tribe 25 ans

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NOVEMBRE 2021 Cogolin, novembre 1996

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Vidéo des 25 ans de Tribe Sport Group


Let my people go riding *

Ce bouquin essaye de retracer notre itinéraire sous de nombreux angles qui vous permettront de découvrir ou de redécouvrir ce parcours dont certains connaissent déjà quelques chapitres. On vous y raconte tout ce que l’on peut écrire sur les coulisses, avec toujours une pointe d’humour espiègle et d’autodérision. Pour le reste, l’irracontable, venez nous voir autour d’un café ou d’une bière, on aura bien encore deux ou trois anecdotes piquantes à vous partager. Juste le temps aussi pour nous de jeter un dernier regard en arrière, de se poser un peu et de se projeter vers la suite avec toutes ces idées nouvelles qui se bousculent déjà.

Nature, life and ride.

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Notre histoire est celle de notre binôme complémentaire et des compétences, et parfois même des talents, qui sont venus nous renforcer au fil des ans. Avoir hissé la passion et l’humain en valeurs fondamentales de Tribe nous a permis de tisser des liens de loyauté forts tant au sein de notre groupe qu’avec la plupart de nos fournisseurs. Comme on choisit une belle veste de montagne durable sur laquelle on pourra toujours compter, on a toujours préféré s’appuyer sur les bonnes personnes et les bons produits pour construire patiemment et solidement. Le turn-over ne fait pas vraiment partie de notre vocabulaire et l’opportunisme doit selon nous être provoqué et saisi au sens noble. On a plaisir à penser que beaucoup de nos partenaires, prestataires, acteurs de l’industrie et des media, ou sportifs sont devenus des amis, et que les 38 employés de chez Tribe aujourd’hui sont heureux et épanouis dans leur travail. Nous avons souvent dû, par obligation, mais aussi par conviction, par défi et, avouons-le, un peu par jeu, faire différemment des autres. Quand un chemin est obstrué, le mieux est sans doute de s’adapter en le contournant, il s’en révèle parfois plus beau. En tout cas, il devient unique, c’est le nôtre. Cette singularité est sûrement un marqueur fort de Tribe. Sinon qu’aurions-nous bien pu raconter d’un peu excitant sur la vie d’un « grossiste en pièces deux-roues » ? nous avions une plus haute opinion de notre métier; n’y voyez pas de l’arrogance mais plus simplement de l’enthousiasme créatif, du cœur et de la passion, toujours.

* Laissez-nous rouler – surtout pendant le « lunch ride » – en référence au livre d’Yvon Chouinard, fondateur de Patagonia et visionnaire de l’entreprise du futur.

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L’aventure a commencé dans une impasse à trois pas d’ici et avait quelques bonnes raisons d’y rester tant nos atouts sur le papier étaient aussi minces que nos économies. Notre obstination, bien aidée par la chance sans doute, a payé une première fois lorsque, à l’orée de l’an 2000 nous avons réussi à nous sortir nos deux premiers salaires après 4 ans d’efforts. En nous disant aussi qu’on venait peut-être vraiment de lancer une jolie boîte.


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NATURE LIFE & RIDE


BOUDEOU !

« Je suis entré dans le monde du vélo en devenant agent commercial indépendant pour Philamy. Un jour, je vois sur ma liste une certaine entreprise de Cogolin qui commande du matériel chez nous : FMF Sport Group. Je ne connaissais pas. J’avais pour habitude de rendre visite à tous mes nouveaux clients au moins une fois pour échanger, voir comment ils étaient installés, et ainsi de suite. Pour les gros clients, j’appelais à l’avance, mais avec les petites structures je passais en coup de vent sans prévenir. Comme j’habitais à Sainte-Maxime, j’avais souvent l’occasion de faire un crochet par Cogolin. Je me suis rendu à l’adresse indiquée par FMF, impasse Jean Monod. J’ai tourné quelques minutes sans trouver le magasin. Ça ne m’a pas préoccupé plus que ça et je me suis dit que je repasserais. La deuxième fois, même histoire : la société était introuvable. Une nouvelle commande est tombée peu après et, bien décidé, je suis revenu une troisième fois. Je me suis garé chemin de l’Argentière, au-dessus de la rue Condorcet, et j’ai sondé le coin jusqu’à apercevoir un frigo sur lequel étaient collés tous les autocollants imaginables du monde du vélo. C’était là. Le magasin était en fait un garage au rez-de-chaussée d’une villa. Une moitié était réservée au stockage des pots FMF, l’autre pour les bureaux. J’entre. Ce que je vois à ce moment-là est ancré à vie. En face de moi, il y a un bar enseveli sous des freins, des durites dégueulasses... Un évier plein d’huile. À gauche, il y a des portes posées sur des tréteaux, qui servent de bureaux aux ordinateurs, et de vieux cartons à moitié ouverts ou en partie écrasés. Je déboule là, et je vois deux mecs assis de chaque côté de la ‘‘table’’ qui me regardent, les yeux écarquillés. Je sors un ‘‘bonjour ?’’ presque apeuré. On discute un peu. — Non, en fait, on est distributeurs vous voyez ? On commande chez Philamy pour nous et nos potes, pas pour revendre. Ça pose pas de problème ? — Non, pas de souci, je réponds. Je regarde les cartons desquels sortent des vêtements, et je comprends qu’ils les utilisent comme fauteuils. ‘‘Eux, ils sont tendus’’ je me dis. L’autre me demande : — Mais... toi tu es agent ? — Ou.. ouais, je bafouille. — Mais... tu veux pas, je veux dire... distribuer nos produits ? Il faut imaginer que je rentre là, déjà employé par le grossiste le plus important du milieu à l’époque, avec mon carnet d’adresses rempli à ras bord et mon salaire confortable ; et ces deux mecs, qui vendent trois fringues et deux conneries dans un cafoutche rempli de freins qui pissent l’huile, me demandent de bosser avec eux. Je sais pas pourquoi je leur ai dit oui ce jour-là. C’est vrai qu’ils étaient sympas... Et puis ils venaient de chez moi, ils faisaient du vélo et essayaient de se bouger. Je voulais leur filer la main mais c’était quand même un schéma assez peu envisageable pour moi qui était déjà bien loti. C’est une voie qui m’a réussi, mais la prendre dans ce contexte et à ce moment-là, c’était forcément le destin. »

« Depuis toujours, chez Tribe, on donne des surnoms à tout le monde. On le fait un peu moins aujourd’hui, mais il y a encore quelques années, dès que quelqu’un rentrait dans la boîte, il fallait qu’on l’affuble d’un surnom. C’est ainsi que notre ami Laurent Duffet porte le beau patronyme de Boudeou ! Quand il est arrivé, c’est Bertrand Quartier qui l’a formé chez Fox. Il lui montrait des gestes techniques précis, et Laurent, plutôt tranquille, répondait à chaque fois ‘‘Oh Boudiou... Boudiou...’’ À la fin du premier jour, Bertrand est venu me voir : ‘‘Écoute Fred, je comprends pas. À chaque fois que je lui montre un truc, il me répète ‘boudiou..’ Ça veut dire quoi ?’’ Je me marre et je lui explique. C’est comme ça que Laurent s’est retrouvé à s’appeler Boudeou, ensuite décliné en Bougnol, Budle You, Double U, Boud, Bud... selon les visiteurs Anglo-saxons incapables de prononcer son nom, et encore moins avec l’accent provençal. »

par Fred Glo 9

par Christophe Gallo 8

TIENS, ASSIEDS-TOI DANS UN CARTON...


Peter a marqué une pause, puis a répondu : — Eh ben... J’en connais beaucoup de boîtes, mais alors déjà un gars au contrôle qualité à votre taille, c’est rare ! Je vous félicite, bravo ! »

par Fred Glo

« À nos débuts, quand on occupait quatre boxs de garages au sous-sol d’une villa, on n’était pas du tout présentables pour un fournisseur qui aurait voulu voir comment on était installés. Donc on évitait à tout prix de faire venir les plus curieux en les dissuadant autant que possible. Dans certains cas, quand notre interlocuteur était trop insistant, on avait trouvé une solution qu’on a utilisée trois ou quatre fois. Mon père avait des bureaux à l’entrée de Saint-Tropez, de beaux bureaux flambants en face de la plage. Quand il y en avait un qui insistait un peu trop, ou à l’inverse qui n’insistait pas assez, et qu’on voulait faire pencher une décision en notre faveur, on jouait le jeu. Je maquillais alors le bureau de mon père pour le transformer en notre bureau, avec Laurent. Dans le placard j’avais des posters, des coupes et deux-trois bibelots que je sortais pour customiser l’endroit. On expliquait que la partie logistique, le SAV, tout ça, c’était ailleurs, mais que nous deux on travaillait ici. La première fois qu’on a fait ça, c’était pour un entretien avec les gars de Vertemati, une marque de moto, qui a fait long feu d’ailleurs. Dire qu’on avait imaginé distribuer cette marque avec cette combine. On n’avait peur de rien... Nous accueillons donc les deux messieurs de Vertemati dans ce beau bureau. On discute, tout se passe bien, et c’est alors que le téléphone se met à sonner. Le mec me regarde, l’air de dire ‘‘est-ce qu’il va décrocher ou pas ?’’ Je sais bien que ce n’est pas un appel pour moi. Si je décroche, c’est foutu... Et ça sonne, ça sonne... Bon allez, je décroche ! C’était le fax, et tout le monde entend bien cette sonnerie spécifique... Grand moment de solitude. Je regarde les mecs, puis je me tourne vers Lolo, qui s’était fissuré. Pour les rendez-vous suivants, on maîtrisait le standard téléphonique, le grand bluff pouvait continuer. Notre hantise : que les gars repassent le lendemain parce qu’ils avaient oublié un truc ou pour dire au revoir ! »

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« C’était dans les tout débuts de la société, quand elle n’était composée que de Laurent et moi. En 98, au Roc d’Azur, on rencontre le responsable export de Sintesi, marque qui venait de remporter la coupe du monde de descente avec Corrado Hérin. Il avait raflé toutes les victoires en DH cette année-là. La marque avait du potentiel et ça lui avait donné une belle image. Donc on discute avec cet hollandais et on s’entend bien. Seulement voilà, le monsieur, du nom de Peter, insistait pour rencontrer toute l’équipe et il finit par proposer un dîner pour le lendemain. Forcément, on n’avait pas précisé qu’on n’était que deux. On avait plutôt laissé entendre que la boîte était déjà bien structurée avec une dizaine d’employés ! Peter ne lâchait pas le morceau et on a été obligé d’accepter un dîner avec toute notre équipe le lendemain... Le rendez-vous était dans un restaurant à Saint-Aygulf. On gamberge un peu pour savoir comment faire. On avait fini par appeler nos femmes, tous nos potes, nos cousins, et les faire passer pour nos employés ! On était donc une douzaine le lendemain assis autour de la table. Tous les salariés factices de Tribe, qu’on avait briefés comme on sait le faire, c’est à dire à peine. Peter est arrivé, s’est installé et a proposé, comme ça se fait souvent, que tout le monde se présente, histoire de voir comment l’entreprise est organisée. Le tour de table démarre, et chacun improvise comme ça lui vient : l’un est commercial, l’autre gère le SAV, le troisième s’occupe de la compta... Et ainsi de suite jusqu’au dernier compère, Patrick, mon cousin, aussi connu sous le nom de Zanini. Peter a demandé : — Et vous alors ? Qu’est-ce que vous faites ? Tous les postes auxquels Zanini avait pensé étaient pris, alors il a dit :

par Fred Glo

PIGNON SUR RUE

MOI ? ... JE SUIS RESPONSABLE QUALITÉ


Tribe a fêté les 20 ans du service Fox en 2019. Voici comment tout a commencé. Fred a toujours été passionné de moto tout terrain. Il lui arrivait de commander des pièces trial chez Quartier Racing, une boîte de préparation spécialisée Yamaha TY. Le patron, Bertrand Quartier, habitait dans l’est de la France. Il a fini par déménager dans le Var pour bosser avec Fred et Laurent. C’était le début des suspensions vélos, et notamment des amortisseurs, qui emboitaient le pas des fourches, déjà présentes sur le marché depuis quelques années. Fred et Bertrand en discutaient beaucoup, et avaient la certitude que le tout suspendu allait devenir la norme dans le VTT. Les produits qui commençaient à circuler étaient de qualité très variable. Bertrand démontait les amortisseurs qui lui passaient sous la main pour se faire un avis, et il avait rapidement conclu que Fox était ce qui se faisait de mieux. La compagnie était justement en train de mailler le territoire mondial et européen de service centers, pour gérer le service après-vente sur leurs produits OEM. À cette période, il n’y avait pas grand chose à gagner à assurer le SAV de Fox, mais FMF Sport Group – ancien nom de Tribe – avait malgré tout envie de se rapprocher de l’entreprise américaine. Ils envoyèrent alors une candidature spontanée et obtinrent un entretien en Californie. C’était aussi l’occasion de rendre visite à la famille Laporte, FMF US étant basé à Los Angeles, pas bien loin de chez Fox. Fred, Bertrand et Vincent Ranchoux ont donc pris l’avion pour les Etats Unis. Ranchoux était alors rédac chef chez VTT Mag, et Fred l’avait embarqué car sa caution pouvait faire pencher la balance. Une fois sur le parking de la société, ils tombent devant une Mercedes 500 SL coupé garée sur une place avec un panneau qui indiquait : Cette place est réservée à Bob Fox. C’était la classe. Un employé commercial les accueille. Ils visitent les locaux de Fox, puis sont réunis dans un bureau. Un entretien éclair s’ensuit, une fiche type d’une dizaine de critères est remplie à la volée, puis l’employé les remercie. ‘‘On vous tiendra au courant.’’ Un vol France-US pour 5 minutes d’entrevue, ça fait cher payé. Une fois sortis du petit bureau, Fred et Bertrand font état tout haut entre eux de leur déception. Aucune chance de décrocher un deal sans pouvoir un tant soit peu argumenter. Depuis le hall, les trois gaillards entendent soudain une voix qui demande en anglais : ‘‘Qui est-ce, à côté ? J’entends des gens qui parlent français et on a besoin d’un Service Center en France’’ Après un court dialogue, une porte s’ouvre et un homme sort : Bob Fox, lui-même. Fred, Bertrand et Vincent sont alors invités à revenir dans le bureau, et cette fois, c’est Bob et sa fille qui les écoutent. Fred met en avant la jeune boîte comme distributeur de FMF en France, marque qui a pignon sur rue aux Etats-Unis. Il s’est avéré que Bob Fox connaissait bien Danny Laporte. Bertrand insiste sur ses vastes connaissances en suspension. Or, à l’époque, personne n’y comprenait rien en suspension dans le milieu vélo, et rares étaient les interlocuteurs qui, comme lui, touchaient leur bille sur le sujet. Pour finir, Vincent appuie leurs arguments. Deux semaines plus tard, Fox adoubait FMF Sport Group comme Service Center France. Effectivement, au début il n’y avait pas grand chose à gagner. Mais un an plus tard, ils ont pu distribuer quelques dizaines d’amortisseurs en after market. Et en 2002, Fox a sorti une première fourche, qui changea la donne sur le marché et les propulsa au rang de leader mondial des suspensions vélo haut de gamme. Ce qui, du même coup, boosta considérablement les ventes de FMF – Tribe Sport Group. On pourrait presque dire qu’une bonne part de la réussite de Tribe s’est jouée... à un courant d’air entre deux portes !

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PARFOIS, ÇA TIENT À RIEN


L’ŒIL DE

BERTRAND «PAPA» QUARTIER « J’ai commencé mes études de mécanique à 16 ans en 1978, à Besançon. Sur ma YZ 125, j’allais à l’école, je m’entraînais et je faisais des courses les weekends dans l’espoir de devenir pilote professionnel. Le gérant d’une concession Yamaha à côté de chez moi m’a pris sous son aile et j’ai pu utiliser les outils de son atelier. assionné par l’univers de la moto, je lisais une ule de papiers sur le sujet. Un jour, je suis tombé ur un manuel très complet sur la maintenance des amortisseurs cross de chez Fox. Il y était décrit précisément tout ce qu’il fallait savoir pour faire soimême l’entretien complet de son matériel. C’était en anglais et vraiment très technique. Comme à l’époque, personne n’y comprenait rien, j’ai dû lire ce bouquin ut seul. Je l’ai épluché dans tous les sens pendant des jours et des nuits !

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vec mon père, en 85, on a démarré Quartier Trial Spécialiste. On importait et distribuait des pièces de moto trial depuis l’Angleterre. Je préparais des configurations optimisées sur ma moto, et les gars qui essayaient finissaient par me prendre des pièces, ce qui a lancé la boîte. Ça m’a permis de financer mes premières saisons de pilote. J’ai roulé chez Fantic, puis chez Yamaha. J’ai aussi obtenu un brevet d’état pour enseigner la moto en 1990 et j’ai ouvert un centre de pilotage trial à Val d’Isère.

En 1996, je reçois une commande de pièces à envoyer sur Cogolin, chez FMF Racing, qui distribuait des pots d’échappements, du textile et des freins Formula. J’avais entendu parler de cette boite sudiste, et à cette période je voulais changer d’air. J’ai recontacté FMF et on a pris un rendezvous dans le Var. C’est comme ça que j’ai rencontré Fred et Lolo, dans leur sous-sol de Cogolin. Je me souviens d’un frigo plein d’autocollants, d’un certain Arnaud Viac qui purgeait des freins dans un évier, et de boxs de garage où étaient stockés en pagaille quelques pots qui se regardaient. J’avais halluciné ! Malgré tout, on était à côté de Saint-Tropez, le ciel était bleu, l’ambiance décontractée. Assis sur des sièges de bar, on discutait. Danny Laporte avait glissé à Fred l’idée qu’un service de maintenance pour les moteurs et les suspensions greffé sur le service de distribution, ça commençait à se faire aux US, et ça marchait vraiment bien. Ils avaient envie de mettre ça en place pour FMF. Moi j’avais de solides compétences techniques, et ils m’ont proposé de venir travailler avec eux. Leurs locaux me laissaient perplexe, mais tout le reste me plaisait vachement. Je sais pas pourquoi, mais je sentais que ça pouvait le faire. On s’est entendu pour que je vienne bosser avec eux s’ils trouvaient un local plus grand. Six mois plus tard, en 98, bien qu’ils n’aient pas encore trouvé de nouveaux locaux, j’ai déménagé tout mon matos au 3 rue des anciennes écoles, dans un vieil hangar à Grimaud. Fred m’a trouvé un appartement sur les hauteurs de Cogolin. Je me sentais bien et j’ai continué mon activité. Peu de temps après, FMF a lancé une info à tous ses clients : ‘‘Bientôt, il vous sera possible de faire des préparations made in US de vos amortisseurs motos !’’ Deux ans plus tard, on s’est installé dans un nouveau local au 1 rue Condorcet. Fred et Lolo ont posé leurs quatre chaises, Viac a étalé ses freins, j’ai mis mon barda dans le fond, et on a commencé à refaire le monde. J’exagère à peine quand je dis que ça s’est passé aussi simplement que ça. Une belle époque... Étant d’un naturel nerveux, j’arrivais dans une ambiance qui a bien perturbé ma façon de voir le travail. Le boulot était pris très au sérieux, mais la détente tout autant. Je me suis mis au vélo, et tous les vendredi à 16h, on allait rouler, Viac, Zanini, Fred et moi. On faisait aussi du trial dans les collines. Certains soirs, on se faisait des sorties ski nautique. C’était une dynamique comme j’en avais jamais connue. Un cadre de vie incroyable. Tandis que je bossais sur mes commandes personnelles, je faisais quelques amortisseurs pour FMF. On a alors commencé à discuter vélo sérieusement. À cette époque en France, la culture du vélo à suspension n’allait pas au-delà de la fourche Manitou à tampon, dure comme du bois, ou de la RockShox mag 21. Fred parlait sans cesse du tout suspendu. Selon lui, le vélo allait passer par des changements similaires à ceux qu’on avait vus dans l’univers de la moto. La tendance suivait le même chemin qu’aux Etats-Unis, et il était persuadé que le tout suspendu, c’était le futur. C’était un des rares en France.

Un jour, il est venu me parler des suspensions vélos, et il m’a demandé mon avis sur Fox. J’ai eu un éclair. Retour arrière de 20 ans : j’ai tout de suite repensé au manuel de Bob Fox, que je m’étais farci dans tous les sens pendant des semaines. Malgré cette énorme coïncidence, j’ai décidé de désosser tout ce qu’on trouvait sur le marché en termes de suspensions. Et Fox était effectivement ce qui se faisait de mieux. Fred avait un contact qui bossait avec eux, et avec Ranchoux, on est parti leur rendre visite. On a débarqué à San Francisco à l’arrache, comme d’habitude. On a loué une bagnole dégueulasse qui tombait en panne tous les 20 kms. La Tonyo’s Car, on l’avait appelée. On est arrivé comme ça à Watsonville. Trois bras cassés avec leurs sacs remplis de faux bilans... C’est comme ça qu’on est devenu Service Center Fox pour la France. J’ai dû revenir seul chez Fox pour me faire former par leurs ingénieurs. On a ensuite eu accès aux pièces détachées pour faire des réparations, en plus de commencer à distribuer une gamme d’amortisseurs. En tant qu’indépendant, j’achetais des pièces pour faire l’entretien des suspensions pour Quartier Racing. C’était ça qui me faisait manger. Et je gérais en parallèle l’entretien des produits Fox sous garantie. On a démarré ce partenariat sans tirer grand chose au début, mais en pariant que ça allait prendre de l’ampleur. C’est ce qui s’est fait petit à petit. Quand c’est devenu dur pour moi niveau emploi du temps, on a dû former quelqu’un. C’est là que Fred m’a proposé de former Laurent Duffet. Au début, il m’appelait Papa, et je l’appelais mon fils. C’était le sudiste parfait. Il ne fallait pas trop forcer ! On avait deux caractères très différents : j’étais survolté, tandis que lui se faisait ses petites pauses café-clope sans se presser. Je n’avais encore jamais formé quelqu’un, alors c’était pas facile pour moi de donner mes trucs et astuces. Dans le métier de préparateur, moins tu en dis mieux tu te portes. Et j’avais été formé à l’américaine, donc de façon très rigide. Le manuel de Bob Fox, il faut l’appliquer sans s’écarter d’un poil. Et mon apprenti était plutôt ‘‘Oh Boudiiiou, pas de stress, te tracasse pas dis !’’ Ça a donc été un gros changement pour moi et pour lui. Il y a eu quelques accrochages, mais avec le recul, je me dis qu’on a fait un truc génial. Sous ses airs tranquilles, c’est un gars très consciencieux et passionné. Il a vite accepté la méthode stricte. C’est devenu un excellent ambassadeur et technicien, et quand il a repris ce service de maintenance, j’avais en lui une confiance totale. En fait, Tribe a commencé à grossir à partir de l’arrivée de Fox. Ça a débloqué pas mal de cartes les unes après les autres, notamment Race Face, Yeti, puis plus tard Rocky Mountain – la ‘‘caution Ranchoux’’ est à nouveau entrée en scène !

