TohuBohu25

Page 1

n°25 hiver 2013 gratuit

réseau info-ressources musiques actuelles des Pays de la Loire

neka de la muerte the healthy boy framix birds in row

DOSSIER : dispositifs de repérage et tremplins


http://tohubohu.trempo.com

En plus de l’annuaire régional (qui recense groupes, assos, festivals, labels…), Les annonces (trouver un musicien, un groupe, une batterie…), Les conférences du réseau à venir…

ce trimestre, retrouvez online : Interviews artistes LES VERSIONS LONGUES Florian Mona Slim Wild Boar Boy and the Echo Choir Pegase

Photo : DR

(des articles de ce mag) Neka de la Muerte The Healthy Boy Etienne Kervella


Sommaire

Infos

Brèves . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 04

artistes

Neka de la Muerte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . The Healthy Boy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Framix. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Birds in Row . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

06 08 10 12

les membres du réseau présentent :

PROJETS

Quest’Handi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 My Little Cab Records . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

GÉNÉRATION Y Streaming : la poule aux œufs d’or . . . . . . . . . . . . . 16 THE NEXT BIG THING

Paroles d’acteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

DOSsier

Dispositifs de repérage et tremplins. . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

le kit de survie administratif en milieu culturel www.lamallette.org

TRACES ET IMPRESSIONS

Livres du moment . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Interview : Etienne Kervella. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

disques

Dernières sorties musicales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

PlaylistS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Le réseau Coordination : Cécile Arnoux / T. 02 40 46 66 33 / cecile@trempo.com CHABADA / Jérôme Kalcha Simonneau Chemin Cerclère, Route de Briollay, 49100 Angers T. 02 41 34 93 87 / jsimonneau@lechabada.com / www.lechabada.com BEBOP / Julien Martineau 28 avenue Jean-Jaurès, 72100 Le Mans T. 02 43 78 92 30 / crim@bebop-music.com / www.oasislemans.fr FUZZ’YON / Benoît Devillers 18 rue Sadi-Carnot, 85005 La Roche-sur-Yon Cedex T. 02 51 06 97 70 / ben@fuzzyon.com / www.fuzzyon.com

Photo couverture : Neka de la Muerte – David Gallard Directeur de la publication : Vincent Priou Rédactrice en chef : Cécile Arnoux Chroniqueurs/Rédacteurs : Mickaël Auffray, Lucie Beaudoux-Jastrzebski, Arnaud Bénureau, Sébastien Bertho, Lucie Brunet, Matthieu Chauveau, Alexis Chevallier, Tanguy Cloarec, François Delotte, Benoît Devillers, Eric Fagnot, Nicolas Fournier, Georges Fischer, Marie Hérault, Mag Jil, Johan Legault, Emmanuel Legrand, Gilles Lebreton, Julien Martineau, Emmanuel Parent, Jérôme Kalcha Simonneau, Dorine Voyaume. Secrétariat de rédaction : Benjamin Reverdy, Amandine Rouzeau. Conception graphique: DeuxPointDeux.com Impression: Imprimerie Chiffoleau Tirage: 7 000 exemplaires – Papier PEFC ISSN: 2109-0904 Dépôt légal: à parution Siret : 37992484800011 Tohu Bohu est une publication de Trempolino, 6 bd Léon Bureau – 44200 Nantes, et du réseau Tohu Bohu, réseau info-ressources musiques actuelles des Pays de la Loire. Prochaine parution : 12 avril 2013 Bouclage : 15 mars 2013

6PAR4 / Eric Fagnot 177 rue du Vieux St Louis, 53000 Laval T. 02 43 59 77 80 / eric@6par4.com / www.6par4.com TREMPOLINO / Lucie Brunet 6 bd Léon-Bureau, 44200 Nantes T. 02 40 46 66 99 / lucie@trempo.com / www.trempo.com VIP / Emmanuel Legrand Base sous-marine, bd Légion d’Honneur, 44600 Saint-Nazaire T. 02 40 22 66 89 / mlegrand@les-escales.com / www.les-escales.com

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

3


infos Le continent européen et ses musiques sont à l’honneur d’Eurofonik. De Akosh à Erik Marchand & le Taraf de Caransebes en passant par André Minvielle et Michel Macias, deux soirées qui mettront en lumière des artistes que vous ne verrez jamais sur le petit écran, et c’est tant mieux. Place à la découverte et au bigarré !

Cinq ans au 6PAR4, c’est 34 682 spectateurs et, quand on y pense, 69 364 pieds à avoir foulé le sol de la salle. Bref, 5 ans, des chiffres et des souvenirs ça se fête du 6 au 10 mars 2013 ! Pour l’occasion, un riche programme : Jeff Mills, Dominique A, Aufgang, Superpoze, Rubin Steiner, Hyphen Hyphen, Phoebe Jean and the air force, H-Burns, Peter Von Poehl, Florian Mona, Gratuit, Puzzle, La marmite mix & food et l’intriguant Grup de Vlan productions ! www.6par4.com

www.eurofonik.fr

Nouveau en Sarthe : un collectif de lieux concernés par les musiques actuelles propose pour la première année le dispositif d’accompagnement Starter. La sélection 2013 a eu lieu et les heureux élus sont à écouter sur www.starter-72.fr La Ville de Laval vient de sortir une compile « Laval on air  » qui rassemble treize projets musicaux lavallois. C’est aussi un site internet qui met un coup de projecteur sur la foisonnante scène des musiques actuelles lavalloises. Conçu comme une plate-forme, ce site internet permet aux groupes de se mettre en relation et au grand public de découvrir toute la richesse et l’éclectisme de la scène lavalloise. onair.laval.fr On a parlé de Nausicäa, duo chanson folk, dans le précédent numéro et on a bien fait car le groupe vient de rejoindre le catalogue de LMP, en même temps que Boy & The Echo Choir. En attendant l’EP qui vient d’être enregistré par Benoit Gautier et de les voir sur scène. facebook.com/nausicaafolk

4

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

49 déjà ! Oui, Tranzistor sort son 49e numéro. Et ce numéro est une déclaration. Son dossier intitulé « Instrument mon amour ! », quid de la relation entre le musicien et son instrument, le culte de la guitare, la technologie qui s’est immiscé un peu partout… Plein feu sur les sorties de disque, les bons plans de la Mayenne. www.tranzistor.org L’association Ohm ouvre un studio d’enregistrement à Saint-Nazaire. Ohm propose non seulement du matos de qualité (une console analogique) mais peut œuvrer également pour le développement des groupes qui passe dans ses murs (chaîne du disque, création de visuels, promotion...). all@o-h-m.fr itsohm.tumblr.com


INFOs

À suivre de près… Jack in my Head, Black Cherry Cirkus, Acne, Thom, Les fils Canouche, sont à l’affiche du festival à suivre de Près, justement, du 8 février au 20 avril. Et vous les découvrirez dans des MJC, FJT, Habitat Jeunes, Espaces jeunesse… www.facebook.com/asuivre.depres Glucoz change de nom ! En 2013 il faudra désormais les appeler Dive Inn et, faut-il y voir un lien, sort dans la foulée un EP, un clip, fait partie de la promotion Artistes en Scène (programme de formation coordonné par Trempolino) et fait partie des groupes du Grand Ouest sélectionnés pour les InRocKs Lab. Un bon début d’année ! facebook.com/DiveInnmusic

Madame Suzie fête ses 11 ans – et demi – avec la sortie d’un livrevinyle accompagné d’un coupon MP3. Le tracklisting regroupe Philippe Chasseloup, Les Sœurs Tartellini, Le Jazz dans le ravin, Les Jambons, Fantazio, Le Bal des Variétistes, Lavesqo, Grupetto, Minifocus ou encore Electric Love Band. Du rock, de la chanson, mais surtout des personnages dans ces groupes, qui mettent les mains dans le cambouis. www.madamesuzie.com Ses heureux parents, la Fédurok et la FSJ, sont heureux de vous annoncer la naissance de la Fedelima (Fédération des lieux de musiques actuelles). Plus sérieusement, ces deux fédérations unissent leurs énergies, pertinences, et engagements pour aider le secteur musical qui va bien mal en ce moment… Mais l’union fait la… fsj.la-fedurok.org

Nouveau venu dans le paysage musical nazairien, mais tenu par de vieux habitués, le Comptoir musical a ouvert ses portes en décembre 2012. Il accueille en son sein des groupes rock ou chanson (Manon Tanguy, Outrage…) dont il assure le management, le booking et la promotion. lecomptoirmusical@gmail.com www.facebook.com/LeComptoirMusical Y’a pas que les grands qui aiment (…), ni les groupes qui changent de nom. Puisque c’est aussi le cas de Yozik, la plateforme de gestion des contenus destinée aux groupes et aux labels qui aujourd’hui est rebaptisée Wiseband. Et avec le nouveau nom arrive une nouvelle interface, encore plus pointue et plus globale. Stay Tuned ! www.wiseband.com

Porté par deux compères barbus et dégarnis nantais dont nous tairons l’identité, Kshantu, est une nouvelle asso nantaise qui s’occupe entre autres de Leïla Bonous. Management, production, promotion… tout ce dont un groupe peut avoir besoin. kshantuprod@gmail.com

L’association nantaise Apo 33 et le label Fbrr Records viennent de sortir une compilation et mettre en avant 14 artistes musiciens. Nantes is Noise revendique l’expérimental, l’art sonore, l’improvisation… Mathias Delplanque, Anthony Taillard, Formanex, Clinch, Luc Kerléo, Morosphynx et d’autres vous le prouvent. www.apo33.org

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

5


Artistes

NEKA DE LA MUERTE OLD SCHOOL 2 :

LA RÉSURRECTION

« Les gens authentiques dans c’biz sont pas légion, tu peux les compter sur les doigts du moignon », prêchait MC Circulaire. Les Vendéens de Neka de la Muerte lui donnent tort aujourd’hui avec un rap old school énervé qui guérit vite des refrains auto-tunés du rap de variété. Ce duo-là n’a même pas un an et a remporté sans conteste les sélections régionales du tremplin Buzz Booster. Par Benoît Devillers Photo : Miss Veneno Même si le projet Neka de la Muerte est récent, tu n’es pas tout neuf toi en tant que rappeur.

6

Neka : J’ai commencé à écrire début 2000 et à chanter en public en 2006. J’allais taxer le micro sur les openmics dans les sound-systems reggae-ragga ou les teufs parce qu’il n’y avait pas trop de scène rap en Vendée. Faut aussi dire qu’au début, je n’écoutais pas trop de hip hop, plutôt de la techno. Je m’y suis vraiment mis vers 2007 quand un papa du hip hop yonnais, Gwen aka Okto, m’a fait découvrir l’univers du graffiti. Je kiffais quand même le rap avant mais le fait de traîner avec pas mal de graffeurs qui en écoutaient à fond, m’a permis d’approfondir ma connaissance du style.

on a créé, avec des ex-Narcotik (NDLR : groupe de rap de La Roche-sur-Yon), le collectif Forces de l’Âme dans le but de faire de la scène. Avec la fin du collectif et la création de 5e Colonne, c’est devenu un peu plus carré. Je me suis mis à travailler mon flow car j’avais tendance à rapper trop vite, on comprenait rien à ce que je racontais, peut-être parce que j’avais trop fréquenté les sound-systems ragga ! Puis les paroles n’étaient pas trop recherchées, comparées à maintenant en tout cas. En parallèle, j’ai toujours mené mon projet solo. Raff : Je gravitais autour de ces collectifs aussi, il a d’ailleurs été question que j’intègre 5e Colonne. C’est à ce moment que je me suis rapproché de Neka, on s’appréciait bien et il m’a confié son envie de monter son projet solo.

Les premières prods sont arrivées à ce moment-là ?

Et c’est ainsi qu’est né Neka de la Muerte.

N : Ça date de 2007/2008. C’était avec DJ Abes de Noria Lab, qui aujourd’hui fait du dubstep sur Nantes. Je m’y suis plongé vraiment sérieusement vers 2010, quand

R : L’envie de bosser ensemble surtout. On était en 2011. Y’a d’abord eu une première prod pour le morceau « La fin d’un shootax », mais à l’époque j’étais fixé sur

Tohu bohu

n°25

hiver 2013


Artistes d’autres projets donc pas trop dispo. Puis est venue cette sélection au tremplin du Inc’Rock Festival en Belgique. Neka n’avait quasi pas de sons, personne pour balancer les instrus sur scène, donc il m’a appelé un peu dans l’urgence pour construire un set. C’est là que le projet est vraiment né, sans nom à l’époque.

Tu as un flow particulier qui semble plus s’inscrire Dans le old school français, voire ricain que dans La prod hip hop actuelle. Comment te situes-tu par rapport à celle-ci ? N : 100 % old school. J’écoute surtout du ricain, House of Pain, Cypress Hill, le Wu Tang et surtout Ol’Dirty Bastard, Onyx et aussi The Roots. Je me force un peu à écouter ce qui se fait en ce moment, en France du moins. Y’a quand même quelques trucs qui déchirent comme L’Entourage, L’Animalerie de Lyon et leur padre, Kacem Wapalek. Les textes sont hyper travaillés, c’est ça que j’apprécie. C’est d’ailleurs à cause de ça que j’avais lâché le rap français ces derniers temps. Les textes se barraient vraiment en cacahuète : souvent les mêmes thèmes, les mêmes clichés…

Quels thèmes abordes-tu dans tes morceaux ? N : Ce que je chante, c’est souvent du vécu. On dit souvent que le rap est la voix des sans-voix, donc je défends ce dont on ne parle pas forcément, comme dans « La fin d’un shootax » où j’aborde le thème de la drogue dure. J’essaie de casser un peu les tabous et ça c’est une forme d’engagement. Je ne dirais pas simplement « Nique la police » par exemple, je dirais pourquoi je la nique (rires) !

