n°23 Printemps 2012 gratuit
réseau info-ressources musiques actuelles des Pays de la Loire
fordamage glück daria BAGAD SAINT-NAZAIRE VS AGADIR GNAWAS
dossier : LES CONCERTS FORMENT LA JEUNESSE
http://tohubohu.trempo.com
En plus de l’annuaire régional (qui recense groupes, assos, festivals, labels…), Les annonces (trouver un musicien, un groupe, une batterie…), Les conférences du réseau à venir…
ce trimestre, retrouvez online : Interviews artistes Live Report Will Guthrie Rhum for Pauline Les Thugs Ghost in Saturn Manon Les Vilains Clowns Acné Plaisir
Les Z’Écléctiques de Printemps
Profil/événement Le Labo Sonore
LES VERSIONS LONGUES (des articles de ce mag) Fordamage / Daria
Photo : Will Guthrie / DR
Sommaire
Infos
Brèves . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 04
artistes Fordamage
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 06 Glück . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 08 Daria . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Bagad Saint-Nazaire vs Agadir Gnawas . . . . . . . . . . . . 12
PROJETS
Tous ces chaps – La Marmite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Bouts de ficelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 PAN ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
THE NEXT BIG THING
Paroles d’acteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
DOSsier
Les concerts forment la jeunesse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
TRACES ET IMPRESSIONS
Livres du moment . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Interview : Dominique A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
disques
Dernières sorties musicales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
PlaylistS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Le réseau Coordination : Cécile Arnoux / T. 02 40 46 66 33 / cecile@trempo.com CHABADA / Jérôme Kalcha Simonneau Chemin Cerclère, Route de Briollay, 49100 Angers T. 02 41 34 93 87 / jsimonneau@lechabada.com / www.lechabada.com BEBOP / Julien Martineau 28 avenue Jean-Jaurès, 72100 Le Mans T. 02 43 78 92 30 / crim@bebop-music.com / www.oasislemans.fr
Photo couverture : Fordamage – Meriadeg Orgebin Directeur de la publication : Vincent Priou Rédactrice en chef : Cécile Arnoux Chroniqueurs/Rédacteurs : Mickaël Auffray, Elie Bats, Mathieu Chauveau, François Delotte, Ben Devillers, Eric Fagnot, Georges Fischer, Cédric Huchet, Lune Laurent, Manu Legrand, Gilles Lebreton, Sandrine Martin, Julien Martineau, Romain Peneau, Jérôme Simonneau, Jérôme Taudon. Secrétariat de rédaction : Laurianne Delourme, Benjamin Reverdy, Amandine Rouzeau. Conception graphique: DeuxPointDeux.com Impression: Imprimerie Chiffoleau Tirage: 10 000 exemplaires – Papier PEFC ISSN: 2109-0904 Dépôt légal: à parution Siret : 37992484800011 Tohu Bohu est une publication de Trempolino, 6 bd Léon Bureau – 44200 Nantes, et du réseau Tohu Bohu, réseau info-ressources musiques actuelles des Pays de la Loire. Prochaine parution : 26 octobre 2012 Bouclage : 20 septembre 2012
FUZZ’YON / Ben Devillers 18 rue Sadi-Carnot, 85005 La Roche-sur-Yon Cedex T. 02 51 06 97 70 / ben@fuzzyon.com / www.fuzzyon.com LE 6PAR4 / Eric Fagnot 177 rue du Vieux St Louis, 53000 Laval T. 02 43 59 77 80 / eric@6par4.com / www.6par4.com TREMPOLINO / Lucie Brunet 6 bd Léon-Bureau, 44200 Nantes T. 02 40 46 66 99 / lucie@trempo.com / www.trempo.com VIP / Manu Legrand Base sous-marine, bd Légion d’Honneur, 44600 Saint-Nazaire T. 02 40 22 66 89 / mlegrand@les-escales.com / www.les-escales.com
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infos Le numéro 33 de Place Publique accorde une large place à la musique, et plus précisément à la métropole nantaise. Des articles conséquents, des portraits, un abécédaire… , Nantes demeure, à en lire ces articles, une métropole foisonnante et résolument musicale. Disponible début mai.
Come on people!, c’est le nom que porte le documentaire sur Les Thugs. Et c’est le nom du coffret qui sortira fin mai. Petit trésor dans lequel on trouvera le live audio à Angers, le live vidéo à Bordeaux (deux concerts donnés en 2008 lors du No-Reform Tour), le docu en DVD et d’autres petites surprises. Ça sort chez Crash Disques. On les retrouve en interview sur notre site tohubohu.trempo.com
revue-placepublique.fr
Deux forts rendez-vous à Mayenne cet été : le festival des Arts’Borescences (29, 30 juin et 1er juillet) dont la programmation concoctée par la Tribu Familia , est un cabinet de curiosités à lui tout seul (Vincha, Congopunq, Manceau ou encore Yriroad). La Tribu Familia proposera ensuite dans le cadre de L’été des 6 jeudis une programmation estampillée chanson française : Babel, Nadéah, Chloé Lacan, Ben Mazué, duo André Minvielle et Lionel Suarez. www.facebook.com/LesArtsBorescences
Le sacrosaint de l’americana folk rockabilly, le bien nommé Al Foul, sera de retour dans le coin dès le 3 mai. Habitant de Mammoth, petite bourgade proche de Tucson, ce digne héritier de Johnny Cash ou encore Woody Guthrie, ce One man Band gomminé, comprenez Homme Orchestre, est en tournée avec le Nantais French Tourist, dont 13 dates dans l’Ouest. Piti piti pa… www.myspace.com/alfoulandtheshakes
Pour les adeptes de doom et autres post-hardcore, pour les partisans de la galette noire, il reste quelques exemplaires du vinyle de Puanteur Crack. Disponible via le Collectif Hub qui a coproduit l’album. collectif.hub.free.fr
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The Beach : Leila Morouche a filmé la 5e édition de l’attachant festival Farniente, sur la plage de Mr Hulot, à Saint-Nazaire. A voir, sur www.farniente-festival.org : Jean-François Pauvros, Elwood & Guthrie, Faustine Seilman & Healthy Boy, Mein Söhn William, Disco Doom... En attendant le samedi 1er septembre 2012 pour le Farniente # 6, chouette !
INFOs Salle à faire, ça avance ! On parlait de la disparition du mythique Foyer des Jeunes de Montaigu, le collectif Icroacoa se voit enfin accéder à un lieu judicieusement nommé Le Zinord (situé dans la ZI Nord de Montaigu). L’espace se compose d’un lieu de vie, de bureaux, d’un espace de stockage pour le matériel technique et atelier décors... Inauguration prévue le 8 septembre !
Le sous-sol du Pannonica troqué, le temps d’un WE, contre un jardin à Couëron ! Les 23 et 24 juin prochain, (((Echo)))
Le Jardin Singulier
invite l’intimisme, la convivialité, la musique et la littérature. De Grosse Théâtre à Ekko en passant par le duo Edward Perraud/Fred Frith ou encore Pedro Soler/Gaspard Claus, tous sont animés par la musique et la littérature, et plus encore par la folle envie de les harmoniser. Un cadre idéal pour découvrir, et se laisser porter…
http://icroacoa.fr
En amont de la sortie d’un livre-CD témoignant son histoire, les militants du groupe rock alternatif des années 80 Nuclear Device proposent une expo. A voir au Silo, puis à la médiathèque Louis-Aragon au Mans jusqu’à début mai en partenariat avec le collectif Décibels. L’expo sera présentée ensuite dans les lycées de l’agglo mancelle. www.45revolutionsparminute.com
www.pannonica.com
Sweet Gum Tree sort ce mois-ci un second 45t en color vinyl. Entouré de 14 musiciens (dont un quartet à cordes), le plus Britannique ou Américain des Angevins propose deux morceaux extrêmement arrangés, dans la ligne des Divine Comedy, Joseph Arthur ou encore des Tindersticks. On attend l’album !
Le fonds d’aide à l’emploi artistique dans les caféscultures est lancé ! Annoncé lors des BIS 2012, ce dispositif d’aide à l’emploi direct est expérimenté er du 1 mars au 31 juillet 2012 en Région des Pays de la Loire. Le Conseil régional va financer durant cette période près de 1200 cachets dans les cafés-cultures. La gestion de cette expérimentation a été confiée au Pôle. Plus d’infos sur cafescultures.asso.fr
facebook.com/sweetgumtree
Mia Wallas sort son 2
disque au printemps ! Comme à l’heure de la préparation de ce numéro, il est trop tôt pour le chroniquer, on se donne rendez-vous aux Saulnières le 12 mai pour fêter la sortie de ce maxi. e
Facebook : Mia Wallas
Cette année, la Fête de la Musique célèbre sa 31e édition et les 50 ans de la pop. Trempolino, coordinateur régional pour les Pays de la Loire collecte vos programmations et vous aide à programmer ou à être programmé.
L’Europajazz propose depuis 2011 des concerts en milieu carcéral. Cette année, les détenus se voient associés au projet Jazz et Radio. Outre les concerts de Laurent Dehors/ Franck Vailant, des rencontres et séances d’écoute mèneront à la réalisation d’une émission de radio avec France Bleu Maine. www.europajazz.fr
www.trempo.com
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Artistes
fordamage Simples et noisy
Les Fordamage ne sont pas faciles à attraper, toujours sur les routes avec un projet ou un autre. Mais les Fordamage sont des gens bien. alors même par mail ils s’arrangent pour faire une interview propre et cohérente. Ça tombe à pic, on a adoré leur troisième album, « Volta Desviada », et on avait des questions à leur poser. A, c’est donc Amélie (guitare, chant), V : Vincent (guitare, chant), P : Pierre (batterie, chant) et T : Tony (basse, chant). Par Kalcha Photo : OjosCromaticos J’ai l’impression que quelque chose a changé sur ce nouvel album. Peut-être au niveau du son ? Ça m’a l’air plus étouffant, plus lourd, que d’habitude ? A : Oui les morceaux sont plus pesants, plus en colère même ! Ce n’est pas vraiment voulu finalement, on jouait pourtant déjà une bonne partie de ces morceaux en concert, mais mélangés aux autres et avec l’effet live, ça ne rend pas pareil. Ce disque était très excitant de par la nouveauté et les nouvelles exigences et envies que nous avions, mais il a été également très prenant. Je pense qu’il est plus personnel pour Fordamage et au final ça reste toujours un bon gros défouloir pour nous quatre. P, V et T : Pour compléter ce que dit Amélie, il sonne différemment car il y eu une vraie recherche dans le son pour chacun et avec Toma Nédélec qui nous a enregistrés. On s’est tous plus investis dans cet album dès la composition, ce qui te donne cette impression de plus lourd et plus étouffant.
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Vous avez une utilisation très hypnotique de certains gimmicks de guitare, un peu comme chez Battles. Vous cherchez à créer une sorte de transe avec votre musique ? A : Oui la transe est présente. À l’inverse des deux autres albums, on avait envie d’aller jusqu’au bout de ces gimmicks, de les développer progressivement jusqu’à cette sensation. De prendre plus le temps, sans oublier la puissance. P : C’est vrai pour des morceaux comme « Sleeping on a flag », « A Man and A Dog » ou « Triangle of Fire », mais pour le reste je trouve qu’on a fait un condensé de tout ce qu’on écoute comme musique, il peut y avoir du hip hop dans le flow (« Funeral »), voire un riff bien métal (« Anti Baile »), le morceau « Thank you » est très punk, etc. On ne s’est pas dit qu’on faisait un album de transe, mais des morceaux qui nous plaisent à nous quatre, ce qui est déjà un sacré challenge.
Artistes Amélie a une patte visuelle de plus en plus personnelle. On imagine que l’objet disque a autant d’importance que son contenu pour vous, non ? A : Oui l’univers graphique a beaucoup d’importance. Même si on ne parle pas de loups, de bisons, de tornades ou des grandes vallées nord-américaines dans nos paroles… (rires) J’avais envie d’un grand « chamboule tout ». J’utilise très souvent la faune et la flore pour traduire les sentiments humains, enfin j’essaye... Sur cette pochette, j’ai beaucoup travaillé pour essayer de donner une perspective au visuel ; d’habitude mes êtres vivants sont en suspension, dans un espace sans dimension. Sinon je me base beaucoup sur la BD, les livres d’illustrations et la peinture baroque.
Vous faites partie d’une famille de groupes français noisy plus ou moins composite qui commence à exister grâce à des concerts incessants alors que les ventes de disque ne suivent probablement guère. Les gens veulent-ils simplement une relation physique, instantanée, avec les groupes qu’ils aiment ? Ils ne s’intéressent plus à la musique enregistrée ? Tous : En fait, on est absolument pas déçus du nombre de ventes, on fait des petits pressages, et tout est vendu, ça fait quasi 2 000 disques en tout, et on vient de faire un 2e repressage de «Belgian Tango» en vinyle, le premier est sold out... C’est sûr y a 15 ans on en aurait vendu plus, mais tant que notre musique est diffusée (et même gratos sur le net), on est ravi. Et oui, c’est une musique de live, et sur « Volta Desviada », on a travaillé pour avoir un rendu enregistré tout aussi intéressant, on a produit l’album avec Toma... De toute façon, on écrit un album pour tourner et avoir cette relation physique, et plus on fait de concerts, plus on vend de disques, et on a assez de sous pour en faire un suivant.
La scène dont je parlais tout à l’heure me semble descendre directement d’une lignée qui irait de groupes comme Deity Guns, Bästard, Portobello Bones ou Hint, dans la première moitié des 90’s à Chevreuil ou Cheval de Frise quelques années plus tard. La France a donc toujours eu des bons groupes de rock, contrairement à l’image d’Épinal ? A : Je suis une très très grande fan des Deity Guns, Bästard et Hint. Ils ont joué un très grand rôle dans comment j’appréhende la musique rock. Ce sont MES groupes référents français, et Bästard fait même partie de mes groupes internationaux préférés. C’est cool de parler de ces groupes !
