein fouet la propagation mortelle du virus du SIDA/VIH qui touche en premier les générations productives. Tant en nombre de morts par an qu’en nombre de personnes vivant avec le virus, l’Afrique du Sud occupe en effet le premier rang au niveau mondial avec près de 350 000 morts chaque année et près de 5,7 millions de personnes infectées4, soit près de 20 % des 15-49 ans5. Les conséquences humaines et sociales de ce fléau sont immenses. Non seulement la durée de vie moyenne a chuté ces dernières années mais la pyramide des âges s’en est trouvée bouleversée avec une population adulte affaiblie et des dizaines de milliers d’orphelins à la charge de leurs grandsparents. Le poids économique de la pandémie est aussi très lourd. Le système de santé est incapable d’assumer cette charge qui repose souvent sur les familles ou les organisations solidaires qui tentent tant bien que mal de prendre en charge les personnes atteintes.

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L’Afrique du Sud est la première puissance économique du continent africain.

L’ÉCONOMIE SUD-AFRICAINE Depuis 1994 et la fin de l’apartheid, les gouvernements successifs ont conservé les orientations prises jusque là et opté pour un libéralisme économique tempéré par une forte implication de l’État. Celui-ci a pour fonctions de réguler l’économie, de rééquilibrer la répartition des richesses et d’assurer la protection des catégories sociales les plus fragiles. En dépit de problèmes sociaux importants et du poids que fait peser la pandémie de SIDA sur l’économie productive du pays, le taux de croissance sud-africain est resté d’environ 4 à 5 % par an pendant près de 30 ans avant de chuter à -1.8 % en 2009, victime comme tant d’autres de la crise financière de 20086. Les chiffres de 2010 et 2011 montrent un net redressement7.

LA FIN DE L’APARTHEID ÉCONOMIQUE Depuis l’élection de Nelson Mandela au début des années 1990, le gouvernement sud-africain soutient une représentation plus importante et plus juste de la majorité noire dans l’économie du pays. Pour réaliser cet objectif et faire de la fin de l’apartheid une réalité, un programme d’envergure a été lancé (Black Economic Empowerment - BEE) et des mesures de discrimination positive en faveur des noirs ont été adoptées qui obligent par exemple les entreprises qui répondent aux appels d’offres à présenter une structure de capital partagée entre noirs et blancs. Globalement, ces actions ont porté leurs fruits et on a assisté à l’émergence relativement rapide d’une classe moyenne noire en Afrique du Sud. Ces dispositions n’ont toutefois pas eu que des effets positifs. En effet, associées à l’insécurité croissante, ces mesures ont poussé plus d’un million de Sud-Africains blancs, parmi les plus qualifiés, à s’expatrier en Australie, en Grande-Bretagne, en Israël ou aux Etats-Unis avec pour conséquence immédiate une pénurie de main d’œuvre importante dans certains secteurs-clefs (ingénierie, santé, éducation). Depuis 2005, les gouvernements sud-africains s’efforcent de corriger ces effets malheureux de la politique de discrimination positive en cherchant à favoriser le retour au pays de ces expatriés.

LES TRÉSORS DE LA TERRE En termes de ressources minières précieuses, l’Afrique du Sud est l’un des pays les plus riches du monde. Le sous-sol du pays regorge en effet d’or (2ème producteur mondial), de diamants (5ème producteur mondial), de platine (1er producteur mondial avec 75 % des réserves connues) et d’autres minerais rares très demandés sur les marchés internationaux (uranium, cuivre, nickel). En dépit de ces richesses, l’industrie minière sud-africaine connaît depuis quelques années des difficultés de production liées pour l’essentiel aux faiblesses du secteur énergétique qui peine à répondre aux besoins des activités d’extraction (à cause en particulier de la production trop irrégulière d’électricité).

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Agriculture dans le Langkloof, Eastern Cape, Afrique du Sud - Crédit : NJR ZA

L’AGRICULTURE SUD-AFRICAINE ET LA RÉFORME AGRAIRE Performante techniquement grâce aux dispositifs d’irrigation et de motorisation mis en place tout au long du XXème siècle, l’agriculture sud-africaine est exportatrice nette de produits alimentaires dans de nombreux domaines (maïs, laine, fruits, vins, sucre, arachide et tabac)8. Mais, comme dans d’autres pans de l’économie nationale, ce secteur connaît des perturbations liées à la transition vers une société multiraciale plus juste. En effet, compte tenu de son importance en termes d’emploi mais aussi en termes symboliques, le secteur de l’agriculture s’est rapidement retrouvé au centre des préoccupations des gouvernements de l’après-apartheid soucieux d’assurer une meilleure répartition des ressources. Fondé sur le principe de restitution des terres prises aux fermiers noirs depuis 1913, le plan de réforme agraire adopté en 1994 (Broad-Based Black Economic Empowerment) prévoyait de racheter aux fermiers blancs 30 % des terres cultivables d’ici 2014 et de les rendre aux descendants des paysans noirs spoliés. Cependant, à ce jour, seulement 5 % environ des surfaces cultivables ont été redistribuées à près d’un million et demi de noirs alors que 60 000 blancs possèdent et gèrent toujours 80 % de ces terres9. Cette situation a contraint les autorités à repousser les objectifs initiaux du programme à 2025.

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Déçus par ces lenteurs, certains fermiers et activistes noirs souhaiteraient s’inspirer de la politique d’expropriation brutale et forcée mise en place par Robert Mugabe au Zimbabwe et ce, malgré les conséquences économiques et sociales désastreuses de cette politique autoritaire et contre-productive. Les autorités sud-africaines sont aujourd’hui confrontées à des choix difficiles : - Comment rendre justice aux descendants des fermiers noirs spoliés (et éviter l’émergence d’un «Mouvement des sans-terres» politisé et violent) tout en maintenant à son niveau actuel de performance l’agriculture du pays (qui a, parmi ses principaux atouts, le niveau de compétences de ses techniciens agricoles, blancs à une grande majorité) ? - Comment assurer une transition acceptable pour toutes les parties sans nuire à l’efficacité du système ? - Comment éviter une fuite des cerveaux et des compétences comme celle qu’a connue le Zimbabwe qui doit aujourd’hui gérer l’incurie de son système agricole, les condamnations de la communauté internationale et la précarisation de sa population ? Telles sont les questions auxquelles doit répondre le gouvernement sud-africain. Ainsi que nous le verrons dans les pages suivantes, le commerce équitable offre des réponses tout à fait intéressantes à ces questions.


LE COMMERCE ÉQUITABLE

AUX ORIGINES DU COMMERCE ÉQUITABLE LE COMMERCE ÉQUITABLE, C’EST QUOI ? FILIÈRE LABELISÉE ET FILIÈRE INTEGRÉE LES ORGANISATIONS AFRICAINES DE COMMERCE ÉQUITABLE

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Producteurs du Malawi - Crédit : Divine Delights / Twin

Le commerce équitable est né d’un constat simple : les écarts de richesse entre les populations des pays les plus riches et celles des pays les plus pauvres ne cessent de se creuser malgré les sommes investies dans l’aide au développement.

AUX ORIGINES DU COMMERCE ÉQUITABLE Guerres, catastrophes naturelles, infrastructures défaillantes, corruption,… les causes de ces déséquilibres sont multiples mais parmi celles-ci figurent indubitablement des problèmes économiques structurels. La spéculation sur les matières premières, la spirale de l’endettement, la concurrence subventionnée des producteurs des pays industrialisés, tous ces mécanismes constituent autant d’obstacles au décollage des pays les plus pauvres qui ne maîtrisent pas leur développement. Bien que ces inégalités commerciales aient été mises en évidence dès le XIXème siècle (notamment avec la publication en 1860 du roman du Néerlandais Edouard Douwes Dekker dont Max Havelaar est le héros), c’est à partir de l’Après-guerre qu’apparaissent les premiers projets de commerce équitable initiés par des organisations américaines et anglaises (Thousands Villages aux Etats-Unis et l’ONG Oxfam au Royaume-Uni). C’est en 1964, lors de la Conférence des Nations unies pour la Coopération et le Développement (CNUCED), qu’est définie pour la première fois la notion de commerce équitable avec comme principe fondateur «Le commerce, pas la charité» («Trade, not Aid»). Les premiers magasins de commerce équitable s’ouvrent en Europe dans les années 1960, tandis que se mettent en place dans les pays en développement les coopératives et organisations de producteurs qui vont bénéficier de ces échanges plus justes.

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LE COMMERCE ÉQUITABLE, C’EST QUOI ? En 1999, les principales organisations internationales du commerce équitable (la World Fair Trade Organisation WFTO, Fairtrade International - FLO, l’European Fair Trade Association - EFTA et le Network of European World Shops - NEWS10) se sont entendues sur une définition commune : « Le commerce équitable est un partenariat commercial, fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au sud de la planète. Les organisations du commerce équitable (soutenues par les consommateurs) s’engagent activement à soutenir les producteurs, à sensibiliser l’opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et pratiques du commerce international conventionnel.» Concrètement, le commerce équitable garantit aux producteurs des pays les plus pauvres des prix d’achat généralement plus rémunérateurs que les cours mondiaux ainsi qu’une relative stabilité des prix et la mise en place de conditions et de délais de paiement favorables (voire des possibilités de préfinancement), qui évitent aux paysans et aux artisans de brader leurs produits ou d’avoir recours à des prêts usuraires.

e prix équitable couvre tous les L coûts de production du produit, y compris les coûts environnementaux, et assure aux producteurs un niveau de vie décent. De plus, les acheteurs du commerce équitable s’engagent à verser des primes supplémentaires dites «de développement» qui sont utilisées pour la réalisation d’investissements productifs et/ou de programmes sociaux (alphabétisation, accès aux soins, etc.).

Pour soutenir la mise en œuvre de ce système économique,ces organisations ont défini les 11 GRANDS PRINCIPES à respecter 1. Créer des opportunités pour les producteurs économiquement en situation de désavantage. 2. Favoriser la transparence et la crédibilité. 3. Encourager la capacité individuelle. 4. Promouvoir le commerce équitable. 5. Garantir le paiement d’un prix juste.

Rooibos équitable d’Afrique du Sud - Crédit : Alter Eco

6. Veiller à la non discrimination (égalité des sexes) et à la liberté d’association. 7. Assurer des conditions de travail décentes. 8. Proscrire le travail des enfants. 9. Protéger l’environnement. 10. Encourager des relations commerciales fondées sur la confiance et le respect mutuel. 11. Promouvoir le respect et la diffusion de l’identité culturelle valorisée dans les produits et procédés de production (nouveau critère). 16


Depuis 1988 et la création,d’une part, de la WFTO, l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable (qui s’appelait l’IFAT, l’Association Internationale du Commerce Equitable jusqu’en 2009), et le lancement du label Fairtrade Max Havelaar, d’autre part, on observe l’émergence et la coexistence de deux grandes filières de régulation du commerce équitable : la filière labellisée et la filière intégrée.

FILIÈRE LABELLISÉE ET FILIÈRE INTEGRÉE Mode d’organisation historique du commerce équitable, la filière intégrée présente comme caractéristique principale le fait que tous les acteurs intervenant dans l’élaboration et la commercialisation du produit (producteur, transformateur, importateur et points de vente) sont engagés dans le commerce équitable et se conforment volontairement à ses principes. Avec ses 400 organisations membres (dont une majorité dans les pays en développement) représentant l’ensemble des maillons de la chaîne du commerce équitable (producteurs, transformateurs et distributeurs), la WFTO, l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable, est considérée depuis sa création en 1989 comme le principal coordinateur de la filière intégrée. Depuis peu, la WFTO est occupée à développer son propre système de certification, le WFTO Fair Trade System.

La filière labellisée repose sur la certification du produit commercialisé. Les entreprises qui élaborent ces produits s’engagent à respecter un cahier des charges précis et à s’approvisionner auprès d’organisations de producteurs des pays en développement (souvent des coopératives) qui ont été agréées par l’organisme de labellisation (organisation indépendante qui certifie le respect des critères définis pour l’attribution du label). Les produits labellisés peuvent ensuite être commercialisés dans n’importe quel point de vente, y compris la grande distribution classique. Le label Fairtrade Max Havelaar est le plus célèbre d’entre eux mais il en existe d’autres (Fair for Life, FairWild, Ecocert ESR, Naturland Fair, notamment) qui proposent des approches ou des logiques spécifiques.

La coexistence de ces deux filières illustre l’existence de visions différentes du commerce équitable, qui portent en particulier sur le type de relations à établir avec les acteurs économiques privés (multinationales, grande distribution) et sur des divergences entre une vision de développement (et de dénonciation du commerce international) d’une part, et une perspective commerciale reposant sur l’engagement volontaire, d’autre part.

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Les organisations de commerce équitable africaines sont, pour la plupart, fédérées par des organisations «coupoles» qui les représentent au niveau international.

LES ORGANISATIONS AFRICAINES DE COMMERCE ÉQUITABLE COFTA (WFTO AFRICA) - Le commerce équitable africain

Commerce équitable à Saint-Louis du Sénégal Crédit : Ho Visto Nina Volare

Créée en 2004, la Coopération pour le Commerce Equitable en Afrique (Cooperation for Fair Trade in Africa - COFTA) est le chapitre régional de l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable (WFTO). A ce titre, l’organisation africaine, dont le siège est à Nairobi au Kenya, fédère et représente les producteurs membres de la WFTO dans 24 pays du continent, principalement dans le secteur de l’artisanat (80% du réseau) avec pour but ultime la réduction de la pauvreté grâce au commerce équitable. Depuis sa création, COFTA se bat pour un continent fort et indépendant en œuvrant au renforcement des capacités techniques et commerciales des petits producteurs africains et au développement de nouveaux marchés. Avec le café et les fruits, l’artisanat fut l’un des premiers secteurs à bénéficier du commerce équitable. L’attention apportée par les grandes organisations du secteur aux savoir-faire traditionnels et aux patrimoines ancestraux a longtemps permis de soutenir des initiatives solidaires dans les pays en développement. Mais le marché de l’artisanat équitable évolue et, avec moins de 20% des parts de marché, les artisans africains souffrent d’une baisse continue de leurs revenus tandis que ceux des producteurs d’Asie et d’Amérique latine connaissent une croissance régulière. Tel est le constat dressé par COFTA qui pointe, parmi les causes spécifiques de cette crise, les difficultés rencontrées par les producteurs africains pour répondre aux standards de qualité et de prestations (délais, volumes et prix) exigés par les importateurs ainsi que l’inadaptation des principaux systèmes de certification équitable eu égard aux réalités africaines.

