Zôl Dossier :
n° 16 - printemps 2010 - gratuit
François Robin Nouvel R
Financer un projet dans les musiques actuelles
French Cowboy
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Borderline 3 4 6 8 11 12 14
Thierry Lépicier brèves Zôl Nouvel R le streaming François Robin Financer un projet dans les musiques actuelles 20 livres 22 French Cowboy 25 disques
Les Martins Pêcheurs
24 Rock’in Laval
31 Coup de griffe
Photo couverture : Zôl (Nicolas Wirrmann) Directeur de la publication : Vincent Priou Rédactrice en chef : Cécile Arnoux Ont participé à ce numéro : Mickaël Auffray, Jean-Jacques Boidron, Emmanuel Bois, Lucie Brunet, Benoît Devillers, Gilles Coucier, Cyril Coupé, Jonathan Duclaut, Eric Fagnot, Georges Fischer, Maëlle Fleury, Patricia Guyon, Marie Hérault, Cédric Huchet, Damien Le Berre, Gilles Lebreton, Pascal Massiot, Aurélien Moreau, Julien Nicolas, Benjamin Reverdy, Jérôme Simmoneau. Conception graphique : Christine Esneault, Julien Brevet. Impression : Imprimerie Chiffoleau Tirage : 13 000 exemplaires – Papier recyclé Dépôt légal : en cours Siret : 37992484800011 Tohu Bohu est une publication de Trempolino, 51 bd de l’Égalité, 44100 Nantes, et du réseau info-ressources musiques actuelles des Pays de la Loire : Tohu Bohu. Prochaine parution : juin 2010 Bouclage : 3 mai 2010
Le Magnéto
Le réseau Tohu Bohu coordination : Cécile Arnoux / T. 02 40 46 66 33 / cecile@trempo.com
CHABADA Jérôme [Kalcha] Simonneau Chemin Cerclère, Route de Briollay, 49100 Angers T. 02 41 34 93 87 / jsimonneau@lechabada.com / www.lechabada.com
BEBOP Emmanuel Bois 28 avenue Jean Jaurès, 72100 Le Mans T. 02 43 78 92 30 / crim@bebop-music.com / www.oasislemans.fr
FUZZ’YON Benoit Devillers 18 rue Sadi Carnot, 85005 La Roche-sur-Yon cedex T. 02 51 06 97 70 / ben@fuzzyon.com / www.fuzzyon.com
LES ONDINES Éric Fagnot Place d’Elva, 53810 Changé T. 02 43 53 34 42 / pole-ressources@wanadoo.fr / www.lesondines.org
TREMPOLINO Lucie Brunet 51 bd de l’Egalité, 44100 Nantes T. 02 40 46 66 99 / lucie@trempo.com / www.trempo.com
VIP Julien Nicolas Base sous-marine, bd Légion d’Honneur, 44600 Saint-Nazaire T. 02 40 22 66 89 / jnicolas@les-escales.com / www.les-escales.com
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LÉPICIER DU COIN
©DR
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thierry lepicier
PAR KALCHA
Depuis une bonne quinzaine d’années, Thierry Lépicier multiplie les initiatives pour permettre aux Angevins de se rencontrer en musique. Aujourd’hui, derrière le zinc du T’es Rock Coco, son café-concert dans le quartier de La Doutre, Thierry revient avec nous sur son parcours atypique, finalement guidé par la passion de la guitare. “À la naissance de mon fils, en 1986, je me suis dit que je devais faire quelque chose d’important pour moi, dont je serais fier. J’ai donc décidé d’essayer de jouer de la guitare de manière professionnelle. Depuis l’âge de 14 ans, après avoir vu Lou Reed en concert pour sa tournée ‘Rock‘n’Roll Animal’, ma guitare me suivait partout et je mourrais d’envie de monter sur scène moi aussi.” Thierry Lépicier ne commence pourtant pas sa carrière en rock star décadente. Abandonnant sa profession d’artisan/commerçant, il décide d’étudier à fond le flamenco aux côtés du guitariste André Charbonneau et voyage en Espagne pour s’imprégner de la culture. Au bout de quelques années, il sent qu’il aura du mal à évoluer dans ce style musical en Anjou, faute de combattants. En 1995, il croise alors un drôle d’oiseau peintre et accordéoniste du nom de Christophe Bell Œil. Humainement et artistiquement, la rencontre s’avère fructueuse. Le groupe Bell Œil bousculera la chanson française pendant dix ans, jouant sur toutes les grandes scènes hexagonales et recevant les louanges de ses pairs (Noir Désir, Têtes Raides, Mano Solo…). “Quand j’ai décidé de m’investir dans Bell Œil, j’ai tout de suite imposé à Christophe des objectifs précis. Je ne voulais pas juste faire un truc qui resterait dans son coin. Je voulais jouer, essayer de pousser ce projet au plus loin, réaliser mon rêve de gosse. On avait donc besoin d’un cadre administratif. J’ai alors décidé de réactiver l’association Musique Caméléon, qu’on avait créée trois ans plus tôt pour faire tourner un groupe dans lequel jouait André Charbonneau. Petit à petit, d’autres groupes d’Angers sont venus me voir pour savoir s’ils pouvaient utiliser la structure Musique Caméléon pour de l’administratif, du tour, du management… C’est devenu un outil dont chaque acteur pouvait se servir selon ses besoins. Je n’ai jamais eu envie d’en faire un truc pro, avec une ambition commerciale. Je préfère que ça serve de marchepied pour des groupes en développement, de proximité.” Le mot est lâché. Proximité. Thierry est amoureux de son quartier, La Doutre, sur l’autre rive de la Maine. Il se démènera pour que les Angevins traversent le pont en proposant des concerts dans des endroits insolites (restaurant, boîte de nuit…), organisant une vraie Fête de la Musique qualitative dans le quartier (comprendre : sans reprises approximatives de Téléphone ou Nirvana…). “J’adore La Doutre, c’est vrai. C’est un petit village, collé au centre-ville. Tout le monde se connaît. J’habite à 10 mètres du bar, et je ne peux pas faire le chemin sans m’arrêter plusieurs fois saluer quelqu’un dans la rue.” En 2005, il décide carrément de monter un café-concert dans La Doutre : le T’es Rock Coco est né. Quatre ans plus tard, l’endroit est devenu un rendez-vous incontournable et bigarré. Les gens du quartier y croisent les publics metal, chanson, punk, électro, jazz, blues venus pour les concerts. Et tout ce petit monde se mélange pour le bœuf blues hebdomadaire qui connaît un surprenant succès depuis deux ans. Thierry n’a d’ailleurs pas abandonné la guitare, puisqu’il a lancé un groupe avec son fils, Father & Son, mélangeant blues vintage et hip hop. “En 1977, je vivais en Angleterre en pleine explosion punk. C’était énorme. Mais je me souviens que j’achetais déjà des disques d’Albert Collins à cette époque car je le trouvais super punk à sa manière lui aussi. Finalement, j’adore les musiques expressionnistes, qui hurlent leur douleur, qui parlent des gens.” Infos www.tesrockcoco.com
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programmation éclectique, chaleureuse et hautement musicale. Direction l'Afrique de l'Ouest avec Bakh Yaye (Sénégal/Toulouse), Dramane Dembélé et Nouza Band (Burkina/Paris), Wongaï (Guinée/Nantes) et Kodouma (Nantes/Mali). www.tambour-battant.org
Alors que s'ébauchait la chronique de son album pour ce Tohu Bohu (cf. p.29), Mathilde nous quittait le 25 janvier dernier. Via ces premières lignes, nous rendons hommage à une artiste brillante, déterminée et combative. Sa musique est bien vivante, déjà 1.000 exemplaires du disque vendus, un disque magnifique que nous vous invitons à découvrir. Salut Mathilde ! http://www.myspace.com/ mathildeenjuillet Les bénéfices des ventes du disque sont reversés à la Ligue contre le Cancer.
Troisième festival du genre, Les Folies Tapping sera l'évènement Stick Chapman et guitare tapping ces 13, 14 et 15 mai du côté de Trentemoult à Rezé (44). Porté par le collectif 4par2, concerts (parmi lesquels les plus grands du genre : Jim Lampi, Ron Baggerman, Preston Reed...), masterclass, expos, avec une militance artistique, mais aussi écologique via des moyens de réduction des déchets. www.folies-tapping.com
Les Vendéens de Strollad tirent leur révérence ! Avec la sortie du DVD “Un dernier pour la route !” (qui contient un DVD live et un CD audio live), ces rockeurs enflammés mettent un terme à dix ans de musique qu'ils considéraient comme festive, énergique et communicative.
La Nuit Mandingue se déroule le samedi 20 mars à la Maison de Quartier de Doulon (Nantes) avec une
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Mathias Delplanque, connu aussi sous le nom de Lena, vient de créér un label dédié aux musiques électroniques et à l'art sonore. Son nom :
Bruit Clair. D'un coup d'un seul, trois disques (cf. chroniques p.26) de Mathias et de Lena. D'autres noms figureront sur le catalogue en cours d'année... www.bruitclair.com
High Command Records est un tout nouveau label associatif basé à Cholet. Et la toute première référence, n'est autre que le dernier album d'Ichabod Crane. Mais en vinyle s'il vous plait. www.myspace.com/highcommandrec L'AMMD, label d'Arts Eklektiks Libres, basé au Mans, annonce la sortie imminente de SOMA, premier opus de Lemurya (Nantes), produit intégralement sous OS et logiciels libres. www.ammd.net
“Strange Things” ? Un des plus gros titres de John Holt et 1er riddim réadapté par le label Irie Ites Records en version instrumentale avec la crème des musiciens jamaïcains : Mafia & Fluxy, Bongo Herman et Earl “Chinna” Smith. On y retrouve les chanteurs : Sizzla, Chezidek… Sena, Lorenzo… Les vétérans John Holt et Trinity… Et les ligériens Don Pako et Keefaz. Disponible en CD, 45 tours. www.irieites.net
52 reprises de chanson française en 2010, voilà le concept inventé par Françis
et ses peintres avec Philippe Katerine. Enregistrés au Life de Saint-Nazaire, 22 morceaux (dont “Belle-Île en mer”, “La Boîte de Jazz”, “Le Loup, la Biche et le Chevalier” et “C'est Lundi”) sont d'ores et déjà en écoute gratuite sur www.katerinefrancisetsespeintres.com. Les trente autres serons mis en boîte en avril prochain.
lièrement l'accent sur les stratégies liées au développement durable et solidaire. Infos : 06 71 26 00 76 / damien@trempo.com L'association nazairienne Les Martins Pêcheurs développe depuis plusieurs années déjà le projet Ram Dam. Il s'agit d'une compilation de groupes locaux, diffusée par la suite aux programmateurs et professionnels des musiques actuelles. Les groupes sélectionnés joueront au VIP (Saint-Nazaire) le 8 mai et au Magasin à Huile (Couëron) le 26 mars. La sélection 2010 : Joke Hurts, Buffet Froid, Belles de jour, West Killer, Hoperckut, Atrocia et Manon. www.myspace.com/compilsaintnazairerd5
En attendant l'album, les six Angevins de Sens of Luna (parmi lesquels un certain P. Ianigro...) délivrent un maxi envoûtant, aux croisées du trip-hop, des musiques tribales et de l'électronique. Projet polyglotte sacrément bien ficelé. www.myspace.com/sensofluna Délivré par les universités d'Angers et de Nantes en partenariat avec Trempolino, un nouveau diplôme
universitaire “Direction de projets culturels : territoires, innovation et coopération” ouvrira en octobre 2010. Cette formation (demande de niveau 1 en cours) a pour objectif l'élaboration de projets dans le contexte d'une approche renouvelée de la culture, mettant particu-
La Baraka Prod, label et organisateur de concerts à Allonnes (72), présente la 2e édition de son festival hip hop Crèv' La Dalle du 6 au 15 mai sous l'angle d'un travail de mémoire, d'une fête populaire, de concerts, d'un débat… Côté développement d'artiste, d'ici fin 2010 ils annoncent la sortie du 2nd album de Youkoff.
