Léna Dossier :
n° 12 - automne 2008 - gratuit
Tourner à l’étranger
Electrod Outrage Françoiz Breut
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Collectif Caravanes
Thierry Bidet brèves Lena Françoiz Breut Ibernatus Electrod Tourner à l’étranger livres Outrage disques playlists
Photo couverture : Lena (©Ch. Esneault) Directeur de la publication : Vincent Priou Rédactrice en chef : Cécile Arnoux Ont participé à ce numéro : Arnaud Bénureau, Emmanuel Bois, Lucie Brunet, Benoît Devillers, Gilles Coucier, Eric Fagnot, Patricia Guyon, Marie Hérault, Cédric Huchet, Kalcha, Christophe Jolier, Julien Martineau, Pascal Massiot, Pierre Montel, Julien Nicolas, Vincent Priou, Rafff, Benjamin Reverdy, Jérôme Simmoneau, Sylvain Laigle, Damien Tassin, Taud. Graphisme : Christine Esneault Impression : Imprimerie Allais Tirage : 13 000 exemplaires – papier recyclé Dépôt légal : en cours Siret : 37992484800011 Tohu Bohu est une publication de Trempolino, 51 bd de l’Égalité, 44100 Nantes, et du réseau Tohu Bohu, réseau info-ressources musiques actuelles des Pays de la Loire. Prochaine parution : février 2009 Bouclage : 15 janvier 2009
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©Mako
Au foin de la rue
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©Aloon
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Les 3 éléphants
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Coup de griffe radio numérique : y a comme un hic...
Thierry Bidet PAR KALCHA
LE DON D’UBIQUITÉ
Après avoir abandonné en cours de route une formation d'expert comptable en 1998, Thierry Bidet devient trésorier de l'association Zic Mac, organisatrice de la première édition du festival Les Z'éclectiques à Saint-Macaire-en-Mauges (49), et parallèlement, éclairagiste pour le groupe Ramsès. C'est le début d'une longue carrière associative dans le monde de la musique. En 2001, Thierry devient programmateur du festival Les Z'éclectiques, l'organisation et l'énorme déficit budgétaire de l'édition de 1998 ayant épuisé les membres historiques de l'association. “J'ai fait appel aux associations alentours pour organiser le festival. C'était les prémices du collectif Les Z'éclectiques. Avec la seule expérience de 1998, il lui fallut être présent sur tous les fronts : programmation, bénévolat, logistique, technique, com', partenariats... Je me suis rendu compte de l'ampleur du travail pour mener à bien un festival. J'ai énormément appris sur cette édition. Au final : une réussite avec près de 5 000 personnes faisant le déplacement pour 48h de musique non stop, trois scènes, du théâtre de rue et une décoration dont on me parle encore.” En 2003, le collectif Les Z'éclectiques essaie d'améliorer les faiblesses organisationnelles de l'édition précédente en professionnalisant certains postes. Mais cette professionnalisation aura malheureusement un coût, et malgré une affluence deux fois plus importante qu'en 2001, le festival est encore dans le rouge de 20 000 euros. La même année, on propose à Thierry de monter un café concert sur Cholet. Le Bar'Ouf est né. “On peut dire que personne dans mes relations ne m'a encouragé. Après un contrôle policier, une amende, une fermeture administrative, un contrôle Urssaf, un procès, un avocat, un acquittement, un contrôle pour le bruit, un contrôle de sécurité, de multiples travaux et investissements pour respecter des normes, re-contrôle fiscal, re-avocat, et le bouquet final : un redressement fiscal et sa conséquence, un redressement judiciaire, je comprends pourquoi.” Pourtant, le Bar'Ouf s'apprête à souffler, bon an mal an, sa cinquième bougie. En 2006, Les Z'éclectiques remettent le couvert mais jouent de malchance avec une météo très capricieuse, une interdiction de débit de boisson après une heure du matin et l'annulation de dernière minute de quelques têtes d'affiche (dEUs, Sick Of It All…). “Au final, ce fut donc une fois de plus, un gros succès populaire (12 000 personnes), mais un échec financier cuisant : déficit de 90 000€.” Heureusement, les nombreuses manifestations parallèles ont doucement remis le collectif en selle, et le festival s'apprête à fêter ses dix ans. Aujourd'hui, Thierry Bidet cumule les mandats : programmateur, directeur technique et chargé de production des festivals Les Z'éclectiques et La 7e Vague ; directeur technique du festival Les 3 Éléphants ; associé dans le projet du Bar'Ouf et soutien à la commission de programmation de l'association La Bouche à l'Oreille ; suppléant de Jeff Foulon, responsable de la commission Festival du Pôle de coopération des acteurs pour les musiques actuelles. Avec le stress et les complications inhérents à chacune de ces fonctions. Et s'il avoue parfois connaître des périodes difficiles, l'homme ne manque toujours pas de projets ambitieux : “D'ici trois ans, j'espère qu'on parviendra à mettre en place les 4 saisons du festival Les Z'éclectiques, qui sera alors précurseur dans ce domaine, avec comme point d'orgue le retour à un festival d'été en plein-air qui ressemblerait à ce que nous avions pu produire en 2006. Cela me permettra une possibilité d'expression en tant que programmateur comme je n'en ai jamais eue, et Dieu sait s'il y a des choses à montrer au public.”
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À partir du 11/11, retrouvez sur la toile Zen Park, nouveau netlabel de la région. Zen Park réunit quatre projets : Moongaï, Khronos, Eva & le Khronos Orchestra, Shift. Ce site dynamique et interactif propose une approche alternative : présentation des projets, possibilité de booking en direct, vente en ligne via Yozik, offre multimédia... Rendez-vous sur www.zenpark.fr
Sweet Back annonce enfin
ques. Les élèves et utilisateurs des locaux doivent s'acquitter d'une cotisation trimestrielle d'un montant de 90€. Infos : www.kohort.org Deux nouveaux cafésconcerts dans la région : une ancienne boîte de nuit réhabilitée en café concerts, Le Clubone à Mouzeil : yak.clubone@yahoo.fr et le Jam Club à Angers : lejamclub@gmail.com.
une suite à son premier album de 1999 ! Avec un Zenzile au sax, un Lo'Jo à la contrebasse et un KilØ/Boutique Du Tao aux fûts, c'est sûr que c'est plus dur de trouver un créneau de libre… Actus caf-conc' du 8-5, c'est toujours la débandade, avec la fermeture aux Herbiers de deux lieux emblématiques : le Gambrinus et le Tie-Break… Un petit nouveau sur La Roche, cependant, avec le 138, qui met en place une programmation live Contact : christophe@gassiot.net
caritatif le 29/11 à Echemiré (49) avec Sexypop, Sarah Connor's Child, Bé &Bée et Projet Z.
Depuis un an, le visioblog Mon Œil de Télénantes permet à 40 chroniqueurs amateurs de partager leurs coups de cœur ou de griffe sur l’actualité culturelle de Nantes à Saint-Nazaire. Face au succès de l’opération, partenaires et visioblogueurs lancent la seconde saison et ouvrent des blogs, pour permettre à l’échange de se prolonger entre les Nantais et les c hroniqueurs de Mon Œil. Infos : www.telenantes.com
L'association Kohort dispense sur Angers des cours et met à disposition du matériel pour pratiquer le DJing (mix/scratch) et la composition des musiques électroni-
Le sound system Gorgon Mission (Le Mans) a récemment sorti une compilation pour promouvoir les artistes reggae de la scène régionale, "Gorgon connection", avec
Pour aider les Restos du Cœur à collecter des jouets pour les enfants, l'association
Ça Dégouline Dans Le Cornet organise un concert
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quelques invités de marque dont Lorenzo (Jamaïque). Disponible dans tous les shops spécialisés.
Irie Ites Records vient de sortir une compilation mixée avec ses productions enregistrées entre 2005 et 2008, “From Zion To Jamdown” : 40 morceaux, dont 6 exclusifs, pour 60 minutes de pur son à la jamaïcaine. Disponible sur www.irieites.net et dans tous les magasins spécialisés.
Free-Sons d'hiver repart pour sa 7e édition, du 19 au 22/02/09. L'affiche est en cours de prog, mais on peut déjà annoncer la venue d'Arthur H et les Farfadas. Avis aux groupes de la région qui souhaiteraient jouer au festival dans le cadre des “Bars en Freesons”. Infos et contact : www.assocspot.fr assocspot@yahoo.fr. 160 dossiers déposés pour
les Découvertes Pays de la Loire du Printemps de Bourges. Six groupes se produiront le 20/12, pour les auditions au VIP de SaintNazaire : Tribeqa, Le Coq, Electrod, Framix, Gokan et Beat Torrent. Infos : www.reseau-printemps.com
Depuis début octobre, cinq lycées participent à des visites “sur le terrain” et rencontrent ceux qui font vivre ces musiques en Mayenne. Le parcours aboutira à un concert et à la production d'un hors série Tranzistor (magazine musiques actuelles de la Mayenne) compilant des chroniques de disques rédigées par les élèves. Infos : www.6par4.com L'association Brétignolles Animations, organisatrice du festival La 7e Vague, lance un appel à candidature aux groupes régionaux en voie de professionnalisation pour son tremplin qui aura lieu le 31/01/09 au Fuzz'Yon à La Rochesur-Yon. Le gagnant du tremplin ouvrira le prochain festival qui aura lieu en mai 2009, comme ce fut le cas pour NOUVEL R l'an dernier. Infos et contact : www.7vague.com et infos@7vague.com
Le groupe Del Pino (chanson) vient de sortir un bien beau maxi autoproduit “Drôlement à vif”. Il jouera au TNT du 11 au 15 novembre pour présenter ce nouvel album. Piloté par le 6par4 et mis en œuvre avec l'ADDM 53 et le Cirma Les Ondines, Zic Zac au Lycée est un parcours de découverte des musiques actuelles, proposé aux lycées généraux, techniques et professionnels de la Mayenne.
Bloc Notes est un nouveau rdv de l'info ressources musiques actuelles, initié par le Cirma Les Ondines et le 6par4. Les rendez-vous : 12/11/08 : la MZ Effect (démonstration de pédales d'effet vintage), 26/11/08 : Projection du rockumentaire "La Route est Longue" suivie d’une discussion autour de la question du développement d'artistes, 13/12/08 : Atelier info sur un cas pratique : L'association, support du
groupe, pourquoi et comment créer une association ? Infos : http://6par4-blocnotes. blogspot.com Et de 7 ! 7e édition pour le festival atypique et oh combien méritant Cultures Bar-Bars dont le projet est construit (entre autres) autour de la revendication de l’artistique dans les cafés et autres petits lieux. Outre les départements de ligériens, le Morbihan, la Haute-Garonne et le Tarn participent désormais au festival. Au total, pas moins de 152 lieux participent durant 3 jours : les 27, 28 et 29/11. Infos : www.bar-bars.com Journée sur l'économie solidaire, le 11/12 à Nantes, organisée par les Écossolies, autour du thème : "Des coo-
pérations qui dynamisent le territoire Les chantiers ouverts par l'ESS". Au programme :
une conférence de Thierry Jeantet sur "La solidarité au service de l'efficacité" ; une table ronde sur "La coopération entre structures majeures et émergentes pour développer le territoire" ; la présentation de l'ouvrage collectif :"Pour une autre économie de l'art et de la culture", par ses co-auteurs, suivit d'une réflexion sur la place de la culture dans la révision des politiques publiques. Témoignages d'acteurs, paroles d'élus, réflexions d'universitaires... Infos et contact : www.ecossolies.fr contact@ecossolies.fr www.trempo.com, vincent@trempo.com.
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Lena
ENVOYÉ SPATIAL
PROPOS RECUEILLIS PAR KALCHA PHOTO : CH. ESNEAULT
Discret et talentueux. Deux adjectifs qu'on aimerait utiliser plus souvent pour qualifier les artistes des grosses maisons de disque. Deux adjectifs qui collent en tout cas à la peau de Mathias Delplanque aka Lena. Le Nantais sort un nouvel album exigeant, “Lost Wax”, qui donnera encore du fil à retordre aux amoureux de l'étiquette musicale péremptoire. Tes premiers disques sous le nom de Lena étaientt plutôt à ranger dans le bac electrodub. C'est moins clair aujourd'hui. Tu voulais te détacher de cette étiquette ? L'association de basses profondes et de tempi lents est une des fondations de mon travail, non seulement celui que je fais sous le nom de Lena, mais également celui que je fais sous mon nom, les paysages sonores, les installations, etc. Elle me permet de créer un terrain favorable à de multiples recherches sonores liées à la répétitivité, la texture, la spatialisation du son, les développements harmoniques, etc. Le dub n'est pour moi qu'une manifestation de cette approche (il en existe d'autres). Je ne l'ai jamais abordé comme un répertoire de formes fixes, comme une “tradition” que je souhaiterais prolonger ou respecter (d'où la revendication d'un orchestre aux “racines flottantes”). En un mot : le dub n'a jamais été une fin en soi pour moi, plutôt une sorte de passerelle.