COFTA et le WFTO Fair Trade System En réponse aux demandes de nombre de ses membres à travers le monde (notamment en Afrique), la WFTO développe son propre système de certification, le WFTO Fair Trade System, présenté comme «un système de certification global, efficace et léger conçu pour transformer n’importe quelle activité économique en activité durable et équitable.»8 Cette nouvelle certification présente certains avantages évidents pour les coopératives, filières, entreprises et associations de producteurs des pays en développement. En effet, à la différence du label Fairtrade Max Havelaar, elle s’applique à toute l’organisation et à l’ensemble de ses produits et services et doit permettre de viser tant les marchés locaux que ceux d’exportation. Concrètement, le fait d’être en conformité avec cette norme volontaire WFTO Fair Trade System atteste qu’une organisation a mis en place un ensemble de pratiques et de procédures démontrant sa bonne gestion sur les plans social, économique et environnemental. Au terme d’un audit fructueux, mené par une tierce partie indépendante, le produit vendu par l’organisation certifiée peut être revêtu d’un label attestant que sa provenance et sa production respectent les principes et les pratiques du commerce équitable. L’Organisation Mondiale du Commerce Equitable a lancé une procédure de concertation internationale pour préciser les critères de ce nouveau système de certification (qui en est à sa deuxième mouture). La finalisation de ces normes WFTO Fair Trade System dépendra des recommandations formulées à l’issue d’études pilotes qui sont menées dans différents pays d’Asie, d’Europe, d’Afrique et d’Amérique latine.

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Stand de COFTA au SIAO - Crédit : Shared Interest (Licence Creative Commons)

En Afrique, c’est COFTA qui pilote ces travaux de conception de la nouvelle certification équitable WFTO Fair Trade System. Pour ce faire, l’organisation équitable a développé un programme de travail intégré qui a pour objectifs de sensibiliser les producteurs africains au enjeux du projet, de contribuer aux expérimentations voulues par l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable et d’accompagner les premières organisations qui souhaiteront s’engager dans ce processus. Le programme de COFTA est d’abord mis en place dans cinq pays d’Afrique (Afrique du Sud, Tanzanie, Ouganda, Rwanda, et Sénégal) dans le cadre d’études de cas qui permettront à terme de qualifier les besoins des artisans et producteurs.

Avec le soutien du Trade for Development Centre de la CTB La réalisation de cette mission d’envergure confiée à COFTA s’inscrit dans le cadre d’un projet soutenu par le Trade for Development Centre de la CTB, l’Agence belge de développement. Les enjeux sont d’importance. Il s’agit en effet pour l’organisation continentale de veiller à «soutenir les producteurs africains qui, sans un programme volontaire d’amélioration de leur compétitivité, seront laissés loin derrière, et connaitront un déclin encore plus important de leur part de marché. Qui plus est, les exigences de la certification implique pour les producteurs d’investir des ressources dont ne disposent pas de nombreux petits producteurs en Afrique.»11 L’objectif du projet porté par COFTA est donc clair : veiller à ce que les producteurs africains s’approprient ce nouveau système de certification. Pour ce faire, COFTA doit donc assumer un important travail de sensibilisation et veiller à identifier les besoins spécifiques des producteurs africains afin que ceux-ci soient pris en compte par la WFTO lors des étapes finales. Ceci fait, COFTA devra déployer et animer sur tout le continent les structures techniques d’appui pour les petits producteurs qui voudront s’engager dans cette démarche de certification. Le soutien financier de la CTB permet à COFTA de réaliser l’ensemble des actions programmées : identification des organisations d’artisans et de producteurs désireuses d’évaluer le nouveau système de certification, animation des ateliers dans les cinq pays retenus, synthèse des travaux, présentation des recommandations formulées par les producteurs lors des conférences de la WFTO, préparation et mise en place d’un premier cycle de formation des groupements intéressés. Le projet est à la hauteur de ses enjeux. Il s’agit de donner aux artisans et producteurs africains les instruments techniques et commerciaux qui leur permettront de participer au vaste mouvement de maturation que connaît le commerce équitable aujourd’hui.

Crédit : CTB / Dieter Telemans

«Notre vision est celle d’un continent que le commerce équitable rend plus fort. COFTA considère le commerce équitable comme un mouvement dans lequel les artisans et paysans africains peuvent s’engager ensemble pour accéder à une vie digne et durable.» COFTA

Pour en savoir plus : www.cofta.org www.befair.be www.wfto.com/sftms

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FAIRTRADE AFRICA Créé en 2004 à Addis Abeba en Ethiopie sous le nom de Africa Fairtrade Network (AFN), Fairtrade Africa est l’organisation indépendante qui représente l’ensemble des producteurs certifiés Fairtrade en Afrique.

Réunion Fairtrade Africa à Dakar Crédit : Fairtrade Foundation

A ce titre, Fairtrade Africa a pour fonction essentielle de rapprocher les producteurs des instances dirigeantes et des organisations de certification de Fairtrade International. Fairtrade Africa est membre de Fairtrade International, l’instance mondiale qui associe trois réseaux continentaux de producteurs (Fairtrade Africa, CLAC Latin America and the Caribbean et NAP Asia) et 21 initiatives de labellisation à travers l’Europe, le Japon, l’Amérique du Nord, le Mexique, l’Australie et la Nouvelle Zélande. Fairtrade Africa opère à travers trois réseaux régionaux : le Réseau Fairtrade d’Afrique de l’Est (Eastern Africa Fairtrade Network - EAFN) basé à Moshi en Tanzanie, le Réseau Fairtrade d’Afrique de l’Ouest (West Africa Fairtrade Network - WAFN) basé à Accra, Ghana et le Réseau Fairtrade d’Afrique Australe (Southern Africa Fairtrade Network - SAFN) basé au Cap (Cape Town) en Afrique du Sud. Un nouveau réseau régional devrait être bientôt mis en place en Afrique du Nord.

Pour en savoir plus : www.fairtradeafrica.net

LE RÉSEAU D’AFRIQUE AUSTRALE POUR LE COMMERCE EQUITABLE - SAFN SOUTHERN AFRICAN FAIRTRADE NETWORK Le Réseau d’Afrique Australe pour le Commerce Equitable (Southern African Fairtrade Network SAFN) est l’organe régional qui représente Fairtrade Africa (et Fairtrade International) auprès des producteurs des pays du sud du continent africain. L’objectif principal de cette structuration est donc bien de rapprocher les différents échelons de décision et d’assurer une communication à la fois verticale (des organes internationaux vers les producteurs et vice-versa) et horizontale (entre les producteurs certifiés). En tant qu’organisation régionale, le Réseau d’Afrique Australe pour le Commerce Equitable fédère les réseaux nationaux de producteurs certifiés du Malawi, du Zimbabwe, de Madagascar, de l’Ile Maurice et de l’Afrique du Sud (Fairtrade South Africa).

Pour en savoir plus : www.safn.org.za

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LE COMMERCE ÉQUITABLE EN AFRIQUE DU SUD Héritage de l’histoire probablement fondé sur la proximité culturelle ancestrale du pays avec l’Europe, l’Afrique du Sud présente un profil très particulier en matière de commerce équitable, unique au monde, et ce pour plusieurs raisons.

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Une stucture unique pour coordonner les différentes organisations du commerce équitable en Afrique du sud. Cérémonie d’initiation, tribu Ndebele, Kwadlaulale, Afrique du Sud Crédit : United Nations

Au niveau international, le commerce équitable est schématiquement structuré autour de deux grandes filières, la filière labellisée et la filière intégrée. Forte de sa lisibilité commerciale et de la puissance de son image, la filière labellisée (représentée en particulier par Fairtrade International et son célèbre logo Max Havelaar) s’est organisée verticalement depuis une instance mondiale (qui rassemble les agences de labellisation) jusqu’à des représentations continentales (Fairtrade Africa, par exemple), régionales (Southern African Fairtrade Network) et nationales. Dans la plupart des pays du Sud, ces organisations nationales ont pour vocations essentielles de faciliter les échanges entre les différents niveaux et d’offrir des cadres de travail pour la mise en place des processus de labellisation Fairtrade Max Havelaar. Bien que plus décentralisée, la filière intégrée présente une structure assez comparable. L’Organisation Mondiale du Commerce Equitable (WFTO) est représentée au niveau continental par des instances spécifiques (COFTA pour l’Afrique par exemple) qui soutiennent la création de réseaux nationaux (comme le réseau KEFAT - Kenya Federation for Alternative Trade au Kenya). En règle générale, les deux filières historiques du commerce équitable (la filière intégrée et la filière labellisée) coexistent sans que soient développées de réelles coopérations entre ces acteurs issus de ces cultures différentes du commerce équitable. En Afrique du Sud, l’ensemble des acteurs issus de ces différentes filières ont créé ensemble Fair Trade South Africa en 2005 une organisation «coupole» pour coordonner leurs activités autour d’une vision commune, celle d’un «mouvement du commerce équitable sud-africain fort pour garantir la justice, l’équité et des moyens de subsistance durables pour les producteurs et les travailleurs locaux.»12 Ce rapprochement des acteurs du commerce équitable en Afrique du Sud est en outre matérialisé par leur hébergement physique en un lieu unique, la Fair Trade House, qui abrite au Cap la plupart de ces organisations.

Un pôle de première importance pour le commerce équitable en Afrique Cette capacité d’organisation affichée par l’ensemble des structures du commerce équitable en Afrique du Sud a certainement contribué à faire de ce pays l’hôte d’un grand nombre de structures compétentes au niveau national, mais aussi au niveau régional et continental (COFTA et le Réseau Fairtrade d’Afrique Australe - SAFN). Le pays présente, en outre, une autre particularité. En effet, au sein de la galaxie Fairtrade (FLO), Fairtrade Label South Africa (l’organisation sud-africaine chargée de fédérer, de représenter et d’accompagner les producteurs dont les produits sont labellisés par FLO-Cert) est la seule organisation nationale émanant d’un pays du Sud qui soit aussi reconnue en tant que Fairtrade Marketing Organization et, en plus, Membre Associé de Fairtrade International. La présence, le poids institutionnel et le fonctionnement en réseau de ces différents acteurs sont autant de raisons qui expliquent l’importance acquise par l’Afrique du Sud dans le secteur du commerce équitable au niveau mondial. Cette montée en puissance se traduit d’ailleurs par une explosion du volume des ventes de produits équitables sud-africains, qui est passé de 5,7 millions à 18,4 millions de rands entre 2009 et 201013.

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LES PARTENAIRES DU COMMERCE ÉQUITABLE EN AFRIQUE DU SUD Terre d’élection du commerce équitable, l’Afrique du Sud accueille de nombreuses organisations compétentes en la matière. Outre COFTA, Fairtrade Africa et le Réseau Fairtrade d’Afrique Australe (Southern Africa Fairtrade Network - SAFN) qui ont des bureaux en Afrique du Sud, sont aussi présents dans le pays les acteurs suivants :

Fair Trade South Africa Fondé en 2005 en tant qu’organisation-coupole rassemblant l’ensemble des organisations du commerce équitable en Afrique du Sud, Fair Trade South Africa se positionne comme une plateforme d’information et de soutien pour les producteurs et les travailleurs dans tous les secteurs d’activités. Les objectifs stratégiques de l’organisation sont clairs : Soutenir et renforcer le mouvement du commerce équitable en Afrique du Sud Faciliter l’accès aux marchés nationaux et internationaux pour les producteurs certifiés Contribuer aux projets de soutien aux producteurs Pour réaliser ces objectifs, l’organisation met en place des actions et programmes de différentes natures : Activités de sensibilisation des producteurs, des travailleurs et du grand public au commerce équitable Promotion des produits et services équitables sud-africains dans le cadres d’évènements locaux et internationaux qu’elle organise ou auxquels elle participe Mise en place et animation de partenariats avec des gouvernements locaux, des organisations de soutien et des institutions éducatives Information et mise en réseau des acteurs du commerce équitable en Afrique du Sud

Récompensé par le Trade For Development Centre En septembre 2010, Fair Trade South Africa et Fairtrade Label South Africa ont remporté ensemble le Be Fair Award South-South. Décerné par le Trade for Development Centre de la CTB dans le cadre de la Semaine du Commerce Equitable, ce trophée récompense la meilleure organisation de commerce équitable Sud-Sud.

Pour en savoir plus : www.fairtrade.org.za www.befair.be

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Fair Trade Label South Africa Basée au Cap (Cape Town), Fairtrade Label South Africa est l’agence chargée de promouvoir et de gérer les programmes de labellisation Fairtrade en Afrique du Sud. En outre, depuis le 27 avril 2009, Fairtrade Label South Africa est la première organisation nationale du Sud à laquelle est accordée le statut d’organisation de promotion du label Fairtrade (Fairtrade Marketing Organisation). A ce titre, elle bénéficie du droit d’exploiter le label Fairtrade (l’équivalent de Max Havelaar en Belgique ou en France) en Afrique du Sud et conserve la gestion d’une part importante des recettes générées par la labellisation. Fairtrade Label South Africa est aussi l’une des deux seules organisations nationales Fairtrade à être aussi Membre associé de Fairtrade International (avec Comercio Justo Mexico au Mexique). Plus d’une soixantaine de groupements de producteurs (représentant 12 500 travailleurs environ14) sont labélisés Fairtrade en Afrique du Sud et membres de Fairtrade Label South Africa, parmi lesquels : Bean There (Café) Heiveld Co-operative (Thé Rooibos) African Terroir, Home of Origin Wine, UniWines Brands, Thandi, Stellenrust, Nederburg, JC Bosman, Stellar Organic Winery, Riebeek Cellars (Vins)

Pour en savoir plus : www.fairtradelabel.org.za

Ukuva iAfrica Foods (Epices et sauces) Vuki Farming, Citrusdale-Bergendale (Fruits)

Fairtrade et la transition économique sud-africaine

Producteurs sud-africains - Crédit : Fairtrade International

Une représentation spéciale de Fairtrade International a été établie en Afrique du Sud avec pour mission la mise en conformité des standards-produits Fairtrade avec les principes et règles du Programme gouvernemental BEE (Black Economic Empowerment Act) qui soutient une représentation plus importante et plus juste de la majorité noire dans l’économie du pays. Les dispositions légales de ce programme prévoient

notamment l’obligation pour les entreprises et coopératives d’accorder une place plus importante aux travailleurs noirs dans leur capital et les échelons supérieurs de leur organisation (encadrement, techniciens supérieurs). Afin d’assurer l’intégration de ces mesures de discrimination positive dans les cahiers des charges de certification Fairtrade (et veiller ainsi à leur conformité avec les objectifs sociaux de la politique économique sud-africaine), la représentation spéciale de Fairtrade en Afrique du Sud a du modifier en 2007 les critères de certification Fairtrade (reconnus internationalement) pour composer des standards spécifiquement conçus pour les organisations de producteurs sud-africains. Composée de trois coordinateurs en postes permanents et de représentants de l’organe de certification FLO-Cert, l’équipe spéciale de Fairtrade en Afrique du Sud a donc pour missions d’adapter les standards de certification à ces spécificités légales sud-africaines et de veiller à leur bonne application en partenariat avec les organisations nationales et régionales.