En attendant, découvrez fin février le titre “Le pire est à venir”… www.myspace.com/labarakaprod
(WE ARE WONDERFUL), trio garage/comédie nantais, vient de sortir son deuxième 45t enregistré par Lo'spider (feu 3e Magnetix !). Lors de son concert à L'Olympic début février, le groupe a entamé une collaboration vidéo avec Charlie Mars. Le trio devrait sortir un album format vinyle fin 2010. À surveiller de près ! http://www.myspace.com/wa wwearewonderful Depuis plusieurs mois déjà, l'association Phonic Brousse, basée à Assérac (44), œuvre au développement artistique et culturel de projets locaux. Les activités de l'association se scinde en deux parties : un label local de musique équitable (Gurval, Belles de jour, Antifiasco) et l'organisation de soirées, concerts, spectacles, accessibles à tous grâce au chapiteau du collectif Chap&Libres. www.myspace.com/phonicbrousse
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zol ^
SCHIZOPHRÉNIE ÉLECTRONIQUE
PAR JULIEN NICOLAS PHOTO : DR
Dans le fourmillement des musiques électroniques, Zôl a trouvé un espace artistique singulier, à la mesure de sa démesure ! Après un premier album remarqué (“Zoly Ordinaire”, 2007), il revient avec une série de trois maxis vinyles à paraître en 2010, dont le premier : “Imposteur” annonce sans détour une électro-abstract-break-dancefloor assumée et terriblement stimulante ! Tu as préféré une sortie de trois maxis vinyles à une sortie de CD plus traditionnelle. Comment cette démarche est-elle née ? On a eu l'idée en parallèle avec le label Jarring Effects (JFX). On s'est dit qu'une sortie “album”, c'était un coup d'épée dans l'eau vu l'état actuel du marché du disque... Du coup, on a trouvé ce terrain d'entente, qui me paraissait bien plus pertinent. Avec des sorties de maxis échelonnées dans l'année, tu peux travailler à chaque fois une identité nouvelle, je trouvais ça plutôt marrant. Si j'ai le choix et surtout si les gens sont en demande, je pourrais éventuellement sortir les trois EP sous forme d'album. Mais si ce n'est pas le cas, je peux malgré tout continuer à sortir de la musique ; c'est ça que je trouve intéressant. Puis, ça offre également une actualité plus régulière, ce qui me permet de continuer le live. Avec “Imposteur”, il y a vraiment une approche ludique, davantage “dancefloor”... Je savais que des choses allaient vraiment changer
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quand j'ai commencé ce disque-là. Je me suis attelé ces dernières années à faire de la musique qui danse. Mais j'ai toujours eu un propos ludique et sans cynisme. C'est vrai qu'on est vraiment dans une musique de “club”, mais t'as toujours un truc qui vient briser cet équilibre-là en permanence... Pas le temps s'installer dans un riff... Je casse les cycles, ça déstabilise. Les danseurs, ils ont horreur de ça ! On est presque dans des formats punk ! Alors que dans la musique électronique, tous les formats se ressemblent, et ça c'est une vague plaisanterie dans laquelle je ne veux pas tomber. Tes productions croisent souvent plusieurs couleurs : des teintes noise, hip-hop, abstract... La fusion m'a toujours intéressé. J'ai joué dans plusieurs groupes (funk, metal, etc.). Mais j'ai vraiment eu besoin de faire ce projet seul, pour aller au bout de la névrose ! Voir si j'avais quelque
chose à dire... Sur ce disque, j'ai donné une place importante aux collaborations et aux rencontres artistiques. Par exemple, j'ai rencontré le groupe Hoz ; ce sont des mecs du metal hyper violent, on dirait du Dillinger Escape Plan... Ils sont trois, c'est hyper carré, et ils envoient un foutoir monstrueux ! Ils ont eu l'ouverture nécessaire qui nous a permis de travailler ensemble. Du coup, j'ai pris un a cappella et j'ai fait un morceau avec. Même chose avec Foreign Beggars ; suite à une rencontre et une envie de bosser ensemble, le groupe m'a offert un a cappella. Comment envisages-tu la tonalité musicale des deux prochains EP ? Dans la lignée du premier ? Je pense effectivement qu'il y en aura un deuxième un peu dans l'esprit, mais avec un son qui diffère du premier et de ses vibrations hardcore. Je ne connais pas encore la direction exacte. J'aimerais pour le troisième EP partir sur des harmonies contemporaines, assez modernes, voire filmiques... Des passages à la limite de Steve Reich ! Si JFX me suit sur un projet comme ça, un peu ambiant, ça sera vraiment très classe ! Mais l'idée artistique du projet sera complète une fois les trois EP finis ! En parallèle de cette évolution musicale, est-ce que ta manière d'écrire, de composer a évolué elle aussi ? Oui. Pour cet EP, il a fallu que j'arrange ce que je recevais pour essayer d'en faire quelque chose. C'était la première fois que j'étais dans cette démarche-là. Pendant longtemps, j'écrivais des harmonies que je retravaillais via les samples... Maintenant, c'est beaucoup plus instinctif ! Je me suis rapproché de la synthèse électronique, même si j'utilise encore beaucoup de samples, ça fait respirer mon set ! Je pense que ma musique est finalement suffisamment radicale pour qu'un mec puisse dire : “T'as deux fois le même son de synthés, mais ça me pose pas de problème”. Un guitariste, on va même l'identifier par son son ! Finalement, ça ressemble un peu à un album de rock, avec son identité sonore... Tu as commencé à tourner à l'étranger en 2008 et 2009, avec notamment plusieurs dates au Mexique au mois de novembre. Tu peux nous raconter en quelques mots cette expérience ? Finalement, je l'ai joué un peu comme ici. J'avais une petite appréhension, car je me suis retrouvé dans le réseau des alliances françaises. Il se trouve que là-bas, j'ai été très bien accueilli. J'ai pu jouer
dans des lieux underground à Mexico, des clubs où j'ai pu réellement me lâcher ! C'est une zik qu'ils n'ont pas franchement encore digérée ; le seul truc qu'ils connaissent de cette musique-là, c'est Justice! Mais t'es plutôt bien vu en tant qu'artiste électro français. Quand je commençais à jouer, la réactivité était là. J'ai pu faire comme d'habitude : jouer longtemps et m'amuser ! Et ton prochain live en 2010 aura quelle forme ? J'ai déjà testé sur scène les morceaux qui sortent sur le maxi. Mais je vais les rejouer sous une nouvelle forme, maintenant qu'ils sont aboutis en termes de structures. Je suis en train de fabriquer un set où je les insère petit à petit. Je fais pas un nouveau set live, je le fais évoluer. Je vais peut-être même “chanter”, pour avoir justement une accessibilité un peu rock'n'roll avec les gens, mais ce n’est pas encore fait. C'est en projet, et je me dis que ça pourrait être marrant !
Zôl Imposteur Jarring Effects/Discograph 2010 Après “Zoly Ordinaire”, son premier opus sorti en 2007, Zôl revient avec “Imposteur”, premier maxi 45T d'une série de trois. Cet activiste de la scène électro-break construit depuis plusieurs années un discours ludique, parfois ironique, souvent riche et complexe. Le garçon ne laisse aucune place aux concessions, chose rare dans les musiques électroniques. Il a su garder son insolence, son recul, sa folie et son radicalisme pour produire un son déroutant ; entre des beats sans ambiguïté d'une efficacité redoutable et un dancefloor assumé, Zôl s'amuse à déstructurer chacun de ses morceaux avec de furieux breaks, un son hardcore, des voix surpitchées... Ajoutée à cela la qualité remarquable de la production de cet EP, “Imposteur” est une bombe au bord de l'explosion ! Un royaume pour la folie, les addictions, les névroses en tout genre ; Zôl est tout sauf formaté, et c'est ça qu'on aime. Julien Nicolas
Infos www.myspace.com/zolbox www.jarringeffects.net
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nouvel r
THE NEW KINGS OF RAP CÉ-FRAN
PAR BEN DEVILLERS PHOTO : PHILIPPE BERTHEAU
Ca , plane pour eux ! Avec un nouvel album, “Tout va bien”, petite pépite hip hop loin des clichés du genre tant sonores que textuels, un clip déboitant signé Kourtrajmé, une nomination au Fair et une nouvelle création scénique, 2010 s'annonce sous le signe de Nouvel R. Racontez-nous ce qui s'est passé depuis la tournée “Hybride” [ndlr : du nom du premier album du groupe sorti en 2008] ? Guitz : À la fin de “Hybride”, on a enchaîné sur Hip Hop Kanou [voir Tohu Bohu N°14], l'enregistrement d'un 5 titres et une petite tournée en France pour ce projet. Puis a débuté la composition de “Tout va bien”. Binzen : L'idée de repartir sur un album remonte à août 2008. On a commencé à écrire les morceaux pendant “Hybride”, puis à maquetter dès janvier. L'enregistrement de l'album a été fait en juin et le mixage pendant l'été. Les répètes pour l'adaptation scénique ont commencé, puis on a enchaîné septembre et octobre en résidence de création au Fuzz'Yon et à la Vapeur à Dijon. Puis il y a eu la nomination au Fair qui nous a donné accès à pas mal de choses, comme des formations au studio des Variétés, avec notamment Franco Manara (Spoke Orchestra), ce qui nous a permis de peaufiner encore le set. Ça nous a ouvert de nouveaux horizons techniques, administratifs mais aussi permis de rencontrer des professionnels…
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Ça a donc été plus qu'un simple coup de promo alors ? Paï-Paï : L'aspect promotionnel c'est la cerise sur le gâteau. Car d’un point de vue financier, le Fair nous a aidé. Du coup on a pu développer des idées autour de la création scénique qui auraient été difficiles à mettre en place autrement… Le nouvel album est plus recentré, plus court que le précédent, et dégage une constance pas forcément flagrante auparavant. G : On avait envie, en effet, de sortir un album plus cohérent. Faire appel à Vincent Erdeven de Zenzile en tant que réalisateur du disque et arrangeur sur certains titres nous a apporté un avis extérieur qui a permis cette cohérence. Justement comment définiriez-vous “Tout va bien” ? PP : Je dirais homogène. “Hybride” était la photo de 3 ans de scène avec la rencontre de plusieurs univers, plusieurs façons de travailler. Vu que l'objectif était de trancher, il y a plus d'homogénéité
dans les musiques, grâce en effet au travail de Vincent. Pour les textes, le parti pris était plutôt grave mais avec une bonne dose d'ironie. B : Autant sur “Hybride” les contenus étaient un peu généralistes, autant là on a voulu aborder les choses de façon plus rentre-dedans, avec une touche d'humour noir. On éprouve beaucoup de plaisir à écrire des morceaux corrosifs et même plus de facilité dans cette approche de l'écriture. G : On a privilégié des couplets plus courts, parce qu'à quatre MC, on se retrouve vite avec des morceaux très longs. Le message s'en retrouve d'autant plus efficace. En ce qui concerne les thèmes de “Tout va bien”, j'imagine qu'on y parle du pays des Bisounours… G : Oui voilà, l'euthanasie chez les Bisounours par exemple… (rires) B : Aujourd'hui on nous donne un packaging où tout va bien, tout est beau, tout est rose. Il suffit de gratter un peu pour voir que le décor n'est pas si rose que ça, que les problèmes de fond existent. Avec “Tout va bien”, on cherche à dépasser l'enrobage qu'on nous vend et l'esprit de “winner” qui va avec. Tout ça donne l'impression qu'un cap a été franchi pour Nouvel R. B : Le gros truc, c'est d'avoir développé de nouvelles pistes de travail. On se cherchait mais on s'achemine vers une méthode, un autre kif de la création. Cet album nous a vraiment réconciliés avec le studio. PP : Nouvel R avait jusqu'à maintenant la réputation de groupe de scène. A présent on a approfondi la connaissance du studio qui nous manquait. Cette évolution a donné envie de dépasser le côté basique du concert pour se diriger vers une proposition plus séquencée, un show avec un fil conducteur, des enchaînements précis, bref, une vraie histoire à raconter… Justement la scène, qu'est-ce qui se présage dans les mois à venir ? PP : Une tournée de printemps qui se profile à partir de février, avec une douzaine de dates. B : Ca commence doucement, on attend plus. On est un groupe qui, à l'échelle nationale et même régionale, doit encore faire ses preuves. Avec cet album, on souhaite franchir un autre cap et obtenir la reconnaissance du public. Vous avez évoqué tout à l'heure le tournage d'un clip avec les fameux Kourtrajmé. Comment en êtes-vous venus à travailler ensemble ? B : Bizarrement, c'est grâce au Mali que la rencontre a eu lieu. Chanana, un des membres de Hip Hop
Kanou qui est aussi vidéaste, a monté Kourtrajmé Afrika, en compagnie d'un de ses amis d'enfance, Toumani Sangaré (ndlr : un des réalisateurs de Kourtrajmé avec Romain Gavras et Kim Chapiron). On a rencontré Toumani sur une des dates de Hip Hop Kanou. On lui a proposé un skeud avec 5 morceaux qu'on pensait exploitables pour un clip. Il a choisi Masta qui s'est trouvé être le titre sélectionné par le Fair pour la mise en avant du groupe sur leur compil. Des rumeurs font également état d'un featuring avec un groupe américain passé par la scène des Trans… ? G : Oui, avec Solillaquists of Sound ! Encore une super rencontre, tant du point de vue humain qu'artistique. Et en effet, on a enregistré un morceau, on espère qu'il sera diffusé. On a aussi deux dates ensemble, dont une au Chabada pour la sortie de l'album, dans le cadre du festival Emergences. L'occasion d'entendre le titre sur scène ! Et la sortie de l'album ? G : Elle est prévue le 15 mars 2010. On a aussi un deuxième clip actuellement en préparation sur le morceau “La Machine”, que l'on doit réaliser avec Les Films du Réel. Mais nous n'en dirons pas plus !
