trial International
La soumission de plaintes aux Instances internationales de protection des droits humains Guide pratique Pour le burundi
introduction
Au Burundi, la guerre civile aura coûté la vie à plus de 300’000 civils. Si les armes ont été déposées depuis plusieurs années, de graves violations des droits humains perdurent aujourd’hui encore, parmi lesquelles des cas de torture, de violences sexuelles ou d’exécutions extrajudiciaires.
efforts. Elles doivent pourtant être informées qu’il est – sous certaines conditions – possible de faire valoir leurs droits auprès de plusieurs instances internationales de protection des droits humains lorsque ceux-ci ont été violés par des agents de l’Etat burundais.
Ces exactions demeurent pourtant le plus souvent impunies malgré l’adhésion du Burundi à plusieurs traités internationaux de protection des droits humains. Entaché de plusieurs dysfonctionnements préoccupants au sein de son système judiciaire, l’Etat ne répond à ce jour pas de manière adéquate aux besoins de justice des victimes de violations des droits humains
Elaboré par l’ONG TRIAL, ce guide vise ainsi à présenter les instances internationales de protection des droits humains auprès desquelles des plaintes peuvent être déposées. Il explique non seulement leur fonctionnement et les conditions de leur saisine, mais offre aussi des exemples concrets de stratégie juridique efficace. Il ouvre enfin la porte à une réflexion plus large sur la manière dont les défenseurs des droits humains au Burundi peuvent à leur tour recourir à ces outils.
Les victimes se découragent lorsqu’elles n’ont pu obtenir justice devant les tribunaux nationaux après de nombreux
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Un guide pour qui ?
Les pages qui suivent s’adressent aux avocats et praticiens du droit, aux représentants d’ONG et observateurs des violations des droits humains ainsi qu’aux représentants de la Communauté internationale.
Ce guide doit leur permettre de développer des stratégies plus efficaces de défense en faveur des victimes de violations des droits humains, notamment par le recours aux instances internationales et un travail de plaidoyer renforcé sur les questions de justice et de lutte contre l’impunité au Burundi.
Ce recueil s’adresse également à l’Etat burundais qui a accepté, volontairement et dans l’exercice de sa pleine souveraineté, la compétence de ces instances internationales pour examiner les plaintes soumises par des victimes.
L’Etat a ainsi lui-même reconnu à toute personne le droit de saisir ces organes lorsque les autorités judiciaires nationales n’ont pas enquêté ou jugé les responsables de violations graves de leurs droits humains. Le Burundi a donc l’obligation de collaborer avec ces instances et de pleinement mettre en œuvre les décisions adoptées.
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Victimes de violations des droits humains : à qui s’adresser ? Parmi les 11 instances internationales existantes et pertinentes pour le Burundi en matière de protection des droits humains, seules trois peuvent recevoir des plaintes de victimes de violations des droits humains impliquant des agents de l’Etat burundais.
Comité contre la torture des Nations Unies (CAT) Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire (GTDA) Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) Si le recours à ces instances offre une alternative intéressante lorsque celui auprès des autorités judiciaires nationales a échoué, rappelons ici que les procédures pour déposer plainte auprès de ces instances demeurent toutefois longues et répondent à des conditions exigeantes.
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Renforcer l’État de droit et le système judiciaire Les procédures menées devant les instances internationales permettent de :
défendre les victimes et faire valoir leur droit à la justice et à la réparation pointer du doigt des problèmes systémiques au Burundi afin d’identifier les contradictions entre des pratiques établies ou la législation nationales et les obligations internationales du pays prodiguer des recommandations à l’Etat burundais quant aux réformes du système judiciaire à entreprendre afin de se conformer aux standards internationaux sensibiliser les autorités quant à leurs obligations internationales en matière de droits humains afin de prévenir les violations futures lutter contre l’oubli qui entoure les violations graves des droits humains passées afin d’éviter qu’elles ne se répètent dans le futur se battre contre l’impunité et pour la promotion de l’Etat de droit contribuer au maintien de la paix et à la création d’une société où prime la justice 5
le comité contre la torture (CAT)
Le CAT est un organe de protection des droits humains au sein des Nations Unies, régi par la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants à laquelle le Burundi est partie depuis le 18 février 1993. Le Comité est basé à Genève (Suisse) et se réunit deux fois par an. Il est composé de 10 experts indépendants, qui siègent à titre individuel et sont élus sur la base de leur expertise.