Tous : Et il y a toujours eu des supers bons groupes français mais c’est pareil pour des groupes espagnols, italiens, belges... On en rencontre sur la route, et on les voit évoluer et on échange au fil des années, et c’est très très chouette.
Vous jouez partout où vous pouvez, vous êtes donc très souvent sur les routes. J’imagine que vous avez des tas d’anecdotes farfelues qui vous sont arrivées. Il y a une histoire marrante ou flippante qui vous est arrivée dernièrement ? Tous : Tu veux dire quand on a viré à coup de tatanes un gars bien bourré qui emmerdait Amélie à Amiens ? En Belgique où le régisseur du festival était saoul à 16h ? Ou le concert sold out à Den Haag avec un salle quasi aussi petite que notre local de répé ? Ou de dormir 10h en 3 jours, en conduire 24 pour faire trois concerts en Auvergne et Espagne, ou en Lozère et en Suisse ? C’est un peu douloureux sur le moment, mais on en garde des méga souvenirs à chaque fois ! L’intégralité de cette entretien sur http://tohubohu.trempo.com
fordamage
Volta Desviada
Kythibong/La Baleine – 2012
Un jour ou l’autre, il faudra que la science se penche sur ce qui flottait dans l’air de Nantes à la fin des années 2000/début 2010’s qui expliquerait toutes ces excellentes formations de rock dérangé et bruitiste comme Papier Tigre, Room204, Papaye, Komandant Kobra ou Fordamage ? Ces derniers viennent de sortir leur troisième album, au visuel encore une fois somptueux (réalisé par Amélie Grosselin, leur guitariste). Plus lourd et enragé que ses prédécesseurs, « Volta Desviada » en veut pourtant toujours à nos corps. Les guitares tournent en boucles vénéneuses comme dans les meilleurs Battles ou Don Caballero, emportant l’auditeur dans une transe échevelée. Le groupe a suffisamment joué sur tous les fronts pour désormais vampiriser ses diverses influences (noise, math-rock, punk, post-hardcore, pop…) et exister en tant que tel. Foncez !
Kalcha
www.kythibong.org
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Artistes
glück
TRANS-EUROPE-EXPRESS
VOUS AVEZ PU DÉCOUVRIR GLÜCK DANS UN SQUAT À BERLIN (CE FUT MON CAS UN SOIR DE JUIN 2011), SUR LES SCÈNES DU PANNONICA (NANTES), DU SUNSET (PARIS), DE L’EUROPA JAZZ FESTIVAL (LE MANS), NANCY JAZZ PULSATION, AU FESTIVAL JAZZ À VIENNE OU ENCORE À LA MOTTE AUX COCHONS (SAINT-HILAIRE-DE-CHALÉONS). C’EST DIRE SI GLÜCK SE MOQUE DE LA NOTORIÉTÉ DES LIEUX, DE LEUR RÉSONNANCE. À L’HEURE OÙ SORT LE SECOND OPUS, RENCONTRE AVEC UN TRIO QUI JOUE DE L’ÉLECTRONIQUE DE FAÇON ACOUSTIQUE. Par Cécile Arnoux Photo : Sylvie Pires Da Rocha POURQUOI AVOIR MONTÉ GLÜCK ? Le groupe (Thomas à la batterie, Cédric au saxophone et Paul au soubassophone) est né assez naturellement : étant tous les trois fans de musique électronique (jungle, drum’n’bass, dubstep...) et jouant ensemble depuis longtemps. Nous avions envie de proposer une musique influencée par l’électro mais jouée live, sans machine et avec nos propres instruments (batterie, saxophones, soubassophone). À l’origine, nous avons seulement improvisé dans une fête mais rapidement on nous a proposé des concerts en festival ou en café-concert.
VOUS UTILISEZ DES NOMS GERMANIQUES (GLÜCK, ULTRASCHNELL), POURQUOI DONC ? LA MUSIQUE ALLEMANDE OU LA SONORITÉ DES MOTS VOUS PARLE ? VOUS ÊTES PLUTÔT HEUREUX (CF. SENS DU MOT GLÜCK) ? C’est vrai que nous avons déjà fait deux petites tournées à Berlin et que nous avons eu l’occasion
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avec d’autres groupes de jouer plusieurs fois en Allemagne... Cédric est particulièrement intéressé par la culture allemande et le nom du groupe vient d’un de ses t-shirts. Le sens de « glück » en allemand se situe entre chance et bonheur, et il faut parfois un peu de chance en impro ! Le nom a donc été retenu à l’unanimité.
Y-A-T-IL UN LIEN ENTRE LA FANFARE ET LA MUSIQUE ÉLECTRO ? SI OUI, QUEL EST-IL OU QUELS SONT-ILS ? A priori, pas de lien mais nous sommes tous les trois issus de la fanfare Zéphyrologie (RIP : 10 ans d’existence) et fans de musique électro. À l’époque de Zéphyrologie, nous jouions d’ailleurs déjà un morceau jungle composé par Cédric. Le lien se fait pour nous via l’utilisation du soubassophone, instrument emblématique de la fanfare et qui nous permet de jouer de manière totalement acoustique. Nos trois instruments nous permettent aussi une grande variété d’effets en acoustique (accessoires sur la batterie, petites percussions,
Artistes modes de jeu alternatifs pour le saxophone et le soubassophone).
POURRIEZ-VOUS UTILISER DES MACHINES ? OU EST-CE LE CHALLENGE DE FAIRE DE LA DRUM’N’BASS QU’AVEC DES INSTRUMENTS ACOUSTIQUES ? Non, car notre concept est de jouer de manière totalement libre et improvisée ; ce n’est pas vraiment un challenge mais plutôt le cadre que nous donnons à nos improvisations. Ceci dit nous jouons maintenant sur scène avec des effets sur tous les instruments (multi effets, Kaos Pad, Trigger, SPD-S...) qui nous permettent d’évoquer le son de cette musique tout en gardant la fraîcheur du live total et la prise de risque de l’improvisation, et qui multiplient les directions dans lesquelles nous pouvons aller.
SUR LES DATES PASSÉES, ON Y RETROUVE DE GRANDS FESTIVALS, DES CLUBS DE JAZZ NOTOIRES, ET DES CAFÉ‑CONCERTS. AIMEZ-VOUS JOUER DANS DES LIEUX AUSSI DIFFÉRENTS ? OÙ AVEZ-VOUS LES MEILLEURES SENSATIONS ? Nous jouons aussi encore dans la rue ! Nous avons tous les trois énormément joué avec la fanfare, et nous y avons pris le goût d’accrocher des publics très différents avec une musique pour laquelle ils ne sont pas familiers. Le plus important pour nous n’est pas le lieu mais la rencontre avec un public qui découvre souvent à cette occasion le style jungle et se rend compte que cette musique peut aussi être jouée 100% live, en acoustique, avec des instruments surprenants dans ce contexte.
QU’EST-CE QUI VOUS INTÉRESSE DANS LE FAIT DE FAIRE DE LA MUSIQUE ET DANS LA MUSIQUE EN ELLE-MÊME ? Nous sommes tous trois des passionnés de musique en tout genre (jazz, rock, metal, funk, fanfare...) avec une sensibilité particulière pour les musiques de transe. C’est notre moyen de nous exprimer comme d’autres feraient de la peinture ou de la photo...
ULTRASCHNELL EST VOTRE 2E ALBUM, DANS QUELLE MESURE FAIT-IL SUITE À UN 1ER ? AUTREMENT DIT, VIENT-IL COMPLÉTER QUELQUE CHOSE ? Notre 1er album (Acoustic Jungle #1) était basé sur le concept de l’acoustique totale. Notre 2e album (Ultraschnell #2) est basé cette fois sur l’utilisation d’effets sur tous les instruments afin de se rapprocher au maximum du son électro. Les deux disques ont cependant été enregistrés en suivant les mêmes méthodes : laisser tourner le magnéto et improviser puis choisir les impros qui nous paraissaient les plus réussies. Cet album nous permet aussi de proposer un enregistrement représentatif de ce que nous jouons maintenant sur scène et un autre qui fait entendre ce que nous faisons dans les petits lieux ou dans la rue.
VOUS IMPROVISEZ BEAUCOUP, AVEZ-VOUS DES CODES ? JUSQU’OÙ ALLEZ-VOUS DANS L’IMPRO ? Nous avons de moins en moins de codes, à part quelques signes empruntés au sound painting. Lors de nos concerts nous privilégions l’écoute afin de réagir aux idées proposées par tous les membres (tonalités, breaks, arrêts, idées rythmiques, fins...). Le principe de notre musique reste la transe autour de la jungle.
GLÜCK
Ultraschnell #2
Flux Productions – 2012
La marque de fabrique de Glück : de la musique électronique sans machines. Avec un son assez brut, des effets utilisés à bon escient, une rythmique claire et percutante, le trio invente vraiment quelque chose. Si le saxophone ténor et la batterie gardent la plupart du temps leurs sonorités respectives, c’est bien le soubassophone qui étonne le plus de part sa texture trafiquée. De la jungle, de la drum’n’bass, de l’ambient, du free-jazz, du post-rock, on perd pied. Il y a une forme de liberté dans cette musique, de l’improvisation, de l’espace sonore, une énergie communicative, tout cela ajouté s’apparente à une forme de transe. Ultraschnell est un avis de tempête, produisant douze déferlantes musicales produites elles-même par trois Éoles, rescapés de la fanfare Zephyrologie. En live, on atteint largement force 9 sur l’échelle de Beaufort, et c’est bueno !
Cécile Arnoux
www.myspace.com/glucktrio
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Artistes
daria
NOT DEAD BUT RED RED
et nous permettre de faire un disque Quatuor à cordes tendance power pop, rock parfois nécessaire après. Ça s’est vérifié à chaque fois, 2006, 2009, 2012. punk, smellant bon le ninety spirit, les angevins Le prochain c’est 2015, maintenant c’est réglé ! de Daria sont de retour avec un nouvel album. Un hommage au gourou du groupe, Iain Burgess, fon- Parce que tout se fait en autoproduction? dateur du fameux studio Black Box qui avait pris le E : Tout se fait généralement en grosse autonomie, là. Sur l’aspect enregistrement, ça a été fait de groupe sous son aile et nous a quitté il y a deux ans. sauf manière totalement autonome, financé par nos Rencontre dans leur fief avec Etienne, guitariste et propres économies. Néanmoins on est aidé sur la sordu disque. Le digipack et tous les aspects numéNono, batteur du groupe, autour d’une mousse et tie riques sont gérés par Yotanka, un label angevin hypesur fond de tournoi des Six Nations… ractif . Et on est aussi aidés par un autre label, Des 1
Par Benoît Devillers Photo : Albert L’actu du groupe, c’est aujourd’hui la sortie de votre nouvel album, qui est donc votre troisième disque, après le premier et le deuxième. Etienne : En fait c’est notre cinquième sortie de disque, on a fait deux EP auparavant, il y a maintenant pas loin de dix et huit ans. Le premier album, c’était Silencer en 2006, et puis Open Fire en 2009 et là en 2012, le dernier : Red Red.
Un temps de gestation assez certain quand même ? E : Eh bien on est assez constant à ce niveau-là, on sort un truc tous les trois ans. Le cycle est assez simple à expliquer : on réussit à avoir de l’argent pour enregistrer. Ensuite on sort le disque, puis on n’a plus de thunes et on fait des concerts pour se renflouer. Mais bon, on sait bien que les concerts, dans le style que l’on fait et à notre niveau, ça ne ramène pas énormément d’argent très vite. Il nous faut un an et demi/deux ans à jouer, pour récupérer l’argent
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ciseaux et une photocopieuse2, pour la sortie vinyle. Oh on est hyper ravis que ça leur ait plu et on est encore plus ravis qu’ils nous aident pour tout ça, il faut les saluer et les féliciter, car sans eux on ne serait pas allé aussi vite à sortir le disque. Systématiquement, ça n’est que positif tout ce que l’on fait avec eux.
Les précédents albums avaient été enregistrés au studio Black Box, vous avez une histoire particulière avec ce studio et notamment son fondateur, Iain Burgess, et je crois que cet album lui est dédicacé ? Nono : Tu es bien informé ! Effectivement, les gars avaient fait leur tout premier enregistrement avec Iain. Si je me souviens bien, c’était le plus jeune groupe à avoir enregistré là-bas à l’époque, Cam devait avoir 16 ans je crois. De fait, Iain suivait un peu l’histoire depuis le début. On a enregistré les deux premiers albums avec lui. C’est quelqu’un qui nous a beaucoup apporté, il est parfois venu en concert avec nous, c’était toujours très intéressant, très instructif, tout le travail fait avec lui à aider à forger l’âme du groupe et à nous professionnaliser sur pas mal d’aspects. C’était quelqu’un qui avait beaucoup d’importance pour le groupe et c’est pour ça que cet album lui est dédié.
Artistes E : Il nous a quitté en 2010… Sans Iain, clairement, on n’en serait pas là aujourd’hui, à notre niveau encore une fois. On lui doit tout ou presque, donc là le disque lui est complètement dédié.
Bon sinon le score on en est où ? La France est-elle toujours menée ? E : Oui parce qu’on peut p’têt préciser, pendant qu’on est interviewé, y’a France-Galles à la télé. Et non pas Michel Berger !