Dans le morceau que tu cites, c’est quoi ta manière d’approcher le thème de la drogue dure ? N : Ces dix dernières années j’ai pas mal traîné dans l’univers des teufs, y’a des choses auxquelles j’ai été confronté que je trouvais aberrantes qui m’ont vraiment marqué et dont je souhaitais parler. C’est donc une approche assez personnelle. Mais j’essaie de changer ça maintenant, de moins utiliser le “je” dans mes nouveaux textes. Trouver un thème, me documenter, rechercher et faire une chanson dessus. Comme l’histoire du poisson du Gange par exemple, un texte sur lequel je travaille actuellement qui décrit la remontée du Gange par un poisson, je parle de chaque ville traversée, de l’eau qui devient de plus en plus polluée. Il cherche à atteindre Calcutta mais n’y arrive pas.

R : On y est même depuis septembre, avec le tremplin du festival Envies Urbaines de Niort qu’on a remporté et qui s’est finalisé par une première partie de Zoxea et des Sages Poètes de la Rue. On a pris du temps pour préparer ce concert, avec une résidence fin septembre avec Swift Gad, puis le Buzz Booster. Donc ça a été très rapide, très intense, avec une pression bien stimulante !

Vous étiez les seuls vendéens de la sélection départementale 85/44, ça n’a pas dû être évident ! N : La sélection départementale ça allait encore, car pas mal de potes nous avaient suivi. Par contre, pour la sélection régionale à Stereolux (Nantes), y avait peutêtre 600 personnes présentes et quand le MC de la soirée a annoncé : « Voici Neka de la Muerte qui représente la Vendée », tout le public s’est mis à huer ! C’était assez impressionnant, mais bon, on n’a pas flippé et on leur a cloué le bec au final.

Et comment abordez-vous la finale à Marseille le 13 avril prochain ? R : On est accompagné par Pick Up Prod vers la finale nationale, qui dispose d’une enveloppe de 3 000 € pour le financement de cet accompagnement. C’est une grande chance pour un projet qui a moins d’un an. On va pouvoir bénéficier de résidences en partenariat avec le Fuzz’Yon (La Roche-sur-Yon), qui vont nous permettre de travailler le son, l’expression scénique. On bénéficie aussi de liens étroits avec Trempolino (Nantes), pour nous driver sur des aspects plus administratifs, la com’, le disque, etc. Tout ça nous met donc en relation avec un bon réseau professionnel, d’envisager l’idéal et l’adapter en fonction de nos moyens. N : C’est un vrai privilège.

En dehors de la prépa à la scène, vous aurez un peu d’actu à présenter d’ici à la finale ? N : Oui, un EP dont la sortie est prévue fin mars, accompagné d’un clip. On cherche encore qui pourrait le réaliser mais ça devrait se trouver rapidement. Deux teasers vont sortir en attendant, réalisés par nos soins. R : Ce qu’on souhaite, c’est aussi ne plus tout faire par nous-mêmes, passer la vitesse supérieure en terme de qualité pour pouvoir démarcher après Buzz Booster, tourner en région, voire plus. facebook.com/nekadelamuertehiphop soundcloud.com/nekadelamuertehiphop

L’actualité principale c’est Buzz booster. Comment avez-vous vécu les sélections ? N : C’est allé hyper vite entre la sélection départementale puis régionale, quatre jours entre les deux, donc on est resté dans le jus.

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

7


Artistes

THE HEALTHY BOY

Benjamin Nérot, plus connu des amateurs de folk crépusculaire sous le nom de The Healthy Boy, revient avec un magnifique album, « Carne Farce Camisole », aussi déroutant et poétique que son titre le laisse présager. Loin de l’image du loup solitaire qu’il a pu parfois dégager, Benjamin nous a accordé un très long entretien. Par Kalcha Photo : Emmanuel Lignier Tes disques sont souvent assez courts et il s’écoule pas mal de temps entre chaque sortie. Tu les accouches dans la douleur ? Ou tu aimes prendre ton temps ? Ni l’un ni l’autre, je dirais. Je n’entretiens ni masochisme, ni nonchalance avec le processus d’écriture. […] Apparemment beaucoup de musiciens et de groupes angoissent car il semblerait que pour rester dans la course il faille sortir des albums toujours meilleurs et à intervalles réguliers et resserrés. Ce tourment, ces pressions ne me concernent pas, si jamais rien de bon ne sort pendant six mois, d’un point de vue musical bien entendu, eh bien c’est le jeu ! Je ne vais pas me cloisonner dans une pièce sombre, convoquer la folie, m’arracher les cheveux, laisser mes yeux s’exorbiter, ou l’écume fiévreuse me monter aux lèvres et me désocialiser en me disant « Ça y est,

8

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

tout est foutu, le génie m’a quitté, le bougre ! N’ai-je donc jamais été un artiste ? Que vais-je devenir ?! » Non je vais essayer de trouver autre chose sur quoi me concentrer, je ne sais pas, la cuisine, par exemple, et dans ce cas par contre grattouiller avec nonchalance le temps que ça mijote. Le but n’est pas d’entrer en conflit avec la musique, de se fatiguer et ainsi de générer du dégoût ! Quel serait l’intérêt ? La musique est un jeu, certes rigoureux, mais surtout un exutoire ! C’est positif. Renoir disait « La douleur passe, la beauté reste ». [...] De plus le point de vue des Badass Motherfuckers est aujourd’hui tout à fait déterminant concernant la matière dont résultera un album. Je ne suis plus tout seul, et leurs ressentis, sensations et inspirations par rapport aux “bases” que je leur propose sont des facteurs maîtres pour l’évolution du projet. Alors de plus en plus de choses sont jetées certes, mais le résultat


Artistes est pour moi beaucoup plus épanouissant et assumé. Grâce à eux, j’ose des choses nouvelles, leur soutien et leur investissement m’auront largement décomplexé. Tout seul j’avais certainement fait le tour de l’histoire... Aujourd’hui, j’ai déjà un bon paquet de nouveaux morceaux sur le feu alors que le disque n’est pas encore sorti !

Au fil des disques ta voix devient plus rocailleuse, plus proche de celle de Leonard Cohen aujourd’hui que de celle de Will Oldham auquel on t’a souvent comparé (peut-être surtout pour la barbe d’ailleurs ?). Sincèrement je n’ai jamais écouté Léonard Cohen ! Je n’ai aucun de ses disques chez moi. Il n’a donc jamais eu aucune influence sur moi. Au sujet de Will Oldham, certes j’ai beaucoup écouté à une époque mais il a aussi largement contribué au fait que la musique folk, au sens où on l’entend aujourd’hui, m’ennuie profondément  ! Je retiendrais de lui la période des Palace Brothers ou ses premiers disques en solo, mais ça fait bien bien longtemps que je n’ai pas écouté ces choses-là... Concernant la voix, eh bien quelque chose s’est peut-être « brisé » à un moment ? J’ai passé un long moment, 11 mois précisément, à ne plus pouvoir me servir d’aucune de mes mains, sans compter le temps de rémission, les tentatives et les échecs que cela a engendré. Il fallait trouver une manière de faire de la musique sans instrument pour s’accompagner. J’ai donc fait l’acquisition d’une de ces pédales où tu t’enregistres et ça fait des boucles qui se superposent. J’ai commencé à travailler des choses a cappella donc, au début c’était très musical, très blues et puis finalement ça a viré aux cris, aux hurlements, aux gémissements, j’avais de la colère à vomir due à l’incompréhension de ce qui m’affectait. Je ne me suis pas ménagé. Les voisins ne m’ont soudainement plus regardé du même œil quand je les rencontrais à la boite à lettres. En tout cas, ça vient peut-être de là ? Ou bien juste car je vieillis, va savoir...

J’ai remarqué que tes rectos de pochettes de disque ne mentionnent jamais ton nom ou le titre de l’album sauf pour l’album live). Tu peux nous en expliquer les raisons ? Simplement car il y a un verso et qu’il faut bien que ça serve à quelque chose ! En fait depuis l’origine du projet, j’ai confié l’identité visuelle de The Healthy Boy à ma moitié, Adélaïde Gaudéchoux, dont l’activité première est de peindre (elle est aussi responsable de certaines des pochettes de Faustine Seilman, Le Coq, Luis Francesco Arena, Belone Quartet, Komandant Cobra...). Les peintures qu’elle réalise pour chacun de mes disques ont un côté « daté », ce qui a pour but de permettre à chacun de faire marcher son imaginaire et ainsi d’y trouver son propre sens, c’est « pénétrable », intriguant et onirique. Si l’image te pose question alors tu as envie d’aller voir ce qui se propose au niveau du contenu musical ! C’est dans ce sens où

nous travaillons sur les pochettes du groupe, l’intérêt est de provoquer la curiosité par le mystérieux. Il est fort probable que j’ai vendu une grosse partie de mes disques grâce à son coup de pinceau.

Comme d’habitude, le titre de l’album est un peu déconcertant. Tu peux nous raconter son histoire ? «  Carne Farce Camisole  » fait très certainement référence à l’aigre loufoquerie qui m’a foutu un brin la vie en l’air il y a 2 ans. C’est une manière de se moquer des gadins que la vie nous réserve. Ce n’était pas le premier, ce ne sera pas le dernier et bien sûr je ne me relèverai pas indéfiniment, mais tant que je le pourrai je marcherai sur les mains et rirai au nez de la résignation... Passionnément ! L’intégralité de cet entretien sur tohubohu.trempo.com

THE HEALTHY BOY Carne Farce Camisole

Kythibong/La Baleine 2012

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais Leonard Cohen interprète souvent moins bien ses propres chansons (en tout cas, celles enregistrées après les 70’s) que les artistes qui les reprennent plus tard. Essayez par exemple d’écouter sa version de « Hallelujah  » pour voir… Elle n’arrive pas aux chevilles de celles de John Cale ou Jeff Buckley. Du coup, avec The Healthy Boy, on a un peu l’impression de profiter du meilleur de toutes les périodes du crooner canadien, même s’il se défend de l’avoir écouté : la voix caverneuse d’aujourd’hui et les interprétation inspirées des 60/70’s. Avec en sus une grammaire post-rock manifestement bien digérée (Slint, Palace & Cie). Benjamin Nérot et ses Badass Motherfuckers (aka Zëro) signent huit nouveaux titres, dont certains aussi rock que du Grinderman, qui confirment une vieille sensation : le barbu a du talent. Enormément.

Kalcha

thehealthyboy.bandcamp.com

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

9


Artistes

FRAMIX AMERICAMIX

Artiste multifacette et indépendant, Framix vient de sortir son 3E album « Stuck in a cruel world » accompagné d’un court-métrage qui sortira en juin prochain. Plongeon dans un univers américain des années 50/60. Par Lucie Brunet Photo : Samuel Cornillet DANS « HAPPY ANIMALS », TU MÉLANGEAIS MUSIQUES JAMAÏCAINES ET SONS ELECTRO. SUR CE 3E ALBUM, CES INFLUENCES SE MÊLENT À UNE MUSIQUE AMérICAINE DES ANNÉES 50/60’s. L’AMÉRIQUE ET SES MUSIQUES TE FASCINENT ? On ne se lasse pas de regarder la culture américaine, partout. Elle appartient aux gens, elle est dans leurs mains car l’État est loin de tout ça. C’est sûrement grâce à ça qu’autant d’initiatives et de mouvements y ont émergé. Même si c’est loin d’y être rose, au moins c’est passionnant. Il y a aussi toute la culture jamaïcaine qui me passionne et m’influence beaucoup. Pour revenir au disque, il n’y a pas réellement de virage sur les influences. Les éléments sont les mêmes, mais mélangés différemment. La manière de les aborder a changé. J’étais aussi plus attaché au texte sur ce disque, avoir un discours qui court tout du long.

TOUT EST JOUÉ SUR CE DISQUE. ON SENT ÉGALEMENT QUE LE SON A ÉTÉ TRÈS TRAVAILLÉ AVEC UN GRAIN CHAUD, VINTAGE, ANALOGIQUE. À QUOI EST DUE CETTE ÉVOLUTION ? 10

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

C’est le fruit d’une étroite collaboration avec Yann Jaffiol au My Studio du Blockhaus DY10 à Nantes. J’ai commencé à travailler avec lui car j’avais l’intention de sortir de mon home studio et d’enrichir les productions. Yann a apporté son regard et sa manière de travailler plus carrée que la mienne. Il est entouré de matériel qui m’attirait pour avoir ce grain que j’ai toujours recherché. Le bricolage présent sur « Happy Animals » s’est ici reporté sur les prises de sons, notamment en enregistrant l’instrument mais aussi l’endroit où il est enregistré. Ça a été vraiment passionnant d’expérimenter tout ça... Écouter des vieux disques, s’imaginer comment ils ont été enregistrés, et faire du neuf. Nous avons travaillé sans stress de calendrier sur presque deux ans, un luxe qui a permis de définir tout naturellement le principal virage du disque : le fait que tout soit joué, qu’il n’y ait plus de machine et de programmation.

On pourrait parfaitement penser que c’est un disque chanté par un crooner des 50/60’s et enregistré à la même époque ! Es-tu satisfait de cet objet ? Avec du recul il a toujours des choses qu’on pourrait changer, qu’on aurait pu mieux faire. Mais il faut


Artistes accepter le fait que la musique soit figée à un moment, avec le savoir-faire de l’instant.

