Zéphyrologie Dossier :
n° 14 - été 2009 - gratuit
La fin du tout associatif ?
Marc Morvan/ Ben Jarry Daria
Mas Bajo
10 Ellen Bencina brèves Zéphyrologie Marc Morvan & Ben Jarry To peer or not to peer Daria La fin du tout associatif ? livres Mas Bajo disques playlists
Lolab ©Harandane Dicko
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©DR
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La Machine Folle
24 Hip hop Kanou
31 Coup de griffe
Photo couverture : Zéphyrologie (Ch. Esneault) Directeur de la publication : Vincent Priou Rédactrice en chef : Cécile Arnoux Ont participé à ce numéro : Mickaël Auffray, Arnaud Bénureau, Emmanuel Bois, Lucie Brunet, Benoît Devillers, Gilles Courcier, Denis Dréan, Éric Fagnot, Georges Fischer, Patricia Guyon, Marie Hérault, Cédric Huchet, Jim Jolier, Hélène Le Saux, Marine Le Tiec, Gilles Lebreton, Pascal Massiot, Julien Nicolas, Raphaèle Pilorge, Benjamin Reverdy, Jérôme Simonneau, Damien Tassin. Conception graphique : Christine Esneault Impression : Imprimerie Chiffoleau Tirage : 13 000 exemplaires – Papier recyclé Dépôt légal : en cours Siret : 37992484800011 Tohu Bohu est une publication de Trempolino, 51 bd de l’Égalité, 44100 Nantes, et du réseau info-ressources musiques actuelles des Pays de la Loire : Tohu Bohu. Prochaine parution : octobre 2009 Bouclage : 9 octobre 2009
Farniente festival
Le réseau Tohu Bohu coordination : Cécile Arnoux / T. 02 40 46 66 33 / cecile@trempo.com
ADRAMA / CHABADA Jérome [Kalcha] Simonneau Chemin Cerclère, Route de Briollay, 49100 Angers T. 02 41 34 93 87 / jsimonneau@lechabada.com / www.lechabada.com
BEBOP Emmanuel Bois 28 avenue Jean Jaurès, 72100 Le Mans T. 02 43 78 92 30 / crim@bebop-music.com / www.bebop-music.com
FUZZ’YON Benoit Devillers 18 rue Sadi Carnot, 85005 La Roche-sur-Yon cedex T. 02 51 06 97 70 / ben@fuzzyon.com / www.fuzzyon.com
LES ONDINES Éric Fagnot Place d’Elva, 53810 Changé T. 02 43 53 34 42 / pole-ressources@wanadoo.fr / www.lesondines.org
TREMPOLINO Lucie Brunet 51 bd de l’Egalité, 44100 Nantes T. 02 40 46 66 99 / lucie@trempo.com / www.trempo.com
VIP Julien Nicolas Base sous-marine, bd Légion d’Honneur, 44600 Saint-Nazaire T. 02 40 22 66 89 / jnicolas@les-escales.com / www.les-escales.com
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PAR CÉCILE ARNOUX
Ellen
SUPER FUZZ BIG MUFF
©Greg Brehin
Bencina
En toute logique, parce qu'on se retrouve souvent dans la musique après avoir eu un coup de foudre musical, Ellen Bencina se met à aimer la musique, à l'écouter, à aller aux concerts après avoir découvert les Fleshtones. Une période de bénévolat passée à Bordeaux à organiser des concerts la conduit tout aussi logiquement à intégrer l'équipe de Clubs&Concerts (l'équivalent bordelais de Pulsomatic). C'est en 1998 qu'elle se pose à Nantes, bien décidée à monter un journal alternatif, associatif, et qui parle de musique. S'en suit la rencontre avec un journaliste nantais avec qui Ellen partage le point de vue éditorial, un autre grand fan de musique : Hordax. Le projet se monte avec une envie certaine, sans salaire régulier les trois premières années. “Nous avons monté le journal que nous avions envie de lire, sûrs aussi qu'il y avait plein de gens comme nous susceptibles d'être lecteurs”. Les débuts sont évidemment semés d'embûches, mais c'est avec elles que se forge la personnalité du journal et de ses fondateurs. Difficulté première : les annonceurs qui demandaient des articles positifs ou laudatifs sur la structure, chose que les deux journalistes refusent catégoriquement, argumentant judicieusement que le parti pris éditorial leur appartient et qu'il ne doit pas faire l'objet d'une transaction économique. Posture indépendante toujours aussi difficile à défendre, mais qui a permis de démarcher d'autres structures et chercher perpétuellement des arguments. “J'ai vendu beaucoup de pubs sur la foi que j'avais dans mon journal, c'est vrai, mais aussi sur le contenu dans la discussion avec mes interlocuteurs ; certains avaient envie de soutenir cela”. Autre aléa : aller chercher l'info. Dame Ellen se dit elle-même “ramasseuse de flyers”. Ces flyers épluchés, les concerts les plus underground se retrouvent dans le Pulso qui se voit vite repéré par les plus petites associations. En dix ans, les choses changent. L'équipe de bénévoles se reserre un peu, la difficulté n'étant pas de trouver des gens qui sachent écrire, mais ayant une culture musicale. Ceci étant, les nouveaux rédacteurs ont des entrées différentes. Pour exemple, une récente interview sur le projet Zone Libre. “J'aurai évidemment interviewé Serge Teyssot-Gay, c'est ma culture, c'est Noir Désir et le rédacteur a choisi d'interroger Casey. Je l'ai évidemment laissé faire ; c'est là où les cultures s'additionnent”. Les bénévoles doivent s'y retrouver, prendre du plaisir, mais Ellen, comme elle le dit, a “le final-cut”. L’artistique reste et restera le fondement du journal. “J’écoute tous les disques et les Myspaces des groupes avant publication”. Et sa fonction de conseillère artistique pour le Réseau Printemps (qui organise les Découvertes du Printemps de Bourges et de la Fnac), lui permet de découvrir des lieux (elle participe à plusieurs auditions), des groupes aussi. Cela lui donne une vision nationale de la musique et un regard sur les jeunes groupes de l’année. Sur le champ plus global de la presse alternative, concurrentiel au possible et si dense à Nantes, Pulso tire plutôt bien son épingle du jeu. Pour Ellen, le rédactionnel est plutôt réussi et les lecteurs du magazine sont nombreux, tant ceux de la première heure que les étudiants. “Nous avons un lectorat qui rêve la ville, sachant que 25% de la population nantaise a moins de 25 ans”. Liberté à tout prix ! “D'avoir été si radicale les premières années, avec ma réputation d'avoir mauvais caractère et d'être cash, je ne suis jamais dans le compromis car on ne m'aborde jamais comme cela”. Et si l'on évoque le futur, la rédac’ chef évoque le souhait d'une mutualisation, non pas par secteur d'activité mais par modèle économique et militantisme associatif. C'est un peu le sens de ma réflexion en ce moment. Imaginer de travailler à différentes structures sur des projets aux éthiques communes même si l'on ne travaille pas exactement dans le même secteur. Ou bien collaborer davantage entre personnes de structures différentes”. Elle voit par ailleurs une évolution du journal comme parfois un porte-parole politique, défendant des modèles de société. Dernièrement, des articles ont été consacrés à la Cimade, à la Ligue des Droits de l'Homme, et Ellen considère que si ces articles ont éveillé des envies, le pari est gagné. C'est le même engagement que dans la musique. “Il faut parler de ce que l'on pense vraiment bon. La musique change nos humeurs, ça fait tout, ça console, ça rend heureux, ça sublime le moment”. Tout est dit !
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Trad Vibe, le label de notre cher DJ Moar, Vendéen monté à la capitale, creuse son sillon en signant le dernier maxi du gourou du hip hop français Dee Nasty et s’apprête à sortir son album. Il vient également de sortir le disque d’un beatmaker yonnais, Mr Hone, aka Third P, à classer du côté abstract hip hop. Et un prochain album à venir pour Moar à la rentrée… www.tradvibe.com Couëron et ses bords de Loire vous proposent les 19 et 20 septembre de démarrer la rentrée avec un rendezvous plutôt convivial pour écouter de la musique, voir de la danse, se laisser surprendre par des plasticiens, des équilibristes, etc. Lili Marto, Le Bal des Variétistes, Les Farfadas, la Cie KLP, The Jakez Orchestra, No Water please... Couëron en Fête réunit des artistes plutôt souriants. www.coueronenfete.fr
Le Tremplin des Jeunes Charrues, organisé par les Vieilles Charrues et l'association Artnonyme de Blain (pour le Pays de Nantes), a récompensé le groupe Dub Orchestra. Il se produira donc sur l'une des scènes du festival breton en juillet. www.myspace.com/dub0rchestra www.vieillescharrues.asso.fr
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12e édition du festival Les 3 Éléphants les 23, 24 et 25 juillet à Laval. Alliant harmonieusement têtes d’affiches internationales et découvertes, le festival offre encore et toujours une programmation résolument éclectique : Tryo, Ayo, Coco Rosie, Rodrigo y Gabriela, TV On The Radio, 2 Many DJ's, Arthur H, Sébastien Schuller, Mix Master Mike, Stuck In The Sound, Sophie Hunger, Etienne de Crécy, La Casa, The Bewitched Hands, Kap Bambino... sont là pour le prouver. www.les3elephants.com
La compile Tranzistor rempile ! Après deux premières galettes en 2005 et 2007, le magazine gratuit édité par l'ADDM 53 nous mitonne une nouvelle compilation réunissant 15 groupes de “la très vivante scène musiques actuelles” mayennaise. Avec en bonus les très classieux clips des guest stars La Casa et Archimède ! Encartée dans le prochain numéro du magazine qui paraîtra en juin 2009, la “compile” sera aussi disponible sur les festivals mayennais et dans toutes les bonnes crèmeries de la région. www.tranzistor.org
Le collectif Chap&Libres propose dès le mois de mai 2009 une première série de soirées artistiques et culturelles à Asserac (44) : concerts, théâtre, rencontres, apéro/dj... Et tout ça autour du chapiteau des associations Phonic Brousse et Tryskool, un chapiteau de 20x14m libre à la location. www.myspace.com/chapetlibres
régulièrement un délicieux “nektar” sous forme de compilations copyleft gargantuesques. La dernière en date, sortie fin janvier, Necktar 2017 volume 01, vous rassasiera certainement jusqu'à la prochaine livraison ! www.necktar.info
Improbable ! Réécouter et revoir le duo angevin Hint en concert ! Vous ne rêvez pas. Une tournée présentant EZ3kiel avec Hint, fait suite à une rencontre des deux groupes à un festival porté par le label lyonnais Jarring Effect. Du côté de chez nous, le 3 juin au Chabada, et le lendemain au VIP de SaintNazaire. À sortir : un double CD de Hint réunissant le meilleur et des inédits. www.jarringeffectslabel.net
Si vous êtes du genre difficile, voire radical dans vos goûts musicaux, connectez vous d'urgence au site du Colibri Nécrophile. L'e-label nazairien, militant depuis presque une dizaine d'années pour une “muzik horsnorme”, concocte pour vous
On connaissait la mix tape, puis le mix CD, les temps changent, voilà venir la net tape ! Téléchargez donc gratuitement “Ghetto Citoyens”, une compilation d’inédits des Saumurois de Sixième Sens avant la sortie de leur nouvel album, “Citoyens Du Monde”. www.myspace.com/sixiemesens
Le Bobard, bar nantais où l'on parlait musique, où l'on écoutait de la bonne musique (en live ou sur la platine du bistrot) n'est plus. Denis (bravo chef et grand merci !) passe la main. Le Jeroboam ouvrira mi-juin. Le lieu accueillera des concerts de jazz, chanson, musique du monde. Musiciens, faitesvous connaître ! j1.blanc@hotmail.com
Nouveau collectif musical du côté de Trentemoult. Parce que certains y habitent, y enregistrent, y répètent, 4par2 productions fédère les groupes Costik (qui viennent de sortir de nouveaux morceaux sur un disque promo), Desrose, Les Frères Landreau, Eugène Plaisir, G et les frères Dubois. Première possibilité de découvrir leur musique : le 21 juin, de 14h30 à 19h, place des Filets à Trentemoult (Rezé). www.4par2productions.com
Le 13 juin, du côté de Rezé, amateurs et pros, fanfares, groupes de rock (The Heavy, Fink), compagnies de théâtre (Cie du 2e), élèves de diverses écoles de musiques, musiciens d'ateliers, batucadas, composent l'affiche de Musiques à Rezé. Opération portée par l’Arc, l’ARIA, le CSC Château Barakason, l’école de musique et Trempolino, c'est plus de 13h de musique. www.reze.fr
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zephyrologie
UNE TRIBU CUIVRÉE
PAR CÉCILE ARNOUX PHOTO : CH. ESNEAULT
Telle une bande de joyeux drilles qui prend du plaisir et met du sérieux dans ce qu'elle fait depuis plus de dix ans, Zéphyrologie demeure l'une des fanfares de la région les moins conventionnelles. Bien connus au sein de la grande famille de la fanfare, les “Zéphyres” viennent de sortir un live endiablé et s'apprêtent à entamer une tournée conséquente. Rencontre avec Xavier et Paul.
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Zéphyrologie existe depuis 11 ans. Quel regard portez-vous sur votre carrière ? Xavier : Nous étions étudiants au départ, le groupe s'est formalisé petit à petit et a trouvé son identité musicale depuis 6 ans. Notre musique se situe au carrefour de styles différents, elle a évolué et s'est éloigné du côté funk du départ. Il y a énormément de fanfares de nos jours, il est important pour nous d'avoir notre propre identité. Paul : Sur un plan personnel et humain, ces années furent très riches. Nous avons beaucoup joué, en France et à l'étranger, avec l'expérience de Montréal et Bilbao qui furent mémorables. Il nous reste encore des choses à faire, et notamment jouer davantage dans des salles de musiques actuelles.
morceau, il y a des passages différents, une volonté de “casser les codes”.