Héhé ! Par contre, si on regarde un peu les titres des chansons, ça ne respire pas vraiment la joyeuseté. Deceiver, The Sinner, Prove me Wrong, etc. E : Assurément, ça n’est absolument pas joyeux. Comme on le disait, les 11 chansons sont plus ou moins directement dédiées à Iain qui est mort il y a deux ans. À l’écoute des paroles, on comprend qu’on parle d’un homme qui vient de mourir. On doit tellement à Iain, le truc c’était comment nous, Daria, on va continuer, comment on va garder la passion quand avant on avait un mec comme Iain, un petit gourou, pour nous booster. C’est évidemment pas extrêmement positif. Paradoxalement, c’est peut‑être le disque où les mélodies sont le plus ressorties, c’est peut-être l’album le plus écrit, le plus posé, où les tempos ont été un peu ralentis. Le punch dans les guitares n’a pas été mis de côté mais oui, le son est un peu plus posé, plus mélodique, plus abordable. Malgré tout, je pense que ce sont les paroles les moins joyeuses qu’on ait pu faire jusqu’à maintenant. Encore une fois c’est dû au contexte et ce pourquoi ce disque est là. Enfin bon, ce n’est pas Radiohead non plus, on n’a pas envie de se pendre à chaque écoute, ça va !
Pour finir l’interview, dites-moi quel est le groupe, voire peut-être le morceau qui pourrait être le ciment de Daria ou qui met tout le monde d’accord ? France Gall ? E : Haha ! C’est hyper chaud ! N : Ouais c’est pas évident… Ou sinon Weezer ? E : Je pense oui, Weezer, sauf les dix dernières années. L’album bleu et le noir, Pinkerton. ça c’est un bon liant. Y’a pas mal de groupes sinon, comme Jawbox mais je cherche la chanson qui pourrait correspondre…
Bah je sais pas, celle sur laquelle vous bougez tous la tête dans le camion… N : C’est Johnny Cash alors c’est compliqué ! « I won’t back down ».
E : Ouais ce qui met tout le monde d’accord c’est « I won’t back down », dans le troisième ou quatrième American Recording, la reprise de Tom Petty. On a plein de groupes en commun. Après, plus tu vieillis, plus tu écoutes des choses différentes, plus le spectre s’élargit. Nono était déjà dans sa culture musicale vachement plus large que Cam, Germain ou moi et au fur et à mesure on s’est aussi tous les trois plus ouvert. Moi par exemple, j’adore Meshuggah maintenant, mais je pense qu’il y a dix ans j’aurais même pas compris ce qui se passait. Et pareil pour Nono. N : Comme par exemple avec Weezer ! E : Et si ! Sinon au local, on s’amuse à reprendre Tired of Sex de Weezer, qui se trouve sur l’album Pinkerton. Voilà, ça pourrait être le morceau qui met tout le monde d’accord d’une certaine manière ! L’intégralité de cette entretien sur http://tohubohu.trempo.com 1 2
Label de Zenzile, Nouvel R, Idem. Label tenu par des membres du groupe punk Wank For Peace.
DARIA
Red Red
Yotanka/Des ciseaux et une photocopieuse - 2012
Voilà que pointe Red Red, troisième album des Angevins de Daria qui n’a bien entendu rien d’un clin d’œil à UB40. Le quatuor powerpoprockstonerpunk nous livre là un disque affirmé, assumé, d’une efficacité qui ne se dément toujours pas et surtout d’une incroyable sincérité. Ce disque touche et tout, ça n’est pas dû au hasard. Si on se retrouve toujours au pied d’un mur de son et de guitares, le travail de la matière et le temps qui passe (osons dire la maturité, après plus de 10 ans d’existence !) semblent avoir fait leurs œuvres. Les lézardes mélodiques des guitares/voix, déjà présentes lors des précédents états des lieux du quatuor angevin (Silencer et Open Fire), semblent s’être multipliées et la charge émotionnelle est bel et bien là, appuyée sur une assise rythmique toujours aussi redoutable. Ces quatre-là ne pouvaient rendre plus bel hommage à leur mentor Iain Burgess : du gros son et de l’authenticité.
Benoît Devillers
www.dariamusic.net
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Artistes
BAGAD SAINT-NAZAIRE VS AGADIR GNAWAS L’ATLANTIQUE NORD-SUD ALLER-RETOUR
UN FEST NOZ EN AFRIQUE DU NORD, L’IDÉE SEMBLE INCONGRUE AU VU DU NOMBRE DE KILOMÈTRES ET DE LA DIFFÉRENCE DES CULTURES. POURTANT, LE FESTIVAL LES ESCALES A PILOTÉ UNE RENCONTRE ENTRE DES ARTISTES MAROCAINS ET DES MUSICIENS NAZAIRIENS. LA COLLISION DE DEUX TRADITIONS COMME SOURCE DE CRÉATION. ENTRETIEN AVEC JÉRÔME GABORIAU, PROGRAMMATEUR MUSIQUES DU MONDE DU FESTIVAL. Par Manu Legrand Photo : Arnaud Jaffré RACONTE-NOUS LA GÉNÈSE DU PROJET. Ce projet est né de la concomitance de plusieurs facteurs. Il y a, tout d’abord, la volonté de Patrice Bulting, directeur artistique du festival, d’initier des créations issues de rencontres entre artistes. En parallèle, le festival nazairien a tissé des liens très forts depuis des années avec le festival Timitar, à Agadir au Maroc. De cette complicité était déjà née, entre autres, la rencontre Titi Robin/Majid Bekkas. 2011 marquant la 20e édition des Escales, une nouvelle collaboration nord‑sud prenait toute sa place dans une programmation célébrant l’ouverture sur le monde, l’échange et la diversité culturelle.
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POURQUOI LES ESCALES SE SONT-ELLES TOURNÉES VERS LE BAGAD DE SAINT-NAZAIRE ? Les deux festivals ayant chacun à cœur de soutenir la création locale, restait à trouver, sur leurs territoires respectifs, des artistes prêts à se lancer dans cette nouvelle aventure de partage par-delà les frontières. À Saint-Nazaire, le bagad avait déjà été programmé il y a une quinzaine d’année pour une création avec le percussionniste sénégalais Doudou N’Diaye Rose. Cette appétence pour le métissage est une des caractéristiques du bagad nazairien, avec une véritable ouverture sur le monde comme en témoigne ses tournées en Chine ou aux États‑Unis. Christian Méhat, directeur du bagad mais également compositeur, a été très rapidement séduit par ce défi. Il existe bien des cousinages entre les musiques bretonnes et nord africaines. Outre la
Artistes proximité de l’océan, les instruments utilisés par les bagadous comme à bombarde ont des sonorités proches du mezoued (NDLR : instrument à vent traditionnel) ou de la raïta (NDLR : instrument à vent du Maghreb, voisin du hautbois) des Gnawas. Rythmiquement et harmoniquement, les différences sont sources d’interrogation, elles éveillent la curiosité et favorisent la création.
ET DU CÔTÉ DE TIMITAR ? Les Gnawas d’Agadir ont déjà une expérience internationale. Ils ont joué aux côtés de jazzmen, de musiciens d’Afrique noire ou avec le réunionnais Samy Waro. On retrouve bien chez eux cette ouverture et ce goût de la rencontre et du métissage.
COMMENT S’EST DEROULÉE LA PRÉPARATION DE CETTE CRÉATION ? C’est Christian Méhat qui était à la manœuvre pour la partie artistique. À partir des bandes-son envoyées par les Gnawas, il a travaillé sur des adaptations et des arrangements pour la réunion des deux formations. Il a également composé des nouveaux morceaux spécialement pour cette création. En mai 2011, huit Gnawas sont venus à Saint-Nazaire en résidence, pour travailler à l’École de musique. Dans un premier temps, ils ont répété avec une dizaine de musiciens nazairiens pour finalement terminer par une session croisée sur les deux répertoires avec 35 bagadous.
les musiciens, on s’est dit que ça serait vraiment dommage que cela ne soit qu’un one shot. Il y a un projet de tournée en 2013 mais, d’ores-et-déjà, des dates sont calées pour 2012, suite au passage aux Escales. Ils vont se produire au Festival Jazz sous les Pommiers à Coutances et au Festival Musiques Métisses à Angoulême. Les mois qui ont suivi la création ont été mis à profit pour structurer administrativement le projet, notamment grâce à l’aide du Conseil général de Loire-Atlantique. Le relais a été passé à la structure nazairienne Tam Tam Production pour le suivi administratif des deux dates de 2012. En parallèle, les musiciens ont repensé la formule pour qu’elle soit dans une configuration plus souple, plus adaptée aux tournées. On s’achemine vers une version à 11 bagadous et 6 Gnawas. Les Escales ont produit un CD comportant cinq titres, envisagé comme un outil de développement du projet. En tant que parrain de cette rencontre, le festival se réjouit de voir cette belle aventure perdurer. Le Bagad de Saint-Nazaire sort un album et invite les Gnawas à la salle Jacques-Brel à Saint-Nazaire le 5 mai 2012. L’aventure continue.
MATCH ALLER : LE FESTIVAL TIMITAR Oui, en juin. Là, c’est l’ensemble du bagad qui s’est envolé pour le Maroc. Après un temps de répétition, ils ont fait le concert d’ouverture du festival. Un grand moment, la concrétisation de plusieurs mois de travail.
MATCH RETOUR : LE FESTIVAL LES ESCALES Ils ont également fait l’ouverture, le vendredi. Les Gnawas étaient arrivés quelques jours avant pour quelques réglages en répétition. Mais cette création est autant une rencontre artistique qu’une rencontre humaine. Le bagad avait invité les Gnawas a participer le samedi à leur audition au Festival interceltique de Lorient. C’est un exercice très particulier, on est là dans un champ très codé des musiques traditionnelles. Le jury a été très partagé mais le public leur a fait un triomphe.
LE PROJET BAGAD SAINT-NAZAIRE VS AGADIR GNAWAS EST-IL APPELÉ À CONTINUER ? Devant la qualité artistique, la réponse du public et la profondeur des liens qui se sont tissés entre
BAGAD SAINT-NAZAIRE VS AGADIR GNAWAS Live
Les Escales Music – 2012
Ce disque rassemble des extraits des deux prestations fondatrices de cet ensemble inter-traditionnel réunissant des musiciens nazairiens et marocains. On les retrouve en effet sur la scène de Timitar à Agadir et sur la scène des Escales de Saint-Nazaire. Puisant dans les répertoires traditionnels des deux cultures, sous la direction de Christian Méhat, on y entend des musiciens vivre un grand moment de partage et de création commune. Et bizarrement, alors que ces cultures semblent si éloignées, la magie opère. Aux stridences des bombardes répondent les chants et la transe des Gnawas. Nous assistons bien là à une véritable création, avec des compositions originales de Christian Méhat, Medhi Nassouli ou Gweltaz Hervé. Une rencontre improbable mais qui fonctionne réellement !
Manu Legrand
tam.tam.production.free.fr
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PROJETS
TOUS CES CHAPS
Si, à l’époque, le gaillard circulait à travers la France avec des groupes et compagnies, son amour pour le monde rural l’a finalement poussé à développer l’association Tous Ces Chaps. Ainsi, Fabrice Gervaise créé son projet en l’an 2000 à Montaillé, à l’est de la Sarthe. Son ambition ? Redynamiser la cité dortoir qu’était devenu, selon lui, le territoire rural de la Sarthe en organisant des événements culturels. Ainsi, Tous Ces Chaps voit passer en 3 ans des soirées concerts, spectacles de rue, et la machine est ainsi lancée. Sa rencontre avec la compagnie Thé à la Rue amène les 2 structures à créer le PLUC : un lieu de résidence pour le théâtre et la musique dans le petit village de Saint‑Biezen-Belin, toujours en Sarthe. Le décor planté, c’est la même année que naît La Marmite festival, festival de musiques actuelles, avec des formations émergentes, à l’ambiance familiale, dont la première édition a lieu à La Suze-sur-Sarthe en 2003. Si la recette de La Marmite Festival évolue avec le temps, son goût reste authentique : il s’agit là de fédérer un public non connaisseur, dans des zones « pas faciles ». Ses ingrédients : proposer (sous chapiteaux) un événement pluri-artistique fourni en découvertes de musiques et arts de ra rue tout en gardant un tarif abordable à chaque spectacle. Le succès grandissant, La Marmite Festival assaisonne rapidement toute la communauté de Commune du Val de Sarthe et aujourd’hui, les saveurs du festival vont même jusqu’à s’introduire dans des lieux pour le moins originaux, avec notamment un concert chez un garagiste. Et comme Fabrice est définitivement fin gourmet, il crée Les Pic Nic Show en 2007.