Quel est son mandat ?
›› veiller à l’application complète de la Convention contre la torture par tous les Etats qui l’ont ratifiée par l’analyse de rapports de ceux-ci
›› fournir une interprétation de la Convention contre la torture
›› examiner les plaintes qui lui sont soumises par des
victimes de torture, y compris de violences sexuelles, contre l’Etat dont les agents seraient impliqués.
www.ohchr.org/EN/HRBodies/CAT/Pages/CATIndex.aspx
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Une procédure exigeante
Quelles sont les conditions pour soumettre une plainte ?
›› Le Comité examine les plaintes sur des actes de torture commis au Burundi après le 10 juin 2003 seulement.
›› Un dossier étayé d’informations détaillées et de preuves solides doit être remis au CAT.
›› Le Comité vérifie que la même question n’a pas été
Sur les 472 cas tranchés, le CAT a considéré que 67 affaires étaient irrecevables faute de remplir les critères, soit 14 % des cas. Sur les 238 cas ayant donné lieu à une décision sur le fond, le CAT a conclu à une violation par l’Etat concerné dans 88 affaires seulement. (Chiffres mis à jour au 14 août 2014)
traitée ou n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale qui est également en mesure de prendre des décisions sur des plaintes de victimes.
›› Les voies de droit disponibles sur le plan interne
doivent être épuisées. A savoir, que le CAT se saisira d’une plainte uniquement si les victimes ont d’abord entrepris toutes les démarches disponibles et utiles devant les autorités judiciaires nationales, sans obtenir l’ouverture d’une enquête, la condamnation des tortionnaires et la réparation des victimes.
Attention, cette règle ne s’applique cependant pas :
›› si les procédures excèdent des délais raisonnables
›› si elles apparaissent
objectivement vaines et inutiles
›› s’il est dangereux pour la
victime de mener de telles démarches.
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étude de cas Boniface Ntikarahera : victime de torture
Les résultats obtenus
La stratégie juridique adoptée
›› Soutenue par ACAT-Burundi, la victime dépose des plaintes,
et interpelle à plusieurs reprises les autorités judiciaires, sans qu’aucune enquête ne soit initiée.
L’affaire Boniface Ntikarahera est veilleur de nuit dans un hôpital de Bujumbura. En octobre 2010, il est violemment battu sur son lieu de travail ; ses tortionnaires ne sont autres que des agents des forces de l’ordre ainsi qu’un Commissaire de police qui agissent sur ordre de l’ancien Maire de Bujumbura. Menotté et passé à tabac sur le chemin de son lieu de détention, la force des coups subis fait perdre connaissance à la victime. Boniface Ntikarahera a été maintenu plusieurs jours en détention arbitraire dans les cachots de la police judiciaire, menotté pendant près de 32 heures, où il a du partager une pièce exiguë avec plus de 40 codétenus dans des conditions effroyables et sans recevoir les soins adéquats. Ces sévices lui ont valu 2 mois d‘hospitalisation et aujourd’hui encore cet homme, âgé de 43 ans et père de 2 enfants, garde d’importantes séquelles des tortures subies.
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›› Face à l’inaction des autorités, une plainte est soumise au CAT en avril 2012 par TRIAL.
›› Des mesures de protection sont adoptées en sa faveur pour
s’assurer qu’il ne soit pas victime de représailles. Malgré les relances, l’Etat n’utilise pas son droit de réponse.
›› Le CAT rend sa décision en mai 2014. Il conclut que le Burundi
a violé la Convention contre la torture et demande aux autorités d’initier une enquête impartiale afin de poursuivre et sanctionner les responsables des tortures et d’octroyer une réparation à la victime.
›› En juillet 2014, une enquête est ré-ouverte, la victime est
entendue par le Procureur et il est fait appel à un expert médical pour constater les séquelles physiques.
›› La Cour Suprême peut ré-ouvrir une affaire « lorsqu’en vertu d’une décision rendue par une juridiction internationale ou une institution quasi juridictionnelle supra nationale, il a été confirmé qu’il y a eu violation d’une disposition substantielle d’une convention internationale ratifiée par l’Etat du Burundi » (article 43 al. 5 de la loi sur la Cour Suprême).