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Fair Trade in Tourism South Africa Installée à Pretoria, Fair Trade in Tourism South Africa est la première organisation nationale dévouée à la promotion du tourisme équitable dans le monde. Membre du Bureau de Fair Trade South Africa, Fair Trade in Tourism South Africa a pour missions le développement du tourisme équitable et le soutien aux opérateurs touristiques solidaires dans toutes les branches du secteur (hôtellerie, restauration, tour-opérateurs, etc.) - Cf. page 53.

Association for Fairness in Trade

Pour en savoir plus : www.emg.org.za

Fondée par des petits producteurs et des travailleurs membres de coopératives labellisées Fairtrade, l’Association pour l’Equité dans le Commerce (Association for Fairness in Trade) se présente comme une association indépendante de bénéficiaires du commerce équitable dans le secteur agricole. S’estimant insuffisamment informés et trop isolés les uns des autres, ces petits producteurs et travailleurs des fermes certifiées Fairtrade ont créé l’AFIT en 2005 pour échanger leurs expériences, partager leurs informations et disposer d’un réseau de soutien mutuel et de solidarité. L’association, qui s’est fixée pour objectif de représenter et défendre les intérêts des paysans et des travailleurs qui produisent pour les marchés équitables, est à l’origine de plusieurs initiatives économiques et sociales en faveur de ses membres. Elle entend par ailleurs être perçue comme la voix des petits fermiers certifiés Fairtrade auprès des instances nationales mais aussi auprès des collectivités et des pouvoirs publics. Autre illustration des échanges existants entre les filières intégrées et labellisées en Afrique du Sud, l’AFIT (qui rassemble des producteurs certifiés Fairtrade) ambitionne de devenir membre de l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable (WFTO).

IFormation Group SFTMS Training au Cap Crédit : COFTA

Le WFTO Fair Trade System de l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable (WFTO) en Afrique du Sud Depuis peu, l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable (WFTO) développe son propre système de certification, le WFTO Fair Trade System (cf. page 18). En tant que chapitre régional de l’organisation mondiale, COFTA (Cooperation for Fair Trade in Africa - COFTA) pilote la mise en place de cette nouvelle certification dans le cadre de programmes expérimentaux initiés dans cinq pays d’Afrique, dont l’Afrique du Sud. En mai 2009, un premier atelier a été organisé par le bureau de COFTA au Cap auquel ont participé huit membres de l’organisation africaine : African Home, Streetwires Artist Collective, Ukuva iAfrica Foods, Waxit Pty Limited, Turqle trading, Umtha Jewellery, Township Patterns et Amwa Designs. A cette occasion, les détails techniques (procédures, critères d’évaluation, etc.) du nouveau système de certification ont été présentés aux participants. eux-ci ont manifesté un vif intérêt pour le projet et les huit coopératives et organisations de producteurs C invitées se sont toutes engagées à présenter des programmes de travail précis et le descriptif des actions qui seront mises en place pour répondre au cahier des charges élaboré par l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable.

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Producteurs sud-africains - CrĂŠdit : Fairtrade International

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LES ORGANISATIONS DE PRODUCTEURS ÉQUITABLES EN AFRIQUE DU SUD LE ROOIBOS LES FRUITS ET LÉGUMES LES ÉPICES LE CAFÉ LE VIN L’ARTISANAT

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Sfmthd - Crédit : Fotolia

LE COMMERCE AGRICOLE ÉQUITABLE EN AFRIQUE DU SUD Avec près d’un million de travailleurs et des infrastructures techniques de qualité, le secteur de l’agriculture contribue de manière significative au développement économique et social de l’Afrique du Sud. Exportateur net de nombreux produits agricoles (fruits, vins, sucre), le pays doit toutefois affronter la difficile transition de l’après-apartheid et gérer le partage des terres et des ressources voulu par les gouvernements de Nelson Mandela et de Thabo Mbeki. Formalisée dans le cadre du volet agricole du Programme BEE (Black Economic Empowerment Act), la stratégie du gouvernement prévoyait de redistribuer d’ici 2014 environ 30 % des terres cultivables aux descendants des paysans noirs spoliés. Mais ces objectifs (très ambitieux) n’ont pas été atteints et le secteur agricole sud-africain reste encore pour l’essentiel aux mains des fermiers blancs qui possèdent les terres mais qui, surtout, conservent la maîtrise des techniques et des infrastructures de production. Sur cette question aussi, le commerce équitable offre des perspectives remarquables.

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LE COMMERCE ÉQUITABLE DU ROOIBOS

Dans les années 1930, les fermiers blancs ont développé la culture de cette plante pour répondre aux besoins en Afrique du Sud et, dans une moindre mesure, en Europe. Pendant l’apartheid, un conseil du rooibos est institué pour soutenir la commercialisation de ce produit nouveau, dont la culture est interdite aux descendants des peuples indigènes exclus et marginalisés sur leurs territoires ancestraux. Victimes de discrimination à cause de leur couleur de peau, ces populations ont été tenues à l’écart de toutes perspectives de développement pendant toute la période coloniale et durant l’apartheid. L’économie du rooibos connaît depuis quelques années une forte croissance en particulier sur les marchés de l’hémisphère nord (en Allemagne, aux Pays-Bas et au Japon notamment) mais les recettes générées profitent beaucoup plus aux exportateurs et détaillants qu’aux fermiers qui cultivent la plante. Aujourd’hui encore, la production nationale provient à plus de 95 % des grandes exploitations où les propriétaires blancs font travailler une main d’œuvre noire bon marché. Face à ces situations, des projets de commerce équitable ont vu le jour dans ce secteur. Ainsi «de petites coopératives comme la Heiveld Coop, basée dans les alentours de Nieuwoudtville dans la province du Northern Cape et à Wupperthal dans celle du Western Cape, ont fourni des efforts très importants pour s’établir comme producteurs bio et équitables de qualité supérieure, en partenariat avec les organisations internationales du commerce équitable.»15

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Rooibos, Coopérative Heiveld - Crédit : Eric Garnier / Alter Eco

Coopérative Heiveld Crédit : Eric Garnier / Alter Eco

Bien que des essais de culture aient été tentés dans d’autres régions du monde aux climats comparables, seules les terres arides et balayées par les vents de cette région semblent en mesure d’accueillir l’éclosion de cet arbuste aux fines fleurs jaunes. Traditionnellement, les feuilles du rooibos sont fermentées et séchées au soleil avant d’être consommées sous forme d’infusions. Sa douceur et son léger goût de noisette en font une boisson fort appréciée en Afrique du Sud où on le boit souvent avec du lait et du sucre, ou alors associé à des saveurs fruitées ou épicées. Bien que ses propriétés n’aient pas été cliniquement prouvées, on prête au rooibos de nombreuses vertus médicinales depuis la cure de l’asthme, des allergies, à celle de l’insomnie, des coliques ou de l’eczéma. Ce que la science nous a, par contre, enseigné de l’étude de cette plante emblématique de l’Afrique du Sud, c’est sa richesse en antioxydants et sa forte teneur en polyphénols, raison pour laquelle elle est aussi aujourd’hui utilisée dans l’industrie cosmétique pour la fabrication de soins nourrissants.

Coopérative Heiveld Crédit : Eric Garnier / Alter Eco

Consommé depuis des siècles par les populations indigènes, le rooibos («buisson rouge» en Afrikaans) est une plante endémique sauvage de la famille de l’acacia qui ne pousse qu’en l’Afrique du Sud, sur les hauts plateaux de Cederberg au nord ouest du Cap.


LA COOPÉRATIVE HEIVELD De la clandestinité au commerce équitable

La première filière de production de rooibos certifiée

Officiellement fondée en 2001, la coopérative Heiveld est le fruit d’une collaboration entamée quasi clandestinement du temps de l’apartheid par 14 petits fermiers noirs et métis du Sud-Bokkeveld, à l’époque où la production et la commercialisation du rooibos était exclusivement réservées aux fermiers blancs. Lors de sa création officielle sous forme de coopérative, l’organisation reçoit le soutien d’ONG européennes et sud-africaines avec lesquelles elle prépare la certification biologique et équitable de sa production. Les dimensions sociales et solidaires sont au cœur de ce projet de développement communautaire. Ainsi, les statuts de l’organisation précisent que 30% des bénéfices de la coopérative doivent être reversés aux membres de la communauté victimes de discrimination du fait de leur race ou de leur sexe ou investis dans le cadre de projets d’insertion de ces hommes et femmes exclus du système économique. La communauté adopte un modèle participatif pour les prises de décision et met en place une filière de production globale, de la culture à l’exportation en passant par la transformation et l’emballage du produit.

Ces différents chantiers aboutissent rapidement et, deux ans après sa création, la coopérative est la première organisation certifiée équitable (Fairtrade) et biologique pour sa production de rooibos. Les recettes générées par les ventes aux importateurs du commerce équitable (Claro et Alter Eco notamment) ainsi que les primes de développement obtenues permettent à l’organisation de se développer, d’accueillir de nouveaux membres et d’investir dans la réalisation de projets économiques et sociaux. Ainsi, dès 2006, la coopérative des hauts plateaux installe une première unité de transformation, grâce à laquelle elle s’affranchit des services des gros propriétaires voisins et s’approprie la maîtrise de l’ensemble de la chaîne de production, y compris des étapes les plus créatrices de valeur ajoutée. Très attachés au respect de l’environnement et à la protection de la biodiversité, les responsables de la coopérative équipent rapidement ces installations de panneaux solaires et de réservoirs d’eau de pluie.

Les bénéfices de la certification

Coopérative Heiveld Crédit : Eric Garnier / Alter Eco

Les efforts consentis par la coopérative depuis sa création en 2001 ont porté leurs fruits. Les revenus des producteurs ont été multipliés par dix et de nombreux projets de développement ont été menés à bien. En plus de l’unité de transformation, la coopérative, qui compte 60 membres aujourd’hui, a bâti de nouveaux sites de séchage et de stockage et un plan de sauvegarde des arbres rooibos sauvages a été mis en place pour protéger la biodiversité locale. Le positionnement équitable et biologique est au centre du projet de la coopérative Heiveld qui a obtenu en 2010 la certification Naturland (en plus de celle de Fairtrade International) qui garantit le caractère équitable et durable de l’ensemble de la filière de production et de distribution.

Investir pour l’humanité et la nature Les bénéfices sociaux de la double certification (équitable et biologique) sont remarquables. Les primes de développement ont été utilisées pour créer et équiper des écoles et un programme de formation pour les femmes de la communauté a été mis en œuvre grâce auquel celles-ci ont pu s’approprier le projet économique de la coopérative. Ainsi, ce sont elles qui créent et fabriquent les boîtes et les sacs dans lesquels est emballé le rooibos après transformation. Les questions environnementales sont, elles aussi, prises en compte dans les projets de la coopérative et ce, avec d’autant plus d’attention que la région présente une réelle fragilité aux évolutions climatiques ainsi que l’ont mis en évidence les études réalisées après la sécheresse qui a frappé la région en 2003. Aussi, avec l’aide de

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l’ONG sud-africaine EMG (Environmental Monitoring Group) qui accompagne la coopérative depuis sa création, un programme d’actions a été mis en place avec notamment la création de zones brise-vents et une meilleure gestion des eaux de ruissellement. Les efforts réalisés par la coopérative en matière de protection de l’environnement et de la biodiversité lui ont d’ailleurs valu d’être retenue parmi les 12 finalistes du programme World Challenge de la BBC, la télévision britannique, qui récompense des petites organisations remarquables pour leur capacité à mobiliser des opérateurs de terrain autour de projets innovants.

Pour en savoir plus : www.heiveld.co.za - www.claro.ch - www.altereco.com


De nombreuses terres dans cette région difficile d’accès appartiennent encore à l’église morave qui s’est llustrée durant la période de l’apartheid en luttant ouvertement contre la ségrégation et en apportant son soutien aux populations noires et métisses, composées des descendants d’esclaves et des tribus indigènes Khoi-San.

LA COOPERATIVE WUPPERTHAL Fondée en 1865 sur les hauteurs du massif du Cederberg par des missionnaires protestants allemands originaires de Moravie, la communauté de Wupperthal s’est constituée durant la seconde moitié du XIXème siècle en accueillant les familles d’anciens esclaves libérés à la suite de l’abolition de l’esclavage en 1838.