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Les fondations du projet Tous Ces Chaps sont toujours là et l’événement est proposé l’été, au chapeau, en plein air via des programmations familiales. Si l’association doit quitter le PLUC en 2008, c’est suivie de ses 80 bénévoles (de 12 à 69 ans), qu’elle s’installe définitivement à Roëzé-sur-Sarthe, nouveau fief de La Marmite Festival. Ici, le lieu reflète une envie d’identification de l’équipe et du projet, mais n’a pas vocation à devenir lieu de résidence d’artistes, malgré la demande existante ça et là (John Parish et Moriarty y passeront quelques jours en mai prochain…). Non, car la nouvelle lubie de l’équipe, c’est l’acquisition d’un théâtre mobile. En effet, l’association souhaite développer une saison culturelle dans sa communauté de communes. Comment financer un tel projet ? À l’année, la location de chapiteaux permet seulement de financer les charges fixes de l’asso. Les partenaires publiques de l’association ne suivant pas l’investissement d’un tel projet, l’association a lancé un appel au don il y a 6 mois environ. Le pari est lancé, l’échéance est proche et l’affaire est à suivre. En attendant, la programmation de La Marmite Festival est tombée. Retrouvez du 19 au 26 mai 2012 : Moriarty, General Elektriks, Nasser, John Parish & Co playing C A R V E R, L’étrangleuse, Rover, Shaolin Temple Defenders, Chapi Chapo et les petites musiques de pluie, Delbi, Besh O Drom, Plaisir, etc. www.tousceschaps.org
Par Julien Martineau Photo : Loïcat
PROJETS
LES BOUTS DE FICELLES d’expression et d’accès. Les compétences existantes ont orienté les actions autour des musiques actuelles et de répertoires. C’est comme cela que le festival est né », rappelle Benoît Desnos, président de l’association. Les Bouts de Ficelles, c’est d’abord un esprit collectif partagé par les 150 bénévoles qui se dépensent sans compter, pour accueillir dans de bonnes conditions les artistes et les festivaliers. Une des particularités de l’événement réside dans son mode de fonctionnement entièrement fondé sur le bénévolat. Basé sur cette dynamique, il permet l’investissement de tous les acteurs à tous les niveaux. De l’artiste au régisseur général tout le monde s’implique de manière bénévole : « Les Bouts de Ficelles productions se sont positionnés très clairement dans un espace avec une éthique très précise. C’est ce qui fait sa force humaine et sa fragilité économique. L’association a juste préservé un espace ou tout le monde est au même endroit, au même moment et au même niveau pour défendre un même projet. Chaque intervenant sur le festival est acteur et adhérent du projet. » C’est aussi un esprit partageur que le festival perpétue depuis sa création en misant sur des propositions gratuites qui permettent au festivalier d’apprécier les 25 groupes programmés dans les bars ou sur les 2 scènes principales.
Crée en 1998, le festival les Bouts de ficelles fêtera sa 15e édition en juin 2012. Portée par des militants passionnés, l’association mise sur la dynamique bénévole pour animer l’événement. Une approche différente qui a le mérite de préserver la culture en milieu rural. Bout de portrait d’un festival pas comme les autres. Situé en bordure de la rivière Mayenne, Daon a le profil d’une petite cité touristique dans laquelle le promeneur peut flâner à sa guise entre vieilles pierres et pieds dans l’eau. Des bateaux, un halage mais aussi un festival qui dès le début du mois de juin, s’empare du village pour y fêter dignement la musique. Cela fait 15 ans que ça dure. Le festival a su trouver un rythme de croisière pour accueillir aujourd’hui près de 6 000 festivaliers venus partager l’esprit des Bouts de Ficelles. « Le projet émane d’une volonté d’un bassin de population de développer un projet en milieu rural, collectif et dynamisant, basé sur des libertés
Plus qu’un festival, les Bouts de Ficelles c’est surtout un esprit fédérateur caractérisé par un projet culturel global ancré sur un territoire pour lequel la structure propose des activités (formation professionnelle, résidence, formation des bénévoles, travail en direction des scolaires, projet de développement durable...) en cohérence avec le tissu local. « Le festival n’est qu’une partie visible du projet culturel global porté par l’association. On développe également des activités culturelles, sociales ou environnementales en réponse aux attentes et demandes du bassin de population. Je compare souvent les Bouts de Ficelles à une MJC de plein air qui tourne à l’énergie humaine. » Enfin, le festival conserve un esprit frondeur notamment dans la manière de concevoir la culture en milieu rural. De par son rayonnement et ses activités, la structure milite pour une culture par et pour tous qui aurait tendance à disparaître. www.boutsdeficelles.info
Par Eric Fagnot Photo : DR Tohu bohu
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PAN !
PAPA MET DU BÉTON DANS LE GARAGE ! les gens ont envie de garder. À l’heure où tout se dématérialise c’est un repère rassurant. Et puis la sérigraphie nous permet d’être maître de nos propres moyens de production, de la conception à l’impression. C’est aussi une technique d’imprimerie d’art très simple à appréhender, ce qui permet de monter un atelier rapidement en cherchant un peu sur internet. L’essor de cette technique est aussi dû au fait que créer un atelier, c’est aussi permettre à un réseau de se rencontrer, de générer des projets. »
VIEILLE Technique d’imprimerie qui consiste à utiliser des pochoirs interposés entre l’encre et le support, la sérigraphie devient une véritable alternative aux photos ou autres visuels illustrant des événements ! Force Béton, Appelle Moi Papa, Boris Jakobek, Pan ! , autant d’associations qui mettent à l’œuvre leur créativité, technicité, énergie et motivation en bons mélomanes qu’ils sont. Si l’on questionne quelques associations sur le pourquoi de ce retour en force de la sérigraphie, Force Béton et Back to Garage évoquent « le retour du DIY », tandis qu’Appelle moi Papa argumente avec « le retour à l’artisanat, à une matière valorisée, à un tirage limité ». Pour Pan ! ça ne fait pas de doute, la sérigraphie est au cœur de réseaux (artistes, musiciens, graphistes) et permet « d’éditer soi-même et à moindre coût des objets très divers (affiches, livres, pochettes de disques etc.), en peu d’exemplaires. Le travail d’imprimeur a été également très dévalorisé ces dernières années avec l’arrivée sur internet d’imprimeur low-cost proposant des produits bas de gammes à des tarifs très bas. Il y a donc un regain d’intérêt pour la sérigraphie, qui permet d’obtenir de beaux objets, que
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Le principe des sérigraphies est bien l’objet unique pour l’événement unique. Supportant ainsi un groupe, un concert ou encore un festival, chacun envisage la chose à sa façon. Certains, comme Appelle Moi Papa, souhaitent « exprimer au mieux l’ambiance de la soirée ou du concert organisé », ou, comme Back to Garage, « associe le style musical défendu par l’asso au style de sérigraphie inspiré par la BD plutôt indé type US, ce style de BD étant lié au style rock des années 50 ». La plupart avouent néanmoins, avec l’expérience, aspirer à une indépendance ou une autonomie de création. Pour Forcebéton, « c’est plus les envies et une patte personnelle qui prennent le dessus, et les gens viennent chercher un style aussi qui tient plus de l’artiste ou de l’illustrateur que du graphiste capable de s’adapter à une commande ». Chez Pan ! , « chaque illustrateur et/ou graphiste décide librement du visuel pour illustrer une affiche. Il y a de fait une identité « illustration-dessin » qui est la marque de fabrique de l’asso ». Pour autant, les bénéfices dégagés ne permettent pas l’emploi. Soit ce n’est pas le but, soit la communication autour de cela n’est pas suffisante et le travail reste encore confidentiel. Pour Pan ! : « Notre réseau EST très DIY, c’est donc plutôt de l’échange de services et beaucoup de bénévolat. Lorsque l’on travaille avec des « institutions », elles rechignent encore à payer correctement ce genre de prestations et à considérer notre travail comme un réel artisanat d’art. Cette technique a de nombreux avantages, mais comme tout artisanat, elle demande du temps. » forcebeton.org panjetevois.blogspot.fr appellemoipapa.fr gigposters.com/designer/123939_Boris_Jakobek.html
Par Cécile Arnoux Photo : Amélie Grosselin
The next BIG thing
PAROLES D’ACTEURS UN CASTING D’ACTEURS DE LA RÉGION QUI NOUS CONFIENT CE QU’ILS ATTENDENT IMPATIEMMENT POUR CES PROCHAINES SEMAINES… Benjamin Boré
Sylvain Trovallet/ Christophe Chauvière
Une semaine de vacances et plus de sommeil, Death Grips à la Villette Sonique, le nouveau Piano Chat qui ne sort pas chez nous, une victoire de la musique pour l’ensemble de notre carrière, être 2x Platinium pour Will Guthrie, My Name is Nobody et l’Œillère, les 6 ans de Forcebéton, de Pneu, de Papier Tigre, les 10 ans de Kythibong, mes 30 ans et aller voir la mer.
Un changement de Président de République et une bonne cuvée 2012 du festival les 3 Éléphants : le mois de mai parfait.
label Pourricords, association Force Béton (Nantes)
Hervé Batteux
Tam Tam production (Saint-Nazaire)
Le Tatiphone : un orchestre de jazz et un spectacle sur l’univers de Jacques Tati, à l’occasion des 60 ans des « Vacances de Mr Hulot ». Le 26 mai, les gens pourront voir une création musicale et vidéo à Saint-Marc-sur-Mer, sur les lieux même du tournage.
Cyrielle Chevrier
association Ul3sons, organisatrice de concerts (Angers)
J’attends avec impatience l’arrivée de l’ADSL dans mon nouveau chez moi, l’ouverture d’un nouveau lieu à petite jauge dédié aux musiques actuelles à Angers, la fin des travaux de notre salle fétiche (cf. la Maison de Quartier Saint-Serge), la fin de ma coqueluche, et la sortie du nouvel album de Wax Tailor.
Florian Renault
batteur de The Forks (Angers)
J’attends de voir John Bonham (le batteur de Led Zeppelin) en masterclass parce que je sais qu’il n’est pas mort au fond. J’attends de savoir si on va survivre à l’hiver berlinois puisqu’on part d’Angers en octobre. Et surtout, j’attends que «Grenouille», ma Twingo verte, revienne de ce satané garage !
Thomas Ricou
ingé son groupe Push Pull (Laval)
régisseurs généraux du Festival les 3 éléphants (Laval)
Jean-Loup Poirier
Président de l’association Supa Sound 72 (Sarthe)
J’attends le tecknival du 1er mai auquel nous participons et pendant lequel nous montons une plateforme nationale : on va se servir de cet événement pour montrer aux politiques les revendications des activistes techno.
Serge Auvitu
Programmateur du festival Soirs au Village à St Calais (Sarthe)
Il est aujourd’hui difficile de développer un projet artistique ou culturel sans que trop d’obstacles se lèvent. J’aimerais être plus serein, voir l’avenir plus loin, pour pouvoir consacrer plus de temps à le mener à maturité plutôt que de se satisfaire de sauver les meubles.
Lyonel Bernard
Président de Graffiti Urban Radio (LA ROCHE-SUR-YON)
En veille depuis quelques années, la question du passage à la radio numérique terrestre redevient aujourd’hui un sujet d’actualité pour Graffiti et les autres radios associatives de la région. Pour mener ce projet à bien, les diverses radios et collectivités devront se réunir afin que chacun puisse tirer le meilleur parti de cette collaboration.
Brice Terrié
Bassiste d’After Blowdown (LA ROCHE-SUR-YON)
Après avoir frissonné sur l’extrait du live « Ez3kiel & le Naphtaline Orchestra », j’attends la sortie de leur DVD prévu pour septembre ! Outre-Manche, et bien qu’il y ait eu 10 ans entre leurs deux derniers, je ne désespère pas d’entendre bientôt le prochain album de Portishead. Sur scène, j’attends le choc visuel et auditif du live d’Amon Tobin.
La venue de Get Well Soon au 6PAR4 pour leur prochain album.
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LES CONCERTS FORMENT LA JEUNESSE LE JEUNE PUBLIC : une scène quasi-alternative
Aujourd’hui, tout bon festival qui se respecte — et qui respecte ses festivaliers — a ses toilettes sèches, ses gobelets réutilisables, sa déco personnalisée et... ses concerts jeune public. Il est en effet loin le temps où nos chères petites têtes blondes ou crépues devaient se contenter des Dorothée, Chantal Goya et Henri Dès pour remuer des fesses et se dégager les bronches. Depuis une quinzaine d’années, l’offre a même littéralement explosé et une scène quasi-alternative semble vouloir émerger. Causes, conséquences, tout ça, tout ça. Par Kalcha Illustrations : Maud Belrepayre – www.wix.com/deuxmots1/deuxmots If the kids are united Avant les années 90, la musique pour enfants était comme un grand champ de désolation où ne survivaient que les stars citées en introduction, ou encore Anne Sylvestre et les anciens babas-cathos de Mannick & Jo Akepsimas. Heureusement, quelques trublions comme les Bouskidou (de Nantes) ou Vincent Malone commencèrent à faire souffler un vent de fraîcheur dans toute cette naphtaline au début de la décennie. Avec le recul, ce frémissement ne sera pourtant que l’époque yéyé du jeune public. La révolution punk aura plutôt lieu au milieu des années 90 avec Les Farfadas d’Angers qui seront les premiers à jouer dans le réseau des SMAC (Scènes de musiques actuelles, du type Chabada, 6PAR4,
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Fuzz’Yon, etc.) et des festivals pour adultes. « Quand on a commencé Les Farfadas, on a probablement dépensé plus d’énergie à défendre le spectacle jeune public en général que notre projet en particulier, dans le sens où on n’était pas beaucoup de groupes à essayer de jouer dans les SMAC. Quand tu joues du reggae, tu dépenses ton énergie à essayer de promouvoir ton groupe parmi les autres groupes de reggae, et non pas à défendre le fait de pouvoir jouer du reggae, car c’est rentré dans les mœurs. Pour le jeune public, c’était l’inverse. Il a fallu que les mentalités changent...» se souvient Bertrand “Tramber” Thibault, l’un des fondateurs des Farfadas. En 1998, le Ministère de la Culture développe un programme pour la valorisation et la diffusion
DOSSIER vite ne rien voir s’ils n’ont pas la possibilité d’être seuls devant. Il leur faut gérer la liberté de mouvement puisque les places ne sont pas assises, etc. Plus vite les enfants auront incorporé ces codes, moins ils auront de réticence plus tard à avoir une pratique culturelle dans ces lieux » rajoute Carole Thibault, ex-manageuse/ tourneuse des Farfadas et parfois programmatrice jeune public elle-même (Le Chap’Mazik à Rock en Scène).