Le CAT a conclu que l’Etat burundais avait violé ses obligations internationales
Le Comité a pris note des allégations du requérant, selon lesquelles les coups qui lui ont été infligés ont occasionné des douleurs et souffrances aigües, y compris des souffrances morales, et lui auraient été infligés intentionnellement, par des agents étatiques, dans le but de le punir et de l’intimider (para. 6.2 de la décision)
Le CAT qualifie de torture le violent passage à tabac subi par la victime hors du cadre d’une détention (art. 1)
Le CAT constate l’absence de volonté d’agir de la part des autorités :
›› aucune enquête n’a été ouverte plus de 4 ans après les faits
›› les autorités n’ont mis en œuvre aucune mesure de réparation ou de réhabilitation
Le CAT juge que la passivité des autorités libère aussi la victime de l’exigence d’épuiser les voies de droit internes.
Le CAT estime que les conditions de détention infligées à la victime sont assimilables à des traitements cruels, inhumains et dégradants (art. 11 et 16)
Le Comité considère qu’un tel délai avant l’ouverture d’une enquête sur des allégations de torture est manifestement abusif, et contrevient de manière patente aux obligations qui incombent à l’Etat (…). (para. 6.4 de la décision)
En l’absence d’une enquête diligentée de manière prompte et impartiale, malgré l’existence de preuves matérielles manifestes indiquant que le requérant a été victime d’actes de torture, restés impunis, le Comité conclut que l’Etat partie a également manqué aux obligations qui lui incombent. (para. 6.5 de la décision)
Le Comité a en outre pris note de l’argument du requérant selon lequel il n’a pas été informé des charges retenues contre lui, qu’il n’a pas eu accès à un avocat, et n’a pas été présenté à un juge pendant toute sa détention. Le Comité en conclut que les faits révèlent une violation par l’Etat partie de ses obligations. (para. 6.5 de la décision)
Lien vers la décision : http://bit.ly/1wUx5Kg
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Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (GTDA)
Le GTDA est un organe de protection des droits humains au sein des Nations Unies, appelé procédure spéciale, et lié au Conseil des droits de l’homme. Il fonde son action sur la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) auquel le Burundi est partie depuis le 9 mai 1990. Le GTDA est basé à Genève (Suisse), où il se réunit périodiquement. Il est composé de 5 experts indépendants, siégeant à titre individuel.
Quel est son mandat ?
›› documenter des cas de détention arbitraire au niveau
mondial et intervenir par des actions urgentes auprès des autorités et des visites de terrain
›› effectuer des études sur la thématique des détentions
arbitraires visant à aider les Etats à prévenir ces pratiques
›› examiner les requêtes de victimes et adopter des
conclusions quant au caractère arbitraire d’une détention et la violation des normes internationales, selon plusieurs catégories. En particulier si :
www.ohchr.org/EN/Issues/Detention/Pages/WGADIndex.aspx
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Le GTDA a adopté 69 avis concernant la détention de 198 personnes dans 37 pays en 2012.
›› il n’existe pas de fondement légal pour justifier la détention
›› la détention est la conséquence de l’exercice de
droits ou de libertés garantis par le PIDCP, telle que la liberté d’expression ou de réunion
›› il y a violation des normes internationales relatives au droit à un procès équitable
›› il y a détention prolongée de demandeurs d’asile,
de migrants ou de réfugiés, sans possibilité de contrôle, de recours administratif ou juridictionnel
›› la détention repose sur des motifs discriminatoires Quelles sont les conditions pour soumettre une plainte ?
›› Le GTDA est compétent pour constater le caractère
arbitraire d’une détention (qui est en principe encore en cours)
›› Un dossier étayé d’informations détaillées et de preuves solides doit être remis au GTDA.