Je me souviens ainsi d’une semaine épique où on avait fait la tournée des sous-traitants dans le Colorado et en Colombie Britannique, avec Fred et Vincent. Mais FMF c’était aussi les fameux Tribe Trips Fred préparait toujours “aux petits oignons” pour rendre l’expérience inoubliable. J’ai participé à celui en Amérique du Sud – Argentine, Chili, Patagonie – avec Fred, Zanini, Alin’s et Stylé. Autour de Santiago du Chili, il a fallu héliporter les vélos sur un sommet inaccessible. Plus loin, on avait débarqué dans un coin sympa au pied du volcan Villarrica, un des plus actifs des Andes. Après le dîner, on est tombé dans une embuscade. Alin’s et moi n’avons pas dormi de la nuit, et l autres à peine. Malgré ce qu’on s’était mis, le lendemain, ils avaient tous la caisse, alors que moi pas trop. J’ai cru que j’allais mourir pendant l’ascension, et ils s’étaient bien foutu de ma gueule ! Je suis resté avec FMF - Tribe pendant sept ans, jusqu’en 2005. Puis j’ai voulu me poser. On était toujours en train de bouger et je n’avais pas vraiment de stabilité. En plus, j’étais seul à faire tourner ma boîte, alors qu’eux commençaient à avoir des employés pour se répartir les tâches. Je leur ai vendu mes parts du local, et j’ai déménagé en Savoie, où j’habite encore avec ma famille. Pendant les années qui ont suivi, je repassais souvent chez Tribe po faire des audits. Aujourd’hui, mes visites se font plus rares, comme j’ai une vie de famille et mes propres projets à gérer. Et puis je sais qu’ils s’en sortent très bien. On est restés de très bons amis. Il n’y a pas longtemps, j’avais Fred au téléphone. Il me disait que ça marchait fort, qu’il n’avait jamais fait autant de choses. Il avouait qu’il sentait de plus en plus le poids des responsabilités envers ses employés, ses clients... Peu après, j’ai reçu une photo de lui, en haut de la colline, avec la T 125 qu’il avait ressorti. ‘‘C’est quand même sympa’’ il disait. Il faudrait que je passe bientôt, qu’on discute de tout ça... »


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Il y a eu une période où on se débrouillait comme on pouvait. Moi, je faisais guide VTT. Fred enchaînait les petits boulots dans le golfe. Sa dernière trouvaille, ça a été de tenir un stand de location de motos et de scooters au carrefour de la Foux, sous son parasol en plein cagnard. Il se morfondait un peu ! À côté, il donnait des coups de mains à Danny et Georgia qui distribuaient leurs pots FMF depuis Ramatuelle. À cette période, les fringues pour le vélo n’étaient pas bien jolies, et Fred avait eu l’idée de lancer une ligne de textiles pour le VTT. J’avais déjà fait quelques vêtements, dessiné deux ou trois blousons, alors je me suis mis à bosser dessus. J’étais parti sur l’idée de reprendre des vêtements moto déjà vintages pour l’époque, en m’inspirant par exemple du blouson Bultaco de Demi Moore, ou des logos de la marque Gulf. On a décliné le ‘‘FMF’’ de plein de façons différentes, ‘‘le so. calif.’’ est arrivé à ce moment-là. Grâce à une idée de Jean-Louis Macault, on a fait un maillot Desert Storm, avec un motif camouflage. Il a eu un gros succès celui-là. On a aussi sponsorisé Nathalie et Frédéric Lancien. Nathalie roulait avec notre combinaison noir et rouge en courses nationales, et avec nos gants aux JO. J’ai dessiné d’autres vêtements, j’ai cousu des shorts... C’est des trucs qui n’ont jamais dépassé le prototype. Plus tard, à la demande de Christian Taillefer, on a sorti le premier short en cordura de l’histoire, qui était en fait un pantalon de moto cross raccourci. Tout le monde en voulait, mais on n’était pas assez organisés pour répondre à la demande croissante : on les faisait fabriquer par lots de 10... Pour produire les premiers maillots, on a fait la tournée des fabricants italiens avec Fred et Georgia. Elle jouait sur tous les tableaux pour

essayer de crédibiliser FMF, et me présentait comme un grand designer sortant d’une école parisienne. On se faisait quand même refouler une fois sur deux ! On a atterri chez ce brave Fausto, qui ne devait pas trouver beaucoup de clients, et qui a remporté le marché parce qu’il nous avait emmenés à Castelfranco manger des pâtes ! On se demande qui a perdu le plus dans cette histoire, lui ou nous qui voulions produire des vêtements pour un coût bien au-dessus de nos moyens... C’est quand Danny et Georgia sont rentrés aux US qu’on a créé FMF Sport Group. Je n’avais pas la fibre entrepreneuriale à l’époque – d’ailleurs ça n’a pas changé. Dessiner les maillots me plaisait bien, je trouvais ça stimulant. Mais quand Lolo est arrivé et qu’on a repris la distribution des pots, j’ai bien compris que ça allait devenir plus sérieux, un vrai business quoi. J’étais dans un autre état d’esprit. On a quand même créé la boîte à trois et on a chacun touché une prime à la création d’entreprise, qui tournait autour de 5000 francs par tête. Je pensais quitter la boîte, mais c’était sans compter Lolo qui voulait que je remette les sous de la prime ! ‘‘Rend l’argent !’’ Ça a fini de me convaincre qu’il fallait que je m’éloigne. Très honnêtement, je sais plus ce que j’ai fait des 5000 francs. J’ai dû les enterrer dans le jardin... Après ça, j’ai fait vendeur dans une boutique de fringues. Je fabriquais des meubles pour la déco de la vitrine à partir de bois flotté ramassé sur Pampelonne. Ça plaisait bien, donc j’ai commencé à faire du mobilier pour quelques clients, et j’ai fini par complètement bifurquer sur la décoration d’intérieur. Je me suis remis à dessiner, comme à la grande époque ! Aujourd’hui je travaille en tant que décorateur pour des intérieurs tropéziens et courchevelois. J’ai quitté Tribe qui venait à peine de naître, sans regrets. Je savais que j’étais fait pour un boulot créatif et que je n’aurais pas pu développer un business vraiment sérieux. J’ai quand même pris beaucoup de plaisir pendant la genèse du projet, durant laquelle j’étais très impliqué. C’est peut-être ça qui me manque : l’ambiance qu’il y avait au départ, cette dynamique qu’on avait avec Fred, c’était vraiment une chouette époque. Je suis toujours l’évolution de loin, et je passe souvent pour manger une bonne pizza avec Fred, Manou et Elisa ! D’ailleurs, il me propose de dessiner un ou deux maillots pour fêter les 25 ans. Une histoire de boucle à boucler... De toute façon j’ai pas trop le choix, si Fred demande ça ne se refuse pas ! »

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L’ŒIL DE 18

Fabrice «FAFA» ARBAUD

« J’ai connu Laurent au collège à Saint-Tropez, et Fred un peu après par l’intermédiaire d’Éric Guignard. On s’est entendu d’abord grâce à notre passion commune pour la moto, puis on s’est retrouvé en première dans le même lycée à Gassin. En classe, on était plutôt au fond, collés au radiateur. L’arrière gauche de la salle d’espagnol, je m’en souviens bien ! Il y avait Gilles Laurence, Lolo avec ses quatre raquettes dans le sac et aucun stylo ; Fred qui étudiait très sérieusement l’insolence, n’hésitant pas à partager son avis quand il ne randonnait pas entre les classes et le bureau du proviseur ; et moi, qui passais mes journées à dessiner. Nous avons construit notre amitié sur cet échec scolaire ! Personne n’a eu le bac. Après le lycée, je suis allé à Paris pour faire des études de styliste. J’y suis pas resté longtemps ! Fred est parti à Nice, et Lolo à Londres. Après nous être bercés d’illusions, on est humblement revenus dans le golfe, où on aurait pu doucement s’enterrer, mais on s’en est bien sortis !


Cyril Esquirol

« En tant que journaliste à l’Équipe, j’étais au cap d’Ail en 1995 pour suivre une manche de coupe du monde de descente. Je remontais la piste et je suis tombé sur un petit groupe de trois qui m’a semblé familier. C’était en fait le célèbre Danny Laporte, qu’on pouvait difficilement manquer vu son élégance, accompagné par une femme sublime, Georgia Laporte, et un troisième gars que je connaissais pas. C’était Fred Glo. Ils étaient venus voir en amateurs avertis cette course. On a un petit peu échangé et le courant est bien passé. Si bien que quelques semaines plus tard, Danny et sa famille étaient venus nous rejoindre en Corse pour les vacances, ma femme et moi. J’étais un peu fasciné par ce mec, surtout quand on allait faire de la moto autour de Ramatuelle. Chaque été, Danny et Georgia rentraient aux Etats-Unis, et me louaient leur maison pour une bouchée de pain. C’est comme ça que j’ai commencé à passer du temps avec Fred, Alain et leurs potes. C’était de super moments. Je me souviens que Fred se marrait bien devant les moules bites qu’on enfilait pour faire du cross. Il faisait la collection des maillots les plus pourris. Comme j’étais journaliste, je suivais souvent les manches de courses, et j’emmenais mon voisin de l’époque, Ludwig Bourdon. Il avait pas de moyens et ça lui permettait de courir un peu, et finalement de rencontrer Fred qui lui a fourni de l’équipement, des vélos et l’a encouragé dans cette voie.

Patrice Boisvin

Ancien journaliste presse vélo à l’Équipe jusqu’en 2002 Aujourd’hui essayiste sur Victor Hugo

Quand j’ai quitté l’Équipe, on s’est perdu de vue avec Fred pendant de longues années. Puis on s’est revu il y a deux ans au vélo vert festival, comme si rien n’avait changé. Le Rocky Mountain Altitude power play 70 était élu vélo de l’année, et Tribe avait beaucoup bossé dessus. Je me suis souvenu de ce jeune qui débutait avec peu de moyens, aujourd’hui devenu co-dirigeant d’une boîte de 35 personnes, et qu’on récompensait pour son investissement dans le monde du VTT. C’était un beau clin d’œil. Depuis, j’attends que Fred et Ludwig se pointent dans la Drôme pour qu’on aille rouler et boire quelques canons... »

Associé de la première heure, Promoteur immobilier, ancien pilote de rallye, ami de longue date de Fred et Laurent

Légende de l’Enduro moto, ancien pilote sponsorisé FMF Aujourd’hui travailleur indépendant du bâtiment et de la rénovation

« Je connais Fred et Lolo depuis le lycée : ils étaient en classe avec mon frère. Quand ils ont repris FMF, j’ai investi avec eux pour les aider à lancer leur business. C’était surtout une histoire de passion et de copains, l’investissement de départ relevant plus de l’inconscience au vu de mes moyens financiers de l’époque. C’est mon unique contribution à la boîte ! J’ai toujours eu une activité professionnelle dans l’immobilier qui m’a pris tout mon temps, mais vu l’évolution de Tribe, être l’associé dormant n’a pas été un handicap pour eux ! L’entrepreneuriat, c’est un état d’esprit que je partage avec Fred et Lolo, et il y a beaucoup de points communs avec le fait d’être sportif. Pour moi c’était le sport Auto. Le côté compétition m’a passé, et aujourd’hui c’est plutôt randos, sorties avec Fred en VTTAE - superbe invention, que du plaisir ! - et quelques courses d’enduro à l’ancienne en Italie ! »

« En 1991, je participais au Rallye de l’Atlas au Maroc dans le cadre d’une ‘‘opération dominator’’ sponsorisée par Honda. Je roulais en tant que mécano d’assistance rapide parmi 25 pilotes privés, dont Fred. On avait tous la même moto mais j’étais le seul avec du matos pour les dépanner. Je partais toujours derrière le dernier des participants. Lors d’une étape, je suis arrivé à un point de contrôle en plein désert et j’ai trouvé mon Fredo dépité, assis à l’ombre de la tente des contrôleurs sans sa moto. Elle avait coupé d’un coup alors qu’il était en tête de catégorie, et il n’avait pas su trouver la panne. Je suis allé voir et je lui ai dit que je reviendrais si je réussissais à la remettre en route... ce que je suis arrivé à faire ! Lui qui croyait son abandon inéluctable a sauté de joie, et il a pu terminer son rallye. Cette année-là, l’excellent pilote moto TT Danny Laporte participait aussi, et avait fini 2e au scratch. On s’est retrouvé 5 ans après notre périple au Maroc et c’est à partir de là que nous avons commencé à travailler ensemble. Venant tous deux de la moto, nous n’avions pas de freins psychologiques à l’innovation, contrairement au milieu vélo de l’époque. D’entrée, Fred a fait le choix de ne vendre que des produits de qualité qui se démarquaient sur le marché. Dès que Tribe commença à importer FOES, j’ai accroché. Cette collaboration a duré jusqu’à ma fermeture. Je n’étais qu’un petit magasin et je me suis fait bouffer par de plus gros poissons ! Fred a toujours été hyper cool avec moi. Même quand je n’avais pas les moyens de faire la commande minimum de mise en place, il me laissait ne commander que ce que je pouvais, avec les conditions optimum. J’ai su plus tard que lui non plus n’avait pas de budget ! L’équipe de Tribe a su mettre une super ambiance entre collaborateurs, en mêlant passion et travail, sans oublier le principal : prendre le temps de vivre et de partager avec ses amis. Je trouve ça remarquable ! Fred a aussi été un moteur et un innovateur dans la création d’épreuves sportives. Sans lui – et Georges Edwards ! – le VTT ne serait pas ce qu’il est devenu aujourd’hui. Ils ont su braver les entraves des fédérations cyclistes qui freinaient des 2 pieds quand ils proposaient des épreuves novatrices. »

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Ancien patron du shop Spot Bike à Villeurbanne et premier client actif de Tribe Aujourd’hui retraité depuis 2020

Pierre Neumeyer

Hervé Guignard

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« J’ai démarré ma carrière par le cross, puis je suis rentré dans le monde de l’enduro en signant chez KTM, où j’ai rencontré un autre pilote officiel, mon bon vieux Alain Olivier. C’est lui qui m’a fait rencontrer Fred, à l’époque où il filait des coups de main à Danny Laporte, chez qui on se réunissait souvent. Tous ensemble, on allait rouler dans les collines du coin, beaucoup en moto puis en VTT. Danny me fournissait en pots et en silencieux, et quand Fred a repris FMF il a continué à me donner du matos. De là, Tribe s’est développée peu à peu, mais son succès ne m’étonne pas. Je connais moins Laurent, mais Fred a toujours été un mec carré. S’il disait un truc c’est qu’il y avait réfléchi, et quand il lançait une fusée ça faisait pas un feu de paille. Et le binôme avec Laurent obtenait toujours des résultats. On s’est un peu perdus de vue, mais on s’est toujours super bien entendus. C’est vrai que quand on parle de Tribe, on fait toujours le lien avec Alain. Il était vraiment intégré dans les projets de Tribe. Je me souviens que lors des courses, Alain trouvait toujours des trucs pour faire le con. Ça l’amusait beaucoup, et Fred avait ce côté là aussi. On a vécu pas mal de moments incroyables sur deux décennies. C’est beaucoup de souvenirs chargés par la mémoire d’Alain, aussi bien pour moi que pour Fred, et pour beaucoup chez Tribe. Même si on se voit peu, ce sont des gens qui ne t’oublient pas, et qui te parlent comme si tu les avais vus la veille. On s’est lié d’une grande amitié, qu’on a instaurée il y a très longtemps et qui perdurera jusqu’à la fin. »


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DES SOLUTIONS À NOS AMBITIONS par Laurent Cornec

« On a toujours essayé de distribuer de beaux produits et de belles marques de vélo. Les vélos Foes étaient construits de façon artisanale à Pasadena (Los Angeles), et c’était typiquement le genre de marque qui nous faisait rêver : de très beaux vélos fabriqués et assemblés à la main, qui valaient très cher. Dans ce temps-là, on n’avait bien sûr pas l’argent pour distribuer ce genre de produits. On bidouillait donc comme on pouvait pour en rentrer quelques-uns, en faire la promotion dans les magazines puis les vendre. Incapables d’en monter un avec de belles pièces à nos frais, on trouvait des accords avec nos clients des alentours – en grande partie des personnes de notre entourage qui avaient les moyens de s’offrir ce type de produit. Ils nous laissaient envoyer les vélos chez divers magazines qui en faisaient le test et donc la promotion. Alors qu’aujourd’hui on a un parc démo de 50 vélos Yeti et Rocky Mountain, on ne pouvait pas en monter un seul à l’époque ! Et il fallait qu’ils soient payés d’avance par nos clients pour qu’on puisse les envoyer en test presse avant de leur livrer deux mois plus tard... rodés. »

« C’était autour de 98 ou 99. On était dans le dur et c’était l’âge d’or de nos grandes séances de bluff. On n‘hésitait pas à se montrer plus beaux que ce qu’on était... On nous avait alors proposé de distribuer les suspensions Marzocchi, un des deux leaders de la suspension à l’époque avec RockShox On avait tellement joué sur notre image de distributeur – qui s’occupait finalement plutôt bien de Sintesi et des freins Formula – que Marzocchi nous avait contactés. Il s’agissait à l’époque de vendre autour de 5000 fourches par an, et on était très très loin d’avoir les moyens d’atteindre cet objectif. Quand on bluffait pour une carte, on savait qu’on pouvait honorer notre engagement. Mais là c’était clairement injouable. On est restés raisonnables et on a décliné. Autrement on se serait pris un gadin... C’est la seule fois qu’on s’est dégonflés ! Par la suite, on a eu plusieurs occasions de distribuer Marzocchi, mais ça ne s’est pas fait, car Fox était en plein boom et on avait déjà beaucoup à faire. Or, ces derniers ont fini par racheter Marzocchi, qu’on s’est donc mis à distribuer et qu’on distribue toujours aujourd’hui. »

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par Laurent Cornec

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UN TROP GROS MORCEAU


ciations des deux côtés sans trop se dévoiler. Quand il a fallu faire un choix, ça a été un crèvecœur. On a finalement choisi Cervélo, et ce au moment où le grand patron de la société concurrente, Ernesto Colnago, la légende, venait de nous adouber personnellement pour que l’on distribue ses produits. Le directeur commercial nous avait appelés pour nous annoncer que nous avions été ‘‘choisis’’ ! On a dû refuser, ce qui l’a probablement vexé. Quatre ans plus tard, après une période mutuellement fructueuse, Cervélo a été revendu à un plus grand groupe qui possède son propre réseau de distribution et qui n’a plus eu besoin de nous ! Comme quoi, de temps en temps, on aimerait bien avoir une boule de cristal. »

DINER À L’EUROBIKE,

OU COMMENT SE DIRE ADIEU ? « En même temps qu’on faisait notre choix entre Colnago et Cervelo, on distribuait une marque de vélo et d’accessoires route historique : Cinelli. À l’époque, elle n’avait pas l’aura de Colnago ni la fraîcheur de Cervelo. Même si l’équipe était très sympa, on ne pouvait pas dire que les affaires avec eux marchaient fort. Comme chaque année, on se rend au salon Eurobike, en Allemagne. On venait alors de signer chez Cervelo. On comptait clore notre contrat avec Cinelli, mais on ne leur avait pas encore annoncé. Comme cela se fait sur ce genre de salon, les équipes des marques organisent des repas avec les distributeurs. Et forcément, on se retrouve invités le même samedi soir, par Cervelo et par Cinelli... dans le même restaurant ! Cervelo était au courant qu’on distribuait leurs concurrents, mais pas l’inverse. Il fallait donc faire attention à ce que Cinelli ne nous voit pas avec Cervelo. Laurent mangeait avec l’un, moi avec l’autre, on rasait les murs en s’arrangeant pour se faire les plus discrets possible. Malgré tous nos efforts, on n’ a pas vraiment réussi à noyer le poisson, et les gars de Cinelli ont bien senti qu’ils allaient nous perdre. C’est Poulet qui a été chargé de leur expliquer la décision ultérieurement lors d’un déplacement en Italie pour une présentation, mais il n’a pas trouvé comment leur dire dès son arrivée. Ils ont fait tout leur possible pour nous garder, et Poulet s’est fait recevoir en grand seigneur pendant prêt d’une semaine, en se demandant comment il allait bien pouvoir leur annoncer la nouvelle ! »

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parFred Glo

CCOLNAGO E « Il y a des moments où les opportunités ne se pas, et d’autres où c’est le contraire ! R bousculent Et quand c’est le cas, ça peut être compliqué de V faire des choix éclairés. a eu, au même moment, l’occasion de disE On tribuer deux marques phares du vélo de route : L Colnago, marque historique, et Cervélo qui faises premiers pas sur le marché international O sait haut de gamme. On a avancé dans les négo-


« On a toujours essayé d’être proactifs dans la recherche des produits et des marques. Ainsi, au début de notre activité émergeait à peine le frein à disque sur les vélos, jusqu’alors massivement équipés de freins à patin V-Brake. À l’époque, ce n’était pas évident de se projeter et de se dire que le frein à disque allait devenir incontournable sur un VTT, contrairement à aujourd’hui. On avait malgré tout acquis cette conviction, nous qui venions de l’univers moto : quand les motos tout terrain sont passées des freins à tambours aux freins à disques, ça avait soulevé beaucoup de questions au départ. Et finalement, ça avait fait ses preuves sur une moto, et pour nous ça ne faisait pas beaucoup de doutes qu’une fois allégé et fiabilisé, c’était l’avenir sur un vélo. Parmi nos fidèles clients, il y en avait un qui faisait référence sur le marché, qui était bien connu et qui avait un très beau magasin déjà à l’époque : notre ami Serge Darcel de Vélo 9. Il avait un avis tranché sur la question et sur ce coup-là, il n’avait pas vu très clair. C’est devenu une boutade entre nous, qu’on ressort quand on se demande si un produit va marcher ou pas. Parce que Serge, il nous l’avait assuré : ‘‘Le frein à disque sur un vélo, ça ne marchera jamais !’’ »

ÇA MARCHERA JAMAIS FRED ! « Depuis l’émergence des vélos tout terrain, il y a eu quelques révolutions technologiques majeures : les freins à disque, le tout suspendu et plus récemment la tige de selle télescopique. La première fois que j’en ai vu une, c’était sur un vélo de Mark Weir. Lors d’un meeting WTB à Downieville, il me montre la tige de selle qu’il utilise et assure que ça va se répandre à toute vitesse. Je l’essaye et je suis vite convaincu. Dans la foulée, on se met à distribuer la marque Gravity Dropper. Comme c’était un petit constructeur artisanal, il avait des moyens limités et peinait à suivre la demande, naissante mais déjà importante. Lors d’un meeting avec un patron d’une grande entreprise du vélo très connue, j’ai essayé de faire valoir cette invention. Pour moi, c’était un fait, tout le monde allait vouloir s’en procurer. Il m’a répondu : ‘‘Fred, sérieusement... À part toi et tes potes, personne ne va rouler avec un produit pareil...’’ Aujourd’hui, tout le monde ou presque roule sur une selle télescopique et cet acteur pour le moins sceptique en est devenu un des leaders du marché. »

par Fred Glo

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par Fred Glo

IL EN PENSE QUOI SERGE ?


« J’étais très proche de la famille Laporte, qui s’est installée d’abord à Ste Maxime puis sur la commune de Ramatuelle pour gérer la distribution en France des pots FMF. C’est par eux que j’ai rencontré Fred, passionné qu’il était de moto, de rallyes et bien sûr de vélo. Quand Danny et Georgia ont choisi de rentrer aux USA, Fred a repris la main avec son associé Laurent et on est bien sûr restés en contact. FMF Sport Group, distributeur d’échappements moto, de quelques pièces et d’accessoires, paraissait avoir un avenir limité. Fred et Laurent ont su faire évoluer l’entreprise en la tournant petit à petit de plus en plus vers le vélo et en sachant prendre des risques importants pour la développer. La petite entreprise sudiste que j’ai connue s’est développée de manière spectaculaire jusqu’à devenir un acteur majeur du vélo en France, avec le souci de distribuer des produits de qualité. Pas forcément les plus faciles à faire briller, mais de qualité ! Leur parcours impose le respect. »

« J’ai croisé FMF quand je tenais un magasin de vélo, et j’ai été leur deuxième client actif. Puis j’ai retrouvé Fred plus tard à la MBF, puisqu’il était à l’origine du projet suite à son interview dans bike mag. J’avais l’occasion d’aller aux EtatsUnis quand le VTT était un sport assez anecdotique en France, et Tribe faisait partie des rares entreprises du milieu à essayer de développer le sport en Europe. C’était déjà de vrais passionnés. Le marché français était dans ses balbutiements, et Fred essayait de proposer des produits innovants. Pour une partie, c’était vraiment visionnaire de sa part. Mais parfois ça n’allait pas au-delà de la tentative, et on a eu droit à quelques produits sympathiques qui n’ont jamais marché ! Aujourd’hui, la passion est toujours là et ça se sent. Je continue à leur prendre des vélos pour mon utilisation personnelle. Les marques qu’ils distribuent sont emblématiques, et j’adore les casques Urge. »

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Julien Rebuffet

« J’ai rencontré Tribe en 2002 sur le Roc d’Azur. Je venais tout juste de prendre mes fonctions chez les MCF et je m’occupais du développement de notre centrale d’achat pour les Moniteurs. Le rendez-vous s’était passé sur le stand FMF – une sorte de Tipi ou une Yourte. Enfin un peu de fun et d’originalité ! Cette image décalée faisait du bien à voir dans un milieu qui commençait déjà à se prendre trop au sérieux. Ici, on retrouvait le vrai esprit du ‘‘Mountain Bike’’ à la sauce USA, mais en France. Poulet s’amusait à souffler le chaud et le froid pendant toute la négociation. C’était pour chambrer, mais à l’époque je ne le savais pas encore ! En 2008, je faisais le tour des stands sur le Roc d’Azur pour essayer de monter la MBF, un collectif indépendant chargé de représenter les vététistes partout où il était question d’interdire le VTT. Nous devions avoir le soutien de l’industrie, ce qui était loin d’être gagné. Afin d’être crédibles, il nous fallait absolument l’aide proactive d’un ‘‘taulier’’ du milieu. C’est ce que Fred a fait en apportant son appui, sa caution et un 1er chèque, l’argent étant le nerf de la guerre. À partir de là, d’autres marques et distributeurs ont suivi et la MBF a pu prendre son envol. »

Directeur du Syndicat National des Moniteurs Cyclistes Français, Trésorier de la Mountain Bikers Foundation et ambassadeur URGE

Directeur de la rédaction des titres moto/ vélo du groupe Larivière : Moto Verte, VTT Magazine, Enduro by MV, EBike, etc.