Comment renouvelez-vous votre répertoire ? X : Le répertoire évolue avec les musiques que nous écoutons. Nous intégrons depuis quelque temps de la jungle, nous avons laissé de côté le reggae et les musiques des Balkans pour un répertoire plus rock. Nous essayons de garder une homogénéité dans les arrangements, l'interprétation. Dans un même
Vous reprenez sur le dernier disque Rage Against the Machine et Public Enemy. Y-a-t-il des morceaux plus faciles à reprendre pour une fanfare ? P : Pour nous, il est important de tenter une reprise à laquelle les gens ne s'attendent pas. Ce sont des titres que nous aimons, bien sûr, des titres que nous
Pensez-vous proposer une forme de fanfare à part ? Autrement dit, quelle serait la marque de fabrique de Zéphyrologie ? X : Sans être dans la prétention, nous tentons de proposer une fanfare différente, un peu comme le fait la fanfare La Goutte au Nez (elle intègre un accordéon). Dans l'idée, nous cherchons à sortir des codes fanfare pour se rapprocher d'un véritable groupe musiques actuelles. P : Nous formons une fanfare mais fonctionnons comme un groupe de rock. Ce qui nous permet de toucher un plus large public.
avons envie de reprendre de manière puissante afin que la personne qui connaît l'original puisse y retrouver l'énergie de départ. Vous avez participé à une création avec des musiciens jazz nantais (Alban Darche, Geoffroy Tamisier et Jean-Louis Pommier) présentée à l'Europa Jazz et aux Rendez-Vous de l'Erdre l'an passé. Cela confronte vraiment deux pratiques un peu divergentes ? P : Les deux groupes ont trouvé leur compte et ont été étonnés par les autres. Nous avons apporté du Zephyrologie dans les compositions jazz et inversement. Ce genre d'expérience ouvre le champ des possibles. Nous avons appris à jouer moins intensément, plus sur la longueur, à poser les choses et à avoir plus de relief sur certains titres. X : Nous avons apporté l'énergie du groupe. C'est drôle parce que j'ai le sentiment que les parties jazz étaient moins écrites que les nôtres. Certains de Zephyrologie écrivent et nous arrangeons tous ensemble. Darche, Tamisier et Pommier ont apporté des boucles avec des parties chorus et dans Zéphyrologie nous ne travaillons pas de cette façon. Nous avons appris à faire “monter” un morceau, et plus largement nous avons joué des choses que nous n'aurions jamais joué. Les 3 solistes savent faire sonner l'ensemble ; ce sont des gens ouverts. Vous menez des ateliers en direction des scolaires. Quels sont les axes principaux que vous souhaitez transmettre ? P : Nous souhaitons faire connaître nos instruments, notre répertoire varié qui intègre plusieurs styles. X : Il y a ce travail avec les scolaires, mais également en direction de jeunes musiciens appartenant à des harmonies. Pour eux, nous axons le travail sur la transmission orale de la musique, le par-coeur, et la composition d'un titre. Nous développons aussi la notion de collectif, l'écoute de l'autre qui est importante lorsque l'on est dix musiciens, les placements, les volumes. Cédric du groupe fait aussi parfois de l'initiation à l'improvisation et du sound-painting c'est-à-dire de l'improvisation dirigée. Vous avez sorti trois disques studio et cet album live. Est-ce qu'un disque live pour une fanfare n'a pas plus de sens qu'un studio ? P : Si bien sûr. Nous sommes contents du résultat, il y a l'énergie d'une fanfare. Et ce disque ne nous a pas trop coûté en termes d'efforts. X : C'est plus pertinent. L'énergie est là. L'enregistrement s'est déroulé sur quatre jours et nous avons gardé les titres qui nous plaisaient le plus. L'intérêt réside dans le fait que nous avions
moins de pression, moins l'envie de la perfection qui est trop souvent là lors des enregistrements studio. La recherche de perfection nuit parfois à l'intensité de la musique, intensité que l'on retrouve en live. Cet enregistrement live nous donne envie de travailler différemment sur le prochain disque studio qui sera un disque avec davantage d'invités. Le choix des morceaux ? P : Nous avons rejoué des vieux titres pour clore une époque. Le choix s'est porté sur des morceaux importants, et il y a quelques inédits. Il y a des musiciens, groupes ou fanfares avec lesquels vous aimeriez collaborer ? X : Soolem qui fait partie d'un projet manceau Henry Mash, Dj Fish aux platines, Ezra, Jean-Louis Pommier, ce sont des gens avec lesquels nous avons déjà travaillé. Nous aimerions retravailler sur des compositions avec eux. Il s'agit de collaborer avec des gens que nous connaissons bien, qui apportent des choses différentes à notre univers. Et pour la fanfare, ce serait avec La Goutte au Nez.
Zéphyrologie Live Enzo Productions 2009 Quoi de plus logique qu'un enregistrement live pour une fanfare. Réalisé dans des conditions techniques optimales, et avec un matériel de qualité, il s'agit d'un retour sur plus de dix ans d'existence et sur un répertoire en majorité déjà présenté sur trois albums studio. Enregistrée au festival Jazz à Vienne l'été dernier, cette playlist de douze morceaux jubilatoires transpire l'énergie et la concision. Au croisement de musiques rock, orientales, jazz, balkaniques, le set reprend des morceaux chers au groupe, deux inédits et deux bien belles reprises (“Killing in the Name” de Rage Against the Machine et “Give it up” de Public Ennemy). Cuivres et percussions sont évidemment à l'honneur, mais Zephyrologie trouve sa singularité avec un couple de voix (dont une au mégaphone) et un banjo. Rythmes effrénés, chorus parfaits, unisson régulière, ce live saura vous séduire, pour peu que, pour vous, musique rime avec exaltation. Cécile Arnoux
Infos www.myspace.com/zephyrologie
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marc Morvan/ Ben jarry
DOUCEURS POP
PAR JULIEN NICOLAS PHOTO : LIONEL DELAMOTTE
Marc Morvan & Ben Jarry ou le croisement d'une voix, d'une guitare folk et d'un violoncelle... Ce duo dévoile des chansons pop minimalistes et séduisantes, qui rapprochent Nantes de la Grande-Bretagne. À priori improbable, la rencontre de ces deux musiciens s'avère non seulement réussie, mais également très prometteuse. Discussion à l'ombre d'un palmier... Chacun de votre côté, vous n'en n'êtes pas à votre premier essai musical... Ben : J'ai joué dans plusieurs groupes en tant que bassiste ; d'abord avec un côté plutôt rock progressif et psyché (Last of Seven). Avec le trio Moesgaard, on était dans un post-rock très influencé par Storm and Stress, Don Caballero... Depuis l'an dernier, je joue avec Puanteur Crack, un groupe hardcore de la scène nantaise. C'est aux extrêmes antipodes de ce que je fais avec Marc ! Au violoncelle, j'ai eu plusieurs projets, avec The Melodramatic Sauna ou encore Matt Elliot. Marc : Pour ma part, j'ai joué dans 3 Guys Never In. Le disque avait été remarqué à l'époque. On était trois en scène, sans batterie ; malgré les samples et les séquences, tout partait finalement de chansons folk. J'écoutais Will Oldham, plus que Smog d'ailleurs... À l'arrêt de ce projet et en arrivant à Nantes, j'ai découvert les projets des mecs d'Effervescence, qui, avec finalement peu d'effets, faisaient beaucoup. Et vu que ma seule
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arme, c'est la guitare, j'ai décidé de m'y remettre à plein temps. Comment s'est déroulée votre rencontre ? M : Ben et moi avions une amie commune qui souhaitait faire de la musique. Je lui donnais des cours de guitare et Ben lui donnait des cours de violoncelle. Elle a tout fait pour qu'on se rencontre ! B : J'étais dans des projets, mais souvent en accompagnement, dans des collaborations où s'il n'y a pas la place ou les thunes pour intégrer un violoncelle, et bien tu ne joues pas... Tu consacres du temps et de l'énergie à enregistrer, à être présent sur différents projets, mais finalement il n'en ressort pas grand chose. J'avais donc besoin d'un projet plus impliquant. Pouvez-vous nous parler de l'écriture et de la composition ? B : Marc construit en priorité l'harmonie, les paroles et les phrases mélodiques principales.
Le violoncelle vient vraiment en contrechamp, ou renforce les lignes de basse et les rythmiques sur certains morceaux. C'est finalement très minimaliste. Bon, il y a quand même un morceau sur le disque (“The magical gloves of K.S.”), où on s'est lâché un peu avec quarante pistes différentes ! M : Dès la première répétition, un truc s'est passé. J'avais déjà quelques morceaux et Ben a trouvé très rapidement comment poser son violoncelle. Le véritable test a été nos premiers concerts. On a autant appris en répétition que sur scène. Les six premiers mois de concerts étaient difficiles ; mais les gens nous disaient : “Ne changez rien, ça fonctionne comme ça”. C'est la raison pour laquelle c'est resté aussi brut et peu arrangé. Dans un univers sonore proche du folk, on retrouve des constructions finalement assez pop... M : Oui, c'est très pop ! C'est beaucoup moins inspiré par l'Amérique (David Pajo, etc.), que par une culture anglo-saxonne à la Divine Comedy, Zombies ou encore Scott Walker. B : Le côté folk vient en partie des arpèges de la guitare. On trouve aussi des influences des musiques répétitives, qui interviennent sur des fragments de morceaux, notamment sur le final de “A man at the frontier”. Ce disque arrive après une série de concerts... Comment s'est-il construit (enregistrement, production, etc.) et que représente-t-il ? B : C'est un aboutissement logique et un vrai investissement. C'était aussi une demande du public que l'on pouvait rencontrer. C'est Artisan (un micro-label parisien) qui a produit le disque et s'occupe de la promo. L'objet est réussi ; c'est un digipack brodé et fait à la main. Un disque en plastoc, t'as pas forcément envie de l'acheter... C'était nécessaire pour nous d'avoir un bel objet. On a hésité à faire un vinyle, peut-être plus tard... M : Nous l'avons enregistré par intermittence chez Thierry Le Coq, qui avait fait le sien chez lui et qui sonnait très bien. Puis ça permettait d'avoir les conseils d'un vieux sage ! Les prises ont débuté en avril 2008 et on a fini le mastering en décembre. On a bossé le mixage avec Miguel Constantino (Effervescence...) et Olivier Ménard (Dominique A, Françoiz Breut...).
Pour finir, pouvez-vous nous parler de vos projets parallèles ? M : David Bobee (Compagnie Rictus) s'est rapproché de nous pour proposer des lecturesconcerts autour de la pièce Cannibales. Nous avons joué dans des lieux souvent singuliers, notamment à la prison de Nantes ; c'était vraiment très émouvant et impliquant. Beaucoup d'échanges avec certains détenus. B : Robert Tiffin, un jeune poète et réalisateur américain a également souhaité utiliser notre musique pour son premier long-métrage, destiné à être programmé dans quelques festivals. Il a un univers très esthétisant, un peu à la Gus Van Sant. On va également travailler sur un clip avec Vadim Bernard. C'est essentiel d'être dans des projets différents ; ces collaborations nourrissent notre musique et nous permettent d'alimenter notre réseau en vue de se professionnaliser, et d'avancer encore et encore.