›› Le GTDA vérifie si l’affaire n’est pas en cours d’examen devant une autre instance habilitée à prendre des décisions dans des cas individuels
›› S’il n’est pas nécessaire d’avoir utilisé toutes les voies
de droit disponibles sur le plan interne, la victime ou son représentant doivent néanmoins indiquer les mesures prises dans le pays pour contester la détention 11
étude de cas François Nyamoya : victime de détention arbitraire
L’affaire François Nyamoya a été arrêté le 28 juillet 2011 pour une affaire de présumée subornation de témoins. Cet avocat de renom a été détenu à la prison centrale de Mpimba (Bujumbura) pendant près de 7 mois avant sa libération provisoire ; de nombreuses irrégularités procédurales ont été constatées autour de sa détention. Alors que la société civile burundaise – avocats, défenseurs des droits humains et journalistes compris – fait l’objet d’un harcèlement et d’une répression renforcée de la part des autorités, la détention arbitraire de Me Nyamoya est en réalité liée à ses activités politiques et ses positions critiques à l’égard des autorités. Dès son incarcération, de nombreux acteurs de la société civile, dont le Barreau de Bujumbura et des ONG nationales et internationales, se sont mobilisés en sa faveur pour obtenir sa libération en interpellant les autorités judiciaires et politiques.
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Les résultats obtenus
La stratégie juridique adoptée
›› Les demandes de libération n’aboutissent pas et la
décision de libération provisoire n’est pas mise en œuvre.
›› Le GTDA est saisi d’une requête par TRIAL en novembre 2011. Utilisant son droit de réponse, l’Etat burundais transmet des observations sur la plainte.
›› Moins d’un an plus tard, le Groupe de travail conclu
que la détention de François Nyamoya était arbitraire.
›› Une demande en réparation fondée sur la décision
du GTDA est déposée devant les instances judiciaires nationales.
La victime a été reconnue victime de détention arbitraire par le GTDA
›› En raison de la prescription, les faits reprochés
ne peuvent plus être poursuivis ; aucune base légale ne justifie la détention
Les irrégularités soulevées (…) sont suffisamment graves pour permettre au Groupe de déclarer arbitraire la détention provisoire de M. Nyamoya. (para. 48 et 50 de la décision)
›› Autre irrégularité procédurale, une décision de libération provisoire prise par l’autorité judiciaire n’est cependant pas mise en œuvre.
Le GTDA a reconnu que la mise en détention de la victime avait eu lieu en raison de :
›› ses activités professionnelles comme avocat ›› son engagement en tant que défenseur des droits humains
En conséquence, le Groupe de travail estime qu’il y a un lien de causalité suffisant entre la privation de liberté de M. Nyamoya et ses activités professionnelles, notamment les critiques envers le Gouvernement, son militantisme politique, les manifestations publiques auxquelles il a pris part, le fait d’avoir dénoncé les violations des droits humains ainsi que le contexte hostile à l’égard des avocats, tel qu’attesté par la détention du Bâtonnier. L’ensemble de ces circonstances contribue à la violation du droit à la liberté d’expression et d’opinion et de réunion pacifique. (para. 50 et 52 de la décision)
›› ses opinions politiques Le GTDA a confirmé le caractère arbitraire des mesures de contrôle après la remise en liberté de la victime :
›› le GTDA a non seulement conclu que la détention de
Me Nyamoya était arbitraire, mais également les mesures de restrictions à sa liberté après sa libération
La mise en liberté de M. Nyamoya le 17 février 2012 ne remet pas en cause le caractère arbitraire de sa détention entre le 28 juillet 2011 et le 17 février 2012. De même, les restrictions imposées à sa liberté demeurant en vigueur ne peuvent être considérées comme justifiées car elles font suite à une détention arbitraire. (…) Les restrictions à la liberté de mouvement imposées par la décision en date du 17 février 2012 sont également arbitraires (...). (para. 53, 54 et 55 de la décision)
›› Le GTDA a demandé que ces mesures soient annulées et qu’une réparation lui soit versée.
Lien vers la décision : http://bit.ly/1KlHbyp
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Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP)
Quel est son mandat ?
›› protéger et promouvoir les droits humains prévus dans la Charte africaine
La CADHP a été créée en 1986 en vertu de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Ratifiée par le Burundi le 28 juillet 1989, cette charte est le 1er instrument de protection des droits humains sur le continent africain. La Commission est basée à Banjul (Gambie). Elle fonctionne à temps partiel lors de deux sessions annuelles. Elle est composée d’onze experts indépendants siégeant à titre personnel et issus d’Etats parties à la Charte.