Coopérative Wupperthal Crédit : Fair Trade New Zealand

En 1998, les missionnaires se retirent et confient leurs installations aux travailleurs locaux qui s’organisent en coopérative pour produire et vendre le rooibos, cette plante étonnante qui ne pousse que dans cette partie du monde. Rapidement, les paysans qui exploitent ces terres s’engagent dans une démarche de certification équitable en adoptant des règles de fonctionnement démocratique et de répartition égalitaire des ressources et des revenus. En 2005, l’organisation paysanne de Wupperthal, qui a pour nom officiel «Wupperthal Organic Farmers association» (WOFA), obtient la reconnaissance officielle des autorités publiques en même temps que sa certification équitable (Fairtrade). Parallèlement, les responsables de l’organisation, conscients de la distance qui les séparent des agences européennes de labellisation Fairtrade, participent à la création de l’Association pour l’Equité dans le Commerce (Association for Fairness in Trade - AFIT) qui a pour objectif de mieux représenter les petits agriculteurs certifiés auprès des instances nationales, régionales et internationales de l’institution Fairtrade.

Coopérative Wupperthal Crédit : Fair Trade New Zealand

Aujourd’hui, plus de 150 familles vivent de la production et du commerce du rooibos dans la région de Wupperthal. Les certifications équitable et biologique obtenues par la coopérative ont permis aux fermiers noirs et métis membres de l’organisation d’accroître très sensiblement leurs revenus et de commencer à racheter les terres de l’ancienne mission à l’Eglise morave. Des investissements productifs ont été réalisés par ailleurs pour acquérir les équipements techniques nécessaires à la transformation et à l’ensachage des feuilles de rooibos. Comme dans tout projet de développement fondé sur la certification équitable d’une filière locale, la communauté de Wupperthal a réinvesti une part importante de ses revenus dans la réalisation de projets sociaux avec pour finalité le bien-être des populations de la région. Ainsi, les ressources générées (qui ne sont, in fine, que la juste rétribution d’un travail difficile) ont non seulement permis aux familles d’acquérir les terres qu’elles travaillent mais aussi d’équiper les écoles de la région et d’augmenter le nombre d’enfants scolarisés.

Pour en savoir plus : www.ethiquable.coop www.claro.ch

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Crédit : Fairtrade International

Dans le secteur des fruits et légumes, l’Afrique du Sud est l’un des géants du continent avec des volumes importants et un solde d’exportation largement positif. Les principales cultures sont le raisin, les agrumes, le sucre, le thé, les pommes et les poires.

LE COMMERCE ÉQUITABLE DES FRUITS ET LÉGUMES C’est aussi l’un des secteurs où le commerce équitable s’est le plus développé, en particulier grâce au soutien des grands opérateurs nationaux et internationaux (dont Fairtrade qui est particulièrement présent dans le pays).

The Big Pineapple, Province du Cap - Crédit : NJR ZA

L’importance de l’agriculture en termes d’emploi, son potentiel en termes de promotion sociale pour des centaines de milliers de travailleurs noirs ainsi que sa dimension symbolique (la redistribution des terres aux descendants des populations spoliées durant la période coloniale et l’apartheid) sont autant d’éléments qui expliquent cet investissement important des organisations équitables dans ce secteur stratégique pour l’équilibre du pays.

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EKSTEENSKUIL AGRICULTURAL COOPERATIVE - EAC Au nord, tout au nord Située au nord de l’Afrique du Sud, près de la frontière avec la Namibie, Eksteenskuil est une région au climat subtropical composée de 16 îles sur la rivière Orange reliées les unes aux autres par des routes et des ponts. Les populations locales, pour l’essentiel les familles de fermiers noirs et métis pauvres, ne disposaient d’aucun droit sur ces terres durant l’apartheid. Depuis 1994, la situation a évolué et les producteurs non-blancs ont obtenu le droit d’acquérir des terrains, de produire et de commercialiser des denrées agricoles. Mais, en Eksteenskuil, l’application de ces dispositions s’est faite difficilement et, bien qu’officiellement propriétaires des parcelles qui leur ont été attribuées, les fermiers locaux ont mis des années à obtenir leurs titres de propriété. Ces difficultés administratives ont considérablement ralenti le développement de la région en empêchant les producteurs de présenter des garanties pour les emprunts nécessaires à la réalisation d’investissements productifs (achat de machines, de semences, etc.).

Une production 100% équitable A la fin des années 1990, un projet de mise en place d’une filière de production de raisins a été initié par l’entreprise South Africa Dried Fruit avec pour objectif la réduction de la pauvreté et la création d’activités économiques viables dans cette région défavorisée. L’une des premières actions menées dans le cadre de ce projet a justement été de soutenir les quelque 120 familles de producteurs locaux pour l’obtention de leurs documents officiels de propriété. Rapidement, un plan d’actions global a été mis en place avec pour ambition la certification équitable de la production de raisins sur le territoire. Aidés par les organisations équitables sud-africaines, les fermiers d’Eksteenskuil se sont mobilisés, des programmes de formation ont été mis en œuvre et de nouvelles structures ont été imaginées. Conformément aux cadres fixés pour la certification, une organisation participative a été adoptée qui prévoit en particulier l’élection démocratique des membres du Bureau, une représentation équilibrée des différentes îles, la présence de femmes dans les instances de décision et l’instauration d’un comité élu (Premium Comittee) pour gérer les recettes issues des primes équitables.

Pour en savoir plus : www.fairtrade.org.uk - www.traidcraft.co.uk - www.claro.ch

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La spirale vertueuse de l’investissement productif Ainsi que cela été mis en évidence dans une étude de la Fairtrade Foundation consacrée à l’impact du commerce équitable en Afrique du Sud16, les bénéfices de la certification Fairtrade ont été très sensibles pour les fermiers de l’Eksteenskuil Farming Association. Evaluées à environ 50 000 euros en 2007, les primes obtenues auprès de l’importateur britannique du commerce équitable Traidcraft (qui achète l’ensemble de la production) ont d’abord été réinvesties dans les moyens de production de la coopérative. Elles ont en particulier permis à l’organisation de se doter de nouveaux équipements agricoles (tracteurs, pompes, etc.), d’acquérir de nouvelles semences et de former les fermiers de la coopérative aux techniques de l’agriculture biologique (certification en cours) et à la gestion d’entreprise. Traidcraft a en outre financé une mission d’appui technique de longue durée aux équipes de la coopérative avec pour résultats un accroissement sensible de la productivité et une amélioration perceptible de la qualité du produit. Les nouvelles ressources financières obtenues par la coopérative ont aussi été utilisées pour accorder des prêts aux fermiers de la coopérative et à leurs familles. Ceux-ci ont généralement été utilisés pour améliorer les équipements des parcelles ou acquérir de nouveaux outillages. En outre, une partie des bénéfices obtenus a été affectée à la réalisation de projets sociaux, en particulier pour améliorer la scolarisation des enfants des fermiers de la région et les équiper en matériel scolaire.


Située à une centaine de kilomètres au nord de Port Elizabeth, la Sundays River Valley bénéficie de conditions climatiques idéales pour la culture des agrumes.

SUN ORANGE FARMS

C’est là, aux portes du Parc National Addo Elephant, que la famille Hannah a fondé Sun Orange Farms en 1967 et contribué au développement des infrastructures industrielles de la région.

n 2002, l’entreprise Sun Orange Farms acquiert de nouveaux terrains, engage d’imE portants travaux et entame la restructuration qui va la conduire vers la certification équitable de sa production d’oranges et de citrons. Le programme mis en place nécessite de nouveaux investissements, l’obtention d’aides publiques et le recrutement d’une main d’œuvre importante, qualifiée et motivée. Désireuse de voir le projet aboutir et soucieuse du bien-être des travailleurs agricoles, la famille Hannah s’accorde avec ces derniers pour modifier radicalement la structure capitalistique de l’entreprise en transférant près de 40% des parts au Sun Orange Employees’Trust, l’organisation créée par ces travailleurs majoritairement noirs et métis. Cette vaste restructuration est l’occasion pour l’entreprise, qui change à la fois de visage et de dimensions, de s’engager dans le commerce équitable et, en 2003, l’une des filières de production (représentant environ 10 % de l’ensemble des volumes commercialisés) est labellisée Fairtrade. L’obtention du célèbre label a considérablement fait évoluer les conditions de travail des ouvriers agricoles qui ont vu leur niveau de rémunération augmenter de près de 20 % en deux ans. Un programme de formation a été mis en place à leur intention pour leur permettre d’acquérir ou de perfectionner leur maîtrise des compétences de base (lecture, écriture, calcul). La certification équitable à, qui plus est, donné lieu à la création au sein de l’entreprise d’un organe spécial, le Sun Orange Community Trust, qui a pour mission principale de gérer l’argent provenant des primes Fairtrade aux bénéfices des travailleurs de l’entreprise, permanents et saisonniers. Les projets financés bénéficient à l’ensemble de la communauté, pas seulement aux ouvriers de Sun Orange Farms. Ainsi, les ressources obtenues ont permis de soutenir la création de crèches dans les townships de la région, l’achat de matériel scolaire, l’octroi de bourses d’étude et la mise en place de programmes de formation pour les adultes.

Pour en savoir plus : www.sunorangefarms.com www.fairtrade.org.uk

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CrĂŠdit : Antonio Scarpi - Fotolia

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Ukuva iAfrica - Crédit : Ukuva iAfrica

AUTRES INITIATIVES DE COMMERCE ÉQUITABLE UKUVA IAFRICA, SAVEURS EQUITABLES Art, délices et solidarité Après 15 années passées dans le secteur de la restauration en Grande-Bretagne, Nigel Wood, un cuisinier anglais, quitte Londres en 1991 avec sa famille pour s’installer au Cap, «la plus belle ville du monde» selon lui. Convaincu que «les recettes les plus savoureuses, les plus intéressantes et les plus originales se découvrent dans les rues («Street Food»), des sauces faites maison par les vendeurs de hot-dogs dans les allées agitées de Central Park à la «Sauce de Feu» du vieux «Timbos» découverte sur une plage déserte aux frontières sud du Mozambique dans l’Afrique la plus sombre»17, il décide de créer Ukuva iAfrican Foods, une société de fabrication et de commercialisation de sauces et de mélanges d’épices préparées dans le respect des traditions culinaires ancestrales africaines.

Nigel Wood, Ukuva iAfrica Crédit : Ukuva iAfrica

Nigel Wood sillonne l’Afrique pour découvrir des saveurs inédites et apprendre de nouvelles recettes aux quatre coins du continent. Il voyage, s’initie aux préparations rares, collecte les épices les moins connues et s’inspire des parures des femmes Ndebele pour concevoir le design de ses flacons qu’il confie à Joe Mufundi, un célèbre «Shona» (artiste tribal) vivant au Cap. Le résultat est une belle réussite, une authentique œuvre d’art Ukuva, et les étiquettes sont dessinées pour célébrer «l’esprit et la beauté des travailleurs des zones rurales de l’Afrique et pour donner l’apparence et le toucher d’une œuvre créée dans une hutte africaine». Ornementés et décorés, les flacons de sauces et d’épices Ukuva iAfrica recèlent de réels trésors pour les papilles des gourmets, des mélanges savoureux où se mêlent les épices exotiques et les saveurs des herbes et des aromates de toute l’Afrique. Fort de ses succès culinaires, Nigel Wood prépare d’ailleurs un livre de recettes spéciales (cf. le site web de Ukuva iAfrica - www.ukuvaiafrica.co.za).

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Le véritable esprit de l’Afrique Depuis sa création en 1997 au Cap, Ukuva iAfrica Foods (qui signifie «Saveurs d’Afrique» dans la langue bantoue des Xhosas) fabrique des sauces et mélanges d’épices cuisinés à partir des recettes et traditions culinaires ancestrales africaines, qui sont vendus sur le marché local mais aussi dans le monde entier, en particulier aux importateurs du commerce équitable (Claro, Oxfam). L’entreprise a une vocation sociale, culturelle et humanitaire : «Ukuva iAfrica est fière de fournir les boutiques équitables du monde entier et s’engage depuis sa création en faveur du bien-être économique, social et environnemental des producteurs marginalisés en Afrique. Ce qui signifie des conditions commerciales équitables, des salaires équitables et des prix équitables. Nous nous efforçons de promouvoir un développement qui améliore la qualité de vie, qui soit durable et responsable, à la fois pour les gens et pour le monde naturel»18. Ces préparations culinaires sont, en effet, exclusivement élaborées et conditionnées par des femmes noires ou métisses victimes d’exclusion sociale (elles sont, par ailleurs, actionnaires de la société) et les décorations en perles et fils de fer qui ornementent les cols des bouteilles et des flacons sont réalisées à la main au sein d’une institution locale pour handicapés mentaux, la Cape Mental Health Society «pour créer un beau produit dans le véritable esprit de l’Afrique»19. Performance économique et solidarité Ukuva iAfrica Foods fait partie de ces entreprises solidaires sud-africaines qui, bien avant la promulgation de la loi-cadre BEE (Black Economic Empowerment), se sont engagées en faveur de l’insertion économique et sociale des femmes métisses et noires victimes d’exclusion. Dans le plus profond respect des valeurs et des principes du commerce équitable, Ukuva iAfrica Foods assure à sa vingtaine d’employées des conditions de rémunération décentes, l’accès aux soins de santé, un cadre de travail agréable et une participation au capital de l’entreprise. Chaque année, les travailleuses décident ensemble de l’affectation d’une partie significative des bénéfices qui sont souvent utilisés pour couvrir les frais de scolarisation des enfants et acheter du matériel scolaire. Ukuva iAfrica est par ailleurs à l’origine de plusieurs projets sociaux et sanitaires importants. Non seulement l’entreprise donne du travail à des dizaines de personnes handicapées mentales auxquelles est confiée la décoration des flacons et des bouteilles mais elle pilote aussi un programme d’assistance aux orphelins atteints par le VIH/SIDA dans les townships du Cap. Les ressources financières obtenues grâce aux primes équitables servent aussi des ambitions économiques. En effet, afin de maintenir la compétitivité de l’entreprise et la qualité de ses produits, des formations techniques sont dispensées aux travailleuses de Ukuva iAfrica,

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en particulier dans le domaine des normes européennes d’hygiène et de sécurité alimentaire. L’objectif à terme est l’obtention de la très sérieuse certification agroalimentaire HACCP (Hazard Analysis and Critical Control Point) qui devrait ouvrir d’intéressantes pistes commerciales pour l’entreprise sur le continent européen. Cette recherche constante de la qualité, de la saveur et de la beauté a valu à l’entreprise d’être récompensée à plusieurs reprises lors de salons culinaires aux Etats-Unis. Etendard du commerce équitable Non contente d’être une entreprise rentable et solidaire, Ukuva iAfrica Foods est l’une des rares organisations à être à la fois labellisée FLO et membre de l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable (WFTO) et de COFTA. Nigel Wood et sa famille s’investissent énormément en faveur des populations fragilisées d’Afrique. Ils considèrent, comme beaucoup d’autres, que le commerce équitable, en mêlant performance économique, respect des traditions et bienveillance à l’égard des plus faibles, constitue l’une des clefs pour un développement harmonieux et équilibré de l’Afrique. Membre actif de Fair Trade South Africa, Ukuva iAfrica fait partie des organisations et des entreprises équitables retenues pour la phase d’expérimentation (pilotée par COFTA) en Afrique du Sud du nouveau système de certification sur lequel travaille l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable, le WFTO Fair Trade System (cf. page 25).