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Tu sors des disques sous différents pseudos. Pourtant tu avoues toi-même que tous tes projets sont plus ou moins liés. Pourquoi avoir recours à cette multiplication de noms alors ? Il y a plusieurs raisons à cela. Mais ce qui m'importe par dessus tout, c'est de créer un espace. Or, pour créer un espace, il faut au minimum trois points. Utiliser des pseudonymes c'est comme placer des balises sur une surface, ce sont des repères, des pôles entre lesquels on peut circuler, tisser des liens. Les sons que je crée circulent régulièrement d'un projet à l'autre, d'un disque à l'autre. Un fragment d'un album peut devenir l'objet d'un nouvel album à part entière. C'est ce qui se passe pour le prochain EP “Circonstances Variations 1-4” (à paraître chez Soundsaround en novembre) : les 4 morceaux développent une idée amorcée dans le morceau “Circonstances” du disque “Lost Wax”… Je commence généralement un morceau à partir d'un sample ou d'un élément d'un
morceau précèdent. Une façon pour moi de maintenir ma musique toujours vivante, mouvante. Ce nouvel album a plus d'invités prestigieux (Rob Mazurek, Moritz Von Oswald [de Rhythm&Sound], Julien Jacob...) que sur tes autres disques. Peut-on apparenter ça à un véritable travail de groupe ou à une succession de collaborations ? Il ne s'agit pas vraiment d'un travail de groupe, dans la mesure où, pour faire ce disque, j'ai enregistré (sur plusieurs mois) tous les artistes les uns à la suite des autres (ils jouaient sur des trames électroniques que je leur proposais). Ils n'ont donc jamais joué ensemble et la plupart d’entre-eux ne se connaissaient pas. J'ai ensuite récupéré tout ce matériau enregistré pour l'arranger seul, à ma manière, un peu à la façon d'un puzzle, ou plutôt d'un jeu à contraintes. Tu as un ensemble de formes fixes, comment t'y prendre pour former un tout non seulement cohérent, mais surtout, qui porte ta griffe, ton écriture ? Un vrai défi la plupart du temps, d'autant plus qu'il s'agit de musiciens extraordinaires, possédant tous une réelle personnalité musicale, un son spécifique, etc. et que je ne leur ai donné aucune contrainte, aucune direction au moment des prises. D'où un long travail d'écoute, de maturation, de choix… La tournée qui suit ce disque s'effectue avec un vrai groupe en revanche. J'imagine que les morceaux ont dû subir pas mal de réarrangements ? Là, le travail est très différent. L'exact contrepoint du disque en fait. Au départ l'idée était : “Et maintenant que se passe-t-il si on recommence la même expérience, mais tous ensemble cette foisci ?” C'est ce que nous avons tenté lors de la résidence à L'Olympic en juin 2007, qui nous a permis de lancer le projet scénique. Depuis, le Floating Roots Orchestra s'est produit à plusieurs reprises sous différentes formes (trio, quartet, quintet…) et dans différents contextes (festivals, salles de concert, galeries…). Chaque concert est unique, nous ne cherchons absolument pas à rejouer les morceaux du disque. J'utilise ceux-ci comme base pour de nouveaux développements, de nouvelles possibilités d'improvisation. Sur scène, tous les instruments ont un statut égal. Je suis celui qui lance la machinerie, mais je m'attache à rendre mon ordinateur le plus souple possible, de façon à ce qu'il puisse interagir plus profondément avec les autres musiciens.
Vu la transformation du marché du disque, qu'est-ce qui continue à motiver à sortir des albums ? Tous mes disques récents sont sortis en numérique en plus du support physique. Le numérique est un bel outil de propagation du son, je n'ai aucun problème avec cela. Mais il me parait personnellement impensable d'abandonner la fabrication d'objets physiques pour autant. “Lost-Wax”, le disque du Floating Roots Orchestra, est un très bel objet (dessiné par Sylvie Astié), qui comporte de nombreux éléments en plus de la musique (photos, matières, textes…). Je suis donc très attaché au format album, mais je sors également des pièces sonores sur le net, sur CDR, en EP vinyle, je fais des créations pour la radio, des performances en solo ou en groupe. Il s'agit de ne pas se restreindre… Tout, autour de nous, semble nous dire : “vous devriez arrêter et rentrer chez vous, vous voyez bien qu'il n'y a pas de place pour vous ici”. Manquerait plus qu'on les écoute…
Léna & The Floating Roots Orchestra Lost-Wax
Plush / Abeille Musique 2008 Si on ne devait retenir qu'une seule chose de la carrière de Mathias Delplanque aka LENA, c'est qu'il n'aime pas se laisser enfermer. Le bonhomme change de pseudo comme de pays, aussi souvent qu'il permute de style musical ou de label. On trouve néanmoins quelques balises communes à tous ses travaux : l'ambiance est éthérée, les arrangements soignés, et le résultat généralement excellent. Son récent “Lost-Wax” ne dérogera pas à la règle. S'il est difficile à ranger dans un bac précis (m'étonnerait qu'il y ait un bac “spoken dub à tendance post-rock jazzy” chez les disquaires en crise d'aujourd'hui), ce nouvel opus a néanmoins de quoi séduire aussi bien les fans de Truffaz que ceux de Tricky, en passant par les accros à Tortoise et Rhythm&Sound. Je crois qu'on peut appeler ça la classe, non ? Kalcha
Infos www.mathiasdelplanque.com
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francoiz breut
À PAS FEUTRÉS
PROPOS RECUEILLIS PAR CÉCILE ARNOUX PHOTO : MONSIEUR ET MADAME
Françoiz Breut, en parallèle à son activité de dessinatrice-illustratrice, chante (depuis 1992 avec le groupe Squad Femelle) des chansons soignées et lumineuses. Délaissant les collaborateurs des précédents albums pour prendre à bras le corps l'écriture des mots, elle personnalise désormais les perceptions et regards qu'elle a sur sa vie, celle d'une femme humble, conteuse, poète et prosateur. “À l'aveuglette” est le premier disque que tu écris (avec Luc et Boris). Tu aspirais à des choses plus personnelles dans les textes et dans la musique ? Voilà trois disques que j'avais réalisés en tant qu'interprète, c'était une position très intéressante car j'aimais partir à la recherche de chansons, rencontrer des auteurs, les solliciter, voir ce qu'ils pourraient produire pour d'autres. Cette fois-ci, j'ai eu envie de faire autre chose et de m'aventurer ailleurs. J'avais surtout envie de comprendre le processus de fabrication d'une chanson. Au début, ce fût assez difficile de réussir à sortir quelque chose. Quels sujets/thèmes j'allais pouvoir aborder ? Je me posais évidemment tout un tas de questions. Et puis, il a fallu se lancer et je me suis d'abord attelée à l'écriture. Ensuite, nous avons travaillé avec Luc et Boris (les musiciens avec qui je travaille depuis un bon moment) ; il fallait que je sois en confiance en tout pour pouvoir essayer de chanter enfin mes propres textes.
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Penses-tu que les compositions des “auteurs” sur les disques précédents ont influencé les compositions de “ton” disque ? Cela dépend des auteurs, oui certainement, mais il y en avait tellement qu'il fallait tout de même prendre une direction. C'est ce que nous avons fait en travaillant avec les mêmes musiciens à l'époque, pour créer cette unité. Est-ce que tu vas appréhender la scène différemment si ce disque est plus personnel ? Non, je ne pense pas. Je n'ai pas encore l'intention de faire des galipettes sur scène. J'attends les imprévus qu'un public peut amener, qu'une salle peut provoquer. Je n'aime pas les choses calculées, avec des blagues et des histoires répétées tous les soirs au même endroit. C'est un besoin de parler dans tes chansons à la première personne ou une évidence ? C'était plus facile pour certaines chansons de
parler à la première personne, puisque parfois je parlais de mes propres expériences. On retrouve souvent dans tes compositions des réminiscences de musique de film des années 60/70 (George Delerue, Serge Rezvani…). Ce sont des grandes références pour toi ? Ce sont certainement des références pour mon claviériste-pianiste Luc Rambo (il faudrait lui demander). Personnellement, je suis plutôt François De Roubaix, Michel Legrand, Lalo Schiffrin, ou David Axelrod. Tu as un penchant pour les choses plutôt orchestrées alors ? Tu pourrais faire un disque aux formats guitare/voix ou piano/voix ? J'aime toutes sortes d'arrangements, et je ne pense pas que ma voix puisse supporter longtemps la nudité d'une guitare/voix ou d'un piano/voix, même si j'aime la sobriété de ce type d'arrangements. J'aime être enveloppée par la musique, ça a un côté plus rassurant bien que j'aime aussi les choses très fragiles, sur le fil, comme sur “2013” ou “Mouchoir de poche” par exemple. Considères-tu ce disque plus enjoué que les précédents ? Je ne sais pas, je n'ai pas encore assez de recul ; en tout cas, il a une plus grande unité au niveau musical. “Une saison volée” était plus éclaté. Pour toi, qu'est ce qui importe dans une chanson ? Sur un disque ? Pour une chanson, il faut très vite rentrer dans une histoire, une phrase peut être le moteur de la chanson, pas forcément le refrain. Qu'il y ait un leitmotiv qui donne du rythme et impose l'idée à la chanson. Sur un disque, c'est très vaste, mais c'est d'abord l'émotion que les mots, les mélodies et la musique provoquent ensemble. Il y a un rapport avec le cœur. Quand un disque est de bonne qualité, notre pouls s'accélère, c'est vraiment physique, la musique nous transperce de bas en haut… Mais tout ça est très vague évidemment, puisqu'il il y a tellement de disques et 1001 manières de les écouter. Tu vis en Belgique. As-tu un regard plus distant sur la scène française ? Et penses-tu que la musique (dans sa création, diffusion, appréhension du public) soit différente ?
Oui, j'ai évidemment un regard plus distant ; je crois que je passe à côté de certaines choses, puisqu'en règle générale ce qui passe à la radio n'est pas toujours de la plus grande qualité (à mon humble avis). La Belgique est un plus petit pays séparé en deux par la langue. Je vais aller faire mes premiers pas en Flandres, on verra ce qui s'y passera. Les Belges sont encore plus tournés vers les pays anglo-saxons que les Français ; c'est donc assez difficile de percer quand on chante en français. Niveau création, les choses sont beaucoup plus souterraines. C'est très excitant de toujours découvrir de nouvelles choses ; malheureusement, ce sont des groupes ou des musiciens qui n'ont pas toujours de soutiens financiers pour tourner et aller plus loin. Pour terminer : tes disques de chevet ? The Remains, Nico “Chelsea girl”, Tindersticks “Second album”, Alela Diane “Pirate 's gospel”, Nina Simone , Scout Niblett “He fool can die”, Blanche “If we can trust the doctor”, H. burns “How strange it is to be anything at all”.