Président de la Mountain Bikers Foundation, co-dirigeant de l’International Mountain Bicyling Association Europe

Bertrand Sanlaville

Raymond Cheminal

« C’est lors des FMF Days en 1999 que j’ai vraiment sympathisé avec Fred et la clique de Tribe. Enduro, VTT, Karting, une bonne bouffe le soir... un week-end de folie avec, entre autres, David Vuillemin, Fred Bolley, Stéphane Demartis, Bertrand Quartier, Sabrina Jonnier, Arnaud Viac et bien sûr le regretté Alain Olivier... Auparavant, j’étais déjà venu à Cogolin avec l’ami Vincent Ranchoux pour une petite visite dans les locaux, qui, à l’époque, se limitaient au sous-sol d’une villa ! C’était les débuts de la boîte, mais déjà, on sentait que tout le monde était animé par la même passion de la nature et du deux-roues en tout-terrain... Moi qui évoluais dans le milieu du motocross en tant que journaliste à Moto Verte et dans celui du mountain bike chez VTT Magazine, et ayant grandi entre Toulon et Bandol, je ne pouvais que m’entendre avec cette bande de Varois sympathique. Je me souviens, lors de mon premier reportage aux USA pour MX Mag, Danny Laporte, un ami de Fred et champion du monde de motocross, m’a accueilli à bras ouverts en Californie. Grâce à lui, j’ai pu passer deux journées entières avec le team FMF, à l’usine de pots d’échappement et ramener une belle interview du boss Don Emler. Depuis, on est passé de FMF à Tribe Sport Group... Aujourd’hui, l’activité de la société est axée à 90 % sur le VTT et quand on voit les marques que la boîte distribue, la place qu’elle a pris dans le paysage cycliste français et le succès de Urge – dont j’ai la chance d’être l’un des ambassadeurs pour le casque Gringo ça m’inspire juste un profond respect pour Fred, Manou, Laurent et toute la tribu. »

Ancien rédacteur et photographe chez VTT Mag Aujourd’hui rédacteur chez vttae.fr

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Chris Caprin


« J’ai rencontré Fred sur un parcours de VTT, puis Laurent, à la fin des années 90. J’étais encore jeune étudiant et nous nous retrouvions tous les weekends avec Fred et sa ‘‘bande’’ dans les Patapans, sur les collines de SaintTropez et de Ramatuelle. L’objectif de ces rencontres hebdomadaires était très sérieux : on se disputait le titre de Champion du monde de VTT des Patapans, titre certes honorifique mais de première importance pour nous à l’époque... C’est dans ces années-là que j’ai commencé à bosser pour FMF, qu’on pouvait qualifier comme une entreprise de jeunes passionnés très concernés par les produits qu’ils distribuaient.. Ils ont osé, comme de vrais entrepreneurs, et ont bâti pas à pas la success story qu’on connaît aujourd’hui. Depuis environ 10 ans, j’ai eu des fonctions de management organisationnel et opérationnel au sein de groupes allemands, et forcément ce n’était pas le même état d’esprit au début chez Tribe ! Comme toute entreprise qui se lance, c’était de petits bureaux, avec quand même des fauteuils de courtoisie pour les invités, et surtout, des brioches à 16h !

Euh... je reformule : des planches sur des tréteaux servaient de bureaux et des ‘‘cartons de courtoisie’’ tout enfoncés étaient à disposition des invités qui apportaient les brioches à 16h. Il fallait le voir pour le croire, mais c’était génial ! Le sav, déjà au cœur de la société, se faisait dans la cuisine, entre la vaisselle et les colis en attente. Tout était optimisé... avec la bite et le couteau ! Après cette première expérience dans le garage de Cogolin, j’ai collaboré avec Tribe lorsque je supervisais le réseau de distribution international pour Formula en Italie – c‘est même Laurent qui leur avait conseillé de me recruter. C’est là que j’ai réalisé que dans un monde en perpétuelle évolution, il faut des entreprises comme Tribe pour vous rappeler quotidiennement pourquoi le métier d‘importateur/ distributeur existe encore aujourd’hui. En plus d’être devenue une organisation logistique spécialisée de premier ordre, Tribe continue d’apporter une vraie valeur ajoutée à toutes les marques qu’elle distribue. Au même titre que ses dirigeants, c’est une entreprise qui affiche fièrement ses valeurs et qui tient ses engagements ! »

Arnaud Viac Premier employé SAV chez FMF, ancien directeur commercial chez Formula Champion de la Bouchasse Cup Aujourd’hui directeur des services chez Accell Group

« Mon premier contact avec Tribe, FMF à l’époque, c’était quand j’étais étudiant en langues étrangères appliquées. Fou de vélo, je cherchais un stage dans une boîte qui faisait de la distribution dans ce domaine – de préférence dans le sud, histoire de joindre l’utile à l’agréable. Eux devaient être bien contents d’avoir un stagiaire, et ils m’ont accepté comme commercial. Quand je suis arrivé là bas, ce fut une bonne surprise, car c’était une boîte encore plus petite que ce que je pensais, composée de Fred, Lolo et Poulet, qui venaient de sortir de leur garage pour entrer dans les deuxièmes locaux, avec Bertrand Quartier. Ils avaient déjà quelques marques : Formula, Race Face, Fox... À cette période, les freins B4 offraient une belle croissance à la boîte. Sur mon deuxième stage, j’ai commencé à faire du SAV, et quand j’ai signé un contrat à plein temps, Formula sortait les B4 SL, un frein très léger en magnésium, un matériau pas adapté pour les freins à disque. On en a vendu énormément, et pendant des mois, j’ai dû gérer les retours et l’entretien sur ces produits défectueux ; les clients me mettaient des tirs pas possible au téléphone, et Formula a avoué très tardivement d’où venait le problème. Notre image en a pris un coup. D’autant que la réputation de FMF était difficile à défendre au début, souvent considérée comme une entreprise de sudistes branleurs à grandes bouches, qui partaient en voyage au lieu de bosser. On était tous un peu sanguins – même moi je le suis devenu ! – et on avait tendance à les envoyer chier...

Côté finance, ça a été compliqué aussi. Un jour, on a voulu récupérer le matos chez un magasin qui avait une belle ardoise. Ça paraissait simple, jusqu’au moment où le gérant nous a enfermés dans le magasin en fermant la grille, et a appelé les flics ! On s’est retrouvés comme quatre cons et les flics nous en embarqués pour violence en réunion. Sur le moment c’était pas drôle, surtout que j’étais encore jeune et tendre, mais maintenant on en rigole bien. Je m’en rends compte aujourd’hui avec Pure Bike : c’est dans des boîtes de petit format que tu te formes vraiment et que tu te fais des souvenirs incroyables. Il y a eu un moment où Fred est devenu très actif sur l’organisation des courses enduros, de la Tribe 10 000 jusqu’aux Enduro Series, puis aux EWS. Il a fallu exporter le format avec beaucoup de stations, et c’est moi qui devais aller voir les mecs sur place pour préparer les courses. Ça me sortait du bureau, j’étais à la montagne et c’était très intéressant. C’était aussi énormément de boulot, parce qu’il ne fallait pas se louper au risque de se prendre un tacle de la part de Fred, qui voulait que tout soit parfait !

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« Stylé »

Poirault

Un des plus anciens employé de Tribe Aujourd’hui dirigeant du magasin Pure Bike

Christophe

Poomans

Julien

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Champion du monde de DH junior, ancien employé de Tribe Sport Group ayant occupé tous les postes Aujourd’hui en reconversion pour devenir artisan plombier

« En 1996, je voulais acheter des protections VTT que distribuait FMF, j’avais 14 ans. J’ai mis une semaine à trouver l’endroit, une espèce de studio où il y avait Viac, une petite cuisine, deux tréteaux, deux ordis, et des fringues sur des portants. J’étais à fond dans ma carrière, et ils m’avaient fait un tarif spécial. J’ai d’abord roulé chez SCOTT, puis dans le team Vouilloz. Ça avait un peu tourné au vinaigre, et ma mère me mettait la pression pour que je trouve un travail. Fin 2002, mon entraîneur a eu besoin de se faire entretenir son amortisseur et je suis retourné chez FMF. Fred cherchait justement quelqu’un pour les expéditions et il m’a proposé un mi-temps. Je pouvais continuer à m’entraîner tout en gagnant de quoi financer ma saison. Il m’a ensuite trouvé un contrat chez Foes, et je suis parti aux US faire une saison. Puis je suis resté chez Tribe, j’ai été pilote pour Yeti en France et je faisais des vidéos pour eux avec les équipements quand ils en avaient besoin. J’ai fait sept ans comme commercial, puis j’ai fait une pause de cinq ans en tant que barman à Saint­-Tropez. Je faisais que du vélo depuis tout jeune, et j’avais besoin de voir autre chose, et surtout de faire la fête. C’était ma crise d’ado retardée en fait ! J’ai vécu le développement de la boîte presque depuis ses débuts. J’ai roulé pour eux, j’ai fait tous les postes des colis au SAV, j’ai été responsable sur le lancement des vélos routes, j’ai roulé en électrique quand ils s’y sont mis... J’ai aussi repris les enduros series après Stylé, pendant 3 ans. Un bon concept qu’on a su développer. Avec Fred qui pilotait et mon expérience du vélo c’était assez facile : il n’y avait qu’à appliquer. Ça m’a permis de sortir du bureau et ça m’a fait une belle expérience. C’est plus qu’une entreprise pour moi. On a passé de super moments, on faisait des sorties VTT toutes les semaines, on a fait les Tribe Trips, Fred m’a fait découvrir plein de choses, je m’entends très bien avec Laurent et toute l’équipe. Là, je repars pour d’autres aventures dans la plomberie. J’aime travailler avec mes mains, j’avais ce projet en tête depuis tout jeune, et je sens que c’est le moment. Mais je suis toujours dans le coin et à tout moment on peut se faire une sortie vélo avec les gars ! »

D’ailleurs, j’ai des souvenirs de Fred qui voulait que je mette le haut-parleur quand j’avais des clients motos au téléphone. Si j’étais incollable sur le vélo, côté moto j’y comprenais un beignet, et je tremblais à chaque fois qu’un mec me posait une question, voyant Fred bouillir devant mes réponses ! C’était un peu chaud parfois ! C’est l’exigence que tu as quand tu défends ta boîte depuis le début, ce que je comprends maintenant que je suis moi-même gérant. C’était très formateur, et bien-sûr à côté de ça, on passait notre temps ensemble à déconner, en famille. C’était une super époque. Pour l’anecdote, quand je suis arrivé chez eux, jeune et frais du haut de mes quelques 21 ans, je faisais toujours le pitre en vélo. Quand on allait rouler, j’étais sur un vélo de 20 kilos, j’avais la caisse à fond et j’étais toujours en train de tirer des wheelings, à sauter de-ci de-là... ‘‘Oh toi tu fatigues à toujours faire le con sur ton vélo, on va t’appeler Stylé !’’ »


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François ‘‘Soifran’’ Berny

Ancien tribeur sur les Tribe Trips et ambassadeur urge Aujourd’hui chef des essais chez Big Bike Mag et enseignant en sciences de l’ingénieur

Ludwig Bourdon

« Je fais du VTT depuis mes treize ans. Juste avant mon diplôme, je devais faire un stage de fin d’étude et j’ai contacté Tribe parce qu’ils commercialisaient des marques qui me plaisaient beaucoup. Je suis rentré du Canada pour faire ce stage au terme duquel Fred et Lolo m’ont proposé un poste de commercial. C’était en 2002, on était six ou sept – quand je suis parti en 2011, on était autour de trente. C’était donc tout petit. J’étais avec Ed et Poulet au téléphone. C’était à celui qui vendait le plus. Poulet nous mettait bien-sûr la misère, mais c’était très formateur. Il y avait tout à faire à cette époque et ça me bottait bien, mais c’est surtout les individualités qui m’ont fait rester. Par la suite, j’ai pu gérer l’approvisionnement des produits, puis j’ai eu la responsabilité de trouver des distributeurs pour Brake Authority et Urge. À cette période, Fred était un peu tout feu tout flamme... Ça arrivait qu’on se prenne des volées de l’espace ! Trois semaines après avoir commencé mon stage, j’ai eu le malheur de répondre à un journaliste par téléphone, alors que le seul à pouvoir parler aux journalistes pour consolider l’image de Tribe , c’était Fred. Quand je lui ai dit ça à son retour, je me suis fait jeter d’une façon mémorable. À tel point que je lui ai dit d’arrêter, sans quoi je quittais la boîte ! Même avec ces quelques épisodes explosifs, il y avait une super ambiance et une belle cohésion. On s’est fait de beaux souvenirs. Par exemple, il y a eu les week-end Tribe Training Camp, à la sauce Fred. En gros, pendant un week-end, on faisait n’importe quoi ! Deux jours où on se défonçait, où on était poussés dans nos retranchements. On finissait en miettes ! C’est pour moi un bel exemple de boîte saine et qui a réussi. Quand j’y repense, Fred a quand même été un des premiers à voir arriver les 29 pouces et à en distribuer. Il a aussi lancé les enduros series. Lolo gérait le côté analytique et financier, et Poulet l’aspect commercial. Tous les trois ont fait ce que Tribe est devenue aujourd’hui. »

« J’ai été mis en relation avec Fred par un ami commun, Patrice Boisvin, en 95. FMF lançait une ligne de vêtements VTT et cherchait des pilotes pour les porter. Je venais de faire 7e à la Mégavalanche de l’Alpe d’Huez, je n’avais pas de sponsor et seul un petit shop m’aidait un peu en faisant de bons tarifs sur le matos. Patrice a pensé à moi et en a parlé à Fred. La première rencontre de visu s’est passée quelques mois plus tard à Flaine pour la Snow Bike. Ma première course sous les couleurs FMF... Le courant est tout de suite bien passé ! J’étais hyper content d’avoir un peu d’aide. Fred faisait ce qu’il pouvait avec ses moyens de l’époque et je faisais la même chose de mon côté. J’aimais bien l’esprit de la boîte et les produits qu’ils avaient. J’ai vu le catalogue grossir et s’étoffer progressivement, impressionné par l’ampleur que ça prenait. J’ai réussi à suivre cette évolution quelques années durant lesquelles je connaissais encore tout le monde dans la boîte. Mais maintenant ce n’est plus le cas, ils sont trop nombreux ! Ce qui est rassurant, c’est d’y croiser toujours de bonnes vieilles têtes comme celles de Fred, Laurent, Ed, Boudeou, Poulet... Et même si on ne se voit pas souvent, c’est agréable de se parler comme si on s’était vu la veille. J’ai longtemps couru sous les couleurs de Tribe, participé à des Trips, et j’entretiens aujourd’hui une relation d’amitié avec Fred et quelques autres anciens de Tribe. »

Corto

Fajal

C’était à chaque fois un challenge, que j’ai reconduit sur huit voyages en tout. J’ai aussi filmé sur les enduros séries et quelques autres courses. Cette période a été fondatrice de tout ce que j’ai fait après. Elle m’a donné le goût du voyage et la créativité pour trouver des solutions, même en plein milieu du désert. Ça m’a formé aux conditions de tournages dans le dur, et par la suite, dans mon métier, je n’ai jamais été dépaysé. Concernant Tribe, je suis plus proche des hommes que de l’entreprise, même si j’ai toujours suivi de loin son évolution. Fred et Laurent c’était un duo un peu étrange mais c’est peut-être ça qui a fait son succès. En fait, j’ai toujours eu l’impression que c’était une boîte de potes, avec un noyau dur de gens qui sont encore là aujourd’hui. Il fallait faire du chiffre mais on sentait qu’il y avait une super ambiance, un peu à l’anglo saxonne. J’ai surtout passé beaucoup de temps avec Fred, Zanini et Alin’s. C’est eux que je voyais quand je venais, ou quand on partait en voyage. La dynamique de Tribe était en grande partie calquée sur celle de Fred, lui-même influencé par Alain. Son décès a brutalement bouleversé cette trajectoire... Il y a eu un avant et un après. Tribe, c’était aussi le ‘‘magasin magique’’ ! Quand tu y passais, tu rêvais de tout avoir. Fred faisait des réductions pour ses amis, ce qui rendait le matériel accessible. Je repartais toujours avec des Tshirts, un cadre ou de nouvelles pédales ! »

Ancien tribeur sur les Tribe Trips et réalisateur de la plupart des films sur ces voyages Aujourd’hui réalisateur de films documentaires « Je me souviens très bien de ma rencontre avec Tribe, en 2003. J’avais découvert le VTT quelques années plus tôt, et je voulais monter un projet dans l’évènementiel pour la coupe du monde 2004 aux Gets. On cherchait des partenaires, et c’est comme ça que j’ai été reçu par Tribe pour en discuter. Ce projet ne s’est jamais fait, mais Fred m’a recontacté peu de temps après pour me demander de monter les rushs du Tribe Trip au Pérou, ce que j’ai fait même si les images qu’ils avaient ramenées n’étaient pas exceptionnelles ! C’est ainsi qu’ils m’ont proposé de partir avec eux sur les Tribe Trip pour faire mieux. Je n’ai jamais eu le niveau en VTT des gars de Tribe, et en plus je venais du nord, alors tu connais les sudistes... Ils s’en donnaient à cœur joie ! Mais j’ai tout le temps suivi, mon vélo sur une épaule et ma grosse caméra sur l’autre. Une fois en haut, ils s’amusaient, et moi je bossais ! En 2005, on avait pas le matériel miniaturisé d’aujourd’hui, donc pour filmer un Trip VTT au Kilimandjaro, il fallait être créatif. C’était pas évident de rendre en vidéo la vitesse ou le dénivelé. Je demandais aux gars de rouler pratiquement sur la caméra, j’utilisais des ralentis... On avait pas mal innové pour l’époque.

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TÉMOIGNAGES

Ancien employé commercial chez Tribe Sport Group Aujourd’hui responsable commercial export pour Shark Helmets


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L’ŒIL DE

CHRISTOPHE «POULET» GALLO

« En fait, Lolo était très efficace pour faire croire à tous les fournisseurs qu’on était farcis d’oseille alors qu’on n’avait pas un rond ; Fred était fort pour bluffer devant les journalistes, et il a fait quasiment 10 ans de com sans lâcher un centime ; et j’étais doué pour vendre les produits dans les magasins. Trois “endormeurs” dans leurs domaines respectifs. Cette combinaison a en grande partie favorisé l’essor de départ de cette boîte. »

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#2

« Toujours dans notre période de grandes famines intermittentes, on distribuait les vélos Sintesi. Ils ont eu un modèle en particulier qui s’est très bien vendu, le Python, si bien qu’ils se sont mis à le décliner à toute les sauces : le Python XC, le Python DH, le race, et ainsi de suite. J’étais en tournée autour d’Avignon, et j’essayais d’implanter Sintesi dans un magasin. Forcément, j’avais un Python dans la voiture. — Regarde la cinématique, elle est top niveau. Prends le vélo tiens. Descends le trottoir, vas-y. Le client attrape le vélo, il descend les quinze centimètres de trottoir et il pète le cadre. Le vélo s’est fendu en deux. Là, je vois flou. Je lui balance comme ça me vient : — Ah putain il fallait pas descendre le trottoir... J’ai oublié de te dire... mais ils n’ont pas cuit le cadre de ce vélo. C’est heu... un échantillon, le cadre n’est pas encore cuit, il est pas solide. J’ai oublié de te le dire... — Ah ouais, heureusement, le mec me répond. Parce qu’avec ça, si mes clients descendent un trottoir et qu’ils pètent leurs cadres... — Non, là c’est qu’il n’a pas été traité en fait. Ils sont costauds leurs produits. Malgré ça, j’ai quand même réussi à lui vendre quelques modèles ! »

#3

« On avait décidé de faire fabriquer des maillots manches longues avec doublure chaude en Italie. Ils étaient couverts d’un motif camouflage désert bien dans la tendance VTT et ils avaient une couche de laine à l’intérieur. Le problème, c’est que le fabricant s’est trompé de taille, et les maillots sont arrivés avec des manches qui s’arrêtaient au milieu des avant bras. Des trucs invendables. Fred avait alors demandé à Fabrice Arbaud de découper proprement les manches pour faire en sorte que ce soit un minimum présentable. On s’est retrouvé avec une caisse de maillots à manches courtes, doublés en doudoune à l’intérieur : zéro cohérence, mais au moins ils avaient une apparence normale. J’ai donc réussi à les vendre ! Les années qui ont suivi, quand je passais dans les magasins des clients, je revoyais les maillots : personne n’en a jamais acheté ! »

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#1

« Il y a eu de rares mais mémorables moments où on a vraiment cru qu’on allait mettre la clé sous la porte. Ainsi avant les années 2000, il y a eu cette fois où on était vraiment au bord du suicide, et on savait pas trop quoi faire. De l’extérieur, la boîte avait une image dorée, mais financièrement on ne tenait plus. Lors de ce que je pensais être notre dernière semaine, un client de l’île de la Réunion s’est pointé et je suis arrivé à le convaincre que s’il ouvrait une succursale de FMF chez lui, ça allait faire un carton. Je lui ai expliqué l’idée que c’était vraiment un pari fiable, qu’il lui faudrait plein de produits FMF à mettre en vitrine... Je jouais ma dernière carte, en sachant qu’on allait pas finir la semaine. Et ça a marché, le mec s’est laissé convaincre ! On lui a donc vendu TOUT le matos FMF qu’on avait, c’est-à-dire les pots, mais aussi les textiles et pleins de trucs qui trainaient et qu’on pensait ne jamais vendre. Il a tout pris, ce qui nous a permis de réinvestir dans d’autres produits et de continuer l’aventure. »


L’EMBAUCHE

« Comme je faisais l’assistance Formula, j’étais toujours puni : quand on faisait des courses, moi je m’amusais pas. La première fois qu’on est monté pour la Free Raid, tout le monde était là pour faire son job de commercial, discuter avec deux trois journalistes, et surtout pour rouler tout le week-end. Tous les mecs se sont régalés, pendant que moi je purgeais des freins. L’année d’après, même scénario. Pour la troisième année, on s’organise autrement, et j’ai enfin le droit de rouler une journée ! Je pouvais finalement profiter du beau temps, de la montagne. En plus, les Portes du Soleil, c’est magnifique. J’ai qu’une hâte, c’est d’y être. Je prends mon petit sac à dos, mes lunettes de soleil, mon vélo, tout est réglé, je pars. Je monte dans le premier oeuf. Youpi ! Je suis tout seul, j’enlève mon sac et je me grille une clope. Il fait grand soleil, l’air est frais, je vais me régaler. Je récupère mes affaires, je décroche mon vélo, et c’est parti pour rouler. Mes lunettes, quant à elles, sont restées... dans les œufs. Ça faisait des semaines qu’il n’avait pas plu une goutte, et avec les trois mille personnes qui roulaient, ça faisait de la poussière partout. Impossible de doubler qui que ce soit, parce que quand je m’approchais d’un vélo, je me prenais une fumée pas possible et je ne voyais plus rien. Le lendemain, on aurait dit que j’avais choppé la myxomatose. Déjà que j’ai de gros yeux, mais là ils étaient rouges, injectés de sang et faisaient trois fois leur taille normale. Je m’excusais auprès des clients qui me voyaient arriver avec mes lunettes de soleil, que j’ai dû garder pendant plusieurs jours. Des douze portes, j’en ai vu qu’une. Je faisais les descentes à l’aveugle. En plus, j’avais récupéré des pneus avec des tringles indémontables, et forcément j’ai crevé. Avec mes démonte-pneus en acier, je me suis acharné à tel point que j’ai déformé la jante. Tout le monde s’était regroupé en face à l’ombre à discuter, à rigoler, pendant que j’étais seul en plein cagnard à me battre avec mon vélo. »

LA DESCENTE « Sur une des premières Tribe 10 000, à Allos, je me retrouve dans un groupe en haut de la deuxième montée, à descendre tous les vélos. Ils arrivaient sur un télésiège et on les préparait pour le coureur qui descendait du suivant. Donc on faisait ça toute la journée, et on prenait des coups de soleil fantastiques. Arrive la fin de la journée. Sam Peridy, à l’époque journaliste pour VTT mag et coureur sur cette course, me laisse son appareil photo à son passage et me demande de le redescendre pour pouvoir faire des photos de l’arrivée. Je m’arrange avec mes collègues pour qu’ils gèrent les derniers vélos et je descends dans la foulée par les télésièges. J’arrive au niveau inférieur, je marche 100 mètres pour rejoindre les dernières remontées mécaniques, qui ferment devant mon nez. Il me faut donc traverser la dernière piste rouge à pied, et à l’époque j’avais pour habitude de ne pas trop courir. Je décide de marcher vite. Et puis il y avait tellement de pente que finalement, je me dis que je vais courir. Comme ça, ça va aller. Alors je cours. Je cours... De plus en plus vite. J’arrive en bas à toute vitesse et je donne l’appareil photo à Sam. Le soir, je suis démonté. La semaine suivante, je boite. Habituellement, quand tu cours, tu as un peu de mal dans les escaliers. Là, je marchais en continu comme si j’avais passé une soirée avec un âne. Je crois que pas une seule photo de Peridy n’a été publiée, et moi je me suis fracassé les guibolles comme jamais dans ma vie. »

« Quand tu fais une sortie avec les gars Tribe, ou que tu pars en voyage avec eux, il a une règle fondamentale à connaître : chacun pour sa gueule. Tout le monde te le dira : ici, le sport, c’est la guerre. Tu te loupes, tu perds ton chemin ? Pers ne viendra te chercher. Tu casses ta chaine ? Personne ne viendra te chercher. Si par chance tu te vautres devant les autres, entendras parler un moment, mais ils quand même t’attendre. Par contre, si tu es derrière, à la rue, et qu’il t’arrive quel chose, eux ils vont rentrer au bo Effectivement, si à 18h tu n’es pas rentr peut-être qu’ils partiront à ta recherche Malgré tout, en temps voulu, ils sa prendre soin de toi. Quand je me suis opérer de l’appendicite, j’ai pas tenu une semaine à tourner en rond chez moi et j’ fait raccourcir mon arrêt de travail. Puis insisté pour venir faire l’assistance Formul sur une course à Allos. C’est Fred qui accompagné et qui s’est occupé de moi gérant le public et en s’assurant que je ne force pas trop. Il peuvent t’abandonner la forêt si tu ne pédales pas assez vite, dans un autre contexte que celui du sport, viendront t’aider sans se poser de question.