Pour en savoir plus : www.ukuvaiafrica.co.za www.cofta.org www.claro.ch www.bidnetwork.org


La société commerciale sud-africaine Bean There a été fondée par Jonathan et Sarah Robinson, des amoureux de l’Afrique, avec pour objectifs de faire découvrir les pays du continent par leur production de café équitable.

BEAN THERE LA COMPAGNIE SUD-AFRICAINE DE CAFÉ ÉQUITABLE Bean There fut ainsi la première organisation en Afrique du Sud à torréfier, préparer et commercialiser du café acheté auprès de coopératives certifiées dans les grands pays producteurs d’Afrique.

«Le commerce équitable n’est pas une obligation mais un moyen pour promouvoir le développement, la croissance et l’émancipation sociale.» Bean There

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En entrant dans la boutique Bean There à Johannesburg, ce qui vous frappera probablement en premier, c’est l’odeur du café, un arôme puissant qui vous fera fermer les yeux de plaisir. Puis, quand vous les ouvrirez, vous découvrirez enfin la source de ces effluves merveilleux, une immense machine à torréfier qui trône au milieu du magasin et d’où s’élèvent parfois des filets de vapeur. Sur les étagères, vous verrez alors des paquets de café «single origine» en provenance d’Ethiopie, du Kenya, de Tanzanie et du Rwanda, et contre les murs, de grands sacs de toile brune remplis de grains de café. Les organisations de producteurs auprès desquelles Bean There achète les grains de café ont toutes leur production certifiée équitable et/ou durable (Fairtrade ou UTZ Certified) et bénéficient à ce titre de meilleures conditions pour la vente de leur café (prix plus élevés, conditions de paiement favorables, primes équitables). En effet, chez Bean There, on pense que «pendant trop longtemps, les producteurs de café ont été exploités et traités injustement par les pratiques du libre-échange au niveau mondial» et qu’il convient d’établir «des relations commerciales éthiques avec les producteurs de café africains et de les soutenir, ainsi que leurs familles et leurs communautés.»20


Café équitable - Crédit : Bean There

Mais Bean There ne se contente pas de respecter ces règles commerciales équitables. En effet, auprès de chacune de ces communautés de caféiculteurs, la compagnie sud-africaine s’est engagée à soutenir des projets de développement, souvent d’ailleurs en partenariat avec d’autres importateurs du commerce équitable. En Ethiopie, par exemple, Bean There a financé l’équipement de plusieurs écoles proches d’Addis-Abeba.

Dès que vous aurez franchi les portes de la boutique, il sera probablement trop tard. Vous voudrez certainement goûter les différents cafés un par un. Reconnu pour son arôme très légèrement citronné et sa grande douceur, le mélange Ethiopian Sidamo est élaboré à partir de grains de café biologique et équitable provenant exclusivement de la coopérative éthiopienne Fero, un organisation d’environ 3000 fermiers certifiés.

flancs du Mont Kenya, et dont la production est certifiée UTZ Certified. Je crois que vous devrez aussi goûter le Rwandan Kivu aux parfums de mandarines douces. Celui-là est élaboré à partir de grains de café provenant de la coopérative rwandaise Coopac qui fait vivre plus de 2000 familles sur les rives du Lac Kivu et dont la production est certifiée Fairtrade depuis 2003.

Le Tanzanian Mbeya est un arabica très doux, avec un léger parfum de chocolat et de noisettes. Il est exclusivement fabriqué à partir de grains récoltés dans la région de Mbeya en Tanzanie, où sont produits certains des meilleurs arabicas du monde. Les fermiers de cette organisation tanzanienne sont soutenus par Bean There qui a contribué au financement des stations de lavage et à la formation des producteurs dans le cadre du Projet Hope. Ce projet, auquel participe notamment Biolands (l’un des principaux exportateurs de cacao et de café biologique en Afrique), a considérablement amélioré le niveau de vie des milliers de familles qui en bénéficient.

Il y en d’autres encore à découvrir et chacun de ces cafés provient d’une coopérative ou d’un groupement de producteurs auprès desquels se sont rendus les responsables de Bean There afin de «découvrir le pays, de choisir personnellement le café, de rencontrer les fermiers et leurs communautés et d’établir avec eux des partenariats étroits autour de programmes existants ou de nouveaux projets de développement.»21 D’autres pays sont en vue pour Bean There (Malawi, Ouganda, Burundi, Zambie). D’autres communautés, d’autres cafés, d’autres saveurs. Ce n’est pas grave, vous reviendrez pour les goûter.

Si vous allez à Johannesburg, passez à la boutique Bean There, admirez leurs talents de torréfacteurs et goûtez aussi le Kenyan Nyeri, réputé pour son subtil goût de myrtilles et de caramel, qui est élaboré à partir de grains provenant de la communauté Ruthagati qui vit sur les

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Pour en savoir plus : www.beanthere.co.za


Vin Thandi - CrĂŠdit : Thandi Wines / The Company of Wine People

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LE VIN ÉQUITABLE D’AFRIQUE DU SUD Moins emblématique que le Rooibos mais probablement aussi populaire, le vin certifié Fairtrade fait véritablement office de vitrine du commerce équitable sudafricain, de son dynamisme et de la qualité de ses produits. Les vins équitables sud-africains ont acquis aujourd’hui une reconnaissance internationale réelle ainsi qu’en témoignent les nombreux prix obtenus ces dernières années par certains des millésimes rouges, blancs et pétillants produits par les viticulteurs certifiés Fairtrade22. Ces indéniables succès ne doivent toutefois pas occulter la réalité raciale et sociale difficile du secteur viticole en Afrique du Sud. La viticulture demeure en effet l’un des pans de l’activité économique du pays où la politique de discrimination positive mise en place par le gouvernement dans le cadre du programme Black Economic Empowerment (BEE) a le plus de difficulté à donner des résultats concrets.

Bien que la viticulture soit une industrie bien établie en Afrique du Sud, c’est aussi un secteur encore considéré comme l’un des bastions de l’influence et de la puissance des blancs. Moins de 1% des sociétés productrices appartiennent à des hommes d’affaires noirs.23

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Afin d’améliorer cette situation, d’autant plus préoccupante qu’elle touche l’un des secteurs les plus visibles de l’économie du pays, des producteurs sud-africains ont créé en 2002 l’Association du Commerce Ethique de l’Industrie Viticole (Wine Industry Ethical Trade Association - WIETA) avec pour objectif la promotion de normes sociales et de pratiques professionnelles décentes et éthiques dans l’industrie du vin.

Sfmthd - Crédit : Fotolia

L’association, qui réalise des audits des entreprises viticoles et les évalue selon un code d’éthique commerciale (Ethical Trading Initiative standards), a par ailleurs pris des contacts avec les représentants nationaux de Fairtrade pour permettre aux sites de production qu’elle a certifiés de se faire labelliser Fairtrade sans devoir supporter les coûts d’une double certification24. Lentement mais surement, ces initiatives portent leurs fruits. Face aux résistances de nombreux viticulteurs blancs qui s’opposent au partage de leurs terres et refusent de céder leurs vignobles, les producteurs noirs s’organisent et acquièrent progressivement les ressources, les savoir-faire et l’expérience nécessaires pour réussir dans cet art délicat qu’est la fabrication du vin. Plus encore qu’ailleurs, c’est dans le secteur du vin équitable que ces initiatives sont les plus impressionnantes et les plus porteuses d’espoir pour l’Afrique du Sud de demain.

THANDI - En langue xhosa, Thandi signifie : «Entretenir l’amour».

Vin Thandi - Crédit : thandi Wines

Dans l’univers du commerce équitable et dans le monde des amateurs de vin, Thandi est synonyme de qualité, de saveur et de solidarité. Car Thandi, avant d’être quoi que ce soit d’autre, c’est surtout la première organisation viticole de l’histoire à obtenir la certification équitable Fairtrade (délivrée par FLO-Cert). L’histoire de Thandi commence au lendemain de l’élection de Nelson Mandela à la présidence de l’Afrique du Sud, un pays qui prend conscience de la signification de la fin de l’apartheid au niveau social et économique et qui mesure les enjeux de cette transition majeure qui l’attend. En acceptant la fin de la ségrégation raciale, les dirigeants sud-africains ont fait preuve d’un immense courage mais les obstacles et les opposants sont nombreux et puissants au sein des élites du pays.

La première organisation viticole majoritairement détenue par des noirs Nous sommes en 1995. Le Dr Paul Cluver, un fermier blanc particulièrement courageux, met une partie de ses terres à disposition des fermiers noirs des communautés pauvres de Lebanon et de Nietbegin dans la région particulièrement déshéritée de Elgin, à 60 kilomètres environ à l’est du Cap. Ceux-ci décident de mettre en commun les ressources que leur alloue le gouvernement sud-africain nouvellement élu pour investir dans le rachat de ces parcelles et des terres voisines détenues par la Compagnie des Forêts. «Nous avons été chanceux», explique Vernon Henn, l’actuel directeur général noir de Thandi, «nous avions des dirigeants dans nos communautés qui avaient une vision et la capacité d’expliquer l’importance de la retenue. Parce qu’ils n’avaient pas l’habitude d’avoir de l’argent, de nombreux noirs ont dépensé tout de suite les subventions que l’Etat leur avait accordées.»25 L’un de ces dirigeants, le pasteur anglican de la communauté, a proposé Thandi (le prénom de sa fille) comme nom du projet et celui-ci a été retenu. Une société est donc créée en 1995 sous ce nom avec comme actionnaires les 250 fermiers noirs de Lebanon et de Nietbegin et leurs familles ainsi que Paul Cluver et la Company of Wine People (CWP, l’un des principaux exportateurs de vin sud-africain). Au tout début, ils s’orientent vers la culture des poires, des pommes et des prunes mais, très vite, il devient évident que ces terres sont particulièrement propices à la viticulture. Avec l’aide précieuse de Paul Cluver et de la CWP qui partagent leur expertise et leurs moyens techniques, les premières vignes de cépages Chardonnay et Merlot noir sont plantées en 1999.

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Raisin sud-africain - Crédit : Robert Wallace

Les années passant, les fermiers noirs de Thandi reçoivent le soutien du gouvernement et acquièrent progressivement la majorité des parts de la société, faisant de Thandi «la première compagnie viticole née du programme Black Economic Empowerment et la plus grande société de vente de vins à l’international détenue par des noirs en Afrique du Sud»26. Mais les tensions commerciales restent importantes. Les responsables de Thandi décident alors de s’orienter vers le commerce équitable, ainsi que le raconte Vernon Henn : «A un moment, nous avons réalisé que ce renforcement des capacités de la communauté noire locale (ce que nous appelons l’« Empowerment ») était insuffisant. Dans le marché ultra-compétitif du vin, il nous fallait trouver une niche commerciale spécifique, susceptible de valoriser notre production à une échelle internationale. Le WIETA (Wine Industry Ethical Trading Association) était trop local, non reconnu sur le plan international. Nous avons donc opté pour le commerce équitable, car il est parfaitement en phase avec les principes de l’Empowerment noir.»27

En 2003, Thandi reçoit la certification Fairtrade pour sa production vinicole. La société est détenue à près de 55 % par les fermiers noirs qui exploitent les 200 hectares de terres qu’ils ont progressivement rachetés (50 hectares sont consacrés à la viticulture).

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Le secret : la qualité Dès les premières récoltes, l’accent est mis sur la qualité du produit : «D’abord et avant tout, le projet doit être économiquement viable», souligne Rydal Jeftha, l’un des responsables de Thandi (…) «la qualité des vins Thandi doit être notre principal argument de vente. C’est surtout la qualité du produit qui assurera notre croissance dans l’avenir.»28 Tout le développement de l’entreprise est fondé sur ce principe, ainsi qu’en témoigne Anton Du Toit, le responsable opérationnel : «Nous avons adopté une stratégie pragmatique pour notre croissance. Dès le début nous voulions atteindre l’excellence à chaque étape du processus de vinification. Nous n’étions pas préparés à faire des compromis et, étant donné que nous étions nouveaux et ambitieux, il était logique de développer des alliances avec différents producteurs et de travailler ensemble. (…) Nous savons que l’exigence première doit être la qualité plutôt que la nature de notre projet. Thandi doit d’abord et avant tout être apprécié comme un bon vin. Une éthique juste ne nous aidera pas si notre produit n’est pas bon.»29 Des partenariats sont effectivement noués, notamment avec la Vinfruco, l’un des grands exportateurs de produits agricoles en Afrique du Sud, et les résultats obtenus sont à la hauteur des efforts réalisés. Les bouteilles de Cabernet Sauvignon, de Merlot, de Pinot Noir, de Sauvignon Blanc et de Sémillon produites par Thandi sont accueillies avec enthousiasme par les amateurs. D’ailleurs, depuis sa certification, Thandi a obtenu de nombreux prix, en particulier une Médaille d’Or (en 2004) et une Médaille d’Argent (en 2005) au célèbre Wine Challenge de Londres, puis une autre Médaille d’Or au Concours Mondial de Bruxelles de 2008. En Belgique, les vins Thandi sont proposés dans les magasins du groupe Delhaize.