Françoiz Breut À l’aveuglette T-Rec / Pias 2008 Après un petit interlude instrumental qui ouvre ce nouvel album (enregistré au Fuzz'Yon, à La Roche-surYon), FRANÇOIZ BREUT donne le ton : “Je suis à l'autre bout de la terre, et j'ai perdu tous mes repères”. Avec en sus, un album intitulé “À l'aveuglette”, Dame Françoiz semble vouloir repartir sur de nouveaux croquis dont Messieurs Rambo et Gronemberg, ses fidèles acolytes, auraient dessiné les esquisses. Le répertoire brille de grandes envolées très orchestrées (Les jeunes pousses, L'automne avant l'heure), de moments plus intimistes, avec comme fil conducteur une réelle sensibilité, une suavité portée par des mots et une voix qui nous rappellent la grande Jeanne Moreau. Sans doute plus personnelle que les trois précédentes, cette planche de 14 dessins joue sur les climats, des dessins pour lesquels élégance et délicatesse sont bien les maîtres mots. Cécile Arnoux
Infos www.francoizbreut.be
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collectif
caravanes
UNE OASIS D'ENGAGEMENTS ARTISTIQUES ET CITOYENS
PROPOS RECUEILLIS PAR CÉCILE ARNOUX PHOTO : DR
Depuis un an, le collectif Caravanes fédère des acteurs “musiques du monde et traditionnelles” en Sarthe (création, diffusion, pédagogie, développement artistique). La logique suivie est bien celle du développement de ces “autres musiques” et plus largement des cultures du monde. Rencontre avec Aurélien Moreau, président du collectif. Peux-tu quantifier l'esthétique “musiques traditionnelles et du monde” en Sarthe ? Une enquête de 2004 réalisée par Cédric Collet évaluait à 22% la part des musiciens “trad. et world” en Sarthe. Le département possède un solide réseau trad. autour de quelques groupes-phares (Stuveu, Vag), d'un festival (Damada à Loué) et des pratiques amateurs (Élastique à musique, écoles de musiques…). Pour les musiques du monde, après la vague reggae, on voit l'émergence d'une scène très influencée par le son des Balkans (Charivari, La Gabylie, Romanouchi, Blaga Ruze). Difficile par contre d'estimer l'importance des musiciens d'ailleurs vivant dans le département : la pratique musicale reste souvent, dans leur cas, liée au cadre familial et communautaire. En termes de diffusion, les musiques du monde sont présentes dans les saisons des centres culturels, MJC… et les festivals. Le Rabelais (salle à Changé) a orienté exclusivement sa programmation musicale sur ces esthétiques, en créant son label “Scène du monde”. Pouvez-vous avoir un rôle politique ? Travailler sur les musiques du monde est déjà en soi une démarche citoyenne. À l'heure où le monde politique s'ouvre timidement aux “minorités visibles”, nous posons la diversité culturelle en actes, et pas seulement en paroles. Nous soutenons les positions de Zone Franche dans sa “Charte des musiques du monde”, à savoir la nécessaire “évolution (…) des lois et règlements restrictifs, contraignants et discriminatoires” sur la circulation et l'installation des artistes étrangers sur notre sol. Cette problématique sera d'ailleurs traitée lors de la prochaine édition du festival “Lignes africaines” (dont nous sommes partenaires). La notion de réseau a-t-elle des limites et n'institutionnalise-t-elle pas trop les choses ? Dans notre cas, cela tient à la spécificité de notre territoire, avec un secteur musical souvent jugé “peu structuré”. Le collectif Caravanes ne veut surtout pas s'imposer comme “opérateur délégué” et se substituer aux structures dont les missions et les savoir-faire sont reconnus. L'institutionnalisation n'est pas une fin en soi. Par contre, elle est une nécessité pour peser sur les choix des pouvoirs publics, à l'heure des rééquilibrages budgétaires et de la montée en force des collectivités locales dans le financement de la culture. Quels sont vos premiers chantiers à venir ? Nous souhaitons désormais passer d'une simple juxtaposition de programmations, pour lesquelles nous communiquions communément, à l'élaboration collective de projets croisant sensibilisation (stages, rencontres), création (résidences) et diffusion. Infos et contacts collectif.caravanes@gmail.com - www.myspace.com/caravanes
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Dans un marché du disque en pleine crise, des petits malins ont inventé une nouvelle façon de faire la promotion de leurs artistes à moindre coût. On appelle ça le marketing viral. David Vidal, créateur de la société Ibernatus, nous aide à y voir plus clair sur la question. “Aujourd'hui, tous les ados ont un Myspace, un Facebook, un blog, un site perso, etc. Ce n'était pas le cas il y a dix ans. Les techniques de promotion se sont donc logiquement adaptées. Le principe du marketing viral, pour faire un parallèle avec la pub papier, c'est comme si vous receviez un prospectus dans votre boîte aux lettres, et que vous décidiez de le photocopier et de le proposer ensuite à tous vos amis.” Ça parait impossible, et pourtant ça marche du tonnerre ! Il y a quelques années encore, le must du must de la branchitude pour un artiste consistait en effet à avoir son site Internet officiel. Mais ces sites étaient souvent assez chers à réaliser, et demandaient un gros travail d'actualisation. Devant la surmultiplication de l'offre, les labels ont donc cherché à créer quelque chose de plus original et plus interactif. C'est ainsi que depuis deux ou trois ans la plupart des gros labels se sont lancés dans une guerre promotionnelle où l'arme fatale s'appelle le widget. Le widget est un petit site publicitaire au contenu varié (vidéo, audio, agenda…) que les fans peuvent intégrer à leur propre espace Myspace, Facebook, etc. en un seul clic, et qui peut donc ensuite être vu par tous les amis virtuels de cette personne. Ils peuvent aussi décider de le faire suivre à leur carnet d'adresses. “Outre cette surexposition gratuite, l'énorme avantage du widget pour le client, c'est qu'il peut être actualisé automatiquement par le site officiel ou le myspace de l'artiste.” Vous annoncez une date de votre groupe sur votre Myspace, et elle s'affiche automatiquement sur tous les widgets de vos fans qui ont décidé de l'incorporer à leurs Facebooks, etc. Elle est pas belle, la vie ?
EH LÀ, QUI VA LÀ ? INSPECTEUR WIDGET ! PAR KALCHA
Bonne nouvelle pour les artistes indépendants fauchés (excusez le pléonasme), il suffit de chercher un peu sur le Net pour trouver des sites web qui permettent de créer son propre widget gratuitement. Certes, le résultat est un peu sommaire, mais il donne néanmoins les mêmes possibilités de propagation d'information. Et quand on sait qu'un widget bien utilisé avec un Myspace et un Facebook permet d'atteindre assez rapidement plusieurs centaines de milliers de visites, ça fait réfléchir. Surtout qu'on est probablement qu'au début de l'histoire : “Pour l'instant, ce sont surtout les ados qui sont touchés par le phénomène, car ce sont les premiers à avoir compris le système. Mais dans une quinzaine d'années, ces ados seront des parents, et la population susceptible d'être touchée par le marketing viral sera alors exponentielle…” Après avoir donné naissance au portail Zicorama.com, David Vidal a créé sa propre société de communication interactive dédiée aux professionnels de la musique et du divertissement. Ibernatus réalise donc aujourd'hui des sites Internet, e-cards et widgets pour des dizaines d'artistes nationaux et internationaux (Zenzile, La Phaze, Jean-Louis Murat, Bloc Party, dEUS, Norah Jones, AC/DC, Daft Punk…). Infos et contacts www.ibernatus.com - contact@ibernatus.com
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Electrod
MONSIEUR MADAME … ET MADEMOISELLE ?
PROPOS RECUEILLIS PAR JULIEN NICOLAS PHOTO : ALBERTO CASTILLO
Rencontre avec Electrod, au grand complet, autour d'une des tables du Bar du Coin du quartier Bouffay à Nantes. Réponses collégiales aux questions du jour. Retour sur le parcours, les envies, les projets et l'actu d'un groupe en évolution artistique permanente avec Jean-Jacques, David, Ronan, Lolo et Boris. Vous présentez aujourd'hui votre dernier disque. Que s'est-il passé depuis la sortie d'“Aurores Boréales” en 2004 ? Jean-Jacques : Après la sortie de ce disque nous avons beaucoup tourné. Nous avons fait près de 50 dates en 2005. C'était une année chargée : on a fait Artiste en Scène et les sélections régionales du Printemps de Bourges. Nous avons fait quelques concerts importants comme “Nantes au Zénith” dans la famille “Chanson”, invités par Klaktonclown. En 2006 et 2007, on a évolué dans la structuration du groupe ; un batteur et un bassiste sont venus renforcer l'équipe de base. Cette évolution a pris du temps. Qu'est-ce qui a changé artistiquement en quatre ans ? Comment se déroule l'écriture musicale à cinq ? David : Nous avons évolué artistiquement ; c'est notamment vrai pour les textes. Du texte “conté”, on est passé au texte “slamé”. Musicalement, si notre couleur “électro” est toujours là, nous avons
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affirmé une direction plus acoustique. Il y a un parti pris sur l'interprétation, avec une voix plus posée. Nous abordons la composition de manière très collective. Des habitudes de travail se sont installées. On essaie maintenant d'aller rapidement à l'essentiel. Pour les textes, c'est Lolo qui s'attache à l'écriture initiale, même si l’on ne s'interdit pas de les structurer différemment. Sortir un disque aujourd'hui, quel sens cela at-il pour vous en pleine crise du disque ? Laurent : Pour nous, c'était important. Sur notre premier disque, il n'y avait pas de textes inclus dans le livret et beaucoup de personnes nous demandaient où les trouver. Cette fois, on tenait vraiment à réaliser un objet dans lequel on puisse avoir le sens et le fond de nos morceaux. Puis, audelà de ça, on a envie de proposer un objet “confort” que l'on puisse écouter chez soi dans de bonnes conditions. Pour nous, le disque rapporte une photo à l'instant “t” de notre musique… C'est très différent de l'approche du live.
Qui le produit et le distribue ? D : Nous sommes autoproduits. Les choses se déroulent assez simplement. Les prises du disque ont été faîtes dans le studio du sonorisateur qui nous suit depuis le début du projet. L'autoproduction nous permet de prendre notre temps, d’espacer les prises. Le mixage est aussi réalisé par Seb Condolo (notre sonorisateur). Pour la distribution, nous sommes passés par Yotanka qui travaille avec Discograph. Avec l'autoproduction, c'est difficile d'avoir le recul nécessaire sur ce que tu fais. Tu es au taquet sur la fin car c'est là que tout arrive : la couleur, l'identité et la forme du disque. Lolo, quelles sont tes références littéraires et musicales ? L : Mon vrai maître littéraire, c'est Jean Genet ; je pense aussi à Baudelaire et Hugo. Je me suis également plongé pendant une dizaine d'années dans la littérature américaine et russe. La Beat Génération constitue une véritable influence. Côté musique, la chanson à texte est forcément un genre qui me passionne. Je pense à Barbara, Brel, Ferré… J'aime la chanson qui a le cœur à gauche. Quand j'étais ado, je me suis penché sur le mouvement de la coldwave : The Cure, Siouxsie, Throbbing Gristle… Mais aussi sur la culture punk. La singularité d'Electrod se définirait comment pour vous ? J-J : Peut-être qu'elle réside dans le mélange d'une voix et d'une musique, qui d'ordinaire ne cohabitent pas. C'est vraiment dans ce mélange que des choses se jouent. Même s'il est vrai que l'influence de base de plusieurs d'entres nous reste le jazz, on se situe de moins en moins dans ce créneau électro-jazz. Il y a désormais une ouverture à d'autres esthétiques avec ce disque (rock, pop, chanson). Cette hybridation musicale se fait naturellement, nourrie par les influences de chacun des membres. Vous avez récemment réalisé deux résidences, dont une avec Hervé Guilloteau, metteur en scène ? Qu'est-ce que ce travail vous a apporté ? D : Ces deux résidences ont été très importantes. Au Fuzz'Yon, il s'agissait d'intégrer la basse dans les nouveaux morceaux ; Boris venait juste d'arriver. Au VIP, le travail s'est concentré sur deux axes : l'interprétation “voix” et les lumières. Hervé était dans une démarche d'accompagnement très originale, très loin du “directivisme” que l'on peut
parfois retrouver chez certains intervenants. Il a une approche moderne de ce travail… Nous avons travaillé sur de petites choses infimes, mais qui renvoient finalement à l'essentiel. Il nous a apporté la logique du travail épuré : ne pas être dans le sur-jeu. Hervé s'est principalement concentré sur la voix et le texte. Comment voyez-vous l'année 2009 pour Electrod ? J-J : Nous préparons déjà une douzaine de dates entre novembre et février ; nous jouons d'ailleurs les 21 et 22 novembre au “Rond Point” à Nantes. Pour 2009, nous attendons avec impatience les retours sur l'album… En tout cas, nous avons envie de jouer. Même si nous prenons du plaisir à composer et à enregistrer ensemble, la finalité reste le live. C'est très important de continuer à écrire juste après la sortie du disque. On fait parti de ces groupes qui écrivent d'abord pour le live. Tu sais, une fois le disque fini, tu as une angoisse qui est présente : est-ce qu'on va être capable de proposer de nouvelles choses ? Alors on s'y remet à nouveau… Electrod est séléctionné pour les Auditions du Printemps de Bourges le 20/12 au VIP (St-Nazaire).
Electrod
Monsieur Madame AP / Yotanka 2008 Profond, rugueux et classe… Ce sont les premiers mots qui viennent à l'écoute de “Monsieur Madame”, dernière production du quintet nantais ELECTROD. Profond, par un projet singulier qui affirme une identité musicale et vocale aux porosités esthétiques très nettes (des infiltrations de jazz, électro, pop, slam…). Rugueux, par une poésie écorchée et vivante, fascinée par les allitérations excitant le texte, accrochée à des cuivres sauvages et dociles à la fois. Classe, par la rencontre du groupe avec son propre univers sonore et par des arrangements élégants qui libèrent mélodies et harmonies des classiques hybridations électro-jazz. Avec cet album, Electrod convainc par sa capacité à évoluer dans l'épure en conservant la substance, dans sa manière de “dire” le sens avec subtilité. Un très beau disque. Julien Nicolas
Infos www.myspace.com/electrod
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PAR PASCAL MASSIOT ILLUSTRATIONS : AMÉLIE GROSSSELIN
MODE D'EMPLOI ET RETOURS D'EXPÉRIENCES Pour un artiste, un chanteur, un groupe et leurs accompagnants, l'opportunité de franchir les frontières de son pays afin de rencontrer de nouveaux publics constitue le plus souvent une perspective réjouissante. D'évidence on rompra ainsi avec les habitudes et le quotidien, on croisera d'autres pratiques sous d'autres latitudes, on escomptera aussi des retombées positives en termes de développement artistique. Autre motivation pour s'expatrier le temps d'une tournée : la recherche de débouchés : “La France reste fondamentalement un petit marché […] le Français moyen continue à acheter 2,5 disques par an” (extrait du “Guide pratique FranceQuébec du disque et du spectacle” de l'Irma). “Tourner à l'étranger augmente mécaniquement les ventes de disques”, souligne Jean-Noël Bigotti, co-auteur de ce guide.