Marc Morvan & Ben Jarry Udolpho Artisan / La Baleine 2009 Rares sont les projets de nos contrées ligériennes qui puisent autant dans une culture anglosaxonne à l’écriture épurée et à la composition pop. “Udolpho”, premier disque du duo associant Marc Morvan et Benjamin Jarry, fait pourtant parti de cette espèce. Dès le premier titre “Down her nest”, tout est quasiment dit… Quelque part entre Neil Hannon, Scott Walker ou Steve Reich, ce projet trouve sens dans un triptyque étonnamment construit ; une voix grave et profonde livrée brute et sans effet ; une guitare folk arpégée, au fondement de chaque chanson ; un violoncelle enveloppant l’ensemble dans une harmonie féconde. Le songwriting de Marc et l’élégance mélodique de Ben nous conduisent tout droit dans l’imaginaire des lacs et vallées parfois tourmentées de l’Irlande (“Some magnificent days”, “Emily”). ”Udolpho”, un doux voyage pop… Julien Nicolas
Infos www.marcmorvanundbenjarry.com www.myspace.com/marcmorvanundbenjarry
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la machine folle
BOUILLON DE CULTURE
PAR ÉRIC FAGNOT PHOTO : DR
Inspirée par les principes éthiques et artisanaux du label québécois Constellation, la Machine Folle propose une autre idée de développement en marge des circuits habituels de la promotion et de la diffusion de la musique. Véritable bouillon de culture, le nouveau label angevin mise sur une distribution limitée lui permettant de sortir des projets riches et singuliers. Aux commandes de la machine, deux musiciens du groupe angevin “Zetlaskars”, Antoine et Guillaume qui, désabusés par le monde de la musique et des réseaux de diffusion, décident de créer, avec d’autres artistes, un label de production artisanale. “À la base, raconte Antoine, nous avions tout un tas de projets auxquels nous avions envie de donner vie. Et comme nous savions pertinemment qu’ils n’intéresseraient aucun label ou éditeur, le plus simple était de pouvoir les produire nous même.” La Machine est donc lancée et propose une production d’œuvres artisanales qui ne se limite pas uniquement à la musique mais explore d’autres champs artistiques. “Nous évoluons, explique Antoine, tous dans différents domaines (musique, écriture photos, films…) et nous avions envie de bosser dans toutes ces directions, de développer des formes hybrides en mélangeant tout cela.” Des productions sonores (Hungart Thorsen/ La Brume RoZe/Zetlaskars), littéraires (Puk Gaszity/Romain Romain) et visuelles (Benoit Fournier/ Anton) animent un catalogue digne d’un inventaire à la Prévert. Une dizaine d’œuvres est actuellement mise en vente sur le site du label. De la création artistique à la conception du packaging fait main en passant par la distribution, chaque artiste s’investit à différents niveaux en mettant à disposition son enthousiasme créatif au service du produit. Cartonnées et ornées d’illustrations, les pochettes de disques de la Machine Folle rappellent le temps du vinyle triomphant lorsqu’elles se voulaient beaucoup plus qu’un simple emballage plastique. À l’heure de la dématérialisation, la Machine Folle réhabilite l’objet comme une création artistique à part entière en tentant de redonner un caractère “collector” aux disques qu’elle produit. “L’objet, souligne Guillaume, est effectivement pour nous quelque chose d’important. Ce que nous essayons de défendre et de vendre est un objet qui soit intégré au processus de création artistique, qui soit en lui-même une création artistique.” Libérée de toute contrainte extérieure, la structure maîtrise l’ensemble de la production, ce qui lui assure suffisamment d’indépendance pour mieux se concentrer sur la qualité du produit. Ainsi, le nombre limité d’exemplaires (50 à 100) permet de sortir de beaux objets, peu onéreux (10€ maximum). À terme, la Machine Folle souhaiterait expérimenter un espace de partage et d’échange en associant directement le public à la réalisation de ses nouvelles productions. En quête de nouvelles expériences artistiques (création d’un fanzine, apéros nouvelles, livres disques...), le label se profile comme une alternative au système de diffusion classique. La marge a du bon quand elle permet l’éclosion d’une création foisonnante. Infos et contacts www.lamachinefolle.com / lamachinefolle@gmail.com
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Le constat est aujourd'hui sans appel, le piratage des œuvres numérisées n'est plus seulement l'apanage des seuls nerds binoclards, mais bel et bien à la portée de n'importe quel flibustier d'opérette. La cause en revient, en premier lieu, bien évidemment aux protocoles de type P2P, ceux-ci n'ont pas leur pareil pour faciliter l'échange de fichiers. Alors qu'à l'origine ces réseaux avaient le désavantage de recourir à une architecture centralisée, ce qui fut fatal au précurseur Napster, la seconde génération, quant à elle, repose désormais sur de multiples serveurs. Popularisés, entre autres, par l'emblématique logiciel client eMule, ils offrent l'avantage, par leur dispersion des flux, d'augmenter les débits de téléchargement, mais aussi de désorienter un peu plus ses détracteurs. Si le principe même de la technologie employée n'est pas répréhensible, au grand dam de l'industrie du loisir, il est indéniable qu'il a déresponsabilisé ses utilisateurs. Faute de pouvoir faire taire l'insolent équidé, le législateur tente à coup d'Hadopi de désarçonner et raisonner les partisans du tout gratuit. Seulement, une fois de plus, tout comme la précédente DADVSI, cette loi était aux yeux des observateurs avertis, obsolète avant même sa douloureuse adoption. En effet, ce texte cible les butineurs qui se verront capter leurs adresses IP, par des serveurs “pots de miel”, leurrant ainsi les téléchargeurs. Mais ont-ils oubliés une chose, c'est que la réactivité du net est redoutable. Celui-ci a déjà plusieurs autres principes qui encouragent l'abandon d'un eMule jugé vieillissant et surtout trop vulnérable, pour des solutions plus difficiles à surveiller. Les fidèles du poste à poste migrent vers une solution comme BitTorrent. Plus évolué et légèrement différent dans sa conception, ce dispositif rend plus difficile, mais pas impossible, la détection de l'empreinte numérique. De plus, il est vraiment facile de trouver les Torrent à partir d'une simple recherche sur un moteur parfois spécialisé comme le très controversé et récemment condamné, The Pirate Bay. Mais le P2P perd peu à peu de son envergure et depuis quelques temps, une nouvelle option s'impose comme l'alternative la plus sérieuse. Ils ont pour noms RapidShare, MegaUpload, dl.free, pour citer les plus plébiscités et ont comme activité l'hébergement de fichiers. Ils ont pour premier objectif de servir de relais pour l'envoi vers un destinataire de très gros fichiers qui ne pourraient être associés à un mail. Mais aussi de devenir une extension possible de vos périphériques de stockage, accessibles alors de n'importe où. Seulement voilà, si l'ambition initiale est louable, elle a été très rapidement détournée pour échanger des contenus soumis aux droits d'auteurs. C'est ainsi que l'on voit fleurir sur de nombreux blogs, notamment ayant pour sujet la musique, des liens qui, une fois sélectionnés, vous redirigent vers un téléchargement ultra rapide directement depuis le navigateur. En P2P, l'identifiant IP propre à chaque connexion internet, peut être aisément collecté. Celui-ci fournit alors aux avocats des auteurs la preuve nécessaire pour lancer une procédure judiciaire. En revanche, ce même numéro ne peut être exigé auprès des hébergeurs de fichiers, ceux-ci respectent, au même titre que n'importe quel support, la loi du droit à la copie privée. Ce qui protège alors, de fait, tout utilisateur de leurs services. Quant aux blogs, de la même manière qu'un annuaire de recherche, ils n'hébergent aucun fichier frauduleux. La plupart, sous couvert d'être des webzines, dissimulent ces liens au détour d'une critique d'album comme une pré-écoute, mais en aucun cas, comme ils aiment à le rappeler, pour cautionner le piratage. Lorsqu'un label les menace de poursuite, ceux-ci obtempèrent et retirent les liens concernés, pour prouver leur bonne foi. 1
To peer or not to peer PAR DENIS DRÉAN
Rappelons, une nouvelle fois, qu'il serait temps de mettre en cause un système de distribution, visiblement anachronique. Alors qu'objectivement les solutions payantes piétinent, il semble évident que les efforts que promettent de faire les labels, ne rivaliseront jamais avec l'atout que proposent les téléchargements illégaux, à savoir leur gratuité. La stratégie de l'industrie du disque, qui consiste à s'opposer à des millions d'internautes pour qu'ils reviennent contre leur gré dans leur giron, ne marche pas. Il est donc urgent d'esquisser une solution paritaire avant que le téléchargement direct ne soit supplanté par l'indirect sideload qui, au vu des derniers chiffres de vente des supports USB, mettrait toute une horde d'anonymes hors d'atteinte de tout contrôle. 2
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Numéro unique attribué par le fournisseur d'accès Copie via un support numérique amovible
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daria
FEU À VOLONTÉ !
PAR KALCHA PHOTO : PIERRE 666 KOLKO
Daria revient avec un deuxième album au titre évocateur. “Open Fire” ne laisse en effet que peu de doute sur les intentions pyromaniaques du quatuor angevin : enflammer toutes les scènes de France et d’ailleurs. Etienne (guitares), Camille (chant, guitare), Germain (basse) et Arnaud (batterie) racontent. Ce nouvel album ne repart pas exactement où on vous avait laissés après “Silencer”. On y retrouve davantage de mélodies, comme sur vos toutes premières démos. Doit-on y voir un retour en arrière ? Camille : Ça va paraître bateau, mais on n’a pas composé cet album avec un plan bien précis en tête, genre : il faut qu’on mette plus de mélodies que dans le précédent, qu’on mette moins de ça, plus de ça, etc. Les morceaux sont venus comme ça, très naturellement. Etienne : On avait 18 morceaux avant d’entrer en studio, on en a enregistré 14. Il y en aura donc 3 qu’on garde pour des compilations, ou le myspace, des trucs comme ça. On revenait de tourner au Québec quand on a commencé la composition de ce nouvel album, on était donc dans une bonne dynamique, les choses allaient plutôt bien, ça explique peut-être ce “retour inconscient” aux mélodies… Mais pour être franc, les morceaux abandonnés étaient encore plus mélodiques (rires)…
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Peut-être alors qu’on prend le problème à l’envers : ce n’est peut-être pas “Open Fire” qui revient en arrière, mais “Silencer” qui était allé beaucoup trop loin dans la rupture ? Germain : C’est possible… À l’enregistrement de “Silencer”, on avait tous envie de trouver un son plus dur que par le passé. De casser un peu cette image de fans de Weezer. E : Avec nos premières démos, les gens nous disaient tout le temps qu’ils ne reconnaissaient pas vraiment le groupe qu’ils voyaient sur scène, beaucoup plus rock’n’roll. Du coup, on a cherché à retrouver ce son plus rentre-dedans qu’on avait en concert. Peut-être au détriment des mélodies, en effet. Mais on devait en passer par là, je pense… G : Ça coïncidait aussi avec l’arrivée d’Arnaud à la batterie qui avait un passé beaucoup plus métal/hardcore (NDR : Arnaud était le batteur de Carc[H]arias, Casper…). Techniquement, il nous a permis de faire des choses beaucoup plus complexes que ce qu’on pouvait faire avant. On en a profité. C’était aussi une époque où on a commencé à écouter des groupes beaucoup plus
post-hardcore que nos vieux groupes de power pop. Tout ça mis bout à bout a donné un album qui a probablement surpris beaucoup de monde. Ce qui sera moins vrai avec “Open Fire”, puisque le gros de la rupture était déjà entamé. On y a mieux digéré toutes ces différentes influences, ces différents événements… Le disque a été mixé par Jay Robbins de Jawbox. Pourquoi et comment ? E : On a enregistré à nouveau le disque au studio Black Box avec Iain Burgess et Peter Deimel. Un premier mix a été réalisé, réparti entre Iain et Peter. Mais je pense qu’ils étaient trop dedans pour avoir une oreille neuve à ce moment-là. On a donc ressenti le besoin de faire appel à quelqu’un de l’extérieur. On était tous des gros fans de Jawbox, leur premier album avait même été enregistré au Black Box. On avait donc envoyé “Silencer” à Jay Robbins à sa sortie, et il nous avait répondu qu’il était très content d’apprendre que Iain continuait d’enregistrer des groupes. Quand on a compris qu’on allait avoir besoin de quelqu’un d’autre pour le mix de “Open Fire”, on a tout de suite pensé à lui. On lui a envoyé les nouveaux morceaux, il a immédiatement accroché et c’était parti. On a juste eu à l’appeler une ou deux fois, faire quelques allers et retours de mails. Il a travaillé vite et bien.
boulot à côté. Maintenant, le but c’est de ne pas perdre trop d’argent non plus. Pour rembourser l’enregistrement et la fabrication d’un disque comme “Open Fire”, on ne peut compter que sur les concerts. Y compris pour la vente des disques. Aujourd’hui, on vend le plus “gros” de nos disques à Angers, plus quelques autres dans diverses villes du grand Ouest. À Lyon ou Marseille, on ne vend absolument rien en magasins. Or, si on va jouer à Lyon ou Marseille, on peut espérer vendre quelques CD à la fin du concert. Par conséquent, tous les groupes qui sont exclus du système, sont bien obligés de se serrer les coudes. On leur organise un concert dans notre ville, en retour ils nous en organisent un dans la leur… G : C’est clair que depuis deux ou trois ans, on fonctionne énormément comme ça pour trouver des dates. Et on n’est pas un cas isolé, je pense. On revient peut-être à une scène plus do it yourself comme à la fin des 80’s. Avec un énorme bémol, c’est qu’il n’y a clairement pas autant de petits lieux où jouer qu’à la fin des 80’s. Il faut donc savoir composer avec tout ça. Mais la difficulté fait qu’on apprécie encore plus les choses quand elles arrivent !