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L’ŒIL DE 40

LAURENT «BOUDEOU» DUFFET

LES PORTES DU SOLEIL

« Suite à une discussion avec Vincent Fournier m’indiquant que les gars de Cogolin cherchaient un technicien pour les Freins formula, j’appelle chez F Sport Group pour un entretien d’embauche. Appel rapide, bon contact, rdv pris quelques jours plus tard. Je me prépare de mon mieux ; je m’habill comme un margoulin car c’est comme ça que je m’habille ; ne me rase pas parce que je ne me ras pas ; je prends la précaution d’enlever l’autocollant FMF de ma voiture, parce que ça fait un peu trop fan club genre lèche-cul, et zou, direction le pays de l pipe en bruyère. L’entretien se passe bien, ambiance détendue, je m’invente des capacités, des qualités des compétences qui m’échappent. Je demande à payé en sesterces : j’ai bien compris qu’il n’y avait pas d’argent à gratter. ‘‘On vous rappelle.’’ Douce chans Et on me rappelle. Et j’entre dans la famille. J’apprendrai plus tard que le seul truc qui a déclenché mon embauche, c’est mon accent. »


« J’ai rencontré Fred un 15 août, à une soirée organisée par ma meilleure amie. À l’époque, j’étais étudiante en école de commerce avec une vie déjà toute tracée en perspective. Fred était plagiste dans le camping des parents de celle-ci. Il était différent de ceux que je cotoyais habituellement : il dégageait une belle énergie et fourmillait de projets de voyages. Bronzé comme un surfeur, il avait à mes yeux un petit air de David Bowie. J’ai pas hésité une seconde, je lui ai sauté dessus ! Enfin je crois que c’est plutôt lui qui m’a sauté dessus… A l’époque c’était l’ère des premiers VTT, et une découverte pour moi grâce à Fred. On roulait sans casque bien sûr ! Depuis, j’ai pas arrêté de pédaler. Faut croire que ça me correspondait bien. J’ai commencé avec un Kona. Comme je n’ai pas un feeling extraordinaire, je mets toujours un peu de temps à m’habituer à un nouveau vélo. Quand je commence à bien le maîtriser, eh bien c’est déjà le moment de le changer ! Blague à part : j’ai toujours un peu le syndrôme de l’imposteur quand je reçois un nouveau vélo. Mais bon je ne boude plus mon plaisir et j’essaye d’apprécier le beau matos à sa juste valeur. Je me souviens que pour mes 35 ans, Fred s’était saigné et m’avait offert un splendide Rocky Element (ndlr Team Scandium série limitée feuille d’érable peint à la main !). Je n’avais pas apprécié l’esthétisme ni l’équipement et j’avais juste critiqué la couleur ‘‘rouge et blanc de l’équipe de Foot de Monaco…’’ Depuis j’ai un peu évolué, heureusement. La moto par contre, j’ai laissé Fred en faire tout seul. Bien sûr, je l’accompagnais sur plein de courses d’Enduro dans tous les beaux coins perdus de France. J’ai porté les bidons, enlevé la boue sur son masque, calculé les temps, préparé les ravitos… On était en bande et toujours répartis de la même façon : les hommes sur la moto et les femmes à l’assistance ! Que ce soit maintenant ou à l’époque, il n’y avait pas beaucoup de Ludivine Puy sur les circuits. J’étais pas très douée pour l’assistance, et un jour je suis même arrivée en retard sur un CH. Il n’a pas pû faire le plein et est tombé en panne. Il ne m’en a même pas voulu, un vrai gentleman… Mon grand-père avait une petite entreprise de transport. Il trouvait que Fred avait un certain gaoubi, niveau pilotage notamment. Ce qui le perturbait quand même, c’est qu’au début de notre histoire il n’avait pas de ‘‘vrai’’ métier – si possible manuel. Il me citait souvent en exemple une de mes copines qui fréquentait un prothésiste dentaire. Le graal pour lui.

Il disait aussi qu’un bon business, c’est une activité où les patrons comme les employés et les clients s’amusaient et prenaient du plaisir. Prémonitoire ? Contrairement à mon grand-père, je n’ai aucune fibre mécanique ! Je sais à peine gonfler un pneu. Mais j’ai toujours eu beaucoup de chance et très peu d’ennuis mécaniques sur un vélo. Je touche du bois… Quoique… le bois ne nous a pas trop porté chance ces temps-ci ! Fred n’a pas beaucoup plus la fibre que moi en fait. Ça ne le passionne pas. Je ne l’ai jamais vu bricoler, dans son garage ou ailleurs, autrement qu’en cas d’extrême nécessité, et toujours en s’énervant énormément. On sous-traite beaucoup côté mécanique. Ce qui nous plait à tous les deux dans le vélo, ce sont avant tout les bonnes sensations quand on ride, le contact avec la nature sur de jolis sentiers, faire de belles rencontres parfois… mais pas trop le bricolage ! Quand ils ont créé FMF, je ne me suis pas posé plus de questions que ça. J’ai toujours eu confiance en Fred – et en Lolo. À l’époque, j’étais enceinte et je les ai aidés à monter le dossier pour avoir des subventions – la paperasse, c’est pas non plus le truc de Fred ! Je bossais alors dans une grosse boîte empêtrée dans ses révolutions culturelles cycliques, avec de nombreuses contraintes et une marge d’action réduite. Tandis qu’eux ils étaient libres : libres d’oser, d’avoir de l’audace, de se planter ou de réussir. Le mérite, ou la faute, n’en reviendrait qu’à eux. Le rêve ! Effectivement, ils ont mis quelques années avant de pouvoir se dégager un revenu correct, du coup j’ai naturellement subvenu aux besoins du foyer. Un vrai couple moderne quoi…. Aussi loin que je me souvienne, on n’a jamais manqué de rien, on attendait nos jouets juste un peu plus longtemps. Depuis le départ de l’aventure je suis à ses côtés, je me réjouis bien sûr de sa réussite mais avant tout ce sont ses qualités personnelles que j’admire. J’ai participé à quelques Tribe Trips et j’en ai d’excellents souvenirs, de belles expériences de ride et de vie au plus proche de la nature et des éléments : orage d’anthologie en Croatie, végétation luxuriante à la Réunion, un lac sublime et glacé en Norvège et puis le Cap Vert, une grande claque sensorielle et émotionnelle.

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L’ŒIL DE 42

EMMANUELLE «MANOU» GLO

Avant de rejoindre Tribe, j’ai eu quelques projets solo, comme PEPS, pour Pédaler et Pagayer dans le Golfe de Saint Tropez - Pays des Maures et des horizons plus lointains parfois. J’ai aussi organisé le Urge Cabo Verde, qui a été un vrai défi logistique, notamment pour le transport des vélos entre les différentes îles. On croit avoir tout prévu, et pour des contraintes administratives – liées au temps de vol des pilotes de la compagnie privée qu’on avait affrétée – tout a été remis en question. On s’est ainsi retrouvés avec Fred dans un petit bateau privé sur un bras de mer entre Mindelo et Santo Antao, en pleine tempête avec des creux immenses, accrochés aux sacs de vélo et à la civière gonflable qu’on offrait aux Bombeiros, les pompiers de là-bas. Seule consigne de Fred: ‘‘si on chavire, vise le matelas gonflable et accroche-toi !’’

Je suis arrivée chez Tribe par la suite. Fred ne voulait surtout pas que je prenne ma retraite avant lui … donc il a cherché à m’occuper par tous les moyens ! Il leur manquait un responsable qualité… En terme de poste, je dirais que je suis une sorte de Hub Urge. J’adore cette marque, c’est MA marque ! Non, c’est pas vraiment la mienne mais celle de Fred, Lolo, Poulet, et Fab. Donc finalement c’est un peu la mienne par procuration ! C’est excitant d’avoir ‘‘sa’’ marque et d’essayer de tout maîtriser de bout en bout : le développement, la production, la livraison, avec le plus d’éthique environnementale possible. Finalement, le sentiment que toutes ces années me laissent, c’est qu’il ne faut jamais se brider, toujours oser, et si on échoue ou qu’on se rate, surtout, il faut recommencer.


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par Fred Glo « Dans nos premières années, il nous est arrivé

de toucher le fond. Et surtout cette fois-là. On avait cette gamme de textile FMF qu’on faisait fabriquer en Italie. On avait passé une commande de maillots mais la livraison tardait un peu trop. La saison commençait et les Italiens nous répétaient toujours que ça allait bientôt arriver, tandis que le temps commençait à manquer de notre côté. On finit par les rappeler une ultime fois, et ils nous assurent que les colis seront envoyés le week-end suivant. On ne pouvait plus se permettre de perdre une journée et on décide d’aller les chercher nous-mêmes. Il fallait se rendre du côté de Venise. On n’avait pas de véhicule adéquat, mais on avait Mike Navab, un copain qui possédait un petit camion. ‘‘Pas de problème, prenez-le ! Par contre il a des bornes, il marche pas bien, j’espère que ça va quand même le faire.’’ Nous étions partis sans attendre, Lolo et moi. Le camion avait une sale dégaine, style contrebande. On fait le trajet, et effectivement on tombe en panne deux ou trois fois, mais sans que ce soit trop problématique – le véhicule refroidissait et on repartait. On arrive dans les faubourgs du village en toussotant, avant que le camion ne s’écroule dans l’avenue principale. On était quand même à bon port, mais il était presque minuit et on était en panne. Évidemment, on se fait arrêter par la police locale. Ils contrôlent les papiers, le véhicule, et on finit au poste pour examen supplémentaire. Ils comprennent malgré tout que le véhicule n’est pas volé et que nous ne sommes pas de grands délinquants. Ils nous laissent partir et on trouve un hôtel pour la nuit. Le lendemain, dès l’aube, on cherche à faire réparer le camion, puis on se rend à la fabrique, chez l’ami Fausto, le gérant de la boîte qui fabrique nos maillots. C’est sa mère qui nous reçoit : — Fausto se marie ce week-end, mais ne vous inquiétez pas ! Repassez en fin de matinée et vous aurez vos maillots !

On comprend vite qu’ils sous-traitaient la commande, et quand on revient, un autre gars se confond en excuses, se justifie, mais ne démord pas et assure que tout sera bientôt prêt. Nous, on était comme des fous. On s’énerve, on enrage même. Rien n’y fait, on se fait balader jusqu’au bout. On avait fait le voyage pour du vent et on est repartis avec le camion à vide, totalement impuissants, dégoûtés. Sur le chemin du retour, en plein milieu du trajet sur l’autoroute, le camion tombe à nouveau en panne, et ne redémarre pas. Là, on était vraiment écœurés. On arrive tant bien que mal à se mettre sous un pont. Dans notre malchance on avait quand même réussi à s’échouer pas trop loin d’une station service. On a laissé le camion là et on a marché 4 kilomètres jusqu’à la station, où l’on a trouvé un téléphone pour appeler Mike. — On est désolés, ton camion est en panne... Je crois que cette fois, il est mort... — C’est pas grave les gars, je viens vous chercher ! À cette époque, il avait un peu de sous, le Mike. Il est donc venu nous chercher en seigneur, avec sa Mercedes boostée et ses 500 chevaux. En 3h il était là. On est passés sous le pont, il a arraché les plaques du camion, et on est rentrés à 250km/h, la queue basse. Dans cette aventure, on aura laissé le camion de Mike, notre commande – qui arriva quinze jours plus tard – et un peu de notre superbe. »

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LA CAMIONNETTE DE MIKE


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« C’était en 2008, l’année de la crise financière. On avait jusqu’alors un petit tableau de bord pour suivre mensuellement les performances de la boîte, histoire de s’assurer qu’on était profitables et qu’on ne perdait pas d’argent. On dégageait pas beaucoup de bénéfices mais ça roulait quand même. Au repas de Noël, on félicite tout le monde pour les efforts qui ont payé. Au début de l’année, on commence le vrai bilan comptable en janvier, et on découvre avec effroi qu’on a un déficit autour de deux ou trois cent mille euros. On ne s’en était pas rendu compte, mais on avait creusé un trou monumental par rapport à notre chiffre d’affaires de l’époque, et notre tombe par la même occasion ! Il a fallu réagir très vite en coupant des dépenses un peu partout pour ne pas couler, et j’ai passé quelques nuits blanches au boulot. Depuis, on a changé nos outils de contrôle pour d’évidentes raisons. On goûte peu les surprises... »

par Laurent Cornec

ÉCO RESPONSABLES « Côté recyclage et éco-responsabilité, on était de grands pionniers, pour ne pas dire des visionnaires ! On n’avait pas les thunes pour acheter des cartons d’emballage. Ou en tout cas, on faisait des économies là-dessus pendant une paire d’années, parce que ça nous aurait coûté trop cher. On avait notre solution : tous les matins, avant de venir au bureau, j’allais au Leclerc et je récupérais tous les cartons qui traînaient ! Il y avait un peu de tout. Entre autres, je me souviens des cartons Vania Pocket, qui avaient un format intéressant et qui étaient bien utiles. C’est moi qui faisais les colis, et j’avais beau scotcher dans tous les sens, je n’arrivais pas à couvrir ce qui était imprimé – sans parler qu’on faisait aussi des économies sur le scotch ! On a donc envoyé pas mal de produits dans des cartons de serviettes hygiéniques. J’aurais bien aimé voir la tête des mecs qui recevaient leurs commandes dans ce genre d’emballage, à l’époque où le recyclage, c’était pas vraiment dans l’air du temps. Ils devaient se dire qu’on était de pauvres bougres, ou des dingues... »

par Fred Glo

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FÉLICITATIONS LES GARS


LA LIGNE JAUNE par Fred Glo « Il nous a fallu quatre ans pour se sortir un salaire. Quatre ans de galère à essayer

par Fred Glo

MAGNÉSIUM « On a toujours fait le service après-vente de toutes les marques qu’on distribuait, et on a connu quelques déboires avec des produits qui n’étaient pas toujours très fiables. Il y a eu notamment des cadres Cervélo qui cassaient à répétition. Ou des cadres Foes, véritables Ferraris du vélo, qui arrivaient avec des défauts d’alignement. On appelait Brent Foes qui nous répondait : — Vous me les renvoyez si vous voulez, mais ce que je vais faire, vous pouvez le faire aussi : vous les réalignez comme vous pouvez avec une barre de fer ! C’est ce qu’on faisait... Le pire qu’on ait connu, c’est avec notre fournisseur de freins à disque, un des premiers à nous avoir fait confiance : Formula, pionniers dans le domaine, malgré des produits encore peu fiables. On a fait le pari que ça allait marcher et on a distribué cette marque, qui a fini par exploser à la vente avec le modèle B4. On en a vendu des quantités énormes, pour upgrader les VTT compatibles jusqu’alors équipés en V-Brakes. Chez Formula, il leur est venu l’idée de les al­­ léger au maximum en utilisant du magnésium. Or, le magnésium est un matériau poreux, et le frein ne tenait pas la pression – ça ne s’est su que bien plus tard. Pendant les six mois qui ont suivi, on a reçu énormément de retours de ces produits défectueux de la part de nos clients. De son côté, Formula nous soutenait sans démordre que le frein n’avait pas de défaut et que c’était dû à une mauvaise utilisation. On changeait les joints des freins et on les renvoyait, sachant qu’ils casseraient à nouveau quelques jours plus tard. On faisait tampon entre nos clients, qui nous reprochaient de vendre un produit de mauvaise qualité, et le patron de Formula, Andréa Becocchi, qui niait simplement l’évidence. C’était Stylé qui était chargé de cette sombre besogne, et il s’en prenait plein la tronche. Formula a fini par avouer sa responsabilité du bout des lèvres, après de longs mois pendant lesquels on jouait aussi notre réputation sans pouvoir rien faire. »

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de gratter tout ce qu’on pouvait, seulement pour espérer payer les charges de la boîte. Pendant cette période, toutes les petites embellies nous étaient donc vitales. En 98, l’occasion s’est présentée de vendre sous le manteau quelques produits à forte demande dont des fourches via un contact belge qui s’approvisionnait sur ce qu’on appelle le marché gris en Hollande. Il nous rendait visite assez régulierement avec son camion et son chien assis côté passager. “Allez gamin descend, on est arrivé.” C’était donc de vraies belles marques qu’on allait vendre par un peu tous les canaux possibles, sans faire partie du réseau officiel. Honnêtement, on s’en serait bien passé, mais les fins de mois étaient telles qu’on a mis du beurre dans les épinards pendant quelques mois grâce à ça. Pour ne pas être tracés, les numéros de série étaient limés sur les fourches – produit le plus sensible . Ça engendrait quelques problèmes pour des prises éventuelles de garanties, mais vu le prix vraiment cassé, on trouvait toujours client. On n’en a pas vendu beaucoup, mais suffisamment pour que ça remonte aux oreilles du distributeur officiel de l’époque d’une marque leader, dont le patron nous avait appelés pour nous tirer les oreilles. On a eu droit à quelques menaces, mais on répondait qu’il faisait complètement fausse route, qu’on était blancs comme neige et que ça ne venait pas de chez nous. On n’était pas fiers... C’est la ligne jaune qu’on s’était fixée comme limite à ne pas dépasser, mais qu’on a quand même franchie cette fois-là. Pour la petite histoire, notre dealer belge est lui aussi bien rentré dans le rang depuis, et comme nous, il peut s’appliquer la devise : “ne fait pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse.” »


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par Fred Glo

LE VIREMENT EST BIEN PARTI ! « Quand on n’avait pas assez d’argent pour commander nos produits et que la banque ne voulait pas nous faire d’avances, j’avais trouvé une solution bien pratique pour gagner du temps. Et on s’en est servi très souvent. Les fournisseurs attendaient toujours qu’on leur envoie l’argent avant de nous expédier les produits. J’éditais des versements factices, qu’on faxait comme preuves de virements. Ils nous envoyaient donc les produits souvent par avion, puis ils se rendaient compte après coup que l’argent n’était pas arrivé. Je leur racontais alors des histoires, du style ‘‘on a eu une inondation, on a plus un seul ordi qui marche !’’ ou alors ‘‘le virement est parti mais il y a de l’inertie à la banque ! Ça prend du temps, c’est la France... Je vais les appeler !’’ On gagnait comme ça entre quatre et six jours qui étaient précieux pour nous. Parce que derrière, le but de Poulet était de faire un maximum de ventes rapidement. Factures à l’appui, la banque nous faisait un escompte qui nous permettait de payer le fournisseur, pour de vrai cette fois, et dans un délai à peu près acceptable. On se souvient de semaines assez folkloriques, notamment avec les pots FMF qu’on diffusait beaucoup. C’était le branle-bas de combat pour tout enchaîner, ce qu’on réussissait assez magistralement en fin de compte ! Quand on a pas de tréso... on court après. »

par Laurent Cornec 55

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LA MARIÉE ÉTAIT MOINS BELLE « Distribuer Sintesi était une opportunité qu’on avait saisi, mais on espérait mieux. La cheffe produit Sintesi de l’époque, Lorna, était canadienne. Elle avait laissé entendre qu’elle connaissait du monde chez Rocky Mountain. C’était la marque par excellence qui nous faisait rêver. Lorna a fait le job et on s’est porté candidat pour devenir leur distributeur. Ils demandèrent alors entre autres documents le bilan de l’entreprise, cherchant à savoir si on avait les épaules assez larges, et voulant se couvrir côté assurances. C’était en 1999. À cette période, notre bilan était catastrophique à tout point de vue. Chiffre d’affaires minable, pas d’argent généré... Impossible d’avoir l’air un minimum crédible avec ce genre d’information. Laurent a donc envoyé un bilan bodybuildé beaucoup plus en notre faveur. Et peu après, j’ai décollé vers Vancouver pour un premier meeting distributeur avec Rocky. À l’entrevue, le feeling passe sur tous les plans. À priori, Tribe est une entreprise qui sait où elle va. Tout se déroule à merveille, le spirit est en ligne. Mais juste avant le retour pour la France, les gérants de Rocky Mountain me laissent entendre qu’il y aurait une formalité à régler avec le service comptabilité basé à Québec. ‘‘Ce n’est probablement rien, mais ils vont vous appeler dans la demi-heure pour voir ça avec vous.’’ En entendant ça, je me liquéfie. On m’appelle, je réponds. Le chef accounting explique qu’il ne comprend pas certains éléments du bilan. Là, je ne me dégonfle pas et je me veux rassurant. ‘‘C’est mon associé en France qui gère les finances. Avec le décalage horaire, il dort, mais il vous rappellera demain avec une explication.’’ À la fin du coup de téléphone, je fais bonne mine mais au fond je sais que le deal va tomber à l’eau... Lolo a fait un ultime tour de magie, et aujourd’hui les affaires roulent entre nous ! »


« On faisait le SAV des freins Formula et de Fox. On avait parfois des appels un peu farfelus de gens qui posaient des questions un peu particulières. A un moment, je me suis mis à jouer avec Arnaud Viac de chez Formula, Vincent Ranchoux de VTT mag et Stylé. On se faisait des canulars téléphoniques. On essayait de prendre des voix bizarres et d’inventer des histoires insensées... ‘‘Oui, j’ai lu le courrier des lecteurs de ce matin et je ne suis pas d’accord !’’ On essayait de piéger l’autre en gros. Un jour je reçois un appel. C’était un client avec une voix très bizarre, qui ne faisait pas naturelle, et qui me sort des problèmes avec des mots improbables. ‘‘Oui, ma fourche quand je roule dans les graviers elle dribble !’’ ou alors ‘‘quand je passe dans les racines, elle fait ‘Plonc’ !’’ Il était très inspiré, très poète, à tel point que j’arrête de l’écouter. Donc le mec me raconte tous ses problèmes mais je ne l’écoute plus parce que je suis persuadé que c’est Stylé qui me fait une blague. Puis au bout d’un moment je lui dis : — Écoute, c’est génial, c’est passionnant ta vie, c’est bien hein... mais je m’en bats les couilles ! Il y a eu un blanc. — Ah... Ex.. cu.. sez.. moi ? Je... Heu je parlais à quelqu’un d’autre ! En fait c’était un vrai client. »

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par Laurent Duffet

par Fred Glo

par Edgar Martins

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« C’était l’époque où on était six dans l’open space. Au téléphone il y avait Fred, Chris et moi. Outre les clients, il y avait parfois des journalistes et des publicitaires qui nous appelaient et qui cherchaient à joindre Fred. C’était lui qui gérait la communication, et il n’était pas toujours disposé à discuter, encore moins à acheter des espaces pubs. Il y avait un pubeur en particulier qui nous appelait sans arrêt : Christophe Laporte. Il faisait bien son métier, mais avec beaucoup d’insistance. On était très occupés à essayer de vendre et beaucoup sollicités. Ce type là, il appelait constamment et Fred ne voulait jamais le prendre. Un jour, Poulet prend un appel. C’était Laporte, une fois de plus, qui voulait parler à Fred... Poulet lui demande de patienter, pose le téléphone, appuie sur ‘muet’, et dit à Fred – avec son accent : — Putain Fred, il y a l’autre inculé au téléphone là ! Tu le prends ou pas ? C’est en reprenant la communication qu’il s’est rendu compte qu’il n’avait pas appuyé sur muet. Depuis, quand Christophe Laporte appelle, il dit avec l’accent du sud ‘‘Allô ! Oui, c’est l’inculé au téléphone !’’ Et Fred le prend presque à chaque fois. »

par Fred Glo

« Un de nos rôles, ça a toujours été d’être attentifs aux magasins. C’est nos clients, il faut leur faire du sûr-mesure et leur apporter le meilleur service possible. Quelques fois, ça nous arrive d’avoir un interlocuteur de mauvaise foi, qui demande des choses impossibles et avec qui on ne peut pas tomber d’accord. On a eu un client comme ça, un magasin sur Toulon, qui avait toujours des demandes abusives, qui insistait beaucoup trop. J’étais encore commercial à ce moment-là. On était dans l’open space, à cinq ou six autour de la table, et ce client a appelé une fois de trop. Edgar me l’a passé, et il m’a tellement énervé que je lui ai dit : — Tu m’as gavé. Écoute bien : tu vas entendre deux clics. Ça va faire ‘‘clic’’, ‘‘clic’’. Voila, je viens de fermer ton compte. C’était le premier clic, et le deuxième c’est quand je vais raccrocher. Alors maintenant tu arrêtes de nous saouler et tu ne commandes jamais plus rien chez nous ! Et j’ai claqué le téléphone. C’était une période où il m’arrivait de m’emporter... J’étais un peu colérique. »

‘‘Tribe Sport Group, j’écoute ?’’