Une affaire d'organisation et de préparation On s'en doute, le projet d'une tournée est affaire d'organisation (préparation et déroulement), bien que de ce point de vue là, les formules diffèrent sensiblement. Mais alors, comment met-on sur pied une tournée à l'étranger ?
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À quels dispositifs peuvent faire appel les artistes et leur entourage (agents, tourneurs, bookers, régisseurs…) ? Quelles aides financières, logistiques, juridiques et quelles informations indispensables à la conquête de nouveaux territoires sont mises à disposition et à quelles conditions ? Qu'est-ce qu'une tournée à l'étranger induit qualitativement pour l'artiste ou le groupe ? Cette expérience est-elle indispensable ? Quand doitelle intervenir ? La tournée à l'étranger est-elle source de revenus ou, au contraire, impose t-elle des sacrifices ? Quelles désillusions peuvent être au rendez-vous ?
Les aides à la diffusion internationale et à l'export Des subventions pour l'organisation de tournées à l'étranger peuvent être attribuées par le Bureau Export de la musique française. “Il est nécessaire d'avoir des éléments tangibles de développement en France tels qu'une distribution physique, un manager ou encore un éditeur pour prétendre à notre aide”, indique Sophie Mercier, directrice.
Aide financière et mise en lien
dates a vu le jour dans le pays. Ce même programme a permis à Smooth d'effectuer une tournée de 9 concerts en Amérique du Sud.” poursuit “Nos actions sont toujours liées au développeGaëlle Massicot-Bitty. ment discographique et notre aide est financière, Cultures France a par ailleurs mis en place le prosans critère de nationalité ni de langue.” gramme jazz, notamment à destination des nouÀ certaines conditions (l'album de l'artiste doit veaux talents. être distribué dans le ou les pays de la tournée Un des critères d'éligibilité pour obtenir une aide par exemple), le Bureau Export pourra allouer une de Culture France, est la langue : “Nous souteaide, plafonnée à 10 000€, représentant 50% nons les artistes qui s'expriment en français. Par maximum du budget total. exemple, pour Tahiti 80, on ne soutient pas a De plus, sa commission “promotion et mobilité” priori, mais le Bureau Export ou encore le CNV pourra permettre, dans une limite de 7 000€, d'atpourront le faire… Cas particulier, celui de Nosfell tribuer des aides à la promotion et aux déplacequi utilise une langue de nulle part : on soutient !” ments d'artistes, plus particulièrement sur des “Notre aide porte principalement sur les transterritoires éloignés (ainsi, la Suisse et la Belgique ports internationaux ; à titre indicatif, elle a été de sont exclues du dispositif). 6 000€ pour la tournée de Gong Gong en Asie en Au-delà de l'aide financière, le Bureau Export peut juin dernier et de 15 000 € pour celle de Yann mettre en lien les parties françaises et étrangères Tiersen en Amérique Latine” précise t-elle, “notre afin de développer la tournée. approche est qualitative et concertée.” Plusieurs Bureaux Export existent dans le monde : Une autre aide à l'organisation de tournées à Londres, Berlin, l'étranger peut être New-York, Brésil, Russie, Japon ou “Nous soutenons les artistes qui s'expri- considérée : celle du encore Espagne. ment en français. Par exemple, pour Tahiti Centre National de la chanson, des Autre possibilité d'aide pour tourner à 80, on ne soutient pas a priori, mais le Variétés et du jazz l'étranger : Cultures Bureau Export ou encore le CNV pourront (CNV). implication France, l'opérateur le faire… Cas particulier, celui de Nosfell “Notre est financière, nous délégué des ministèpas res des Affaires qui utilise une langue de nulle part : on n'apportons d'aide logistique ou étrangères et de la soutient !” juridique, on donne Culture pour les de l'argent”, nous dit Mary Vercauteren, responéchanges culturels internationaux. Un organisme sable du secteur Activités de production du CNV. qui soutient toutes les musiques, toutes les esthé“Le producteur fait un budget (transport, nourritiques. La marche à suivre ? “Pas de dossierture, hotel, etc.), puis son dossier est type” nous dit Gaëlle Massicot-Bitty, en charge présenté à une commission, laquelle décide ou des musiques actuelles à Cultures France : “ça non de sa recevabilité”. Ces financements sont part d'une envie d'aller à l'international, il faut déjà réservés aux entrepreneurs de spectacles affiliés savoir de quoi on a envie […] et avoir déjà un petit au CNV. rayonnement : lauréat du Fair ou Découverte du Les collectivités territoriales, via une convention Printemps de Bourges par exemple. À partir de là, tripartite avec Cultures France et l'État (Drac) sont on façonne le projet ensemble”. Sur les territoires parfois parties prenantes et proposent un accomdits “de marché”, un partenariat combiné avec le pagnement des artistes à l'international. Ainsi la Bureau Export peut aider les artistes. Région des Pays de la Loire favorise t-elle des projets d'action culturelle (même si en 2008 le Un travail de réseau retrait de l'État a fait chuter cette ligne budgétaire de 90 000 à 60 000€) : “C'est un dispositif qui Le programme “Génération musiques” de a permis au groupe nantais ‘Rue d'la Gouaille’ Cultures France, s'organise autour d'un travail d'aller tourner en Chine en mars dernier”, se souavec le réseau culturel français extérieur (CCF, vient Alain Gralepois, Vice-président du Conseil Alliances, Instituts français…). “C'est un prorégional. “Il ne s'agit pas de diffusion pure et simgramme qui a permis à Dyonisos en 2005-2006 ple, mais d'un travail avec les ambassades, les d'être en résidence de création au Maroc. À l'isalliances ou les instituts français avec pour objecsue de celle-ci, une première tournée de quatre
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maintenu au régime français ou non. Quid du remboursement des soins dans le pays d'accueil ? À ces questions très précises et à bien d'autres (formalités douanières, visas, aspects du contrat de travail…), l'Irma pourra répondre via ses fiches pratiques et via ses nombreuses publications et bases de données. Et Jean-Noël Bigotti de compléter : “N'importe qui aura une réponse adaptée à son niveau de développement… Notre information est large, précise et accessible”. Dans ce panorama des aides à la diffusion à l'export, l'Adami (société civile pour l'Administration Soutenir tous les styles musicaux des Droits des Artistes et Musiciens Interprètes) offre un soutien aux tournées à l'étranger dans le “En 2008, une nouvelle ligne budgétaire de 150 cadre de son programme d'aide au spectacle 000€ par an a été dégagée afin de soutenir des vivant. De même, une aide aux déplacements projets avec les régions partenaires comme le internationaux est proposée par la Spedidam Balaton (Hongrie) ou le Shandong (Chine). C'est (Société de perception et de distribution des elle qui a permis à l'Orchestre national des Pays droits des artistes-interprètes musique et danse). de la Loire (ONPL) de se produire La Sacem, via notamment le fonds d'aide à l'édien Chine en avril dernier. tion musicale indépendante et le FCM (Fonds de Mais tous les styles m u s i c a u x s o n t Création Musicale) à travers deux programmes bénéficiaires”, ajoute (l'aide aux tournées “Il convient de réfléchir en terme de export et l'aide aux Alain Gralepois. Chloé Le Bail, nouveau territoire et donc de remise à festivals à l'étranger) conseillère régionale peuvent ê t re é g a précise que, pour plat des savoirs […] et disposer d'un l e m e n t sollicités. 2009, des proposi- distributeur et d'une œuvre (un disque), Au-delà de l'aspect tions du Pôle organisationnel et sinon c'est du tourisme.” Régional des prospectif, la tournée Musiques Actuelles sont à l'étude. Elles devraient à l'étranger questionne la pratique artistique. permettre, via le réseau des alliances françaises, Les acquis sont mis à l'épreuve, les repères d'accueillir des groupes pour des tournées à s'éloignent et l'expérience peut parfois s'avérer l'étranger. À suivre… douloureuse. Mais c'est souvent la quête d'une plus-value artistique et humaine, d'un nouvel air, Collecter l'information au préalable de nouveaux publics, qui meuvent et émeuvent celles et ceux qui font le choix de se produire Afin de préparer sa tournée de façon efficace, la ailleurs. collecte d'information est indispensable. De ce point de vue l'Irma est un partenaire incontournaRepartir à zéro, faire des sacrifices et attention ble. “Nous avons un rôle de vulgarisation adminisaux désillusions trative, de lecture de contrats… On se met au service des porteurs de projets”, explique JeanGénéralement, il y a une forte demande des Noël Bigotti de l'Irma. “Nous sommes un centre groupes pour tourner à l'étranger, mais il faut de ressources et plusieurs cas se présentent : soit observer certaines règles : on renvoie sur un ouvrage, une fiche-pratique ou “Il convient de réfléchir en terme de nouveau un guide, soit on renvoie sur un organisme (le territoire et donc de remise à plat des savoirs […] Bureau Export, le FCM…), soit on fournit et on et disposer d'un distributeur et d'une œuvre produit nous-mêmes l'information”. (un disque), sinon c'est du tourisme”, prévient Jean-Noël Bigotti de l'Irma. “De plus, sauf en cas Des réponses adaptées pour tous d'une notoriété internationale solide, il faut se préparer à jouer devant des salles clairsemées où Ainsi, dans le cadre d'une tournée à l'étranger, il le public n'est pas acquis à l'avance. C'est conviendra de se demander si l'artiste reste quelque fois dur moralement”. tif la rencontre des artistes avec des publics ou encore la découverte de pratiques artistiques”. D'un point de vue pratique, le projet de tournée est déposé à la Région et à Cultures France (un dossier-type est téléchargeable sur le site de la Région). Puis, il est examiné par une commission commune entre l'État, la Région, Cultures France et parfois la ville de Nantes. Cette dernière disposant également d'une convention avec Cultures France, une instruction commune permet d'harmoniser les différents soutiens.
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cours, c'est arrivé très tôt de voyager, à l'invitation Parfois, l'absence d'organisation d'une tournée à d'autres artistes”. Edward a par ailleurs pratiqué l'étranger peut amener beaucoup de désillusion. l'étranger de diverC'est ce qu'explique Jimmy Kinast de “Résultat, certains jouent devant des ses façons : “J'ai une tournée l'agence 3C, créée il salles vides car ils passent parfaitement effectué en Roumanie dans y a 10 ans et qui compte dans son inaperçus dans cette multitude. Et s'il n'y les centres culturels français, les alliancatalogue des artis- a pas de tournée à la clé, c'est la cata.” ces, avec des tes affirmés (Renan moyens conséquents (Adami, FCM, Spedidam). Luce, Kid Loco) aux côtés de talents émergents Puis, je suis retourné en free lance, sur mes pro(Carabine, Claire de Namur) : “Il y a des groupes pres deniers, car cela me permettait une dynamiqui trouvent des aides via le Bureau Export par que de découvertes des musiciens locaux. Mais exemple mais qui au final perdent beaucoup d'arc'est difficile et peu compatible avec l'intermitgent faute de préparation de leur déplacement. tence, même si artistiquement on apprend beauC'est ce qui se passe parfois pour des festivals coup.” comme le ‘South by Southwest’ (Austin, Texas). 1 2OO groupes en in, deux fois plus en off ! Résultat, certains jouent devant des salles vides car ils passent parfaitement inaperçus dans cette multitude. Et s'il n'y a pas de tournée à la clé, c'est la cata. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé à Zenzile qui en a été pour ses frais.” Pas facile non plus côté rémunération quand on tourne à l'étranger. Céline Lemée est responLa rencontre est au bout du sable booking pour chemin Auguri Productions : “Sauf s'il s'agit d'une Même si la nécessité d'aller jouer à grosse production, les cachets sont l'étranger est économique pour souvent à la baisse car la notoriété Edward Perraud, l'expérience humaine, n'est pas la même et les techniciens elle, n'a pas de prix : “Je me souviens d'un aussi font un effort salarial”. Et parconcert, toujours en Roumanie peu après la chute fois, pour des groupes peu connus, le traitedu mur. C'était dans un bled paumé. On a fait un ment est rude comme en témoigne Philippe Le concert de jazz, le premier concert de jazz de Guern, musicien (et par ailleurs sociologue) : “J'ai l'histoire de cette ville ! Il y avait un silence de fait beaucoup de tournées en Angleterre, je n'ai mort, les gens étaient en rangs ! Ils étaient estopas vu un groupe se faire payer, c'était juste les maqués par ce qu'ils entendaient. Et inévitablefrais qui étaient réglés. Même dans des clubs pas ment leur perception de notre musique était diffépourris du tout à Londres où sont passés Hendrix rente de ceux qui possèdent des codes. À la fin ou les Pistols, on ne touchait rien. Tu touches un du concert on a échangé avec le public. Un cachet que si t'es une vedette”. moment très fort, irréel.” Pour Edward Perraud, batteur et percussionniste Un ressenti partagé par Christophe Burban, régisdans la sphère du jazz contemporain, la tournée à seur de tournées pour qui “même si c'est plus l'étranger peut être aussi motivée par le besoin de dur, tourner à l'étranger est une forme d'aventure. se ressourcer : “Mon style musical est plutôt Une semaine en Allemagne, en Espagne ou en avant-gardiste, c'est une petite scène et on se Chine, ça donne de l'air […] et quand on retourne sent vite à l'étroit dans son pays. Dans mon par-
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en France, on apprécie la différence”. Une différence pouvant porter sur les horaires “À l'étranger, si tu joues dans un club, tu as souvent à faire à une équipe réduite. Et tu n'arrives dans la salle qu'à 16h ou 18h, alors qu'en France tu es là dès 14h”. Et il faut parfois savoir aussi voyager léger : “Il y a quatre ou cinq ans, je suis parti en Allemagne avec Dominique A et un sonorisateur, c'est tout. On a fait deux fois dix dates comme ça, et on a rencontré notre public. La tournée ça peut être ça aussi”.
