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APRÈS UNE ANNÉE 2022 COMPLIQUÉE, QUID DE 2023 ?

2022 restera dans les annales comme l’année (la seule, espérons-le) où un constructeur (Scania en l’occurrence) a fermé ses carnets de commande pendant plusieurs mois. C’est dire si produire des camions était compliqué. Les huit marques représentées en Belgique espèrent en tout cas que 2023 sera plus paisible et plus prévisible.

Claude Yvens - claude.yvens@transportmedia.be

Les immatriculations de poids lourds ont progressé de 4,72 % en 2022 en Belgique. Ce chiffre est toutefois trompeur, puisque les tracteurs ont progressé de 22,75 % alors que les porteurs reculaient de 14,99 %. Plusieurs facteurs expliquent ce comportement asymétrique, mais tous les constructeurs sont d’accord pour dire que les chiffres reflètent surtout leur propre capacité de production.

D’UNE PÉNURIE À L’AUTRE

La situation a varié d’un groupe à l’autre, avec des pics et des creux très différents. Ainsi, DAF avait dû limiter sa production en 2021 mais a de nouveau tourné à plein régime en 2022. Cet atout, combiné au succès commercial de la nouvelle gamme lourde, a permis à DAF d’immatriculer plus de 1500 tracteurs dans notre pays. Ford Trucks Belgium a aussi bien profité de délais de livraison réduits pour mettre un pied dans beaucoup de belles flottes.

Chez MAN, par contre, on semble avoir davantage souffert de problèmes d’approvisionnement. « Nos appels d'offres ont été négativement impactés par la guerre en Ukraine, où la plupart de nos faisceaux de câbles sont produits. Nous avons ainsi perdu environ six semaines de production », explique ainsi Marc De Baerdemaeker (MAN Truck & Bus Belgium). Le problème a aussi touché Scania, à tel point que les carnets de commande ont été fermés en avril et qu’ils n’étaient toujours pas rouverts au moment de clôturer cet article.

D’autres marques ont moins souffert de cette situation, mais le retard accumulé depuis 2021 a demandé des efforts particuliers, comme l’indique Frank Kimpe (Volvo Trucks Belgium) : « Les employés de notre usine à Gand ont été héroïques pour arriver à produire autant de camions. Que ce soit sur le plan de la technologie, des processus ou de l'organisation, ce sont des prestations de classe mondiale et, en tant que Belges, nous pouvons en être fiers ! »

Au moment où la crise des semi-conducteurs commençait à s’estomper, les constructeurs ont aussi dû compter avec un autre type de pénurie. « En fin d'année, nous avons souffert d’un manque de capacité de la part de nos partenaires logistiques qui n’ont pas pu gérer entièrement le grand volume de véhicules finis qui sortait des usines », indique ainsi Olivier Fossion (Iveco Belgium). La pénurie de chauffeurs est en effet particulièrement aiguë dans le transport de véhicules finis, car les conditions de confort y sont moins bonnes en raison des cabines basses.

2023 EST PRESQUE SOLD-OUT, MAIS…

Puisque, dans certaines marques au moins, les délais de livraison flirtent toujours avec 12 mois, l’année 2023 est pour ainsi dire déjà bouclée. Les huit importateurs regardent cependant avec attention l’évolution des intentions d’achat. « Avec l'inflation et l’indexation des salaires, nous ne nous attendons pas à une grande vague d'investissement en 2023. Les premiers signes indiquent que le marché se stabilisera par rapport à 2022 », estime ainsi Marc De Baerdemaeker (MAN). Il est rejoint sur ce point par Janko van der Baan (Scania Belgium), mais certains de ses confrères sont un peu plus optimistes, à l’instar de Peter Brock (Daimler Truck Belgium) ou de Frank Kimpe (Volvo Trucks) pour le segment des plus de 16 tonnes. Comme l’indique par ailleurs Siegfried Van Brabandt (Renault Trucks Belgium), les plans de remplacement de véhicules arrivés en fin de vie en 2021/2022 n’ont de toutes façons pas encore pu être réalisés, ce qui rend de facto toute baisse du marché peu probable. Encore faut-il savoir quels segments vont tirer le marché vers le haut ou vers le bas. De l’avis général, la demande restera soutenue pour les tracteurs. Janko van der Baan (Scania) voit quant à lui le marché de la construction et de la distribution progresser tant en général que pour les camions électriques. Par contre, comme l’explique Rogier van de Garde (DAF Trucks Belgium), « le segment de 6 à 15,9 tonnes se réduit de plus en plus. Il y a quelques années, il comptait encore pour plus de 1000 immatriculations, mais l'an dernier, nous n'avons même pas atteint les 700. Le commerce électronique et le manque de chauffeurs possédant un permis poids lourd y sont certainement pour quelque chose. »

Toutes les marques sont unanimes pour demander une vision à long terme de l’état sur l’électrification.