« Un jour, un monsieur téléphone chez Tribe par le standard : — Bonjour, j’aimerais parler à Laurent Duffet s’il vous plaît. — Laurent Duffet ? Il n’y a pas de Laurent Duffet chez nous monsie — Comment ça ? Bien sûr qu’il y a un Laurent Duffet ! Je demande aux autres s’ils connaissent ce Laurent Duffet. Tout le m me répond non. — C’est mon fils, quand même ! Je sais bien qu’il travaille chez vous ! Laurent Duffet, il travaille au SAV, au service FOX. — Ah d’accord ! C’est Boudeou que vous cherchez ! »


Chris Conroy Président de Yeti Cycles

Christoph Ritzler Ancien dirigeant de Fox Europe Aujourd’hui co-dirigeant de Fox USA

« Mon premier contact avec Tribe s’est fait au téléphone, quand ça s’appelait encore FMF France. J’étais sceptique et je me demandais si un distributeur de produits moto pouvait aussi être un bon distributeur vélo. Quand Fred est venu dans le Colorado, on s’est bien entendus, et je me suis rendu compte qu’il faisait beaucoup de VTT, alors on a tenté le coup. On s’est bien marré depuis... Au début, nous étions deux petites entreprises qui aimaient les produits VTT et les courses. On est resté fidèles à ces principes et on a grandi ensemble. Tribe a fait un super boulot pour faire évoluer le marché français et pour développer l’enduro à travers le monde. On s’est d’ailleurs inspiré d’une des premières courses d’enduro à Tignes pour organiser des compétitions dans le même format aux Etats-Unis. Ça a débouché sur la fondation des Big Mountain Enduro Series, et le reste appartient à l’histoire. On a bien rigolé durant ces années là. Il y a eu cet hiver où j’ai invité Fred et Laurent pour aller skier dans le Colorado. Sur les pistes, ils slalomaient comme des fous sans faire attention à eux et ils ont fini par se rentrer dedans. Ils se sont massacrés, et avec Hood on s’est bien marrés. Côté vélo, on s’est affrontés à plusieurs occasions avec Fred – on déteste perdre tous les deux. Quand je suis venu chez lui, on avait prévu d’aller pédaler dans les collines. C’était en plein été, il faisait chaud, et je me suis pointé en short et Tshirt, sans protection. J’ai été surpris de voir Fred arriver en manches longues et protèges genoux, comme si il allait faire de l’enduro. On est partis dans les bois et j’ai vite compris que je n’étais plus dans le Colorado. On est habitués à plus de flow chez nous, alors que là, les sentiers étaient serrés, pleins de buissons épineux et de ronces. Je suis ressorti avec les bras et les jambes lacérés. Le lendemain, j’avais enfilé un maillot manches longues et des protections. Et bien sûr, Fred était en tenue light. Comme il connaissait le chemin, il avait toujours des combines quand on allait rouler ! »

J’ai rencontré Fred à l’Eurobike 2002. Tous les distributeurs se demandaient ce que je faisais là, moi ancien de chez Rock Shox, vu que Fox est la marque concurrente. Les gars de Tribe ont d’abord montré un intérêt prudent, mais on a rapidement établi une relation sincère basée sur notre passion commune pour les sports deux roues – et aussi parce que je parlais français ! J’étais un fervent de motocross et la carrière de pilote de Fred ainsi que l’héritage FMF m’ont fait belle impression. Tribe a rapidement, et de façon plus marquée que beaucoup d’autres distributeurs, développé une stratégie commerciale agressive grâce à Christophe, avec Laurent qui suivait de près les chiffres et la distribution. On sentait que la boîte avait un fort intérêt technique, et il a fallu quelques années de plus pour amener le service au même niveau. Le marché français a alors reconnu l’excellence de cette entreprise. C’était déjà des innovateurs à de nombreux égards, notamment à travers leurs activités commerciales, leurs initiatives en matière de transparence, les services proposés et la promotion du sport. Les Enduros Series ont vraiment permis d’amener le mountain bike à un autre niveau. On pouvait sentir un investissement infini de toute la boîte, et on peut sans exagérer dire qu’on n’aurait jamais atteint un tel palier sans les Tribe Enduro Series. Bien sûr, Fred avait un talent pour proposer une vision de l’aventure typiquement française à travers les Tribe Trips Stories ; je suis toujours jaloux de ces voyages, et j’essaie d’imiter leur life style à mon humble niveau en m’inspirant de leurs histoires. J’ai eu l’occasion d’aller rouler avec l’équipe de Tribe dans les Alpes lors de quelques évènements. La première fois, j’ai vu une énorme différence au niveau des réglages qu’ils utilisaient pour rouler sur des terrains difficiles. C’est maintenant devenu la norme des Trail Bikes et pour l’enduro, mais à l’époque c’était nouveau pour moi et ça perturbait mes habitudes du cross-country. Chez Tribe, il n’a jamais été question de pédalage mais bien de pilotage ! Fred m’a aussi donné quelques occasions de faire un peu de free ride sur son terrain dans les maures, le berceau du style Tribe. Je chéris ces souvenirs de sorties vélos et motos, ainsi que ces excellents déjeuners et dîners avec toute l’équipe. »

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Président de Rocky Mountain

Raymond Dutil

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« Je crois que j’ai fait ma première rencontre avec Fred à Vancouver. À l’époque, on faisait des rencontres annuelles avec les distributeurs – et on en fait toujours, soit en Europe soit au Canada. J’ai tout de suite apprécié le côté jeune et enthousiaste de Tribe. Ça s’est vérifié plus tard, mais c’était bien le bon partenaire ! Les discussions avec Fred, Laurent et aussi Edgar ont toujours été franches et honnêtes. Je pense que c’est un exemple à suivre : une société créée par des jeunes avec rien au départ hormis un réel esprit d’entreprise, et qui a réussi. C’était rare en France à l’époque. Un grand bravo ! »


Cédric Tassan

Aventurier, créateur et directeur des éditions VTOPO, rédacteur et chargé de presse pour la marque Sunn

Rédacteur en chef de VTT Mag, eBlueRide, CityRide, Ride It, et de la chaine youtube Bikelive by Vélo Tout Terrain

« Il y a 10 ans, avec Narbaix et Nicolas Tikhomiroff, nous avons créé le crew VTOPO. Nous nous sommes tournés vers Fred, ami de longue date avec Narbaix, pour soutenir notre travail. J’aime les relations directes et franches, et Fred ne passe pas par quatre chemins. Sans parler de sa passion pour toutes les initiatives dans le monde du VTT. Dans cette aventure, Tribe a toujours été à nos côtés pour nous filer un coup de main. Son évolution dans le choix des produits, son implication dans des marques de VTT - comme Urge - en font une société incontournable pour le VTT en France. Je trouve également que la construction des nouveaux locaux, notamment avec la partie SAV Fox, marque une étape incontournable dans l’évolution de Tribe. Il m’a semblé que cela venait d’une envie de bien faire les choses et d’offrir de meilleures conditions aux collaborateurs. J’aime passer régulièrement là-bas, on y sent l’énergie et la passion. »

Rédacteur en chef de Vélo Vert

La réussite de Tribe, ce sont les idées, mais également les hommes. Difficile, chez Vélo Vert, de ne pas se rappeler de l’élection du VTT Électrique de l’Année 2019, remportée par Rocky Mountain. Le vélo était excellent mais la prestation d’Edgar et David sur ces quelques jours, tout en maîtrise et pleine d’enthousiasme, restera dans les esprits. Dès le début de la crise du Covid, nous nous appelions beaucoup avec Fred pour échanger sur la situation et sur l’importance de se faire entendre pour défendre notre sport. C’est un militant du vélo, dans le bon sens du terme. Ses conversations sont toujours passionnées, ses avis tranchés, mais toujours finement argumentés et placés dans l’intérêt de la pratique et des pratiquants. 25 ans de distribution, mais aussi et surtout d’engagement sincère et déterminé pour la cause cycliste comme pour certaines causes écoresponsables et humanitaires, c’est à saluer ! »

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Benjamin Lacoste

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« Je travaillais alors pour Vélo Vert. J’ai rencontré Tribe Sport Group à l’époque où ça s’appelait FMF et distribuait les freins Formula. Frédéric nous avait proposé de tester leur modèle à câble, le MD-1. Une bonne idée sur le papier vu qu’Avid avec son BB7 phagocytait le marché. Un peu de concurrence ne fait pas de mal. Sauf que le résultat du test ne fut pas à la hauteur de l’attente de Frédéric qui a su me le faire savoir avec toute sa délicatesse légendaire. Ce n’est que plusieurs années plus tard qu’il m’a reconnu que ce frein n’était pas une référence. Plus tard, en avril 2015, lors de l’inauguration des nouveaux locaux de Tribe, est organisée la ‘‘Sale Journée’’, un tour de gravel d’une centaine de kilomètres. En bon sudiste, Fred propose au parisien que je suis de participer. Franchement, je n’étais pas chaud et je lui fais savoir. Deux jours plus tard, je reçois l’invitation officielle qui annonce l’événement et la présence de guest stars, et j’y vois mon nom. Colère, mais plus le choix. J’imaginais le petit sourire en coin de Frédéric, qui a dû se dire ‘‘toi mon coco, tu vas en chier !’’ Avec le recul, non seulement ça a été certainement l’une de mes plus belles journées de ride, mais en plus il m’a fait découvrir une pratique que je n’ai pas lâchée depuis : le gravel. Ah, j’ai fini sa sauterie dans le paquet, à sa grande surprise ! Pas si mauvais les parisiens. En tout cas, même si l’arrogance des gens du Sud est une réalité, FMF avait une force dès sa création, à savoir une dualité à sa tête : un financier, Laurent, et un visionnaire, Frédéric. Chacun possède son champ de compétences et le résultat se voit aujourd’hui sur le terrain, puisqu’il s’agit de l’une des plus belles entreprises de distribution en France dans l’univers du vélo. Et puis Tribe n’a pas encore montré tout son talent sur la route et surtout sur la ville, mais ça va venir... »

Thibaut Simon

« FMF a été selon moi, comme quelques autres structures, une sorte de phare, indiquant d’une certaine manière la ou les voies possibles pour les pratiquants passionnés. D’abord du fait des marques, et également du fait de l’engagement de l’entreprise dans l’événementiel, avec l’organisation de courses novatrices et la définition de formats originaux qui ont apporté un renouvellement très bienvenu. L’enduro, populaire comme à haut niveau doit tant à Tribe… Des fondateurs, je connais surtout Fred, que j’avais rencontré peu après mon arrivée à la rédaction de Vélo Vert, vers 2007. Je me souviens de cette rencontre croisée, avec lui et Christophe Morera, le boss de Race Company (des concurrents mais aussi des amis), que j’avais organisée pour les besoins du magazine. J’avais justement envie de rassembler ces deux personnages du VTT français, avec la certitude de réunir des personnalités fortes, attachantes, et ayant surtout des vraies choses à raconter. Je n’avais pas été déçu. De l’implication dans la MBF à la création de marques propres, en passant par un engagement constant dans la compétition, Tribe a toujours été bien au-delà de son rôle économique.


« Je suis entré en contact avec Tribe lors du dernier Roc d’Azur à avoir lieu sur le site de Ramatuelle. Il y avait Fred, Lolo et Alin’s dans un tout petit stand FMF de 9m² avec leurs trois bricoles. Et tout le monde s’en branlait en fait, ils ne faisaient pas partie du ‘‘club’’ à cette époque. Je saurais pas t’expliquer ce qu’il s’est passé, mais quand on s’est vus, on s’est plus ! Je me suis super bien entendu avec cette bande. Avec Fred, Manou, Alins, Lolo casse-noyau, Bertrand, Boudeou, Poulet... on a tous grandi ensemble avec le VTT. J’ai le souvenir de Fred et Lolo dans le sous-sol d’ une petite maison où ils avaient trois “daubes” qui trainaient, et de beaux pots d’échappement FMF chromés... stockés dans la baignoire ! VTT Mag était alors un petit magazine qui stagnait, on se prenait des races par Vélo Vert. Alors avec Tribe, on s’est entraidés. On allait ensemble rendre visite aux constructeurs de grosses marques, j’apportais la caution d’un magazine français. Sur ces voyages, on était tous les trois sous pression et il fallait qu’on décompresse, alors on faisait les cons. Et quand tu mets Fred, Bertrand et moi dans la même bagnole de loc au bout du monde, ça part forcément en cacahuète au bout d’un moment. On se souviendra du passage chez Race Face notamment... Fred voulait aller rouler partout, et nous derrière, avec Bertrand, on traînait la savate. On a lancé la Freeride Classic VTT Mag avec Roger Mandin. J’avais pour idée de réunir le public et les sportifs de haut niveau via les marques. Et surtout pas reproduire le schéma classique que je vivais sur les courses. Les distributeurs comme Tribe ont suivi, ça a marché dès la première édition et on a bien fait chier la fédé ! C’était familial, on retrouvait l’esprit VTT qui manquait sur les compéts.

On a aussi bossé sur le vélo de Peridy. Bertrand a fait un bon vélo de descente sur la base d’un Foes. Il a intégré un amortisseur de moto de sa conception, couplé à un piggyback sur le guidon, avec une énorme durite... C’était fou. Bossard et Vouilloz, ils étaient dégoûtés ! Aujourd’hui, il nous manque une pièce dans notre puzzle, c’est Alain. Il est parti mais il fait toujours partie du groupe. Il s’est passé un truc magique à un moment donné, parce que c’est quand même une histoire de dingue ! On s’est retrouvés plus d’une fois dans des galères hallucinantes, mais c’était toujours bonard ! »

Dans le même genre, on a fait une manche d’enduro ski. Ça a super bien marché, le mec des remontées mécaniques trouvait ça fantastique et on avait été reçu royal. Mais avec l’office du tourisme ici, ça ne l’a pas fait et on n’a pas été plus loin. Mais si on regarde bien aujourd’hui, à l’endroit où on avait fait la manche d’enduro ski, ils ont crée une piste ! En 2010, quand on a monté la coupe de France, il n’y avait rien d’équivalent nulle part ailleurs. Fred lançait des perches aux américains et aux canadiens, et on se retrouvait là avec les meilleurs pilotes du monde. Des articles sortaient outre-atlantique, disant qu’il fallait aller à Valloire pour faire de l’enduro. On avait bien fait de blinder les choses niveau orga, parce que ça devenait un gros évènement. Avec le trophée des Nations, c’était sympa : il y avait des étrangers qui venaient, ils prenaient des roustes et ils repartaient ! On rigolait bien ! Puis Fred a aidé à exporter le format, d’abord en Italie avec Enrico Guala qui a ouvert les Super Enduros. Puis c’est devenus les EWS en 2013 avec les américains et les canadiens, et maintenant on trouve des compétitions d’enduro partout sur la planète. Aujourd’hui en France, il y a les courses historiques et emblématiques comme Métabief, où tout le monde se déplace. Il y a aussi beaucoup de régionales où tu retrouves pas mal de mecs qui viennent pour se faire plaisir ; tu as les coupes de France qui permettent de marquer des points, certaines qui donnent accès aux mondiaux... Et les coupes du monde. Pour une idée folle de Fred, c’est pas mal. D’ailleurs, si il lui en vient une autre, il peut m’appeler, pas de soucis, je suis prêt. Ce qui était bien avec Fred, au tout début, c’est qu’on allait se percher là-haut, tôt le matin avant les courses. On buvait notre café, c’était tranquille, ça m’allait bien. »

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Vincent Ranchoux

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Ancien rédacteur en chef de VTT magazine Co-créateur de la Freeraid Classic Aujourd’hui manager chez PM industrie

« En 2000, j’avais pour projet d’organiser une course dans le Val d’Allos pour donner une dynamique à la station du Seignus. On avait une remontée mécanique qui fonctionnait et je voulais l’utiliser pour monter une course VTT d’été type cross, mais sans vraiment savoir quel format proposer. Un ami, Julien Materon, m’avait parlé d’un gars dans le VTT, a qui j’ai proposé de monter à Allos pour qu’on en discute. Fred est donc venu avec Stylé. L’enduro était encore inconnu de tous, et ils m’ont convaincu qu’il y avait des chances que ça explose dans les années qui allaient suivre. Pour ça, Fred est assez avant-gardiste, il voit bien les choses arriver. Le côté itinérance à travers la forêt me plaisait bien, et on est partis là dessus. On a organisé ensemble cette première Tribe 10 000 en 2003. Il y avait 90 concurrents. Ça a fait parler, et l’année suivante on était 150, puis l’année d’après 350, et on en est à la 19e édition cette année. Entre temps, la course est devenue une coupe de France, on a fait une World Serie, et c’est maintenant un évènement mythique d’Enduro. On a aussi lancé des Urge Ski, un format calqué sur les enduros VTT. On a fait ça pendant 3 ans. Au début c’était pas facile à faire connaître, mais ça a quand même fini par prendre. J’ai malgré tout arrêté en 2014, avec le changement de mairie qui a rendu le projet très compliqué à tenir ici... Sur la Tribe 10 000, j’avais chaque année Fred qui m’envoyait des gars différents. J’ai donc vu tout le panel des employés de Tribe, qui montait ici m’aider pendant une semaine à préparer la course, en plus de l’équipe qui tenait les stands le week-end. C’était drôle, je me retrouvais à chaque fois avec un nouveau collègue qui venait habiter chez moi. On passait de bons moments ! Pour finir, j’ai eu Alex Balaud, qui maintenant a repris les Enduros Series et qui vient chaque année me filer un coup de main, en plus d’une grosse équipe de bénévoles. »

Ancien organisateur des Enduro Series de Valloire Aujourd’hui agent technique à l’hôpital de Modène et commissaire UCI

Pilier et cheville ouvrière de la Val d’Allos Tribe 10000, puis des Enduros Series,co-créateur des Urge Ski Aujourd’hui gérant de deux magasins de sport à Allos

Bernard Fantinato

TÉMOIGNAGES

Sylvain ‘‘l’ancien’’ Barbotin

« Je suis arrivé dans le VTT en 1991 parce que mes deux filles faisaient de la compétition. On a commencé à monter quelques trucs en famille, puis à organiser des courses, sur Aussois à l’époque. Un copain de Valloire m’a demandé de lui filer un coup de main pour son team et a proposé à ma fille de courir dedans. On a donc monté le team Valloire Galibier Taillefer, et j’ai repris le club pour essayer d’amener de l’animation VTT sur Valloire. Ma fille courait alors avec Poomans entre autres. On a organisé en 2004 le trophée national du jeune vététiste. L’année d’après, on est devenu FMF Valloire Galibier, et Fred nous a proposé de venir à Allos sur la Tribe 10 000. C’était la deuxième édition. Je connaissais pas le concept de l’enduro VTT et on a amené le team là bas avec leurs gros vélos de descente – ils en ont chié comme des Russes ! Dès l’automne, Fred avait pour idée de lancer une course d’enduro sur Valloire. J’étais partant, et j’ai préparé tout le terrain avec la mairie, l’office du tourisme, les remontées mécaniques... En décembre, on était toujours que 2 stations et Fred ne savait pas si ça allait se faire. Je lui disais ‘‘on s’en fout, j’ai tout préparé, on le fait même si on est 10.’’ À la fin de l’hiver, Fred avait mis Vars et Les Orres dans le coup, et on a lancé les Enduros Series. Ce qui m’avait séduit la dedans c’est qu’on revenait aux origines du VTT. On était dans le même état d’esprit qu’en 1992 : on se prenait pas la tête, chacun arrivait comme il voulait pour aller rouler en pleine nature. On a commencé à voir monter du monde. Il y avait des petits jeunes, mais surtout pas mal de gars de 30 à 50 ans accompagnés de leurs femmes – car c’était les seules courses où elles voulaient bien venir ! C’était un week-end de compétition, mais chacun était libre d’ aller tranquille ou de se sortir les doigts. C’était la nature, le plaisir de se retrouver, ceux qui arrivaient avec leurs campings cars... Un truc familial en fait. Au début, c’était un peu compliqué, vu qu’on avait rien... Il n’y avait pas grand monde pour l’organisation, et on pouvait avoir des imprévus, perdre un coureur pendant deux jours... Il a donc bien fallu se pencher sur la réglementation et la sécurité, histoire de cadrer les choses. C’est à ce moment là que ma fille Julie a monté sa société de chronos, en plus de bosser sur la partie admistrative et gestion. Aujourd’hui elle continue de bosser avec Alex qui est aux commandes. Sur les derniers enduros que j’ai gérés, on était une équipe de 10 et chacun savait exactement quoi faire pendant la semaine, avant qu’on soit rejoint par 180 bénévoles le week-end. Je me promenais avec ma radio au cas où, mais ça s’arrêtait là.


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ça dans le VTT. On prenait des photos et on montait des vidéos qu’on donnait gratuitement aux magazines spécialisés. Donc c’était pour faire notre promo, mais c’était aussi nos vacances. »

n a fait aussi un beau trip autour du mont Hood, dans l’Oregon. On avait enrôlé Miaouss de la bande des chats de Pat Cova comme caméraman qui s’est vite révélé être un VTTiste assez peu affûté. On prend donc un retard fou sur cette première journée au risque de se faire prendre par la nuit. Jérôme ‘‘Djé’’ Braban et moi décidons de partir devant pour aller chercher notre véhicule. On roule jusqu’à un embranchement : à droite partait ce qui semblait être un raccourci mais qui était en fait un chemin très escarpé à flanc de falaise, impraticable en vélo. Je trace une large flèche au sol pour indiquer la bonne direction, et je laisse la carte bien en évidence avec deux barres énergétiques. On rejoint la voiture et on redescend au plus près du sentier non carrossable. Djé décide de remonter à pied en prenant un raccourci qui traversait la rivière pour essayer de les intercepter. À peine parti qu’il revient en courant, complètement paniqué. Il claque les portes et dit, vert de peur, qu’il est tombé sur un ours. Je décide donc d’y aller en passant par le sentier normal pour croiser l’équipe à coup sûr. C’était peut-être inconscient, mais contrairement à Djé, je n’avais pas vu d’ours. Et puis la nuit tombait, il fallait vraiment les retrouver avant de ne plus rien y voir. Je pars en courant et j’arrive à l’embranchement, mais sans croiser personne. Il n’y avait plus la carte que j’avais laissée. Plus rien. Je commence alors à me poser des questions. Je reviens à la voiture, Djé me voit arriver seul. On se met à imaginer des scénarios entre attaque d’ours et accidents. On essaye de trouver le sommeil comme on peut, avec l’espoir de les voir débarquer d’un moment à l’autre. Je m’imaginais les pires situations, en me disant qu’on avait déconné une fois de trop. J’ai pas fermé l’œil de la nuit en me demandant à plusieurs reprises s’il fallait que j’alerte les secours. Dès l’aube, je repars à pied. Après quelques minutes de marche, je vois avec soulagement les trois compères arriver. On est heureux de se retrouver. Di Cioccio m’explique qu’ils ont vu la carte mais qu’ils ont pris le faux raccourci. C’était du véritable canyoning, et même avec les vélos sur le dos ça ne passait pas. C’est pendant ce laps de temps que j’étais arrivé la veille à l’intersection sans les trouver. Ils ont donc dormi dehors, avec au moins un ours qui se baladait dans les alentours...