Musique au coeur La rencontre est également au cœur du parcours de Lo'Jo depuis 20 ans, Denis Péan évoque quelques souvenirs : “En 1988, on était en Pologne avec la compagnie de théâtre de Cracovie KTO, des amis de Jo Bitume avec qui on tournait. Il se dégageait une atmosphère d'humanité et de fête incroyables que je n'ai pas retrouvé quand le pays s'est occidentalisé.” Rencontre toujours pour Lo'Jo sur l'île de la Réunion à l'issue d'une tournée de quatre ans en 1991 : rencontre avec les artistes locaux et avec la musique Maloya. Et que dire de ces concerts dans le désert Touareg ? “C'était en 2000, dans le nord du Mali, un an de préparation, on a produit ça avec nos droits d'auteurs, 3 tonnes de matos dans un gros Berliet, on a joué devant des populations nomades venus à pied ou à dos de chameau… Magique !”
“C'est pas réfléchi. Notre musique est populaire, anglo-américaine, donc pas de difficultés particulières à sortir de France et je chante en anglais […] On a un rythme soutenu mais au final ça donne envie de produire plus de choses.” Côté organisation, Papier Tigre, c'est plutôt une formule qui vise l'autonomie : “On gère tout ça seuls, on vient des labels indés, on a 25, 26 ans et on n’est pas dans l'institutionnel, c'est pas notre culture, notre façon de fonctionner. On est notre propre tourneur. Il faut être organisé pour ne pas perdre de l'argent, ça prend du temps mais comme ça on garde le contrôle”, tient à préciser Éric Pasquereau. “Nous, on essaie d'avoir une agence de booking locale, comme en Allemagne ou en Grande Bretagne, c'est un travail de contact au cas par cas.”
Creuser son sillon Autre aspect essentiel pour réussir à l'étranger : retourner là où on est déjà allé. “C'est ce qu'on va faire avec notre nouveau disque [The Begining and End of Now, sortie en novembre 2008 (ndlr)]” annonce Éric de Papier Tigre, “on va revenir en Allemagne, Italie, Brésil ou en Chine, avec des conditions améliorées et avec un public qui commence à mieux nous connaitre.” Ce retour à l'étranger peut d'ailleurs s'effectuer après la participation à un festival comme l'indique Céline Lemée :
Rock'n'roll et système D Autre génération, autre style avec la formation nantaise Papier Tigre (indie rock) mais même soif de tournées, le trio pouvant aligner 40 dates en 50 jours. Un groupe né en 2006 et déjà passé par la Belgique, les Pays-bas, la République Tchèque, l'Italie, l'Irlande, le Brésil, les Etats-Unis ou encore la Chine. Liste non exhaustive. “On n'a pas de concept lié aux tournées”, confie Éric Pasquereau, guitariste et chanteur.
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“Les Francofolies à Montréal, c'est un festival en plein air avec une grosse foule et beaucoup de presse, de promo. Ce qui permet, suite à ce moment d'exposition de bâtir une tournée ultérieure, en clubs par exemple. C'est d'ailleurs ce qu'on va faire en mars prochain avec Thomas Dutronc, un artiste qu'on développe au Québec suite à sa participation aux dernières Francos de Montréal.”
Pour monter une tournée hors de France, la réciprocité est une bonne méthode selon Eric de Papier Tigre : “Adebisi Shank est un trio irlandais rencontré au Pays-Bas et qui nous a invité pour une tournée début 2008 en Irlande. Pierre-Antoine, notre batteur leur a en retour arrangé une tournée d'une semaine en France.” Dans le même registre, Anticraft (distributeur du groupe nantais Idem et des québécois de Pawa Up First) a monté une formule d'échange. L'été dernier Idem est allé jouer au Canada et Pawa est venu tourner en France en octobre. “Faire une première partie à l'étranger est un autre moyen d'action”, précise Mary Vercauteren du CNV : “Ainsi, on peut retrouver Treponem Pal avec Killing Joke ou Fancy avec Justice aux EtatsUnis”. “Monter une tournée à l'étranger, ça passe par un travail de proximité et de confiance avec nos subventionneurs : Bureau Export, CNV, FCM,
pour aller plus loin... “Mobilité Internationale - Ce qu'il faut changer”, dossier du mensuel “La Scène” septembre 2008 “Organiser une tournée à l'étranger”, document téléchargeable sur les sites de l'Irma et du CNT (Centre national du théâtre) . “La circulation des artistes”, fiche-pratique de l'Irma téléchargeable sur www.irma.asso.fr “Guide pratique France-Québec du disque et du spectacle” (Jean-Noël Bigotti (Irma) et Jean-Robert Bisaillon (Sopref) téléchargeable sur www.irma.asso.fr
Cultures France, etc.”, indique Céline Lemée, “ça passe aussi par les réseaux des maisons de disques et les managers qui savent où sont les demandes car ils possèdent des relais dans les pays […] mais ce sont aussi les agents étrangers qui viennent nous voir.” Pour Jimmy Kinast : “On observe depuis 4 ou 5 ans un vrai bouleversement. Des Français font des cartons à l'étranger : The Do, Moriarty ou encore Pony Hoax. Et c'est vrai également pour des artistes s'exprimant en français. En Allemagne, il y a maintenant un vrai intérêt pour la chanson française, idem en Espagne. Les artistes français ont moins de complexes à s'exporter”, conclut-il. Au final n'y a pas de recette-type pour tourner à l'étranger. On peut s'organiser en ayant recours aux institutions et aux structures idoines ou se débrouiller grâce à ses réseaux ou encore mixer les deux formules. Dans tous les cas, c'est principalement dans la préparation que réside le secret d'une tournée réussie, c'est-à-dire porteuse d'un mieux-disant artistique. Et la question de savoir quand dans la vie de l'artiste ou du groupe la tournée à l'étranger doit intervenir n'appelle pas de réponse tranchée, sauf à dire qu'un peu de métier est tout de même de mise. Mais au bout du compte, tourner à l'étranger, estce un passage obligé ? Réponse de Denis de Lo'Jo, citoyen du monde et grand arpenteur du globe : “Le voyage pour un artiste n'est pas indispensable. Certains restent sous leur arbre et ont le cosmos dans la tête”.
“Les Pays de la Loire : une région ouverte à toutes les cultures”, texte programmatique 2008-2015 et le dossier-type de demande de subvention à l'export téléchargeables sur le www.paysdelaloire.fr Plus généralement, des informations ayant trait aux tournées à l'étranger sont disponibles sur les sites respectifs de Bureau Export de la musique française : www.french-music.org, Cultures France : www.CulturesFrance.com, FCM : www.lefcm.com, Adami : www.adami.fr, Spedidam : www.spedidam.fr, Sacem : www.sacem.fr Cagec : www.legiculture.fr www.cagec-publication.fr
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LE CHANT DES MOTEURS,
Du bruit en musique
Louis Chrétiennot, co-édition L’Écarlate/L’Harmattan. L'ouvrage de Louis Chrétiennot explore les relations complexes entre le bruit et la musique. D'une manière à la fois simple et érudite, l'auteur écrit une belle leçon sur le son, tel qu'il est, débarrassé de ses mythes et de ses idéologies. Il étudie avec autant de justesse que de finesse, les conceptions à l'oeuvre entre les musiques populaires et savantes depuis Pythagore jusqu'à Massive Attack. Son analyse repose sur la disparition de ce clivage musical en resituant l'émergence d'une nouvelle conception du son engendrée par l'élaboration d'instruments mécaniques, électroniques et informatiques. Louis Chrétiennot est musicien classique professionnel puis guitariste de rock, notamment comme membre du groupe punk Electric Callas et co-fondateur du collectif Canope. Il a créé le département rock de l'École nationale de musique de Villeurbane. Damien Tassin
POUR UNE AUTRE ÉCONOMIE DE L’ART ET DE LA CULTURE sous la direction de
Bruno Colin et Arthur Gautier, éditions Éres.
Acteurs du secteur culturel et chercheurs se retrouvent dans cet ouvrage pour poser un regard sur le champ de l'art et de la culture, et de son lien à l'économie solidaire. Conduit par Bruno Colin d'Opale et Arthur Gauthier du Lise-CNRS, on retrouve les contributions de Philippe Berthelot, Gérome Guibert, Shirley Harvey, Philippe Henry, Madeleine Hersant, Jean-Michel Lucas, Patrick Viveret sous la bienveillance de Jean-Louis Laville. Traité sous la forme d'interviews, de textes universitaires ou politiques, Pour une autre économie de l'art et de la culture est un ouvrage à lire pour ceux qui se posent des questions sur un autre rapport au marché et à la place de la culture dans la société. Vincent Priou
RIP IT UP AND START AGAIN Simon Reynolds, éditions Allia. Les éditions Allia nous avaient déjà convaincus de la qualité de leurs traductions de “classiques” de l’histoire des musiques populaires (“Sweet soul music”, de Peter Guralnick, par exemple). Simon Reynolds (journaliste, notamment au Melody Maker), nous emmène vers des contrées moins balisées. En effet Rip it up and start again (“Déchire tout et recommence”, chanson du groupe Orange Juice) sous-titré “postpunk 1978-1984”, nous conte l’histoire de ce que nous appelons ici la new wave. Du lancement par John Lydon (ex-Rotten) de Public Image Ltd à l’avènement de la “new pop” (U2, Echo & The Bunnymen…), en passant par le développement d’un réseau indépendant de labels et de disquaires (le “do it yourself”), ou les balbutiements de la “synth-pop” (notre technopop), ce sont des dizaines de groupes et de personnalités de l’époque, que l’auteur nous convie à (re)découvrir tout au long de ces 680 pages ! Centré bien évidemment sur le Royaume-Uni, l’ouvrage traite également de la scène américaine (Talking Heads, no wave, Pere Ubu, Devo…) au cours de chapîtres enlevés avec brio. Car si le livre est un travail historique et sociologique remarquable, c’est aussi un grand plaisir de lecture, tant la prose de Reynolds est précise et tranchante, synthétique et brillante, un peu comme la musique dont il est question. Gilles Courcier
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Au Foin de la Rue LE POIDS DU LOCAL, LE CHOC DES LOCAUX
PAR ÉRIC FAGNOT PHOTOS FESTIVAL : MAKO
Portée par des passionnés et des militants, l'association au Foin de la Rue (Saint-Denis de Gastines, 53) mène depuis 10 ans une action culturelle importante sur son territoire. Connue et reconnue pour son savoir-faire, elle s'est développée progressivement pour devenir aujourd'hui un acteur musiques actuelles incontournable dans le paysage culturel du département. Cette reconnaissance lui permet d'être à l'initiative d'un nouvel équipement (deux studios de répétition). À quelques jours de son ouverture, l'occasion était donc trop belle de revenir sur ce nouveau projet attendu par de nombreux acteurs. L'évocation du Foin de la Rue nous fait penser naturellement au festival, à sa déco soignée et originale, à sa scénographie singulière et accueillante, à ses 350 bénévoles qui participent activement à la réussite de cet événement. Le festival a su trouver son rythme de croisière en pariant sur une programmation à la fois populaire et exigeante, partagée entre têtes d'affiches et découvertes mais aussi sur une jauge adaptée à la grandeur du site (10 000 personnes). Cette formule semble payante puisque l'année prochaine, on se prépare à fêter son dixième anniversaire. Mais il serait un peu réducteur de définir l'action du Foin de la Rue à cet unique rendez-vous estival. Créée en 1999, l'association a toujours eu pour vocation d'irriguer une offre artistique diverse et variée sur un territoire dénudé de propositions culturelles notamment en termes de musiques actuelles. Dans la lignée du festival, l'association propose ainsi 2 autres rendez-vous dans l'année, centrés sur les musiques actuelles (Les Foins d'hiver) et les arts de la rue (Les Pic Nic Culturels). “Notre proposition culturelle, explique Jérémy l'un des 2 permanents de l'asso, ne se réduit pas uniquement au festival. Nous avons toujours été portés par un besoin d'ouverture notamment la volonté de croiser les esthétiques et les publics dans un souci constant de dynamiser le territoire…” Cet esprit d'ouverture se retrouve dans le projet de locaux de répétitions dont l'association est l'initiatrice. Financé par la Communauté de communes du Pays de l'Ernée, cet outil finalise une démarche partenariale entamée depuis 3 ans entre l'association et l'École de musique communautaire du Pays de l'Ernée. L'objectif est d'offrir un équipement adapté à la pratique des musiques actuelles. Installé à Saint-Denis de Gastines, le bâtiment comprend deux locaux de répétition (20 et 30 m2) entièrement équipés et traités acoustiquement, ainsi qu'un control-room réservé à l'enregistrement pédagogique. Au-delà de l'enthousiasme qu'il peut susciter sur le territoire, ce lieu dégage suffisamment de garanties pour répondre à des demandes mais aussi en créer. L'équipement accueille les bureaux de l'association et l'atelier musiques actuelles de l'École de musique, l'intérêt de combiner ces 2 structures est de mettre leurs compétences à disposition du musicien afin de favoriser l'émergence de nouveaux projets musicaux. Le phénomène est assez rare en milieu rural, mais de vrais moyens ont été mises en œuvre pour offrir un équipement musiques actuelles dans lequel le musicien, quelque soit son niveau de pratique, ne pourra que s'épanouir. Un exemple à suivre. Infos et contacts www.aufoindelarue.com / jeremy@aufoindelarue.com