Tu avais été suivi par Radio Nova et pas mal de médias déjà pour « Happy Animals ». Il semble que ce soit encore plus le cas sur cet album. Tu les démarches ? A-t-il été simple de les sensibiliser à ce nouvel album ? Enlever le vernis electro est un virage qui retentit aussi sur les médias qui suivaient le projet. De nouveaux adhèrent, d’autres s’en écartent, c’est normal. En revanche, l’aspect inclassable de l’ensemble peut être déroutant pour certains médias, ou certains programmateurs. Les temps sont durs pour beaucoup et c’est plus facile de “miser” sur quelque chose de très identifiable. Moi je fais ce qui me botte et si ça marche, c’est heureux. Quant à la promotion, elle est portée par Maxime Peron d’Underdog Record. C’est toujours très dur de trouver les bons partenaires, c’est chose faite, notamment aussi pour l’édition avec Creaminal/Underdog. Il y aussi un nouveau souffle sur la formation live, nous sommes quatre sur scène. Nous avons le plaisir de nous produire ces dernières semaines sur beaucoup de médias nationaux (France Inter, Le Mouv’, Fip, Arte, Nova...) et nous attendons avec impatience que la tournée 2013 se mette en place.

sans moyens puisque quasi toutes les demandes d’aides ont été refoulées. Nous pensions que la Ville de Nantes porterait un regard et un soutien étant donné tous ses efforts à communiquer sur son côté créatif… La douche a été froide. Nous espérons encore un coup de main, un encouragement qui nous permettrait de finir la coûteuse post production pour pouvoir présenter le court métrage avant l’été. Les matériaux de construction de cette production sont la passion et l’énergie des bénévoles nantais qui ont porté le projet à bout de bras et finalement tant mieux. Merci aussi au Lieu Unique et à Staff, qui devant le néant de moyen ont sauvé la production grâce à leur prêt de matériel. Nous sommes en pleine post production actuellement. J’ai hâte que le travail soit fini et qu’on puisse tous le regarder ensemble.

Comment définirais-tu le monde cruel dans lequel tu es bloqué ? Je pense y avoir trouvé une échappatoire, je me suis arrangé avec les deux teenagers qui parlent sur le disque et dans le film pour leur faire porter la pierre (sourire) !

Tu fais beaucoup de choses de manière indépendante. Penses-tu que le fait de sortir des singles avant la sortie de l’album a aidé ? Des labels t-ont-ils démarché suite à sa sortie ? Au contraire  ! C’est sorti trop tôt pour certains médias qui ont jugé que les singles précédemment parus avaient déjà vécu. Je voulais sortir ces singles accompagnés pour chacun de leur clip, de leur univers. Peu de labels m’ont contacté. L’avantage de gérer la production soi-même est de pouvoir faire plus des choses pas rentables sans comptes à rendre.

On retrouve ta formation initiale aux Beaux-Arts dans ta passion pour l’image, la vidéo, le cinéma. Tu sors un court-métrage pour accompagner l‘album, tu fais aussi les clips. L’image et le son sont indissociables pour toi ? Ça me permet de pousser d’autres portes dans l’univers d’un disque. Sur le court-métrage en production actuellement, ça s’est décidé tardivement, à la toute fin du disque. Puis la préprod a commencé. J’ai présenté l’univers à David Couliau et on l’a élaboré à deux. Un travail énorme, soutenu par une équipe incroyable, décorateurs, machino, régisseur, beaucoup de prêt de matériel, des coups de main d’amis, de collectionneurs que nous remercions encore. La production s’est faite

FRAMIX

Stuck in a Cruel World

Frakamix Productions/ La Baleine – 2012

Quelque chose nous dit que François Michel aka FRAMIX doit kiffer la trilogie des « Retour vers le Futur ». Et à choisir, on imagine même qu’il se verrait plutôt davantage avec la tignasse folle du Doc Emmett Brown que dans les baskets montantes de Marty McFly. Le Nantais a en tout cas réussi à inventer sa propre DeLorean musicale puisque son troisième disque semble tout droit enregistré à la fin des 50’s. On y entend ainsi du rocksteady, de la country, du doo-wop, du early rock’n’roll et des musiques caribéennes comme à la grande époque de Harry Belafonte, Paul Anka, Roy Orbison et Johnny Cash. Le tout fredonné avec une banane en travers du visage et une autre dans les cheveux. « Stuck in a Cruel World » donne sacrément envie d’être à l’été prochain pour s’écouter ça en boucle sur la route des vacances !

Kalcha

www.framix.fr

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

11


Artistes

OISEAUX DE NUIT Visiblement, le post-hardcore mayennais se porte bien. Trois ans et une première date au Mans après le split de son ancienne formation (Sling69), Birds In Row compte 300 concerts à son actif partout en Europe, une tournée aux états-Unis, deux EP et une récente signature chez DeathWish Inc., le label du chanteur de… Converge. Tu vois le tableau ? On fait le point avec le trio. Par Julien Martineau Photo : DR POUVEZ-VOUS VOUS PRéSENTER ? On est un trio de Laval, France. Une basse, une guitare et une batterie. On a commencé en 2009 et fait environ 300 concerts depuis. On a sorti deux EP sur différents labels dont Vitriol Records (US) et Throatruiner Records (FR) qui ont été d’un bon soutien. On vient de sortir notre premier album sur le label US, Deathwish Inc.

D’UN POINT DE VUE EXTÉRIEUR, LE RÉSEAU PUNK/HXC FRANÇAIS ET EUROPÉEN SEMBLE TISSÉ D’UNE MANIÈRE ASSEZ SOLIDE. POUVEZ-VOUS NOUS RACONTER VOTRE RELATION À CE RÉSEAU ? Quand on parle de scène, on parle de gens qui ont une passion commune. Ici, il se trouve que c’est la musique, avec un angle plus ou moins politisé. C’est confidenciel et basé sur l’entraide. Les organisateurs sont aussi des membres de groupes, ils font des fanzines, ont un label, une distro... Chacun sait de quoi il parle face à l’autre. Le rapport avec la personne qui t’accueille est donc différent de celui que tu peux avoir avec des employés de boîte de com’ ou de booking, etc. On retrouve donc un rapport humain, basé sur la passion et le partage d’une certaine expérience. Ainsi, quand tu cherches une date en Pologne pour la première fois, et que personne ne te connait, tu as quand même des chances de la trouver.

QUAND JE LIS LES TEXTES DE VOS TITRES, JE VOIS DES RÉFÉRENCES MYSTIQUES, ET UN UNIVERS PLUS QUE SOMBRE. D’OÙ VIENT L’INSPIRATION DE CES TEXTES ? On parle globalement de ce qu’on vit, en tant que

12

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

jeunes personnes qui doivent s’adapter à un système qu’on ne compte pas appliquer à nos propres vies. La ville d’où on vient, les expériences humaines parfois limitées qu’elle procure, le peu d’options… et l’effet que ça a sur notre rapport à l’autre. Après, on exprime ça à travers des images qui nous paraissent bien caractériser ce tout. C’est l’état d’esprit dans lequel nous sommes, ce qu’on ressent au moment de composer, qui donne d’abord la direction. En général, on compose la musique, sur laquelle viennent se greffer des paroles qui sont nécessairement inspirées de l’existant.

POUVEZ-VOUS RACONTER VOTRE RENCONTRE AVEC DEATHWISH INC. ? On a essayé de tourner autant que possible dès le début. On s’investit beaucoup dans ce qu’on fait, en orientant plus ou moins nos vies autour de ce qu’on a envie de faire avec le groupe. Du coup, les gens ont un petit peu parlé de nous, pas énormément, mais juste assez pour que ça arrive à leurs oreilles. On a eu la chance que ça leur plaise et on sait que le fait de travailler beaucoup a joué en notre faveur.

LA QUESTION DE LA PROFESSIONNALISATION EST-ELLE COMPATIBLE AVEC LE RÉSEAU DANS LEQUEL VOUS ÉVOLUEZ ? La question ne se pose pas pour nous. Ce n’est pas notre métier. L’objectif étant de “rentrer dans les frais”. La professionalisation, dans le style de musique qu’on fait, est déjà aberrante de par les compromis éthiques que ça représenterait. L’éthique a autant de place pour nous que l’artistique. Même si chacun


Artistes voit midi à sa porte, nous croyons que notre musique n’est pas compatible avec la professionalisation, pour un grand nombre de raisons gravitant globalement autour de la liberté et de la maitrise de ce qu’on fait. Du coup, on a orienté nos vies autour de ça, en faisant des sacrifices, en créant nos emplois pour ne dépendre de personne. C’est de toute façon nécessaire. On ne peut pas dissocier la vie de groupe de nos vies personnelles.

QUELS SOUVENIRS GARDEZ-VOUS DE VOTRE TOURNÉE AUX USA ? On est resté deux mois et demi. On a donc vu beaucoup de choses différentes. On a aussi bien donné des concerts dans des caves, à côté de la machine à laver, que fait des scènes immenses devant 1 200 personnes. Globalement, les scènes en Europe se ressemblent, avec quelques aspects différents, notamment sur les habitudes d’accueil des groupes. C’est généralement plus dur de tourner aux USA qu’en Europe. C’est toujours compliqué de faire ressortir un aspect, un souvenir d’une tournée. Le fait même de la raconter n’a aucun sens puisque c’est une expérience intraduisible à quelqu’un qui n’aurait pas la même vie ou les mêmes attentes que nous. Donc pour ce qui est du souvenir marquant, on répondra comme d’habitude : « c’était cool ouais ».

On est pas des marchands pour deux sous. La vente de merch est une nécessité, pas un plaisir. C’est rien d’autre qu’une participation, une donation que quelqu’un fait au groupe pour qu’on puisse continuer à avancer. Du coup, on préfère laisser le choix aux gens de ce qu’ils veulent nous donner. Encore une fois, chacun fait comme il le sent. Nous en tant que groupe, on ne se voyait pas choisir des prix fixes, comme on ne se voyait pas vendre des t-shirts dont la production aurait été faite par une entreprise avec qui on a aucun rapport direct. Si on doit vendre quelque chose, autant qu’on mette la main à la pâte.

QUEL EST L’EFFET SUR LE PUBLIC ? Ils sont étonnés, puis intéressés. Cela engage souvent de bonnes discussions.

APRÈS DE TELLES NOUVELLES POUR VOUS EN 2012, QUE PEUT-ON VOUS SOUHAITEZ POUR 2013 ? De continuer sur une bonne voie ?

AU FINAL, QUE VOUS APPORTE LA SIGNATURE CHEZ DEATHWISH ? Une visibilité énorme et une marque de fabrique qui fait qu’on entre dans un catalogue que les gens consultent en sachant qu’ils seront potentiellement séduits. Dans la pratique, ce qui nous intéresse le plus, c’est que c’est devenu beaucoup moins dur de booker des tournées. On nous ouvre des portes plus facilement. On a donc un choix plus important de destinations mais aussi de directions, et c’est là, quelque part, qu’on fait vraiment des choix reposant sur une certaine conception de l’éthique.

VOTRE PREMIER DISQUE ÉTAIT FAIT MAIN ET SÉRIGRAPHIÉ. EST-CE ENCORE POSSIBLE DE PROPOSER CE GENRE DE SUPPORT QUAND ON A SIGNÉ CHEZ DEATHWISH REC. ? On ne peut plus sérigraphier les pochettes de nos albums, pour une raison pratique et financière. On ne sort plus des paquets de 500 disques, mais de 2 000, qui partent assez vite au final. Donc la confection de pochettes deviendrait un emploi à temps plein... On continue de produire notre propre merch cela dit.

VOUS VENDEZ L’INTÉGRALITÉ DE VOTRE MERCHANDISING À PRIX LIBRE : QUELLE EST VOTRE VOLONTÉ DERRIÈRE CETTE PRATIQUE ? C’est simplement de placer cette pratique dans un contexte dans lequel on se sent plus confortable.

BIRDS IN ROW

You, Me & The Violence

Deathwish Inc. – 2012

Alors, comme ça, Jacob Bannon kiffe la Mayenne ? En tous cas, il a apprécié le premier album des Mayennais Birds In Row puisqu’il signe «  You, Me & The Violence » sur le label américain de référence Deathwhish Inc.. Si les trois Lavallois n’en sont pas à leur premier essai (deux EP sortis ces trois dernières années), on a là affaire sans conteste au plus abouti : les influences Defeater ou Converge s’estompent peu à peu pour laisser place à un punk-hardcore-screamo nettement plus personnel. Rassurez-vous tout de même, l’espace laissé à la joie de vivre est toujours complètement inexistant : le paquet de tripes défile et envoie de manière brut un panel de détresses pendant 12 titres et 35 minutes. Je crois que c’est ce que j’aime chez Birds In Row, leur capacité impressionnante à exprimer le désespoir.