Fred Glo

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L’AVENTURE TRIBE 70

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n Patagonie, au Chili, on devait faire l’ascension du volcan Villarica à pied, avec l’idée de le refaire en vélo le lendemain. On ne savait pas trop à quoi s’attendre. Il était prévu qu’on parte en randonnée avec un guide et d’autres clients américains, qui étaient logés dans les mêmes chambres d’hôtes que nous. Les Tribe Trips étaient aussi pour nous un bon moyen de déconner, et ce soir-là on sort et on se met un peu chiffon. On rentre à l’heure du petit déjeuner, saouls comme des cochons. Les autres personnes du groupe nous regardaient de travers car nos blagues ne faisaient rire que nous. On a alors malgré tout grimpé assez facilement 2000 mètres de dénivelé dans la neige. On était en bonne condition physique, ce qui compensait nos excès, même si Bertrand a quand même bien tiré la langue pour arriver en haut. Voyant notre état de surexcitation, le guide nous laissa partir devant, en nous donnant une seule consigne : ‘‘le volcan est en activité, donc une fois en haut, ne faites surtout pas faire le tour du cratère, c’est strictement interdit par les autorités.’’ Nous, forcément, une fois en haut, on décide de faire le tour. Il nous vient aussi l’idée de nous mettre à poil, de faire des photos à la con... On voit le guide arriver de l’autre côté, et nous faire « On a commencé les Tribe Trips en 2002. de grands signes. ‘‘Oh t’inquiètes ! On arrive !’’ On On a fait la Corse, puis le Maroc. Il y en a se rhabille, on rejoint le groupe, et on se fait allumer eu 19 en tout, un peu partout sur la planète. sévère. ‘‘Maintenant, vous la fermez jusqu’à ce qu’on C’était un moyen de faire de la communicaredescende ! Pour revenir faire du vélo demain vous tion pour la boîte. C’est une méthode très pouvez toujours rêver.’’ Bon, finalement tout s’est répandue aujourd’hui. En s’inspirant de l’univers du ski on a été parmi les premiers à faire arrangé autour de quelques bières le soir même.


On s’installe là, aux quatre vents, avec nos sacs de couchage. On est congelés et on a très faim. Nos hôtes nous amènent un seau rempli de viande noire, pleine d’os et dure comme de la brique, avec du pain rassis. On se regarde, dubitatifs. On n’ose pas manger la viande et on tente le pain. On finit par retourner toquer à leur porte, pour essayer de profiter de la chaleur de leur pièce, et pour demander s’ils ont quelque chose d’autre à manger. On s’assoie avec la famille de sept et on essaie de se faire comprendre. Un homme finit par sortir. En revenant, il nous ramène le seau de carcasses qu’on avait laissé ! Une femme se met à éplucher cette viande à priori séchée, à bien la nettoyer et à nous tendre les copeaux noirs. On ne pouvait pas se défiler, on était coincés et on les a mangés. On finit par retourner dans notre loft aux étoiles en traînant des pieds. On avait fait une croix sur les sources chaudes depuis longtemps. Je dormais dos contre la porte, Zanini et Fred dans le couloir, Alin’s en grand seigneur était dans la pièce sans fenêtre. En pleine nuit, on se fait réveiller par des bruits de moteurs. On entend des voix graves. Quelqu’un cogne à la porte. Je fais un bond pour m’écarter de l’entrée. Dehors, le vent souffle. Ça tape et ça crie. Je tente un ‘‘qui va la ?!’’ pas convaincu. On se voyait sauter par le toit à tout moment... Ça tambourinait, puis d’un coup plus rien et on a pu se rendormir Le lendemain, on présente nos plates excuses au guide : arrivé bien plus tard que nous, il a demandé a ce qu’on lui ouvre pour qu’il puisse nous rejoindre, sans grand succès. Pas rancunier, il nous a même montré où se trouvaient les fameuses sources chaudes, à deux cent mètres de là à peine. On revivait.

Edgar Martins

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n était sur un Trip au Kirghizistan. On traversait le pays dans un vieux bus. Il y avait Fred, Alins, Zanini et moi, avec notre guide et notre chauffeur. La première nuit, on s’est pris un orage monumental. Les tentes étaient presque en train de flotter mais nous, on bougeait pas : c’était à celui qui tiendrait le plus longtemps. Le déluge était tel qu’on a fini par se réfugier dans le bus. On dormait même pas, on regardait la tente d’Alin’s avec lui dedans qui voulait pas sortir ! Il fut bien obligé quand le ruisseau lui traversa la tente. Après quelques jours et quelques péripéties on planifie la traversée d’une chaîne montagneuse. On partait vers de la haute montagne, sans aucun matériel. On a démonté les vélos qu’on a chargés sur des chevaux, et on est partis telle une véritable caravane de la soie. Le périple a duré trois jours. Une tempête de neige, un accident de cheval, un bivouac en yourtes et plusieurs degrés de moins plus tard, on arrive à un dernier col. Le temps était épouvantable. On remonte sur les vélos. Le guide nous parle d’une soi-disant source d’eau chaude et d’une auberge plus bas dans la vallée, et on part avec cette image paradisiaque en tête. On suit la seule piste sur des dizaines de kilomètres, qui descend de la montagne et traverse d’immenses plaines. On ne croise personne pendant des heures. La neige était devenue pluie puis s’était arrêtée, mais on avait faim, soif, et la nuit commençait à tomber. On atteint finalement une petite ‘‘maison’’ très délabrée. On essaie d’expliquer à deux femmes pourquoi des mecs à vélos avec des tronches fatiguées se baladent là. On est autorisés à passer la nuit dans la partie secondaire de la bâtisse : quatre murs sans fenêtres et un toit troué.


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« Tout d’abord je tiens à dire que si je ne m’étais pas mis au sport grâce à Fred, mon cousin germain, je pense que j’aurais fini clochard et alcoolique. Le monde qui m’était alors destiné, c’était celui de la nuit, de la fête et de la déconne. J’avais à cette époque un pote qui faisait de la moto. J’adorais ça et j’ai commencé par faire du cross avec une 125 Honda Elsinore la même que celle du Spirit Room. Fred s’y est mis par la suite, et quand il faisait de l’enduro et des rallyes africains, j’en profitais pour emprunter ses motos. J’ai arrêté bien vite, parce que forcément, avec l’alcool, les filles et le reste... Je me suis marié jeune, j’ai eu des enfants, puis la vie a fait que je suis revenu à Cogolin pour mener une vie un peu moins dissolue…C’est alors qu’on a commencé à faire un peu de vélo. Fred avait acheté en 87 un VTT Peugeot canyon express et j’avais récupéré un vieux vélo de route de son père, qui appartenait déjà à mon père avant ça, et ça le faisait pas trop dans les chemins ! Je me souviendrai toujours de cette journée à la foire de Marseille en 88, j’ai acheté mon premier VTT, un MBK adventure noir et rouge.

Au départ, on roulait à deux. Jean-Louis Macault venait parfois, mais il avait toujours mal aux mains. Ensuite on s’est branché avec Vincent Fournier du shop Bamboule Surf and Bike à La Londe. On y a rencontré le phénomène Pierre Lolo. Un jour on a croisé Jean-Pierre Timmermans, l’homme de terrain de Stéphane Hauvette, pour tracer le Roc à Ramatuelle. On a sympathisé puis on lui a donné la main avant de faire notre premier Roc comme coureurs en 89. On prenait notre licence au club de Ramatuelle présidé par Bernard Bon, une légende et une pointure à l’époque. Je me souviens qu’on ne portait des casques qu’en course, le reste du temps on roulait ventre à terre, en bandeau pour moi et bandana pour fred. Après j’ai attaqué le vélo de route. Encore aujourd’hui, je fais pas mal de route avec mon gravel. Je crois que c’est la dégaine qui me plaît, un peu à la Poulet. Genre tu te regardes un peu dans la glace, bien épuré... Tout le contraire de Fred ! Je n’ai jamais travaillé chez Tribe. J’étais le “contrôleur qualité’’ qui n’a jamais signé son contrat ! Lolo, je l’ai d’abord connu au ski club de Cogolin, puis avec les débuts de la boîte. Je travaillais chez Veolia, et on se retrouvait dans le sous-sol/garage où on passait des après-midi assis dans les cartons de vêtements, à attendre que le téléphone sonne pour essayer de vendre quatre maillots. Je les aidais à vendre du matos à des amis, aux gars du quartier... Il y a eu l’opération fourches sous le manteau. Comme il n’y avait pas encore internet, je passais des petites annonces sur Vélo Vert : je disais que j’avais gagné une fourche et que je la vendais neuve. Et j’en ai vendu quelques dizaines ! J’appâtais les clients avec cette annonce, et quand j’en tenais un au téléphone, j’essayais de rajouter des shorts, des maillots...

Je tiens mon surnom d’un trajet pour monter à la Free Raid. Pour passer le temps, on mettait la radio et on faisait des blind-tests. On n’écoutait que Nostalgie. Ils passent une chanson, et moi je crie ‘‘Zanini’’! Chanteur musicien de Jazz des années 70, il n’y avait que Fred et moi qui le connaissions dans la voiture. Je pensais pouvoir gruger comme ça, et j’ai recommencé trois fois. Ça m’est resté, mais Zanini n’est toujours pas passé sur Nostalgie depuis, et pourtant je guette. Quand est venue l’époque des Tribes Trips, je me suis bien sûr greffé à l’équipe. Je me voyais un peu comme celui qui ménageait la chèvre et le chou pour que ça se passe bien entre certains caractères forts disons. Et ça s’est toujours bien passé ! C’était des rides, des rencontres et de la rigolade. Je pense que c’est les plus belles parties de rires que j’ai faites. On buvait pas beaucoup en général, mais pendant les trips on s’empéguait régulièrement, même après une grosse journée de VTT ou de sport. On a passé des nuits entières à chercher des trucs qu’on a jamais trouvé ! Au Chili, on est rentrés saouls avec Stylé, et on avait perdu les clefs... On a dû réveiller le gars du gîte qui est venu tronçonner le cadenas en pleine nuit... Un fou rire abominable. Le lendemain, en haut du volcan, on se foutait à poil. Bizarrement, c’était une habitude qu’on avait prise. Pour la vidéo dans le parc de Los Alerces, on s’est filmés par tranches de cinq secondes en randonnant à poil. On se rhabillait et on recommençait plus loin. J’ai encore le billet du parc. On était quand même très énervants ! Mais qu’est-ce qu’on rigolait... On avait toujours ce côté déconnade et un peu moqueur. On pensait que ça se remarquait pas, mais tout le monde s’en apercevait, et on devait certainement froisser des gens.

Je me souviens au Kenya, à la fin de la vidéo du trip, Fred et Alain racontent notre voyage, les beaux paysages, les belles personnes. Vient mon tour, j’hésite un peu et Alain prend la parole : — Nous on a parlé de la carte postale, toi t’as plus qu’à coller le timbre ! Majestueux. Ça, c’était Alain. C’est ce que j’adorais chez lui. Mais tu pouvais le tacler lui aussi, il le prenait bien. On était terribles entre nous : on abandonnait sans hésiter ceux qui traînaient. Un soir, sur un Tribe Training Camp, on rentrait de la Verne en courant, dernière épreuve du jour. Alex Fath, du service Fox, était devant nous. Il était sportif, il était grave en jambe mais v’la, une crampe le stoppe net sur une piste avant d’arriver chez Fred et Manou. Il faisait presque nuit. On lui est passé à côté, on l’a regardé et on l’a laissé là. Il connaissait pas la fin du parcours et est arrivé à minuit, il restait à peine un morceau de dessert. J’ai connu ça moi aussi, en Nouvelle-Zélande. On descendait en courant et je me suis fait une grosse béquille à la cuisse contre un tronc. Je croise un randonneur : — Et vos collègues, ils vous ont pas attendu ? — Non... nous c’est comme ça. Celui qui se blesse, on le laisse ! Au Chili, on devait monter à cheval, une première pour Stylé... Il devait faire 1m90 et il avait pris un double poney ! Il était plus grand que le cheval, avec ses pieds qui touchaient par terre ! — Ça va aller Stylé ? — Ouais impeccable. On a pas fait trois mètres qu’il se faisait éjecter ! Tous ces voyages, c’est beaucoup de déconnade, mais c’est aussi des gens, des mots dont tu te rappelles toute ta vie. Au Maroc, mon premier Trip... En Algérie aussi, à l’ermitage du Père de Foucauld. Le religieux nous avait offert le thé. Je me souviens qu’il m’avait dit : — Tu vois, sur cette pierre-là, je m’assois. Ça fait 40 ans, et tous les jours, je découvre quelque chose de nouveau. C’est... il y a des choses, des visages que tu n’oublies pas. Quand tu reviens de ces voyages, tu ramènes toujours de grandes moralités, des envies de vivre autrement. Et petit à petit le naturel revient... C’est dommage, mais on est comme ça. Les Tribe Trips ont été parmi les plus belles années de ma vie. Heureusement que j’ai pu vivre tout ça, autrement ça aurait peut-être été plat. Je crois que mon plus grand plaisir, ce serait que mes enfants fassent ce genre de voyages. Si demain mon fils me dit qu’il part faire le tour du monde, je suis le plus heureux. »

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PATRICK « ZANINI » GUISIANO

Puis il y a eu ce premier bâtiment plus clean et l’arrivée d’internet. Le midi, je venais au bureau et je me connectais, tu vois... sur des sites un peu cochons. Un jour, j’étais dans le bureau de Boudeou, je regardais un truc... Fred passe derrière moi puis va voir Boud : — Putain, mais qu’est-ce qu’il fait ? Il regarde des trucs de zoophilie Zanini ? Boud vient me demander ce que je fais, du genre étonné. — Mais non, tiens regarde, c’est des produits de marques un peu exotiques, tu vois... Après ça, Lolo a coupé internet ! Je venais donc tous les midi. Ça n’avait pas encore pris de l’ampleur, c’était vraiment familial : tu mettais ton vélo sur le trépied, tu le bricolais, tu mangeais, tu rigolais, tu passais un peu de temps sur internet, tu repartais, voila. On allait rouler tous les vendredis à 16h, le soir après 18h à la belle saison et les samedis et dimanches souvent.


« Je connais Fred depuis que je suis minot. On s’est rencontrés au début des années 90 au shop Power Bike à Sainte-Maxime. De temps en temps on faisait de la moto ensemble. Déjà à l’époque, il avait cet esprit compétiteur qu’on lui connait bien. ‘‘Je vais vous montrer qui est le patron’’, c’était ce qu’il avait l’air de dire quand on s’emplâtrait dans les collines du golfe de Saint-Tropez. Plus tard, quand je me suis mis au vélo, c’était pareil. Les ‘‘balades’’, ce n’est pas vraiment dans le vocabulaire de Fred. En vélo comme en moto, ça a toujours été la guerre ! C’était chacun pour sa peau, et si tu venais il fallait t’attendre à morfler ! C’était l’esprit, et c’est devenu la mentalité de la société. Ça a d’ailleurs joué un rôle dans son développement. Au bout d’un certain temps, même quand on n’était pas sur deux roues, on gardait cet esprit chambreur. On devenait de joyeux compétiteurs entre nous.

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Les Tribe Training Camps étaient à l’image de ça aussi. En fait c’est exactement ce que voulait Fred : réunir le plus de gens possible, des pilotes, des journalistes, et imaginer une compétition où on pouvait vraiment s’arracher. Fred, il était chez lui, il connaissait le coin comme sa poche. C’est lui qui faisait les règles, donc il pouvait jouer avec et les utiliser un peu de travers, les adapter au terrain, sans vraiment les transgresser. Il était le seul à vraiment maîtriser son sujet et il se marrait de voir tout le monde dans le rouge. Il se frottait les mains d’avance, en disant qu’on allait pouvoir ‘‘en massacrer deux ou trois !’’ Dit comme ça, on dirait peut-être pas, mais c’était super convivial. Chacun venait avec son style et son univers, et on passait de super moments. Le soir, on se retrouvait chez Fred et Manou, on mangeait tous ensemble et on se préparait pour les épreuves du lendemain. Je pense qu’il s’était fait ce programme sur-mesure et qu’il voyait ça comme une sorte de récompense qu’il s’offrait à lui-même, et à nous.

Une autre belle compétition : la Brougaou Party. L’idée, c’était de se réunir en haut d’une colline, de traverser un vallon en courant, et le premier à arriver sur la crête d’en face gagnait. Il n’y avait pas de sentier : c’était pleine brousse, tu te démerdais comme tu pouvais. La Brougaou Party quoi ! C’était vraiment bonnard. On n’a pas eu beaucoup de blessés, sauf au dernier Tribe Training Camp. On se demande comment c’est possible d’ailleurs... Dans le même genre, on a eu la Bouchasse Cup à Molini Di Triora. C’était une compétition unique, seulement pour nous, chez Tribe. Ça avait commencé dans la semaine. Avec nos grandes gueules, on se provoquait en se lançant des phrases du style ‘‘je vais te casser la bouche !’’ Le week-end et aux pauses déjeuner, il s’agissait de se défoncer les uns les autres, et c’était à celui qui la ramenait le plus tout en montrant son meilleur pilotage. On branchait à fond. Si tu te trainais et que tu t’oubliais dans la colline, t’en entendais parler pendant des semaines. C’était donc comme ça tout le temps. Quand on allait rouler, si tu ne connaissais pas la route, soit tu suivais, soit tu te perdais. Personne ne t’attendait en haut de la piste. Il fallait être bien conditionné, mais c’était aussi ce qui faisait le charme de ces sorties. Les années ont passé, et Fred est devenu un peu plus calme. On fait moins de vélo tous ensemble, mais plus par petits groupes. Et puis bon... il est un peu plus dans le dur papy ! Il peut plus trop se battre comme avant ! Il a tellement branché les autres, il a mis la barre tellement haut que s’il arrête d’assumer maintenant, il va se faire allumer ! Aujourd’hui, il roule toujours beaucoup, mais plutôt en solo ! Il paraît que Lolo est du même acabit une raquette à la main. Sur un cours, d’après ses potes, il est toujours prêt à mourir pour ne pas perdre un point. Du coup, je me dis que j’ai bien fait de ne pas me mettre au tennis. »

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SEBASTIEN « MESSERSCHMITT » ANGERBAUER


« J’ai rencontré Laurent quand je suis venue à Saint-Tropez fêter l’enterrement de vie de jeune fille d’une amie. Je l’ai croisé au ‘‘Bateau ivre’’, un bar after sur le port de St Tropez, qui est maintenant fermé. Nous étions toute une bande avec des perruques bouclées fluos – rose pour la mienne. Ivre, il devait l’être un peu d’ailleurs, car il m’a demandé de suite de l’embrasser ! À cette période-là, Laurent était plutôt dans le dur : il avait fait un emprunt perso et avait demandé de l’argent à ses parents. J’ai quitté ma vie sur Marseille et un poste de cadre (DAF chez Uhlsport) avec un salaire conséquent, afin de m’installer et de repartir à zéro dans l’expertise comptable. Il fallait que je crois sérieusement en lui pour prendre ce tournant dans ma vie. Je venais à peine de m’installer dans le golfe que Tribe faisait son premier déménagement avec toute l’équipe. J’étais très contente d’avoir pu y participer. J’ai toujours cru dans les choix stratégiques de Laurent et dans sa capacité d’adaptation. Je pense également que Fred et lui font un ‘‘couple magique’’ sans jeu de mots. Ils sont totalement complémentaires et ont leur terrain d’action. Cela me paraît essentiel pour une collaboration à long terme. La compta était relativement simple au départ, puis elle s’est complexifiée avec l’ampleur des opérations menées par Tribe. Et très vite, il a fallu qu’ils embauchent une comptable en interne. Nous en avons eu plusieurs qui n’avaient pas fait l’affaire et avons souhaité recruter. Le meilleur entretien étant celui avec Sandrine, pendant lequel je changeais les couches de ma fille Laetitia qui n’avait alors que 8 mois. Je me souviens aussi des débuts assez cuisants d’Edgar dans le bureau commun des anciens locaux. C’était le souffre-douleur de Fred qui n’était pas toujours très tendre avec lui. Il a su dépasser tout cela pour avoir une belle position chez Tribe aujourd’hui.

Il y a eu une année en particulier où la boîte s’est retrouvée avec un déficit de quelques milliers d’euros. Ce n’était pas l’épisode le plus heureux que nous ayons vécu et Laurent a passé quelques nuits blanches. Mais on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs et de toute difficulté on se sent grandi et renforcé. Donc bien entendu nous avons mis des procédures en place afin d’augmenter le contrôle interne. C’est bien sûr une clé importante de la réussite d’une société. Tribe en fait la preuve, en plus d’une stratégie commerciale hors-pair. C’est aujourd’hui un des plus gros clients de mon cabinet. Même si Laurent et moi ne sommes pas dans le même style de succès ni dans le même style de développement, nous avons tous deux besoin d’une équipe soudée et tournée vers l’avenir. De nos jours ce n’est pas simple, car le travail n’est pas forcément une valeur prônée par notre éducation. Le recrutement est donc très important, et nous nous efforçons d’embaucher des personnes qui ont des valeurs proches des nôtres et sur lesquelles nous pouvons compter afin de constituer une équipe forte et solide. Il me semble important d’être toujours transparent et de donner les grandes lignes afin que chaque salarié puisse s’identifier dans les plans à court ou long terme. Côté sport, j’ai un vélo Electra que m’a offert Laurent avec lequel je vais de temps en temps faire du sport à St Tropez. Par contre, je dois reconnaître que le VTT est difficile pour moi, car j’ai un réel problème d’équilibre sur les deux roues. Je préfère jouer la carte de la sécurité et je reste en footing ! Un de mes meilleurs souvenirs, c’est l’anniversaire de Manou à la ‘‘grande maison’’, lorsque Fred lui a offert un cadre de vélo pour ses 35 ans. Personne n’a osé réagir devant sa mine dépitée… Finalement, il y a eu ce premier repas de fin d’année dans le restaurant gastronomique de feu Monsieur Da Silva, aux gorges de Pennafort. Fred et Laurent avaient voulu remercier l’équipe en nous emmenant dans un restaurant gastronomique où certains d’entre nous, moi incluse, n’étions jamais allés. Poulet avait fait une entaille dans les recettes de Tribe en choisissant les vins les meilleurs et les plus chers de la carte. Bien entendu nous étions tous un peu éméchés, sans parler de Boudeou qui n’avait de cesse d’interpeller le sommelier, et de l’appeler ‘‘papa’’ toute la soirée. C’est lui qui, avec un verre de trop, a rappelé à tous ce bon souvenir du cadeau de Manou ! »

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VÉRONIQUE « VÉRO » CORNEC


Un tel lieu brasse des milliers de gens par jour. On n’avait alors pas beaucoup de budget et rien que d’avoir un emplacement coûtait une fortune. Il fallait limiter les autres dépenses au maximum. On était que deux à être envoyés pour couvrir les quinze jours du salon : Seb Angerbauer et moi. En comparaison, aujourd’hui le Roc d’Azur dure quatre jours, et toute la boîte est réquisitionnée pour l’événement. Pour le matériel et les produits, on a tout expédié chez un concessionnaire Honda perdu dans l’Oise, 80 kms à l’opposé du salon. Quand on est arrivés sur la capitale avec Seb, on a dû s’enchaîner cinq allers et retours en traversant Paris avec notre petit camion pour tout acheminer sur le salon. On a ensuite monté le stand avec ce qu’on avait en faisant en sorte qu’il ressemble à quelque chose. Notre revendeur de l’Oise nous avait prêté une moto. Un autre partenaire, LG Quad, nous avait assemblé à titre gracieux des pièces qu’on lui avait envoyées, puis nous avait monté l’engin depuis Grenoble – et était venu le récupérer à la fin. Quand tu n’as pas de budget, il te faut être débrouillard, mais il te faut aussi de bons amis ! Notre emplacement sur le salon, c’était au fond, près des chiottes. Tellement loin qu’on n’avait pas de lumière au-dessus de notre rangée. C’était là notre terrain de jeu pour quinze jours.

Au début on était bouillants. On a rapidement découvert les joies de répondre à des questions du matin au soir. Tu commences par renseigner les gens méticuleusement. Et plus ça va, plus tu comprends que c’est toujours les mêmes questions. À la fin tu deviens dingue. On finissait par dire ce que les mecs voulaient entendre. ‘‘Ah le pot ? Oui c’est bien, c’est le top ! Vous avez quoi ? Deux et demi ? Le top. Vous voulez de la puissance où ? En bas ? C’est le mieux ! Avec ça, je vous dis pas...’’ Pour peu que le client d’après veuille entendre que la puissance c’est mieux en haut, on lui disait l’inverse. Bref, c’était épuisant, et c’est le quotidien pendant quinze jours. On arrivait à 8h et on nettoyait le stand si ça n’avait pas été fait la veille. Puis on parlait toute la journée, presque non stop. On baignait dans un brouhaha incessant. Ça finissait à 18h, sauf lors de nocturnes où on pouvait quitter le salon après 11h. Franchement, on lâchait rien ! Peu importait la fatigue, on s’arrachait comme des fous, comme si FMF était notre boîte à nous. Il fallait rentrer des sous, amener de la visibilité sur nos produits, et c’est ce qu’on faisait. Mais le soir, on était sur les genoux. On louait une chambre dans un petit hôtel pas cher à 30 ou 40 minutes. La voix cassée, on rentrait et on dormait comme des masses. Après quelques jours, le matin avec Seb, on ne parlait même plus. Pas un mot au petit déjeuner, Dans l’ascenseur, on se regardait, livides. On montait dans la camionnette et on roulait en silence jusqu’au salon, avec James Blunt en boucle comme fond sonore. On savait pas trop pourquoi, mais ça nous détendait... »

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EDGAR « ED » MARTINS

« On était sur le Mondial du deux roues, devenu depuis le Salon de la moto. C’était la première fois que j’étais envoyé sur un tel évènement. Il y avait tous les constructeurs, toutes les marques, tous les fabricants du monde de la moto, des plus grandes multinationales comme Yamaha jusqu’aux distributeurs plus humbles, comme FMF Sport Group.