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Outrage
L’OUTRAGE EN EST À SON 1ER ACTE
PROPOS RECUEILLIS PAR EMMANUEL BOIS PHOTO : JULIEN FAGOT
Après un maxi et trois albums, les Manceaux d'Outrage nous font l'honneur d'un retour en force avec leur nouvel opus “Court-circuit” et un projet punk-rock prêt à faire parler de lui ! Rencontre avec Yves, batteur du groupe. Peux-tu nous décrire votre parcours artistique jusqu'à aujourd'hui ? Nous sommes partis d'un trio punk rock français il y a douze ans pour évoluer en 2000 vers le mélange ska-punk. Pendant toute cette période, nous avons eu une section cuivre (durant 6 années consécutives). Le dernier concert des cuivres a eu lieu à l'occasion des 10 ans du groupe en première partie d'Archive en octobre 2006. Depuis fin 2006, nous sommes revenus à nos premiers amours, à savoir le punk rock chanté en français, et les trois cuivres ont été remplacés par un clavier/saxo. Ce revirement de situation dans la formation a dû changer beaucoup de chose dans votre projet. Quelle(s) nouvelle(s) direction(s) cela vous a-t-il permis de prendre ? Tout d'abord nous avons vu des avantages en répétition. En étant moins nombreux, les répés se sont vues simplifiées. Les compositions et les sonorités des morceaux sont venues naturellement, et nous avons réussi à éradiquer totalement
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l'aspect “festif” de nos morceaux… C'était un choix délibéré, puisque nous n'avions plus envie de faire ce genre de musique. Nous voulions passer à autre chose, à un son plus brut et des compos plus violentes, à une musique qui nous correspondait davantage, surtout à nos âges. Les concerts que nous avons faits en 2008 nous ont conforté dans ce choix. Nous arrivons aujourd'hui à toucher un public bien plus large qu'avant… Vous venez de sortir votre 4e galette, ne devait-elle pas sortir plus tôt ? Oui, à la base les morceaux étaient prêts à sortir en septembre 2007. Nous avons perdu une année complète en négociation avec un label parisien… On nous proposait un contrat de licence : promotion, tournées, édition et un contrat de distribution nationale. Même la vente de T-Shirt et autres produits dérivés y passait. Sur le papier, la proposition était plutôt alléchante mais en creusant un peu, cela s'apparentait à signer la mort du groupe… Nous avons toujours autoproduit nos disques et
l'association Outrage a besoin de rentrer un minimum d'argent pour continuer à exister et à financer les projets qui nous tiennent à cœur. En signant cette proposition, nous n'avions plus aucun contrôle pour les cinq années à venir et l'association Outrage n'avait plus qu'à déposer le bilan ! Aucune garantie de résultats non plus. Nous n'avons finalement pas trouvé l'entente qui pouvait satisfaire les deux parties et nous avons décidé d'en faire une bonne partie nous-même et pour le reste de travailler avec des structures à visage humain ! Le “do it yourself” soit par conviction ou “par contrainte” compte tenu de la réalité actuelle de l'industrie musicale : une solution efficace, une alternative pour des groupes en voie de professionnalisation tels que vous ? Depuis l'été 2008, nous avons un distributeur (Mosaic Music Distrib') qui nous permet de toucher le réseau national et un peu l'international. Un tourneur du Mans (Plug N'Prod) vient aussi nous prêter main forte. Par ailleurs, des amis qui viennent de monter leur boîte (Haaloohaa Production), nous aide sur la fabrication des supports de communication (affiches, flys) et sur la négociation de partenariats avec la presse écrite et les radios… Nous gardons le management et l'édition du groupe, la production des albums (de l'enregistrement à la fabrication en passant par le graphisme), la communication auprès des médias, la relation avec notre distributeur mais aussi la promo sur les dates de concerts que nous produisons nousmême. Il peut nous arriver d'organiser nos propres concerts (location de salle…). Point trop de répit. Aujourd'hui, le pari s'avère bien fonctionner, l'album est sorti il y a un mois et le bilan de l'année 2008 est déjà très positif. Alors que les organisateurs de concerts deviennent de plus en plus frileux à programmer des découvertes, nous nous sommes produits en 2008 trois fois plus en live que lorsque nous avions une grosse structure derrière nous. Le “doo it yourself “ permet de fonctionner au coup de cœur sans demander l'avis de quiconque. Si nous avons un projet de tournée à l'étranger, à nous de faire en sorte que cela puisse se faire. Les éventuels intermédiaires pouvant intervenir sur la sortie d'un album ne font pas leur maximum… Mis à part le distributeur (dont le siège est basé à Toulouse), toutes les personnes œuvrant sur l'album “Court-Circuit” sont des manceaux. L'information circule donc très vite et le travail est d'autant plus efficace.
Vous vous donnez les moyens de vos ambitions, quel est le maître mot qui vous donne envie de continuer ? Nous voyons Outrage comme un projet changeant et malléable à souhait. Les envies des membres du groupe ont changé au fur et à mesure des années et elles continueront de changer. Évidemment, notre musique en est la vitrine directe. Nous n'avons pas de limites et nous prenons toujours autant de plaisir à composer et jouer ensemble, à partager le live avec notre public et à rencontrer les personnes actant en faveur du rock, au sens large du terme. Le fait que chaque membre du groupe tienne un rôle dans Outrage, en plus du fait de jouer sur scène, nous amène à penser que nous sommes tous dépendants les uns des autres. Les membres actifs de l'asso Outrage (car il n'y a pas que les 5 musiciens) sont forcément solidaires dans l'effort et dans la réussite. À l'inverse, en cas d'échec, nous sommes fatalement tous coupables ! D'ores et déjà, pour le moment, aucune raison de lâcher l'affaire, tant qu'il y aura du plaisir, il y aura un groupe…
Outrage
Court-Circuit AOSP/Mozaïc 2008 OUTRAGE commençait un peu à se faire désirer. Finalement le groupe remet les pendules à l'heure avec sa 4e galette sortie le 22 septembre dernier, “CourtCircuit”, qui sent bon le gros punk rock à la française. Ici, les cuivres ont été (majoritairement) remplacés par des synthés et autres bidouilles electro, l'essai se retrouve tranformé avec une aisance déconcertante : le combo a su garder le meilleur de lui-même et développer ces 11 titres d'un rock puissant et speedé, guidé par un chant en français, des textes engagés, et ces choeurs entêtants à souhait qui font de certains titres de véritables hits. La production est également à la hauteur et ce n' est pas non plus pour nous déplaire... On comprend vite que l'Outrage est plus que jamais là et ne semble pas prêt de se rendre. C'est tant mieux ! Julien Martineau
Infos http://outrage.free.fr www.myspace.com/outragepunk
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Les 3 elephants DU LOURD, DU LOURD, DU LOURD !
PAR JULIEN NICOLAS PHOTOS : DOMINIQUE VRIGNAUD
Retour sur la 11e édition du festival, Laval, 25 et 26 juillet 2008 Expédition mayennaise ce vendredi 25 juillet… Le rendez-vous est donné sur le site du festival des 3 Eléphants. L'arrivée annonce le plat de résistance : on s'embourbe direct sur le parking légèrement boueux, mais le peuple de Mayenne se déchire pour nous sortir de là ! Malgré tous ces efforts, nous ratons les deux premiers groupes... Le festival investit cette année un nouveau site. Le choix est plutôt bon. Un vaste champ découpé en deux espaces distincts : un espace chapiteau “cosy” et la “grande scène”. Le festival commence en douceur avec Moriarty qui délivre une folk un peu trop propre. L'énergie revient durant le concert avec l'invitation sur scène du jeune groupe Coming Soon qui met du relief et un peu de folie. Le canadien Patrick Watson enchaîne sous le chapiteau, visiblement heureux d'être à Laval pour sa dernière date de l'été. Il propose un set hybride, rempli d'influences, à la croisée d'une pop subtile et d'un électro-rock précieux. Le début de soirée est un hors d'œuvre qui annonce une montée en puissance sonore et rythmique. Q-Bert met le chapiteau en transe avec un turntablism précis aux beats fracassants. Il reste un des meilleurs techniciens des platines au monde, et ça s'entend. Il prépare dignement le passage de Vitalic et Danger… Moins original, Vitalic propose un set carré mais finalement un peu consensuel et décevant. Il est 3h30 à Laval. On n'est pas souvent là, alors la fête continue ponctuée de dizaines d'anecdotes nocturnes festivalières… Que je ne conterai pas ici ! Le lendemain au camping vers 13h, on assiste au concert de Monsieur le Directeur autour du stand caféfrite-crêpe-bière… Bien rock'n'roll, le bonhomme finit carrément à poil ! Du show, du chaud ! Les campeurs en redemandent. Après la sieste d'après-midi très classique en festival, nous reprenons le chemin du site et entamons la seconde soirée. Décidément les 3 Éléphants ont misé cette année sur la folk, le hip hop et l'électro. Ça (re)commence avec les brillants britanniques Tunng et leur univers intimiste et rêveur qui transforme le public en gamin de 10 ans… Armés de guitares, percussions, mélodica et coquillages, ils opèrent un voyage dans le temps de l'enfance avec une énergie sincère. Ce samedi prend son envol avec l'arrivée sur scène de Why ?, le dernier projet d'Anticon. Entre hip-hop et folk lo-fi, le groupe défend Alopecia, son dernier disque, avec conviction. La place centrale d'une rythmique efficace se retrouve jusqu'au chanteur Yoni Wolf, qui s'entoure d'un mini-kit de batterie. La chaleur monte de quelques degrés lorsque que la fanfare américaine jazz/funk/hip-hop Youngblood Brass Band investit le chapiteau. Arian Macklin, le soubaphoniste est divin : aucune perturbation ne vient troubler son groove impeccable ! Le chanteur à l'allure du nerd parfait, balance un flow fluide et percutant. Difficile d'enchaîner derrière… Birdy Nam Nam s'y colle sur la “grande scène” avec un travail visuel novateur et réussi. Je reste malgré tout sur ma faim, l'explosion attendue ne viendra pas ce soir. Même chose pour le duo électro Digitalism, signé Kitsuné. On a été très gâté pendant deux jours, alors on dit “merci” et à l'année prochaine. Fin de partie.
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Infos et contacts www.les3elephants.com / info@les3elephants.com
Bonobo Trio Polygamy
AP 2008
Cyesm
Murder Of Loretta Shawn
Un violon, deux guitares, une contrebasse et le public. Voilà le CD de CHORDA enregistré aux Ondines. Emmené par le violoniste virtuose Yves Teicher, Chorda nous transporte dans des sphères rarement égalées. (Il faut dire que Teicher est un ex-élèved'Yvry Gitlis). Cette double richesse de la musique classique et du swing manouche apporte une forte et impressionnante originalité. Ainsi, le très populaire “Sweet Georgia Brown” est introduit par l'“Eté” des Quatre Saisons de Vivaldi. Mais la majorité des autres morceaux sont des compositions personnelles très fortes. Nous retiendrons particulièrement Souk-Ahras (Voyage Romano-Algérien). Sylvain Laigle
www.myspace.com/chordagroup
www.myspace.com/bonobotrio
Polygame, ce trio l'est assurément…! Le BONOBO TRIO nous offre un album déroutant, entre facétie, mélancolie, grands tubes disco revus et corrigés (un “Gimme !” magistral), sons feutrés et saveurs lointaines. Des ambiances tour à tour aquatiques et profondes comme la jungle, épicées comme un voyage, groovy ou sensuelles et nues, avec juste le bon dosage (“Lise” est une petite merveille de simplicité et de sons). Les bonobos vivent bien dans les arbres et passent de branche en branche, et de sons en styles tout en évitant la chute. Difficiles à cerner d'abord, on se laisse pourtant prendre au jeu. Un petit bémol cependant… De grandes envolées lyriques qui desservent parfois l'ensemble des compositions. Marie Hérault
Chorda Live
AP 2008 / Coproduction Les Ondines / ABS Bellissima.