Julien Martineau

birdsinrow.free.fr

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

13


PROJETS

Créée en 2009, l’association lavalloise Quest’Handi milite pour faire évoluer l’image des handicapés et rendre plus accessibles les manifestations culturelles. Un objectif qu’elle applique sur son festival et qu’elle souhaite étendre au plus grand nombre. Précurseur en la matière, Quest’HANDI est aujourd’hui une ressource incontournable dans les champs de la culture et du handicap. Soucieuse d’interpeller le grand public sur la question du handicap, « Quest’handi s’est surtout attelée à définir une série d’actions ayant pour finalité de réfléchir sur la place des personnes handicapées dans notre société et surtout de leur accès à diverses manifestations, qu’elles soient culturelles, éducatives, artistiques… », rappelle Matthieu Legeay, président de l’association. L’objectif étant de développer des outils favorisant l’accès à tout type de handicap dans les rendez-vous culturels. « Il y a encore beaucoup de travail à effectuer. Encore trop peu de manifestations culturelles prennent en compte le handicap dans sa globalité pour que tout le monde puisse accéder à la culture. Notre but est justement d’éveiller la réflexion et la mise en place de moyens simples, peu coûteux et humains. On voit de temps en temps des dispositifs un peu décalés qui ne favorisent pas l’insertion et augmentent la discrimination. » Le point d’orgue de son action reste le festival que la structure organise tous les 3 ans. Il lui permet d’apporter des réponses concrètes en matière d’accessibilité. Le temps d’un week-end, cet événement festif est une occasion de tester de nouveaux outils pouvant remédier à ces besoins : « Cette année, nous avons beaucoup travaillé sur la surdité. En effet, lors du premier festival, c’est un handicap que nous avions moins pris en compte et nous voulions augmenter notre accessibilité en mettant en place

14

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

des outils adaptés à ce type de handicap (colonnes vibrantes, bénévoles signants, spectacle signé, boucle à induction magnétique *)...». Plus qu’un rendez-vous musical, cet événement est aussi un moyen de rendre acteurs les personnes en situation de handicap dans l’organisation et le déroulement de la manifestation. « Le projet de festival est un tout, nous ne voulions pas nous arrêter à la simple accessibilité, nous voulions aussi donner la chance aux personnes en situation de handicap de s’exprimer au travers des assos ou des commissions... ». Si l’initiative est appréciée de tous, elle reste encore confidentielle dans le milieu culturel. Cependant, ces expériences novatrices commencent à séduire les festivals. À l’image du festival Les Z’Eclectiques qui a récemment fait appel à ses services pour une évaluation de ses pratiques. Depuis 2011, un partenariat est en place sur un autre festival : Au foin de la Rue, pour lequel l’association propose des outils pour repousser les limites de l’accessibilité : « Ça nous a permis de nous rendre compte que nous pouvions réaliser ce genre d’actions. Cette collaboration est une belle récompense pour nous, et nous tenons fortement à ce que cette réflexion se démocratise ». C’est bien dans cette démarche de démocratisation que se projette Quest’Handi : continuer son travail de sensibilisation pour une meilleure prise en compte globale de la question du handicap. La route est encore longue : « Lorsqu’un jour on aura plus lieu d’exister, on aura gagné et la prise en compte du handicap par tout un chacun sera un réflexe…On en rêve tous ! ». www.questhandi.com * aide auditive pour les personnes malentendantes utilisatrices d’appareils auditifs

Par Eric Fagnot Photo : DR


PROJETS

MY LITTLE CAB

Basé dans l’ouest de la Loire-Atlantique, voici la petite histoire de My Little Cab Records, où comment un label s’est constitué de la même manière que la musique qu’il défend : du 100 % Do it Yourself ! Et comment, on se prenant en main dès le départ, ses fondateurs ont surtout tout compris au secteur du disque. Histoire d’un label qui a trouvé sa place aux côtes d’autres estimables activistes régionaux comme Kythibong. Juin 2004 : Tazio & Boy, enregistrent leur 1er album. Petite précision  : ils ne sont pas dans un studio classique mais dans un camping. Le duo, profitant des vacances, met en boite son premier opus en 4 jours sur un magnéto numérique 4 pistes à piles. La démarche ne relève ni de la performance ni de la prise de position politique radicale. Il faut le faire, tout simplement : « On a des chansons, donc on les enregistre, avec nos moyens ». Tazio & Boy se retrouvent avec un album sur les bras et c’est tout aussi logiquement qu’ils créent eux-même le label pour le sortir. Parmi les multiples bidouilles utilisées lors de l’enregistrement de ces morceaux, le duo s’est servi d’un jouet appelé Mon Petit Taxi. Ce dernier servira de titre à l’album et, en version anglaise, il donnera son nom au label : My Little Cab Records. Comme tout est fait à la main (de la pochette au disque), tout est simple et permet au label de suivre la folle créativité des musiciens. Tazio & Boy sort alors un album tous les 3 mois. My Little Cab Records ne produit à ce stade que des CD-R. L’année 2007 marque un tournant dans l’histoire du label. Grace à Myspace, My Little Cab est contacté par Humpty Dumpty Records, des homologues basés en Belgique. Ces derniers leur font une proposition à

laquelle il est impossible de dire non : « Ça vous dirait de sortir un “vrai” disque ? » Et c’est ainsi que l’album « Note-Book » de Tazio & Boy sort au Benelux, avec une pochette dessinée par Françoise Breut. Et c’est à partir de ce moment que les choses changent vraiment. Un CD pressé permet de sortir de la confidentialité induite par les CD-R. My Little Cab poursuit avec un 1er digipack : « The Secret Map », par les Rennais The Missing Season. Un des musiciens qui accompagne ce groupe en concert n’est autre que Vincent Dupas, guitariste de Fordamage. Il est à la recherche d’un label pour son projet solo, My Name is Nobody. Lors d’un épique voyage en camion pour aller voir un concert de Low et Smog à l’Ancienne Belgique de Bruxelles, il monte à bord du petit taxi, embarquant avec lui une distribution nationale via La Baleine. L’album « The Good Times » sort en mars 2012. Mais, DIY un jour, DIY toujours. My Little Cab poursuit son rôle de défricheur en sortant toujours des CD-R, histoire de lancer ses coups de cœur. Le dernier en date s’appelle SR Felix, un nazairien d’adoption, entre Erik Satie et Boards of Canada. Et 2013 s’annonce sous les meilleurs auspices avec un nouvel album de Boy & the Echo Choir en janvier, un EP de My Name is Nobody… My Little Cab aura alors 9 ans & 35 références au catalogue. Pas mal pour une aventure débutée lors de 4 jours de camping. mylittlecabrecords.tumblr.com mylittlecabrecords.bandcamp.com

Par Emmanuel Legrand Illustration : Tazio Tohu bohu

n°25

hiver 2013

15


Génération y

STREAMING la poule aux Œufs d’or

Virgin s’en va, Myspace revient, Kim Dotcom nargue les US une fois de plus, c’est le feuilleton musical, premier épisode. En cette nouvelle année, passé le spectre de la fin du monde, la mort du disque se précise davantage. Sur le marché français, les ventes physiques baissent (-   11,9% en 2012), alors que les ventes digitales augmentent de 13%, mais ne permettent pas de combler le manque à gagner. Cependant, le vinyle fait un retour gagnant avec 16,3% d’augmentation pour le marché américain en 2012, impact minime mais qui mérite d’être souligné. Un autre modèle a le vent en poupe, le streaming. Qu’il provienne de Youtube, Spotify, Deezer, ou encore Myspace, la multitude de supports permet d’avoir accès à plusieurs dizaines de millions de morceaux selon les plateformes. Ce mode d’écoute a révolutionné nos modes de consommation en matière de musique, tant et si bien que l’innovation va bon train, 2013 semble être l’année de la maturité pour le streaming. Presque tous les services réservent de belles surprises, axées sur la découverte pour la plupart. Tout d’abord parlons du géant Spotify et son tout nouveau Discovery. L’objectif est simple, rapprocher les artistes de leurs fans et inversement. Grâce à une toute nouvelle version, web et logicielle, les « Spotify-users » peuvent suivre leurs artistes favoris et des personnes influentes, afin d’être tenus au courant des nouvelles sorties, instantanément, notamment via le push. Quand votre artiste préféré sort un nouveau morceau où crée une nouvelle playlist, vous en êtes informé. Des pages artistes vous permettent également de suivre leur actualité, d’écouter leurs dernières sorties, ou d’acheter leurs places de concerts en ligne. Avec 20 millions d’utilisateurs, Spotify renforce sa position de leader sur ce marché très concurrentiel. Dans le même esprit, on citera le nouveau Myspace (sauvé par Justin Timberlake) et son Discover, Pandora ou encore Rdio (disponible en France depuis peu et gratuit pendant 6 mois).

16

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

Chez la concurrence, justement, Amazon propose gratuitement les copies MP3 des CD’s achetés sur sa plateforme, Deezer s’ouvre à 160 pays et développe des apps sur le modèle de Spotify, Soundcloud a revêtis un nouvel habillage, plus intuitif, pour affronter cette année sereinement. Myspace, qui renaît de ses cendres, propose une plateforme totalement repensée et axée musique et social. En somme, un mix réunissant un réseau social musical et un service d’écoute en ligne. Bandcamp, l’un des leaders du marché, va lancer son nouvel outil, « Bandcamp for Fans ». Là aussi, l’accent est mis sur la découverte et la possibilité de s’abonner aux artistes. Yala, fondé en 2010, s’ouvre aux pays du MENA (Middle East North Africa) et offre un accès gratuit à la musique arabe. Pendant que les vieux résistent, des nouveaux entrent sur le marché, comme le Xbox Music fort d’un catalogue de 30 millions de titres, Sounderbox (initiative nantaise), l’outil collaboratif de diffusion musicale à destination des dirigeants de bars qui permet aux clients d’influer sur la musique jouée, ou encore iRadio, le possible service de streaming d’Apple encore au stade de iRumeur. Après avoir fait le tour des plateformes légales, passons aux plateformes illégales. Grooveshark, lieu de violation des droits d’auteur par excellence, fait lui aussi peau neuve avec une toute nouvelle version. Au menu, découverte, inscription en ligne des artistes indépendants, et nouvelle interface. Mais qui dit illégal, dit bien entendu MegaUpload et son fondateur MEGAlo Kim Dotcom. Un an après son arrestation et la fermeture du célèbre MU, il lance MEGA, plateforme de stockage qui sera suivie de MegaBox dans quelques mois, service musical ayant pour ambition de reverser 90% des revenus aux artistes... Il y a fort à parier que Dotcom va faire parler de lui en 2013, autant que les majors qui vont essayer de l’abattre une fois de plus. La suite au prochain épisode !

Par Alexis Chevallier Source : Jon Aslund – Flickr, creative commons


The next big thing

PAROLES D’ACTEURS UN CASTING D’ACTEURS DE LA RÉGION QUI NOUS CONFIENT CE QU’ILS ATTENDENT IMPATIEMMENT POUR CES PROCHAINES SEMAINES… MAURICE COSSON

BRUNO LEGRAND

J’attends la fin de l’hiver et le retour du printemps ! Les Instants du Monde, le festival voyageur et convivial de l’arc, dans un grand arc oriental, des collines de l’Andalousie aux rives de la Mer Jaune. C’est du 19 au 24 mars. J’attends la pose de la 1re pierre de l’auditorium de Rezé, un bel outil de 300 places qui permettra de compléter les possibilités de diffusion de l’arc, de l’ARIA et de l’Ecole de Musique de Rezé, et de continuer à tisser des liens avec les acteurs du territoire.

J’attends les premières soirées du collectif Atom, un collectif composé d’électrons libres, qui propose des soirées concerts à l’improviste, sans limite esthétique et axées sur la découverte. Leur QG : club le Justice à Mayenne.

DIRECTEUR DE L’ARC (REZÉ)

CAROLINE GABARD

MUSICIENNE, BOY (SAINT-NAZAIRE)

RESPONSABLE DES STUDIOS DE RÉPÉTITION LE GRAND NORD (MAYENNE)

NICOLAS FOURNIER

RESPONSABLE, COMPAGNIE TDM (LE MANS) Aller voir les bureaux du collectif Tomahawk en Bretagne, écouter le premier EP d’Oceakyl, avoir le temps de recoudre mes chaussettes, (re)voir Neurosis à la Villette Sonique, et profiter d’un concert dans un Labo Sonore « nouvelle version ».

Là le disque sort, donc je peux commencer à réfléchir à un nouveau projet. Donc le prochain gros truc c’est trouver un endroit approprié pour enregistrer des chansons.

hdw

JOCELYN DU BOUETIEZ

Mon 1er tatouage, le nouvel album de Kery James, la saison 4 de Treme, voir comment Hollande va s’occuper des jeunes diplômés et prouver aux sceptiques que je vais réussir ce que j’entreprends.

PROGRAMMATEUR, ASSOCIATION WE OWN THE NIGHT (ANGERS) J’attends avec impatience que les bébés pandas que j’ai adoptés deviennent grands et forts. J’attends avec fébrilité également des claques musicales (reformation des 2BE3) et cinématographiques (le prochain Larry Clark). Pour finir, j’attends vos dons car vouloir vivre de la culture en 2013 n’est point chose aisée.

DAVID ET FRANCK POTVIN

MUSICIENS, ONE-WAY MIRROR (ANGERS)

On attend la victoire de la France pendant les 6 Nations et le Hellfest qui annonce l’arrivée de l’été ! On attend aussi que Depardieu se présente aux Présidentielles et baisse les taxes sur nos liquides préférés !

NICOLAS MOREAU

ADDM 53 & MAGAZINE TRANZISTOR (LAVAL) Les 5 ans du 6PAR4 (la prog’ déchire sa maman !), la prochaine compile Tranzistor (en juin), un album d’Hourvari (un jour  ?)... Que les Jack & Lumber profitent de leur prix à l’Ampli pour se débarrasser de leurs éternelles chemises à carreaux. Que le 4.9 et le 3.5 libèrent nos exilés : Florian Mona, Babel et autres Forks, rentrez à la maison maintenant !

Slameur (LE MANS)

CHARLES GIRAUD

MUSICIEN, MADIN’GO (LA ROCHE-SUR-YON) J’attends la sortie de notre nouvel EP « Lisanga » et les belles dates à venir (Fuzz’Yon en 1re partie de Winston Mcanuff, le festival Les Nuits Mandingues), la sortie de la prog du festival Musiques Métisses d’Angoulême, qui va encore faire rêver les amateurs de musiques africaines.

BENOÎT

LOS HERBOS CREW J’attends le concert de Medine à Hip OPsession. Ma dernière claque en hip-hop français c’était « Touche d’espoir » d’Assassin en 2000 puis Medine est arrivé avec « Arabian Panther ». Je le conseille aux fans de rap et de paroles réfléchies. Sinon j’aimerais que BBC Sound Box se bouge et enregistre avec le nouveau line up !