Nouvel R Tout va bien Yotanka/Discograph 2010 Quand pour Nouvel R “Tout va bien”, on se doute que le pied-denez n'est pas loin. Mais si l'analyse sociétale est cinglante, que l'on cause des intolérances intégristes, des délocalisations, du voyeurisme outrancier du web, du dérèglement climatique et du rapport à la mort, le ton ne tombe ni dans le défaitisme ni dans l'écueil du discours moralisateur. Au contraire, l'angle d'attaque est celui du quidam certes sans concessions, mais qui ne renie ni ses défauts, ni son humour. Dans la forme, Nouvel R propose un hip hop décloisonné, aux références qui lorgnent hors des frontières : le son développe l'aplomb d'un The Streets des débuts, l'entrain des Puppetmastaz, la noirceur et l'envoutement d'un groove synthétique à la Dizzee Rascal, semant ça et là infrabasses écrasantes et “poum-tchacks” cinglants. Ben Devillers
Infos www.nouvelr.fr
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borderline PAR BEN DEVILLERS PHOTOS : DR
FAIRE BOUGER LES LIGNES
Une chose est sûre, en Vendée, ce ne sont pas les groupes qui manquent et si on fait l'abstraction (certes douloureuse) de la rareté des lieux de diffusion en général, on en vient à contempler le désert vaste et plutôt monotone du secteur des développeurs artistiques. Comme des chanteurs abandonnés… Mais bonne nouvelle, l'oasis est proche, Borderline est né. Avant la naissance, il y a l'union, c'est donc le rapprochement de deux structures en place qui a engendré l'association Borderline : 33 Tours productions, société portée par Julien Scius, spécialisée dans le booking, le management ainsi que dans l'orga et la régie évènementielle d'un côté. De l'autre, Sonar Communication, SARL gérée par Mickaël Levy et Raphaëlle Templier qui édite le gratuit Le Sonar, mensuel devenu en 3 ans incontournable sur l'actualité musicale, culturelle et la valorisation des acteurs du “8-5”. Le but de l'asso n'est évidemment pas d'aller secourir Johnny au milieu de son désert affectif, il s'agit bien de “soutenir les acteurs de musiques actuelles sous toutes leurs formes”. En l'occurrence, les acteurs sont ici des crews vendéens, voire régionaux, voire même extra-régionaux. Au total, 11 projets artistiques sont actuellement défendus par la jeune asso. Comment s'est faite votre rencontre et comment est née l'envie de travailler ensemble ? C'était fin novembre dans le cadre de la préparation du tremplin Sonarmix#1 où Julien (33 Tours productions) s'était proposé pour donner des conseils au vainqueur... De notre côté (Le Sonar), nous avions depuis un moment, envie de nous investir dans l'accompagnement d'artistes puisque nous étions souvent sollicités. Plutôt que de faire les choses chacun de notre côté, on a décidé d'unir nos compétences et nos réseaux pour créer cette nouvelle structure. Le Sonar continue son activité de magazine, les artistes de 33 Tours basculent, pour la plupart, chez Borderline. Quelle ambition avez-vous pour les groupes que vous accompagnez ? Notre activité première est le développement d'artistes : structurer le groupe, trouver des partenaires, organiser la vie du groupe et son projet, développer sa notoriété, sa com', sa diffusion... Le développement concerne les artistes que l'on a choisis sur une base artistique et humaine. Le travail effectué ensemble se fait en respect de la charte des développeurs d'artistes du Pôle* dont nous sommes co-signataires. Notre ambition est d'amener les groupes à moyen et long terme vers la professionnalisation. L'idée est de poser les bases d'un développement et de diriger ensuite les groupes vers d'autres structures adéquates en fonction du projet. Pourquoi ce choix du statut associatif ? Le statut associatif est le plus approprié pour les activités que nous proposons dans une démarche économique et solidaire. Il nous permet de bénéficier de possibilités de subventions et d'emplois aidés afin de pouvoir pérenniser notre activité et la développer. Actuellement, le roster de Borderline comprend : Cabadzi, Guerilla Fresca, Gentille Famille, Epsylon, Ozanamix, Sutcliffe, Outrage, La Shéké Groove Station, Goldfish Don't Bounce, West Indies Desire et Soma (en accord avec Arachnée Production). *Charte rédigée dans le cadre du chantier des développeurs d'artistes du Pôle de coopération des acteurs musiques actuelles en Pays de la Loire auquel l'asso Borderline est adhérente.
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Infos et contact www.myspace.com/borderlineassociation
Alors que les ventes de disque continuent invariablement leur chute et que la musique téléchargée légalement ne semble pas vouloir décoller, un nouveau “Messie” semble faire son apparition à l'horizon du web : le streaming. Dans la jungle des plateformes de streaming un nouvel arrivant fait parler de lui : Spotify. Petit rappel pour les novices de l'internet. Le streaming s'oppose à la notion de téléchargement. Il utilise un mode de diffusion en “direct” et permet à l'internaute de ne stocker provisoirement que les données sur son ordinateur. Cette différence majeure est à l'origine de nombreux sites offrant légalement un accès à la musique. Les plus connus de ces plateformes sont aujourd'hui Deezer ou Spotify (et la plus récente : Wormee), mais bien d'autres existent. L'exemple de Spotify est des plus éclairants dans cette nouvelle marche que l'industrie musicale est en train de franchir sur la voie de la dématérialisation. Créée en 2006, cette plateforme rassemble légalement des millions d'albums et les rend disponibles aux utilisateurs via son logiciel. Elle génère doublement des bénéfices, grâce à la publicité du service gratuit, mais aussi aux abonnements du service payant. Alors que la formule gratuite est simple d'utilisation mais suppose d'être connectée en permanence et d'accepter la présence “envahissante” des pubs. La version payante offre de très nombreux avantages : disparition des pubs justement, portabilité sur plusieurs marques de smartphone.... Spotify repose sur le principe de listes de lecture, construites par l'utilisateur au fur et à mesure de ses envies et de ses découvertes musicales. La force du concept est de permettre l'exportation des listes de lecture pour les faire partager à ses amis ou au monde entier. Ceci permet la création de véritables réseaux sociaux centrés exclusivement sur l'échange de ces mêmes listes. Parmi les plus actives du net, on trouve Spotyshare ou encore Spotifylinks. Ces sites recensent des centaines de listes prêtes à l'emploi, parmi lesquelles on pourra retrouver aussi bien le top album 2009 qu'une compilation des 100 meilleurs albums de funk... C'est une nouvelle façon révolutionnaire de partager et de découvrir la musique. Fini le collectionneur de CD ou de MP3. Place à l'instantanéité et à l'accès permanent à des millions d'albums. Spotify va encore plus loin en permettant également de s'amuser à plusieurs autour de l'élaboration de listes de lectures participatives. Chaque “invité” peut l'enrichir pour faire découvrir à ces amis le dernier tube incontournable.
Spotify bouleverse le monde du streaming
PAR CYRIL COUPE
La force de ces nouvelles propositions repose sur la richesse de l'offre et la diversité des utilisations possibles. La plateforme Spotify propose un nouveau rapport entièrement dématérialisé à la musique. Elle offre également une source de revenus complémentaires pour les maisons de disques et les artistes. Si ce marché est pour le moment embryonnaire, il est appelé à se développer fortement dans les années à venir. Cependant, l'industrie musicale doit se poser les bonnes questions pour ne pas reproduire les erreurs du passé qui rendraient ce nouvel outil aussi peu attractif que le CD. www.spotify.com www.wormee.com www.spotifylinks.com
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francois robin ,
UN VEUZOU FOU
PAR CÉCILE ARNOUX PHOTO : G. BASSOMPIERRE
Fils de son père, qui en jouait déjà, François Robin sonne de la veuze, comme on dit, dès l'âge de 7 ans. Instrument disparu au début du XXe, la veuze réapparaît via Thierry Bertrand, musicien de La Garnache (Nord Vendée). En 1976, il fonde l'association Sonneurs de Veuze. François Robin en sera le salariéenseignant pendant huit ans. Une création avec Trafic Sonore au Nouveau Pavillon (et son départ de Sonneurs de Veuze qui n'a plus les aides pour le salarier) va l'amener à pratiquer davantage la musique. Qu'est-ce qui t'intéresse dans la musique trad et dans l'idée de jouer de la veuze ? La façon de jouer de la veuze, et c'est bien le fondement des musiques traditionnelles, est uniquement orale. L'accès à l'instrument est immédiat, il n'y a pas de solfège avant, pas de musique écrite. C'est vraiment cet aspect-là qui m'a fait choisir la veuze. Et puis, il y a le fait d'avoir débuté avec des adultes et d'avoir, dès 13 ans, joué en public, sur des festivals, notamment Monterfil et Les Tombées de la Nuit. À cette époque, j'ai aussi enregistré un disque pour le Chasse-Marée Ar Men. Je pense avoir trouvé ma voie, celle de jouer de la veuze différemment, et de ne pas seulement reprendre un répertoire de musiques traditionnelles. Faire sonner l'instrument à ma manière, l'exploiter autrement, explorer son univers sonore. Qu'est-ce que l'instrument a de si particulier techniquement ? La veuze est une des soixante cornemuses,
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la cornemuse étant la famille des instruments à poche. C'est un instrument puissant, lead, assez plaintif, qui n'a pas beaucoup de références. La veuze est limitée, tu ne peux pas jouer de musique harmonique, liée à la tonalité et au chromatisme. Tout n'est pas bien dans le répertoire trad, mais j'aime le côté épuré, simple, efficace, que l'on retrouve souvent dans les mélodies anciennes, et aussi dans les musiques du monde. Comment intègres-tu les machines dans ton travail et que cherches-tu à créer ? Trafic Sonore me permet d'utiliser les éléments de l'instrument différemment : la poche, le bourdon, le chalumeau... J'utilise les machines mais je m'adjoins aussi les services d'autres musiciens. Je pars toujours d'un élément, et je viens rajouter des thèmes dessus. Je mets parfois un son en boucle sans retraiter le son, parfois je le retraite. J'ai un rapport matériel avec la veuze en tant qu'objet, car mon prof Thierry Bertrand fabrique
aussi des veuzes. J'ai failli me lancer dans la fabrication à un moment. Et le travail avec des machines est justement une façon de refabriquer la veuze. Mais le travail avec les machines n'est pas systématique non plus. J'aime pouvoir travailler le timbre, mais pour le projet Les Allumés du Chalumeau, je les délaisse un peu. Comment vois-tu la musique trad via la veuze, et quelles sont ses possibles fusions ? J'ai profondément envie d'ancrer l'instrument aujourd'hui. Je crois être plus attaché à la veuze qu'au répertoire de musiques traditionnelles. Je ne suis pas un militant du terroir, de l'histoire, de la langue, des coutumes... Je préfère faire vivre l'instrument dans des répertoires actuels que dans des répertoires d'il y a cent ans. Via le collectif que nous avons monté suite à Nantes au Zénith, nous jouons du répertoire de l'Est, de la musique algérienne, chose assez nouvelle pour la veuze. Je travaille aussi avec Erwan Karavec, joueur de cornemuse écossaise, un répertoire de musiques improvisées. Alors, je ne me suis pas encore frotté au rock ou même au métal, alors que j'adore ces musiques. C'est d'ailleurs Sepultura qui m'a fait réécouter du trad à 15 ans, car ils avaient invité des indiens d'Amazonie à jouer sur deux morceaux de l'album “Roots”, et j'ai trouvé le mélange excellent. L'instrument doit avoir sa place, peu importe le style. Cela étant, il est plus facile d'intégrer la veuze dans des musiques pêchues que dans des musiques cool. Tu as moult projets : la Cie Atom, Le collectif Jeu à la Nantaise, Trafic Sonore. Comment gères-tu tout çà ? Tu as une priorité artistique en ce moment ? Je joue beaucoup, j'ai le statut d'intermittent, mais je joue aussi dans des projets purement trad, de musique médiévale qui me permettent d'avoir ce statut. J'ai aussi des remplaçants sur ces projets, ce qui me permet d'expérimenter d'autres choses à côté. Ma compagnie Atom me permet de monter des projets liés à ce que je veux faire artistiquement et de les faire vivre par moi-même. La priorité du moment : Les Allumés du Chalumeau avec Ronan Le Gourierec joueur de saxo baryton et de bombarde. Nous travaillons les musiques improvisées et le jazz. Ce projet est né d'une commande du festival de Pleskop. On travaille le répertoire de fest-noz pour le festival, mais aussi un autre spectacle, plus décalé avec la complicité de Philippe Chasseloup qui nous aide sur la mise en scène. C'est un projet difficile à “vendre”, nous souffrons un peu de l'aspect trop
“fusion”. Les quelques lieux de musiques trad ne seront peut-être pas séduits, les lieux plus amplifiés vont trouver çà peut-être trop trad, c'est compliqué. Ton disque Trafic Sonore est sorti il y a tout juste un an. Quels retours en as-tu ? Le disque est très peu diffusé, il n'est pas distribué. On l'a fait simplement : un des musiciens venait de monter son label à l'époque où on a joué au Nouveau Pavillon. De fait, le disque ne nous a rien coûté au niveau enregistrement, puisque c'est un live. Mais, je n'ai pas le temps de m'en occuper, c'est dommage. Pour Trafic Sonore, qui devrait reprendre en 2011, je vais repartir de presque zéro. Pour l'heure, je réfléchis sans échéance à travailler sur un disque, sur la production d'un truc solo lié à la veuze, un disque sur la veuze actuelle, comment je la joue moi, un disque ni trad, ni jazz, un disque avec un beau son. Et en parallèle, avec quelques amis musiciens trad de ma génération, nous montons un collectif pour mutualiser des choses, et pour que les musiques que nous jouons soient davantage connues et reconnues.