El
Danse AP 2008
On s'est tous retrouvé un soir à regarder un vieux polar en noir & blanc, où un privé un peu paumé et alcoolo sur les bords, patauge dans une enquête bien trop grande pour lui… Vous voyez tous de quoi je parle. Vous n'avez même plus besoin du film. Et c'est tant mieux parce que vous allez désormais pouvoir vous en passer puisque le Manceau CYESM vient d'inventer le polar musical. “The Murder Of Loretta Shawn” raconte en quinze chapitres l'histoire d'un détective qui tente d'enquêter sur la mort de sa propre sœur. Plusieurs amis du producteur viennent apporter leur voix aux différents personnages. Le résultat sonne assez logiquement comme une BO de film aux relents jazzy, comme si Wax Tailor ou Ez3kiel avaient décidé de collaborer avec Buck 65. Le disque dont vous êtes le héro ! Kalcha
Il y a quelques années, EL aurait sans doute signé sur le label Lithium, tel un Mendelson (les univers sont d’ailleurs assez proches). Mélancoliques, sensibles, toujours sur le fil, les titres de ce disque recèlent d’harmonies exceptionnelles, d’arrangements brillants avec des arpèges ou des saturations de guitare, des claviers répétitifs, des boucles minimalistes. La singularité du duo provient de guitares parfaitement jouées explorant pop, noise, musique expérimentale, blues, rock. Mathieu Pichon tel un Olivier Mellano est un maître du genre. Et puis, singularité toujours avec des voix terriblement monocordes qui ne peuvent monter bien haut, mais qui finalement prennent du relief dans leurs oppositions avec les parties instrumentales. Les textes révèlent des histoires de couple, couple dans la vie, couple pour la musique, et l’on entre véritablement dans le quotidien d’un homme et d’une femme, avec la tension et le bonheur qui va avec. Cécile Arnoux
www.myspace.com/elnantes
www.myspace.com/cyesm
Good Citizen Factory 2008
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Elwood & Guthrie
Elwood & Gutrie
Ruralfaune 2008
H.u.g.e.
Hidden Under Ghosted Eternity
http://www.myspace.com/wearehuge
Concrete Curving Records 2008
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La plénitude que procure l'écoute de ce second album intitulé “Hidden Under Ghosted Eternity”, est aussi mystérieuse que l'identité de ce jeune trio nantais. Les influences rallieront aisément les adeptes des pièces instrumentales mélancoliques : le post rock aventureux de Tortoise, les notes cristallines de Berg Sans Nipple, l'electro-folk audacieuse de NLF3 et quelques autres encore… De forts bons ingrédients constituent cet essai qui révèle pléthore de sons et d'instruments. Guitares, synthés, batterie, piano, vibraphone auraient pu se perdre dans une production surfaite. Sans fioriture, cette dernière laisse juste entrevoir les infinies voies qu'il reste à découvrir, en se procurant le CDR sur Concrete Curving Records, ou en mp3 sur site en téléchargement libre. Difficile donc, de passer à côté de cet album déterminé et prometteur. Cédric Huchet
www.frenchcowboy.net
Sa première échappée en solitaire à peine achevée, Baby Face Nelson was a French Cowboy, voilà que Federico FRENCH COWBOY Pellegrini repart à la conquête de l'Ouest. Celui se trouvant de l'autre côté de l'Atlantique. Pour cette nouvelle conquête des grands espaces folk rock, le songwriter est accompagné de Lisa Li-Lund. Share horses est la rencontre de ces univers. Celui de la poésie bricolée de la sœur des Düne et de la mélancolie aussi aiguisée qu'une lame de Pellegrini. La force de ce road trip est d'avancer main dans la main. “Share horses” propose ainsi la bande son d'un summer of love se terminant au petit matin. Là où les fantômes du passé viennent se frotter à une réalité toujours mal tricotée. Beau et poignant. Abé
French Cowboy Share Horses
Havalina Records / Differ-ant 2008
Idem
The sixth aspiration museum overview
Jarring Effect / Discograph 2008
À l'aube d'un dixième anniversaire, les sources d'inspiration d'IDEM sont loin d'être taries. Ce nouveau disque est bien là pour le prouver. Idem est bien un groupe qui avance ; ses premières amours furent celles du dub, mais le groupe semble désormais adepte de la polygamie : le rock, l'indus, le hardcore, le métal et l'électro. Mais, plus que par un genre musical, le quatuor nantais se distingue par sa puissance sonore, son énergie, sa tension musicale, sur disque comme sur scène. Et l'arrivée de Pitch au chant renforce la noirceur du répertoire, sa froideur, deux adjectifs à ne surtout pas prendre péjorativement. Parce qu'IDEM aborde la musique comme un exutoire, parce qu'elle regorge de puissance, parce qu'il explore les possibilités sonores et joue sur les ambiances, ce groupe restera un groupe digne de toute ma considération. Cécile Arnoux
www.idem-kzfp.com
www.myspace.com/elwoodguthrie
Difficile de coller une étiquette sur le double messieurs ELWOOD & GUTHRIE. Et c'est peut-être mieux ainsi. Pour la faire courte, la musique composée par Scott Stroud et Will Guthrie est celle d'un voyage sans retour mis en scène par les Coen et s'en allant percer les mystères de l'Ouest. Le duo joue une folk sensorielle. D'emblée, les complaintes, tour à tour instrumentales ou non, invitent à une transe à taille humaine. Ce premier album éponyme réussit à ne laisser personne au bord du chemin. Tant cette proposition hors cadre flirte avec l'expérimentation tout en restant d'une accessibilité immédiate. Elwood & Guthrie est un groupe sous acides dont la générosité est d'inviter tout le monde dans l'œil d'un cyclone roots. Pour un trip folk hypnotique. Arnaud Bénureau
Jordan
Oh No We Are Dominos
Motoneige Records / Abeille Musique 2008
Kate-Me
Live
www.kate-me.com
Avel Ouest / Trad'Mark Productions 2008
Étonnante matière musicale que celle de KATE-ME ! Des strates de musique bretonne, des réminiscences funk et groove, des parties presque jazz, des virgules rock voire rock progressif, Kate-Me électrifie le traditionnel. Et le résultat est cohérent pour un groupe de dix musiciens dont le chanteur se dit admiratif des Fabulous Troubadors et autres Massilia Sound System. De quoi être interloqué ! Kate-Me se lance sans doute le défi ou prend tout simplement du plaisir à réinterpréter des complaintes et autres morceaux traditionnels bretons avec un certain panache. La dimension live souligne les improvisations, apporte une réelle chaleur aux morceaux, et nous fait sentir un vrai plaisir pour les musiciens à proposer quelque chose de nouveau qui modernise l'ancien. Cécile Arnoux
www.myspace.com/groupekatarsis
KATARSIS apporte une nouvelle pierre à l'édifice du rap conscient. Marchant clairement dans les pas de leurs grands frères de La Rumeur et d'autres artistes tels que Casey ou Rocé, les rappeurs lavallois Almereyda et J-P (ce dernier signant par ailleurs la production des morceaux) évoquent ces références tant par les flows qu'ils développent, le cisèlement de leurs textes, que par la qualité des prods proposées. Si les influences oscillent entre un univers soul jazz et une attaque assez rock, la teneur de l'ensemble distille paradoxalement une ambiance sombre et pesante. L'ambiguïté ne tombe cependant pas dans l'incohérence, au contraire, à l'image de l'excellent “Quand le chien devient loup”, où des lyrics sans concession renvoient la balle à une basse groovy aux résonances africaines. Ben Devillers
Katarsis Souledad AP 2008
Keefaz
A contre temps
Samouraï Productions / Legal Shot Records / Irie Ites Records 2008
KEEFAZ commence sa production phonographique dès 2002 (maxi, single…). 2006, sortie logique du 1er album. 2008, annonce la maturaté de l'artiste et voit se réaliser, “À contre temps”, second album du reggaeman. Fidèle aux origines qui bercent sa griffe musicale, Keefaz c'est la synthèse relativement efficace du reggae : du roots au dancehall, tantôt hip-hop, R'n'B voire zouk… Il satisfera aussi bien les rois de la piste que les férus de la “roots music” de qualité. Côté productions, les services non négligeables de Mafia & Fluxy, du D-roots band, de Moolod et de Scorblaz servent des textes lucides, enrichis par les participations de Lorenzo, Mr Vegas, Baby G ou encore Shinehead qui, sur “la force en nous” remporte la palme revisitant avec brio un riddim classique du genre “Police in helicopter”. Emmanuel Bois
www.myspace.com/keefaz
www.myspace.com/jordanmusic
On vit une drôle d'époque. Les groupes d'electro doivent faire semblant d'être des rockeurs pour plaire aux kids, et les rockeurs se mettent à faire danser la planète entière. Mais où va-t-on, je vous le demande ? Heureusement, au milieu de tout cet opportunisme friqué, on trouve encore des projets authentiques et tout aussi efficaces. Bien sûr JORDAN n'invente rien. On entend bien que le trio a religieusement écouté The Robocop Kraus, International Noise Conspiracy ou At The Drive In, mais le rendu est suffisamment maîtrisé et assimilé pour sonner original. Plus d'une fois, on est tenté de sauter dans tous les sens, en moulinant des bras et en dodelinant de la tête. Ou l'inverse (moins facile). Une sorte de Fugazi pour dancefloors ? Un Don Caballero moins bon en math ? Un putain de bon groupe, en tout cas. Kalcha
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Lone Wolf and his backdoormen
Diggin AP 2008
My Name is Nobody At the wolf pit
Angel, JM et Wan sont MA-LAK. Depuis six ans, ils s'affirment dans une fusion complexe qui mêle rock agressif, électro directe et une pincée d'esprit punk. On arrive alors naturellement à “Encore humaine”, dernière production défrisante du trio. Quatorze morceaux ciselés, agrémentés de quelques invitations bien senties : LITTLE JOHN, DJASS2ASS ou encore RUBINATOR. Du titre “Adrénaline” à “Laquelle choisir ?”, la souplesse musicale de MA-LAK explose, notamment celle d'Angel qui change de registre vocal de manière déconcertante. Ils créent avec spontanéité des passerelles esthétiques, en liaison aux multiples influences de chacun des membres. Si le son de ce disque peut parfois paraître léger, l'énergie reste bien présente et ne demande qu'à envahir les scènes pour un live forcément percutant… Julien Nicolas
www.myspace.com/malaksubsonic
www.myspace.com/backdoormenband
Dans la grande tradition du blues des années 60/70 (de James Cotton à Big Walter Horton), LONE WOLF AND HIS BACKDOORMEN offre avec “Diggin” un bel hommage à ses pairs. Sa voix rauque et son jeu de guitare, mélangeant le vieux blues au rock'n'roll, ne sont pas sans rappeler un certain Chester Arthur alias Howlin Wolf, auquel il emprunte son pseudo et une de ses chansons “Back door man” pour nommer ses musiciens. Cette chanson écrite par Willie Dixon et reprise par Jim Morrison, illustre parfaitement le disque du Nantais. Au fil des morceaux, on sent l'odeur des bistrots enfumés de Chicago, et “Homeless boogie” caractérise au mieux toutes les essences qui ont vu naître cette musique, du bayou aux berges du Mississipi. On se laisse rapidement emporter vers des contrées lointaines où plane parfois l'ombre d'un Robert Johnson. Christophe Jolier
Ma-lak
Encore humaine AP 2008
One-Way Mirror One-Way Mirror Metal Blade 2008
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Vincent Dupas alias MY NAME IS NOBODY continue sa route avec “At the wolf Pit”. Ce Nantais propose ici un second album composé de 9 folksongs gorgées d' une mélancolie remarquablement maîtrisée : guitare et chant influencés Palace ou Leonard Cohen nous invitent à prendre la route des USA de manière plutôt séduisante et tout à fait authentique. L'album est construit de manière cohérente, les titres s'enchaînent avec une facilité limite déconcertante. On a notamment une préférence pour “A Heart Beating Louder” qui tire son épingle du jeu, ou pour la superbe reprise d’Alan Parson Project. Ajoutez à cela son appartenance au collectif Effervescence, label des plus interressants du moment dans le genre, et une belle tournée qui s' annonce : on n' a pas fini d'entendre parler de My Name is Nobody. Julien Martineau