Daria Open Fire
Quels sont les projets pour défendre ce nouvel album ? E : Déjà on a clippé le morceau “Innonsense” qu’on peut voir à divers endroits sur le Net, et plus particulièrement sur notre myspace. On a déjà quelques dates sur une mini tournée française fin avril/début mai qu’on a organisée avec Sexypop. On est en train de voir pour caler d’autres dates à la rentrée. On espère bien aussi retourner très prochainement en Irlande, vu qu’on y est déjà allés deux fois. On espère pouvoir refaire le Québec aussi vu que l’accueil avait été super la première fois. Et on réfléchit à un moyen d’aller faire un tour en Allemagne et en Belgique, étant donné que notre style de musique y est souvent mieux accueilli qu’en France. Les Vilains Clowns ont quelques contacts là-bas, on va voir s’il n’y aurait pas moyen d’organiser quelque chose avec eux. J’ai l’impression que ce système d’entraide entre les groupes revient en force avec la crise de l’industrie musicale ? E : Il faut déjà bien comprendre que pour les groupes comme nous, il est absolument illusoire d’espérer vivre de sa musique. On a tous un
Crash Disques / PIAS 2009 Après un premier album, “Silencer”, qui avait marqué une véritable rupture avec des débuts très Weezeriens, DARIA retrouve les mélodies sur ce “Open Fire”. Ne pas y voir un retour en arrière pour autant. Les Angevins ont gardé ce son plus brut de décoffrage issu de “Silencer”, avec une basse rêche entre Helmet et Shellac, mais ils ont désormais compris comment le canaliser pour le mettre au service de la mélodie, qui a toujours été leur véritable point fort. Le résultat ? Du tube à l’enfilade pendant une grosse demi-heure. “The Mistake”, “Innonsense”, “Forbidden Music”, “An Echo”, “Mantis”… Toutes, bon sang !!! Avec leur attitude anti-rockstar, les Daria ont quand même pondu un album (enregistré au Black Box, mixé à Baltimore par Jay Robbins de Jawbox) qui se hisse sans problème au niveau des cadors internationaux. La classe ! Kalcha
Infos www.myspace.com/dariamusic
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PAR PASCAL MASSIOT ILLUSTRATIONS : YANAITA ARAGUAS
SCOP, SAS, AUTO-ENTREPRENEURIAT, CAE… DE NOUVEAUX MODÈLES POUR MONTER SON PROJET. LA FIN DU TOUT ASSOCIATIF ? Est-on en train de changer d’époque ? Le modèle longtemps hégémonique et encore dominant, celui du choix de la forme associative pour porter son projet culturel, semble depuis ces dernières années contesté par des formes de structuration juridique émergentes pour certaines et qui tranchent avec les dispositions prévues par la loi du 1er juillet 1901. Scop (Société coopérative de production), Scic (Société coopérative d’intérêt collectif), SAS (Société par actions simplifiée) sont parmi les acronymes auxquels il faudra probablement s’habituer désormais s’agissant d’activités culturelles et de leur structuration juridique. Liste à laquelle on ajoutera le tout récent statut de l’autoentrepreneur, d’inspiration résolument libérale, lequel suscite un vif intérêt1 mais qui par ailleurs fait débat. Sans oublier les projets privilégiant la mutualisation, tels les groupements d’employeurs (GE) ou encore les CAE (Coopératives d’activités et d’emploi). Que signifie cette nouvelle donne dans le champ culturel ? Est-elle le signe des limites d’une loi (celle de 1901) qui serait inadaptée à notre époque ? Exclut-elle les financements publics, telles les subventions accordées par les collectivités territoriales ? Au-delà, assiste-t-on à un glissement des valeurs
et à une montée de l’individualisme, signe des temps ? Ou s’agit-il d’une volonté (une nécessité ?) de se professionnaliser ? Et comment s’y retrouver parmi les différentes options envisageables ? À quelle vision de son projet et au final, à quelle vision du monde correspondent les choix opérés ? Quand on lui demande pourquoi le groupe Bouskidou (groupe de chanson rock pour les mômes), porté par l’association éponyme, est devenu, évolution peu courante à l’époque, une Scop en 1995, la réponse de Gilles Bouhier, régisseur général du groupe, est claire : “Être maître des choses”. Retour sur l’histoire de cette formation nantaise : en 1982 naît l’association Bouskidou afin de répondre aux besoins du moment. Le groupe monte en notoriété, les sollicitations se font de plus en plus nombreuses et il a besoin, obligation légale, d’une entité juridique pour lui permettre de fonctionner. Engagements et contrats de vente de spectacles, distribution des premiers albums, rien ne peut se faire sans la création d’une structure à cet effet. À ce stade de développement, le choix se porte sur la création d’une association. Elle permet au groupe de se développer, en 1
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135 000 auto-entreprises crées en 4 mois, 400 000 attendues fin 2009
stratégiques de l’entreprise ; ce sont eux qui par même temps qu’elle montre ses limites : “On vendait ailleurs décident du partage des bénéfices. de plus en plus de disques, se souvient Gilles Le principe coopératif : 1 personne = 1 voix. En Bouhier, et on s’est rendu compte que le négoce outre, l’information et la formation des salariés est de disques entrait en contradiction avec la forme favorisée. Les salariés sont associés majoritaires associative”, l’association pouvant faire des de l’entreprise dont ils détiennent 51% du capital bénéfices mais ne pouvant les distribuer à ses au minimum. Afin de constituer une “réserve coomembres. “Si on voulait vivre de notre projet, il pérative”, 15% minimum des bénéfices de chanous fallait trouver une alternative”. Autre motif que année doivent être affectés à cette réserve et pour rompre avec la formule initiale : garder la deviennent propriété du collectif des salariés. Ces main. Rappelons qu’historiquement les Scop sont réserves sont impartageables. L’objectif étant nées de la volonté de travailleurs de créer leur d’avoir une vision sur le long terme du projet en propre outil de travail, de le gérer de façon protégeant ces ressources et non dans le dessein autonome et de conserver leur indépendance, d’augmenter la valeur du capital. c'est-à-dire de mettre leur outil de travail hors de portée d’un rachat, d’une cession ou Ce qui fonde une Scop c’est sa philosophie En cas de départ des salariés, d’une fermeture non et son mode de gouvernance : les salariés, d’un celui-ci récupérera la justifiée. “Dans une association, les déci- participent aux choix stratégiques de somme initialement sions sont prises par l’entreprise ; ce sont eux qui par ailleurs investie, sans faire de plus-value. Une des personnes qui ne sont pas les plus décident du partage des bénéfices. Le Scop peut être directement concer- principe coopératif : 1 personne = 1 voix. constituée en SA (Société anonyme) nées […] même si les ou SARL (Société anonyme à responsabilité limimembres du bureau sont souvent les conjoints ou tée). Autre spécificité : le nouvel arrivant pourra et les amis, il peut s’installer un décalage qui peut aura même vocation à lui aussi devenir salarié. peser sur le devenir du groupe”. D’où la décision prise d’opter pour un outil juridique permettant de Mais attention, pour les dirigeants, cette structuréaliser des actes commerciaux stricto sensu. ration en Scop peut être incompatible avec le L’association Bouskidou devient alors une Scop statut d’intermittent. En effet, les Assedic en 1995 “pas par militance ou philanthropie, considèrent que la fonction de gérant, d’une précise Gilles Bouhier, il s’agissait simplement Scop en l’occurrence, constitue une activité à pour nous de clarifier les choses et de vivre plein temps. En conséquence, le gérant ne peut décemment de notre travail”. bénéficier d’une assurance-chômage pendant la À noter que dans la région des Pays de la Loire durée de son mandat. À ce titre, il ne pourra pas plusieurs compagnies ont fait le choix de se muer bénéficier d’indemnisation au titre du régime de en Scop. C’est le cas notamment de la compagnie l’intermittence du spectacle durant cette période. nantaise Maboul Distorsion (arts du cirque, nouveau Néanmoins, les salariés associés conservent eux cirque), créée en 1994 et qui est devenue une le statut de salarié et peuvent donc maintenir Scop Sarl en 2007. La compagnie angevine leur affiliation au régime des intermittents du Jo Bithume (arts de la rue), 27 ans spectacle. d’existence, a également fait ce choix ; elle est composée d'une soixantaine d'artisQuestion de projets, projets en tes, comédiens, musiciens, techniciens, question ? metteurs en scène, administratifs. Les professionnels de Mais précisément, une Scop l’accompagnement (que ce soit dans le artistique sont, depuis secteur culturel ou non), deux à trois ans, de plus c’est quoi, c’est qui, ça en plus questionnés sur des fonctionne comment ? formes d’organisation distinctes de En fait, ce qui fonde une l’association. “Avant, il fallait expliquer qu’il existait Scop c’est sa philosophie et son mode de d’autres formes”, précise Philippe Audubert, gouvernance : les salariés, participent aux choix directeur adjoint et responsable formation de
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Trempolino, “depuis quelques temps cela s’est inversé, on me demande : est-ce que je peux monter une Scop ? Une Scic ? Puis-je m’établir en tant qu’auto-entrepreneur ?”.
Un glissement des valeurs ? Même si le statut coopératif est basé sur le principe de gouvernance démocratique et inclut une dimension participative et de partage des responsabilités, Philippe Audubert redoute que ces nouvelles postures ne soient la marque d’une dilution de la notion d’intérêt général : “l’association estelle has-been ? On n’est plus dans les valeurs de l’intérêt général et de la non-lucrativité. En n’étant plus obligé de réinjecter les bénéfices dans la structure [comme la loi l’impose pour l’association – NDLR ], on verse de facto dans la valeur du partage des bénéfices. C’est un choix plus ou moins conscient, l’engouement suscité par le nouveau statut de l’entrepreneur le montre nettement”. L’auto-entrepreneur, un statut juridique
Quelques points de repères sur la forme coopérative La coopérative est une forme de société fondée sur le principe de la coopération, les salariés travaillent dans un esprit d’intérêt général de tous les salariés. Elle a pour objectif de servir au mieux les intérêts économiques de ses participants (sociétaires ou adhérents). Ce type d’entreprise a comme finalité d’être au service de ses membres et non du profit, d’accorder aux personnes et au travail une primauté sur le capital. Les prises de décision reposent sur le principe démocratique : “1 personne = 1 voix”. Les salariés ou usagers sont ainsi égaux en droit. Elles fonctionnent en gestion autonome. Il en existe de plusieurs types : ouvrière, bancaire, de consommation ou d’habitat... et de différentes formes juridiques : La Société coopérative de production (SCOP), la Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), nouvelle forme de coopérative de salariés qui a pour objet la production ou la fourniture, à des personnes physiques ou morales, de biens ou de services d’intérêt collectif qui présentent un caractère d’utilité sociale. “La forme coopérative rend le salariat compatible avec la volonté entrepreneuriale et le développement de la créativité à partir des compétences artistiques valorisées de son porteur”, résume Bertrand Aubonnet, producteur de spectacles et directeur de salle dans un entretien accordé à Jean-Noël Bigotti et Mathias Milliard pour l’IRMA. 2
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prévu par la loi LME (Loi de modernisation de l’économie) est entré en vigueur le 1er janvier 2009. Pour ses promoteurs, il est l’expression même de la liberté d’entreprendre et permet, en quelques clics sur internet, de devenir son propre patron2. L’incarnation d u “travailler plus pour gagner plus” pour ses détracteurs.
Pas d’assujettissement à la TVA, des charges sociales et fiscales cumulées de 23%, très en-deçà du niveau habituel, ce qui pour François Brottes3, député PS de l’Isère pose un problème de solidarité nationale : “Avec un tel dispositif, en cotisant si peu, on dénigre l’impôt, la contribution sociale et c’est au final et au global, mettre les gens dans une précarité permanente”. Une vision macro-sociale et macro-économique qui se heurte parfois à la réalité du terrain. Pour Nicolas Mabit, pas d’hésitation : “En 2007, j’ai créé Wizzbuck, sous forme d’entreprise individuelle, dont l’activité est le merchandising ‘groupes et festivals’ [fabrication de badges, de textiles en sérigraphie et produits dérivés avec une dimension créative affirmée – NDLR]. Si à l’époque la possibilité d’être auto-entrepreneur avait existée, j’aurais choisi cette voie !”. Et de dénoncer une conception manichéenne à son goût trop largement répandue. “Je suis resté 15 ans dans le monde associatif et j’y ai vu un tas d’assos qui fonctionnaient dans un pur esprit d’entreprise mais qui n’assumaient pas”. Et rejoignant le constat fait plus haut par Gilles Bouhier : “le statut associatif freine parfois le projet. Si je monte mon association, je dois convier des gens qui forcément n’ont pas le même feeling que moi qui suis le véritable porteur du projet que ce soit au niveau des fondements ou des orientations à prendre”.
Pour bénéficier du statut, le chiffre d’affaires doit être inférieur à 32 000€ pour une activité de services et 80 000€ pour les activités commerciales 3 Cf l’émission “Ça vous regarde” du 8 avril 2009 sur la chaine parlementaire LCP (visible en ligne).
Dérive à l’américaine ou nécessité d’être reconnu ?
“On était constitué en association depuis 2003, précise David, mais cela posait quelques problèmes, on n’était pas crédibles”. Malgré plus de 25 000 albums vendus, le label qui les avait signés (“Ministrong” le label de Sinclair) y voyait une marque d’un certain amateurisme ou d’une volonté peu affirmée de réellement développer leur projet.
D’autres formes de structuration juridique des projets culturels et/ou artistiques prennent des formes éloignées de l’association ou de la coopération. Dans le domaine musical, Smooth, formation électro-pop nantaise, un trio, (David Darricarrère, Nicolas Berrivin, Christophe Declercq) a fait un choix radical : celui de la SAS, Société par actions simplifiée. Son principal atout, selon David Darricarrère, c’est “la grande liberté laissée aux associés”. Ce qui par ailleurs la distingue sur ce plan de la société anonyme. Alors que sept associés sont nécessaires pour constituer une SA, la SAS pourra se constituer à partir de deux associés et même d’un seul, dans le cadre d’une SASU (Société par actions simplifiée à associé unique). Mais la principale caractéristique de la SAS réside assurément dans la dissociation opérée entre capital et pouvoir au sein de la société ainsi constituée. En clair, un associé pourra disposer de prérogatives indépendantes de son apport. L’exercice du pouvoir étant défini en interne par accord pris entre les associés. Dissociant le capital du pouvoir, celui-ci n’étant pas corrélé à l’apport respectif des associés pour constituer le capital.Toutefois, la SAS eu la SASU se rapprochent de la société anonyme en étant à la fois société de personnes et société de capitaux. “On était constitué en association depuis 2003, précise David, mais cela posait quelques problèmes, on n’était pas crédibles”. Malgré plus de 25 000 albums vendus, le label qui les avait signés (“Ministrong” le label de Sinclair) y voyait une marque d’un certain amateurisme ou d’une volonté peu affirmée de réellement développer leur projet musical. “Pour des raisons diverses on a quitté ce label, mais cette expérience nous a fait cogiter, on s’est posé des questions”. Résultat : Smooth sera porté par une SAS dès mai 2009. “C’est une formule très souple qui nous convient et qui nous crédibilise,
on fixe nos propres règles de fonctionnement. De plus, depuis le 1er janvier dernier, il suffit d’un euro minimum pour constituer le capital de la société, alors qu’il en fallait 37 000 auparavant. Pour nous, c’était la meilleure solution”.