Fairtrade et émancipation Si le projet et la société Thandi suscitent autant d’intérêt au niveau mondial, c’est d’abord et avant tout pour la qualité de son vin (ce qui prouve une fois de plus, si besoin était, qu’on peut être équitable et délicieux). Ceci étant, en tant qu’initiative locale fondée sur l’appropriation maîtrisée d’une activité économique à fort potentiel par des communautés déshéritées, l’histoire de Thandi fait aussi l’objet d’une attention particulière dans le monde des acteurs du développement économique et social. Il faut le reconnaître, l’histoire est étonnante. Des fermiers noirs pauvres d’une région plutôt misérable acquièrent des terres (avec l’aide de personnalités hors normes, telles que le Dr Paul Cluver et sa famille), apprennent tant bien que mal la viticulture, font le pari (plutôt fou à l’époque) de la production et de la commercialisation de vin équitable et, dans les années qui suivent, remportent certains des prix internationaux les plus prestigieux dans le domaine du vin. La réalité est un peu plus complexe et les obstacles qu’il a fallu affronter étaient nombreux. Les témoins de cette aventure ont souligné à maintes reprises que ce succès repose en particulier sur les choix judicieux opérés par la société à des étapes critiques de son développement et aux bénéfices économiques liés à l’obtention de la certification Fairtrade. Les primes Fairtrade et les dividendes obtenues ont en effet été réinvestis pour permettre aux fermiers noirs de Thandi d’acquérir progressivement la majorité des parts de l’entreprise avec pour objectif l’acquisition de 100 % du capital dans les cinq années à venir. Ceci étant, ainsi que le recommandent les standards Fairtrade, un certain nombre de projets ont été financés par la certification, même si, ainsi que le souligne Vernon Henn, «il a fallu attendre 2007 pour que les volumes vendus, intégralement labellisés, soient suffisamment importants pour avoir un impact concret sur le bien-être de la communauté».30 Les projets financés sont de nature économique avec l’organisation de sessions de formation technique (utilisation et réduction des pesticides, gestion et management) mais surtout sociaux et communautaires :

Comme l’ont souhaité les fondateurs de Thandi, l’éducation est perçue comme l’avenir des communautés de Lebanon et de Nietbegin, ainsi que l’explique Vernon Henn : «Il y a encore un besoin important en termes de transformation culturelle. Beaucoup de noirs ne veulent pas prendre des décisions ou assumer des responsabilités ; ils ont le sentiment de ne pas avoir assez d’expérience. C’est pourquoi nous accordons tant d’importance à l’éducation de nos enfants, en particulier dans la gestion, l’agriculture et la fabrication du vin».31 Le modèle Thandi Véritable vitrine de l’émancipation raciale et sociale, l’histoire de Thandi a fait couler beaucoup d’encre et suscite l’intérêt de nombreux experts du développement. L’organisation et les pratiques adoptées par la société font ainsi l’objet d’études attentives en Afrique du Sud, mais aussi de la part d’observateurs américains, russes et européens. Au point que l’on parle aujourd’hui du modèle Thandi et que celui-ci est repris pour la mise en place de projets de développement local dans d’autres communautés défavorisées en Afrique du Sud et sur l’ensemble du continent noir, pour la production de vins mais aussi de fruits et légumes. Cette position fait la fierté des fermiers-actionnaires à l’origine de ce modèle : «Le succès incroyable des vins Thandi signifie que notre marque est porteuse de valeurs. Il était donc logique d’en faire l’étendard sous lequel de futurs produits seront commercialisés.»32 Un premier projet est donc initié sur ce modèle dans la région de Langkloof où 135 travailleurs agricoles noirs ont acquis une ferme et 240 hectares de terres. Depuis, 5 autres exploitations en Afrique du Sud ont adopté le modèle Thandi et vendent leurs fruits et légumes sous cette marque.

Pour en savoir plus : www.thandiwines.com www.fairtradelabel.org.za www.befair.be

Mise en place d’une crèche pour 40 enfants de Lebanon et de Nietbegin

Création d’une bourse pour l’étude de la viticulture Soutien au paiement des études supérieures pour les enfants les plus méritants Formation de l’ensemble des adultes dans les com pétences de base (lecture et écriture) Financement d’installations sportives

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Ferme Thandi - Crédit : Trevor Samson / World Bank

Achat de matériels pour les écoles locales


Stellar Winery est le premier exportateur sud-africain de vin équitable. C’est aussi la première organisation viticole à être certifiée à la fois équitable et biologique. Une référence mondiale.

STELLAR WINERY L’ÉTENDARD DU COMMERCE ÉQUITABLE SUD-AFRICAIN

Les celliers de Stellar Crédit : Stellar Organic Winery

C’est en 2001 que Willem Rossouw décide, de concert avec ses frères, d’implanter des vignobles sur la propriété familiale située dans la région semi-aride de Namaqualand, à quelque 280 kilomètres au nord du Cap. Très sensible aux questions d’émancipation raciale, il associe très tôt au projet certains de ses collaborateurs noirs, y compris l’ancienne domestique de la famille, auxquels il finance des études de viticulture. Dès le début, Willem Rossouw a pour ambition la fabrication de vin biologique et équitable. S’il suscite le scepticisme voire l’hostilité des vignerons blancs, son projet rencontre aussi de nombreux soutiens, de la part notamment des autorités et d’organisations non-gouvernementales.

Au niveau agricole, c’est un projet biologique. Au niveau humain et social, c’est un projet équitable. C’est probablement ainsi que l’on pourrait décrire la création de Stellar Winery par Willem Rossouw qui engage dès le début son projet sur le chemin de la certification Fairtrade en partageant le capital de la société avec les travailleurs agricoles qu’il emploie.

Sur ces terres arides, la viticulture biologique est une gageure, «un pari d’autant plus difficile que le terrain, très peu fertile, nécessitait des apports significatifs d’engrais chimiques.»33 A force d’expérimentations et grâce aux conseils d’experts, Willem Rossouw et son équipe parviennent à mettre au point des techniques alternatives de fertilisation pour les dizaines d’hectares du domaine, en recourant aux solutions les plus ingénieuses. Un système complexe de goutte-à-goutte répartit l’eau de la Rivière de l’Olifant dans les vignobles qui s’étalent autour des fermes installées sur les flancs de la vallée, des plantes choisies avec soin éloignent les insectes et produisent un terreau idéal pour la viticulture, des canards évoluent entre les rangées de vignes et mangent les escargots et autres nuisibles, des cloportes fourmillent dans les résidus végétaux étalés au milieu des pieds de raisin pour en accélérer la décomposition34. Techniquement, le projet est une réussite. Mais c’est surtout le succès d’une équipe, la réalisation d’une étroite coopération entre le fondateur de l’entreprise et les travailleurs noirs de l’entreprise qui assument la responsabilité de plusieurs chantiers du projet. Afin de mieux organiser cette participation des travailleurs, ils réorganisent ensemble l’entreprise en distinguant d’une part, Stellar Farming qui rassemble les fermes qui produisent le raisin pour la table et pour le vin, et, d’autre part, la société Stellar Winnery qui assure la production et la mise en bouteille du précieux breuvage. Cette réorganisation ainsi que l’implication des travailleurs et de l’encadrement portent leurs fruits rapidement. Ainsi, en 2003, la filière de production du raisin de table est certifiée Fairtrade suivie, un an plus tard, par la filière vinicole. En 2011, Stellar obtient la certification équitable Fair for Life et décide à cette occasion de ne pas renouveler sa certification Fairtrade. Le partage du capital de l’entreprise est mené à bien avec la création en 2006 du Stellar Employee’s Trust (Association des Employés de Stellar) par l’ensemble des quelque 150 travailleurs des fermes et du site de viticulture. Les primes équitables et les prêts gouvernementaux octroyés par le gouvernement dans le cadre du programme Black Economic Empowerment ont permis à la nouvelle organisation d’acquérir 26 % des parts de Stellar Winery et 50 % de Stellar Agri, la joint-venture qui intègre Stellar Farming.

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La réalisation du projet social du groupe Stellar bénéficie très largement du succès commercial de l’enseigne dont les ventes (tant de vin que de raisin) connaissent une croissance soutenue depuis la création de l’activité. Stellar Winery propose une segmentation originale et bien pensée de son offre avec une trentaine de marques différentes de vin rouge, blanc, rosé et pétillant, correspondants chacune à un type de vin en fonction des cépages (Merlot, chardonnay, Pinot, etc.), des processus de vinification, (avec ou sans ajout de sulfure) ou du contexte de dégustation (apéritif, digestif, fêtes, etc.)35. En 2008-2009, le groupe Stellar a produit 363 177 tonnes de raisin de table, dont près de 60 % ont été exportés sur les marchés équitables et conventionnels en Europe. La production de vin est en moyenne de 2 250 tonnes par an36 et les ventes pour 2010 sont d’environ 2 millions de bouteilles de vin équitable et biologique37. Festif et équitable Le groupe Stellar fait véritablement figure de pionnier de la viticulture équitable. Les bénéfices pour les travailleurs-actionnaires et leurs communautés sont aussi exemplaires que la réussite commerciale de l’entreprise. Ainsi, la part des dividendes attribuée au Stellar Employee’s Trust ainsi que les primes (Fairtrade Premium) obtenues des acheteurs équitables (près de 330 000 euros entre 2006 et 201038) ont permis de réaliser d’importants projets sociaux et solidaires. Les conditions de travail des salariés de l’entreprise ont été considérablement améliorées. Ceux-ci bénéficient en effet de logements réaménagés, où ils disposent d’un accès gratuit à l’eau et à l’électricité, proche desquels a été financée l’installation et l’équipement de potagers biologiques. La vente des légumes cultivés sur ces parcelles permet de constituer des compléments de revenus pour les travailleurs de Stellar. Comme dans de nombreux projets de développement fondés sur les bénéfices de la certification équitable, une part significative de ces ressources est réinvestie dans l’éducation et la formation. Ainsi, une crèche a pu être créée pour accueillir les enfants des ouvriers de l’entreprise et des communautés alentours, des programmes d’alphabétisation et de qualification des travailleurs ont été initiés et le centre de formation a été doté d’ordinateurs et de programmes pédagogiques. Les primes ont aussi permis de financer un programme éducatif au sein de l’école primaire de Trawal pour sensibiliser les enfants de la communauté aux bénéfices et aux pratiques de l’agriculture et de la viticulture. Ce programme, qui inclut la gestion d’un véritable vignoble à côté de l’école, donne même lieu à une récolte et une cuvée spéciale dont les bénéfices sont partagés entre l’école et le Stellar Employee’s Trust.

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La vente des premiers vins issus de ce vignoble pédagogique s’est faite en 2008 au groupe belge de grande distribution Delhaize39. Le bien-être de la communauté occupe une place importante dans les préoccupations du comité restreint qui, au sein du Stellar Employee’s Trust, gère les primes Fairtrade. Ainsi, outre l’installation d’une cantine pour les travailleurs et l’acquisition récente d’un bus, les responsables du comité prévoient la création d’un centre communautaire auquel ils donneront le nom de Maria Malan, cette domestique de la famille Rossouw qui est devenue gestionnaire d’une des principales fermes de Stellar et qui est décédée en avril 2010. La santé est un autre pilier des programmes de développement pilotés par le Stellar Employee’s Trust qui a créé un comité spécifiquement chargé des questions sanitaires. Constitué de 13 travailleurs formés par l’établissement local de soins, ce comité gère les programmes de prévention (en particulier au VIH/SIDA) et assure les premiers soins sur les sites de viticulture et de production. Parmi les nombreux projets directement financés par la certification équitable, il convient aussi de citer la création d’un journal, le Stellar Star, géré par deux travailleurs-actionnaires de l’entreprise formés au journalisme, ainsi que la mise en place d’une équipe de football, Stellar United, qui participe au championnat local pour le plus grand plaisir des amateurs de ballon rond de la communauté. A l’occasion de la Coupe de Monde, Stellar Winery a développé cette action en lançant son Projet Football, en partenariat avec l’importateur allemand Riegel, grâce auquel un terrain et des vestiaires ont été bâtis et de nombreux équipements achetés pour les enfants de la région.


La confiance avant tout

«Si j’ai pu réaliser mon potentiel et atteindre la position que j’occupe aujourd’hui, c’est grâce aux programmes sociaux progressistes de Stellar, à la politique d’émancipation et aux financements du commerce équitable» Berty JONES - Directeur de Stellar Winery40

Ainsi que l’attestent ces nombreuses réalisations, Stellar Winery fait véritablement figure de success story du commerce équitable sud-africain. Mais c’est d’abord et avant tout le résultat d’une pensée humaniste aboutie, d’une politique de promotion sociale fondée sur le mérite, la responsabilité et la confiance plutôt que sur la race ou la classe sociale. Le cas de Berty Jones illustre bien cette philosophie au cœur de Stellar Winery. Berty a commencé comme homme à tout faire chargé des petits travaux manuels dans les fermes de Stellar. Rapidement, ses facilités d’apprentissage sont remarquées et, grâce aux financements issus des primes Fairtrade, il suit une formation d’assistant viticulteur qui lui vaudra d’être nommé responsable des chais puis d’être élu à la tête du comité restreint de Stellar Employee’s Trust. Depuis, Berty sillonne le monde pour promouvoir Stellar Winery et ses vins dans le cadre de foires commerciales et témoigner des bénéfices du commerce équitable. Depuis le début de l’année 2010, Berty est le directeur de Stellar Winery.