Diantre ! c'est quoi ce gros son qui enchaîne du hit métal par paquet de… 11 ? ONE-WAY MIRROR réunit les frangins angevins Potvin (Lyzanxia), Loïc Colin (Watcha) et Dirk Verbeuren (Soilwork) autour du Vendéen Guillaume Bideau (Mnemic), pour la seule finalité de pondre le blockbuster métal par excellence. Une démarche mainstream assumée et réussie, où l'on entend mis au goût du jour le panthéon métal des 90's, du power à la Pantera à l'indus de Fear Factory, avec l'esprit potache de Faith No More. Riffs imparables, solos à la Dimebag, rythmique massive, technique et groovy, refrains mélodieux et registre bestial, murmuré… L'attirail est implacable. Sorti sur le légendaire label Metal Blade, l'album devrait rappeler de bons souvenirs aux puristes et ravir le grand public amateur de musique acérée. Ben Devillers
www.myspace.com/onewaymirrorband
www.myspace.com/mninmusic
Effervescence / Differ-Ant 2008
Phospho
One caballo per seven frauen
La Baleine 2008
Sexypop
Never be the same
Aidons Sexypop Records 2008
RESISTENZ, autoproclamé bal folk moderne, ne cesse de regarder la vérité en face. De regarder le monde d'aujourd'hui, maintenant droit les yeux. Sans jamais les détourner. Le projet porté par la poétesse Ana Igluka et le compositeur électrique Erwan Foucault ne fait aucune concession et parvient avec ce premier album autoproduit, “Bal folk moderne”, à trouver un terrain d'entente entre la chanson et le rock. Ce qui n'autorise pourtant pas à réduire Resistenz à un groupe chanson/rock. Non, Resistenz lorgne davantage avec le drôle de home sweet home construit, disques après disques, par le label post rock Constellation. Resistenz est de cette même veine. Celle qui ne laisse personne indemne. Ana Igluka et Erwan Foucault sont faits de bruits apaisés et de fureur ravageuse. Abé
www.lethermogene.net
www.myspace.com/phospho
Rock indé, pop, groove-électro, disco rock, posthardcore… la boîte à musique de PHOSPHO est recouverte de ces petits magnets étoilés. Certes, Alan Douches (qui a masterisé les Chik Chik Chik et autres LCD Soundsystem) appose sa griffe sur le mastering, et en fait un disque qui sonne. Mais Phospho a le sens des compositions, des harmonies, fait rimer musique avec énergie, avec plaisir, avec rock, et s'invente des partitions endiablées. Ces vieux fans du Velvet, de Pussy Galore et autres Sonic Youth défendent une musique affranchie, portée par un chanteur charismatique et jouée par des instruments aux essences résolument rock. D'un côté une sorte d'ivresse sonore, de l'autre une précision dans le jeu et des tensions millimétrées, Phospho fait fort ! Très fort ! À faire pâlir les filles ou les rockeurs quarantenaires. C'est selon… Cécile Arnoux
Resistenz
Bal folk moderne AP 2008
Sheke Groove Station
Funk me, I'm nervous Dès les premières notes, la SHÉKÉ GROOVE STATION, sextet nantais, donne le ton. On est directement projeté au cœur des ghettos américains de la fin des seventies. Rares sont les formations actuelles, à s'imprégner avec autant de facilité et d'agilité au jeu influencé par des artistes comme Funkadelic ou James Brown, et capables d'en ressortir une originalité. On est bien loin du plagiat, même si l'on pense parfois à du Lenny Kravitz (première période), pour le timbre de voix groovy du chanteur, ou encore à Keziah Jones sur certains passages de basse. Mais c'est bien du côté des piliers du funk et du groove, que l'on trouvera les plus grosses influences. « Funk me, i'm nervous » s'écoute en boucle, et offre son lot de belles ballades soul. Un nouvel album est déjà annoncé pour le début d'année, affaire à suivre de très près. Christophe Jolier
www.myspace.com/shekegroovestation
www.myspace.com/sexypop
AP 2008
Formé à Angers en septembre 2000, SEXYPOP propose “Never be the same”, leur troisième album studio. Petits-frères des locaux Thugs (dont ils ont fait la 1ère partie à Angers pour leur reformation), des Français Dead Pop Club et Uneven et des Outre-atlantique Foo Fighters ou Samiam, le quatuor propose un album qui tient toute sa place dans la discothèque emo-power-pop idéale. La puissante rythmique associée à une voie accrocheuse délivre une mélodie particulièrement efficace. Les morceaux s'enchainent et le plaisir reste intact. On se croirait parfois à Los Angeles, un skate dans la main et un tee-shirt NOFX sur le dos. Malgré cela, nous sommes dans la capitale du bon vivre et de la douceur angevine. Un seul regret par rapport à ce disque, pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ? Kalcha
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Sling 69
The Threatened Kind
Guerilla asso / Eternalis / Free Edge Conspiracy 2008
The Surfin' Barmaids
Out Of Control With
Avec “Jusqu'à ce qu'ils soient repus”, THE HEALTHY BOY part sur les traces d'un voyage initiatique accompagné de sa guitare. Au cœur d'une folk sauvage, il peint sa propre profondeur qui semble fragile, à l'image de son nom d'artiste. À la manière d'un Will Oldham à la voix grave et éthérée, le garçon pose l'essentiel dans un cadre à la fois paisible et mélancolique. Un chant dans lequel cohabitent le spleen, la colère et la vie ; comme une immensité désertique un peu hostile. Il puise sa force dans une interprétation réduite à sa plus simple expression, comme peuvent le faire Vic Chesnutt ou Micah P. Hinson. Les prises de son de cet album laissent un espace aux réalités furtives (bruit de frets, respiration, souffle…). Un tas de subtilités qui incite à croire que l'écoute de ce disque n'est jamais totalement finie. Julien Nicolas
www.myspace.com/thehealthyboy
www.myspace.com/sling69
D'autres vous abreuveront de références et d'étiquettes à faire fuir les non-initiés (punk emo hardcore mélodique, ce genre…). Mais qu'importent les spécialistes, ce premier album des SLING 69 est un coup de foudre, un déluge dont l'engagement total, la sensibilité écorchée et l'énergie libératrice dynamitent les catégories et le verrou des préjugés. 30 minutes à peine, 10 titres joués à tombeau ouvert : “The Threatened Kind” est un intense cri de joie et de colère, bref et fulgurant comme un orage, mais riche, aussi, de mille nuances et de ruptures à la précision hallucinante... Et puis, au détour de brusques chutes de tension, il y a ces purs moments de beauté auxquels on revient sans cesse, comme ce chœur, bouleversant, sur “We are the solution”. L'un des sommets de ce disque, avec lequel le jeune groupe lavallois franchit un nouveau cap. Nicolas Moreau
The Healthy Boy Jusqu'à ce qu'ils soient repus Kythibong 2008
Zetoun Anticorps
Yotanka / Discograph 2008
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Too Drunk to Fuck ? Mettons THE SURFIN' BARMAIDS alors. Ce sont des gars de Ultra Milkmaids et Star and Key of The Indian Ocean. Comme je sais que quand tu ne bois pas des bières au Chien Stupide, tu restes “garage” chez toi à écouter en boucle les B.O. des Tarantino, ça ne peut que te plaire ! Tu verras ça “surf” sur ce disque (je te laisserais découvrir les reprises des Frantics, des Centuraisn, de Lee Hazlewood et d'autres dispersées entre leurs compos) aux sonorités 60's. Ils assurent aussi pas mal dans le genre cow-boy du macadam quand ils s'attaquent aux ambiances “western urbain” en mode instrumental. Planche ou Vespa de toute façon pour eux c'est la même chose ! Dans tous les cas, on a ici la B.O. du prochain Quentin, es-tu partant pour lui fournir le scénario ? Rafff
Issue du rock (ex-Pollen), ZETOUN s'est aventuré aux USA il y a quelques temps dans l'indifférence des autochtones. Retour en France intégrant le groupe Switch-On et sa noisy pop, il retourne par ailleurs dans son laboratoire pour composer en collaboration avec son frère Alex et son acolyte Mad Prog pour sortir ensuite “Anticorps”. À l'issue de ce 1er album solo, Zetoun, le rockeur poète, s'affirme sur des textes et des mélodies plus personnels, plus pertinents et sincères, parlant d'amours sur lesquels sonnent la nostalgie et parfois l'ironie. Pour ce 1er essai en 12 titres, Zetoun signe ici une musique bien léchée, faisant d'“Anticorps” un opus complet et cohérent laissant toute la place à l'écriture chevauchant des compositions profondes, légères et infaillibles. Emmanuel Bois
www.myspace.com/zetoun
http://unfair.records.free.fr
Unfair Records 2008
Coup de griffe ! RADIO NUMÉRIQUE : Y A COMME UN HIC... PAR PIERRE MONTEL PHOTOS : LA FRAP
La Radio Numérique Terrestre (RNT) arrive en France à grande vitesse, ou quand action et précipitation ne font pas bon ménage… Il y a 2 ans, encore la France faisait figure de bon dernier de la classe en Europe concernant la mise en place de la RNT. Mais depuis quelques mois, la donne a changé. Alors que la France préside aux destinées de l'Union, et que le dividende numérique se profile comme une future ressource financière non négligeable pour l'Etat, les décisions les plus incompréhensibles sont prises par le gouvernement Fillon : quand l'Europe se met d'accord pour une norme de diffusion numérique (le DAB+), la France s'isole, réitère le scénario du PAL/SECAM et sort de son chapeau une autre norme : le T-DMB, norme initialement prévue pour diffuser de la vidéo… Pour le GRN (Groupement des radios nationales) il s'agit d'un enjeu économique, qui permettrait une cohérence des différents supports des groupes de radios qui sont présents à la fois sur le marché des mobiles, de la radio et de la télévision. En revanche, pour le monde des radios locales commerciales et associatives, ce choix est inquiétant et risqué, l'enjeu est différent : il s'agit de leur survie et de leur indépendance. Mais les décisions sont prises, et la RNT arrive. Si la diffusion sur la bande FM existera encore pendant au moins 20 ans, la première phase du passage au numérique s'accomplira dès cette année. Elle concernera uniquement les grandes agglomérations. En Pays de la Loire, trois zones sont visées par l'appel à candidatures en cours : Nantes, Angers et Le Mans. Une quasi-totalité des radios présentes sur ces zones y ont postulé. Preuve que les radios locales veulent participer à cette révolution technologique. En effet, des atouts, cette technologie n'en manque pas. Véritable passerelle interactive entre la radio et les auditeurs, le numérique se situe à la croisée de la radio et d'internet. Outre des qualités de sons et d'ergonomie plus appréciables, il offrira aux radios régionales une meilleure couverture et la possibilité d'associer de multiples données (textes et images) et services à ses programmes. Il sera par exemple possible de visualiser la pochette du disque en cours de diffusion, ou encore de télécharger le même album légalement... Reste une question pour les radios locales : comment financer cette nouvelle technologie qui ne sera pas rémunératrice avant plusieurs années ? Selon le CSA, les radios devront démarrer leur diffusion en numérique d'ici le dernier semestre 2009, ce qui nécessitera des coûts supplémentaires : les frais dus à la double diffusion en analogique/numérique, les investissements pour numériser les radios, la production de nouveaux contenus multimédias… À ce jour aucune décision n'a été prise par la ministre de la Culture concernant les aides qui permettront à nos radios de franchir cette étape. Elle s'y était pourtant engagée le 5 décembre 2007… Infos et contacts www.lafrap.fr / contact@lafrap.fr
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Playlists KEITH JARRETT, Keith Jarret solo-concert Bremen Lausane (jazz)
David Daunis
rédacteur en chef du magazine Haut Parleur (Saint-Nazaire, 44)
ECM (1973)
JEFF BUCKLEY, Grace
(rock)
Columbia (1997)
LAURIE ANDERSON, Live, United States (musique expérimentale) Warner Bros (1983)
MANGALA, Complainte Mandingue Blues
(musique du monde)
Badaban (1996)
ZÔL, Folie Ordinaire
(électro)
La Mixerie (2006)
THE MABUSES, Mabused! (pop) Magpie Records/Abeille Musique (2008) DAN LE SAC VS SCROOBIUS PIP, Angles (hip hop/électro) Sunday Best/Import (2008)
MANSFIELD TYA., June (chanson pop) Teona (2005)
TRICKY, Knowle West Boy (trip hop) Domino/Pias (2008)
Bruno le Roy
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président et programmateur de l'association Bebop (Le Mans, 72)
AU REVOIR SIMONE, The Bird of Music
Thierry Bidet
4AD/Interscop /Universal (2008)
programmateur, directeur technique et chargé de production du festival Les Z'éclectiques (St-Macaire-en-Mauges, 49)
TV ON THE RADIO, Dear Science (rock)
(pop electronica)
Moshi Moshi Records (2007)
BAUCHKLANG, Many People (électro) Klein (2006)
HOLLYWOOD PORN STAR, Satellites (rock) Naïve (2007)
MORIARTY, Gee Whiz, But This Is A Lonesome Town Naï¨ve (2007)
ZETOUN, Anticorps Yotanka (2008)
(pop)
(pop)