›› fournir une interprétation des articles de cette Charte ›› examiner les plaintes soumises par des victimes ou ONG lorsque des Etats ont violé les droits contenus dans la Charte
Pour quelles violations des droits humains intervient-elle ? Les droits protégés par la Charte sont étendus. La Commission africaine est notamment compétente pour examiner les violations des droits humains suivantes :
›› les atteintes au droit à la vie telles que les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées
›› les actes de torture ou les mauvais traitements, y compris les violences sexuelles
www.achpr.org/fr/
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›› les détentions arbitraires ›› les problèmes d’accès à une justice indépendante
Quelles sont les conditions pour soumettre une plainte ?
›› La CADHP examine uniquement les plaintes contre le
Burundi sur des crimes commis après le 30 novembre 1989
›› Un dossier étayé d’informations détaillées et de preuves solides doit être remis à la CADHP
›› Aucun autre organe international de protection des
Des conditions de recevabilité très strictes Sur 283 décisions adoptées, la Commission africaine a déclaré irrecevables 87 affaires soit près de 30 % des cas. (Chiffres mis à jour au 14 août 2014)
droits humains ne doit avoir rendu de décision finale sur la même plainte pour que la CADHP puisse être saisie
›› Les voies de droit nationales doivent avoir été épuisées.
Attention, cette dernière clause n’est pas applicable si :
›› les voies de droit sont objectivement
vaines en raison notamment du manque d’indépendance du système judiciaire
›› les voies de recours internes ont dépassé un délai raisonnable
›› il est dangereux pour les victimes et leur famille d’initier de telles démarches
›› il s’agit de violations graves et massives des droits humains.
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étude de cas Jean-Marie H.* : victime d’exécution extrajudiciaire * nom d’emprunt
L’affaire Citoyen burundais, Jean-Marie H. avait rejoint le mouvement des Forces nationales de libération (FNL) alors qu’il n’était guère plus qu’un enfant. Suivant sa démobilisation en 2009, il s’était reconverti comme chauffeur et mécanicien et menait une existence pacifique avec sa femme et leur enfant. En 2010, une vague d’insécurité a touché le pays suite à des élections contestées par l’opposition, se manifestant notamment par une politique de répression des opposants politiques et une recrudescence de la pratique des exécutions extrajudiciaires. C’est dans ce contexte que Jean-Marie H. a été interpellé par un agent de l’Etat qui, ayant connaissance du passé de Jean-Marie H, a tenté de le soudoyer pour obtenir des noms de dirigeants du parti.
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Face au refus de Jean-Marie H, des agents du SNR ont tenté de l’abattre chez lui quelques mois plus tard. Laissée pour morte, la victime a été hospitalisée pendant plusieurs mois dans un état très critique. Dès sa sortie d’hôpital, les pressions on recommencé, contraignant Jean-Marie H. et sa famille à fuir la région. Malgré ces précautions, Jean-Marie H a été enlevé et exécuté en juillet 2011. Suite à son meurtre, de nombreuses ONG telles que Amnesty International, International Crisis Group et Human Rights Watch ont fait pression que les autorités burundaises fassent la lumière sur ce cas. Une enquête aurait été ouverte, mais à ce jour aucun acte d’investigation n’a été mené. La famille de Jean-Marie H n’a jamais été entendue et les auteurs du crime n’ont jamais été poursuivis.
La stratégie juridique adoptée
›› De nombreuses ONG ainsi que le Bureau des Nations unies
au Burundi se mobilisent immédiatement au nom des proches de la victime pour obtenir l’ouverture d’une enquête.
›› Les ONG et la Communauté internationale réclament d’une
voix commune l’ouverture d’une enquête sur les nombreux cas d’exécutions extrajudiciaires documentées. Une commission d’enquête est finalement mise en place par le Procureur de la République.
›› Les défenseurs de la famille de la victime constatent qu’aucune enquête effective, prompte et impartiale n’est menée par les autorités, malgré les affirmations de celles-ci. La famille n’est même pas entendue et aucune autopsie ne semble avoir été effectuée; les résultats de cette prétendue enquête ne sont en outre transmis ni à la famille ni aux ONG.