Des projets et des sous
Vision libérale de son projet ou nécessité de trouver la formule adaptée à des acteurs culturels confrontés à une précarité, facteur éminemment anxiogène, qui peut décourager les initiatives ? Difficile de trancher, la question reste posée. “On ne sait pas comment on fonctionnera demain, chacun tente de trouver sa solution”, constate Philippe Audubert. Opter pour telle ou telle forme juridique (association, forme coopérative, société commerciale) pour créer et/ou développer son projet n’est pas sans conséquence pour la vie de l’entreprise. Au-delà du mode de gouvernance propre à chacune de ses formes (voir plus haut) c’est la capacité à bénéficier de fonds publics qui est en jeu. Les collectivités territoriales (communes, départements, régions) sont devenues au fil du temps des partenaires souvent incontournables des acteurs culturels. Nombre d’associations, dans la sphère culturelle notamment, ne pourraient fonctionner et donc exister sur la durée, sans l’octroi de subventions publiques. Une possibilité strictement encadrée par la loi qui autorise de telles aides, tout en les organisant. Depuis la loi du 12 avril 2000, les subventions des collectivités aux associations dont le montant dépasse annuellement 23 000 € (décret n° 2001-495 du 6 juin 2001), doivent obligatoirement faire l’objet d’une convention qui en définit les modalités : objet, montant et conditions d’utilisation de la subvention attribuée. Néanmoins, la conclusion d’une convention est toujours possible même en dessous du seuil légal de 23 000 €4. Il est vivement conseillé d’y recourir. 4
Disposition prévue par le Code général des collectivités (Art L2121-29)
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champ culturel sur la base de l’intérêt public (compétence volontaire). Une prérogative que le comité de réforme des collectivités présidé par Edouard Balladur, plus communément appelé “Comité Balladur” propose d’annuler dans son rapport remis au Président de la République le 5 mars 2009. Selon ce rapport la compétence “Culture”, dans sa stricte acception, échoirait aux régions et à elles seules. On mesure aisément la casse provoquée par Encadrée et parfois c o n t r a c t u a l i s é e , Au-delà de l’aspect purement juridique, la une telle mesure on sait que les point de flou sur ce mise en place d’un modèle économique quant projets culturels, type de subventionnement des associa- innovant et de nouvelles organisations associatifs ou non, tions aujourd’hui. du travail peuvent être considérées. diversifient souvent leurs sources de Mais la situation en apparait moins claire Et la mutualisation des emplois dans le financements concernant l’aide secteur artistique et culturel une voie à s’adressant à la fois au niveau local, versée à des projets emprunter. départemental et distincts de l’assorégional. Cette réduction des sources risquant ciatif. En effet, un principe édicté par l’article 87 fort de provoquer une réduction des ressources. du TCE (Traité constitutionnel Européen) prévoit Mais alors, comment structurer et sécuriser son en substance que sont exclus des financements projet culturel au regard des différents aspects publics les structures qui exercent une activité que nous avons évoqués ? économique régulière, ce qui est le cas des structures coopératives et des sociétés commerciales. Coopérer pour entreprendre : les Coopératives Mais il existe des exceptions : Ainsi, au regard du d’activités et d’emploi (CAE), les Groupements “régime d’aide économique” institué par l’Union d’employeurs (GE). Européenne, un règlement permet que soient accordées des aides au fonctionnement pour les Au-delà de l’aspect purement juridique, entreprises5. C’est en vertu de ces dispositions que la Région des la mise en place d’un modèle économique Pays de la Loire est en mesure de innovant et de nouvelles organisations soutenir la compagnie Jo Bithume. du travail peuvent être considérées. Une forme de reconnaissance de Et la mutualisation des emplois la dimension économique de la dans le secteur artistique et culture en somme. culturel une voie à emprunter. Mais demain pourrait s’avérer C’est ce que proposent les plus problématique et ajouter Groupements d’employeurs. aux difficultés que connaissent Le GE, créé en 1985 est une les porteurs de projets culturels. association loi 1901 qui fonctionne La clause dite de compétence sur le principe suivant : on partage générale permettait, jusqu’à présent, à une collecles personnels qui sont mis à tivité de se saisir de compétences autres que celdisposition exclusive des membres du groupement. les strictement définies par la loi. On parlait de Une formule qui a du mal à se développer, en “compétences volontaires” librement consenties raison de l’instabilité des structures, propre au par rapport aux “compétences obligatoires” secteur culturel. imposées par le législateur. Ainsi, le Conseil général Se donnant parmi ses objectifs celui de a pour obligation d’intervenir dans les domaines de “réconcilier l’économique et le social”, les CAE, l’action sanitaire et sociale, l’éducation ou encore (au nombre de 80 sur le territoire national) les transports au titre des compétences obligatoires accompagnent les créateurs et les porteurs de issues des lois de décentralisation. Au-delà, posprojets en minimisant leurs risques, en leur sibilité était donnée d’élargir cette action au apportant un cadre juridique et comptable tout en Pour Jean-François Tallio, adjoint à la Culture de la ville de Saint-Herblain (44) ; “Cela permet de vérifier si ce qui était prévu a été réalisé, et de préciser, ça empêche les jeux de dupes en donnant la possibilité aux uns et aux autres de dénoncer la convention si les objectifs ne sont pas atteints. Au final, c’est un contrat qui oblige les deux parties à s’entendre”.
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Aide plafonnée à 500 000€ sur 3 ans
s’inscrivant dans la réalité d’un territoire. Le porteur de projet est salarié de la structure pendant la phase de construction et déchargé des contraintes administratives et comptables, l’entrepreneur-salarié peut alors se consacrer pleinement à son activité. Elles ont généralement une vocation généraliste, toutefois certaines sont spécialisées. C’est le cas d’Art en Réel, située à Strasbourg, CAE unique en son genre en ce sens qu’elle accompagne uniquement les porteurs de projets artistiques et culturels. “Nous avons créé Art en réel en 2004” se souvient Sébastien Baussuet, fondateur et dirigeant de la structure “à l’époque, l’idée était de créer une structure permettant de répondre aux spécificités liées au projets culturels”. Cinq ans plus tard, Art en Réel compte 80 salariés (photographes, graphistes, stylistes, designers, plasticiens, illustrateurs, scénographes, art-thérapeutes, vidéastes, managers d’artistes…) “qui ont vocation à devenir associés après la période de test et qui pourront, s’ils le souhaitent rester ad vitam dans la structure”. Un contre-modèle du statut de l’autoentrepreneur que Sébastien Baussuet résume ainsi : “un projet d’accompagnement individuel dans un projet partagé qu’est la coopérative”.
pour aller plus loin... Sites sur l’ancrage juridique et philosophique des défenseurs d’une culture partagée. http://fsj.lafedurok.org/documents/manifeste_ufisc.pdf http://www.aidh.org/ONU_GE/Comite_Drtcult/ decla-fribourg.htm http://www.sangonet.com/FichHistoire/diversiteculturelle
Un modèle reproductible dans la mesure où Art en Réel pourrait bientôt labelliser des projets se développant au sein de CAE généralistes par l’ouverture de services artistiques et culturels en leur sein. Au final que penser de cette nouvelle réalité polymorphe pétrie d’initiatives empruntant soit à une conception d’une culture fondée sur le principe de non-lucrativité, de partage du bien commun voire d’éducation populaire d’une part, soit à une vision résolument utilitariste (d’aucuns diront pragmatique, en prise avec les réalités) de l’autre ? En outre, ne faut-il pas considérer le projet culturel avant tout, sa pertinence, sa qualité intrinsèque, au-delà de toute considération au risque d’un enfermement dans la question des statuts juridiques : l’outil juridique doit-il être au service du projet ou l’inverse ? Alors, “Pour une autre économie de l’art et de la culture ?6” la question, éminemment politique, se retrouve fatalement au cœur des choix opérés et les réponses sont le terrain où s’affrontent des visions différentes d’un même monde.
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cf Bibliographie ci-dessous
Information ressources musiques actuelles (IRMA) : http://www.irma.asso.fr Groupements d’employeurs : http://www.ffge.fr Coopératives d’Activités et d’Emploi (CAE) : http://www.coopérer.com Agence de conseil auprès des entreprises culturelles (OGACA) : http://www.ogaca.org Institut national des nouvelles formes d’emploi (INNEF) : http://www.innef.org La création d’entreprise individuelle : www.auto-entrepreneur.fr
www.irma.asso.fr/Quelles-logiques-pour-entreprendre www.irma.asso.fr/IMG/pdf/Rapport_INNEF_2008 _Formes_Emploi.pdf www.cofac.fr (analyse du Dr Kasimir Bisou, alias Jean-Michel Lucas) Autres sites à consulter Art en Réel : http://artenreel.com Agence pour la création d’entreprise (APCE) : http://www.apce.com Union régionale des Scop : http://www.scop-ouest.coop
Bibliographie “Pour une autre économie de l’art et de la culture”, ouvrage collectif sous la direction de Bruno Colin et Arthur Gautier, Éditions Erès, 2008 : l’objectif des auteurs est de produire du débat et de la réflexion sur les modalités de travail, les équilibres économiques, les aides publiques. “Profession entrepreneur de spectacles” de Philippe Audubert, Éditions IRMA, 2007 : les réponses à toutes les questions qui se posent lors de la création d’un projet et de son évolution.
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L’AMBIVALENCE DU ROCK : ENTRE SUBVERSION ET SUBVENTION. Une enquête sur l’institutionnalisation des musiques populaires Emmanuel Brandl, Éd. L’Harmattan, 2009. L’ouvrage d’Emmanuel Brandl aborde une question essentielle concernant les liens entre la pratique musicale et les institutions. Nourri par une fine connaissance des pratiques et des activités au sein de la sphère institutionnelle dans le secteur des musiques actuelles, l’auteur, docteur en sociologie, restitue à travers son enquête le caractère ambivalent des liens qui ont permis la reconnaissance de ces pratiques au sein des politiques publiques. Depuis les années 80, les rapports entre les structures musicales (répétition, diffusion…) et les collectivités territoriales se sont profondément modifiés mais ils restent toujours pris entre les idéaux de la subversion et les nécessités de subvention. Emmanuel Brandl contribue à une analyse détaillée et pertinente des mécanismes d’adaptation spécifiques entre les acteurs des musiques actuelles et les politiques publiques. Pour l’auteur, cette institutionnalisation n’est pas parvenue à une forme bureaucratique dans laquelle pourrait s’inscrire le secteur des musiques actuelles, l’ambivalence du rock offrant une nouvelle logique d’institutionnalisation des musiques populaires. Damien Tassin
L’UNDERGROUND MUSICAL EN FRANCE Éric Deshayes & Dominique Grimaud, Éd. Le Mot et le Reste, Col. Formes, 2008. Deshayes, grand connaisseur de la scène musicale underground (cf. son site web neospheres) et Grimaud, acteur de ladite scène depuis plus de 30 ans, nous ont concocté une véritable encyclopédie des musiques de traverse françaises. Né à la fin des années 60 et fondant dans un même creuset, psychédélisme, free jazz et musique électronique, ce mouvement deviendra dans les années 80 l’école française des musiques nouvelles. C’est à son histoire que nous convient nos deux lascars. Aucun aspect de cette vie souterraine n’a été écarté : les “maquis” luttant contre l’hégémonisme du showbiz yéyé, organisés autour de revues transgressives, de labels militants (souvent créés par les musiciens) et de festivals indépendants. Au fil de chapîtres aux noms évocateurs (Anar rock, Electronique guérilla, Pataphysique cantique, Chants-sons de traverse…), sont visitées les différentes familles musicales de ce qui correspond à une version française du krautrock allemand ou de la scène avant-prog anglaise. On aimerait citer tous les héros de cette aventure : Art Zoyd, Âme Son, Lard Free, Mahjun, Heldon, Étron Fou Leloublan, Comelade, Marcoeur, Urban Sax, Vidéo-Aventures, Ulan Bator… À illustrer avec le coffret Spalax : 30 ans d’agitation musicale en France : 1969-1991, histoire de mettre du son sur ces mots. Gilles Courcier
TECHNO,
VOYAGE AU COEUR DES COMMUNAUTÉS FESTIVES
Lionel Pourtau, CNRS Éditions, 2009. Lionel Pourtau nous trame l’histoire de ce mouvement vieux d’un peu plus de 10 ans ainsi que l’évolution de ces jeunes s’orientant dans cette subculture techno. De clubbeur, on peut devenir raveur, teufeur, puis traveller. Les prémices ? Faire la fête, s’évader du quotidien, chercher la transe procurée par le son, la danse, l’ambiance, le lieu, le groupe, les psychotropes. On est jeune, on va en teuf, on y goutte, on apprécie, on prend du plaisir, on y retourne. Puis, l’envie change, on se trouve une place, on veut faire, on s’invistit, on s’organise, on vit ensemble, on est dans la communauté (semi-nomade ou non), on donne du plaisir, on partage ce mode, ce choix de vie. À être sur la route, on transmet et on fait perdurer cette autre culture. Le traveller en est le vecteur, contraint, par l’ordre policier et voulu, par l’envie d’autre chose, de découvrir, de donner. Que cherchent-ils : clubbeur, raveur, teufeur ou traveller ? L’éternité du moment ? On le prolonge le temps d’un weekend, une semaine, un mois, quelques années… Qu’en est-il après la descante de ce trip ? On s’expérimentait face à la vie, on se cherchait, on se donnait un but, une existence ? Emmanuel Bois
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lolab
LABO D’EXPÉRIMENTATIONS
PAR LUCIE BRUNET PHOTOS : DR
Installé à Nantes depuis 2007, Lolab développe des projets artistiques qui croisent les arts numériques, les arts plastiques et la musique, en multipliant les collaborations. Forte des compétences de son équipe et des valeurs qu'elle défend, l'association s'est fait une place de choix dans le paysage culturel nantais. Dans les actions, sont intégrées les problématiques liées à la multi-diffusion sonore et à la relation spectateur-artiste. La question de l'action culturelle ou “Comment la culture peut-elle intervenir sur le lien social ?” est également au cœur des réflexions. C'est à Agen que tout commence. “Les projets, les envies, les connexions sont nés au Florida” raconte José Cerclet, administrateur de l'association. Aujourd'hui, le projet culturel s'appuie sur trois grands principes : - la transdisciplinarité. “Le multimédia est la matière qui permet de relier toutes les formes d'art, nous ne sommes pas une asso multimédia mais une asso qui l’utilise pour déclencher du contenu”, précise José. - le “public-acteur” qui se forme à des techniques de création alternatives (utilisation de logiciels libres par exemple), accède à de nouveaux médias, et devient acteur de l'œuvre. - la collaboration avec des artistes (musiciens, chorégraphes, vidéastes, programmeurs informatiques…) et de nombreuses associations sur le territoire (PiNG, Trempolino, Histoires d'Ondes…). Ce projet englobe : “la création principalement sonore : concerts, installations sonores, performances. Cette partie alimente la seconde : l'action culturelle. Nous considérons l'action culturelle comme une œuvre à part entière, autant qu'une installation plastique ou un concert. Pour nous, le processus de création de l'œuvre, plus que sa finalité, fait l'œuvre. La 3e action, qui consiste à effectuer des prestations sur commande (formations, régies, montages vidéo), permet finalement de financer tout ça”, explique José. Comme le consent José, les objectifs de Lolab ne sont pas faciles à expliquer ! Pour mieux les comprendre, voici Zone Fertile (ZF), un projet incarnant les valeurs et missions de l'association. Pendant un an, ZF explorera les mémoires individuelles et collectives du quartier Breil-Malville à Nantes (où l'asso est installée). Ce projet, qui associe les habitants et les associations du quartier, se fera en 3 étapes. ZF#1 : Architecture et patrimoine sonore du quartier (en cours). - Numérisation des vinyles des habitants en échange d'un témoignage. - Apprentissage de la MAO avec les jeunes du quartier. Leurs créations devront utiliser la matière sonore récoltée dans la 1ère phase du projet. - Création d'une maquette du quartier à partir d'archives architecturales, du quotidien et de l'imaginaire. Tous ces travaux aboutiront à la création d'une table réactive qui permettra de se promener dans le quartier, d'y faire se croiser le passé, le présent, le futur. ZF#2 : Vidéo et textile (de mai à septembre). ZF#3 : Création d'un spectacle à partir des matières obtenues suite aux deux premières phases (fin 2009). Rendez-vous à venir : 28 mai de 18h à 21h : un quartier au musée // Musée des Beaux Arts de Nantes. 3 juin au 13 juin : restitution-expos "ZF#1" // 38 rue du Breil, Nantes // vernissage le 3 juin à 19h. Infos et contact www.lolab.org / contact@lolab.org
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mas bajo
TOUJOURS PLUS HAUT !