des musiques actuelles en s’appuyant sur les salles de concert de jauge moyenne, ce sont les fameuses SMAC. « Pour obtenir le label SMAC et les financements publics qui vont avec, le projet artistique d’une salle doit contenir un volet d’action culturelle bien particulier en direction de certains publics. Les concerts jeune public en ont en toute logique bénéficié », explique Benoît Devillers du Fuzz’Yon (85). « Il y a en effet une prise de conscience de plus en plus nette des pouvoirs publics sur la nécessité d’investir dans l’accès à la culture pour tous, et notamment en direction des enfants des quartiers plus populaires. Par exemple, les seules embauches qui ont eu lieu à la Ville de Laval en ces temps économiques compliqués ont été des médiateurs culturels chargés de travailler à une sorte d’école du spectateur. C’est à dire à accompagner les publics vers la culture » précise Paul-André Lemoigne, de la Ville de Laval, par ailleurs programmateur du Kidztival associé au Festival Les 3 Éléphants. Il faut dire que ces salles et ces festivals — qui veulent défendre une autre culture que l’offre mercantile des majors du disque — ont très vite compris une chose. Les petits qui ont entre cinq et dix ans aujourd’hui seront leur public potentiel dans une dizaine d’années. Autant leur faire prendre tout de suite de bonnes habitudes. Vivien Gouery, manager/tourneur des Frères Casquette (un projet jeune public issu du groupe de hip hop Nouvel R) enfonce le clou : « Avec Nouvel R, on a fait beaucoup d’action culturelle sous forme d’ateliers dans des maisons de quartiers. Et on se rendait compte que certains des jeunes qu’on voyait là-bas, qui avaient parfois dix-sept ou dix-huit ans, n’avaient encore jamais mis les pieds dans une salle de concert. C’est donc super important de préparer les plus petits à cette pratique culturelle, en les habituant aux lieux et aux codes. » Des codes ? Quels codes ? « Les petits sont souvent impressionnés par une salle plongée dans l’obscurité. Le volume peut les déranger. Ils peuvent
Tout ça se fait d’autant mieux aujourd’hui que la génération actuelle de parents a souvent pu avoir accès à ces lieux, contrairement à la génération d’avant. « C’est clair que sur les concerts jeune public que l’on programme, l’essentiel du public est composé de personnes qui viennent habituellement aux concerts du Fuzz’Yon, accompagnés cette fois de leurs enfants », analyse Benoît Devillers. « On a même parfois des gens qui ne venaient plus du tout à nos concerts depuis quelques années et qui reviennent aujourd’hui parce qu’ils sont devenus parents et qu’ils trouvent important que leurs enfants puissent voir des choses en dehors du circuit commercial. Ca veut bien dire que le travail de sensibilisation est primordial. » Il y a donc bien une demande. Mais y a-t-il une offre ?
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Get Rich or Die Tryin’ « Pour être honnête, je n’aurais jamais pensé moi-même à faire du jeune public, avoue le chanteur parisien Pascal Parisot. J’ai simplement répondu favorablement à une commande de Milan Jeunesse. Après avoir sorti trois disques pour adultes dans une relative confidentialité, c’était une occasion de retravailler. Et ça a marché audelà de nos espérances. J’ai donc fait ce premier album il y a quelques années, puis un deuxième. Puis un troisième qui est en cours de réalisation. Pour l’instant, je ne m’en lasse pas. Ça aurait même tendance à enrichir les autres projets que je fais à côté. » En ces temps de crise de l’industrie du disque et de l’intermittence, les artistes ne peuvent ignorer un secteur en plutôt bonne santé. Le Jeune Public s’est en effet très vite organisé avec ses propres festivals (ex. Rockyssimômes à Sablé-sur-Sarthe), ses propres sociétés de productions spécialisées (comme Armada à Rennes), mais il s’est aussi souvent fait une place chez les tourneurs généralistes. Beaucoup de grands noms de la chanson se sont ainsi essayés — avec diverses fortunes — à des formules pour les plus petits, comme Les Têtes Raides, François Hadji-Lazaro ou Oldelaf. Alors, opportunisme ou vocation? La réponse de Carole Thibault est sans appel : « Pour moi, le jeune public, ça doit d’abord être une vocation. C’est un peu comme les institutrices en maternelle. C’est pas forcément très valorisant. On te prend pour une garderie. Donc il n’y a que les gens qui sont profondément convaincus par la cause qui font avancer les choses. Même si ce n’est pas toujours compatible avec les lois du marché parce que pour capter l’attention des gosses, qui sont le public le plus exigeant du monde, il ne faut pas avoir peur d’aller au bout du délire, de faire quelque chose de grandiose. » Toutes les personnes interrogées s’accordent en effet sur ce même constat : s’ils sont d’une générosité sans nom lorsqu’ils aiment, les enfants peuvent également se désintéresser complètement de ce qui se passe sur scène si ça ne les touche pas, sans se soucier des conventions courtoises des adultes. Le boulot n’est peut-être donc pas la
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sinécure imaginée ? « Les balances pour les réglages son et lumière sont à 9h ou 10h du matin (contrairement à 14h pour les concerts normaux). Alors, si tu as de la route, ça peut te faire partir très tôt. Tu dois souvent rencontrer les enfants avant ou après le concert. Tu joues au moins deux fois par jour, pour un cachet à peu près équivalent à un concert normal, et ce parfois pendant une semaine complète en temps de vacances scolaires. C’est super éprouvant physiquement. Les gens qui feraient ça par pur opportunisme déchanteraient vite… », prévient Vivien Gouery. Avec 800 dates des Farfadas dans les jambes, Tramber ne cache pas que le jeune public se mérite : « C’est clair que ce n’est pas du tout la même hygiène de vie. Pas question de monter sur scène avec un coup dans le nez pour te désinhiber par exemple. Personnellement, je me préparais physiquement pour pouvoir tenir la distance sur scène car c’est extrêmement usant. On a bossé comme des dingues avec Les Farfadas, je crois que c’était notre seul secret. » « C’est vrai qu’on voit de plus en plus de sociétés de production qui ouvrent une section jeune public dans leur catalogue, sans forcément se soucier de la qualité du projet. Là aussi, je pense que ces sociétés ne feront pas long feu. Parce qu’une des grosses différences quand tu fais tourner un groupe jeune public, c’est que tu n’as pas besoin d’une grosse médiatisation et tout le toutim. C’est essentiellement sur le bouche à oreille. Si ton truc tient la route, les programmateurs se refilent très vite les plans, parce que les projets intéressants sont encore finalement assez rares. On revient donc à une certaine forme de sincérité. Si ton projet est de qualité, tu joues. Si c’est nase ou pas au point, tu peux pas mentir et tromper les gens avec des paillettes », continue Vivien des Frères Casquette/Nouvel R. « D’ailleurs, cela pose un autre souci, relance Benoît Devillers. Les SMAC ont une économie plus serrée que les scènes nationales ou les théâtres qui sont historiquement les lieux où les spectacles jeunes publics ont commencé à se produire. Les sociétés de production qui font tourner des groupes sont donc souvent habituées à pouvoir vendre leur spectacle à un certain prix dans ces structures, et sont par conséquent surprises que certaines SMAC aient du mal à s’aligner. Nous sommes obligés de leur expliquer par exemple que François Hadji-Lazaro (ex-chanteur de Pigalle), qui a déjà une certaine notoriété et qui attirera donc du monde, nous demande moins cher qu’un de leurs groupes qui n’est pas encore connu. Sans vouloir acheter des spectacles au rabais, il faut que les deux secteurs apprennent à parler la même langue. » « Il y a effectivement pas mal de compagnies théâtrales qui se sont engouffrées dans la brèche en essayant de faire des spectacles théâtro-musicaux, mais bien souvent ça tombe complètement à plat. Je suis même souvent affligé du niveau. Alors que je suis toujours surpris de voir que des gens qui viennent du rock ou des musiques actuelles ont très souvent des propositions bien plus affinées alors qu’ils souffrent d’une économie beaucoup plus fragile, sans pouvoir être payés pour leurs répétitions par exemple », confirme Paul-André Lemoigne de la Ville de Laval. « En règle générale, les SMAC qui
DOSSIER proposent des spectacles jeune public font attention à la qualité du projet. On n’a pas de risque de voir des trucs comme ceux organisés parfois par des grosses marques avec un château gonflable et un pseudo-groupe qui joue. Ils sont obligés de proposer quelque chose de cohérent avec leurs valeurs, déjà pour la simple raison qu’ils sont en train de parler à leur futur public potentiel », conclut Carole Thibault.
TOHU BOHU SUR LES ONDES
DIMANCHE 13 MAI 2012 Festival Les 3 Éléphants (Laval) 12h à 13h30 Dans le cadre du Kidztival proposé par le festival Les 3 Éléphants, Tohu Bohu sur les Ondes (prolongement radiophonique du magazine du même nom) traitera de la question du jeune public dans les musiques. Pour quelles raisons salles et festivals s’intéressent-t-ils à ce jeune public ? Quels projets jeune public défend-on en tant que structure ? Comment les artistes développent des créations jeune public ? Quelles motivations y trouvent-ils ? Intervenants : Paul Lemoigne, programmateur jeune public (Kidzfestival)/Les Frères Casquettes, (groupe hip hop jeune public). Modérateurs : Lucie Marchand (L’Autre Radio)/Cécile Arnoux (Trempolino/Tohu Bohu).
we don’t need no education Pour faire se rencontrer cette offre et cette demande, il y a un lieu qu’il est très difficile de contourner : c’est l’école. Une grande partie des concerts jeune public est en effet proposée aux scolaires les après‑midi, alors que les concerts en début de soirée sont aussi ouverts aux parents. Salles et artistes doivent donc réussir à travailler avec l’Education nationale. « Finalement, comme c’est assez récent que les SMAC se lancent dans le jeune public, nous sommes encore mal identifiés par les écoles et les centres, comparé aux scènes nationales, aux théâtres, aux cinémas... Il faut donc bien anticiper et fournir notre programmation en amont parce que les budgets réservés aux sorties scolaires sont très limités. Il faut vraiment faire connaître tes propositions au bon moment, explique Benoît Devillers. Depuis décembre 2010, on a décidé d’instaurer un rendez‑vous jeune public régulier au Fuzz’Yon, à savoir au moins un concert par trimestre, plutôt que de faire du coup par coup comme ça se fait souvent. Du coup, contrairement à la programmation pour adultes qu’on construit trimestre par trimestre, on est obligés de construire globalement notre programmation jeune public pour l’année qui suit. Ça nous permet de proposer en mai ou juin toute la programmation de l’année scolaire suivante aux écoles du coin pour qu’elles puissent réfléchir aux actions pédagogiques qu’elles veulent mener. »
À écouter en direct sur L’Autre Radio, émission podcastable sur www.jetfm.asso.fr et www.la-frap.fr En partenariat avec la Frap.