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

17


DOSSIER

DISPOSITIFS DE REPéRAGE ET TREMPLINS De l’art de rebondir

correctement

Certes, on peut toujours aller frapper au culot à la porte d’un label ou d’un tourneur avec sa maquette sous le bras. Mais aujourd’hui, pour se faire un nom, les artistes sont de plus en plus nombreux à postuler aux tremplins et autres dispositifs de repérage qui se sont multipliés ces dernières années. Pourtant, là comme ailleurs, tout ne se vaut pas. Petit décryptage de ce paysage hétéroclite, agrémenté de quelques conseils avisés de la part de professionnels de la musique. Par Damien Le Berre Illustrations : Nicolas Galkowski – http://nggraphics.blogspot.fr Une rapide recherche sur le net nous apprend qu’il existe donc un Tremplin Chanson Française des Truffes de Périgueux. Et en faisant défiler les pages, entre les noms familiers comme Bourges, SFR Jeunes Talents ou Les InRocKs Labs, on croule sous une offre pléthorique et parfois exotique. Un constat étayé par Karim Bennani, responsable de l’accompagnement à Trempolino, antenne des Pays de la Loire des Inouïs (ex-Découvertes) du Printemps de Bourges Crédit Mutuel. « Tout le monde y va de son tremplin : les communes, les structures culturelles, les salles, les festivals, etc. Il n’y a pas vraiment de coordination ni de cohérence. »

18

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

Une prolifération que Cyril Della-Via, son homologue en Midi-Pyrénées, explique par plusieurs facteurs : « Je pense que les tremplins répondent avant tout à une augmentation du nombre des groupes, qui ont du coup parfois du mal à jouer : il y a un embouteillage dans les lieux de diffusion. Pour les collectivités — et là je suis un peu critique —, mettre en place un tremplin permet de dire, à peu de frais : « On a fait quelque chose pour les musiques actuelles ». Et en ce qui concerne les tremplins privés, ça donne évidemment aux marques une visibilité pour communiquer et toucher le public des jeunes. Parce que la musique reste une des premières pratiques culturelles chez cette population. »


DOSSIER

Jeanne Cherhal, fille du Printemps Il y a douze ans, point de départ de la carrière que l’on sait, la Nantaise Jeanne Cherhal a été Découverte du Printemps de Bourges. Elle se souvient. « J’en garde un très bon souvenir. Les pré-sélections étaient assez rock’n’roll. J’avais joué sur un clavier lamentable devant du public bruyant, dans un café à Nantes qui s’appelait à l’époque la Misambière [Les 4 Sens aujourd’hui, NDLR]. Une équipe de Bourges me filmait car le jury n’était pas présent. Inutile de dire que j’étais certaine de n’avoir aucune chance d’être sélectionnée. Et puis, en fait, le jury ne s’est pas arrêté à la vidéo, et je suis allée à Bourges !

LA SÉLECTION EN QUESTIONS Conséquence directe de cette multiplication des dispositifs, gagner un tremplin n’est pas forcément synonyme de portes qui s’ouvrent. « Honnêtement, quand je reçois un mail avec “lauréat du machin”, je n’y fais pas attention. Pour moi, ce n’est pas un gage de qualité. Notamment à cause des modes de sélection qui sont souvent nébuleux », tacle Jean-Michel Dupas, programmateur à Stereolux (Nantes). Si l’applaudimètre (merci les copains venus en nombre dans la salle) est en voie de disparition, la question de l’équité et de la lisibilité du choix des lauréats est pourtant toujours de mise. En cause, l’avatar 2.0 du “Faites plus de brrruit pour... !” : le vote en ligne. « Cette année, au terme d’une journée d’écoute, le jury a présélectionné 20 groupes sur les 699 candidats issus des 12 départements que couvre le journal », explique Philippe Richard, co-créateur de L’Ampli Ouest-France (ex-Médiator) qui vient de consacrer The Lemon Queen, après The Dancers ou encore Concrete Knives. « Le vote des internautes a ensuite désigné 6 finalistes qui ont été départagés en finale par un jury. Mais il y a aussi un prix des internautes pour lequel on a demandé au public de revoter. On va essayer de trouver une solution plus simple pour l’an prochain. D’autant qu’on ne veut pas que celui qui sollicite le plus son réseau social soit trop avantagé. » Et L’Ampli n’a pas le monopole des règlements qui semblent

Au Printemps je chantais à midi, je crois, à la Soute. C’est après ce concert que j’ai rencontré Olivier Poubelle, mon producteur de spectacle avec qui je travaille toujours (depuis 12 ans  !), et Vincent Frèrebeau, du label Tôt ou Tard, avec qui j’ai fait trois albums. Ils avaient eu le courage de se déplacer malgré l’horaire ! Je dois donc beaucoup au Printemps de Bourges et à Marcelle Galinari [la directrice du Réseau Printemps, NDLR], qui m’a offert ce magnifique tremplin alors que je sortais de nulle part ! Depuis, il m’est arrivé deux fois de faire partie d’un jury de tremplin, mais je n’aime pas trop ça. Je trouve difficile et cruel de faire des choix. Les deux tremplins auxquels j’ai participé en tant que jurée n’étaient en plus pas très bien organisés, alors que pour les candidats ça a un côté crucial. Et les multiplier, ça épuise, je pense... Si j’avais un conseil à donner, ce serait de concentrer son énergie sur des tremplins d’envergure comme celui du Printemps de Bourges, qui apporte énormément. Avec les Découvertes, j’avais gagné une formation au Studio des Variétés. Et pour moi, qui n’avais jamais pris de cours de chant, ça a été une révélation. Je suis d’ailleurs encore très liée à Claudia Phillips, la prof que j’ai rencontrée à l’époque et que j’ai depuis sollicitée pour chacun de mes albums. »

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

19


DOSSIER

avoir été concoctés par des diplômés de l’ENA reconvertis dans les concours musicaux. Partenaire commercial oblige (Sosh en l’occurrence, dont le service communication décrit « un rapprochement naturel entre deux marques aux communautés très actives sur les réseaux sociaux »), Les InRocKs Lab ont eux aussi recours à ce mix entre viralité numérique et choix du jury. Les étapes  : une campagne préliminaire d’open mic à travers la France, suivi d’un vote des internautes, avant de s’en remettre à un jury final. Mais pour ce qui est de la bataille du clic, Abigail Ainouz, responsable du concours, pense avoir trouvé la parade : « Une application Facebook pour voter, une seule fois par compte. Et Facebook repère vite les petits malins qui voudraient créent des comptes multiples », prévient-elle. Reste que tous les groupes ne partent pas avec le même nombre d’amis...

un maillage de professionnels Les Inouïs du Printemps de Bourges Crédit Mutuel (pour les 150 000 € annuels à hauteur desquels la banque finance le festival) ont quant à eux choisi leur camp. Pas de vote du public mais un réseau de professionnels de la musique, le Réseau Printemps, présent sur tout le territoire et qui procède à un écrémage par étapes successives. Pour Lola

Chevalier, tourneuse des groupes Cabadzi et Rhum for Pauline chez V.I.A. (Virus d’Intérêt Artistique) : « La force du Printemps, c’est ce maillage de professionnels qui sont habitués à évaluer le potentiel d’un projet ». « On a envoyé des morceaux de l’album et une vidéo. Ensuite on a participé à l’audition régionale à la BaraKaSon, avec 6 autres groupes. Et là on vient d’apprendre qu’on est retenus. » Tristan d’Hervez, bassiste de DAN (pour Disco Anti Napoleon) résume en trois phrases un vrai parcours du combattant. Pré-sélections sur écoute, auditions filmées en régions et délibération finale à Paris : des 3 900 candidats au départ cette année, ils ne seront que 34 heureux élus à voir la scène de Bourges. DAN sera l’unique représentant des Pays de la Loire, mais espère bien marcher sur les pas de Von Pariahs, vainqueur national en 2012. À leur grande surprise, selon les dires de Théo Radière, guitariste du sextet vendéen. « On n’était pas confiants, le niveau était assez relevé, avec pas mal de groupes confirmés. Bref, on avait envie d’y croire mais on ne s’y attendait pas... »

le fait du prince Pas de vote du public, ni de jury, mais une dizaine de groupes régionaux triés sur le volet qui sillonnent les Scènes de musiques actuelles (Smac) en amont du festival : c’est la Tournée des Trans Musicales de Rennes. Avec un seul homme au moment du choix des noms : Jean-Louis Brossard, créateur et directeur de l’historique rendez-vous rennais. « On peut effectivement dire que c’est le fait du Prince, rigole Nicolas Lebon, en charge de l’accompagnement artistique à l’Association Trans Musicales. Mais c’est le principe des Trans : c’est la vision de Jean-Louis. C’est lui qui choisit ses groupes. Mais ça veut aussi dire qu’il les revendique. Il ne les présente pas comme des sous-groupes, des fairevaloir. Et, surtout, ils bénéficient d’un accompagnement de plusieurs mois avant le festival. »

Sur Le Web ww.irma.asso.fr/Concours-tremplins-musiciens w Une liste des tremplins et concours régulièrement mise à jour. www.rue89.com/2009/02/28/les-tremplins-rock-concerts-amateurs-ou-vrai-business Un article sur un modèle économique souvent décrié.

20

Tohu bohu

n°25

hiver 2013


DOSSIER UNE RÉSIDENCE PLUTôT QU’UNE GUITARE “Accompagnement”, le mot magique est lâché. « Pour les jeunes groupes, les dispositifs les plus intéressants sont ceux qui proposent un accompagnement dans leur package. C’est la nouvelle logique », explique Morgane Hervé, auteure d’un mémoire de Sciences Politiques sur le parcours des groupes de musique en développement. « Auparavant, on donnait de la visibilité aux groupes sur un temps très court, sans suivi derrière. Les vainqueurs des tremplins gagnaient des instruments et une grosse scène, pour laquelle ils n’étaient pas forcément prêts. Finalement, les aides “en nature” sont plus bénéfiques pour les artistes. Grâce à elles, ils vont pouvoir acquérir des compétences professionnelles et se familiariser avec les codes et les techniques du milieu. » Journées de résidence, filage (répétition dans les conditions d’un concert), accompagnement et conseils sur la pratique ou la communication, les outils sont nombreux. Avec un objectif en ligne de mire : être fin prêt pour toucher les pros. Directeur du Jardin de Verre à Cholet et président du réseau Chaînon Manquant qui regroupe 260 lieux dans toute la France, François Gabory n’y va pas par quatre chemins sur le sujet, et tant pis pour le romantisme. « Pour un jeune artiste, c’est beaucoup plus intéressant de participer à un tremplin qui propose une date devant 60 programmateurs que dans une grosse salle devant un public lambda, avant de développer : Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’aujourd’hui l’enjeu est la diffusion des artistes, dans toutes les échelles de lieux, du caféconcert au gros lieu conventionné. Tous les groupes (à l’exception des grosses stars nationales) ont des difficultés à jouer, quel que soit leur moment de carrière. Il faut donc privilégier les dispositifs qui permettent de trouver des dates. »

BIBLIO EXPRESS h. AUDUBERT, Profession : P entrepreneur de spectacles, 6e édition, IRMA, Paris, 2009. . BENHAMOU, L’Économie de la F Culture, La Découverte, Paris, 2004. . BRANDL, L’Ambivalence du rock : E entre subversion et subvention, Collection Logiques Sociales, L’Harmattan, 2009. . FRANÇOIS sous dir., La musique, P une industrie, des pratiques, La Documentation Française, 2008. G. GUIBERT et X. MIGEOT, Les dépenses culturelles des musiciens de musiques actuelles, éléments d’enquêtes réalisées en Pays de la Loire et Poitou-Charentes, Trempolino et PRMA Poitou-Charentes, octobre 1998. . GUIBERT, La Production de la G Culture, le cas des musiques amplifiées en France, IRMA, Éditions Seteun, Paris, 2006. . MAUGER sous dir, L’accès à la G vie d’artiste. Sélection et consécration artistiques, Éditions du Croquant, 2006. . PERRENOUD, Les musicos, M enquête sur des musiciens ordinaires, La Découverte, 2009.

Une vision pragmatique entérinée par Manu Adnot du trio Sidony Box, qui vient de sortir son troisième album. «  Grâce au programme Jazz Migration et au tremplin Jazz à Vienne, on a eu l’opportunité de jouer devant des milliers de personnes. Mais c’est dans une salle spécialisée, le Sunset, qu’on a rencontré Reno Di Matteo, de l’agence Anteprima, qui nous fait tourner aujourd’hui. » Même s’il ne veut pas donner l’impression de cracher dans la soupe (« Ça nous a apporté énormément ! »), le guitariste pointe aussi les limites du repérage. « Je pense qu’un groupe qui existe depuis quelque temps doit arrêter ce genre de choses. Parce que le problème est d’être toujours considéré comme un “jeune talent”. Au delà du fait que c’est un souvent un argument pour ne pas ou mal payer les gens, on a ressenti cela lors de certaines dates où Sidony Box était une “première première partie” de gros artistes avec lesquels on n’avait rien à voir. Par exemple, on s’est retrouvés à jouer avant Gilberto Gil et Al Jarreau. Je n’ai rien contre leur musique, mais arriver avec du jazzpost-rock improvisé devant un public venu pour un groupe mainstream, ce n’est pas l’idéal (rires). »