Pour en savoir plus :

Viticulteur sud-africain - Crédit : Fairtrade international

www.stellarorganics.com www.planete-responsable.com www.fairtrade.org.uk www.fairtradelabel.org.za www.fairtrade.org.za

ET BEAUCOUP D’AUTRES ENCORE L’Afrique du Sud est la patrie du vin équitable (avec l’Argentine et le Chili). Plusieurs organisations de producteurs se sont lancées dans cette aventure et proposent des histoires passionnantes et des vins sublimes. Il faut les découvrir. Notamment celles-là : Sonop Wine Farms et African Terroir (Winds of Change) - www.african-terroir.co.za Uniwines - www.uniwines.co.za Stellenrust - www.stellenrust.co.za Nederburg - www.nederburg.co.za Riebeek Cellars - www.riebeekcellars.com Fairhills - www.fairhills.co.za

Pour en savoir plus sur le production et la commercialisation du vin équitable sud-africain : www.wosa.co.za www.organicwinetradecompany.com www.thewinesociety.com www.greatgrapes.nl www.fairtrade.be

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Artisanat équitable sud-africain - Crédit : Shared Interest

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L’ARTISANAT ÉQUITABLE EN AFRIQUE DU SUD

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Tabisa, employée d’Umtha - Crédit : Artisanat SEL / Umtha

UMTHA, L’ART DES TOWNSHIPS

Township de Soweto - Crédit : Matt-80

Si l’abolition de l’apartheid a mis fin à la ségrégation raciale, il n’en reste pas moins que demeurent des clivages économiques et sociaux très importants entre les populations noires et blanches en Afrique du Sud. Les townships constituent les plus célèbres illustrations de cette misère dans laquelle vivent encore des millions de noirs et de métis dans le pays. Depuis les années 1960, les personnes les plus pauvres (qui, de fait, sont très majoritairement des personnes de couleur) sont repoussées à la périphérie des agglomérations dans ces immenses bidonvilles à ciel ouvert où règnent le chômage, la pauvreté, la maladie et la violence.

«Je suis une mère seule et Umtha m’aide à éduquer et nourrir mes quatre enfants depuis la mort de mon mari». Cynthia, perleuse à Umtha

L’histoire d’Umtha, qui signifie «Rayon de lumière» en langue xhosa, commence en 1991. Dave Milligan est un jeune Sud-Africain blanc au chômage depuis plusieurs mois. Par un après-midi pluvieux, il entre dans une boutique de perles du Cap, fait quelques achats et rentre chez lui fabriquer un collier pour sa femme, Cheryl. Le bijou est si réussi que Dave, inspiré, décide de se lancer dans cette activité en vendant ses créations aux touristes de passage et sur les marchés artisanaux, puis auprès des joailliers du centre-ville. Cheryl rejoint Dave dans cette aventure et, ensemble, ils travaillent d’arrache-pied pour vivre de cette nouvelle activité. En 1996, ils rencontrent Jostina Dubase, une jeune femme noire en grande difficulté et décident de l’engager. Cette rencontre marque un tournant dans l’histoire de Dave et Cheryl qui décident alors qu’Umtha doit être une entreprise sociale et accueillir en priorité en tant que salariées des femmes seules et pauvres des townships. Billes de bois teint, perles colorées, coquillages éclatants, pierres semi-précieuses, fragments d’œufs d’autruches,… Les bijoux d’Umtha rencontrent un grand succès et l’équipe se renforce en accueillant année après année de nouvelles créatrices, des femmes aux histoires personnelles difficiles, veuves ou divorcées, parfois atteintes du SIDA/VIH. Et là, au milieu des perles et des ficelles, chacune retrouve goût à la vie. Tel est l’esprit d’Umtha.

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En août 2007, alors qu’Umtha connaît un fort développement, Dave Milligan participe à un atelier organisé par COFTA et la Fondation Shared Interest. Les formations proposées incluent la découverte du commerce équitable, le développement de produits, le marketing et la mise en réseau. Membre alors de COFTA et de l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable (WFTO), Dave participe alors à la création du groupe Artisanat du Commerce Equitable d’Afrique du Sud (Fair trade Crafts South Africa - FACSA) qui vise à promouvoir ensemble l’artisanat équitable sud-africain et à partager informations, ressources et expériences.

«Umtha s’efforce d’être à la hauteur de la signification de son nom «Rayon de Lumière». La société offre à ses employées la stabilité nécessaire pour s’épanouir et se développer en tant qu’individus, elle fournit aussi un soutien aux familles pour briser le cycle de la pauvreté pour la prochaine génération»

Ce qu’il y a d’extraordinaire dans le commerce équitable, c’est la capacité qu’ont ceux qui le mettent en œuvre de mêler performance entrepreneuriale et préoccupations solidaires. Le business et la créativité au service des déshérités. Une position clairement affirmée chez Umtha qui veut «parvenir à l’excellence dans les affaires, dans la production et la gestion mais aussi dans la réussite de ceux qui travaillent avec nous. Tant que notre entreprise se développe, Umtha continuera à vouloir faire la différence en Afrique du Sud.»43

L’artisanat d’Umtha - Crédit : Umtha

Beth DURHAM , responsale des ressources humaines - Umtha41

Aujourd’hui, Umtha est l’une des entreprises artisanales équitables les plus dynamiques d’Afrique du Sud. Ce sont maintenant près d’une cinquantaine de personnes issues des townships qui créent ces bijoux magnifiques que l’entreprise vend dans le monde entier. La très grande majorité de ces employés sont des femmes qu’Umtha s’efforce de soutenir dans chaque étape de leur vie, en accordant des prêts préférentiels, en prenant en charge les frais de scolarisation des enfants et en assurant le suivi médical de celles qui souffrent de maladies importantes (VIH, tuberculose, diabète). Ainsi que l’expliquent Dave et Cheryl, il s’agit de donner à ces femmes les moyens de sortir de la spirale de la misère par le travail, l’affection et le respect. D’ailleurs, ainsi qu’ils l’annoncent fièrement, «deux des femmes que nous avons accueillies ont créé leur propre activité de perlerie et deux autres ont rejoint le secteur de l’accompagnement et de la formation des adultes.»42

Pour en savoir plus : www.umtha.co.za http://umtha.blogspot.com www.tearfund.org www.artisanatsel.com

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Crédit : Larns / African Toyshop

THE AFRICAN TOYSHOP, L’AFRIQUE POUR LES ENFANTS Confronté à la concurrence asiatique et sud-américaine, l’artisanat africain peine à se développer, à atteindre les seuils de production et de vente qui permettraient l’émergence de filières économiques importantes, susceptibles d’assurer une hausse sensible du niveau de vie pour les millions de personnes qui travaillent le bois, le fer, le tissu et la pierre sur le continent. Pourtant, l’artisanat et la création manuelle sont au cœur de l’âme africaine. Masques, sculptures, bijoux,… En Afrique plus qu’ailleurs, l’art, les traditions et l’artisanat se confondent depuis des millénaires et constituent l’un des principaux piliers du patrimoine merveilleux du continent noir. C’est cette richesse et cette beauté que Greg Moran a voulu promouvoir et rendre accessible aux enfants du monde entier. Après avoir sillonné l’Afrique pendant près de cinq ans pour découvrir et rencontrer les créateurs de jouets dans chaque recoin du continent, il créé sa boutique The African Toyshop à Johannesburg en 2005 «pour permettre aux fabricants africains de jouets artisanaux d’accéder à de nouveaux marchés et de gagner leur vie comme ils le méritent.»44 Cette volonté d’associer à chaque jouet proposé un créateur, une histoire, un pays et ses traditions s’inscrit dans une démarche de respect et de valorisation du patrimoine africain, mais c’est aussi un argument commercial, une manière de faire comprendre aux clients que ces jouets sont aussi des créations originales. D’ailleurs tous les vendeurs de The African Toyshop insistent sur le fait que «les clients sont tout particulièrement intéressés par les histoires de ces jouets et il est important pour nous de leur faire percevoir l’amour et le dévouement qui ont été investis dans ce travail.»45 Depuis sa création, The African Toyshop se bat pour faire reconnaître la valeur du travail des artisans africains et sensibiliser les acheteurs aux principes et aux valeurs du commerce équitable. Et ce n’est pas un combat facile, ainsi que le souligne Greg Moran, qui s’efforce chaque jour d’expliquer aux clients et touristes de passage que, si ses jouets sont plus chers que les produits chinois vendus dans d’autres magasins, c’est parce que chaque création est une œuvre originale faite à la main par des créateurs africains rémunérés correctement pour la qualité de leur travail.

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«Je suis fier de vendre quelque chose qui donne aux enfants et aux adultes une image positive des Africains de tout le continent.»

Crédit : Larns / African Toyshop

Greg Moran46

Là est le secret de The African Toyshop : Chaque jouet est une œuvre, chaque œuvre a un créateur et chaque créateur a une histoire. Auguy Kakase est l’un des fabricants de jouets qui travaillent pour The African Toyshop. La première fois que Greg Moran l’a rencontré, c’était à Kinshasa, en République démocratique du Congo, où il fabriquait ses jouets sur les jardins devant l’ambassade de France. Dès son enfance, Auguy s’est passionné pour les histoires de Tintin, le petit reporter belge, et c’est tout naturellement ces personnages qu’il sculptait dans le bois lorsque sa route croise celle du futur fondateur de The African Toyshop. Auguy créé ces figurines depuis que, tout petit, il a été initié par son grand-père qui l’a encouragé à se former auprès d’artisans confirmés. Aujourd’hui, c’est lui qui enseigne ses techniques à un groupe d’apprentis qui travaillent avec lui. En tant que membre de COFTA, The African Toyshop respecte l’ensemble des principes du commerce équitable qui s’appliquent au secteur de l’artisanat notamment en encourageant les producteurs à s’organiser. Création de nouveaux marchés pour les producteurs, rémunération juste des créateurs et fabricants, conditions de travail correctes, respect de l’égalité hommes/femmes, pas de travail des enfants,… Autant de règles auxquelles se plient l’entreprise qui s’efforce surtout de rétribuer au mieux les artisans, de valoriser leur travail et de promouvoir les traditions africaines.

Pour en savoir plus : http://theafricantoyshop.prosort.co.za www.cofta.org

Dans le domaine de l’artisanat aussi, l’Afrique du Sud offre un panorama riche d’initiatives exemplaires en matière de commerce équitable.

Nous vous invitons à les découvrir : Streetwires Artists Collective - www.streetwires.co.za Cape Sun Fair Trade - www.cape-sun.com Amwa Designs - www.amwa.co.za Africa Home - www.africanhome.co.za Townships Patterns - www.township.co.za Jabulani Jewelry - www.jabulanijewellery.co.za Ilala Weavers - www.ilala.co.za Waxit - www.waxit.co.za Mopani Crafts - www.mopanicrafts.com Khumbulani - www.khumbulani.co.za Wola Nani - www.wolanani.co.za Hooligans Kids - www.hooliganskids.com

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Crédit : Larns / African Toyshop

‘’Je suis choqué quand les gens me disent fièrement qu’ils ont acheté les mêmes jouets que ceux que nous avons en magasin pour des prix ridicules de l’autre côté de la route. Ce qu’ils ne semblent pas comprendre, c’est qu’ils arnaquent ces gens. C’est un combat de tous les jours car nombreux sont encore ceux qui pensent que ce qui vient d’Afrique doit être bon marché et que les Africains n’ont pas besoin d’argent. C’est tellement arrogant. Tellement raciste.» 47


FAIRWILD FOUNDATION EN AFRIQUE DU SUD Depuis plusieurs années déjà, de nombreux secteurs économiques manifestent un intérêt croissant pour les plantes rares et leurs vertus pharmaceutiques, phytosanitaires, alimentaires et/ou cosmétiques. Or, cette demande soutenue des industriels n’est pas sans poser de problèmes pour les équilibres écologiques et le bien-être des communautés concernées dans les pays en développement. En effet, la récolte des plantes sauvages ou leur mise en culture sans étude préalable peut avoir des effets désastreux sur la biodiversité mais aussi sur les modes de vie des populations locales. Ce constat et la prise en compte des menaces qui peuvent peser sur la flore, l’environnement et les communautés humaines est à l’origine de la création en 2008 de la Fondation FairWild qui a pour objectifs «la promotion et le développement d’une gestion durable et équitable des ressources prélevées dans la nature et des produits dérivés.»48

Thé Buchu (Agathosma betulina) Crédit : port Trading Co.

Consciente du fait que «les critères habituels du commerce équitable (Fairtrade, par exemple) ou de la production biologique ne sont pas suffisamment adaptés à un patrimoine de biodiversité aussi spécifique que les plantes à usage médical, cosmétique ou alimentaire»49, la Fondation FairWild s’est inspirée de la norme International Standard for Sustainable Wild Collection of Medicinal and Aromatic Plantes (ISSC-MAP) pour élaborer son système de certification FairWild. Ce dernier «fournit des directives sur les meilleures pratiques de récolte et de commercialisation des plantes sauvages et des ressources assimilées à partir de onze critères principaux, couvrant les aspects écologiques, sociaux et équitable de la durabilité.»50 Depuis sa création, la Fondation FairWild s’est engagée, aux côtés de nombreux partenaires (dont WWF), dans plusieurs projets visant à protéger des espèces végétales menacées en définissant les règles d’une exploitation durable de ces ressources naturelles et ce, dans le respect des modes de vie des populations locales qui doivent par ailleurs bénéficier de ces opportunités économiques.

Pelargonium graveolens Crédit : Eric Hunt

Pelargonium - Crédit : port Trading Co.

Pour en savoir plus : www.fairwild.org www.befair.be

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L’un de ces projets est localisé au Lesotho et dans les régions sud-africaines qui entourent cet état enclavé. Cette initiative a pour objet l’étude de l’espèce végétale Pelargonium Sidoides, une plante herbacée appartenant à la famille des Géraniacées qui a pour lointain cousin le géranium de nos balcons. Cette plante rare, qui ne pousse qu’en Afrique australe, est très appréciée pour ses vertus médicinales, non seulement dans la région mais aussi en Allemagne par exemple où elle entre dans la composition de certains des médicaments les plus vendus pour combattre les infections et les maux de l’hiver. Or, bien qu’une industrie relativement importante dépende de cette plante, on connaît très mal l’impact de la récolte sur la survie de l’espèce, d’autant qu’il n’existait jusqu’alors aucun système de mesure, de surveillance ou de gestion des ressources existantes. Exemplaire à bien des égards des défis que doit relever le commerce durable, le projet piloté par la Fondation FairWild a donc pour objet la mise en place d’un système régional de gestion permettant d’assurer l’exploitation durable de Pelargonium Sidoides au Lesotho et en Afrique du Sud51. Concrètement, ainsi que le prévoient les procédures retenues par la Fondation FairWild, tous les acteurs locaux (collectivités territoriales, producteurs, ONG et secteur privé) ont été impliqués dans l’élaboration d’un Plan Local de Gestion de la Biodiversité. L’application de ce programme se fait par l’ensemble de ces partenaires de chaque côté de la frontière. Encadrer les modes de production pour protéger l’environnement et la biodiversité en veillant au respect du bien-être et des traditions des communautés locales. Un exemple très concret de commerce équitable.