L’école et les rockeurs (ou les rappeurs), ça n’a pas toujours été une longue histoire d’amour. Va‑t‑on enfin vers une réconciliation? À la sortie d’un concert des Frères Casquette réservé aux scolaires, Lucie Prouteau, enseignante en CP‑CE1 dans un quartier populaire d’Angers, a trouvé l’expérience enrichissante pour tout le monde : « C’est vrai qu’il y a une part de “risques” à sortir les enfants du cadre de la classe. Comme nos élèves sont très jeunes, qui plus est issus d’un quartier avec une pratique culturelle assez limitée, il fallait vraiment que le spectacle les happe tout de suite, sinon ça ne les aurait pas dérangés de se mettre à jouer au loup dans la salle. C’est donc très bien que le spectacle soit participatif, que le groupe
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DOSSIER dans Nouvel R, mais rappeur pour petits sous le nom de Sam Casquette, va même plus loin : « Depuis le début des Frères Caquette, une des idées fortes du projet c’est de défendre la culture hip hop. Au départ, le hip hop, c’était les blocks parties, la fête, les meilleures rimes possibles, etc. C’est tout ce qu’on essaie de faire avec Les Frères Casquette. Dans l’absolu, si on peut également “éduquer” un peu les oreilles des petits avec du hip hop loin des clichés habituels, ça serait mortel ! On a déjà plusieurs parents qui sont venus nous voir à la fin des concerts en nous disant qu’ils n’aimaient pas le rap d’habitude mais que là ils devaient concéder que c’était très différent de ce qu’ils en avaient vu dans les médias. »
demande aux enfants de danser avec eux, de les faire chanter. J’ai d’ailleurs été très agréablement surprise de voir que les enfants ont su d’eux-mêmes s’imposer une sorte d’autodiscipline. Ils ont participé, mais n’ont pas débordé et sont finalement restés très concentrés sur tout le spectacle. » Sylvie Thalineau, enseignante en CM2 au Plessis-Grammoire (49), y voit également matière à réflexion pour ses élèves : « Les Frères Casquette sont venus dans ma classe pour des ateliers d’écriture et de slam. C’était une étape très importante pour les enfants parce qu’ils ont pu notamment se rendre compte du travail que ça demandait. Ils avaient préparé des textes avant la venue du groupe mais en les interprétant ils ont bien vu qu’il y avait tout un travail de réécriture obligatoire pour s’adapter au rythme, que le corps tout entier devait entrer en jeu… En gros, le rap, ce n’est pas de la rigolade. Ça demande des efforts et du travail, au même titre que ce qu’on avait vu en étudiant l’opéra, par exemple. »
It’s a Family Affair Les artistes qui viennent au jeune public ne le font pas par hasard. En creusant un peu, on y trouve une certaine forme de militantisme qui ne pouvait que s’accorder avec les violons des SMAC. « Pour l’instant, on a décidé volontairement avec Les Frères Casquette de ne proposer le concert que dans les réseaux des SMAC et des festivals de musiques actuelles et pas aux Comités d’Entreprise ou aux théâtres nationaux, parce qu’on veut le vendre comme un véritable concert. On ne veut pas que les gens qui nous programment prennent ça comme une simple animation pour amuser les gosses. Si la salle n’est pas adaptée, qu’il n’y a pas un système son et des techniciens, on décline l’offre, même si c’est souvent super bien payé » explique Vivien Gouery. David Lorphelin aka Geni-K, MC pour les parents
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Le mot est lâché : les parents. Est-ce que le secret d’un bon concert jeune public n’est pas de plaire également aux parents ? Sébastien “Doogy” Dégoulet, ex-Farfadas et aujourd’hui devenu JacquesDaniel Sanglass (!!!), bonimenteur professionnel dans Le Bar à Mômes (nouveau projet scientificoloufoque destiné à égayer les changements de plateaux des festivals), ne manque pas d’analyse : « Les enfants prennent rarement seuls la voiture pour venir à un concert, ça veut donc dire que ton public sera forcément composé d’enfants et d’adultes. Parfois presque moitié-moitié. Du coup, tu es bien obligé de garder ça en tête quand tu écris ton spectacle, d’où une écriture à plusieurs niveaux de lecture, avec des gags aussi pour les parents. En plus, on est nous-mêmes des adultes et pas des enfants. Je crois que ça serait une erreur de s’adresser aux enfants comme si on était des enfants. C’est souvent le travers des spectacles jeune public, je trouve. Nous, on préfère leur parler comme des adultes parlent à des enfants. Les différents niveaux de compréhension existent aussi dans la vie de tous les jours. Et les gosses captent bien plus que ce qu’on voudrait parfois croire de toute façon. De plus, si les parents s’emmerdaient, ils iraient squatter le bar et ne suivraient pas vraiment le spectacle. Ça voudrait alors dire qu’il n’y a plus d’échange possible par la suite entre les enfants et les adultes. Or, on a toujours été convaincus que tout acte artistique — y compris pour le jeune public — était un acte politique. On est censé créer du débat, de l’échange. C’est pour ça qu’on balance plein de vannes sur le nucléaire et sur la consommation en général dans Le Bar à Mômes. » Son vieux complice Tramber (aka José de Provence (!!!), derrière le Bar à Mômes) enquille directement : « Pour moi, l’adulte est un enfant périmé. C’est-à-dire qu’on perd beaucoup de nos facultés d’ouverture, d’adaptation, en vieillissant. Les enfants sont capables d’accepter la différence beaucoup plus facilement que les adultes, à partir du moment où tu trouves une façon intelligente d’aborder le sujet. Je crois dur comme fer au pouvoir des mots. Moins t’en as, et moins tu peux comprendre le monde qui t’entoure. J’ai donc toujours trouvé ça hyper important de mettre des nuances, des subtilités, des double-sens dans mes textes. Parce que le monde autour de nous n’est pas tout blanc ou tout noir. Je me souviens qu’à l’époque je soumettais mes
DOSSIER qu’une maman était venue les remercier à la fin parce que ses enfants lui demandaient désormais de passer à la maison les originaux qu’ils avaient entendus au concert des Wackids plutôt que les stars de la télé-réalité ! » Si la musique adoucit réellement les mœurs, on peut au moins espérer que la génération prochaine sera plus heureuse que la nôtre.
BIBLIO EXPRESS
Elaborée par Sandrine Martin
Chargée du fonds documentaire au Centre info-ressources Pays de la Loire – Trempolino
idées de textes (sur l’homosexualité, le gâchis de l’eau...) aux autres Farfadas. Et quand ils me disaient : « Non, tu vas quand même pas parler de ça aux mômes ?! », je savais que je tenais un bon sujet ! » Il poursuit : « Je crois que ce qui m’a le plus attiré dans le spectacle jeune public c’est justement l’immense espace de liberté de création que ça offre. Il y a tout à inventer. On n’a donc pas commencé en s’inspirant de ce qui existait déjà, mais on a pu créer notre univers personnel à partir de nos influences extérieures comme la magie, le cirque, les claquettes mais aussi les bandes dessinées d’Edika, Coluche, Pierre Richard, Louis de Funès, Raymond Devos, Brassens, plein de styles de musique différents… Des trucs qui rapprochent généralement les petits et les grands, en fait. » Recréer du lien à une époque où plus personne ne se comprend, c’est possible ? « On avait programmé un groupe de Bordeaux qui s’appelle les Wackids, se souvient Benoît Devillers. C’est un trio qui joue des reprises de gros tubes du rock’n’roll comme AC/DC, Ray Charles ou White Stripes, mais avec des instruments pour enfants. Ils me racontaient
Philippe AUDUBERT, Gaby BA ZIEN, Louis CHRETIENNOT et al. Enseigner les musiques actuelles ? Mantes-la-Jolie : Le Collectif RPM, Recherche pédagogie musicale, 2011. 122 p. Sylvie BEDNAR et Lise HERZOG, Les instruments de musique du monde : expliqués aux enfants. Paris : La Martinière, 2011. 125 p. Béatrice EGEMAR, Emmanuel BROUSSE, RENART (ill.), T’es rock ou t’es ringue ? Saint-Herblain : Gulf Stream, 2011. 231 p. Coll. Et toc ! ; N° 5. Eric FOURREAU, Festivals jeune public : quels sont les incontournables ? La scène, 2000, N°18, p. 7073. ISSN : 1252-9788. Bruno GINER, Toute la musique ? Paris : Autrement : SCEREN, CNDP, 2002. 63 p. Coll. Autrement Junior. Série Arts ; N° 3. Hervé GUILLEMINOT, Musique(s). Paris : Gallimard jeunesse, 2010. n.p. Coll. Tothème. Nicolas MARC (dir.), Le Piccolo : Guide-annuaire du spectacle jeune public 2011-2012. Nantes : La Scène, 2009. 266 p. Olivier NOCLIN, Serge FOLIE, Roger OUEDRAOGO, Lugdirythme 1. Lyon : Lugdivine, 2000. 32 p. Cyrille PLANSON, Accompagner l’enfant dans sa découverte du spectacle. Nantes : Millénaire Presse La Scène, 2008. 194 p. Valérie ROUGE-PULLON, J’aime pas la musique ! Nantes : Éditions du temps, 2007. 63 p. Coll. J’aime pas.
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traces et impressions DICTIONNAIRE DE LA MAUVAISE FOI MUSICALE Josselin Bordat & Basile Farkas, Chiflet&Cie, 2009 – par Kalcha Nous n’avions jamais pris le temps de vous parler de ce truculent petit livre sorti en 2009, alors nous profitons d’une place qui se libère dans la rubrique de ce numéro. Les deux journalistes Josselin Bordat (Brain Magazine) et Basile Farkas (Rock&Folk) se sont amusés à moquer le snobisme musical dont se rend parfois coupable le petit microcosme de la critique et des amateurs éclairés. Vous découvrirez donc enfin le véritable sens caché du jargon abscons qui s’invite dans les chroniques de disques — y compris dans les nôtres — ou dans les conversations entre initiés. Grosse poilade garantie ! Mieux qu’un long discours, deux exemples qui vous donneront vite le ton du livre : « Crossfader : n.m. Bouton permettant au DJ de doser le volume entre les deux vinyles d’une platine mais également parfois de faire semblant de faire quelque chose. » Ou encore : « Érudit : n. m. Journaliste rock doté d’une connexion internet. »
JUST GIMME INDIE ROCK! Half Bob, Vide Cocagne, 2012 – par Kalcha Les lecteurs des InRocKs.fr reconnaitront sans doute le trait de Half Bob dont le blog est relayé sur le site du magazine. Le dessinateur stéphanois a compilé plusieurs de ses posts dans ce livre édité chez les Nantais de Vide Cocagne. « Just Gimme Indie Rock ! » raconte donc la relation obsessionnelle de l’auteur avec le rock indé anglo-saxon. Pas de véritable histoire par conséquent, mais plutôt des tranches de vie souvent très drôles, même s’il faut probablement connaître un peu le rock des années 90’s et 00’s pour apprécier pleinement les anecdotes de Half Bob. En revanche, si Sonic Youth, Lou Barlow, Dinosaur Jr ou Grandaddy sont des noms qui vous donnent instantanément des étoiles dans les yeux, cette BD passionnée devrait vous combler. Mention spéciale pour la théorie du « PPDMC » (pour « Plus Petit Dénominateur Musical Commun ») qui analyse ce moment rare — et souvent alcoolisé — où vous entendez enfin un titre que vous aimez dans une soirée pourrie. Absolument hilarant !
VOLUME!, « SEX SELLS, BLACKNESS TOO? », N° 8-2 Collectif, Éditions Mélanie Seteun, 2011 – par Romain Peneau Le hip hop est-il dans la continuité des musiques noires du XXe siècle, la soul, le jazz, le blues ou le reggae, étudiées dans le précédent numéro de Volume ? Lorsqu’on voit Nelly passer une carte de crédit dans les fesses d’une de ses vidéos girls dans un clip, on se dit que la classe de Duke Ellington n’est plus qu’un lointain souvenir. Pourtant, les auteurs ici réunis essayent de croiser les regards pour comprendre les rapports au sexe, au corps, à l’argent, au public, sans moralisation ni admiration excessive pour les éclats de cette culture ultra-médiatique. Les tubes de 50 Cent, les injures de Missy Eliot (I’m a Bitch!), les roucoulements de Mariah Carey, mais aussi les révolutionnaires de Dead Prez et la métaphysique d’Oxmo Puccino sont passés au crible de l’analyse. Avec de très belles œuvres du photographe afro-américain Hank Willis Thomas sur les relations entre noirs et blancs et la réification du corps noir. Une année très black music pour la revue Volume!
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Y revenir Dominique Ané, Éditions Stock, collection La Forêt, 2012 – par Cécile Arnoux Les premières confessions sans musique de Dominique A datent de 2004 avec la parution d’une nouvelle « Le départ des ombres» (« Tout sera comme avant », recueil signé de plusieurs auteurs, éditions Verticales) puis de 2010 avec « Un bon chanteur mort » (éditions La Machine à Cailloux), formidable 1er essai où il est question des motivations, raisons et manières d’écrire des chansons et de composer des musiques. « Y revenir » s’apparente davantage à un récit autobiographique. Dominique Ané revient sur son enfance, des souvenirs, les fantômes de Provins, ville de Seine-etMarne où il a grandit, le lien à cette ville, ce passé qui construit sa personne. La palette de couleurs est pudique, le « je » est pourtant de mise, le crayon est tenu. Point de chapitre, une suite plutôt delestée, construite sur des faits, des sensations. L’écriture y est simple, honnête, sincère, à cœur ouvert. Et c’est bien là qu’on fléchit, qu’on succombe à la séduction d’un auteur qui, au-delà de sa musique, de sa voix, sait mettre de la poésie et beaucoup d’humanité dans les mots.
LIBÉRATION TEXTUELLE DOMINIQUE ANÉ CETTE FOIS. L’ANONYMAT DU « A » EST COMPLÉTÉ POUR LA POSTURE D’AUTEUR, DE PERSONNE. PREMIER VÉRITABLE RÉCIT D’UN AUTEUR/COMPOSITEUR/INTERPRÈTE QUI SAUTE DANS LE GRAND BAIN DE LA LITTÉRATURE, AVEC BEAUCOUP DE MODESTIE. ET IL A PIED ! Pourquoi ce récit autobiographique ? L’idée était moins de raconter son enfance ou son adolescence que de traiter du lien que l’on peut avoir avec un lieu, un lieu à la fois de répulsion et d’attirance, la façon dont le lieu est un miroir de ce que vous êtes, et à votre corps défendant, vous renvoie au pire. C’est ce rapport entre le lieu et soi et sur les révélations tardives qu’un lieu peut apporter à certains aspect de votre personnalité. Le bouquin a été construit autour d’une invitation. J’ai été invité à jouer l’an passé à Provins (ville où j’ai vécu jusqu’à l’âge de 15 ans avant de venir à Nantes) pour le festival littéraire « Encres vives ». Ça a été le point de départ du livre, je me suis dit que j’allais construire le livre autour de ce retour. J’ai commencé à écrire sur mon enfance, et la fin traite de ce retour. C’est une façon de parler de soi évidemment, mais ausi d’un rapport très ambigu et ambivalent à un lieu qui vous a modelé et qui a forgé votre caractère.
auteur en littérature. Pas assez pour arrêter d’écrire mais une espèce de coup de bélier à donner contre les mots pour arriver à sortir quelque chose d’un peu juste. Brigitte Giraud, l’éditrice, m’a vraiment aiguillé. L’écriture a été pour moi un parcours initiatique. Mon avenir sur le plan littéraire va être très lié avec ce que je vais entendre, lire, les retours que l’on me fera sur ce récit. Autant pour la chanson, je peux douter de moi comme tout le monde, mais je sais que je continuerai, que je crèverai avec une chanson à la bouche.
Y-a-t-il eu quelques chose de différent dans l’écriture de ce livre par rapport à l’essai « Un bon chanteur mort” »? Pour « Un bon chanteur mort », c’était beaucoup plus éclaté, il n’y avait pas de recherche de structure, j’allais au gré de mon inspiration, il n’y avait pas cet enjeu littéraire, je n’y ai pas mis les mêmes enjeux.
Tu dis dans le livre “Un livre est un regret, mais au moins il est delesté du regret de ne pas l’avoir écrit”. C’est tout à fait ça, le leitmotiv du bouquin. Je n’en suis pas spécialement fier, mais il est fait, c’est important pour moi qu’il soit fait, ce n’est pas un fantasme. L’autobiographie est quelque chose de troublant, chaque mot pèse, peut avoir des conséquences. Il faut rester dans une vérité, une justesse. Mais, finalement, l’autobiographie est un prisme que je ne pouvais éviter.