PAR LUCIE BRUNET PHOTO : RBK RECORDS
Mas Bajo fête ses 10 ans et sort son premier album. L'occasion rêvée pour revenir sur le parcours atypique d’un groupe qui répand depuis une décennie la musique latine partout en France, et de découvrir leurs compositions. Rencontre avec Maxime Bellanger, batteur du groupe. Comment s’est constitué le groupe ? Au début, Mas Bajo se résumait à cinq copains qui “bœuffaient” autour de standards de jazz. Le bassiste, fan de salsa, nous a fait découvrir cette musique. Enthousiastes, nous avons commencé à la jouer. Au même moment, un chanteur mexicain (Fernando Nino) a intégré le Conservatoire de Nantes pour étudier le saxophone. Nous lui avons mis un micro entre les mains et çà a fonctionné de suite. Six mois plus tard, Mas Bajo donnait son premier concert. Grâce aux stages organisés par Trempolino, nous sommes allés nous perfectionner à Cuba et rencontrer des musiciens référents. Aujourd'hui le groupe au complet, c'est douze musiciens dont trois chanteurs et quatre nationalités (Cuba, Chili, Mexique, France). Au début le répertoire était composé de reprises. Comment sont arrivées les compos ? Il était devenu vital pour l'évolution du groupe d'affirmer son identité et de jouer sa propre musique.
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J'avais des compositions de côté et la rencontre avec Raul Henriquez Serrano a été déterminante. Il s'est vraiment investi dans la compo et est devenu le chanteur leader du groupe. En quatre mois, le répertoire fut monté. Après la tournée d'été 2008, l’enregistrement a démarré. Raul est originaire de Santiago de Cuba où la culture du son traditionnel cubain reste très présente. Mes compositions étaient plus proches de la salsa moderne, du funk, du jazz. La musique de Mas Bajo est le résultat de ce mélange. L’arrivée du guitariste chilien Edison Belmar nous a ravi ; il a su adapter son jeu à la salsa et apporter le son soul, funk recherché. Comment analyses-tu les 10 ans du groupe ? S'il est vrai que le nombre de dates a su motiver les musiciens autour du projet, la réussite du groupe est avant tout dûe à une grande amitié et au plaisir à se retrouver sur scène pour partager des moments intenses. Cette musique nous
passionne et nous comble et le public le ressent. Cette musique ne se limite-t-elle pas trop aux festivals ? Il est vrai que nous sommes essentiellement programmés de mai à septembre. Ces musiques se prêtent à la fête et à la danse… Il serait pourtant intéressant de développer une dynamique plus forte en hiver autour de cette musique qui rassemble un public éclectique et familial. À Nantes, la salsa est peu représentée ! C'est un problème de culture, il y a trop d’idées toutes faites sur cette musique, la salsa ne se résume pas à Buena Vista Social Club ! Pourquoi ne pas créer un festival de salsa à Nantes avec des têtes d'affiches ? Quelques mots sur vos concerts en Inde ? C'était terrible ! Trois dates dans un club à Bombay en septembre dernier ! Un gros coup de chance, ils nous ont découvert par Internet. Le public a bien réagi, c'était la 1ère fois qu'il y avait de la salsa live à Bombay. Quelle superbe expérience de groupe ! Pourquoi n'avez-vous jamais cherché de tourneur ? Jusqu'à présent, le groupe se débrouillait très bien tout seul avec son réseau (festivals d'été, mairies, les scènes de bord de mer…) et puis qui aurait voulu faire tourner un groupe de reprises ? Aujourd'hui, avec cet album de compositions, ça change la donne et effectivement si l’on veut sortir de ce réseau, il faudra trouver quelqu'un avec un bon carnet d'adresses pour nous faire jouer sur des plus gros festivals et à l'étranger. Il faudra rivaliser avec les grosses pointures, mais pourquoi pas. Nous avons notre chance et nous pouvons rêver, mais il faut surtout travailler ! Que représente ce premier disque pour vous ? Ce disque est l'aboutissement de dix ans de vie de groupe et peut être aussi celui d'une certaine maturité musicale. C'est aussi pour nous le moyen d'affirmer une musique et des textes qui nous ressemblent. On a voulu sortir des clichés qui reviennent souvent dans cette musique, et parler de thèmes qui nous tiennent à cœur. Pancho Ilegal veut dire “le mec illégal”. Ça part du sentiment que peuvent avoir certains membres du groupe loin de leur pays d'origine. L'album parle de liberté, de déracinement, d'exclusion, de quête du bonheur,
d'écologie, de l'incapacité des politiciens, mais aussi de fête et de douceur de vivre . Vous êtes signé chez Yotanka. C'est un weblabel, pourquoi avoir fait ce choix ? C'est plus par amitié que par choix réel d'être sur un netlabel. Le label ne travaille pas sur ce genre d'esthétique habituellement (Zenzile, Nouvel R, Meï Teï Shô…), mais “Mousse”, le responsable, est un grand amateur de salsa et il croit en nous. Nous avons fait une co-production. Nous avons aussi eu des subventions pour ce disque. Quels sont vos projets pour le futur ? Une belle tournée d'été arrive. Les échos sur l'album sont positifs, nous espérons qu’il va circuler et convaincre les programmateurs. Nous aimerions jouer un maximum avec la grande formation de douze musiciens et nous retrouver au côté de grands orchestres cubains, colombiens… Il faudra ensuite conserver cette dynamique de groupe. L'hiver est propice à la création et nous allons en profiter pour répéter, préparer le deuxième album en se réchauffant au rhum cubain !
Mas Bajo Pancho Legal Yotanka Productions 2009 Pancho Ilegal offre une musique latine qui a su garder ses fondements originels tout en y apportant une touche plus personnelle. L’album propose un voyage à travers l’Amérique latine (les nationalités des chanteurs y sont sûrement pour quelque chose : cubain, chilien, mexicain). Salsas enflammées, “son” cubain, bolero, ballades sentimentales, tout y est ! On pourrait presque sentir l’odeur des cigares… En plus des cuivres et des percussions, on retrouve une formation guitare/basse/batterie donnant une touche plus funk, électrique par rapport aux standards que l’on connaît. Rien de tel qu’une bonne salsa pour commencer l’été et boire un bon rhum dans le jardin ! Baila Baila ! Lucie Brunet
Infos www.myspace.com/larealfabrica www.masbajo.net
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HIP HOP KANOU RAPPEURS SANS FRONTIERES
PAR KALCHA PHOTOS : HARANDANE DICKO
L’industrie musicale répond à des codes rarement bousculés : un groupe doit sortir un disque dont il essaie de faire parler tant bien que mal dans la presse, puis il part défendre ledit disque sur le plus de scènes possibles avant de réenregistrer un nouveau disque deux ans plus tard et ainsi de suite. La plupart des formations dans une démarche professionnelle suit -bon gré mal gré- ces tables de la loi du marché à la lettre. Heureusement, il reste quelques insoumis. Les Angevins de Nouvel R avaient, par exemple, écumé les plus grands festivals hexagonaux (Trans Musicales de Rennes, Printemps de Bourges…) avant même la sortie de leur premier album, faisant d’eux de véritables extraterrestres dans le paysage musical français. Que cette entorse à la règle soit le fait d’un groupe de rap, genre habituellement peu réputé pour briller sur scène, est encore plus jubilatoire. Non content donc de ce premier pas de travers sur la route rectiligne et monotone d’une carrière, le septet remet les pieds dans le plat un an à peine après la sortie de leur “Hybride” pour un projet de collaboration uniquement scénique avec trois rappeurs bamakois, Amkoulell, Mic Mo et Chanana. HIP HOP KANOU a vu le jour après plusieurs séjours de Nouvel R dans la capitale malienne pour une série de concerts et d’ateliers pédagogiques. Les Français et les Maliens se rendent vite compte qu’ils ont écouté les mêmes vieux disques de rap des 90’s quand ils étaient minots, qu’ils sont tous persuadés que la scène est le meilleur endroit pour convaincre le public et qu’ils ont tous envie de chahuter les vieux clichés puants qui collent aux baskets comme un caca de pékinois. En clair, ils se rendent comptent qu’ils ont au moins autant de points communs que de différences, et que leur rencontre musicale n’en serait par conséquent que meilleure. Quelques mois et pas mal d’allers-retours de fichiers mp3 plus tard, le projet HIP HOP KANOU a déjà gagné la confiance de plusieurs programmateurs français. La grande première de la tournée a eu lieu en famille au Chabada à Angers, le vendredi 13 mars 2009. Et si le reste de la tournée s’est passée de la même manière, on peut parier que de nouvelles dates vont rapidement s’ajouter au planning du groupe. Le set revisite des morceaux des répertoires respectifs de Nouvel R, Amkoulell, Mic Mo et Chanana, au milieu d’une demi-douzaine d’inédits composés spécialement pour la tournée. Qu’ils balancent un hip hop dopé à l’électro ou qu’ils accompagnent d’un simple clappement de mains une chanson acoustique, qu’ils embarquent le public dans un gigantesque coupé/décalé ou qu’ils construisent un improbable reggae au beatbox, les dix membres de HIP HOP KANOU, aidés de quelques invités (Kwal, Tomawak de Urban Poizon…), sont tout bonnement renversants d’énergie positive. Le public est donc rapidement conquis et entre volontier dans la danse. Malgré le peu de répétitions tous ensemble, le show est vraiment bien construit, avec une très bonne occupation de la scène, et de l’espace d’expression pour chacun (et pourtant pas évident de ne pas paraître brouillon à dix sur scène !). Le gros dawa à la malienne du rappel (tout le monde a dansé et chanté sur scène et dans le public, avec ou sans micro) prouve que la musique peut réunir le Nord et le Sud mieux que toutes nos sempiternelles politiques post-colonialistes.