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

21


DOSSIER TREMPLINS PAYANTS : UN MODÈLE QUI FAIT POLÉMIQUE Le jeune groupe de rock nantais The Marginals a participé l’année dernière au Festival Rock Inter-Ecoles du Gibus, un tremplin payant sur le modèle du plus connu du genre : Emergenza. Axel Bourdon, batteur du trio, raconte cette drôle d’aventure. « Tout a commencé à Paris, il y a deux ans. Avec Valentin, mon guitariste, on venait de jouer un morceau sur une scène ouverte. Un gars est venu nous voir en disant qu’il avait beaucoup aimé. Il nous a expliqué l’histoire du Gibus [club de rock parisien historique, NDLR] et nous a donné les dossiers d’inscription. Le principe et le tarif d’inscription nous ont un peu refroidis au début : 300 € et 50 billets à revendre pour se rembourser. Ça a été compliqué mais on a finalement réussi à écouler nos billets. On a gagné la sélection régionale qui se passait au Ferrailleur, avec 14 groupes répartis sur deux soirs. Et on a ensuite gagné la finale

nationale à Paris, au Gibus. Au niveau des lots, outre une guitare Paul Beuscher [magasin partenaire du tremplin, NDLR] imitation Gibson SG, il y avait une batterie complète qu’on devait récupérer juste après la finale. Comme le Gibus ne donnait pas signe de vie, on a appelé le magasin. Les employés n’étaient pas au courant. Ils ont été vérifier dans les stocks et se sont alors rendus compte que le groupe de l’année précédente ne l’avait toujours pas récupérée. Ils avaient dû abandonner... (rires) Dans le package, il y avait aussi la première partie de Nina Hagen à L’Olympia (le seul endroit où l’on a eu un petit cachet). Une semaine avant, on a reçu une lettre disant qu’elle s’était faite mordre par son chat et qu’elle ne pourrait pas assurer son concert. Elle a été remplacée par Pete Doherty, qui a lui aussi annulé trois heures avant... mais est finalement arrivé avec une demi-heure de retard et juste sa guitare. On l’a croisé mais

on ne lui a pas parlé, il est reparti directement après. On misait beaucoup sur les contacts professionnels ; on a deux ou trois propositions de dates. On a envoyé des maquettes, jamais eu de nouvelles. Pour l’enregistrement d’un disque, qui était également pris en charge, on a laissé tomber. On aurait eu la signature du Gibus sur la pochette et dû faire une croix sur les droits de diffusion. Pour finir, on devait jouer dans un festival en Angleterre. On l’avait annoncé sur notre page depuis un moment, avec le teaser, l’affiche (sur laquelle il y avait notre nom), etc. Et, au dernier moment, on nous a dit qu’il n’y avait pas de budget pour assurer le transport. Ça nous serait revenu à 2 000 €. Autant dire qu’on a dû annuler. On est passé pour des glands auprès des gens qui nous suivent. Au final, on est quand même fiers d’avoir joué à L’Olympia... Mais il y a des erreurs qu’on ne refera plus. »

DES STYLES PAS TOUS À LA MÊME ENSEIGNE Mais pour sortir des dispositifs de repérage, encore faut-il au préalable y être rentré. Et dans ce domaine, tous les styles musicaux ne partent pas avec le même nombre de candidats. Karim Bennani, dresse un état des lieux de l’édition 2013. « On a eu une grande majorité de candidatures rock. Moins de chanson que d’habitude, mais ça reste toujours important. Une grosse baisse de l’electro. Peu de hip hop également. La sélection de Backpack Jax pour le festival l’année dernière n’a pas provoqué la hausse des candidats qu’avait engendrée celle d’Hocus Pocus. » Pour expliquer ce relatif désamour des rappeurs pour les tremplins généralistes, Nicolas Reverdito, directeur de l’asso nantaise de promotion du hip hop Pick Up Production, avance plusieurs pistes. « Il y a effectivement très peu de participants hip hop dans les tremplins classiques. Je pense que les rappeurs se disent que ce n’est pas pour eux, notamment parce que les artistes et les goûts hip hop sont peu représentés dans les jurys décisionnaires. D’ailleurs, on voit bien que ceux qui ont bien figuré dans ces tremplins sont généralement issus d’un style “gentillet”, accessible au grand public. De plus, les artistes hip hop sont moins structurés (au

22

Tohu bohu

n°25

hiver 2013


DOSSIER niveau des bios et des dossiers de presse par exemple) et donc moins à même de répondre aux contraintes “administratives” des tremplins. Mais je pense qu’il faut “deghettoïser” le hip hop. On sait très bien qu’on n’arrivera à rien en restant dans notre coin. C’est pour cela que Buzz Booster s’associe avec Trempolino pour de l’accompagnement, avec les Smac pour des résidences et globalement avec les acteurs des musiques actuelles. C’est avec eux que l’enveloppe de 3 000 € attribuée par la Région au vainqueur est utilisée. » Le Buzz Booster en question, c’est le tremplin le plus reconnu dans le milieu hip hop hexagonal. Créé à Lyon et proposant des sélections dans 9 régions avant une finale nationale, il est organisé en Pays de la Loire par un collectif d’assos — dont Pick Up Prod. Une occasion que n’a pas laissé passer Neka de la muerte, un rappeur de 24 ans originaire de La Rochesur-Yon, dernier survivant des 72 candidats engagés. « Si tu viens de Paris, Marseille ou Toulouse, des villes en pleine effervescence hip hop, tu peux te faire écouter dans les open mic et tu as des chances de monter assez vite, confie celui qui a écumé les tremplins jusqu’à Bruxelles. Mais c’est compliqué pour les rappeurs qui, comme moi, habitent dans une ville qui ne bouge pas trop... Pour Buzz Booster, j’ai envoyé trois sons et j’ai été sélectionné pour les départements 44 et 85. J’ai tout donné au Ferrailleur, où les six groupes sélectionnés passaient. Et quelques jours plus tard, j’étais en finale régionale avec les gars des autres départements, en salle Maxi à Stereolux. 14 mètres de scène à traverser, j’étais en sueur au bout de cinq minutes (rires). »

TOHU BOHU SUR LES ONDES

mercredi 20 mars Le Fuzz’Yon, de 18h30 à 20h Emission de radio en public qui développera la thématique de ce dossier. Intervenants : Benoît Benazet, programmateur/manager (Fuzz’Yon, Von Pariahs) / Cabadzi (Découverte Printemps de Bourges 2011) / Neka de la Muerte (lauréat Buzz Booster 2012) / Karim Bennani, chargé de l’accompagnement (Trempolino). Modérateurs : Lyonel (Graffiti) / Cécile Arnoux (Trempolino/Tohu Bohu). L’émission de radio ouverte au public sera suivie d’un mini live du groupe Neka de la Muerte. À écouter en direct sur Graffiti. Émission podcastable sur www.lafrap.fr

Bien se renseigner, identifier les dispositifs adaptés à sa pratique et comprendre leur fonctionnement, privilégier ceux qui proposent de l’accompagnement, une visibilité et une crédibilité aux yeux des professionnels... Voilà donc pour les idées qui pourraient guider un artiste cherchant à se développer à travers les dispositifs de repérage. Sans garantie de résultats pour autant. Car comme le souligne JeanMichel Dupas de Stereolux : « Il peut juste s’agir d’un catalyseur... Quand le groupe est bon ! »

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

23


traces et impressions THE TAPES (DVD) DARIA, ASA Music/La Lune Rds – 2013 – dariamusic.bigcartel.com – par Kalcha Puisque un disque de rock se fabrique dans la fournaise malodorante d’une local de répète, les Angevins de Daria ont décidé d’inviter une quarantaine de petits chanceux à venir à la source les écouter interpréter leur très bon « Red Red » en live dans le local ! Et comme ils ont deux potes (les frères Arrivé de la Lune Records) pas manchots avec des caméras, ils leur ont demandé de filmer. Et puis tant qu’on y est, autant mettre en bonus le reportage sur la tournée irlandaise d’il y a deux ans. Et les clips aussi. Et toutes les conneries rigolotes qui traînaient sur leurs disques durs. Et tant qu’à faire, on emballe ça dans une superbe boite métallique de bobine de film, et on sort ça à 100 exemplaires numérotés. On a la classe, ou on l’a pas. Si l’exercice, dans le contexte du dixième anniversaire du groupe, aurait pu prendre des allures de bilan d’activité avant une retraite anticipée, les fans du groupe angevin peuvent se rassurer : le quatuor annonce une tournée aux USA en mars 2013 et la sortie des deux côtés de l’Atlantique d’un split 45-T avec Office Of Future Plans. De quoi faire un Vol.2 de « The Tapes » rapidement donc !

TECHNO 2, UNE SUBCULTURE EN MARGE Lionel Pourtau, CNRS Éditions – 2012 – par Emmanuel Legrand Les musiques électroniques, et notamment la techno, son courant le plus emblématique, ont généré toutes sortes d’interrogations, voire d’inquiétudes depuis 30 ans. Bien évidemment, cette musique est un sujet en or pour les universitaires. Pratiquant l’observation participante, le sociologue Lionel Pourtau dans l’ouvrage « Techno » paru en 2009 avait déjà analysé la sociologie des tribus technoïdes via des portraits individuels des « teufeurs », leurs codes, leurs modes de vie. Ce deuxième ouvrage s’attache à définir les relations entre ce monde à la fois marginal et militant et les autres éléments de la société (les autorités, le secteur marchand…). Il pointe les forces contradictoires de ce mouvement (normalisation, compromission) tout en soulignant le caractère initiatique (et transitoire) pour les jeunes qui s’y plongent.

45 TOURS ROCK Hervé Bourhis, Éditions Dargaud – 2012 – par Benoît Devillers Que le 45 T rock le plus vendu au monde soit « Rock Around The Clock », on s’en fout. C’est même le cadet des soucis d’Hervé Bourhis qui l’a oublié de sa sélection des quarante-cinq 45 T marquants du rock depuis… 1945. Un choix subjectif même s’il fait la part belle aux classiques (Presley, Cash, Stones, Dylan, Kinks…), ainsi qu’à quelques pierres angulaires (« Bellbottoms » du Blues Explosion, l’initiateur « Gangsters » des Specials…) et autres pépites à (re)découvrir (« Fujiyama Mama » de Wanda Jackson, « Eight Miles High » des Byrds…). Avec le style qu’on lui connaît depuis les « Petit Livre du Rock » et « Petit Livre des Beatles », didactique et drôle, Bourhis nous fait part de digressions pertinentes et autres strips poilants sur les aventures des t-shirts de Richard Hell ou le rôle de la chemise à carreaux dans le rock américain. Et de citations improbables comme celle de Dave Barry à propos de « Gloria » : « Si on laisse tomber une guitare dans un escalier, elle joue Gloria jusqu’en bas ».

24

Tohu bohu

n°25

hiver 2013


traces & impressions

Certifié(e)s hip hop Etienne Kervella, Éditions La Reinette – 2013 – par Julien Martineau C’est « sans prétention » que le petit gars Etienne Kervella est arrivé au Mans avec un projet un peu flou et des idées plein la tête. Le garçon a donc sélectionné, interviewé et laissé sur le papier plus de 50 portraits hip hop. Classés par département, les artistes sont DJ, graffeurs, danseurs, beat boxeurs, rappeurs… de toute la Région des Pays de la Loire. Sur cette sélection assumée de subjectivité, Etienne passe des biens connus Nantais C2C aux underground manceaux Clito Crew, du festival vendéen Urbano au label saumurois Full Moon Rec., et dresse là une carte du hip hop ligérien dans sa diversité, photos à l’appui, anecdotes en soutien. Une bien belle initiative. À lire, et à voir.

Certifié(e)s hip hop reprises, je me suis cru dans un film ! Ensuite, À 20 ans, en 2007, Etienne Kervella dévore le livre plusieurs c’est la confiance qu’ils m’accordent aujourd’hui. C’est « Joey Starr – Mauvaise réputation » écrit par Philippe très important pour moi. Manœuvre. 5 ans et un stage sur la culture hip hop en Pays de la Loire plus tard, il sort son premier livre à Une anecdote qui donnerait envie d’acheter le livre ? propos du mouvement. Il y a plusieurs années, un graffeur était sur un toit

Qu’est-ce qui motive l’écriture de ce genre de livre ? La première chose que m’a motivé, c’est de me dire que si j’avais moi-même pris goût à la lecture grâce au hip hop, alors ce schéma pouvait se reproduire pour plein de jeunes ou moins jeunes qui n’aiment pas lire. Et puis au fur et à mesure des rencontres avec les acteurs, je me suis rendu compte qu’il y avait un vrai manque de reconnaissance de cette culture dans l’opinion publique. Ça paraissait évident qu’utiliser le support du livre allait apporter un vrai crédit à la reconnaissance de ce mouvement.

L’écriture d’un livre comme celui-ci est un long processus. Quelle étape a été ta préférée ? Les interviews avec les artistes qui ont passé la trentaine, sans hésitation. Ce sont des gens qui ont tous vécu la vague hip hop des années 1990 en province. Leurs histoires sont passionnantes  : à

avec un de ses collègues. Tous deux en train de « mettre de la couleur ». Les services de police débarquent alors de chaque côté et les deux zigotos sautent six mètres plus bas sur un toit qui, évidemment, s’effondre... Ils tombent à nouveau six mètres plus bas et se font ramasser à la petite cuillère par les forces de l’ordre. Nos amis se retrouvent alors à l’hôpital à dessiner dans leur chambre pour le fils d’une infirmière, ellemême totalement fan de graff. Pour terminer, ils s’en sont sortis avec 400 francs d’amende pour, soi-disant, effacer le graff qui, douze ans après, est toujours en place... L’intégralité de cet entretien sur tohubohu.trempo.com

Par Julien Martineau Photo : DR Tohu bohu

n°25

hiver 2012

25


Disques MIX CITY

NOLA’S MOOD

Yotanka Records – 2012 www.mixcity.org

Qu’a rapporté la joyeuse bande de Mix City de son voyage à La Nouvelle-Orléans à l’automne dernier ? Pas si facile à dire, car le son de Mix City, ce nu-jazz mâtiné de soul et de répliques electro n’est pas calqué sur le son des brass band de NOLA. Il s’agit d’une humeur, d’un feeling, parfois d’un riff de caisse claire qui rappelle celui des fanfares se déployant dans le Treme, ce quartier créole devenu célèbre grâce à la série éponyme de Dave Simons sur HBO. Certaines lignes mélodiques des cuivres qui dépassent la mesure nous font aussi songer à l’album de Vicoparadis, sorti il y a quelques temps chez Flux Records. Preuve que l’alchimie proposée par Mix City est autant le fruit d’influences noires américaines que d’une « touche française » revendiquée, qui fait de « Nola’s Mood » une méditation presque mélancolique sur la plus caribéenne des villes américaines. Emmanuel Parent