›› En mai 2014, une plainte est soumise à la CADHP par une
coalition d’ONG composé de l’ACAT, l’APRODH, le FOCODE, le FORSC et TRIAL.
›› Des mesures conservatoires sont requises en faveur de la
famille et des témoins pour prévenir tout risque de représailles. Elles sont accordées par la CADHP en juillet 2014. L’affaire est en cours.
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Quelle utilisation de ces procédures internationales ?
Les résultats positifs obtenus dans chacune de ces affaires ont été un grand pas en avant pour les victimes. Il faut désormais que ces cas puissent servir d’exemples à tous les acteurs de la société civile afin d’ouvrir la voie à davantage de procédures devant les instances internationales. A cet effet, avocats, représentants d’ONG, de la communauté internationale ou des autorités burundaises sont invités à engager une série d’actions et de mesures inspirées des outils présentés dans les pages qui précèdent. Par leurs actions, tous contribueront au renforcement de l’Etat de droit et du système judiciaire au Burundi.
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Les autorités burundaises
›› mettre en œuvre de manière effective les décisions
des instances internationales de protection des droits humains et collaborer pleinement avec celles-ci conformément à leurs obligations
›› se baser sur les décisions pour initier des réformes
profondes et des changements de pratiques en ligne avec les standards internationaux en matière de droits humains.
Avocats et praticiens du droit
›› utiliser la jurisprudence progressiste de ces instances ›› faire référence aux décisions dans leur plaidoirie et leurs conclusions
›› inviter les juges à raisonner par analogie pour obtenir
des décisions de justice en accord avec les standards internationaux en matière de droits humains
›› inclure dans les stratégies de défense des victimes de crimes graves la saisine des instances internationales pour ne plus laisser ces crimes impunis.
Représentants de la Communauté internationale
›› réclamer la mise en œuvre effective de ces décisions ›› se servir des décisions comme outils de plaidoyer pour pointer du doigt des dysfonctionnements et des lacunes législatives et encourager les autorités à initier des réformes.
ONG et observateurs des violations des droits humains
›› réclamer la mise en œuvre effective des décisions prises par les instances internationales
›› se servir de ces décisions comme outils de plaidoyer
pour pointer du doigt des dysfonctionnements et des lacunes législatives et encourager les autorités à initier des réformes
›› inclure dans le travail d’accompagnement et de défense des victimes la saisine des instances internationales pour ne plus laisser ces crimes impunis.
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TRIAL International Fondée en 2002 à Genève, TRIAL International est une ONG est qui met une le droit qui ONG au service met le droit des victimes au service desdes crimes victimes les plus des graves, crimes telles les plus quegraves, les génocides, telles queles lescrimes génocides, contrelesl’humanité, crimes contre les crimes de guerre, l’humanité, les crimes les actes de guerre, de torture les actes ou lesdedisparitions torture ou les forcées. disparitions forcées. TRIAL International lutte contre l’impunité lutte contre desl’impunité responsables, des responsables, complices et instigateurs complices et instigateurs des crimesdes les crimes plus graves ; les plus ellegraves ; défendelle les intérêts défend les intérêts des victimes des victimes devant les devant tribunaux les tribunaux suissessuisses et étrangers et étrangers ainsi ainsi queque devant devant lesles organes organes internationaux internationaux en en matière de droits humains. Depuis sa création, TRIAL International a défendu plus a défendu de 350 victimes plus de au travers 350 victimes de au 145travers procédures de 145internationales procédures internationales concernant l’Algérie, la Bosnie-Herzégovine, concernant l’Algérie, la Bosnie-Herzégovine, le Burundi, lale Libye, Burundi, le Népal, la Libye,la leRussie Népal,etlalaRussie Tunisie.etL’ONG la Tunisie. a aussi L’ONG soumis a aussi plus de 40 rapports soumis plus àdel’ONU 40 rapports et a conduit à l’ONU plusetde a conduit 120 affaires plus de devant des tribunaux 120 affaires devant nationaux, des tribunaux dont de nombreuses nationaux, dont ont abouti de à l’ouverture d’enquêtes nombreuses ont aboutiou à l’ouverture des condamnations. d’enquêtes ou des condamnations. www.trial-ch.org www.trialinternational.org @TrackImpunity @trial