Le Camion Lectrique En Rodage

S’il y a bien un domaine où toutes les mar ques se montrent volontaristes, c’est bien le camion électrique, même si les ventes belges restent très nettement en retrait par rapport aux pays voisins. « Le marché des véhicules électriques va continuer à se développer, car l'expérience acquise par les premiers utilisateurs peut maintenant se partager avec d’autres acteurs. Cela renforce la confiance dans le camion électrique », estime ainsi Siegfried Van Brabandt (Renault Trucks).

« Certains de nos clients ont dépassé le stade de l'expérimentation. De plus, beaucoup de donneurs d’ordres savent que l'écologisation de leurs transports peut les aider à améliorer l'ensemble de leur empreinte carbone. Par contre, toute nouvelle technologie suscitent toujours des incertitudes compréhensibles chez les autres clients », complète Frank Kimpe (Volvo Trucks), qui regrette cependant une ‘abondance de désinformation’ qui retarde la prise de décision chez certains clients. Ses confrères pointent davantage du doigt les questions liées à la disponibilité de l’énergie électrique et de bornes de recharge. Mais si l'électrification progresse plus vite dans les pays voisins, c’est aussi à cause d’un soutien public plus fort. « En Flandre, les subventions restent intéressantes pour se lancer maintenant et pas plus tard », estime pourtant Siegfried Van Brabandt (Renault Trucks).

Rogier van de Garde (DAF) est plus critique : « Nous saluons les initiatives fédérales et régionales lancées en 2022, mais il faut absolument accélérer le rythme pour rester compétitifs par rapport à nos voisins. » En somme, le message des constructeurs est clair : « Nous avons fait notre part du travail, aux autres de faire le leur ! »

« La demande pour les camions électriques augmente lentement, mais il reste des défis à relever, notamment l'absence d'infrastructures de recharge appropriées et les limites du réseau électrique actuel. »

(Rogier van de Garde, Managing Director de DAF Trucks Belgium)

« La demande ne faiblit pas, et nous nous attendons à des volumes de marché similaires en 2023 par rapport à 2022. Les perspectives restent donc bonnes. »

(Nathalie Noyens, directrice du marketing et des ventes de Ford Trucks Belgium)

« Avec une capacité de production limitée, les pays qui ont des politiques de subvention fortes, comme l’Allemagne, auront une demande plus élevée pour les camions à zéro émissions. Ils seront aussi prioritaires dans l'allocation des volumes des usines. »

(Olivier Fossion, Business Director Iveco Brand Benelux)

« Les chargeurs mégawatts deviendront la norme pour répondre à la demande, mais les gouvernements n'ont pas encore fait savoir si les parkings publics pour camions seront équipés d'une infrastructure de recharge suffisante. »

(Marc De Baerdemaeker, Managing Director de MAN Truck & Bus Belgium)

« Les capacités d’approvisionnement des usines semblent s’améliorer. Pour autant, nous ne prévoyons un retour à la normale qu’avec une stabilisation des facteurs macro-économiques à long terme. 2023 obligera tous les acteurs à maintenir un haut niveau d’agilité quant à leur capacité de livraison. »

(Peter Brock, CEO de Daimler Truck BeLux)

« Il faudrait un cadre clair et à long terme en ce qui concerne les subventions mais aussi l'infrastructure de recharge et la sécurité d'approvisionnement, mais aussi sur la taxe kilométrique. C’est aussi nécessaire dans les régions, car la sécurité juridique est essentielle pour que les entreprises investissent dans le ‘zéro-émissions’. »

(Siegfried Van Brabandt, Managing Director de Renault Trucks Belgium)

« C'est maintenant que les transporteurs doivent commencer à acquérir des connaissances sur les camions électriques. Il faut beaucoup de temps pour obtenir un raccordement électrique avec une plus grande capacité, parfois plus d'un an. »

(Janko van der Baan, Managing Director de Scania Benelux)

« Le régime adopté par le gouvernement flamand permet de combler en grande partie la différence de coût d'investissement entre un camion électrique et un véhicule diesel équivalent. Nous supposons que les gouvernements bruxellois et wallon suivront bientôt cet exemple. »

(Frank Kimpe, Managing Director de Volvo Trucks BeLux)

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