François Robin Experience Trafic Sonore L'Appentis Producteur / Cie Atom 2009 Si Sigur Ros est un des rares groupes de rock électro intéressants à utiliser la veuze, François Robin lui donne, d'une toute autre manière, une résonance extraordinaire. Et les plus circonspects à l'idée même d'écouter de la veuze peuvent bien craindre de se laisser envoûter et surprendre par ce “Trafic Sonore”. C'est un bien beau trafic : fluide, fourni, savant, osé et sans doute unique. Veuze et machines, capteurs et biniou, plaques métalliques et flûtes, micro-onde et bugle, programmeurs et tuba, pédales et guitare, ces sources sonores sont pensées, utilisées et arrangées par quatre brillants cerveaux. À la croisée du rock, de l'électronique, des musiques un peu tribales, du jazz, de l'expérimental, des musiques contemporaines, François Robin Expérience réinvente quelque chose, bouscule les genres, créé des pièces instrumentales profondes et vibrantes... Comme si Lee Ranaldo rencontrait Erik Marchant. Sublime ! Cécile Arnoux
Infos http://traficsonore.free.fr
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PAR PASCAL MASSIOT ILLUSTRATIONS : TERREUR GRAPHIQUE
FINANCER UN PROJET DANS LES MUSIQUES ACTUELLES
Disque, festival, tournée, résidence, équipement dédié à la musique sans oublier la formation… Autant de projets qui nécessitent des financements pour se réaliser. Pour un artiste, un groupe, qu’il soit professionnel ou non, pour une association souhaitant mener un projet, la recherche de fonds constitue souvent un exercice peu commode à appréhender pour qui n’y est pas rompu. Si les subventions sont monnaie courante, la relation entre les acteurs et les partenaires financiers et les modes de financement (conventionnement, appels d'offre...) évoluent. Le montage d’un budget devient une histoire d’équilibre et de savant dosage entre l’autofinancement, le financement public ou privé, la reconnaissance des professionnels et la présence de partenariats. Des structures pour vous accompagner Il existe sur le territoire régional, plusieurs structures ou organismes pour s'y retrouver dans ce labyrinthe, pour vous accompagner en vous expliquant les critères d’attribution des financements des projets (d’autant qu’ils sont en permanence en mouvement), en vous proposant des formations pour mieux administrer vos projets tout en proposant de l’aide personnalisée pour monter le meilleur des dossiers. Ainsi, une structure telle que Trempolino avec le réseau d'information Tohu Bohu, présent sur cha-
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que département, constitue un véritable outil pour l’accompagnement, la structuration et le développement de projets musiques actuelles, s’adressant tant à l’amateur qu’au professionnel. Le porteur de projet pourra bénéficier d’informations et de conseils, de formations administratives courtes et longues, d'expertise financière pour l'obtention de crédit bancaire... Le Pôle de coopération des acteurs pour les musiques actuelles en Pays de la Loire, quant à lui, par les conseils, la méthodologie en termes de stratégie de territoire dans la recherche de financements, de diagnostic initial et de mise en réseau sera en mesure de vous accompagner. Au niveau départemental, les structures du type ADDM ou Musique et Danse peuvent également être sollicitées en terme d'accompagnement de projets. En fonction des départements, certaines structures peuvent être partenaires à l’exemple de Musique et Danse en Loire-Atlantique qui a financé plusieurs créations du festival « Soleils Bleus » (Tribeqa et Magic Malik, Médéric Collignon et BoNobo trio). Les aides publiques : la logique des subventions Les différentes collectivités (villes, départements, régions) contribuent pour plus de 70% des financements publics de la Culture, l’État représentant une part de moins en moins importante. Il existe plu-
sieurs modes de soutien. Dans le cadre du conventionnement, les financeurs et les porteurs du projet signent un contrat qui définit les engagements réciproques. Dans le cadre d’un appel d’offre, les financeurs précisent les attendus quant au choix de l’opérateur culturel ou artistique, il se fait en fonction de critères (meilleur projet, meilleure référence, coût…). Dans le cadre des dispositifs proposés par ces collectivités, il s’agit d’avoir un projet pertinent qui respecte les objectifs de l’aide. Les villes Les villes sont les principaux contributeurs avec l’aide aux équipements et aux projets. Prenons l’exemple nantais. Le soutien aux porteurs de projets musiques actuelles se réalise via l’aide au fonctionnement que reçoivent les salles de concerts (L’Olympic, La Bouche d’Air, Le Pannonica, le TNT…). De même, la mise à disposition de locaux à usage administratif ou artistique est une aide précieuse. Le subventionnement d’une association telle que « Culture Bar-Bars » qui réunit une centaine de lieux et porte une réflexion autour des musiques, des musiciens et de ces lieux, est essentiel pour la diversité artistique et l’émergence. Ils sont une étape importante, voire décisive pour l’artiste qui s’y produit et qui pourra y faire ses premières armes, donc se professionnaliser... Et être rémunéré. Autre exemple d'aide indirecte, du côté de SaintHerblain (44), où la structure-ressource musiques actuelles le Terminus 31, permet la mise à disposition de locaux de répétition « à un niveau de prix tel qu’il ne constitue en aucun cas un obstacle pour leurs utilisateurs », tient à souligner Jérôme Binet, en charge des musiques actuelles pour la commune. Outre l’accès à ces équipements « les musiciens pourront bénéficier de façon tout autant accessible, d’accompagnement aux répétitions, d’initiation à l’enregistrement par un professionnel » poursuit-il. De façon parcimonieuse et à certaines conditions2, trois à quatre projets discographiques par an sont soutenus à Saint-Herblain. Outre la possibilité de résidence ou de pré-production avec un ingénieur du son (pas de production ni de post-production), une aide financière de 1 000 à 2 000€ peut même être allouée. À Saint-Denis-de-Gastines (Mayenne) c’est la communauté de communes de L’Ernée qui a permis la réalisation d’un équipement dédié aux musiques actuelles : Le Cube, comprenant deux studios de répétition. « À l’origine, c’est une initiative du « Foin
de la Rue » [festival à Saint-Denis-de-Gastines les 2 et 3 juillet 2010, déclinaison hivernale « Les Foins d’Hiver » les 12 et 13 mars – NDLR] se souvient Jeremy Frère, salarié du Cube et administrateur du festival. « À Saint-Denis, il y avait 6 groupes de musiques actuelles, il fallait un équipement dédié », lequel a été pensé en fonction du territoire, situé à 40 km de Laval, 25 km de Mayenne et de Fougères. Deux studios qu’il est possible d’utiliser en même temps à un coût très modique pour ses utilisateurs. Le tout pour un budget de 250 000€ (dont 78% externalisés : 10% Département ; 30% Région ; 23% État ; 15% Union Européenne). La Communauté de Communes prenant en charge les 22% restants. La Région Si l’énumération exhaustive des aides et financements, au niveau des communes en particulier, a peu de sens en raison notamment de leur multiplicité, la dimension régionale peut-être plus aisément appréhendée. Ainsi, pour ce qui est de la Région des Pays de la Loire3, on notera la création en 2009 d’un soutien aux développeurs d’artistes « musiques actuelles » implantés dans la région. Une aide, sonnante et trébuchante, tournée en priorité vers les petites structures dont les projets comportent au moins un artiste émergent. Sous réserve de l’adéquation entre moyens mis en œuvre et ambition affichée et du respect de la législation sociale ou fiscale. Pour cette première année, ces aides ont été de 3 000€ à 6 000€ pour leurs bénéficiaires4.
Terminus 3 : 4 studios de répétitions et studios d’enregistrement gérés par la Direction des Affaires Culturelles de Saint-Herblain. 2 L’artiste ou le groupe devra avoir en amont tissé du lien avec les publics sur la ville, avoir une histoire avec le territoire, conditions sine qua non pour prétendre à ce soutien. 3 www.paysdelaloire.fr/services-en-ligne/aides-regionales 4 Dans la foulée du Conseil Régional, le Conseil Général de Loire-Atlantique met en place, à partir de 2010, un fonds de soutien aux développeurs d’artistes 1
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L’aide à la résidence de création du spectacle vivant (afin d’aider de nouveaux lieux culturels, non conventionnés, situés en secteur rural ou en zone urbaine sensible notamment) ainsi que l’Aide à la création du spectacle vivant font partie du dispositif mis en place par la Région et sont ouvertes aux projets artistiques musiques actuelles. Par ailleurs, comme le constate Nicolas Crusson du Pôle de coopération des acteurs pour les musiques actuelles en Pays de la Loire et membre du comité technique chargé d'étudier les demandes : « Ce sont plutôt les acteurs du théâtre et de la danse qui s’en sont emparées ; le secteur musiques actuelles, lui, les utilise de manière encore marginale, ce n'est pas complètement ancré dans la culture du secteur […] Trop souvent, les musiciens n'osent pas, oublient ou ignorent qu’ils peuvent être payés pour les temps de répétition ou ont du mal à savoir comment on procède pour l’être ». Des aides qui se situent, selon les cas, dans une fourchette comprise entre 2 000€ et 15 000€. Considérés comme des éléments essentiels de l’aménagement culturel du territoire et « participant fortement à son irrigation culturelle », la Région soutient également les festivals. L'aide s’adresse aux porteurs de projets de festivals ou manifestations de dimension régionale, nationale ou internationale ; associations ou structures de droit privé disposant d’une licence d´entrepreneur de spectacles. Parmi les conditions d’attribution de cette aide : manifestation d’au moins 2 jours, présence d’artistes ligériens, budget artistique supérieur à 25 000€5, mobilisation du secteur associatif local, prise en compte de la prévention des conduites à risques et du respect de l’environnement… Pour compléter ce panorama des aides régionales, citons l’Aide à la diffusion nationale du spectacle vivant. Créé en 2006, son objet est de permettre la
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présence d’artistes régionaux dans des festivals ou des lieux de diffusion sur le territoire national hors région. Elle s’adresse aux associations ou aux structures de droit privé, dont les producteurs. Un fonds d’acquisition de matériel (matériel scénique en lien avec l’activité artistique), plafonné à 30 000€ par an, peut également être sollicité pour permettre aux structures culturelles de s’équiper. Peuvent en bénéficier les associations Loi 1901 et les autres structures de droit privé dotées d’une licence d’entrepreneurs de spectacles. A noter que ce fond s’adresse à des structures ayant un programme d’acquisition supérieur à 25 000€. Enfin, la Convention Culturesfrance-Région Pays de la Loire6, triennale et bipartite permet d’accompagner des associations ligériennes et des artistes porteurs de projets de diffusion ou de création à l’étranger dans lesquels au moins un partenaire étranger est impliqué. L’État Au niveau national, les financements institutionnels sont portés par différents ministères : celui de la culture et de la communication ; de la Santé, la Jeunesse et les Sports et de la vie associative ; de l’Éducation ; de la Délégation ministérielle à la Ville). Ainsi, les DRAC, audelà des lieux conventionnés ou financés dans le cadre de labels nationaux (Scènes Nationales, Smac…), prennent en compte les musiques actuelles et non plus exclusivement les musiques dites savantes (classique, lyrique, opéra…) ; option prise à la fin des années 90. En Pays de la Loire, la DRAC soutient des festivals tels Les Orientales de Saint-Florent-le-Vieil (49), l’Europa Jazz au Mans (72) ou des ensembles musicaux de la région « porteurs de création et d’innovation » : Collectif Effervescence, le Jerez Le Cam Ensemble. Des aides qui se chiffrent chacune à plusieurs dizaines de milliers d’euros mais qui s’inscrivent dans un contexte avéré et croissant de désengagement de l’État.
Ce qui exclut, de fait, de cette aide les festivals et manifestations de petite taille ne disposant pas d’une telle ligne budgétaire. 6 Cf dossier « Tourner à l’étranger » Tohu-Bohu n°13 (automne 2008).
Notons encore, au titre des aides de l’État, un dispositif créé en 1989 à l’initiative du Ministère de la Culture : le FAIR7. Aide à la tournée, à la promotion, à la formation, le FAIR aide une quinzaine d’artistes ou de groupes en phase de démarrage et résidant en France et qui recevront chacun 6 000 €. Quant au Bureau Export de la Musique Française8, dispositif qui accompagne la filière musicale française à l’international et s’articule autour du conseil et du soutien financier, il p o u r r a allouer, via l’aide à la promotion et à la mobilité une somme plafonnée à 10 000 € représentant 50% maximum du budget total. Les tournées internationales seront également soutenues par Culturesfrance, émanation du Ministère des affaires étrangères, qui valorise la culture française en soutenant le rayonnement des artistes nationaux. Enfin, une aide spécifique de l'État (par l'intermédiaire de la Direction Départementale Jeunesse & Sports) permet à un jeune porteur de projet de prétendre au programme d’aide « Envie d’Agir-Défi Jeunes ». Ce dispositif, réservé aux moins de 31 ans, prévoit un financement plafonné à 8 500€ (quoique dans les faits le montant alloué dépasse rarement 4 000€). Sa particularité est qu’il est possible d’y prétendre par simple demande individuelle, sans avoir à monter au préalable sa structure ou son association. Pour compléter le panel des financements publics : les financements européens. Ils reposent sur des programmes (Feder, Programme Culture…) et des critères particulièrement complexes qui en limitent l’accès. Il faut une organisation solide pour pouvoir y prétendre. Mais dans ces cas-là, les montants sont à la hauteur.
Les aides des sociétés civiles et organismes professionnels : une logique de filières Au-delà des aides locales portées par les collectivités et de l’État, des aides professionnelles peuvent être attribuées. Ce sont des sociétés, dites civiles, qui pourront redistribuer une partie des sommes perçues (25%) au titre de la copie privée9 (loi du 3 juillet 1985, Art. L321-9). Il est important de savoir que les aides des sociétés civiles s'adressent à des artistes déjà professionnels ou en voie de l'être. La plus connue de ces sociétés privées est assurément la SACEM. La SPEDIDAM, l’ADAMI, la SCPP, la SPPF, la SACD complétant la liste de ces sociétés civiles, lesquelles avec le FCM et le CNV (deux organismes professionnels) ont pour mission de percevoir et de répartir les droits des auteurs, des artistes et des producteurs. Chacune de ces entités défend d'abord ses membres et développe sa propre politique tout en proposant une complémentarité des aides qu’elles sont en mesure d’apporter. Autre trait commun entre toutes ces structures : être en règle avec la législation (sociale, fiscale), les dossiers sont donc à constituer avec un soin tout particulier. Problématique commune : des sollicitations de plus en plus nombreuses dans un contexte de diminution des rentrées pour ces sociétés. Pour un projet de disque, le Fonds d’Action de la SACEM pourra être sollicité. Il est envisageable uniquement pour les deux premiers disques autoproduits, et doté d’une aide de 3 000€. Côté critères, il devra s’agir d’une création et le candidat devra être membre de la SACEM. Beaucoup plus présente qu’auparavant sur le terrain du spectacle (la situation du marché du disque y est sans
7 Fonds d’Action et d’Initiative Rock (artistes régionaux qui en ont bénéficié ces dernières années : Zenzile, La Phaze, Hocus Pocus, Mansfield. TYA, Gong Gong, Sexy Sushi, Nouvel R, Pony Pony Run Run…) 8 Cf dossier « Tourner à l’étranger » Tohu-Bohu n°13 (automne 2008). 9 Pour chaque achat de supports vierges ( CD, DVD, baladeurs numériques...) une partie du prix est prélevée afin de compenser les pertes qu’engendre la copie (gravage, téléchargement).