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Infos et contact www.myspace.com/triptyckproductions / vivien@triptyck.com
Aeris
Aeris
AP 2009
Brou/Amon/ Quimbert
La Nuit comme le Jour
Des cordes frappées, pincées, des guitares qui bavardent ou qui s'exclament, le BERO LANDAUER TRIO les met à l'honneur. Jazz manouche, musique gitane, si racée, évocatrice de déchirements ou de félicité, ce trio (deux guitaristes et un bassiste) en est bien l'ambassadeur en terre angevine. Invitant à la guitare d'accompagnement Samy Daussat, l'interprétation s'en trouve plus étoffée encore, avec des notes supplémentaires qui abondent quatorze complaintes émouvantes, dont certaines reprises (Gershwin, Reinhard, Stern...). Jouées lentement ou plutôt racontées adagio dans un environnement sonore feutré, ce sont des comptines plus que des histoires pour lesquelles cette diction lente a son importance. On appuie sur des mots comme sur des cordes. Brillants musiciens et brillante association pour une musique qui émeut ! Cécile Arnoux
www.label-ouest.net
www.myspace.com/aerisgroupe
AÉRIS ou comment combiner post-rock, rock progressif et jazz-rock. Trois musiciens forment le line-up et pourtant, le groupe est présenté comme quatuor associant au projet une illustratrice, Clémence Bourdaud. Le coup de crayon de la Nantaise, déjà remarquée pour des dessins parus sur le journal Europa, est décidé et brillant. Les contours de la musique sont quant à eux assez abstraits. Trois couleurs dominantes : guitare, basse et batterie pour une odyssée quasi instrumentale et de longues variations planantes ponctuées de frappes de batterie plus énergiques, une basse slappée au son édifiant et une guitare exploitée à son paroxysme. On pense parfois à Mice Parade ou à Tortoise avec un côté plus progressif, plus improvisé. Un seul regret : quelques incantations vocales proches de Brendan Perry de Dead Can Dance pas vraiment pertinentes. C'est plutôt dans l'instrumental que le groupe excelle. Objectif lune ! Cécile Arnoux
Bero Landauer Trio Comme autrefois
Gipsy Swing / Label Ouest 2009
Cabadzi
Emeute de Souffles AP 2009
Trois voix comme seuls instruments, trois timbres différents qui montent dans les aigus, ROLAND BROU, MATHIEU HAMON et CHARLES QUIMBERT, enchaînent treize chansons, treize histoires relatant l'amour, la désertion des soldats, les combats ouvriers et les causes sociales, l'alcool, des sujets qui constituaient le patrimoine musical de la Haute-Bretagne voilà plusieurs siècles. Le temps passe mais les soucis demeurent d'actualité. Au-delà de l'intérêt de découvrir le quotidien des anonymes (puisque les auteurs de ces chants de tradition orale demeurent “par définition” inconnus), les trois interprètes jouissent d'une liberté totale d'interprétation. À l'unisson, en solo, des essais polyphoniques réussis, la musicalité de voix n'a jamais été aussi effective. Cécile Arnoux
Formation originale essentiellement basée sur la voix, CABADZI est un trio composé d’un rappeur, d’une chanteuse chargée des harmonies vocales et d’un beatboxer. Ces Vendéens invitent bien sûr quelques instrumentistes de-ci de-là sur leurs morceaux mais leurs interventions restent assez discrètes. Le résultat oscille donc entre chanson et slam, qui fera forcément un peu penser aux travaux de Kwal ou de Ka Jazz. Cabadzi parvient néanmoins à se positionner sur l’échiquier en apportant une touche très onirique (parfois pas si éloignée de Dead Can Dance) grâce aux mélopées de sa chanteuse. Dans le sillage d’artistes transversaux comme Camille ou Abd Al Malik, Cabadzi est en train de redessiner les futures frontières de la chanson française, trop longtemps sclérosée dans un unique modèle. Kalcha
www.myspace.com/cabadzi
www.tamm-kreiz.com/groupe/1220/brou-hamon-quimbert.htm
Phare Ouest / L'Autre Distribution 2009
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Chasseloup et Wally
Chasseloup et Wally
Madame Suzie Productions 2009
Homestell
Desecrated Empyrean www.myspace.com/homestell
2009
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Longtemps considéré comme le parent pauvre de la famille, le métal français récoltait plus souvent les quolibets que les louanges de ses pairs. Depuis quelques années et le travail considérable de certains groupes (Gojira, Dagoba, Hacride…), le regard de nos voisins a tout de même largement changé. On parie qu’ils ne rigoleront pas des masses non plus en entendant le nouvel album des Manceaux de HOMESTELL. Armé d’un son ultra-massif, le quintet y envoie le bois par quintaux, sans rien avoir à envier aux ténors du genre, qu’ils soient américains ou scandinaves. Trouvant un équilibre intelligent entre puissance, technique et mélodie, Homestell signe en effet un disque sans réel point faible qui saura séduire quiconque aime un minimum se faire chauffer les oreilles à coup de double pédale. Kalcha
www.uztaglote.com/hector
Bonjour je m’appelle Gaspard, j’ai 8 ans et demi et le disque d’HECTOR LE FACTEUR… hé ben j’ai beaucoup aimé ! Mes chansons préférées, c’est “Pour mon anniversaire” et “Le chien de madame Yvonne”... C’est l’histoire d’un petit garçon qui a 9 ans, qui aime son vélo jaune et qui aimerait bien faire le métier de facteur… mais surtout à vélo... car le vélo, pour Hector, c’est une histoire de famille… Hector, il dit qu’en vélo il va plus vite que son chat et que le vent (n’importe quoi), alors il se prend pour le facteur et il distribue le courrier dans chaque pièce de sa maison !!! Il y a aussi monsieur Norbert qu’est vagabond, et puis mamie “voyage” qui a fait le tour du monde, alors elle reçoit du courrier du monde entier !!! Et puis aussi les courses de vélo de son tonton, même qu’il a déjà gagné une coupe !!! Et donc Hector le facteur a peur des chiens, surtout celui de madame Yvonne qui garde la boîte à lettres comme son os, alors je vous raconte pas… Gaspard Rambaud
Hector le facteur Hector le facteur AP 2009
Hoperckut
Blessed by nothing AP 2009
On connaissait Saint-Brévin (44) pour ses pins… Mais moins pour son hardcore vif et brutal ! Et pourtant, la scène locale métal semble à nouveau foisonner ces derniers temps. En témoigne le “Blessed by Nothing”, premier disque du groupe nazairo-brévinois HOPERCKUT. Ils délivrent durant neuf morceaux intenses, un hardcore puissant et sans détour, non sans rappeler les américains de Hatebreed ou encore les Full Blown Chaos. Le maître mot de cet album : l’efficacité (dixit les HOPERCKUT) ! Des titres courts, agressifs et percutants, où la section rythmique précise et les grattes saturées prennent parfois le devant sur le chant, légèrement en retrait. Reste à dire que l’artisan sonore de ce disque (Vayne) semble avoir pris un véritable pied à mixer ce premier album, d’un groupe dont on reparlera sûrement très vite. Julien Nicolas
www.myspace.com/hoperckut
www.chasseloup.fr
Après la sortie du coffret “Le nécessaire de survie” Monsieur CHASSELOUP en remet un coup ! Comme à chaque saison, l’artiste dévoile son univers burlesque, à la fois caustique et piquant. Pour cette “Collection Printemps 2009”, il nous a concocté un véritable petit instant de plaisir sous forme de sketchs. Et après avoir invité Les Hommes Beiges en 2008, il a convié cette fois-ci le chanteur-humoriste, WALLY pour venir pousser la chansonnette. Sur un support, fait mains, en édition limitée, les deux artistes improvisent, bricolent sous des airs de guitares inspirées, de petites saynètes, qui ne sont pas sans rappeler l’univers de Nery et de ses fameux V.R.P. Les textes sont drôles et pertinents comme sur “Un Mouton” où les affres de l’argent sont passées au crible d'une prose acerbe. Un véritable petit moment de plaisir, qui illumine les journées sans soleil et décrispe les zygomatiques. Jim Jolier
Hungart Thorsen Totally fruitless wandering
www.myspace.com/labrumeroze
Kalcha
La Brume Ro[z]e La Brume Ro[z]e
La Machine Folle 2009
La Machine Folle 2009
La Zikabilo
Fuego AP 2009
www.lazikabilo.com
Plutôt que de vous refaire l’historique du jeune label La Machine Folle, on va plutôt vous rediriger vers le portait qui lui est accordé dans ce même numéro. C’est bon, vous êtes revenus ? LA BRUME RO[Z]E est donc une compilation de spoken words de Puky (ex-chant des Zetla, Tartarin D’Ta Race), Hüngart Thorsen (voir aussi la chronique le concernant) et même Christophe Bell Œil qui n’est jamais très loin dès qu’il s’agit de poésie organique. Autant dire que ce disque est réservé à des oreilles averties (et consentantes). Car la littérature de ces zoziaux-là doit plus à Charles Bukowski qu’à Alexandre Jardin. Oubliez le politiquement correct donc. Musicalement, c’est dissonant, ça dézingue les folklores d’un peu partout, ça hérisse les poils, mais, surprise, ça donne très envie d’appuyer sur “repeat” à la fin.
LA ZIKABILO tient ses promesses et met le feu avec “Fuego”, second album de cette fanfare angevine qui manipule avec aisance les genres musicaux : jazz, musiques tziganes, rock, reggae… Créée en 1999 par quelques musiciens du groupe de chansons métissées Rutabaga, cette formation utilise les instruments traditionnels de la fanfare (trompette, trombone, saxophone, percussions) mais également l’accordéon ! Pour “Fuego”, La Zikabilo a fait appel au trompettiste cubain Barbaro Teuntor Garcia (Buena Vista Social Club, Afro Cuban All Stars). De cette collaboration, sont nés cinq morceaux aux rythmes endiablés, dont le style oscille entre tango argentin, chant flamenco, et musique cubaine festive. Presque exclusivement écrit en espagnol, cet album produit un son estival qui nous plonge avec légèreté dans les rues chaudes et animées d’un “barrio” sud-américain. Raphaèle Pilorge
La Ruda Grand soir Wagram 2009
LA RUDA sort le grand jeu avec la sortie de leur nouvel album “Grand soir”. Un esprit de fête, un élan de gaïeté et beaucoup de générosité se font sentir dès les premières notes. La Ruda qui a perdu son “salska” en route, n'en a pas pour autant laisser tomber les trompettes, comme le prouve le tonique et dansant “Go to the Party” qui annonce bien la couleur. Même si les souvenirs du ska ne sont pas très loin, le groupe a su se réorienter grâce à une orchestration plus étoffée et qui swingue d'autant plus. Un mélange habile des styles, allant de sonorités jazz en passant par celles plus rock voir, bee bop. Des arrangements mis en valeur par la voix chaude de Pierre Lebas, qui se pose agréablement sur des textes inspirés. Comme sur “Quand le réveil sonne”, aux propos très actuels, qui avec son gimmik en fera assurément un tube imparable. Jim Jolier
www.myspace.com/larudaofficiel
www.myspace.com/hungartthorsen
HUNGART THORSEN, aka Guillaume Goubier (ex-bassiste des Zetla & Earl), a posé son bouge musical à la croisée des chemins entre hip hop crasseux et folk poisseuse. De cette cabane branlante baptisée “Totally Fruitless Wandering” s’échappent des relents bluesy, rock, post rock, à travers ses planches poreuses, érodées par une rigueur electro et quelques parasites corrosifs. L’opus de 12 titres transpire de manière totalement assumée ses deux principales influences, Tom Waits et Buck 65. D’un côté, de touchantes mélodies viennent parfois chatouiller la corde sensible tandis qu’une voix outrancièrement rugueuse, à la façon du baroudeur précité, nous caresse à rebrousse-poil. De l’autre, on évolue sans gêne dans cet univers désabusé mais non sans groove propre au canadien. À la fois fin et brut, riche et dépouillé, ce premier essai annonce de belles transformations à venir. Ben Devillers
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Lola Baï
Sur la pointe des pieds
AP 2009
Melt
Fuyu no Hana
www.concretecurving.com
Concrete Curving Records 2009
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Le micro label nantais Concrete Curving nous avait habitué à des découvertes hors normes et sans frontières (du post rock à l’électronica en passant par l’expérimental et le jazz). Succédant à Huge, Altaï, Abraxas Projekt, des trésors de production artisanale, MELT ne déroge pas à la règle avec son premier album Fuyu no Hana qui sublime en quarante minutes quelques lumineuses errances musicales. Dans un discret écrin de touches électro (voire très digitales), se lovent les complaintes de sonorités très classiques (piano, cordes, hautbois…) et drones célestes. Cet improbable équilibre, cher à quelques références souvent saxones, génère des atmosphères ambiants et merveilleusement éthérées. Comme il se doit sur Concrete, l’ouvrage sera disponible en CDR, sérigraphié, en édition limitée à 100 exemplaires. Pour les retardataires, il restera le Myspace, mais posséder un tel objet procure autant de sensations qu’une expédition dans le grand Nord, alors… Cédric Huchet
www.myspace.com/christianmaucery
Des rythmes blues dans un univers musical plutôt baroque, une grande richesse mélodique sur des traditionnels du folklore américain : à la première écoute, c'est la surprise totale. Plaisir et étonnement aussi en entendant ces instruments un peu oubliés : entre les cascades de l'autoharp et l'exotique pedal steel guitar, CHRISTIAN MAUCÉRY nous gâte d'une guitare Dobro à faire danser des octogénaires déguisés en cow-boys. C'est du miel qui coule dans nos oreilles. Grâce à une parfaite maîtrise de ses instruments (n’oublions pas de mentionner l'harmonica) il nous sert un répertoire plus proche de la ballade que du blues rugueux et abrupte avec quelques textes en français aux accents poétiques d'une grande sobriété. On sent là un homme qui a atteint une certaine plénitude. À écouter plutôt sur une colline face à un superbe coucher de soleil. Gilles Lebreton
Christian Maucéry
Correspondance AP 2009
Molecule 5
A brand new hub IV AP 2009
Commencée en catimini entre potes, la collection “A Brand New Hub” commence à avoir sacrément de la gueule en accueillant aujourd’hui le fleuron de l’underground hexagonal et même international de la scène electro-postdub (appelons ça comme ça, hein…). Vous y découvrirez une palanquée d’artistes ignorés des grands médias et qui inventent pourtant sous vos oreilles un genre nouveau à la croisée des musiques électroniques, du post-rock, du hip hop et du dubstep. Du pauliste M. Takara (du groupe Hurtmold, sorte de réponse brésilienne à Tortoise) au Nantais Lena, en passant par le suisse Werner Hessler ou la Bordelaise Alice Keller, la musique de demain arrive d’ores et déjà chez vous. Qui plus est dans un packaging de toute beauté. Vous auriez tort de vous en priver… Kalcha