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« Au lancement de notre marque de casques, on a décidé de créer les Urge Events avec Fred. On voulait avoir un projet com-marketing original qui mettrait en avant le côté humain, humanitaire et la dimension nature de Urge. Fred s’est investi à fond pour qu’on crée les Fabien Barel Invitational au Kenya pour la première édition, puis au Népal et au Cap Vert. Ça été de vraies aventures qui ont soudé l’équipe et ancré les valeurs de la marque de manière très forte. On touchait vraiment aux dimensions profondes et originelles du VTT, celles qui quelque part ont conquis tous les passionnés de ce sport. »

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our l’organisation du Urge Cap Vert, c’est Manou qui s’était occupée de toute la logistique. C’était compliqué, on passait d’île en île toute la semaine et le timing était très serré. Elle avait tout calé parfaitement : nous, on prenait des ferrys ou des avions de ligne, et les vélos étaient acheminés en avion par une compagnie aérienne privée. Un jour où l’on devait changer d’île, au moment de charger les vélos, la compagnie nous dit qu’il ne pourront pas assurer le contrat. Sur leur trois pilotes, l’un était en congé, le deuxième était tombé malade, le troisième avait fait trop d’heures et n’était plus en règle avec la législation aérienne. Les avions étaient là, mais ils n’avaient plus de pilotes pour les faire décoller.

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Fabien Barel

ur le Urge Népal, on devait voler vers l’aéroport de Jomsom situé à plus de trois mille mètres d’altitude. On avait lu que c’est un des plus accidentogènes au monde et on se demandait bien pourquoi avant d’y être. Au petit matin, on devait faire deux rotations, donc scinder l’équipe en deux. Une heure avant d’embarquer, un représentant de la compagnie vient nous voir et nous explique : ‘‘On ne connaît pas exactement les conditions météos tant qu’il n’y a pas un premier avion qui a atterri et qui a pu les constater par lui-même. Pour le premier vol, on est dans l’incertitude totale, donc ça peut occasionner des fausses manoeuvres et malheureusement, il arrive qu’il y ait des crashs...’’

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ark Weir, pilote emblématique et acteur clé de l’expansion de l’enduro en Amérique du Nord, figurait parmi les invités triés sur le volet de la première du triptyque Urge Events, sur le Mont Kenya. Il était pilote officiel Santa Cruz et comme tous les pros, il avait avec lui son vélo personnel, un Nomad, avec tous ses réglages et ses astuces pour performer. Mais voilà : son vélo n’arrivera jamais au Kenya. On lui a proposé de rouler avec un Yeti 575 – le vélo que devait utiliser Zanini pour l’encadrement. C’était un bon vélo, mais pas race ready et encore moins au niveau espéré par Mark. De plus, Yeti était à l’époque le concurrent numéro 1 de Santa Cruz aux USA. Après un petit maquillage rapide, Mark a dû se résoudre à utiliser ce Yeti, et ne cessera de pester par la suite. Et pour le coup, je me souviens l’avoir vu lors du run de course non loin du start à 4500 mètres d’altitude, passer à plat ventre, puis sur le cul, dans une roubine très pentue sans arriver à s’arrêter ! L’égo de notre célèbre moustachu en a pris un coup, mais il a pu mettre ça sur le compte de son spad d’emprunt.

On se retrouve à chercher une solution en urgence, et on réussit à louer un tout petit bateau de plaisance sur lequel on charge les vingts vélos de nos pilotes. La mer était vraiment démontée, à tel point que le propriétaire du bateau renonce à naviguer avec nous et envoie son sbire à sa place. On était donc devant notre petit rafiot chargé à ras bord de vélos, prêts à affronter une mer dangereuse, nous semblait-il, entre Mindelo et Santo Antao, sans le moindre secours à espérer en cas de souci. On a finalement traversé sans encombre. Je me souviens quand même qu’avant le départ j’avais dit à Manou : ‘‘Perds pas de vue la civière gonflable orange là, parce que si ça part en couille, faudra s’accrocher à ça.’’

On écoute religieusement les explications, on se regarde les uns les autres... Gros moment de doute. ‘‘Ah ouais, c’est comme ça... mais alors, qui va monter dans le premier avion ?’’ On rigole tous un peu jaune mais on a pas trainé pour se décider. Vu la qualité du plateau et du staff qui était là – même si on ne le sentait pas, de toute façon ça la foutait mal de se dégonfler devant les autres – il y a rapidement eu des volontaires et on a eu vite fait de remplir le premier vol !

Fred Glo


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TÉMOIGNAGES


« Après ma carrière professionnelle, quand je suis devenu journaliste pour VTT magazine, j’ai été tout de suite mis en contact avec FMF. Ayant un passé de motard, j’avais un bon fil conducteur pour parler de choses et d’autres avec Fred. J’ai participé aux trois Urge Events. On allait donner un coup de main dans ces pays avec les moyens qu’on avait et c’était vraiment formidable. On avait nos détracteurs, mais on considérait faire ce qu’on pouvait à notre échelle. Je me souviens que c’était des voyages risqués, sans vraiment d’assistance, alors on n’était pas toujours sereins. Au départ des spéciales, on était briefés : si on se blessait, ça ferait très mal, pendant très longtemps ! Ça n’a jamais dérapé heureusement, et puis quelque part ça avait un côté transcendant qui me plaisait bien. En tout cas, cette dimension d’entraide internationale, c’est la seule chose qui pourrait me faire remonter sur un vélo en tant que compétiteur aujourd’hui. Ces Urge events m’ont marqué à vie, et j’ai aussi compris à travers ça que Tribe Sport Group est composée de gens qui vont sur le terrain et qui n’ont pas peur de se mouiller. »

Benoit Maltier Premier sponsor des Urge Events Master en design et wheeling Je travaille dans le domaine de la petite enfance depuis 2003 – architecture d’intérieur des crèches – et j’ai toujours été passionné par le VTT. J’avais très envie que mon entreprise de l’époque puisse s’investir pour une cause au profit des enfants en difficulté. J’ai donc fait des recherches sur internet et je suis tombé sur les URGE ÉVENTS. Bingo, c’est pile l’idée que je me faisais d’une belle mission humanitaire ! J’ai donc contacté Fred Glo, et ça a été le début d’une longue et belle histoire. Ce fut une sacrée belle aventure sportive et humaine, j’en parle encore avec beaucoup d’émotion. Je garderai à jamais gravés dans ma mémoire le sourire des enfants, les moments de partage avec les sportifs et la générosité des organisateurs. Au niveau du pilotage, j’ai acquis le statut de Grand spécialiste de la roue arrière ! Tellement spécialiste, que lors d’une petite virée en famille en VTT sur l’île de Porquerolles, j’ai un peu raté ma figure et je me suis coincé la jambe dans le cadre. Bilan : tibia et péroné en plusieurs morceaux, astragale cassée, évacuation par hélicoptère, trois opérations et un an de galère. Ça m’a quand même calmé ! Toujours par passion pour la nature et le VTT, j’avais décidé en 2011 de créer une marque de mobilier urbain qui réinvente l’aménagement des espaces extérieurs, notamment grace à son design innovant et au respect de la nature. La prendre comme modèle et l’adapter aux rangements pour vélos. Avec cette marque, j’ai pu vivre de belles aventures humaines et entrepreneuriales mais j’ai malheureusement dû la céder en 2018. Tribe a toujours été présent pour m’aider à la faire connaître. La vie professionnelle actuelle va m’obliger à me réinventer. Je ne sais pas encore vers quelle orientation je vais me diriger mais une chose est certaine, ce sera en harmonie avec la nature, dans le respect de l’humain et forcément avec une touche design ! En résumé, ce sera très proche des valeurs de Tribe. Avec eux, ça a toujours été une belle histoire, une amitié véritable, le partage des mêmes causes, alors longue vie à TRIBE !

Pilote d’enduro Tribe pendant 15 ans Aujourd’hui patron des Enduro Series

Alex Balaud

« J’ai rencontré FMF en 2002 sur un évènement. Ils exposaient entre autres des Rocky Mountain, une marque qui m’avait toujours fait rêver. On s’est arrêté avec mon frère Willy pour regarder les vélos, et Fred est venu nous voir en disant : ‘‘Si vous avez envie de rouler sur des Rocky, c’est quand vous voulez les gars !’’ Et l’année d’après, on roulait sur des Rocky Mountain ! J’ai fait ma dernière saison comme pilote sur les ES en 2010. Après 20 ans de compétitions VTT, je pensais avoir fait le tour de la question. Je suis donc allé voir Fred pour lui dire que j’étais prêt à reprendre la fonction de référent terrain des Enduro Series. Il me semblait que niveau traçage et balisage, je pouvais apporter quelque chose de plus en phase avec la discipline. À l’époque, la série était sujette à beaucoup de polémiques autour du balisage qui, il faut le reconnaître, était assez léger par endroit. Cela occasionnait souvent des erreurs de parcours et parfois des coupes et tricheries. Aussi, quand 7 ans plus tard Fred nous a annoncé que Tribe arrêtait la gestion du circuit, la reprise de ce dernier m’est apparu comme une suite logique. Tribe m’a toujours paru comme une boîte sérieuse. Elle a beaucoup grossi, il y a eu les nouveaux locaux, mais ils sont restés fidèles à leurs idées concernant les marques haut de gamme. Et puis il y avait tous ces voyages à travers le monde. J’ai pu participer au premier Urge Event, au Kenya. Une première en Afrique centrale pour moi et un super souvenir humain et sportif. Je retiendrai les paysages magnifiques, une équipe et un groupe au top, et bien sûr le choc des cultures entre notre monde basé sur la rentabilité et la surconsommation, face à la simplicité – pour ne pas dire misère – et la débrouillardise des Kenyans. Une fois là-bas tu te rends compte que tout peut avoir au minimum une 2ème vie. Surtout, tu peux jeter ta montre, elle ne te sert plus à rien ! »

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Multiple champion du monde DH master, double vainqueur de Mégavalanche Invité des Urge Events, ancien journaliste à VTT Mag Aujourd’hui Moniteur VTT

Légende du VTT DH et Enduro, Co-fondateur de Urge et Brake Authority Manager du programme racing enduro et DH pour Canyon

« J’ai contacté Tribe pour leur acheter un pot d’échappement FMF sur ma moto et on s’est rencontré juste après pour faire un tour de bécane. Notre relation a commencé à se construire de là. J’avais un grand respect pour leur vision du marché VTT, la place qu’ils donnaient aux marques et leur choix des directions vers lesquelles pousser la discipline, avec comme fer de lance la dimension nature et éco responsabilité. Le binôme Fred-Laurent a beaucoup inspiré mes propres projets, et je suis admiratif de voir qu’ils ont réussi à conserver ces valeurs tout en gardant une belle croissance. Au-delà de l’amitié que je leur porte, je suis fier de pouvoir travailler avec eux en tant qu’associé. »

Fabien Barel

TÉMOIGNAGES 96

Sam Peridy


par Laurent Cornec

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LA C’OURS « On est invités à un meeting de WTB aux Etats Unis, à Downieville, Californie. Tous les distributeurs étaient réunis. On nous a présenté les nouveaux produits pour la saison à venir sur deux jours, et on a fait du vélo pendant une après-midi. Je suis plus à l’aise avec une raquette que sur un VTT. Mais je tenais bien la route, je me défonçais toujours et, surtout dans des endroits super sympas comme à Downieville, je me régalais. Donc on part en groupe, et j’étais avec des gars très en forme. Au bout d’une heure et demi, je commençais à me fatiguer. J’arrive au pied d’une grosse montée, et je vois deux mecs de la team WTB arrêtés sur le côté. Ils me baragouinent quelque chose en anglais. Comme je tirais un peu dans le rouge, que j’avais la tête dans le guidon, je ne comprends pas ce qu’ils me racontent. Peut-être qu’ils voulaient m’expliquer le chemin, mais je ne me suis pas arrêté pour autant. Je les dépasse en souriant, et j’attaque la montée. Derrière, je les entends crier en anglais, mais je les laisse faire et je continue de pédaler. Je mouline jusqu’au sommet, puis je les attends. Ils arrivent dix minutes plus tard, et l’un d’eux me dit : — Mais t’as pas compris nos signes ? On s’est arrêtés mais tu es passé devant nous ! — Qu’est-ce qu’il s’est passé ? je demande. — On a engagé la montée, puis on a fait demi-tour parce qu’on a vu un ourson traverser la piste, avec la mère qui le suivait ! — Quoi ?! J’avais pas compris ! — Tu ne t’en es pas rendu compte, mais le petit ours avait traversé le trail alors que la mère était de l’autre côté, et toi tu t’es retrouvé au milieu ! Heureusement que tu t’es pas retourné, parce qu’elle t’a coursé sur une dizaine de mètres ! Elle a failli te rattraper ! J’avais eu de la chance. Quand tu roules à Cogolin, à part croiser un sanglier, il risque pas de t’arriver grand chose. À aucun moment j’aurais pu imaginer que j’allais croiser un ours brun, encore moins qu’il allait me courir après ! Alors que c’est monnaie courante dans des régions comme la Californie. Il ne m’est rien arrivé, mais c’est pas passé loin ! »


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par Christophe Gallo

« Un jour, les gars de Cervélo nous proposent d’inviter nos meilleurs clients pour un meeting, tandis qu’eux invitent le champion du monde de cyclisme de l’époque, Thor Hushovd. La journée est organisée au Château de Berne à Lorgues, le lundi suivant le Roc d’Azur. Thor a débarqué à bord de sa belle Porsche 911 70’s. On pose fièrement pour la photo de famille, et je l’ai à côté de moi : le mec est énorme, je fais 1m20 à côté. Je le regarde d’en bas et je lui dis, pour déconner : — Toi, ce que tu sais pas, c’est que j’vais te casser la bouche ! Forcément, il comprend pas pourquoi je lui dis ça. Tout le monde enfourche son vélo. Il y a Julien Di Cioccio, Lilian, Frédéric Moreira, Adrien Kiefer et moi. On part en se disant ‘‘on veut voir comment ça fait mal quand le champion du monde accélère, si vraiment il nous pète la bouche !’’ Nous, on roule toutes les semaines ensemble et on se connait bien. Lui, on veut voir ce qu’il donne. Donc on est comme des gosses. Tout le long on le branche : — Tu veux pas accélérer un peu ? Vite fait... Hushovd nous prend pour des fous : — On est là pour faire du vélo avec ceux qui les vendent en magasin, pas pour faire une course ! — Oh, c’est pas grave s’ils suivent pas, je lui réponds. Nous ce qu’on veut c’est visser ! Le mec ne comprend pas bien notre délire. Personne ne comprend ce délire d’ailleurs... Finalement, c’est Lilian qui se met à son niveau : — Bon écoute, il faut vraiment que tu déboites mon pote, dit-t-il en parlant de Julien, parce qu’il fait trop le beau depuis des années, et on a envie de le voir pleurer. Rouler avec les pinpins c’est gentil mais bon, faut que tu lui casses la bouche. Donc si tu pouvais nous montrer qui t’es... On arrive dans le creux d’une bosse à peut-être 50km/h, au bas d’une pente. Là, Thor sort du groupe et il s’en va... Quand il est parti, on a cru qu’on était à l’arrêt. On est restés collés. Il y en a un qui a tenté de le suivre mais il s’est garé au bout de 2 mètres. Nous, on avait gagné, on avait eu ce qu’on voulait et on était contents. Mais lui, quand il est rentré, il a expliqué qu’il était parti rouler avec des malades. Alors Cervélo a rappelé Lolo pour une petite mise au point ! »

C’EST FAB QUI RÉGALE ! « Un jour, on a signé un contrat avec un certain Fabien Barel pour qu’il porte les protections Six Six One. Le patron de 661, Eddy Cole, un mec avec qui on prenait plaisir à travailler, venait de sortir un nouveau casque intégral de DH. Il n’avait que trois échantillons. J’ai insisté pour en avoir un : les championnats du monde de descente se passaient en France dans quinze jours et je pensais que Fabien pouvait gagner le titre. Malgré le peu de casques qu’il avait, Eddy m’en cède un, qu’on met sur la tête de Barel. Et il gagne ! Penda n qu i se t la compé t it mécan fa isa it en p ion, i l y a va it u os, le r ivé e n n s jou qu i a l la it g rna l is t re les ma pet it jeu tes... n a g er a g ne r pl a c e Il s, le te par ieu r m i nera it M champion fa l la it dev les i ne r n rs ver a a t r , c us K et sa celu i q u i ava ient quelqu lausman n à quel le it J’ava is . Tous es m is F le bon résu d iza i nes les d et j’av a a is v u bien va i nq ltat rempor ’eu ros et ta ueu r e juste. I l y av t Mar it le tout. a cus 33 l ier d it quelques è me , ’eu ce cou rs ros. Je va nta i nes, vo e, je lu is voi i r e u n r i nel le et je lu an nonce m Fabien jus pet it m i la pet it t e apr tout, i d o n e ès l a ne les il v ictoi s r mond déclare qu ’i l pa ie ous. Heu re e persone pou r fê t e r u r a sa tou rn x comme ça . ée à t out le

se , ou r a c e c sa l v né g a g u ne a f i n d e r i e l o a d’av n col dès l saou l tent e et s’e écanos t, t rop n o c tô nc sm e nt l’ava et se ouché Col e me ddy citer Tel l end de poque donc c E s é r li u i l p ne de l’ I l s’est e ! n pl u r le fé » é . et e i cop s-m id i a tou rn rgent, hère po e 661 ! è u s ’a l’apr payer rev u l x t rès c au casq r e ’a pou onne n ne Rol e nouve u Pers offert e avec c a ir i o t u l v ic a s de

par Fred Glo

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Faut pas se fâcher, Thor !


Double championne du monde DH Ambassadrice Urge Aujourd’hui mère de famille, professeure de Yoga et formatrice VTT

« J’ai rencontré Fred lorsque j’étais adolescente en 1996. Je débutais le VTT DH, et FMF était dans ses 1ères années de gloire. À l’époque, je découvrais tout un monde de relations et d’amitiés plus ou moins fidèles. C’est avec Fred que j’ai découvert la moto, et j’étais impressionnée par ces passionnés qui ramenaient en France tout ce qui faisait rêver aux USA. Tout au long de ma carrière j’ai eu des échanges réguliers avec Fred. Durant les années où j’ai rencontré des difficultés avec des sponsors, il a toujours su me donner un coup de main ou des conseils et m’aider à trouver des solutions. En 2009 j’ai roulé pour Rocky Mountain, ce qui m’a rapprochée un peu plus de Tribe Sport Group, ajouté aux différents sponsors qu’on avait en commun. L’amitié sportive et le partage de nos convictions m’ont amenée à participer aux Urge Népal et Urge Cabo Verde, des aventures pour lesquelles je n’ai pas assez de mots pour décrire ce que j’y ai vécu. Je suis très reconnaissante pour toute l’aide et les aventures vécues avec Tribe. La boîte a connu une belle évolution, et ils ont beaucoup œuvré pour le monde du vélo depuis toutes ces années ; Fred a été et est toujours un générateur d’idées qui se développent à grande vitesse par la suite. Les principaux acteurs de Tribe peuvent être fiers du chemin parcouru. Pour ma part, je suis très fière d’avoir partagé quelques histoires auprès d’eux. »

« Qu’on le veuille ou non, tous les vététistes français ont une part de Tribe en eux... On a tous rêvé en lisant les récits des Tribe Trips et en regardant ces photos dingues prises aux quatre coins du monde ; on a tous bavé au moins un jour devant un Rocky Mountain ou un Yeti, des marques emblématiques que Tribe a fait entrer dans notre pays ; on a tous roulé sur des suspensions Fox ou avec des pneus Maxxis, et force est d’admettre que c’est de la bonne came ; et comment parler d’enduro sans évoquer une fois de plus Tribe, qui a largement œuvré au développement de la discipline non seulement dans notre pays mais plus encore dans le monde entier, d’abord en créant les Enduro Series puis participant activement à la création des Enduro World Series. La rencontre avec Fred s’est faite d’abord dans le cadre professionnel, comme journaliste, et je dois dire que c’est toujours un plaisir de travailler avec lui et son équipe. Ce sont aussi des gens passionnés, vrais et entiers, avec qui on partage la même vision du VTT et des valeurs communes. Si bien qu’en marge du travail, le courant est très vite passé entre nous. À titre personnel, j’ai toujours pu compter sur le soutien de Fred dans les différents projets que j’ai menés et événements que j’ai organisés dans les Alpes-Maritimes au travers de mon site. Près de 15 ans après notre première rencontre, les débats autour d’un café ou d’une bière sont toujours aussi passionnés, les idées fusent toujours aussi vite, l’énergie investie semble plus vive que jamais, et c’est toujours un plaisir de partager un tour de vélo avec l’équipe Tribe sur les drailles de Cogolin, dans le Val d’Allos cher à Fred et Manou ou sur “mes” trails du Mercantour. »

Gior da nen go

« J’ai dû croiser le chemin de la boîte lors de la seconde édition de la Tribe 10 000. Je n’avais des relations avec Tribe qu’en tant que pilote. Fred m’a toujours aidé, soit avec du matériel de protection, soit en tant que pilote FMF. Puis une belle relation de respect et d’amitié s’est installée entre nous. Je vous défie tous de trouver des partenaires aujourd’hui qui t’invitent chez eux pour faire un Tribe Training Camp avec ta femme – un week-end où tu ne sors pas sans courbatures, griffures, hypoglycémie, voire de plus grosses galères pour certains ; ou pour faire un tour d’enduro sur les sentiers autour de Cogolin ; ou encore pour participer à une aventure extraordinaire, l’Urge Népal ! Je fais partie des chanceux qui ont rencontré un gars comme Fred, passionné par le sport de compétition, visionnaire, qui a toujours été là pour aider de jeunes pilotes. Tribe m’a aidé pendant plus de 20ans, et continue encore à ce jour..... Côté entreprise, c’est une très belle réussite et je pense que c’est grâce à la complémentarité de Fred et Laurent ! Il y a quelques années avec l’arrivée des gros distributeurs sur le net, je me suis demandé quel sera l’avenir pour Tribe, mais en fait les boss ont été de l’avant en prenant des risques – avec notamment la création de nouvelles marques comme URGE et BA, un nouveau bâtiment et toujours cette qualité des SAV Fox ! Depuis 2006, j’ai aussi une relation commerciale avec Tribe et c’est un acteur incontournable pour tous les magasins de cycles ! J’ai l’impression que les employés chez Tribe c’est comme les pilotes Tribe, si tu fais ton job et que tu as toujours la motivation, alors tu peux rester autant que tu veux…. »

Pilote Tribe pendant 10 ans, pionnier du VTT électrique Aujourd’hui co-gérant des magasins La roue libre, Team Manager et pilote dans le E-team Moustache

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Aventurier, artiste et ambassadeur Urge

TÉMOIGNAGES

Tito Tomasi

Sabrina Jonnier

Ancien journaliste, ambassadeur Tribe et Urge, organisateur de l’Urge 1001 Enduro Tour pendant 12 ans Aujourd’hui guide VTT, créateur du site 1001sentiers. fr, journaliste et testeur pour Vélovert Magazine

Olivier

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Greg Germain

« J’ai rencontré Fred, Manou et toute l’équipe en 2010 lors du Urge training camp, qui était un événement de sélection d’amateurs pour participer à l’événement humanitaire au Cap-Vert. Je n’ai pas été de cette aventure là, mais de celles des 10 ans qui ont succédé. Je pense que Fred a vu mon potentiel et il a décidé de m’aider. J’ai commencé avec Tribe comme pilote ambassadeur en roulant à l’époque avec toute la panoplie de sponsors, tout le matos Fox, Royal, 661 et Rocky Mountain. J’ai commencé les aventures petit à petit, pour devenir professionnel de l’aventure à vélo ! Reprenant ainsi leur flambeau, et c’était pour moi un symbole fort. Pour moi Tribe, c’était les trips vtt originaux et inédits, la camaraderie et Rocky Mountain. J’avoue que je ne regardais pas vraiment le côté business mais je voulais partir avec eux ! Avec Urge qui montre l’exemple dans l’industrie et la progression des marques du catalogue, je trouve que Tribe mène un train super solide, avec des valeurs et un comportement au top. Je suis très heureux de bosser avec l’équipe et de compter Manou et Fred comme amis. »