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doute pour quelque chose) la SACEM peut apporter son soutien aux festivals de musiques actuelles. Il devra s’agir d’un évènement favorisant la création d’œuvres nouvelles ou récentes relevant du répertoire protégé par elle. L’aide n’est envisageable qu’à partir de la 2e année, l’édition précédente devant par ailleurs avoir bénéficié du soutien d’une autre société civile ; et/ou du FCM, du CNV. La subvention étant plafonnée à 10% des dépenses artistiques engagées. Les aides proposées par l’ADAMI, société qui gère les droits des artistes-interprètes, concerneront les projets de jeunes professionnels en début de carrière ayant trait au disque, aux festivals, aux premières parties, aux tournées en France ou à l’étranger... 344 projets ont été aidés en 2008. C’est la commission « Variétés » qui est compétente pour les musiques actuelles. La SPEDIDAM a pour mission de percevoir les droits des artistes-interprètes dont le nom n’est pas mentionné sur la pochette des disques ou au générique des œuvres audiovisuelles (droits voisins). En 2006, elle a permis de soutenir les artistes-interprètes à hauteur de 6,9M€ : aides au déplacements, aides à la formation (stages, bourses…), aides au DVD promotionnel… La SCPP et la SPPF sont deux sociétés de producteurs qui proposent des aides liées aux disques, au spectacle également mais dans une moindre mesure. 596 projets ont été aidés par la SCPP en 2006 pour un montant de 10,5M€. L’aide alloué par la SPPF à ses adhérents producteurs de phonogrammes et vidéogrammes s’élevant quant à elle à 3M€ pour la même année. Le Fonds pour la musique de scène de la SACD peut être également sollicité par les compositeurs de musiques actuelles adhérents. Conjointement aux sociétés civiles, deux organismes professionnels proposent des aides : d’une part le CNV, sous tutelle du Ministère de la Culture et de la Communication qui accorde des aides aux festivals (3 000 à 46 000€), aux concerts, aux tournées, à l’aménagement et à l’équipement de salles de spectacles. Le CNV propose par ailleurs à ses affiliés de bénéficier à des prix très dégradés, des réseaux de promotion : réseaux d’affichage, insertion web et presse, etc. D’autre part, le FCM accorde des aides au spectacle vivant (tournées, concerts, premières parties) plafonnées à 12 200 € par projet et ne pouvant excéder 15% du total de l’opération. Le FCM pourra aider des festivals ayant lieu en France ou 10
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à l’étranger (s’ils programment des artistes français), des tournées à l’étranger, ainsi que des aides à la formation d’artistes non classiques. On notera également des aides à la production phonographique. Le sponsoring et le mécénat : vers le modèle anglo-saxon ? Dans le domaine des musiques actuelles, le sponsoring (ou parrainage) est une pratique qui est plus ancienne que le mécénat. Approche commerciale pour l’un et philanthropique pour l’autre10. Le sponsoring permettra à un organisateur d’évènement de bénéficier d’un soutien financier, technologique ou en nature de la part d’une entreprise privée dont le nom, le logo et divers éléments de communication, en contrepartie, seront visibles. À titre d’exemple, des brasseurs, marchands de cola ou d’équipements audiovisuels sont de longue date devenus partenaires de festivals et de salles de concerts. « Les organisateurs d’évènements, assos ou autres, vont être contraints d’aller vers le privé », affirme Olivier Tura, administrateur en charge de la recherche de financements pour Trempolino. « En raison du retrait des collectivités publiques ou d’une certaine frilosité de leur part, mais aussi dû au fait que la jeune génération est moins réticente à cela ». Le recours au mécénat11, quant à lui, relève presque de l’exception pour ce qui concerne les musiques actuelles, alors qu’il représente potentiellement une opportunité tant pour le mécène que pour le projet soutenu. La loi du 1er août 2003 permet pour les structures agréées d’intérêt général de recevoir des dons de particulier ou d’entreprise et d’émettre un reçu qui permet une défiscalisation. Des mesures juridiques et fiscales très incitatives. Pour les entreprises, le mécénat ouvre droit à une réduction d'impôt sur les sociétés égale à 60 % des montants engagés, dans la limite de 0,5% du chiffre d'affaires total hors taxe. Pour les individus cela ouvre droit à une réduction d'impôt de 66% des montants engagés dans la limite de 20% des revenus imposables. La montée en puissance des réseaux sociaux, la constitution de « tribus » sur la toile favorise ce type de financement. La souscription, l’autre nom du mécénat des particuliers, étant par ailleurs un moyen efficace de contourner, pour un projet lié au disque, la sempiternelle quête du label et donner une assise économique fiable au projet. On peut ainsi noter la création du réseau des AMACCA12 qui comme pour les Associations pour le Maintien
Le sponsor impose une contrepartie (communication, pub…) à l’association sponsorisée, le mécénat n’impose aucune contrepartie. 11 2,5 milliards d’euros consacrés au mécénat d’entreprise en 2008 (enquête CSA-ADMICAL 2008). 12 AMACCA : Associations pour le Maintien des Alternatives en matière de Culture et de Création Artistique.
d'une Agriculture Paysanne (Amap) permet à la production de trouver ses débouchés à l’avance ! Ces dispositions constituent un cas d’espèce au plan mondial ! Une disposition pourtant trop méconnue des uns et des autres… « On est loin de l’art contemporain [pour lequel le mécénat est une pratique qui s’installe – NDLR] il y a encore beaucoup de réticences des assos car ce n’est pas dans leur culture empreinte de militantisme », constate Olivier Tura. Pour être accompagné dans son approche du mécénat, deux structures peuvent être mentionnées. D’abord l’ADMICAL, la plus ancienne. Elle conseille les entreprises mécènes, qui sont ses adhérentes. Créée en 1979, l’ADMICAL est une structure de promotion du mécénat d’entreprise en France dans les domaines de la culture (dont les musiques actuelles), la solidarité, l’environnement et le sport. Elle ne délivre aucune aide financière et n’est pas non plus un intermédiaire mais dispose de nombreux outils pédagogiques et propose des journées de formation à la recherche de fonds. L’ADMICAL publie tous les 2 ans « Le Répertoire du mécénat d’entreprise » recensant plus de 1 000 entreprises mécènes en France dont près de 200 dans le domaine musical : soutiens aux festivals et aux lieux de diffusion, à la production de disques, à la formation des musiciens, aux actions musicales dans les quartiers… Autre accompagnement possible dans sa démarche sur le terrain du mécénat : L’Association Française des Fundraisers (AFF). Alors que l’ADMICAL se situe du côté des entreprises, l’AFF s’adresse aux personnes, responsables d’associations porteuses de projet à la recherche des mécènes. « On forme des gens à chercher des fonds et
pour aller plus loin... - Le « Guide des aides et subventions pour la musique » de Catherine Dorval, édition Guide arts (en CD-ROM depuis l’édition 2008). - Le guide pratique de La Villette : http://www.villette.com/fr/parc-villetteressources/guide-pratique/
on les aide à être autonomes dans cette recherche […] Fundraisers ça signifie « récolteurs de fonds », un terme anglais pour signifier que la démarche est héritée d’une pratique anglo-saxonne », tient à préciser Aurélie Perreten, directrice adjointe de l’association.
En conclusion, la recherche de financement relève d’une stratégie à part entière. Les financeurs, en règle générale, reconnaissent les projets qui apportent des références et des garanties. Il faut les séduire, le dossier doit valoriser le territoire et rendre compte du professionnalisme du porteur de projet. Pour autant, les financeurs sont de plus en plus sollicités et de plus en plus sélectifs. Cette situation conduit à imaginer de nouvelles démarches indépendantes. Ainsi, pour les membres de l’association Cable# (Nantes), organisatrice du festival éponyme13, un montage budgétaire sobre et point d’énergie dépensée dans la recherche de subventions publiques pour monter l’évènement. Le festival joue à plein la carte du réseau et celle de la solidarité pour financer le festival14. « On partage les frais globaux avec d’autres structures et d’autres évènements », précise Will Guthrie. L’underground (Cable# en l’occurrence) ne seraitil pas en train de nous montrer, sinon la voie, mais en tout cas que l’argent public, l’argent tout court, n’est pas forcément l’alpha et l’oméga de toute projet culturel ? Une question à laquelle les décisions politiques tant craintes et qui vont être prises, apporteront leur réponse… 13
L’édition 2010 s’est déroulée à Nantes du 18 au 20 février dernier. 14 Moins de 10 000€ de budget pour 3 soirées.
Concernant le mécénat : - La mission mécénat de l'Etat http://www.mecenat.culture.gouv.fr/ Concernant les financements européens : - Le guide du programme culture édité par Relais Culture Europe http://www.relais-cultureeurope.org/culture.259.0.html Pour les jeunes : http://www.enviedagir.fr/lesressources-du-programme-envie-d-agir.html
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GARAGELAND : MOD, FREAKBEAT, R & B ET POP 1964-1968 Nicolas Ungemuth, Éditions Hoëbeke, 2009. Garageland, ça sonne comme Graceland, un Paradis perdu, un univers d’avant le déluge (1968). Un pays où la pop music était fraîche, insouciante, ne ployait pas sous le poids des références. Un territoire vierge où tout était à inventer, à oser, sans aucune retenue, mais avec une grande candeur. Ils sont quatre potes, ils forment un groupe et répètent dans le garage des parents. Des carrières météoriques pour la plupart, une grande énergie qui fait long feu. Quatre années (1964-1968) pour accoucher d’une myriade de tubes au son inimitable. À les écouter aujourd’hui (dans les compilations Nuggets chez Rhino, par exemple), on est sidéré par la force positive et optimiste de ces combos aux noms révélateurs : Action, Creation, Easybeats, Kaleidoscope, Move, Seeds, Sonics… Pour comprendre cet esprit, il faut s’attarder sur les reproductions de pochettes (de 45 T) que l’auteur a choisi de mettre en face de chacune de ses 80 chroniques. Car il s’agit avant tout d’un album (de famille). Un album coloré dont les textes ne sont pas d’un spécialiste des sixties mais d’un amateur passionné. On pense bien sur, au film “Good morning England” de Richard Curtis - la pop, outil de transgression sociale - mais aussi au film iranien “Les Chats Persans” de Bahman Ghobadi, tant le rock interdit du Téhéran d’aujourd’hui est aussi désinhibé que celui des anglo-saxons des 60’s. Gilles Courcier
LONDON CALLING : 19 HISTOIRES ROCK ET NOIRES Collectif, sous la direction de Jean-Noël Levavasseur, Éditions Buchet-Chastel, 2009. “London Calling” est probablement l’album le plus connu des Clash mais aussi le plus audacieux dans sa quête musicale puisqu’il entraînait le punk vers d’autres sphères musicales. Dix-neuf auteurs français rendent hommage à ce double album culte, sorti en décembre 1979. Pour célébrer ce trentième anniversaire, le rock et la littérature s’acoquinent le temps d’un livre “London Calling, dix-neuf histoires rock et noires” et nous proposent un recueil de nouvelles inédites dont les textes ont pour titre une chanson du disque. Tantôt nostalgique (“I'm not down”, “Revolution rock”), tantôt politique (“The Right Profile”), les nouvelles célèbrent en grande partie l’anti-héros récurrent de la workingclass à travers des histoires noires et profondément rock. Fortement inspirées par le mythe des Clash, certaines se nourrissent de la légende pour jouer de la fausse interview (“Jimmy Jazz”), assister à un concert du groupe (“Kola Kola”, “Working for the Clampdown”) ou mettre en scène Joe Strummer himself (“Spanish Bombs”, “Death of Glory”…). Ce projet collectif n’échappe pas à son ambition, même si l’ouvrage peut paraître inégal dans sa longueur, il n’en demeure pas moins fidèle à l’esprit sauvage des Clash qui a animé toute une génération. Noir et résolument clash. Eric Fagnot
ARTISTES 2020,
VARIATIONS PROSPECTIVES
Collectif, Éditions IRMA, 2009. Question passionnante que celle du devenir du monde des créateurs... Cet ouvrage propose une réflexion prospective à partir des réflexions, fantasmes, interprétations et croyances de quinze contributeurs issus de champ d'exploration hétérogène (philosophes, élus, économiques, artistes, chercheurs...). Ces variations viennent titiller des questions parfois sensibles : les espaces d'une création libre, la dématérialisation du sujet, le statut même de l'artiste, les rémunérations versus la gratuité, les nouveaux espaces de diffusion, la problématique du “surnombre”, la place de l'artiste dans la société et sur les territoires... Autant de points de vue que d'interlocuteurs, même si des croisements s'opèrent et permettent une projection plus ou moins réelle. Mais l'enjeu de cet ouvrage, innovant dans sa forme, réside davantage dans sa capacité à nous interroger que dans l'émergence d'éventuelles réponses, nécessairement fictives. Julien Nicolas