Comment as-tu abordé l’écriture du livre par rapport aux chansons ?
L’intégralité de la rencontre avec Dominique A à Trempolino en février 2012, lors d’une Hybride Constellation sur jetfm.asso.fr/site/Hybride-Constellation-avec.html
Je me suis rendu compte combien c’était monacal. Ça n’a rien à voir avec l’écriture de chanson, c’est un autre monde, ça vous met face en permanence à une forme d’impuissance face à l’écriture quand vous n’êtes pas
Par Cécile Arnoux Photo : Amandine Rouzeau Tohu bohu
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Disques PAPIER TIGRE RECREATION
Africantape/Murailles Music/ Differ-Ant, 2012 http://papiertigre.com
2 albums, 350 concerts, 20 pays, 3 continents et 1 moustache plus tard... Recreation. Oui, ce rock résonne comme un manifeste. Oui il y a toujours cette hargne latente dans des harmonies et rythmiques complexes, colorées, fiévreuses, engagées. Oui on y retrouvera quelques titres déjà fredonnés car expérimentés en live. Oui quand on entend parler de Papier Tigre, on frime car on leur fait la bise et on trinque avec eux depuis qu’ils ont quitté la fac. Mais oui encore, ils tiennent avec une modestie déconcertante la dragée haute à leurs collègues outre-Atlantique. La production implacable de John Congleton, les riffs cinglants, les rythmiques haletantes et surtout, cette frénésie collective que génère la chaleur suintante de leurs concerts jubilatoires... de nombreux galas et quelques bières plus tard, Papier Tigre a (encore !) passé un cap. Cédric Huchet
WILL GUTHRIE
Sticks, stones and breaking bones
Antboy Music/Les Pourricords/ Gaffer Records & Electric Junk, 2012 http://will-guthrie.com
« Sticks, stones and breaking bones » : trois matériaux pour trois titres, trois géométries qui se tendent et se détendent, reflétant l’imaginaire et la réalité de Will Guthrie, batteur/percussionniste vaudou. Plus qu’un style musical, il s’agit bien d’un jeu, celui d’une batterie, quelques percussions, sans artifice électronique, sans troisième ni quatrième main, sans troisième ni quatrième pied. Tout est joué par un seul homme, en live, de manière totalement improvisée, c’est bluffant ! La prise de son et le jeu font résonner les bois, peaux et autres métaux, distancent les aigus des graves, les variations de tempo vous font perdre pied, passant de longues étendues ambiantes à des passages complètement effrénés qui durent tout autant. Dans le monde de Will Guthrie, on flirte aisément avec la transe, celle des musiques africaines ou asiatiques, et on se laisse complètement habiter. Un one-superman band ! Cécile Arnoux 26
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manon
Faux semblants
LMP Musique/Les Disques en Chantier, 2012 www.myspace.com/aimeci
Légèreté feinte ou réelle, Manon cultive-t-elle les faux semblants pour mieux nous séduire ? Les armes sont inégales car, pour nos oreilles plombées de décibels, elle choisit un son léger uniquement composé de cordes (piano, violon, ukulélé et basse — pas de guitare ça nous change) et de percussions qui font tourner ses ritournelles irrésistibles. Mais attention ça brûle : « Pour conserver, faut calciner », susurre-t-elle dans « L’incendiaire » sur le ton léger et funambule d’une valse à trois temps. Manon, c’est un trio, et son association avec Barbara Brun donne une image à ses chansons. Manon a un univers intimiste proche de celui d’Amélie-les-Crayons. Elle pratique une chanson plus féminine du cerveau que du capiton, même si « Plane » se termine dans le caramel au beurre salé. Savoureux coup d’essai, proche d’un coup de maître. Georges Fischer
MALTED MILK get some
Dixiefrog/Harmonia Mundi, 2012 http://malted-milk.com
Après un « Sweet Soul Blues » sorti en 2009 déjà bien imbibé des vapeurs de R&B, Malted Milk nous revient encore plus fort dans ce « Get Some » totalement habité du démon de la Soul Music et qui invite follement à la danse. Section cuivre poivrée digne des traversées de scène d’Otis Redding, une voix très travaillée (plus gutturale) d’Arnaud Fradin, convenant parfaitement au genre, des guitares fidèles au blues et une basse aux accents parfois funk : tout ce beau monde évolue dans un équilibre très harmonieux, ce qui en fait une marque originale par rapport au R&B originel dominé par les cuivres. Si certains morceaux flirtent avec le romantisme « To love and be loved », on reste ému par les voix des chœurs féminins subtiles, judicieusement posées. Et la dernière chanson avec Laurence Le Baccon en lead vocal est un magnifique cadeau. Gilles Lebreton
disques MY NAME IS NOBODY The good memories
My Little Cab Records/Les Pourricords/La Baleine, 2012 mynameisnobody.bandcamp.com
My Name Is Nobody sort un très convainquant quatrième opus de folk-rock mélodieux, rêche et rustique, rappelant parfois les enregistrements écorchés et ô combien touchants de Neil Young comme les moments les plus raffinés de l’indie-folk. Les compositions sont relâchées et décontractées. Le tout s’apparente à une vieille baraque de bois américaine, usée et chargée de souvenirs, incitant au recueillement et à la mélancolie, mais qui laisse passer par instant les rayons du soleil dans ses cloisons percées par le temps. Car si la pop, le folk, le blues, la country dépouillés et fantomatiques des morceaux renferment une nostalgie contagieuse (on pense aux passages les plus folk de Smog), les chansons évoquent par endroit l’enivrant sentiment du possible qui se dégage des grands espaces. Elles sont aussi chargées d’une chaleur communicative, celle d’une musique profondément sincère, composée dans l’introspection mais souvent interprétée dans le vibrant plaisir de jouer ensemble. François Delotte
MOROSPHINX s/t
Kran & HUB, 2012 collectif.hub.free.fr
La harpiste et contrebassiste Carine Lequyer (du collectif nantais Surface Libre) et le sculpteur sonore Gabriel Vogel ont uni leurs forces pour enregistrer quatre improvisations sur un vinyle à série très limitée (50 exemplaires !). Leurs recherches les ont menés sur des sentiers sinueux entre musique concrète, jazz abstrait et drone. Autant dire que ce disque s’adresse avant tout à des oreilles préalablement initiées. Le son des cordes tantôt frappées, tantôt frottées, caressées, ou effleurées se transforme peu à peu en une matière troublante et bourdonnante, questionnant sans cesse l’auditeur : construisons-nous mentalement tous ces bruits ou les entendons-nous réellement ? Ou bien est-ce simplement le son assourdissant du silence qu’on écoute ? Kalcha
huge exil
Concrete Curving Records, 2012 http://huge.bandcamp.com
Enregistré entre la France et le Japon, ce 6 titres est le troisième opus de Huge devenu duo. Les pointes d’electro-folk ou les notes cristallines évoquées dans ces pages il y a quelques temps ont laissé la place à un post-rock instrumental aux couleurs cinématographiques, où pointent, çà et là, quelques voix et samples de vieux films SF. Distants l’un de l’autre d’une dizaine de milliers de kilomètres, les deux musiciens ont laissé vaquer leur inspiration à la guitare, au piano, à la batterie et aux claviers (en retrait). Plus mathématique, moins électronique, le bien nommé « Exil » est annoncé comme une parenthèse dans leur parcours discographique, une sorte de voyage initiatique sur un tempo volontairement constant et répétitif, incitant à se perdre dans le très soigné recueil de photographies (38 pages), indissociable de cette opus. Le tout est en consultation libre sur leur site et en téléchargement pour 4€… Il vous faudra une bonne excuse pour ne pas embarquer. Cédric Huchet
NOIR ANIMAL
Pourriture noble
AP, 2012 http://noiranimal.bandcamp.com
Benjamin Nerot (aka The Healthy Boy et désormais Noir Animal) a beau avoir signé un disque en compagnie des Badass Motherfuckers, et s’être fait peindre un portrait qui fichait une sacrée frousse, musicalement, le garçon a toujours préféré habiller la noirceur de son propos d’un écrin tout à fait accueillant, lumineux ; à l’image des plus grandes chansons de Bill Callahan ou de Leonard Cohen, avec qui il partage cette voix de baryton essentielle. Avec Noir Animal, pas de doute, le Nantais passe irrémédiablement du côté obscur. Plus de rédemption possible. Retour à l’état sauvage. «Pourriture Noble » est un EP, format idéal pour une œuvre en forme de coup de poing, d’exercice de style sans concession. Une formation rock minimale qui évoque le blues primaire et bestial du « Dry » de PJ Harvey à travers une voix d’outre-tombe, braillarde et suralcoolisée, dont l’extravagante théâtralité nous rappelle immanquablement celle d’une valeur sûre : Tom Waits. Mathieu Chauveau
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GHOST IN SATURN?
# The Other Side
White Label Music, 2012 www.myspace.com/ghostinsaturn
Il y a trois ans, deux anciens de Mashiro décident de fonder Ghost in Saturn ? Le duo livre des compositions où les rythmes trip-hop évoluent dans un univers rappelant celui de Laïka ou de Tricky. Si l’on ajoute à cela la voix désenchantée de la chanteuse, on a là un aperçu de l’identité du groupe. L’album porte en lui une spontanéité souvent caractéristique des duos. L’avantage d’être deux, c’est qu’il n’y a pas de clan, on se met rapidement d’accord sur l’idée de la musique qu’on souhaite faire. On a donc une vraie cohérence des morceaux tout au long de l’album et cette cohérence renforce la personnalité du groupe. Côté label, comme nos voisins anglais ont du goût en matière musicale, c’est White Label Music qui les a vite repérés et les choses se sont accélérées jusqu’à la parution de « The Other Side ». Mickaël Auffray
DARKLAW/DARKRAW – CÉDRIC THIMON Kusomiso
Flux Prod, 2012 www.cedricthimon.com
Tout vous énerve ? Vous vous sentez prêt à exploser ? Solution : procurez-vous le dernier disque en duo de Cédric Thimon, posez-le sur la platine, tourner le potard de votre ampli jusqu’à « 12 » et fracassez-vous la tête contre les murs. C’est renversant, violent, démoniaque. Cédric Thimon a étudié le sax avec Lionel Belmondo ou Pierrick Menuau, il a également joué avec Slurp BB, Paul Rodgers ou Alban Darche, et possède une sonorité intense et musclée ! Habitué des projets tous azimuts, ne cherchez pas ce musicien au rayon des saxophonistes hard bop, il s’agit bien là d’un défricheur de sonorité. Cet album se révèle donc puissant et surprenant. En effet, tout au long des 17 minutes de cette pièce unique, le duo nous transporte dans un univers qui rappellerait presque les flux electro de Björk. Sébastien Bertho
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MALOY’AZ Zéranium
AP, 2012 www.myspace.com/maloyaz
Maloya, jazz, accents pop, et musique traditionnelle, la musique de Maloy’az se veut résolument métissée. Piano, guitare, percussions en tout genre, violoncelle et contrebasse, voici la recette malicieuse de ce doux voyage musical auquel nous invite la formation vendéenne. Le groupe se joue ici du maloya, musique traditionnelle en provenance de l’Île de la Réunion, pour l’entremêler aux connotations plus occidentales. Amateurs de cette couleur instrumentale, je vous invite à découvrir Meddy Gerville probablement, le représentant le plus enthousiasmant de la planète musicale, du mélange entre maloya et groove enivrant. Voyage, donc, de Timo à Ella en passant par Banielen et Granmoune, la voix chaleureuse et les rythmes félins de Maloy’az nous transportent d’une joie audible à une lente mélancolie. À déguster live avec un petit mojito, idéale pour de chaudes soirées estivales. Sébastien Bertho
SINE QUA NON
Propre dans mes baskets
Madrigal Musique, 2012 www.myspace.com/sinequanon1
Tu plonges dans le blues, tu nages dans le rock puis tu t’éponges dans le jazz. Bienvenue dans la mer d’un hip hop de plus en plus vaste ; mer mouvementée dans ce courant de Sine Qua Non, baigné d’un flow de mots sincères et provocateurs, le tout au rythme d’un ressac aux accents rock. À la barre, le marin Nicolas Nivert part en vagues verbales nerveuses ou chaloupées, soutenu par un vaisseau instrumental guitare/ basse/batterie bien amarré dans la tradition rock (à l’instar d’un « Tchek Tchek » plutôt tonique et volubile). Grande sobriété pour l’ensemble de ce sept titres sans trucage, avec une intégrité affichée « Propre dans mes baskets ». Le propos sonne juste et tu le reçois comme une déferlante giflant la falaise. « Y’a des mots qui font grincer les dents », c’est sans doute la condition sine qua non pour rester libre. Gilles Lebreton
disques
the forks
ZERK ET LE RAT FLUO S/T
AP, 2012 www.facebook.com/ZerkEtLeRatFluo
« Zerk et le rat fluo » est un conte musical écrit et joué par Delphine et Erwan Coutant, et aussi interprété par des enfants. Zerk et mousse, son rat fluo, arrivent sur le continent, leur île ayant disparu sous la pluie. Les rats sont interdits sur le continent, surtout les rats fluos. Et Mousse, à force de sniffer de la colle, se retrouve contraint à capturer des nuages dans une usine. Mais lui et Zerk vont se rebeller et rendre au peuple ses nuages et sa pluie. Les textes des 16 chansons sont très émouvants, plutôt tristes, mais à la fin tout s’arrange. Je vous laisse découvrir cette fin heureuse ! Bonne écoute ! Lune Laurent (10 ans)