Légende française du VTT, un des premiers pilotes FMF, co-créateur du short DH en cordura Aujourd’hui fabricant des trontinettes TROTRX « Allô ? — Oui, bonjour Christian. Je m’appelle Zacharie, je suis en train de réaliser un bouquin pour les 25 ans de Tribe. J’ai quelques questions à te poser sur ton parcours avec l’entreprise, il y en a pour quelques minutes, t’es partant ? — Ouais pas de problème. Là je peux pas, mais tu peux me rappeler jeudi, ou tu m’envoies tes questions par mail, ok ? — Allez ça marche. »

Taillefer

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Ancien directeur marketing chez Mavic et fondateur de Wish One Cycles « J’ai travaillé pendant 12 ans chez Mavic et je suis proche de Fabien Barel. C’est par lui que j’ai rencontré Tribe et ses dirigeants, quand ils commençaient à monter Urge. On a bien sympathisé, on avait la même culture et on se chambrait régulièrement... Quelques années plus tard, Fred avait organisé une sortie en gravel dans le Massif des Maures qu’il avait nommée la Sale Journée. Il avait préparé un parcours très dur et sans assistance. Sur le parcours, mon dérailleur s’est pris dans ma roue arrière et je suis tombé au milieu des Maures, sans rien pour me dépanner. Quand Fabien et Fred m’ont vu au bord de la route, ils étaient pliés de rire et ils me sont passés à côté en me laissant crever au milieu du massif. Vincent Julliot a été sympa et s’est arrêté. Avec ses outils, on a réussit à bricoler le vélo pour que je puisse à peu près pédaler. Sans Vincent, je serais rentré à pied. Les règles avaient été définies au départ, mais j’attendais quand même un peu plus de sympathie... En plus, quand je suis tombé, Fabien a ralenti et j’ai cru qu’il allait m’aider. Mais il m’a juste piqué mon dernier bidon d’eau et m’a dit en se barrant : ‘‘ t’es hors course, t’en a plus besoin ! ’’ »

Christian

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Co-créateur de la Freedraid Classic Aujourd’hui propriétaire et gérant d’un bar à vin dans le cœur de Morzine

François-Xavier Blanc

TÉMOIGNAGES

Ro– ger Man– din

« J’ai fait la connaissance de Fred en 1999 à la première de l’événement que j’ai créé cette même année à Morzine : La FreeRaid Classic VTT Mag. Il m’a été présenté par Vincent Ranchoux. J’étais à la recherche d’exposants pour participer au Mondial du VTT en marge de la FreeRaid et Tribe était la grosse boîte de l’époque. On a tout de suite sympathisé. Fred, c’est quelqu’un de bien, toujours à la recherche de nouveautés. C’est aussi un créateur d’évènements, avec son associé Laurent, le personnage de l’ombre. Laurent, c’est un homme discret mais bien présent dans toutes les décisions de l’entreprise depuis sa naissance. Ça été un atout majeur des directions commerciales, des choix et des stratégies qui ont fait l’essor exemplaire de la boîte. Côté vélo, je suis beaucoup moins bon que Fred en VTT. Quand on roule ensemble, il me met des pâtés pas possible, pour se venger... Parce qu’en ski, c’est moi qui le bats ! Se faire distancer et perdre des défis face un mec plus âgé que lui, ça fait ressortir son côté compétiteur. Si bien que son rêve, c’est d’aller plus vite que moi en ski, mais il vieillit d’année en année et moi je rajeunis... Ça va pas être facile pour lui de gagner. Ça restera un de ses rares échecs, gravé au plus profond de son subconscient... Non mais je déconne là !! »


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« En 2013, Michael Schumacher a eu un accident de ski. On apprend qu’il est dans le coma et que c’est très grave. Sur les plateaux TV, ça développe rapidement la polémique sur la part de responsabilité de chacun, entre la station de ski, le casque, la gopro... Je regardais les infos avec Laurent. On déconnait librement. — T’imagines là... Heureusement qu’on a pas vendu beaucoup de casques de ski ! Parce que si c’était nous, on serait vraiment dans la merde. Deux jours plus tard, je reçois un appel d’une certaine madame D. de la répression des fraudes : — Bonjour monsieur, je vous appelle car il semblerait que le casque porté par Michael Schumacher pendant son accident est un casque de chez vous. C’est un Urge. Une enquête est ouverte, attendez-vous donc à des suites... J’étais sonné, j’en parle à Lolo. On commence à réfléchir, à fouiller dans les papiers pour bien vérifier que toutes les homologations sont passées dans les temps. On cherche aussi à savoir si Tribe a un client dans la station de ski où c’est arrivé... — Mais c’est pas possible, il a pas acheté son casque là bas, il porte que des trucs sponsorisés ! — Va savoir. S’il faut, c’est son fils qui lui a fait un cadeau à Noël : il lui a acheté un casque dans la station parce qu’il l’a trouvé joli ! — Attends, c’est possible ça... Non mais vraiment ! Il a un Urge sur la tronche alors ? On commence vraiment à paniquer. Les enjeux étaient monstrueux : les assurances étant en train de chercher la responsabilité des uns et des autres. Si Tribe était mêlée à cette histoire, on allait forcément devoir se défendre. Tous les papiers devaient être en ordre, rien ne devait dépasser. Je finis par rappeler la Madame D. qui affirme que c’est bien un casque de chez nous. Ses collègues lui ont confirmé l’information le matin même. Là, on se décompose. Dans l’après-midi, nouveau coup de téléphone, toujours la même dame. — Écoutez, je suis vraiment désolée... Mes collègues m’ont fait une blague. Ce n’est pas votre casque que portait Schumacher. Ne vous inquiétez pas, à priori il n’y a aucun lien avec vous... Mes excuses. En fait, la connaissant de nature tendue, très scrupuleuse pour le moindre problème juridique – ‘‘casse-couilles’’ en fait – ses collègues l’ont faite démarrer au quart de tour dès le café, du style : ‘‘Tu sais que le casque de Schumacher, c’est celui de tes clients de Cogolin. Il portait un casque de chez eux !’’ Elle y a cru de suite, nous a appelé sans tarder pour nous mettre la misère, et on a bien cru qu’on était foutus ! »


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x e. n réfle s conseil le de o b e l Il a eu l’avocat, qu i nou r séquestration,

n u lle la inte po i détend u O n app e e porter p e qu’on fa it, ce qu ation et voit qu’on it su e d t tou situ r. C t le policie licier comprend la là, devan o p e L s. On est malgré tout invités à venir faire une déposition ose peu les ch mauva ise foi. e au commissariat, ce qui ressemblait quand même à une d s a p st n’e petite garde à vue, mais le flic nous laissait faire le trajet dans notre voiture et pas dans un véhicule de police. Sur le chemin, on s’est préparé en se mettant d’accord sur la

‘‘VERSION OFFICIELLE’’

qu’on allait devoir tenir sans démordre. Au commissariat, on est effectivement séparés et interrogés un par un.

Au final, on a pu récupérer le mat os, mais le géra magasin de Mon nt du tpel lier a dû dé poser le bi lan pe u après.

»

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e s l ient nc i è r nos c ude f i na uva it e d s t o n li p er t a i un ’amp , ça que c encore l i mpayés du chez n t i a v n i so s s r e r r a e s l a t p n be, i l n’ava it a î na ient arrémen stock da ste de i r T u is c e en le r e . On e nc h c e de rgen a iement er ta i ns s, je me s its encor ’i l règle e m i u c p ’é u l o q ts de fauts de t quand a l. Une f r les prod és pou r e é g débu e Au x nt des d u rd’hu i, ett re à m récupér ite arran ita it. r m ha jo su i le emp ’on a au ent nous isien pou s’est en i l le sou r n e a m i qu O m p a . t r v c l ie n m a g a s i n d e t t e com sa C

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« Chaque année, notre société a des meetings annuels avec les marques que nous distribuons. Avec Rocky Mountain, ça se passe souvent à Vancouver, au siège. En 2002, le directeur commercial propose d’aller faire un ride dans le North Shore, le terrain de jeu le plus intéressant mais aussi le plus hostile pour faire du VTT, avec Wade Simmons, le parrain du Free Ride et un pilote emblématique chez Rocky Mountain. En bref, un des plus grands freeriders du monde dans le spot le plus réputé de la planète. Je me retrouve donc au petit matin seul avec Wade : tout le monde s’était dégonflé. J’essuie un petit moment de solitude : dans ce genre de meeting, je suis toujours parmi ceux qui roulent le mieux, mais ce jour-là je comptais quand même sur les moins bons du groupe pour que Wade s’adapte et que ce soit pas trop violent. J’avais entendu parler du coin mais je ne l’avais jamais expérimenté. Le temps était pluvieux... Autant dire que j’étais pas franchement serein. On commence à monter par une piste. À partir de la moitié du trajet, il s’est mis à neiger. Je commençais sérieusement à douter... ‘‘On a des pneus vraiment pas extraordinaires. Déjà que le North Shore c’est chaud, ensuite je suis avec l’autre fou pour qui tout est facile, et en plus il neige... C’est sûr, je vais mourir aujourd’hui...’’ Je pédale en gambergeant tout ça et on arrive en haut, au départ du trail. Je ne voulais pas me décomposer devant Wade – j’ai ma fierté – mais je laisse quand même entendre, sur un ton dubitatif, que la neige couplée aux pneus qu’on a, c’est pas terrible. Il me répond : — T’inquiètes pas et fais-moi totalement confiance. Tu fais exactement comme moi, tu passes où je passe, à la vitesse où je passe, et surtout tu te poses pas de questions. Ça va aller. Et c’est comme ça que j’ai fait mon premier ride dans le North Shore avec le meilleur freerider du monde, sous la neige, et que j’ai survécu ! Je me suis même régalé. »

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par Fred Glo

NORTH SHORE


L’EXPÉRIENCE TRIBE TRAINING CAMP On faisait participer les employés de la boîte, les athlètes qu’on sponsorisait et les quelques journalistes qui étaient motivés. En fait, on acceptait tous ceux qui voulaient bien venir. On a organisé ça cinq ou six fois. Ça s’appelait les ‘‘Tribe Training Camp”. Ça se passait ici, dans la région. Le parcours démarrait souvent de chez moi, de la maison. On faisait du VTT, du trail, du canyoning, du kayak et ça se terminait fréquemment par une course de karting ou de mini moto sur circuit. En résumé, c’était de l’enduro-raid-outdoor-multisports sans règle ! Ou plutôt, avec des règles improbables, dans un style jusqu’au-boutiste. On avait plaisir à faire endurer les pires souffrances aux uns et aux autres ! On se régalait d’en voir quelques-uns arriver à minuit, quatre heures après les premiers. C’était dans le pur esprit Tribe ! J’étais le grand organisateur. Il n’y avait que moi qui connaissais les parcours, j’étais le seul à savoir où on allait ! Soit les mecs étaient capables de me suivre, soit ils avaient toutes les chances de se perdre ! C’était le jeu. Pour la dernière édition, ça s’est étalé sur trois jours. Le vendredi c’était vélo de route en partant d’ici pour monter dans le haut Var, à Chateauvert. Le lendemain, on descendait 55 km en kayak jusqu’à Vidauban sur l’Argens. Sur les trente-cinq à partir, seulement cinq ont fini la journée, après avoir ramé pendant près de sept heures. Et le dernier jour on avait fait du trail et du canyoning dans la Verne. Il faut admettre qu’on jouait un peu avec le feu. Ce jour-là, malheureusement, la copine d’Edgar de l’époque, qui figurait parmi les invités, s’est cassé le poignet. C’était une vilaine fracture et on a dû appeler les secours. Un hélicoptère est donc venu la récupérer. J’ai eu peur que quelqu’un dise que c’était une sortie organisée par la boîte, ce qui aurait engagé la responsabilité de la société, mais c’est passé sans problème. Surtout qu’on était bien éparpillés. Quatre personnes qui font du canyoning dont une qui se pète un bras, ça arrive. Deux heures plus tard, l’ami Ludo Borg – le légendaire Lulu Borg ! – se blesse le genou. Rebelote, l’hélicoptère vient le chercher. Les mecs ont commencé à se poser des questions. — Il y a un truc organisé ? C’est notre deuxième hélitreuillage dans la même journée, dans la même rivière... Qu’est-ce qu’il se passe ? Il y a une épreuve sportive ? Alors, quelque part, c’est bien que ce soit tombé sur Ludo, parce que c’est un finachou : — Non, pas du tout, vous me dites ça mais... Je sais pas, c’est le hasard. L’autre personne je ne la connais pas. Personne n’a vendu la mèche, mais on a quand même eu peur. Faut dire qu’on mettait un peu en péril la santé des participants, à jouer aux cons. C’était souvent borderline, et si on se faisait prendre, on risquait gros. Tout ça pour aller s’amuser un week-end. Lolo m’a fait les gros yeux, et on a arrêté là l’expérience Tribe Training Camp. »

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par Fred Glo « Une fois par an, en général vers le mois de juin, on organisait un week-end multisports.


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« J’ai rencontré Fred au Cap d’Ail, à côté de Monaco pour un reportage VTT magazine. Il m’a convaincu que le golfe de Saint-Tropez était plus dans mon style, et il avait raison ! Il m’a aidé à m’installer à Sainte Maxime, à côté de chez Hervé Guignard. J’ai toujours trouvé que ‘‘Tribe’’ ça faisait un peu étrange, comme nom ! Mais qui suis-je pour critiquer ? Quand Fred a repris FMF, je n’avais aucun doute qu’il allait réussir, peu importe le nom de la société. C’est un guerrier et il était déterminé ! Il a toujours eu une vision, je pouvais le voir déjà à l’époque ! »

« J’ai débuté comme photographe fin des années 80. Avec Fred et Patrick, on commençait à rouler en VTT, et je prenais des photos. Eux étaient bons, moi c’était un calvaire : je suivais mais j’avais toujours mal aux mains. Je voulais faire des photos originales. On ne voulait surtout pas ressembler à des cyclistes : on roulait en jeans, avec de grosses chaussures et des chemises à carreaux. Ma première double page dans vélo vert, c’était une photo de Fred à l’Escalet, sur son jet ski, avec un VTT harnaché dans le dos. On avait inventé un scénario débile : Fred, comme il se fait chier la journée, il prend son jet ski, il accroche son vélo dans le dos et il va rouler sur les îles du Levant ! Les mecs ont marché direct, ils n’avaient jamais vu ça ! Ça voulait rien dire, mais c’était le genre de style improbable qu’on essayait de proposer. C’est en suivant une de nos idées de pige qu’on est allés au Cap d’Ail pour faire un article chez Danny et Georgia Laporte. On a shooté sur les sommets de Monaco, l’article est sorti en France et en Italie, puis on s’est liés d’amitié avec Danny qui est venu habiter dans le coin. J’ai fait pas mal de photos avec Fred, c’était mon modèle. Il rendait crédible sur un vélo, il était beau et photogénique avec ses cheveux blonds – il est toujours beau même sans les cheveux ! Il m’appelait le Marabout Flasher. En fait, j’avais pas beaucoup de sous à l’époque, et j’avais des chaussures d’une sous-marque Italienne, très larges et multicolores. Une honte... Un jour, on était partis faire les cons dans les basses Alpes, avec pour projet de faire du vélo sur la neige – encore une idée tordue. J’étais le seul à ne pas m’enfoncer, grâce à mes chaussures aussi efficaces que des raquettes, tellement elles étaient larges. Ainsi ils m’ont surnommé le “Marabout Flasher du Bamboulé Gang”. On a fait beaucoup de photos avec Danny aussi. On a même fait une session avec Georgia dans un champ de vignes. Belle femme, blonde avec une poitrine généreuse. Elle portait un maillot FMF très moulant, mais je trouvais qu’il manquait un truc, alors je lui ai naturellement balancé de l’eau de ma gourde sur les seins ! Les photos étaient super ! C’est comme ça que j’ai lancé ma carrière de photographe. Fred a fait son chemin de son côté, avec Cornec, et ils ont monté la boîte qu’on connaît aujourd’hui. »

Ancien patron du shop Bamboulé Surf and Bike de la Londe, ancien manager du team Sintesi et agent Maxxis Aujourd’hui directeur commercial pour une entreprise de yachting « À l’époque, je bossais au Bamboulé Surf and Bike. J’avais beaucoup de liberté et je pouvais faire rentrer des trucs qui étaient alors invraisemblables en France. Ça avait attiré quelques curieux, qui pouvaient venir de très loin pour essayer les vélos, dont Fred, Patrick ‘‘Zanini’’ et Jean-Louis Macault, leur pote photographe. Fred faisait de la moto et du jet ski à ce moment-là, et il était très ouvert sur le sport en général. On a dû faire quelques sorties ensemble, mais on a surtout eu beaucoup de discussions où on refaisait le monde. Fred et Laurent essayaient de développer FMF. Ils cherchaient à savoir de quel côté ils allaient – ils ont commencé par essayer de révolutionner le textile VTT ! De mon côté, suite à l’évolution du shop Bamboulé, je suis rentré à fond dans le milieu VTT en tant que manager. J’entraînais des teams DH, dont un qui a gagné la coupe du monde de descente en 1998 en équipe et en individuel avec Corrado Hérin. C’était vraiment un mec super. J’avais équipé le team avec les freins Formula, qui cherchait alors un distributeur français. J’ai mis Tribe en contact avec eux, et ça a bien réussi aux deux sociétés. En parallèle, j’ai été responsable de marché pendant 12 ans chez Maxxis, que j’ai lancé pour la France, et c’est Tribe qui a récupéré la marque. J’étais très heureux et rassuré car je savais qu’ils allaient parfaitement gérer le produit pour lequel j’avais tant bossé. Un jour, j’ai embauché le fils d’un ami sur le team Sintesi. Je l’ai formé sur le tas à la mécanique, et il a bossé deux ans sur les courses. Ça lui a fait une formation accélérée et il s’est révélé être très bon, alors quand Fred est venu me demander mon avis sur Laurent Duffet, je lui ai répondu qu’il pouvait l’embaucher les yeux fermés. À chaque fois qu’on se croise, c’est chargé d’émotions qui remontent de cette époque là, quand on vivait sur les courses. Avec Fred et Patrick, on a passé de bons moments. Par exemple, quand le marché du windsurf a dégringolé, il a fallu trouver une nouvelle corde à notre arc pour le Bamboulé Surf. On était ouverts, on testait tout ce qui passait et on avait en stock pleins de trucs, dont des équipements pour des sports de glisse : des skates, des longboards, et les tout premiers mountains boards – bien avant que Laird Hamilton descende des volcans ! Avec Fred et Patrick, on déconnait sur les concepts qu’on pouvait proposer autour du mountain board. Ça plaisait à quelques-uns, et Fred est parti dans son délire : il a monté une association, la Mountain Board Ligue, en me nommant président ! Un jour, j’ai carrément reçu un coup de téléphone d’une journaliste qui voulait m’interviewer par rapport à cette histoire de ligue... C’était la période où les idées foisonnaient ! On était quelques potes fous de vélo qui essayaient des choses improbables en prenant quatre photos, dans des endroits où personne n’allait. On voulait être différents. De sa saison à Tigne, Fred avait ramené le concept des ‘‘gangs’’ et on avait collé des stickers sur nos vélos : le ‘‘Bamboulé Gang’’ était né ! On allait un peu partout. Par exemple, on a fait de la descente à Flaine, dans la neige. C’était un peu épique, on savait pas quels pneus mettre, on s’enfonçait... Bref, on rigolait bien. Puis le Bamboulé Gang s’est agrandi et on a organisé des courses régionales. Comme j’étais manager chez Sintesi, j’avais les infos des dates. Je faisais un peu de pub, et on voyait débarquer les meilleurs pilotes du moment. Les gamins du quartier se régalaient. Le club vit toujours aujourd’hui, à Hyères ! »

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Danny Laporte

Ancien photographe de presse Aujourd’hui maître nageur-sauveteur

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Légende du moto cross Aujourd’hui directeur R&D chez FMF USA et co-dirigeant de Motonation

Jean-Louis Macault

TÉMOIGNAGES

Vincent FOURNIER


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« Peut-être

que rien de tout cela ne serait arrivé si je n’avais pas rencontré Danny Laporte sur le Rallye de l’Atlas, au Maroc en 90. Danny Laporte : légende du motocross dans les années 80, champion du monde, champion des Etats-Unis, des posters de lui placardés dans ma chambre d’ado... Mon pilote préféré à cette époque en fait. Il était venu poursuivre sa carrière en Europe, en tant que pilote de rallye africain. Donc sur cette course marocaine, on avait la guest-star, rock-star, super-star américaine, vêtement de cross JT racing, pilote officiel Kawazaki, moto Kx 500 et, entre autres, Frederic Glo, pilote amateur. On n’avait pas vraiment les mêmes attributs ! Le hasard a fait que je me suis retrouvé bloqué à la douane marocaine au début du rallye, et Danny était là aussi. J’ai donc eu l’occasion de baragouiner le peu que je pouvais en anglais. J’ai réussi à expliquer que j’habitais dans le Golfe de Saint-Tropez, et à comprendre qu’il vivait à Cap d’Ail dans une maison qui lui avait été prêtée. Il était super sympa, on s’est échangé nos coordonnées et on a conclu qu’on se reverrait après le rallye. On a pu passer la frontière, on est remontés sur nos motos et je ne l’ai plus revu de la course, lui étant pilote officiel, et moi au fond de ma tente ! Je n’ai finalement pas osé le recontacter. Quelque temps plus tard, un ami photographe, Jean Louis Macault, cherchait des idées de piges sur le VTT. J’avais proposé d’écrire un truc sur les motards qui font du VTT. On a fait le tour de ceux qu’on connaissait, parmi lesquels se trouvait Danny Laporte. JLM avait plus de culot que moi et l’a appelé pour lui proposer une interview pour VTT magazine. C’est ainsi que j’ai renoué le contact. Après une superbe journée de VTT pour le reportage, je l’ai convaincu de venir visiter le golfe de Saint-Tropez. Il s’ennuyait un peu du côté de Monaco, n’ayant pas beaucoup d’amis avec qui s’entraîner. Il est donc venu avec sa famille. Le coin leur a bien plu et ils se sont installés dans une maison à louer que je leur avais trouvée. C’est une période où on a fait beaucoup de vélo et de moto ensemble, on a noué une relation d’amitié sincère et qui dure depuis. Je suis parti un peu partout avec lui, et il m’a fait rencontrer ce monde de la compétition internationale : les marques, les sponsors, les grosses boites du milieu... Tout ce qui me faisait rêver mais auquel je n’avais pas accès. Danny a terminé sa carrière de pilote sur les rallyes africains, et devait penser à sa reconversion. Lui et sa femme ont monté une société pour distribuer les pots d’échappement FMF pour l’Europe – c’est sa famille qui détenait et qui détient toujours la marque aux Etats-Unis. Je me suis alors mis à lui rendre des services gratuitement. Si bien qu’à un moment, on a lancé une marque de textile FMF pour le VTT, sans contrat, juste pour le plaisir. Mais la société ne leur faisait pas gagner grand-chose, et ils ont voulu rentrer aux Etats-Unis. Et plutôt que de vendre à un tiers, il m’ont proposé de poursuivre ce qu’ils avaient commencé. J’étais très heureux de cette opportunité, sauf qu’à l’époque je n’avais ni les épaules ni l’argent pour continuer seul. J’en ai donc parlé à Laurent Cornec, un ami d’enfance que je voyais tous les étés à Saint-Tropez. À deux, on a pu racheter la licence de distribution FMF et le stock de pots restants. Et ainsi tout a commencé. »


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« Et si la liberté consistait à posséder le temps ? Et si le bonheur revenait à disposer de solitude, d’espace et de silence – toutes choses dont manqueront les générations futures ? Tant qu’il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu. »

« On peut agir comme on jardine : ça veut dire favoriser en tout la vie, parier sur ses inventions, croire aux métamorphoses [...] Il ne s’agit pas de désirer peu, de se contenter de peu, mais au contraire d’imaginer davantage, de connaître davantage, de changer de registre d’abondances et d’élévations. » Marielle Macé

« Adopte le rythme de la nature, son secret est la patience. » Ralph Waldo Emerson

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Sylvain Tesson


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Conception : Zacharie Khelili Elisa Glo

Crédit photo : Christophe Gallo Maksymilian Gadomski Olivier de Vault Frederic Glo Corto Fajal Matt Wrag Michel Fournage Greg Germain Alain « Alin’s » Olivier, dans la Tribe pour toujours

2021


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