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les martins ^ pecheurs
DES OISEAUX RARES
PAR ÉRIC FAGNOT PHOTOS : DR
Reconnu comme un acteur musiques actuelles à part entière, Les Martins Pêcheurs misent sur le développement de nouveaux talents. L’association nazairienne intervient principalement dans le soutien et la production de la création musicale. À quelques jours de la seconde édition du festival “Chansonique”, coup de projecteur sur cette association fortement impliquée sur son territoire. Depuis sa création en 1998, l’association Les Martins Pêcheurs n’a cessé d’accroitre son volume d’activité en se positionnant à la fois comme un développeur d’artistes et organisateur événementiel. À l’instar de l’événement “Chansonique” organisé par l’association en collaboration avec d’autres structures locales qui se déroule en mars 2010 à Saint-Nazaire. Basée sur la rencontre entre les musiques actuelles et la musique classique, ce projet pédagogique et artistique regroupe 170 musiciens autour d’un spectacle mêlant chanson et orchestre symphonique. Constituée de 6 permanents, la structure se définit aujourd’hui comme une plateforme de professionnalisation dédiée aux artistes et porteurs de projets musiques actuelles. “Notre activité, raconte Jérémy Gabard, le directeur, se concentre autour des questions de structuration professionnelle, de développement de carrière, d’insertion économique, d’organisation de tournée,…” L’activité phare reste le développement d’artistes que la structure valorise à travers un catalogue comprenant une douzaine d’artistes (Delphine Coutant, Nyna:Valès, Savel, Holly Mushroom…). Plutôt estampillée “chanson”, l’asso ne se limite pas uniquement à cette esthétique et reste ouverte à d’autres univers artistiques. “C’est surtout le succès de Delphine Coutant qui nous a révélé comme ‘spécialiste’ sur cette esthétique, analyse Jérémy. En se spécialisant, nous avons été mieux repéré sur certains réseaux. Mais nous avons toujours aimé la diversité, à l’image de projets novateurs comme Hell Niño ou Bassdrum que nous accueillons sur notre catalogue.” Ce développement se retrouve dans les dispositifs mis à disposition des musiciens en voie de professionnalisation. Sous la forme d’un coup de pouce ou d’un coup de projecteur, ce sont plus d’une quarantaine d’artistes qui ont bénéficié d’une aide financière (production d’un spectacle,…) ou d’une aide promotionnelle (compilation) pour lancer leurs projets musicaux. Les Martins Pêcheurs interviennent également dans la production de disques. Pour la sortie des albums de Savel et de Morro, ils ont réactivé leur label “Les Disques en Chantier”, mis en sommeil depuis 3 ans. “Le disque reste un référent de carrière primordial, souligne Jérémy, sortir 120 titres sur Myspace ne pèse pas lourd face à 10 albums distribués nationalement. Nous ne savons pas développer un groupe ou un auteur-compositeur-interprète sans l’étape album…” Malgré une situation économique fragile, la structure mise sur la diversité de projets novateurs (festivals, échanges inter régionaux) pour continuer à avancer. Un critère indispensable pour dénicher les talents de demain. Infos www.lesmartinspecheurs.com
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french cowboy
COMME UNE PAIRE DE CONVERSE
PAR CÉCILE ARNOUX PHOTO : DR
Federico Pellegrini, chanteur-guitariste des French Cowboy, avoue aimer répondre aux questions. Et on s'en rend compte, quand on passe plus d'une heure avec quelqu'un qui, très vite, semble se livrer, et se rendre imbattable au jeu du “ni oui ni non”. Petit point de situation à l'heure où sort un ovni musical et un manifeste de rock pour chambre à coucher ! C'est quoi les French Cowboy en 2010 ? Eh bien, c'est surtout moi, car les gars (Eric, Gaëtan et Stéphane) vont pas mal tourner cette année avec Jeanne Cheral. Les concerts se joueront donc à quatre French Cowboy, en solo ou en trio avec Caroline, une Nantaise, et Rubin Steiner. Je joue de plus en plus tout seul, surtout depuis leur tournée avec Philippe Katerine ; c'est aussi pour des raisons financières. Ça ne remet rien en question, je joue avec qui est disponible. Quand personne ne l'est, eh bien je joue tout seul, et j'y prends goût, cela réinvente la musique, j'utilise des boucleurs, je rencontre de nouvelles personnes. Et comment vois-tu cette évolution de groupe ? À la toute fin des Rabbits, j'ai commencé à penser solo. L'expérience des Rabbits a été très longue, et difficile sur la fin, on ne savait plus bien où on allait. Alors, j'ai décidé d'arrêter et de repartir vraiment à zéro. Je me suis demandé si j'avais encore envie de faire de la musique, laquelle, pourquoi, etc. J’ai fonctionné plus en solo, avec le désir de faire ce que j'avais envie, ce qui est pour moi la seule manière de
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pouvoir continuer. La musique est amusante, il faut rester simple, partir du postulat qu'on a des instruments particuliers avec lesquels on doit aller au plus squelettique et direct. Pour moi, la musique est immédiate, il ne faut pas trop réfléchir, jouer très vite après la sortie du disque, sortir un disque très vite après son mixage. Un répertoire assez américain, des enregistrements là-bas. Qu'est-ce qui vous séduit dans l'approche américaine de la musique ? Je dirais plutôt “anglo-saxonne”, car je m'inspire autant de musique anglaise qu'américaine. Mon intérêt pour la musique est venu lorsque j'ai découvert des groupes anglo-saxons. J'écoute des choses plus différentes maintenant, je joue ce que j'aime sans trop plagier, mais sans non plus m'empêcher de ressembler, car pour moi la musique est un truc qui se mord la queue depuis que la guitare électrique existe. C'est comme une paire de Converse, ça revient régulièrement. Mais je ne sais pas trop ce que j'aime dans ces musiques, c'est assez inconscient. Je crois tout simplement
qu'on fait aussi la musique qui nous manque parfois. Qu'est-ce qui fait que tu n'as pas poursuivi la lignée un peu folk des disques précédents ? Oh, je pense tout simplement que je ne suis pas un bon musicien, plutôt un mélodiste. De fait, je me balade à travers les genres. Je ne fouille pas un genre, je ne fouille pas la folk américaine, la pure folk m'ennuie, et je ne sais pas la jouer. Je préfère m'amuser à écrire des airs qui me plaisent avec une guitare ou un clavier, peu importe l'orchestration. Je ne suis pas brillant dans un registre, j'essaie d'être le millième dans plusieurs registres. Le label Havalina a été monté par vous-même. Y vois-tu un rôle de prescripteur ? Disons que les huit personnes dans le label défendent une musique certes, mais aussi des gens. On le fait peut-être sans le vouloir, mais ce n'est pas l'idée. Les Golden Boots sont des bons copains que nous avons rencontrés à Tucson. C'est un coup de pouce qu'on leur donne, et qu'on aimerait avoir dans un pays ou un autre. Il n'y as pas d'étiquette musicale qui qualifierait le label. Penses-tu pouvoir mettre à profit ton expérience aux musiciens nantais plus jeunes ? Et pourquoi n'y-a-t-il pas de Nantais sur Havalina ? Je crois qu'ils ont au moins autant de choses à nous apprendre. Un groupe comme Papier Tigre est largement plus talentueux qu'on ne l'était à leur âge, plus structuré. J'apprécie vraiment chez tous ces groupes le fait qu'ils ne nous dénigrent pas, nous qui sommes un groupe de vieux. Et pour en revenir au label, il y a sur Nantes de très bons labels comme Effervescence qui défendent mieux les groupes qu'on ne pourrait le faire. Ces groupes sont beaucoup plus autonomes qu'on ne l'était. Pour nous qui avons passé des années chez Barclay, la démarche indépendante est nouvelle. Eux l'ont adoptée dès le début, et ils n'ont absolument pas besoin de nous. Tu participes beaucoup à la com’ autour du groupe, à jouer un personnage sur internet via la vidéo. Quel est l’objectif ? Je fais çà pour m'amuser, car j'ai aussi besoin de ne pas faire de musique. Et j'utilise la vidéo comme je compose de la musique. J'aime le rapport de la musique avec les mots, et dans un montage vidéo, il y a de çà, il y a quelque chose de très rythmique, la façon subjective de couper, de monter un film... Et puis, j'aime inventer une histoire autour d'un nouveau disque. Il est clair que c'est bien de la promo, mais cela donne une couleur autre que musicale au projet et au disque.
Tu participes au projet Grosse Labo*, porté par Hervé Guilloteau. Qu'est-ce que tu trouves dans le théâtre qu'il n'y pas dans la musique et inversement ? C'est bien simple. Le théâtre me fait flipper, et les acteurs de la pièce flippent quand il s'agit de chanter. On ne se propose pas aux gens de la même façon. Un acteur va se trouver gauche quand il s'agit de faire de la musique, et inversement, j'ai du mal dans le théâtre à me sentir vrai, sincère. Pour moi, c'est une sacrée violence. La vidéo fait partie de la même violence, celle de dire des choses. L'auto-filmage me permet de me voir dire des choses ou jouer des émotions. Cela vient sans doute d'une envie d'avoir plus d'assurance, d'être moins timide, et l'envie de croire en moi-même et donc de penser que les gens puissent croire en moi. Et pourquoi Hervé Guilloteau ? J'adore son travail, Hervé y va, il pose tout sur la table, il est décomplexé. Je pense qu'on a des points communs, existentiels, je me retrouve dans beaucoup de choses avec lui. J'aime comment il mène sa barque, l'idée de participer à sa psychanalyse parce qu'on est tous un peu dans sa tête, et c'est intéressant pour soi d'être dans la tête de quelqu'un, çà aide soi-même. *http://grossetheatre.com
French Cowboy (Isn't My Bedroom) A Masterpiece Havalina Records / Differ-Ant 2010 Plus bitumée que poussiéreuse, la dernière virée des French Cowboy est cadencée comme jamais. Plus rock, plus groove, plus électrique, plus disco, assurément protéiforme, “Isn't My Bedroom A Masterpiece”, sort des sentiers battus pour ne ressembler à rien d'autre qu'à une musique loyale, affranchie, au spectre sphérique. Les tempos si différents soient-ils servent toujours la mélodie, la voix ne vit toujours qu'au pluriel (quatre invitéES aux choeurs), la grande famille des guitares est réunie. Chacune des quinze chansons a sa couleur, mais la dominante est plus dans l'intention qu'on imagine être “fun” que dans le style musical. Et si les ombres de Jarvis Coker, de Jason Lytle, David Gilmour, Wayne Coyne ou encore Feargal Sharkey se discernent sur ce disque, c'est sans doute parce que Federico Pellegrini est devenu un compositeur érudit, un arrangeur fou et un interprète majeur ! Cécile Arnoux
Infos www.myspace.com/thefrenchcowboy www.havalinarecords.net
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rock in laval LA BANANE !
PAR YOAN LE BLÉVEC PHOTOS : DR
Une histoire du rock à Laval ? On voit déjà les mines circonspectes doutant que cette ville moyenne à la réputation trop tranquille ait un jour pu prétendre au rang de place forte du rock en France. Des histoires du rock à Laval ? C'est en revanche une certitude, car si peu de groupes du cru local connurent un destin national et les honneurs des anthologies, Laval a vu naître suffisamment de trajectoires fulgurantes, de personnages hors norme et de folles anecdotes pour qu'on leur consacre une expo. D'entrée, l'esthétique brute de la scénographie en impose : cette vaste palissade en bois qui se déploie sur 700 m2, évite de figer le rock dans du marbre et de muséifier ce fringant quinquagénaire qui n'en demandait pas tant. Elle permet de conjuguer la mise en valeur de l'héritage patrimonial sur quatre décennies (guitares, synthés, magnétophones et autres amplis) et une interactivité bien vivante : témoignages vidéos, coupures de presse, murs d'affiches, juke-box virtuel, etc. Le néophyte comme le vieux briscard y trouveront leur compte puisqu'en parallèle de l'histoire locale, on revient également sur les (r)évolutions marquantes du rock depuis Elvis, qu'elles soient technologiques ou esthétiques. Mais surtout, on dépoussière ici le rock de ses oripeaux trop clinquants et folkloriques pour revenir à l'essentiel : le rock, à la base, c'est une histoire de potes, pas forcément plus révoltés que la moyenne, qui se réunissent pour composer ensemble leurs propres chansons. L'expo prend la pleine mesure de cet instant décisif et de ces lieux symboliques, où l'on se frotte à la mythologie ordinaire du rock'n'roll. A l'image de ces reconstitutions « plus vraies que nature » d'un local de répét' avec ses murs tapissés de boîtes d'œufs, ou de cette chambre de fan dans les années 80, où l'ardeur adolescente pour le rock transpire du papier peint. L'expo replace le rock les pieds sur terre, avant les éventuelles paillettes de la gloire : dans la quotidienneté de ses usages, la ritualité banale et magique de ces répétitions dans une cave mal isolée ou de ces tournées de caf'conc' au volant d'une estafette pourrie. Une excellente manière de faire entrer le rock au musée sans risquer de lui faire perdre son âme.