BOY & THE ECHO CHOIR IT ALL SHINES

My Little Cab Records/ La Baleine – 2013 boyandtheechochoir.bandcamp.com

Enregistré entre Nantes et Bruxelles, « It All Shines » est le quatrième album de Boy et le deuxième cosigné The Echo Choir, groupe à géométrie variable agrémenté ici d’invités (Angil and the Hiddentracks, My Name is Nobody, The Missing Season) dont les récentes livraisons artistiques étaient déjà de grandes réussites – un bon signe. C’est peu dire que la nouvelle oeuvre du groupe emmené par la Nazairienne Caroline Gabard s’inscrit dans cette continuité. Tout dans « It All Shines » est parfaitement maitrisé, beau, à la fois sombre et lumineux  : les compositions, l’interprétation et, surtout, les arrangements. Rarement a-t-on entendu si subtil mélange d’instruments en tout genre dans un disque français. Guitares, claviers, scie musicale, vibraphone, accordéon, cordes, cuivres et machines cohabitent ici merveilleusement, à l’instar des meilleures productions de Dave Fridmann. Du grand art. Matthieu Chauveau

26

Tohu bohu

N°25

hiver 2013

GRATUIT

DELIVRANCE

Kythibong/Les Pourricords/ Ego Twister – 2012 www.gratuitmusic.com

Avec son titre allant puiser dans le cinéma de John Boorman, le nouvel album de Gratuit ne pouvait qu’aller dans la direction de l’electro redneck. Après « Rien  », l’ex-Belone Quartet et proche des Sexy Sushi signe un grand disque clairement ancré dans son époque. Une époque qui a depuis longtemps aboli les frontières entre les genres musicaux. Entre chanson française aux textes perchés et mélodies dark, Gratuit va encore plus loin que ses contemporains : Sydney Valette et Koudlam en tête. On pourrait entendre «  Délivrance  » comme une entreprise égoïste et limite autiste. C’est tout le contraire que le Nantais nous offre. « Délivrance » est un disque à la fois sombre et généreux porté par un tube, « Feu », qui tourne en boucle et retourne les sens. Arnaud Bénureau

KEVIN KELLY LOVE

AP – 2012 www.myspace.com/kevinkellymusique

Kevin Kelly, guitariste chanteur de Saint-Nazaire, a rassemblé autour de lui quelques fines lames du cru pour l’accompagner sur scène et enregistrer ce premier EP au célèbre studio Le Garage Hermétique. Même si tous les protagonistes de ce projet sont plutôt des jeunots, leur univers musical se rattache très explicitement aux années 70. Kévin Kelly se meut entre le rock hard blues à l’anglaise de Led Zeppelin ou Cream (« I Can ») et du gros rock ricain façon AC/DC ou Guns’n’Roses (« Black Pills »). Le quatuor est également capable de lever le pied, se permettant même deux ballades : l’une plus bluesy (« I Can’t ») l’autre plus progressive et sentimentale (« Slave of love »). La jeunesse de ce projet, l’énergie que ces garçons y mettent, font de Kevin Kelly un groupe à suivre du coin de l’œil, et de toute façon, à voir sur scène, leur élément naturel. Emmanuel Legrand


disques

THE ELECTRO CANOUCHE ORCHESTRA

THE ELECTRO CANOUCHE ORCHESTRA AP– 2012 www.lesfilscanouche.com

Nom d’une pipe, ce que c’est bon. Pour accompagner ce condensé de ouache du jardin, ce swing si entrainant cultivé par Les Fils Canouche, il fallait que la sauce soit sacrément bien dosée  : suffisamment de piment pour relever un ensemble déjà tonique mais pas trop pour ne pas faire oublier la saveur du produit original. Le challenge était de taille et il a été brillamment relevé par DJ Slade qui confère à l’ensemble un équilibre parfaitement maîtrisé. Avec ce nouvel EP, « Electro Canouche  » vient amicalement taquiner Caravan Palace sur le terrain de la modernisation manouche. On n’y trouve pas seulement d’excellents rythmes endiablés au style prolifique (« Martine ») mais aussi de plus lents, planants et surprenants comme «  SongForMat  ». La diversité crée la richesse de cet EP prometteur dont le dernier titre, «  Bossomnambule  », laisse présager des perspectives, plus belles encore. Johann Legault

BOCAGE

BOCAGE

Sosei Records – 2012 www.ilovebocage.com

Duo nantais basé à Berlin, Bocage fait preuve avec cet album éponyme d’une ouverture d’esprit pas si courante pour un groupe issu du rock indé, référence évidente de l’excellent guitariste Timothé (Brome), aussi à l’aise dans les riffs rock’n’roll tranchants (« Hey Mum », « La Matière », « Tango ») que dans les arpèges mélancoliques de guitare folk (« Menitte », « Jomi ») ou atmosphériques électrisants à la Yo La Tengo (« Les Colibris », « Un Au Revoir ». La diversité des featuring (le chant et le steeldrum du reggaeman Joseph « Blue » Grant, les boucles electro du poulain nantais qui monte 20syl d’Hocus Pocus et C2C, les percussions inventives du Ghanéen Daniel Okiné) apporte une couleur résolument printanière au Bocage dans lequel la chanteuse Claire et son compagnon Timothé vivent en parfaite harmonie depuis leur premier EP en 2006. Puissent-ils ne jamais devoir quitter ce territoire généreux qui est le leur. Matthieu Chauveau

MARABOUT ORKESTRA MARABOUT ORKESTRA

AP – 2012 maraboutorkestra.bandcamp.com

Marabout Orchestra nous livre un 4 titres afrogroovy, qui vous colle un sourire rêveur à la face et vous fait voyager. L’affreux beat introductif est particulièrement réussi et nous propulse immédiatement à l’embouchure du fleuve Niger. Sur fond d’afrobeat très efficace, les vibra, saxo, guitare et steeldrum s’en donnent à cœur joie pour procurer à qui les écoutent un sentiment de fraîche liberté. Une liberté instrumentale sans prétention, sans revendication qui sera le fil conducteur de ce voyage musical au cours duquel c’est le plaisir qui a l’air de guider les musiciens. Un plaisir si communicatif qu’on se laisse vite emporter, sans résistance, par les envolées instrumentales tantôt planantes (guitare), tantôt étincelantes (saxo), mais toujours évasives (vibra), libres que nous sommes de vaquer à nos pensées profondes, accompagnés par ce vent doux, léger et agréable que d’aucuns appellent Marabout Orchestra. Johann Legault

LE COQ

CHACONNES

Holistique Records – 2013 lecoqmusic.bandcamp.com

Imaginez Le Coq au milieu des prétendants et belles galantes pour les faire danser, entamant une chaconne (danse du 17e siècle) mais à la guitare électrique. Alors chemises à jabot et robes à cerceaux ? Vous n’y êtes pas, Le Coq réinvente le genre, garde le rythme mais l’expédie en virtuose au 21e siècle. Textes minimalistes, arrangements maximalistes, il passe au tamis les mots pour en extraire l’essence même du propos, allant jusqu’à dépouiller le texte (comme dans «  Alluvion  ») et accoucher d’une poésie tendre et cruelle. La chaconne, musique de répétition faite pour danser, sert de support, de prétexte à toutes les fantaisies et Le Coq s’en donne à cœur joie, enrobe ses petits bijoux de dentelle précieuse, guitare baroque ou saturée, dérive dans un blues amer (« Depuis longtemps »), toujours en appui sur un couple bassebatterie imbibé d’une ferme modernité. Enchantezvous avec cette voix pop, souple et céleste. Gilles Lebreton

Tohu bohu

N°25

hiver 2013

27


disques

DEGIHEUGI

DANCING CHORDS AND FIREFLIES AP – 2012 www.degiheugi.com

21 titres pour un album qui mérite particulièrement bien son nom. Les accords, les notes et les cordes dansent, omniprésentes, se déhanchent avec souplesse dans un flux continu de beats et de voix, le tout s’engageant vers un hip-hop abstract « cool as fuck! ». Comme précédemment dans la carrière du Degi, les featurings sont légion, Miscellaneous en tête, intégrant son flow sur l’étonnant «  You  !  », le tubesque et flamboyant «  Touché  », ou bien le fluide et ingénieux « The Loop ». Citons également les cordes vocales joliment constituées d’Astrid Van Peeterssen présentes sur « I Know A Woman », morceau central au potentiel fédérateur certain, auquel Andrre s’est greffé sans forcer. Un disque pensé par un Degiheugi résolument inspiré, construit, composé de cinq interludes instrumentaux judicieusement placés ; d’un Embers s’autorisant un mariage (pour tous) audacieux entre Everlast et DJ Shadow, enrichi par Brzowski et PierreThe Motionless ; d’un I Touch Your Lips sensuel et envoûtant… Bref, tout coule de source avec Degiheugi. Ce troisième format long du nantais confirme définitivement son amour pour l’alliage sonore à base de beats, de samples, de voix de guitare acoustique, de cuivres, d’instruments multiples, et d’humour. Un Jour Comme Un Autre à Venise quoi. Tanguy Cloarec

ASTORIA DOGS THE FALL

AP – 2012 www.astoriadogs.com

À peine le CD se met-il à tourner que la nostalgie ambiante évoquée par la pochette nous saute aux yeux. La tapisserie 70’s et le vieux poste de télévision. Et puis « The Fall », littéralement « La Chute » qui évoque aussi l’automne, cette période de rentrée post-été teintée de nostalgie. La musique aussi s’en ressent de par une influence britannique puisque les paroles sont en anglais, et la voix de Maxime Brugnon et surtout la chanson « The Fall » ne sont pas sans rappeler un côté Kaiser Chiefs. Mais l’exemple le plus marquant reste le titre « 1996 » qui dépeint parfaitement l’ambiance pop-rock de ces belles années aux multiples influences rock’n’roll. Une authenticité non feinte de la part du quatuor. Lucie Beaudoux-Jastrzebski

28

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

CORBEAUX ET VOLTE FACE

THE MEETING POINT

Blue Wave Productions – 2012 splitcorbeauxvolteface.bandcamp.com

Voilà un split CD peu commun dans le monde du post-rock, français de surcroit. D’un côté on a des Corbeaux Brestois déployant un rock aérien, mélodique, nerveux et métallisé, de l’autre les Rennais de Volte Face, préférant les atmosphères électroniques lumineuses, presque dansantes. L’objet se compose de quatre titres partagés entre les deux formations, plus un cinquième au nom explicite, « The Meeting Point ». Deux font référence au septième Art, le très cyberpunk « Blade Runner » par Volte Face et l’intense « 28 Jours Plus Tard » par Corbeaux. Ce disque témoigne d’un équilibre stupéfiant entre ces deux univers, aidé par une production au poil. Le sommet de cette union est parfaitement illustré au point de rencontre, où les ambiances s’accouplent de manière naturelle, où les guitares saturées se mêlent aux nappes électroniques. L’orgie instrumentale atteint alors son paroxysme, pour s’éteindre sur des notes de guitares paisibles, typiquement post-rock. Conclusion : des splits de ce calibre, on en veut tous les jours. Et vive la Bretagne. Tanguy Cloarec

HDW

LYRICANTHROPY

Urban Music Tour – 2012 www.urbanmusictour.com/images/ artiste/hdw/hdw.php

Insatiable slam ! La boîte à outils d’Alexandre Sepré, HDW, est comme la main vide du magicien : il en sort toujours des tonnes de foulards. Magie de la musique des mots, et il en fait des jeux, les maniant comme des poupées russes : les uns dans les autres (d’où le titre : « Lyricanthropy »), les installant comme des tables gigognes  : les uns en embuscade sous les autres, les utilisant comme une antenne télescopique en les étirant. Et grâce à une base musicale guitare-percus, HDW nous embarque dans son univers très urbain, à la poésie de bitume, aux accents hip-hop (« Miss t’es rieuse »), privilégiant l’accumulation des mots, des rythmes, des rimes, au risque de noyer le propos. Ce 1er six titres de HDW est ambitieux, son objectif n’est pas fallacieux : séduire par le slam, faire tomber sous le charme. Mission accomplie. Gilles Lebreton


disques

PEGASE

DREAMING LEGEND

Futur Records – 2012 pegase.bandcamp.com

Parfois, on a envie de la jouer solo. Membre de Minitel Rose, c’est ce qui arriva à Raphaël d’Hervez lorsqu’il décida, fin 2008, de composer sous son propre nom une musique minimaliste aérienne que la rythmique binaire et les multiples effets (reverb, flanger…) incitent à ranger dans la catégorie electro-pop. Chaque morceau de cet EP superpose progressivement des notes en strates pour créer une sorte de contrepoint où viennent se mêler des séraphins au timbre tantôt grave tantôt aigue. Pegase, c’est aussi une voix. Discrète et sans doute trop peu valorisée, elle surprend au détour de « Without Reasons » lorsque l’on y retrouve des accents de Stuart Staples (Tindersticks). Pegase semble très bien se passer des services du minitel et explore ici une musique plus personnelle, plus en phase avec lui-même. Sorti d’une écurie devenue trop petite pour ses ambitions, cet équidé s’est vu pousser des ailes et emporte sur son dos tous les amateurs du genre. Mickaël Auffray

XAVIER MERLET

LA THÉORIE DU GENTIL

AP – 2012 www.xaviermerlet.com

Xavier Merlet est un histrion, un batteur de planches dont le répertoire est écrit pour la scène et l’accord avec le public qu’il y rencontre avec ses musiciens. Du coup, ce disque est exactement celui qui ne décevra pas le spectateur qui l’achète à la sortie du concert. Enregistré en public au petit théâtre de La Gobinière à Orvault, on y retrouve tout d’une soirée jusqu’aux rappels, à la présentation des musiciens, au public qui tape des mains... Le tout accompagné par trois multi-instrumentistes efficaces. Il a la niaque ce Merlet et semble avoir digéré tous les classiques de la chanson. C’est pas de la new wave mais un travail d’honnête artisan d’une chanson intemporelle. Humour, émotion, dénonciation sur des airs de tango, de valse ou de swing. Un disque à retrouver sur scène. Georges Fischer