http://molecules5.free.fr
www.lolabai.com
Suite à un 1er maxi en 2006, LOLA BAÏ nous revient après trois ans de travail avec “Sur la pointe des pieds”, 1er album d’une nette maturité. Lola semble épanouïe, désinhibée, toujours quelque peu déjantée et surtout à l’aise dans ce qu’elle fait. Elle a trouver son style, sa patte ! Avec “Sur la pointe des pieds”, album aux couleurs de son parcours musical, elle travaille ce qui lui plait. Toujours accompagnée de son clavier, elle a su épurer sa musique et en garder l’essentiel, non pas parce qu’elle continue sa route seule, mais parce qu’elle a su trouver ce qui lui convenait, ce qu’elle voulait : chanter en anglais et en français, travailler ses vocalises, faire du cabaret… S’ajoute à cela des touches electro qui ne dénotent pas de l’ensemble de son répertoire, bien au contraire ! Emmanuel Bois
Mukta
Live
XAVIER MERLET a le verbe grinçant ! À la manière d'un Desproges, le sérieux est ironisé et le drôle rendu grave. Alors, bien sûr, les textes sont là pour le démontrer, mais, sachez que Monsieur Merlet transcende cette humour sur scène ; il joue la comédie comme peu de musiciens, en live mais aussi devant la caméra (jetez un oeil sur son site web construit comme celui du Grosse Théâtre, compagnie nantaise). Quel talent ! Et même les plus réticents à son répertoire y trouveront leur compte dans l'espièglerie, la bouffonnerie du Vendéen de souche. Côté musique, instrumentation bien plus fournie que par le passé. Cordes, cuivres, percussions, accordéon, batterie et guitare... sympathisent pour produire des mélodies assez fidèles à une tradition chanson française (Capable, 36), qui lorgne parfois vers une folk 70's (cf. “Télé”, “La Partie”). Pamphlet drôle et accompli, “Clacfricland” reste un échappatoire sincère et circonspect. Cécile Arnoux
Xavier Merlet Clacfric land
CPZ Records 2009
B.A. ba Music / Mosaic Music 2009
My Name is Nobody
L'Oeil du Sourd
The mentor
www.xaviermerlet.com
www.mukta-online.com
Des applaudissements chaleureux. Ainsi s’ouvre le live de MUKTA. Un disque en public enregistré les 22 et 23 septembre 2006 au Pannonica. D’emblée le chant de Michel Guay promet un road trip en apesenteur. Ce voyage ne sera ni jazz, ni world, ni électro. Non ! Mukta est plus que ça. Depuis sa création, le groupe dans lequel on retrouve, entre autres, le trompettiste Geoffroy Tamisier et le contrebassiste Simon Mary, a pris soin d’ignorer les frontières musicales. Ce live en est la concrétisation la plus élégante. D’autant que l’exercice de l’enregistrement en public peut se révéler glissant. Là, il est envoûtant. Les instruments ne semblent jamais toucher terre. Mukta est bel et bien un groupe d’aujourd’hui. Celui refusant de se laisser enfermer dans une quelconque case. Mukta est ouvert sur le monde. Sans jamais proposer un voyage formaté, balisé. Ici, plus qu’ailleurs, Mukta file en toute liberté. Arnaud Bénureau
L'Oeil du Sourd Vocation Records 2009
Vincent Dupas aka My NAME IS NOBODY revient avec un nouvel album. Si “The Mentor” a toujours le regard perdu vers le grand ouest américain, on ne peut lui nier une plus large ouverture musicale que le folk épuré auquel il nous avait habitués. L’électricité et les quelques musiciens invités (Berg Sans Nipple, Santa Cruz…) lui confèrent même parfois des faux airs de Calexico postrock. Or, si on a très souvent comparé le Nantais au barde barbu Will Oldham, on pense cette foisci davantage à l’album “North Star Deserter” de Vic Chesnutt, enregistré avec les musiciens de Thee Silver Mount Zion et sorti sur le label Constellation. Bien sûr, la voix de Vincent Dupas n’a pas la grâce d’ange déchu de celle de Chesnutt… N’empêche, pour qui connaît ledit album, ça reste le plus beau compliment qu’on pouvait lui faire. Kalcha
Avec ce premier album, L’ŒIL DU SOURD confirme sa place de choix sur la planète du “Rock-Jazz Contaminé”. Les six musiciens (clavier, guitare, sax, batterie, violon et chant) évoluent dans un triangle sinueux des Bermudes qui aurait pour angle et sommet Lisa Gerrard, Magma ou encore King Crimson. Les sept titres de cet album sont constamment en proie aux ruptures rythmiques, à la folie vocale et harmonique, conduite notamment par les claviers et les cuivres. Le morceau “Deux trains valent mieux qu’un tu l’auras” s’envole vers une explosion sonore entêtante et haletante, qui réunit le jazz, les montées post-rock et l’énergie d’un rock progressif. Si “Un ?” peut parfois connaître des passages excessifs et précieux, il n’en reste pas moins que cet album, au son très réussi (et autoproduit !), trace un chemin plutôt dégagé et encourageant à l’ŒIL DU SOURD… Julien Nicolas
www.myspace.com/loeildusourd
www.myspace.com/mninmusic
Effervescence / Differ-Ant 2009
29
Voilà clairement un jeune trio biberonné au power rock de Dolly et autres Drive Blind pour faire court. D'un côté, un rock assez pop dans les mélodies (plutôt années 60’s/70’s), un poil skate, de l'autre une voix juvénile qui rappelle celle de Norman Blake (chanteur des Écossais de Teenage Fanclub), SUTCLIFFE élabore des compositions aux formats assez basiques mais très accrocheurs. L'ensemble sonne rock, un rock qui trouvera certainement plus d'identité avec le temps. C'est un premier disque qui révèle des bases déjà brillantes, une énergie rock adolescente ou ardente avec malgré tout un seul bémol sur le chant en français, rarement adroit dans la grande famille du rock. On ne leur en tiendra pas rigueur, la “Thérapie” saura être bénéfique. Cécile Arnoux
Party Ruiners
Sutcliffe
Ego Twister 2009
Larsen / StudioBleu Records 2009
Volume II,
Thérèse
Ça pourrait être pire
AP / L'Autre Distribution 2009
www.myspace.com/sutclifferock
www.egotwister.com
PARTY RUINERS Volume II est un vaisseau vraiment spatial de 23 titres de signatures d'Egotwister. Sous sa casquette électro, le label nous propose de voguer sur les planètes de l'acid, des mélodies 8 bits "mastersystemique" ou du rap nippon. Dans cette constellation, vous serez amené à déguster un civet de lapin coquin ou bien encore un mets germanique fouetté avec un rythme effréné. Sur la majorité des titres, le son est garage et sent bon la production maison. Farfelue, déroutante, la compilation pêche parfois par un minimalisme accru, mais garde un esprit résolument festif. Signalons le beau travail de Sammy Stein sur l'artwork (un dépliant aux motifs hallucinogènes à l'instar de la musique qu'il illustre). Le CD est en vente sur le net (où il y a également plusieurs albums en téléchargement gratuit). Les MP3, quant à eux, seront envoyés aux acheteurs du CD. Mickaël Auffray
Thérapie
Titi Robin
Kali Sultana l'ombre du ghaza
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Thérapire ? Effectivement, le pire n'est jamais sûr et les petites chroniques de la vie pulsionnelle composées dans ces chansons en témoignent. Vie intime, regard introverti et armes de la dérision composent cet album. L'inspiration y culmine dans des chansons douloureuses comme “Des nouvelles du petit”, où le piano d'Hugues Pluviôse pose un miroir de la déchirure, ou dans “Le pion” et sa terrible évocation du désarroi d’être au monde ; ici, la belle musique du guitariste César Priou et les violons de Delphine Coutant nous entraînent dans leur folle spirale. Du coup, un regret : un beau son mais l’absence d’un réalisateur pour cet album dont le ton est souvent juste, profond et touchant. Et même si notre besoin de consolation est impossible à rassasier (S. Dagerman,) THÉRÈSE s’y essait par les mots plus légers des “Dessins animés” qui attrapent les mythes par les cheveux ou de “Ça pourrait être pire” justement. Georges Fischer
À la première écoute “Kali Sultana” ne parait pas être d’une grande surprise. Il recèle pourtant d’une grande part de mystère, sans doute parce qu’il suscite le rêve, et peut être parfois, la nostalgie. On ressent un lâcher-prise et une part laissée à l’improvisation plus présents que sur les albums précédents. C’est un mélange de cultures et d’instruments, bouzouq, violoncelles, clarinettes et oud, pour n’en citer que quelques uns. Il ne s’agit pourtant pas que d’un carnet de voyages ou d’influences. Les textes, comme les mélodies, sont très beaux, entre méditation et échanges. Il en ressort une douceur, une humilité et une profonde émotion. Certains morceaux sont empreints de féminité, teintés de flamenco, de couleurs indiennes et de mélopées tziganes. Un album mystérieux et épicé, donc… Marie Hérault
www.thierrytitirobin.com
www.lesitedetherese.com
Naïve 2009
Coup de griffe ! FARNIENTE FESTIVAL : EXIL CONTRAINT PAR HÉLÈNE LE SAUX, PRÉSIDENTE DU FARNIENTE FESTIVAL PHOTOS : PIERRE KURCZEWSKI
En juin 2009, l’association le Sens du Poil, organisatrice du Farniente Festival, aurait aimé voir sa troisième édition se dérouler au bord de l'eau à Pornichet. La nouvelle municipalité de Pornichet en a décidé autrement : pas de renouvellement de subvention, pas de moyen logistique et obligation de quitter le territoire communal. Le Farniente Festival c’est quoi ? Sans chapelle à défendre, ni groupe à la mode à exhiber, le Farniente Festival revendique un esprit iconoclaste et volontiers aventureux. Le programme est composé de différentes générations de musiciens, aux personnalités fortes, qui ont un goût commun pour l’invention, l’engagement et l’indépendance. Le Farniente Festival veut simplement rendre hommage à la créativité, à la quête permanente de nouveauté dans un environnement particulier : le bord de mer. Les deux premières éditions n’ont pu se réaliser pleinement à la Pointe de Congrigoux, compte tenu d’une météo des plus exécrable, mais à Quai des Arts, espace culturel de Pornichet. Malgré ce repli, la programmation a été maintenue. Le Farniente Festival a su surprendre ses nombreux visiteurs, simples curieux ou avertis. Le long silence puis la salve d’applaudissements à la fin du concert de Marteau Rouge et de la danseuse butô Maki Watanabe démontre que les disciplines artistiques non-conformistes n’en sont pas moins populaires. De mauvais poil… Les représentants de la politique culturelle de la Ville ne comprennent pas cette envie simple de bénévoles de proposer un évènement mêlant plusieurs disciplines artistiques. La mairie préfère se cacher derrière une baisse de la subvention de la Carène (Communauté de Communes) pour ne pas renouveler la subvention et l’aide logistique au Farniente Festival. Puis les instances de la Culture de la Ville informent : “Nous ne sommes pas venus au festival, mais il ne correspond pas à l’image politique que nous souhaitons donner de Pornichet, votre musique est trop spécifique !” Spécifique ? Est-ce un tort ? Le Farniente Festival a proposé lors de ces deux éditions des artistes inclassables que trop peu de lieux diffusent, et a ouvert un espace de découverte, ce genre de manifestation n’existant pas sur la Presqu’île. Tel est le but du Farniente Festival : faire découvrir, partager, en dehors des sentiers battus et rebattus. Plus fort encore, l’adjointe à la Culture fait savoir à l’association par un courrier daté du 16 février 2009 : “[...] en toute hypothèse, nous n’autoriserons pas d’occupation du domaine public”. Quid du Farniente Festival ? La troisième édition du Farniente Festival, festival de “musiques libres et sentimentales” en bord de mer, est donc interdite par la nouvelle municipalité de Pornichet. Sensible à cette situation coercitive et rétrograde, l’équipe du VIP à Saint-Nazaire accueille, le 13 juin, la troisième édition du Farniente Festival en exil. L’adversité nous a rendu incisifs et joyeux, le Farniente Festival revient avec une programmation aussi éclectique et intense que les deux premières éditions. Musiques et plaisirs ! Infos et programmation www.farniente-festival.org / www.myspace.com/farnientefestival
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Playlists Ellen Bencina, rédactrice en chef de Pulsomatic MUDHONEY, Superfuzz Bigmuff, Sub Pop 1988 (rock grunge) “Ces guitares qui vont droit au cerveau (et dans la culotte !) ; énorme, indispensable, indémodable”.
DETROIT 7, Daruma 2009 (rock garage) “Sur scène, ce trio japonais est une pure tuerie. La chanteuse guitariste est folle furieuse avec un côté “très Stooges”. Et même si le disque ne dégage pas la même énergie, à découvrir impérativement avant le live pour pouvoir hurler en chœur. ”
THE VON BLONDIES, C’mon, C’mon, Sire 2004 (punk garage) “‘C’mon C’mon’, un putain de tube. Et sur scène, ce sont des vrais furieux et puis j’ai toujours eu un faible pour les chœurs, ce qu’ils ont toujours très bien fait.”
FRENCH COWBOY, Baby face Nelson, Havalina 2007 (pop rock folk) “Etudiante, j’étais très fan de la “sugar” pop des Little Rabbits ; jamais je n’aurais cru qu’ils opéreraient un tel virage rock. Un album bourré de tubes, des textes d’enfer, qui continue de m’émouvoir. ”
Antoine Quenet-Renaud, responsable de La Machine Folle TOM WAITS, Mule Variations, Epitaph 1999 (inclassable) “L’album qui marqua le retour du maître après presque dix ans d’absence. Un condensé de tout ce qu’il a fait de meilleur jusque-là : magnifiques ballades jazzy, délires blues-rocks et expérimentations en tous genres.
SAGE FRANCIS, A Healthy Distrust, Epitaph 2005 (rap) “Il fait partie de ceux qui continuent à faire évoluer le rap et à renouveler le genre album après album. Instrus variées et texturées, superbe flow, influences électros et incursions folk (avec la belle participation de Will Oldham sur un morceau).
HINT, Dys, Pandemonium 1996 (rock) “À défaut de pouvoir citer un nouvel album qu’on attend depuis bien longtemps, citons le dernier en date. Que dire si ce n’est que peu de groupes arrivent comme Hint à faire surgir de chacun de leurs morceaux des images aussi palpables.”
Maxime Bellanger, batteur/percussionniste de Mas Bajo MARACA VALLÉ, Tremendo Rumba, Warner 2002 (afro cubain) “Un album très réussi, un voyage au coeur de la musique afro-cubaine”.
MANOLITO Y SU TRABUCO, Para que baile Cuba, Generic 2001 (salsa) “Manolito c'est vraiment le mélange subtil de la salsa avec un côté pop”.
GRAND GROOVE ORCHESTRA, The Havana Sketches, AP 2000 (soul afro cubain) “Leur album enregistré à La Havane est un vrai régal, la rencontre du son des années 70 et des rythmes afro-cubains”.
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