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Infos http://www.rockinlaval.com
Akeikoi
Senoufo
Hors-Normes Production 2010
Berceuses de fées Berceuses de fées
L’être ou le néant ? Voilà, peut-être, un résumé du propos de ce deuxième opus d'APPEL D’AIR. Dès l'ouverture de l'opercule on est averti : le désordre ici est à mettre sur le compte de “bouleversements climatiques”, ce qui explique sûrement l’impression de capharnaüm ressentie en découvrant cette galette et son digipack. Être ou ne pas être ? Voilà la question, posée de plages en plages pour arriver nudiste sur le slogan : tout le monde à poil ! Car dans ses atours musicaux où on ne cherchera pas la révolution, le groupe développe un propos, parfois bavard, sur la vie, l'amour, la mort et l'ameublement dans un pêle-mêle de sons et d'émotions. Le son est plein, rempli d’une instrumentation prolixe et cultive un punch javareggae-rock festif. Une préférence pour la dérision de “Coffret repas” ou pour ce très joli final : “Avec ou sans”. Georges Fischer
www.myspace.com/appeldair
www.myspace.com/akeikoi
AKEIKOI est le point de fusion entre Nantes et Abidjan. C’est aussi la rencontre en 2000, d’un rock speed-funk et d’une musique multi-ethnique tirant ses racines de la tradition mandingue : Caline Georgette et les Yelemba d’Abidjan. Après sept ans de réflexion, malheureusement due en partie au conflit ivoirien, ils reviennent plus matures que jamais. Et c’est ce qu’on appelle souffler pour mieux rebondir ! Leur deuxième opus “Senoufo” accomplit le pari difficile de sortir des sentiers battus des musiques du monde, tout en restant fidèle à leur double personnalité. Équilibré et énergique, AKEIKOI y mélange la bonne dose de djembé, balafon, guitare, voix, basse, nuances et vrais bons solos pour livrer un afrobeat aux tendances groove et rock vraiment abouti, avec un supplément d’âme. Les amoureux de cette musique incantatoire, vibrante et cuivrée ne s’y tromperont pas. Marie Hérault
Appel d'air
Dans la boîte à lettres AP 2010
Birds are alive
Plucked & Fucked up Kizmiaz Records 2010
Plutôt qu'une compil’ toute moche présentant ses artistes, le label Prikosnovénie édite un objet d'une infinie délicatesse. “Berceuses de fées” est un petit bouquin accompagné d'un CD, féériquement bien illustré. Recueil de textes tendres de Régis Aubert, les mélodies et les chants sont inspirés des folklores moldaves, russes, allemands, et de bien d'autres contrées. Chantée, murmurée ou en yaourt, chaque comptine s'accompagne d'un récit. Comme indiqué sur la couverture, il s'agit de “14 recettes magiques pour s'endormir”. J'y ajouterais “Pour des oreilles fraîches et émerveillées”. On y entend la pluie, le vent dans les arbres, le crépitement des étoiles ou le souffle des dragons. Intemporelles, pas cul-cul, ni soporifiques, ces berceuses sont à mettre entre toutes les mains, et pas que celles des enfants. C'est apaisant, simple et beau. Bref, c'est rare. C'est aussi idéal au petit matin, pour un après dancefloor et un avant dodo, au chaud sous la couette vers le Pays des Songes. Marie Hérault
Si chacun sait que les oiseaux se cachent pour mourir, on se demandait ce qu'ils foutent de leur vivant. La réponse : du rock ! Plus précisément du blues rock garage - et du bon. En l'occurrence celui d'un one man band, le projet du Nantais Romain Marsault, qui a parfaitement intégré le cahier des charges du genre : guitare poisseuse accordée dans le Mississipi, batterie rêche, huile de coude et une lampée de whisky pour faire carburer le tout. On pense bien sûr à la référence incontournable du genre, le mythique guitariste casqué Bob Log III, sans pour autant avoir l'impression d'écouter un ersatz dénué d'âme. Car BIRDS ARE ALIVE possède un talent évident pour les mélodies accrocheuses et suintantes, ce qui permet d'éviter le piège de la monotonie sur la durée de l'album. Il semble aussi doté d'un mauvais goût très sûr : un oiseau qui annonce sur son Myspace “de la grande musique pour malentendants” ne peut pas être de mauvais augure. Damien Leberre
www.myspace.com/birdsarealiverecords
www.prikosnovenie.com
Prikosnovénie / Anticraft 2010
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Philippe Chasseloup
Chasseloup invite Christophe Bell Œil
Madame Suzie Productions 2009
Le producteur manceau ne chôme pas. Son album avec le guitariste de Powell sous le nom de [Drive In] Static Motion à peine sorti, le revoilà avec un nouveau “Meaningless” sous le bras. Enfin, dans le disque dur puisque l’album est seulement dispo en digital. Le label promet néanmoins une sortie physique. Ce joli contenu mériterait en effet un joli contenant. Car l’abstract hip hop de CYESM a vraiment de la gueule. À michemin entre les pontes du genre (DJ Shadow, DJ Krush…) et un post-rock cinématographique, les productions de CYESM cognent souvent dur, et s’envolent régulièrement vers des cimes en lames de rasoir. Le bonhomme a l’air du genre discret, mais ne vous y trompez pas : CYESM fait partie du haut du panier de l’electro hip hop hexagonal, aux côtés de Lilea Narrative ou Psykick Lyrikah. Kalcha
Cyesm
Meaningless Good Citizen Factory 2010
Mathias Delplanque Parcelles 1-10 Circonstances / Variations 1-4 Passeports www.bruitclair.com
Bruit Clair Records 2010
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Un Artiste prolifique, audacieux, et certainement téméraire, MATHIAS DELPLANQUE, non découragé par la frilosité des labels, vient tout simplement de créer le sien. Le bien nommé “Bruit clair” est sous-titré “Musiques électroniques et arts sonores” et débute sa prometteuse destinée avec trois sorties personnelles de son fondateur, révélant les infinis champs d’expérimentation et de création du musicien. Sous l’identité Lena, “Circonstances / variations 1-4” est une série de quatre approches différentes d’un titre de “Lost Wax” sorti chez Plush en 2008, fruit d’une collaboration avec Rob Mazurek, Charlie O, les Man, Black Sifichi, Steve Arguelles dans le fameux The Floating Roots Orchestra. Avec une grande liberté, Lena nous plonge ici dans de longues plages aux consonances dub, ciselées d’une multitude de détails électroniques qui en font une musique à la fois sombre et rassurante. S’abandonner ensuite à l’écoute de “Parcelles 1-10”, c’est entrer dans un organisme vivant fait de pièces instrumentales entre folk, ambiant, musique concrète. Enregistré en condition live, l’ordinateur y côtoie guitare, melodica, cithare et micro percussions. Ce premier volet d’une trilogie à suivre, illustre la règle d’or du label : se consacrer à toutes les formes électroniques composées et jouées en utilisant les machines comme de véritables instruments. L’esprit désormais vagabond nous conduit enfin à “Passeports”, sublime assemblage de sons enregistrés lors d’escales à Nantes, Lille ou Dieppe. Étirées en longs drones aériens, ces matières premières capturées dans les gares, aéroports, parking, sont l’unique composante de ces longues nappes abstraites où le temps suspendu devient délicieusement oppressant. En CD, téléchargement et même vinyles, annonçant de très prochaines sorties avec d’autres artistes, ces trois premières auto-signatures ne délivrent encore qu’une facette de MATHIAS DELPLANQUE dont les collaborations et interventions artistiques protéiformes sont à suivre de près dans les mois qui viennent, à Nantes et ailleurs… Cédric Huchet
www.gcfactory.org
www.madamesuzie.com
Avec les Collections Chasseloup, on s'embarque toujours pour des destinées surprises. “Automne 2009” nous emmène carrément dans un vide grenier, là où les objets, si dérisoires soient-ils, sont posés sans ordre, sans logique apparente, mais prennent à nos yeux effarés une beauté toute simple. Et c'est comme ça avec PHILIPPE CHASSELOUP. Ses chansons semblent fraîchement déballées de leur papier journal et dévoilent cette poésie faite de dérision et de bouts de ficelles au même titre que la conception de la pochette et la réalisation du disque : une fabrication artisanale contrastant avec un monde du disque “grosse machinerie technique”. Et sa plume est toujours aussi acerbe mais non dénuée d'humour corrosif envers notre société. Et une couche en plus avec Christophe Bell Œil en invité. Gilles Lebreton
DoWntaO
Luz & Land Music Oceanik Creations 2010
Esquisse Live
www.myspace.com/esquisselegroupe
AP 2009
Plus qu'une ESQUISSE, c'est bien un portrait qui a mûri 10 ans durant... Lentement tissé de compositions et recompositions jusqu'au sein du groupe, les aplats sont colorés, chevauchants, chatoyants, ravissants... Au tableau, un mix de ce qui se danse de plus varié dans les festoù-noz nantais : scottish, tour, ridée, Loudéac, circassien, valse, bourrée, avantdeux et galop... nantais ! Aux pinceaux 4 ambidextres pas manchots du diato, du sax, de la clar', et de la batterie itou. Le danseur à peine reposé en redemande, pour s'envoler encore et encore. Ça musarde, ça musette, ça tricote du mollet, ça swing, et ça jazze aussi... Ça n'a pas le côté léché des sorties d'atelier, mais ça se teinte du souffle vivant du corps qui bouge et crie d'aise pour ponctuer les mouvements, ça laisse une impression de léger à l'oreille, à vous en faire oublier toute la sueur humaine qu'il a fallu pour en arriver là... et en repartir benaise ! Jean-Jacques Boidron
www.myspace.com/ekhogroupe
D'emblée, on reconnaît l'influence des grands frères : Muse, Keane et Placebo en tête. Mais EKHÔ ne fait pas dans le plagiat. Ce duo manceau détient sa propre identité musicale, la maturité et l’efficacité des compositions sont impressionnantes. Mais pourquoi diable est-ce aussi efficace ? Outre la voix haut perchée du chanteur, le mariage de tous les instruments est heureux : guitares et piano se mêlent pour créer de beaux accords pendant que des lignes de basse ajoutent de la profondeur à l'ensemble. La rythmique se fait tour à tour effacée ou percussive, les samples sont subtiles et desservent très bien les compos. Ce “Twin sides” jouit de réelles montées en puissance et d’une réelle émotion. Deux petits reproches toutefois : les ponts et les transitions parfois prévisibles, la voix pourrait lasser sur la durée : plus d’instrumentaux seraient les bienvenus. “EKHÔ” est bel et bien un phénomène acoustique qui va prochainement résonner aux esgourdes de beaucoup de gens. Mickaël Auffray
Ekhô
Twin sides Edem Music 2010
Guerilla Fresca
Ça ira mieux demain AP 2010
Taillé dans un rock groovy et porté par une grosse production sonore, le nouvel album de GUERILLA FRESCA s’apparente à un vrai passage de cap. Le carcan du ska festif était décidément trop petit pour nos guérilleros, qui nous entraînent désormais à travers une jungle de styles, fidèle à leurs influences. Ne reniant pas leurs origines, on retrouve des titres comme “Ça ira mieux demain” et autres reggaes comme “Baissez le rideau”, “Enfants ou soldats” ou “Mama Africa”, qui rappellent ce qui a fait la marque de fabrique du groupe. À noter quelques surprises comme “Je positive”, petite bombe fusion hip hop avec Kenot (Ozanamix), ou de l’engagé et sautillant “Le Terminal” avec en invité prestigieux Gaston de Percubaba… Du swing, du groove, du nerf, c’est pourtant pas compliqué ! Ben Devillers
www.myspace.com/guerillafresca
www.oceanikcreations.com
Parallèlement à ses projets Ourswamp, Abraxas Projekt, ses collaborations avec la danse ou le théâtre, son label Oceanik Créations, Jérôme Paressant donne libre cours à son inépuisable inspiration en une double sortie d’album sur le même support ! Le premier, intitulé Luz, contenu dans les pistes 1 à 8, est d’un rock résolument free, aux voix murmurées ou scandées, aux textures presque jazz, aux reflets délibérément électro sur fonds de guitares blues ou éraillées. Puis les voix d’enfants répètent “la musique” sur un drone inquiétant. Nous pénétrons dans l’antre de Land Music, qui en 12 tracks, nous trimballe d’une électronica syncopée, vers des abstractions atmosphériques ou des frénésies électro jazz. DOWNTAO est le nom avec lequel il signe ses captivantes escapades en solo, disponible en CD ou téléchargement et accompagnées de ses incontournables créations vidéos. Cédric Huchet
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Hint et Ez3kiel
Collision Tour
Jarring Effects / PIAS 2010
www.myspace.com/labrumeroze
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Lock the dogs out Maximum Douglas Records 2010
Les Modules Etranges
La Machine Folle 2010
AP 2010
Il y avait bien longtemps qu’on avait pas vu un aussi bon titre d’album. Il faut dire que les p’tits gars de LA BRUME RO(Z)E n’ont peur de rien. Y a qu’à voir : le disque est emballé dans une petite boîte à pizza faite main (!!!). Les restes de mon éducation m’interdisent donc de vous dire ce que font ces Angevins du politiquement correct. Antoine (ex-Zetlaskars), Puk (ex-Zetlaskars, ex-Tartarin D’Tarace) et Garcia (ex-Tartarin D’Tarace) envoient valser les règles de bienséance de la vénérable chanson française pour créer une sorte de poésie punk, comme si Kwal se lâchait à mort après quelques bières. Autant dire que les oreilles les plus chastes risquent de grincer des dents (je sais, l’image est bizarre). Qu’elles se consolent au moins en écoutant la génialissime reprise de Cab Calloway, “St James Infirmary”.