LE TOURISME ÉQUITABLE EN AFRIQUE DU SUD LES ENJEUX DU TOURISME ÉQUITABLE Avec près de 12% du PIB mondial et environ 200 millions de travailleurs, le tourisme est l’un des secteurs les plus importants de l’économie globalisée et aussi l’un de ceux qui connaît une des croissances les plus soutenues. Cet essor est particulièrement visible dans les pays du Sud, destinations ensoleillées prisées par les occidentaux. Pour autant, les populations de ces pays profitent peu de cette manne qui bénéficie avant tout aux opérateurs de l’industrie touristique (compagnies aériennes, tours opérateurs, chaînes hôtelières,…) alors même que les activités sur place se développent souvent au détriment du bien-être des communautés locales (hyper-concentration des infrastructures, dégradation de l’environnement, emplois précaires, travail des enfants, mendicité infantile, prostitution,…)52. Pour que le tourisme devienne un véritable vecteur de développement humain, il convient de mieux le réguler et de veiller à ce qu’il soit générateur de richesses mais aussi de bien-être pour les populations locales. Le tourisme équitable propose des réponses réfléchies et pertinentes à toutes ces questions.

«Le tourisme équitable et durable se réfère aux notions fondatrices du commerce équitable et s’appuie sur une organisation juste et contrôlée de toute la chaîne de production. Il garantit ainsi le réinvestissement des bénéfices dans le développement local de la région. Trois notions majeures sous-tendent le principe du développement durable : l’écologie, l’économie et l’éthique. Le tourisme équitable et durable s’appuie sur ce triptyque en tant qu’il participe au développement à long terme des pays d’accueil.» En voici une définition :

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FAIR TRADE IN TOURISM SOUTH AFRICA Comme dans d’autres domaines, l’Afrique du Sud fait figure de pionnière en matière de tourisme équitable et durable. C’est en effet dans ce pays qu’est né, le 13 juin 2002, Fair Trade in Tourism South Africa, le premier label national de tourisme équitable et durable qui vise à «garantir le fait que les populations dont le territoire, les ressources naturelles, le travail, la culture et les traditions sont utilisés dans le cadre d’activités touristiques bénéficient équitablement des retombées économiques et sociales de ces activités»54.

Reconnu par Fairtrade International, le label Fair Trade in Tourism South Africa est attribué aux organisations touristiques qui respectent un cahier des charges précis, fondé en particulier sur le respect des principes suivants : Répartition équitable : Tous les acteurs impliqués dans l’activité touristique doivent être rémunérés en proportion de leur contribution dans l’activité. Démocratie et participation : Toutes les parties prenantes impliquées dans l’activité ont le droit de participer aux décisions qui les concernent. Respect des droits humains, des cultures, des traditions et de l’environnement : Cela inclut des pratiques et des conditions de travail sûres, la protection des jeunes travailleurs, l’égalité des sexes, la compréhension et la tolérance des normes et pratiques socioculturelles, la protection de la nature et l’aide à la lutte contre le VIH/ SIDA et ses conséquences sociales.

Transparence : L’organisation doit adopter une gestion rigoureuse et un système de comptabilité clair et accessible aux employés, partenaires et autres parties impliquées dans l’activité. Soutien au développement local : L’organisation touristique doit s’efforcer de soutenir le développement économique, social et environnemental du territoire. Cela peut se matérialiser par des initiatives visant à accroître les connaissances ou à former les populations, par l’amélioration ou l’optimisation des ressources disponibles, par le soutien à des activités économiques locales, par la promotion des savoir-faire traditionnels, par des actions de protection de l’environnement, etc. La certification est réalisée dans le cadre d’une procédure globale en trois phases. Dans un premier temps, l’organisation qui souhaite être labellisée procède à une autoévaluation à partir du cahier des charges précis et du guide qui lui sont fournis par Fair Trade in Tourism South Africa. Puis, une seconde évaluation est menée par une tierce partie dont le rapport sera étudié par un panel d’experts qui décidera ou non de l’attribution du label. L’utilisation de ce label fait l’objet de contrôles rigoureux et réguliers de la part de l’équipe de Fair Trade in Tourism South Africa qui veille ainsi à maintenir des standards de qualité élevés pour maximiser son efficacité en tant qu’outil marketing. Depuis sa mise en place, Fair Trade in Tourism South Africa a certifié plus d’une soixantaine d’établissements et d’organisations touristiques de tous types (hôtels, lodges, tours opérateurs, etc.) en Afrique du Sud.

Pour en savoir plus : www.fairtourismsa.org.za www.fairtrade.org.za www.satravellers.com http://satravellers.blogspot.com Zèbres en Afrique du Sud - Crédit : Lukas Kaffer

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La Côte Sauvage - Crédit : Eastern Cape Tourism

L’ETAPES DES BOUCANNIERS Dans la liste des organisations certifiées Fair Trade in Tourism South Africa, on trouve de nombreux établissements de type «lodge» qui offrent l’hébergement et la restauration mais qui proposent aussi souvent des activités touristiques originales et/ou traditionnelles. Labellisé au début de l’année 2010, le «Buccaneers Lodge and Backpackers» est situé à Chintsa West, sur la Côte Sauvage au nord-est de Port-Elisabeth. Géré depuis toujours par la famille Price, ce lodge sur les rivages de l’océan indien propose le gite et le couvert ainsi qu’un large choix de sorties ou d’excursions. Ce qui a convaincu les experts chargés de l’évaluation de cet établissement, c’est en particulier l’importance et la qualité des investissements réalisés par la famille Price pour veiller à la protection de l’environnement local avec en particulier la mise en place d’un vaste système de collecte des eaux de pluies et la création de compost à partir des déchets organiques de l’ensemble du domaine. Au niveau social, l’établissement se distingue par le soutien qu’il apporte au secteur éducatif local depuis plus de 20 ans, en particulier à l’Ecole Agricole Bulugha qui, grâce aux dons des responsables et des clients de Buccaneers Lodge and Backpackers, a pu se doter d’installations électriques, d’une salle informatique complète et d’une cuisine équipée. En outre, Buccaneers Lodge and Backpackers finance plusieurs projets en faveur de l’informatisation des petites écoles de la Côte Sauvage et soutient des initiatives touristiques locales fondées sur la découverte des savoir-faire et des chemins de la région. Responsable Marketing de Fair Trade in Tourism South Africa, Lolla Meyer a tenu à souligner l’exemplarité de cet établissement touristique :

«La famille Price a montré un engagement incroyable et a investi énormément en faveur de la communauté locale au cours des vingt dernières années. Buccaneers Lodge and Backpackers a développé un modèle exemplaire en matière d’interaction responsable entre la communauté locale et ses activités touristiques dans la région Chintsa. En outre, Buccaneers propose une expérience touristique fantastique dans un endroit magnifique tout en veillant toujours à ce que ces activités n’aient pas un impact négatif sur l’environnement.»55 Voilà. Le tourisme équitable, c’est ça.

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CONCLU SION Grande puissance du continent, l’Afrique du Sud est aujourd’hui l’une des principales terres d’élection du commerce équitable. Fondé sur des valeurs de partage et de respect, ce modèle de développement alternatif est en effet la voie adoptée par de nombreux Sud-Africains, Noirs et Blancs, femmes et hommes, pour rapprocher les communautés autour de projets fédérateurs et valorisants. Produire ensemble pour mieux vivre ensemble.

Crédit : Bean There

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Ecolières en Afrique du Sud - Crédit : Volonteer Africa

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SOURCES ET RÉFÉRENCES 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13

Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Afrique_du_Sud Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Desmond_Mpilo_Tutu Source : hdr.undp.org Source : The World Factbook - CIA - www.cia.gov Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Afrique_du_Sud Source : The World Factbook - CIA - www.cia.gov Source : http://www.statssa.gov.za/keyindicators/gdp.asp Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Afrique_du_Sud Source : Idem. Aujourd’hui intégré à WFTO Europe Source : COFTA Application Form - BTC - August 2009 Source : www.fairtrade.org.za/Pages/About-us Source : Fair Trade Label SA - 31 mai 2011 www.fairtradelabel.org.za/news/fairtrade-sales-in-south-africa-reach-r184-million-in-2010.75.html 14 Source : Idem 15 Source : Glenn Ashton, South African Civil Society Information Service (SACSIS), «Rooibos : des leçons à tirer», Traduction de Pierre-Michel Lafforgue, 5 juillet 2010 - www.rinoceros.org 16 Fairtrade Foundation / Sustainable Livehood Consultants (SLC), «Impacts of Fairtrade in South Africa», June 2010 17 Source : www.ukuvaiafrica.co.za/storyframe.htm 18 Source : www.ukuvaiafrica.co.za 19 Source : www.ukuvaiafrica.co.za/storyframe.htm 20 Source : www.beanthere.co.za 21 Source : Idem. 22 Source : «Ethical practice awards for SA wines» - www.southafrica.info - 8 janvier 2010 23 Source : http://ethicalwine.com/fairtrade 24 Source : Idem 25 Source : «Thandi - a winery with vision», Septembre 2010 - www.thewinesociety.com 26 Source : www.thandiwines.com 27 Source : Extraits de «Commerces équitable et durable : tant de label et de systèmes de garantie. Que choisir pour ma production ?», une brochure du Trade for Development Centre téléchargeable gratuitement sur : www.befair.be/fr/articles/www-befair-be/2-ressources/ressources.cfm 28 Source : «Thandi – the world’s first Fairtrade wine» - www.greatgrapes.nl 29 Source : Idem 30 Source : Extraits de «Commerces équitable et durable : tant de label et de systèmes de garantie. Que choisir pour ma production ?», une brochure du Trade for Development Centre téléchargeable gratuitement sur : www.befair.be/fr/articles/www-befair-be/2-ressources/ressources.cfm 31 Source : «Thandi - a winery with vision», Septembre 2010 - www.thewinesociety.com 32 Source : www.thandi.com 33 Source : www.planete-responsable.com 34 Source : Idem. 35 Source : www.planete-responsable.com 36 Source : www.fairtradelabel.org.za 37 Source : www.planete-responsable.com 38 Source : www.fairtrade.org.uk/producers/wine/stellar_organic_south_africa.aspx 39 Source : www.stellarorganics.com/fairtrade.php 40 Source : www.fairtrade.org.uk/producers/wine/stellar_organic_south_africa.aspx 41 Source : Umtha - Africa Case Study - Shared Interest Foundation - www.umtha.co.za/media.php - SIFNews_p45.pdf 42 Source : www.umtha.co.za/b-bbee.php 43 Source : Umtha - Africa Case Study - Shared Interest Foundation - www.umtha.co.za/media.php - SIFNews_p45.pdf 44 Source : http://theafricantoyshop.prosort.co.za/AboutUs.aspx 45 Source : Johan Eybers, «Artists Reflect on World Through Toys With A Difference», IPS News, 30 juin 2008 http://ipsnews.net/news.asp?idnews=43009 46 Source : Idem 47 Source : Idem 48 Source : Interview de Bryony Morgan, Secrétaire de la Fondation Fairwild, réalisée le 10 décembre 2010. 49 Source : Extraits de «Commerces équitable et durable : tant de label et de systèmes de garantie. Que choisir pour ma production ?», une brochure du Trade for Development Centre téléchargeable gratuitement sur : www.befair.be/fr/articles/www-befair-be/2-ressources/ressources.cfm 50 Source : Interview de Bryony Morgan, Secrétaire de la Fondation Fairwild, réalisée le 10 décembre 2010. 51 Source : Idem 52 Source : South African Travellers - www.satravellers.com et http://satravellers.blogspot.com 53 Source : Idem2005 et sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Mozambique. 54 Source : www.fairtourismsa.org.za 55 Source : FTTSA MEDIA RELEASE - Buccaneers.pdf - www.fairtourismsa.org.za/media_releases.html

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Producteurs sud-africains - CrĂŠdit : Fairtrade International

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QUE FAIT LE TRADE FOR DEVELOPMENT CENTRE ?

Pour le Trade for Development Centre, programme de la CTB (l’Agence belge de développement), les commerces équitable et durable peuvent être des outils de réduction de la pauvreté, et des leviers de développement. Le centre a pour objectif l’émancipation économique et sociale des petits producteurs du Sud, à travers leur professionnalisation et l’accès aux marchés, que ces derniers soient locaux, régionaux ou internationaux. Pour se faire nous avons développé les activités suivantes :

> Appui aux producteurs Programme d’appui financier Le Trade for Development Centre soutient les producteurs marginalisés, les micro et petites entreprises ainsi que les projets d’économie sociale actifs dans le commerce équitable ou durable. Il finance différentes activités permettant d’augmenter leurs capacités et leur accès au marché : création de nouveaux produits, introduction de systèmes de contrôle de la qualité, obtention d’une certification, formations (en gestion, marketing…), participation à des foires commerciales,... Activités d’appui à la commercialisation Le TDC est un centre d’expertise en « marketing & ventes » et un organe d’appui concret aux projets de la CTB liés directement ou indirectement à la commercialisation de produits et/ou services : • Conseil stratégique en business et marketing • Information et analyse de marchés • Coaching en marketing & ventes

> Diffusion d’information et plate-forme d’échange Via son site Internet, sa newsletter et différentes publications, le Trade for Development Centre veut apporter aux consommateurs, pouvoirs publics, producteurs et autres acteurs économiques, une information la plus objective possible sur les différents labels, systèmes de garantie de commerce équitable et durable. Il contribue aussi aux débats pour une gestion des ressources naturelles et un commerce plus respectueux de l’Etre humain et de son environnement. Le Centre participe activement à différentes plates-formes d’échange entre acteurs concernés, notamment la plate-forme belge d’appui au secteur privé « Entreprendre pour le développement ».

> Sensibilisation Le TDC met en place des campagnes de sensibilisation à destination des consommateurs (Semaine du commerce équitable), des acteurs économiques et des pouvoirs publics belges.

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CTB - agence belge de dĂŠveloppement TRADE FOR DEVELOPMENT centre rue haute 147 1000 Bruxelles T +32 (0)2 505 19 35 www.btcctb.org www.befair.be 64


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