ROMAN ELECTRIC BAND WHEN THE HIGH GOES DOWN

REB – 2012 www.roman-electric-band.com

L’ambiance rock de l’album « When the High Goes Down » de Roman Electric Band, est aussi renversante que le décor idyllique de la pochette. Les influences anglaises de Roman, guitariste et chanteur de ce groupe bien nommé, se ressentent notamment dans « Going down and writing songs » ou « Rocking the bar » mais il y a aussi des bouffées d’air américain, du blues, des intonations country perceptibles dans «  Come around ». L’album est vivant, joyeux, généreux. Les mélodies, soutenues de belle façon par les choristes invitées sur ce disque et ce, dès le premier titre « Never let be ». Outre le fait de retrouver les Stones oui, ou encore Led Zep, dans certains titres, on entend aussi Tom Petty ou quelques bons vieux titres d’Aerosmith (exemple de « Back to my Hometown »). Vous voyez la scène où Tom Cruise chante sa méga joie de vivre au volant de sa voiture, dans Jerry Maguire... Et bien, cet album c’est cette scène pendant presque 55 minutes ! C’est efficace et vraiment très très plaisant. Mag Jil

STEREOLANE STEREOLANE

TSK – 2012 www.stereolane.com

Le duo Westrich/Berrivin sort la bande originale d’un film que vous réaliserez en fermant les yeux. « Well well well ». Par ces 3 mots, C. Walker (Archive) vous accueille dans un univers tarantinesque qui d’emblée vous met à l’aise. Dès lors, vous vous laissez lécher les oreilles par la voix d’O. Nyman, qui de caresse en massage, de massage en caresse prend de l’assurance et vous émeut, un peu plus que vous ne l’aviez voulu. Êtes-vous troublé ? Vous frissonnez sans doute ; et vous auriez rougi si Jessie Rose ne vous avait pas pris, surpris, dans ses bras assurés, si les yeux dans les yeux elle ne vous avait pas dit : « Come back, come back to me… » Vous la suivez, la saisissez, non. Elle est partie quand vous vous surprenez à lui chanter : « Come back to me ». Désarroi. Qu’importe : Walker et Nyman vous réconfortent et vous accompagnent vers la voix douce et sensuelle de Loh. « You’re her new guy, in love ». Johann Legault Tohu bohu

n°25

hiver 2013

29


disques

MELOCOTON

HOLA LOLA

AP – 2012 www.myspace.com/senormelo

On aura beau dire que Melocotón et son EP « Hola Lola » fleurent bon les parfums et les sonorités brésiliennes, l’ambiance n’en reste pas moins terriblement française, tant le chanteur Rémi Hagel a des accents de Titi parisien. Alors ParisPlage ou Copa-Cabana ? Entre espagnol, portugais et français, les textes impriment un rythme bossa chaloupé, jazzy et doucement exotique. Mais si le groupe revendique une chanson métisse, le terme est peut-être un chouïa réducteur ou… trop large, selon les horizons plus ou moins lointains de chaque morceau. Les quatre compères jonglent en effet entre le tempo et les mots, les rimes et les langues. La clarinette ou le saxo, très présents sur chacun des titres, arrivent en contrepoint à la voix et raconte avec elle une histoire de voyage. Melocotón, entre poésie, paroles chantées ou parlées, parle d’exil et de pérégrinations avec une formule toute simple et sans artifices. Marie Hérault

HUGUES PLUVIÔSE IMMOBILE HOBO

Une chose sûre – 2013 huguespluviose.tumblr.com

Les lunes mélancoliques d’Hugues Pluviôse ont trouvé un contrepoint solaire avec Meivelyan Jacquot, musicien inspiré dont il a reçu les propositions avec bonheur. Le «Vagabond immobile» qui en est né, dandy aux poches crevées, révèle les charmes d’un voyage intérieur qui répugne à l’explicite et construit des architectures minutieuses mêlant voix, claviers, percussions et programmations à la flûte et la clarinette. Des rythmes parfois asymétriques portent la voix profonde d’H. Pluviôse qui se fait aérienne jusqu’au groove dans «  Avalanches  ». Hugues écoute Anthony and the Johnsons et on pense à David Sylvian. L’album est servi par une production impeccable. Une chose est sûre : il ne faut pas passer à côté de cet album aux musiques et aux textes allusifs, percutants et sophistiqués. En souhaitant l’entendre au concert. Georges Fischer

30

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

JACK IN MY HEAD 1+ 1

AP – 2012 www.jackinmyhead.fr

« 1+1 » est le dernier opus de Jack in My Head, savant mélange de sons electros et de violoncelle. Erwan Martinerie assume son bébé de A à Z en signant compositions, prise de son, mixage, graphisme… Pour se faire, il s’est acoquiné avec un compagnon de luxe en la personne de Geoffroy Tamisier. Quel autre trompettiste aujourd’hui peut autant revendiquer un ancrage profond dans la tradition (Miles, Chet, Kenny Wheeler...), et labourer avec autant de talent les terres défrichées par Nils Peter Molvaer ou Arve Henrisken ? La seule écoute de la première piste du disque (« There ») nous plonge d’emblée dans un univers singulier. Joué à l’archet ou pizzicato, le violoncelle fait peser sur nous tout le poids d’une mélancolie teintée d’onirisme. L’alliage de la sonorité diaphane de Tamisier et des lignes de basse jouées au violoncelle fonctionne à merveille. Écoutez ce disque et, inévitablement, Jack restera in your heads. Sébastien Bertho

TANGERINE PANIC ROOM

1name4acrew – 2012 tangerinenantes.bandcamp.com

Le collectif 1name4acrew est un vivier d’artistes nantais très prolifiques qui propose une esthétique ancrée dans la modernité, à cheval sur de nombreux courants musicaux : prog, metal, jazz, pop… Le trio Tangerine est composé de trois musiciens bien connus du 1name : Fabrice Louthelier (Western Trio), Jeremy Ramsak (Pulsar, Ekko), Jean Jacques Bécam (Electrod, Western Trio). La musique de Tangerine est très largement emprunte de la patte de son guitariste. Que ce soit dans Electrod, Wester Trio et Tangerine, JJ Bécam impose un style très personnel, fait de son ancrage dans les musiques actuelles et son sens permanent de la mélodie, mais également d’influences de guitaristes qui transcendent les genres, comme Marc Ribot (Tom Waits, Archie Shepp, John Zorn). De Portishead à Sigur Rós en passant par l’inévitable Radiohead, Tangerine se plait à cuisiner ces mélodies rock indé à la sauce jazz contemporain. Sébastien Bertho


disques

MARYLOU IN TIME MIRRORED

AP – 2012 marylou.intime.free.fr

Lorsque vous entendrez les premières notes de piano qui coulent sur des sons electros, parfois baroques (notamment sur « Mirrored »...) et que vous découvrirez la voix Bjorkienne de Marylou... vous saurez que vous écoutez l’univers de Marylou in Time. L’album « Mirrored » s’écoute comme la bande son d’un film... un film aux images un peu floues, un peu mystérieuses... dont je vous laisse imaginer le décors. Le duo présente là un 4 titres très bien réalisé... Les morceaux s’enchainent et le temps passe peut-être un peu trop vite... mais il donne envie de faire quelques recherches sur le groupe et de voir ce que cela donne en live. Le potentiel est là et les séquences répétées programmées par Galom offrent un côté transcendantal... loin d’être désagréable. Et puis Il y a un quelque chose qui apporte une richesse dans le tout ; un côté new wave... Un aspect, une texture, un esprit anglais original pour ce style. Une belle identité à développer autour d’autres titres pour compléter ces quatre-là. Mag Jil

AMNÉSIE

LE TROU NOIR

Ego Twister – 2012 www.facebook.com/ amnesie.egotwister

Amnésie ou Wilfried Thierry (celui qui se cache derrière cet avatar) a semble-t-il quelques penchants pour les fluctuations de mémoire. Paradoxe de cet artiste nous ayant laissé un souvenir jubilatoire lors d’une soirée tropicale en juillet 2010, à Nantes. Depuis, on se rappelle de son set electro-punk, fou, énervé mais toujours avenant. Sur ce premier album, c’est avec délectation que l’on retrouve la même envie « de dancer » mais un peu moins de ricaner comme des trublions car Wilfried nous rappelle quand même que « C’est la crise » et que « Nous n’avons plus le temps »… jusqu’à l’écoute du morceau « Maximum Zizi » grâce auquel il nous est permis d’être à nouveau complètement Zinzin ! Cet album nous prouve combien il est possible d’avoir à la fois, le sérieux des 30 ans et la naïveté de nos 15 ans. Amnésie n’est donc pas une musique de chambre et on a hâte qu’il vienne nous réveiller en live. Dorine Voyaume

GLASS GLASS

Kazamix Records – 2012 kazamixrecords.com/album/glass

Glass ou l’évocation de la froideur et de l’éclatement ! Cet EP démarre avec « On The Slide », titre oblique portée par un beat hypnotique et une voix détachée qui rappellent les morceaux de l’ère post-punk inspirés par les rythmes de danse (les connaisseurs penseront à certains passages des californiens de Tuxedomoon). Le second morceau fait alterner riffs de rock viril et passages chuchotés emplis d’échos : l’alliance de l’énergie et de l’étrange. Les deux derniers morceaux sont instrumentaux. « Fourth Wave » nous balance avec perversité entre d’indolents rythme tropicaux et des incursions electro-dub angoissantes. Le bien nommée (pour sa lenteur, uniquement) « Slow » ferme la danse. Il évoque, en plus moderne, les moments au calme inquiétant du krautrock, Neu ! et Faust en tête : la preuve que tous les morceaux tranquilles ne sont pas faits pour s’endormir ! François Delotte

SEBKHA CHOTT

THE NE(XXX)T EPILOG V.

AMMD/Musea – 2012 www.sebkhachott.net

Après toutes ces années de (quasi) silence médiatique, on se demandait si le monstre Sebkha-Chott sortirait de nouveau à la lumière du jour. Outsider, le groupe avait finalement opté pour la création d’un microcosme artistique à sa mesure : l’Ohreland, royaume sur lequel le tyran Vladimir Ohrelianov II règne sans partage. Cet Ohreland apparaît aujourd’hui sous une facette inédite. Celle, froide et hostile, d’une musique semi-électronique, désincarnée. Devenu trio, le groupe s’entoure néanmoins d’un arsenal de machines tenant la réplique à un ensemble instrumental à la fois austère et foisonnant. Déstructuré, insaisissable, le rendu global déstabilise par ses couches successives d’instruments, de textures, de sons. Sebkha-Chott se plonge ici dans des expérimentations qui risquent de laisser plus d’un auditeur sur le côté, sacrifié au profit d’une démarche artistique intégriste, hors norme. Un travail unique, hermétique, fascinant. Nicolas Fournier

Tohu bohu

n°25

hiver 2013

31


PLAYLISTS NEKA DE LA MUERTE – artiste GUL-TRAH SOUND SYSTEM, LAMB, GA7AF PROD – 2010 (REGGAE/FUSION/DUB)

Une musique qui me remémore mes origines tunisiennes et me rappelle que la vie devient beaucoup plus dure lorsqu’on traverse la Méditerranée. C’est un son magique il résonne en moi, c’est le son de la révolution.

THE ROOTS, RESPOND/REACT, ILLADELPH HALFLIFE, UMG RECORDINGS/GEFFEN RECORDS – 1996 (hip hop)

Parce que je suis un fada de rap américain, parce que le son de The Roots traversait les murs de la chambre de ma soeur pour arriver dans mes oreilles, parce que l’instru déboîte sa ra... !!!

HOCUS POCUS, BEAUTIFUL LOSERS, FT. ALICE RUSSELL, 16 PIECES, MERCURY RECORDS – 2010 (hip hop)

Bien sûr !!!!

PIERRE LOECHNER – RESPONSABLE LABEL / MY LITTLE CAB NICK CAVE & WARREN ELLIS, WHITE LUNAR, MUTE – 2009 (INCLASSABLE)

Compilation des musiques de films composées par Nick Cave et son fidèle Warren Ellis (The Assassination of Jesse James, The Road, The Proposition…). La pureté hypnotique et inusable.

PAPAYE, LA CHALEUR, KYTHIBONG – 2011 (rock)

Deux guitares et une batterie. Du noise tendance pyrotechnique, pour un grand disque jouissif dont on attend la suite avec impatience. La moiteur funambule.

TROPICALIA, A BRAZILIAN REVOLUTION IN SOUND, SOUL JAZZ RECORDS – 2006 (MUSIQUES AFRICAINES, BRÉSILIENNES)

Double LP réunissant les plus grands noms de la vague psyché brésilienne de la fin des années 60 : Os Mutantes, Gilberto Gil, Caetano Veloso, Jorge Ben, Tom Zé… La liberté.

ETIENNE KERVELLA – AUTEUR DUARDO, AUTO PROMO, AP – 2012 (RAP)

Duardo, le rappeur mi Manceau, mi Californien. « Le Rêve Californien » est un morceau extrait de son projet CD solo « Auto Promo ». Il fait part de sa passion pour la Californie. Au menu : belles caisses, tatouages, sunshine et flow transportant évidemment...

PEPSO STAVINSKY, VOIR LA LUNE, AP – 2013 (RAP)

Le rappeur angevin Pepso arrive à pleine vitesse avec son nouvel EP « Voir la lune » (prévu pour mars 2013). Il nous offre le titre clipé « Sous mon lampadaire » où rimes riches et gros beat hip hop s’entremêlent à la perfection.

AKALMY, S/T, DIXIT RECORDS – 2010 (rap)

Le plus grand featuring hip hop jamais enregistré dans notre région. JM et Trez, les MC’s du groupe se sont envolés en 2010 pour aller enregistrer « American Dream » aux côtés du rappeur B-Real du mythique groupe américain Cypress Hill.


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.