www.myspace.com/kilosound
Kilo
La Brume Ro(Z)e
Tu suces pour un poème
Kalcha
Avec un nom pareil, on voit arriver gros comme un 38 tonnes les jeux de mots à 2€, “KILO, c’est gras, c’est lourd, c’est gros”, etc. Et ça n’est finalement pas si éloigné de la réalité ! Car l’opus des Angevins fait une entrée fracassante dans une cour où l’on croise d’habitude les énervés d’Unsane, Sick of It All ou les plus mélos mais non moins énervés American Head Charge, sur un versant plus metal-emo-indus, voire même power, clin d’œil à Pantera à l’appui (“Get out”)… On sent bien que ces 4-là n’en sont pas à leur coup d’essai (on y compte des membres de Sexypop, Kyu, Sweetback…) vues la maturité et l’efficacité des compos et la qualité de la production. D’une précision peut-être trop clinique, pas assez brute pour ce poids lourd noise-hardcore, mais qui donne à ce premier album une dimension internationale. Ben Devillers
Dawn
Résolument ancré dans la vague cold-wave, LES MODULES ÉTRANGES, trio nantais de fondus du genre pousse encore un peu plus les murs de l'antre de cette musique. Les rythmiques des boîtes à rythme sont inventives, elles lorgnent parfois même plus du côté de l'emocore que de la cold, le son de basse est bluffant, les guitares bruitistes et parfois noise. Les machines et les claviers viennent étoffer un univers déjà fourni, et la voix lancinante prononcer encore davantage l'obscur des compositions. De “Dawn” transpirent des ambiances dark, mais des titres comme “Poison” parviennent à colorer le propos. Avec une parfaite alchimie des sons, une maturité et une maîtrise musicale, ce disque devrait conquérir les adeptes du genre et fait renaître ou perdurer un genre qui a marqué bien des esprits dans l'histoire de la musique. Cécile Arnoux
www.myspace.com/lesmodulesetranges
www.jarringeffects.net
À l’heure de la lutte pour la survie du support, la sortie d’un DVD live semble risquée, Jarring Effects relève le défi avec HINT et EZ3KIEL, une rencontre inattendue sur le papier. Deux groupes aux horizons bien distincts, dans une collaboration qui porte bien son nom. Véritable “Collision”, le choc des deux entités fait des étincelles… C’est à l’occasion des 10 ans de Riddim Collection, festival organisé par le label lyonnais, que l’idée germe : HINT, absent de la scène depuis 2000, et EZ3KIEL, dernièrement séduits par les charmes électriques des guitares, concevront un set live. Résultat : douze titres charnus équitablement répartis. Sur scène, plusieurs dizaines d’instruments, un bric à brac de drums ethniques, atypiques parfois, donnent vie à un post-rock délabré, transcendant, aux énigmes nombreuses. Osmose exemplaire, beaucoup devraient s’inspirer de cet exercice. Jonathan Duclaut
Les Morues In cods we trust
Vlad Prod 2010
Mathilde en juillet
Break AP
www.myspace.com/mathildeenjuillet
Coop Breizh 2010
Dès l’ouverture, on est attrapé par la beauté du son de cet album. Voilà une production exemplaire (bravo Benoît Gautier !) où le choix attentif des timbres, de la basse au carillon en passant par violoncelle, percussions ou clarinette, forme l’écrin lumineux des mélodies subtiles et de la voix de MATHILDE EN JUILLET. Une grâce émouvante se dégage de cette voix où l’ingénuité le dispute à un aplomb qui affirme sans asséner, et sa multiplication en chœurs ingénieux est un régal. L’univers poétique folk rock de la chanteuse, qui rappelle Mélanie ou les Roches, révèle une intimité lucide, espiègle et sereine. Bilingues et écrits en collaboration, les textes portent un regard mi-pudique mi-amusé sur l’existence. Cet hiver, une pépite nous est offerte par Mathilde qui, désormais, est loin (du froid) d’ici, éternellement en juillet. Georges Fischer
www.myspace.com/morromusic
Quand on lit caractères, on peut penser à la Bruyère, ce moraliste classique qui en décrivit tant au XVIIIe. Plus près de nous, Brassens fait référence pour le moraliste actuel découvert chez MORRO. Ça semble venir naturellement chez cet autodidacte fier d’une approche sans calcul pour un disque produit “à l’ancienne”, sans manipulation numérique. Œuvre self-made où l’homme orchestre MORRO écrit, dessine, joue et chante avec un son compact et un groove électroacoustique têtu. Les textes scrutent comportements, attitudes et circonstances pour percer les apparences et prendre vie au-delà des masques. MORRO attrape le taureau par les cornes, comme le “Cancre de Pennac”. “Zéro théorie, juste le contact”, écrit-il dans “Autodidacte”. Tout est dit ! Georges Fischer
Morro
Le rythme des caractères Errance Productions / Anticraft 2010
Léo Seeger Come what may AP 2010
Replonger dans le monde de la pop-rock est toujours un plaisir renouvelé fait de repères inamovibles comme le son des guitares folk et de surprises avec les petites touches de technologies actuelles. Et LÉO SEEGER s'y balade à merveille. Entre une batterie très tonique et un tambourin omniprésent, il impose un couple de voix haut perché, toujours en harmonie, qui allège le propos et contraste avec la rythmique imposante. Et quand les duos de voix s'en mêlent et s'entremêlent, on n'est pas loin de nos mythiques duos des seventies. Comme dans la ballade “Come what may” qui vient contrebalancer un “March ballad” résolument rock. Malgré quelques répétitions dans les mélodies, l'ensemble de la galette est un très beau voyage dans le genre avec des fins de morceaux toujours tirées au cordeau. Gilles Lebreton
www.myspace.com/leoseeger
www.myspace.com/morues
Pénurie de groupes de punk à Nantes depuis la fin des Zabriskie Point et la disparition du si classieux label Dialektik Records. Eh bien, il faudra compter avec LES MORUES maintenant ! La relève est prise, et c'est tant mieux. À la différence près que LES MORUES mêlent énergiquement punk et ska et que le chant est féminin ! Des nuances tout à fait louables. Le projet en place depuis 2003 voit enfin un premier disque sortir, un disque de punk, de ska, de rock alternatif, façon Ruda des débuts. Pas original certes, mais sacrément bien joué, et transpirant de plaisir, d'envie, surtout les morceaux les plus punk. Comme le veut la tradition musicale, la prose est engagée, les instruments tous devant. Une profonde croyance en la morue, et une désinvolture assumée, rien de bien sérieux dans tout ça. Cécile Arnoux
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Smooth
The Parade
Do you like Records / Discograph 2010
Urban poizon
Hostile
www.myspace.com/urbanpoizon
AP 2010
30
Tout le monde sur les barricades ! Un air révolutionnaire souffle sur Angers. “Hostile” tire sur tout ce qui bouge. Les lyrics cognent fort sur la politique hexagonale, le laxisme écologique ou les inégalités sociales et économiques. Autant de sujets où un flow rageur laisse exprimer des idées qui ne le sont pas moins : trouver un antidote à URBAN POIZON reviendrait à bâillonner une partie de la jeunesse. La mutinerie s’organise autour des MC Tomawok (Zetlaskars) et Mister Flow (ex Carc[H]arias), elle est orchestrée par Koni, Dj K-ass, Grud et Dj Achaiss. Oscillant entre éléctro-hip hop et raggamuffin, URBAN POIZON livre ici 12 titres où la ligne directrice est d’être le plus percutant et le plus explicite possible. Pari réussi ! Malgré la performance du débit des paroles, l’album paraîtra pour certains un peu indigeste sur la longueur. Mais la volonté de se renouveler et d’expérimenter sans frontières est bel et bien là ! Mickaël Auffray
www.myspace.com/tribeqa
Après un premier album qui a créé la surprise au niveau national, le groupe nantais était attendu au tournant. Pas de sortie de route à déplorer, ce “Qolors” confirme bien tous les espoirs que TRIBEQA avait suscités. Leur soul jazzy balafoné garde toute sa fraîcheur, accueillant même plusieurs vocalistes (dont Blake Worrel, MC chiffonné des Puppemastaz !) pour varier les plaisirs. Si l’on doit chipoter, on objectera que quelques samples auraient peut-être gagné à être plus discrets - ou en tout cas moins téléphonés (cf. Nina Simone, Cypress Hill, Funkdoobiest…) mais avouons que ça ne pèse pas bien lourd dans la balance finale. TRIBEQA devrait donc sans trop de mal asseoir sa bonne réputation avec ce nouvel album. Et tourner en conséquence. Kalcha
Tribeqa Qolors
Underdog Records / La Baleine 2010
Vents d'Ale Vents d'Ale
Ha Ouais Productions 2010
“Y en a qui abordent le truc en faisant des manières” comme diraient les VENTS D’ALE. Alors comment expliquer l'agréable surprise que l'on peut ressentir en écoutant leur univers ? Grâce à ces cinq musiciens, on se laisse surprendre à suivre l'ambiance rythmée de leurs chansons, qui mélangent le hip hop atypique, le rap tonique et les accompagnements parfois à effets de salsa ou de blues. Romain Ollive chante avec son cœur, ses idées révoltées sont réalistes et engagées. Même si l'on peut avoir l'impression que ses ambitions sont provocatrices, il nous montre que sa souffrance a fait place à l'espoir. La musique des vandales nous crie alors avec puissance : “Faut qu'on soit solidaire, qu'ensemble on aille de l'avant”! Maëlle Fleury, lycéenne à La Colinière (Nantes)
www.myspace.com/ventsdale
www.myspace.com/smoothmusique
On les savait architectes d’une électronica édifiée par le sample lorgnant vers le jazz ou le spacerock des années 70. SMOOTH présente aujourd’hui un opus conçu avec expérience et science. Fruit de nombreuses années de studio et de scène. Album de la maturité ? Pas tout à fait. “The Parade” propose de nouveaux horizons, décomplexés, une nouvelle formule, où l’art de la mélodie est de mise, à l’image de “Friendly Yours”, qui ouvre le chemin avec l’énergie et la retenue caractéristiques du groupe. Le presque morriconien “I’ll be your animal”, cuivré, épique, montre la route empruntée. “Freedom is a Road”, “The Smooth Parade”, “Heart Bea(s)t”, ou SMOOTH dans ce qu’il sait faire de mieux. Mais comment vous parler de cet album sans évoquer son socle, la pépite : “Another Life”, track délicieux, parfumé, frais, à la ligne de basse redoutable. Rappelons que c’est avec ce genre de légèreté que Phoenix a décroché un grammy… Jonathan Duclaut
Coup de griffe ! LE MAGNÉTO
PAR AURÉLIEN MOREAU (LE MAGNÉTO) PHOTO : ÉRIC FERNANDEZ
CONCERTATION MUSIQUES ACTUELLES EN SARTHE : VERS UN DIALOGUE PARTAGÉ ET CONSTRUCTIF Depuis un an, Le Magnéto (collectif fédérant des acteurs des musiques actuelles en Sarthe) s'est mobilisé à plusieurs reprises pour solliciter la mise en place d'une concertation territoriale. Les Villes du Mans et d'Allonnes, le Département de la Sarthe, la Région Pays de la Loire et l'État (Drac) ont répondu favorablement à cette demande en approuvant en octobre dernier la création d'un espace de discussions et de propositions (Comité de pilotage) et le lancement d'une réflexion sur le département, avec l'appui du Pôle de coopération des acteurs pour les musiques actuelles en Pays de la Loire. Le Magnéto est aujourd'hui reconnu comme l'interlocuteur privilégié des collectivités et des services de l'État, identifié comme réseau territorial à part entière (co-organisateur des récentes Rencontres nationales Politiques publiques et musiques actuelles). Il ne peut cependant à lui seul assumer la responsabilité de conduire et animer la concertation territoriale en Sarthe. Le Magnéto est certes à l'initiative de cette démarche, mais celle-ci ne peut être efficace et durable qu'avec l'implication des différents partenaires publics et acteurs des musiques actuelles. Même si les relations restent empreintes de prudence (confortée l'attitude de certains acteurs rétifs au Magnéto ou soucieux de préserver des relations privilégiées avec leurs financeurs), les collectivités locales avancent à leur rythme sur le chemin d'un dialogue apaisé et constructif, conscientes de la nécessité de cette mission d'intérêt général sur un territoire qui aligne les contradictions : vivier artistique, dynamisme des pratiques amateurs et des projets associatifs portés par des bénévoles… mais absence de lieu de création-diffusion (type SMAC), déficit de professionnalisation globale du secteur. En Sarthe, comme ailleurs, la concertation est une nouveauté. À ce titre, elle est assez mal perçue car elle bouscule les cadres établis : elle implique donc pour chacun des partenaires de mettre de côté ses a priori, d'apprendre à discuter ensemble, de travailler autrement… Bref, de se mettre en danger ! Les bénévoles du Magnéto ont accepté cette règle du jeu : ils ont mis de côté leurs propres intérêts pour agir collectivement au service du développement du secteur. La mise en réseau des acteurs a d'ailleurs déjà contribué - de manière certes indirecte - à l'émergence de nouveaux projets communs, comme la participation au dispositif régional Artistes en Scène de Trempolino ou à la FEPPAL (Fédération des éditeurs et producteurs phonographiques en Pays de la Loire). Même si elle n'offre pas de résultats immédiats, la démarche de concertation va dans le même sens. Mais elle ne sera reconnue et solide qu'avec l'implication de tous les acteurs : musiciens, techniciens, organisateurs de concerts ou de festivals, café-concerts, écoles de musique, producteurs, éditeurs, développeurs d'artistes, spectateurs ou simples amateurs… La concertation territoriale est donc une opportunité à saisir pour faire entendre la voix des musiques actuelles en Sarthe et tenter de construire des “lendemains qui chantent” dans la morosité ambiante… Avanti ! Infos et contact www.le-magneto.org / contact@le-magneto.org
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ac annua tus, ire rĂŠg ional, petite s ann on maga zine e ces, n lign et plu e, s enc ore...
rĂŠseau ressources musiques actuelles des Pays de la Loire
http://tohubohu.trempo.com