donas
Marais, cage, jeux,
Tchavinanos Productions, 2012 www.myspace.com/donasz
À part un goût certain pour les jeux de mots laids, aucune proximité entre Donas et Bobby Lapointe. Là où celui-ci choisissait la légèreté musicale, Donas cultive un son lourd, fortement ancré dans le grave. Grave des basses, grave de sa voix et gravité des propos des textes poétiques, voire hermétiques comme dans un « Cadavre exquis ». Pas d’innovation ici mais une chanson rock comme elle fleurissait dans les 70’s (Imago, Casthelemis). Donas bâtit son propos en cultivant, son et sens, conjointement. Sur les fondations d’une rythmique charpentée par une basse profonde, une batterie appuyée et des guitares saturées, il clôt l’album avec un paso-doble grinçant : « Le bas des cocus » où la voix parle/chante un propos désabusé. Après quelques années au sein du groupe Les Vivianes, Donas se lance en (presque) solo pour retrouver le public des Ilots musicaux qu’il affectionne. Georges Fischer
Prana (5) et 6
AP, 2012 http://theforks.bandcamp.com
Déjà 5 ans que le duo angevin The Forks s’est formé et ce n’est qu’en ce début d’année 2012 que tout s’accélère. En effet, après quelques démos et EP confidentiels, un cinq titres dénommé Prana (5) suivi d’un autre cinq titres sobrement intitulé 6 se retrouveront sur le même vinyle dans quelques mois. Concrètement, ce duo instrumental guitare/ batterie poursuit la longue quête du Saint postmath-rock Graal. Là où d’autres s’enorgueillissent, avec raison, de combiner la puissance et la rapidité, les deux musiciens de The Forks ralentissent, temporisent et ainsi se démarquent par cette recherche d’un ensemble cohérent qui fait autant la part belle aux silences qu’à la torpeur. Batterie claire, fines arpèges, mélodies complexes et redoutables font la spécificité d’un groupe qui, assurément, s’inscrit dans la longue histoire du rock minimal post 90’s. Jérôme Taudon
PUZZLE
Nothing but the rain
AP, 2012 puzzlepostrock.bandcamp.com
Formé en janvier 2010 en Mayenne par quatre musiciens issus des scènes crust-core, post hardcore et autres joyeusetés gueulardes, Puzzle présente avec ce 2e EP la face calme de tout être humain qui aspire à la quiétude en ces périodes troubles. Ici, les guitares se font arpégiques et antalgiques pour soudainement sombrer dans un dédale de fureurs maitrisées et de fracas. Là, la rythmique ralentit puis s’accélère comme un cœur humain qui s’excite devant une merveille qui resplendit devant lui. À l’image du fameux jeu de pièces en cartons découpées soigneusement qui peut animer nos journées d’hivers, le groupe assemble, construit, entrechoque une musique instrumentale pour en faire un beau tableau aisément accrochable dans sa discothèque entre Bossk et Russian Circles. En définitive, trois titres pour 30 minutes de plaisir devant son casse-tête favori. Jérôme Taudon
Tohu bohu
n°23
printemps 2012
29
disques
acné
Bâtard
AP, 2012 www.myspace.com/acne72
Acné est le fruit de la rencontre de deux trentenaires juvéniles manceaux : l’un tripote les boutons de ses synthés, l’autre ceux de contrôleurs vidéo et autres installations bricolées. Le packaging fait mains de « Bâtard » contient quatre titres et deux clips. La singularité du projet provient de l’utilisation de machines analogiques des 70’s/80’s, conditionnant la composition à une musique sincère, brute, acide, vivante, et divulguant à son auditeur la puissance du son de l’époque. Et si Acné affirme une musique à faire danser, c’est pour mieux révéler son caractère complètement foutraque… Il suffit de se pencher sur des titres comme « Moustache » (potentielle bombe à faire danser) ou « Chuck », véritable hymne à l’acteur américain, pour comprendre que ces deux gars sont aussi talentueux que timbrés. On en reparlera. Julien Martineau
plaisir
Training Day
AP, 2011 plaisir.bandcamp.com
Aurait-on davantage parlé de Powell s’ils avaient été de Nantes plutôt que du Mans ? Le quatuor post-hardcore noisy a peut-être en effet pâti d’un certain isolement alors que l’appartenance à une famille musicale — même élargie (cf. la scène math-rock-noise nantaise)- lui aurait sans doute été profitable pour toucher plus de monde. Tant pis. Les Manceaux ne sont pas du genre à pleurnicher sur leur sort de toute façon. Deux de leurs membres ont déjà relancé la machine avec un pote anglais à la batterie. Et leur nouveau patronyme laisse transpirer leur ambition première : Plaisir. Musicalement, le trio continue de labourer le sillon creusé par ses mentors, de Fugazi à Portobello Bones. Les guitares sont donc abrasives, le chant tendu à se rompre, et les rythmiques pèsent des tonnes. Mmmm, faîtes-moi mal encore ! Kalcha
30
Tohu bohu
n°23
printemps 2012
RHUM FOR PAULINE reach the top
FVTVR Records/La Baleine/ Believe, 2012 www.myspace.com/rhumforpauline
Se détachant du troupeau des revivalistes eighties nantais, les Rhum For Pauline font dans la pop non synthétique. Affectionnant les guitares claires façon « Swinging sixties », le quartet soigne tout spécialement les mélodies, avec des chœurs à la Phœnix, pondant ça et là quelques mini tubes en devenir (« The unforgettable Me » ou « Japan & China »). À l’image du ton « Hollywood d’après guerre » de l’artwork, musicalement, le groupe regarde résolument dans le rétroviseur, en direction des 13th Floor Elevator et autres Question Mark & the Mysterians, avec parfois un orgue qui rappelle Ray Manzareck des Doors. Les cinq titres de « Reach the top » s’enchainent sans peine, comme une playlist de radio californienne. En tout cas, c’est une musique bien agréable pour trainer le long de l’Atlantique. Manu Legrand
LES VILAINS CLOWNS Best of
Les Derniers Sauvages, 2012 vclowns.free.fr
Il y a sans doute autant de définitions du punk que de groupes qui s’en revendiquent, mais beaucoup d’entre elles peuvent tout de même se résumer à un « je fais ce que je veux et je t’emmerde ». De ce point de vue-là, Les Vilains Clowns sont de vrais punks. Le groupe angevin n’en a toujours fait qu’à sa tête, se moquant des modes comme de leurs premières canettes. Fidèles à leur punk’n’roll chanté en français, Les Vilains Clowns se veulent comme une sorte de rencontre au bar entre les Supersuckers et les Sheriff, qu’ils déclinent déjà depuis cinq albums studios, tous enregistrés au célèbre Black Box. Ils s’offrent ici une parenthèse de luxe avec un Best Of exclusivement disponible en vinyle qui ravira donc autant les fans que les néophytes amateurs de grosse rondelle (hum ! hum !). Punk is not complètement raide ! Kalcha
disques
KAZAMIX DO BRAZIL freadz
Kazamix Records, 2012 http://kazamix.bandcamp.com
C’est suite à la rencontre avec un crew brésilien débarqué à Angers que Kazamix Rec produit « Do Brazil » ; il faut bien avouer que le mélange est particulièrement réussi. Le style propre à la maison est reconnaissable : les instrumentaux dub-electro de l’angevin Freadz viennent poser la base de petites pépites dancefloor. Le tout est arrangé façon hip-hop et cumbia et cette tendance latine offre une véritable plus-value au maxi en nous invitant dans une ambiance assurément tropicale. La sauce prend définitivement grâce aux flows des MC’s de Sao Paulo et l’essai est agrémenté d’un remix de Bruixe, producteur angevin, qui ne gâche la danse en rien. La maison fait définitivement les choses bien puisqu’en plus des versions numérique et CD, l’EP est disponible en version single en vinyle (en très peu d’exemplaires), et fera certainement le bonheur des amoureux de la galette qui fait bouger les hanches. Julien Martineau
CHOO CHOO SHOES SHOT playland
Kythibong/Rejuvenation/À Tant Rêver Du Roi/La Baleine, 2012 myspace.com/choochooshoeshoot
Le récent changement du chant, toujours féminin et viscéral, n’aura pas altéré l’efficacité cinglante de leur musique (oserons-nous dire qu’il le mène plus loin ? Les concerts devraient le démontrer). Dans la pure tradition de Chicago (où l’album précédent avait vu le jour sous les mains bienveillantes de Bob Weston), la noise brute et urgente du quatuor sera enregistrée par le fidèle Miguel Constantino. Si les affinités avec Heliogable sont limpides, on devine aussi les spectres d‘un Shellac pour les rythmiques métronomiques et tranchantes, qui aurait convié un Blonde Redhead habité, pour les couleurs androgynes de leurs compositions scandées. Cédric Huchet
BLACK CHERRY CIRKUS s/t
AP, 2012 myspace.com/blackcherrycirkus
Nouveau venu sur Nantes, le trio Black Cherry Cirkus fait le grand écart entre rock et pop avec ce 1er EP plutôt convainquant. L’énergie et les mélodies efficientes l’emportent facilement sur l’aspect basique des compositions, et les quelques sons électroniques viennent orner les cinq titres, leur conférant également une certaine délicatesse. Délicatesse, il en est également question via le chant féminin. Avec un timbre de voix très proche de celui de l’Anglaise Kathryn Williams, et un chant qui rappelle parfois Lætitia Sheriff, Elodie Balthazard joue de sa sensualité et s’applique à interpréter dans la langue de Shakespeare. À comparer les deux lignes directrices prises par le trio, c’est bien le côté pop qui demeure le plus intéressant et le plus personnel. En témoigne « Colors », le morceau le plus réussi du disque, ou encore « Rocket Queen ». Ce ne serait pas Madame Björk la Rocket Queen ? Cécile Arnoux
TROUBLE JUICE s/t
AP, 2012 www.troublejuice.com
Si vous devez écouter un disque rock’n’roll d’un groupe de l’hexagone, laissez-vous tenter par Trouble Juice. Avec une rythmique solide à la AC/DC, des guitares qui transpercent, on passe du blues-rock costaud de Rory Gallagher à des mélodies swing proches de l’univers de Setzer, dans une énergie punk ou hard rock, le tout saupoudré d’une voix puissante toujours juste. Basé sur la région nantaise le groupe se compose de Mistiti, combattante de choc des Bérurier Noir, J-B Boussarie (guitares), Boris Nikolic (basse) et Tony Braccini (drums). Un joli digipack présentant des dessins de Thierry Guitard vous fera lire des paroles autour de l’envie de se secouer, de ne pas rester passif devant les difficultés. À se procurer d’urgence pour se requinquer, démarrer la journée bon pied bon œil et continuer à croire qu’en France le vrai rock’n’roll est toujours vivant et bien présent. Elie Bats
Tohu bohu
n°23
printemps 2012
31
PLAYLISTS fordamage – groupe ENABLERS, Output Negative Space, Neurot Recordings 2012 (rock noise spoken word)
On les connaît depuis longtemps, ce sont des gens excellents, notamment Doug Scharin, le batteur qui jouait dans June of 44, on a tous beaucoup écouté June of 44 plus jeunes. Ils nous intéressent tant dans la démarche que dans la musique.
PICORE, imaginate que acierto, Magofermin 2011 (rock noise)
Ce sont des amis de Saragosse. Musicalement, nous les considérons comme les The Ex espagnols. C’est une musique noise, alambiquée, il y a un côté ibérique, rageur, dans leur groove, quelque chose de très sanguin, notamment dans la section basse/batterie. Le chant est militant et scandé.
WILL GUTHRIE, Sticks, stones and breaking bones, Antboy Music... (inclassable)
Son disque est épatant au niveau du son, du fait qu’il n’y ait que de la batterie, c’est pas ennuyant ! Sur scène, il est tout simplement bluffant, hors du commun. Il sera invité à notre release-party le 23 mai au Ferrailleur à Nantes avec d’autres groupes (Room 204, Marvin, pneu, Moller Plesset...).
FABRICE GERVAISE – PROGRAMMATEUR DE LA MARMITE FESTIVAL PLAISIR, TRAINING DAY, AUTOPRODUIT, 2011 (Post hardcore noise)
Ils m’ont fait bien plaisir de revenir avec ce son qui m’a rappelé de bons souvenirs, c’est à la fois vieux de 20 ans et en même temps, il y a un côté nouveau, j’adhère...
DELBI, LITTLE LIFE MUSIC, NO BIGOUDI, 2011 (folk)
Véritable touche à tout, ce type nous propose, comme il le dit : une « white folk with black groove ». On y retrouve du Led Zep, du Pink Floyd mais aussi des univers plus actuels, beaucoup de mélodies qui restent dans nos têtes...
ORCHESTRE TOUT PUISSANT MARCEL DUCHAMP, THE THING..., RED WIG RECORD, 2011 (rock punk)
Du dadaïsme à la musique, des guitares minimalistes avec de la contrebasse, une chanteuse à la voix étrange, ça nous emmène comme un rythme africain effréné et ça déboite comme un bon groupe de punk comme The Ex...
DOMINIQUE A – musicien FAUVE, CLOCKS’N’HOURS, TWOGENTLEMEN/ VITESSE RECORDS, 2011 (pop)
Le 2e opus d’un Suisse qui se prend à la fois pour David Sylvian et Sufjan Stevens. Et qui ne démérite pas. Grand disque pop inspiré.
MEMORYHOUSE, THE SLIDESHOW EFFECT, Sub Pop, 2012 (pop)
C’est le grand mot à la mode : « Rétromania ». Là, on nage en plein dedans: de la noisy pop éthérée comme on en faisait il y a 20 ans. Le plus agaçant, c’est de mordre à l’hameçon. Dont acte.
MANSFIELD TYA, NYX, Vicious Circle, 2011 (pop)
Avant, c’était très bien, mais là c’est un peu plus que ça. Passage en division 1 pour les Mansfield.