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LES NOUVEAUX – ANDRÉ CABRAL ET MAURO COSTA

LES NOUVEAUX

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Dans Feu follet de João Pedro Rodrigues, l’un des gestes les plus joyeusement irrévérencieux du dernier Festival de Cannes, il incarne un instructeur des pompiers à la force tranquille qui initie au désir et au plaisir un jeune prince sans ambition royale (Mauro Costa, voir ci-contre) venu trouver sa voie dans une caserne.

« C’est arrivé au bon endroit, au bon moment », s’amusetil. « Après dix ou onze ans en tant que danseur, j’étais arrivé à un stade où j’avais envie de voir autre chose, d’être davantage focalisé sur le jeu, sur le texte. Tout à coup, j’ai eu cette opportunité et je me suis rendu compte que j’étais prêt. » Danseur depuis l’âge de 16 ans, âge où il se prend d’amour pour les acteurs américains Denzel Washington et Angela Bassett, André Cabral, passé par des études de sociologie avant d’intégrer l’École supérieure de danse de Lisbonne, a déjà derrière lui une belle

© Audoin Desforges / Pasco

carrière quand il se présente au casting de Feu follet. C’est lors d’une lecture collective chez João Pedro Rodrigues aux côtés de son camarade de jeu Mauro Costa qu’il fait la rencontre de l’univers follement queer du cinéaste portugais. Habitué aux arts de la scène, le Lisboète de 32 ans coiffe assez naturellement sa nouvelle casquette d’acteur. « C’est vraiment une chance d’avoir pu jouer ce personnage : il est portugais et sa couleur de peau a peu d’importance, ce qui est rarement le cas dans les films produits dans mon pays, qui nous représentent souvent comme des immigrés à la vie difficile. » La suite, le danseur et acteur la veut plurielle : un projet de danse en solo, qui suscite peur et excitation, et une carrière d’acteur, qu’il espère florissante et que sa nature instinctive guide pour l’instant de manière heureuse. En août dernier, il était au festival de Locarno pour le film de Carlos Conceição, Nação valente. Au bon endroit, au bon moment.

Feu follet de João Pedro Rodrigues, JHR Films (1 h 07), sortie le 14 septembre MARILOU DUPONCHEL

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C’est en petit prince, boucles d’or et gueule d’ange, troquant la couronne familiale contre la profession de pompier avant de tomber dans les bras de l’un d’entre eux (André Cabral, voir ci-contre), qu’on l’a découvert au dernier Festival de Cannes, dans la fable musicale, jouissive et incandescente de João Pedro Rodrigues.

À 23 ans, il a déjà la maturité de ceux qui ont beaucoup vécu. Le jeune Portugais connaissait les films de João Pedro Rodrigues avant que ce dernier ne le contacte après l’avoir vu dans un sketch pour la télé. « J’avais regardé quelques-uns de ses films, et ils m’avaient beaucoup intrigué. Quand il nous a donné le script de Feu follet, j’ai trouvé ça très différent de ce qui se fait habituellement. » Son métier de comédien, dûment appris dans une école d’art dramatique à Lisbonne, il l’a toujours appréhendé selon un rapport engagé au monde et à l’art. Il se rappelle son amour,

© Philippe Quaisse / Pasco

enfant, pour la saga Harry Potter et le crépitement d’une vocation en y découvrant le personnage de sorcière de Helena Bonham Carter, dont il avait appris chaque ligne de dialogue. Plus tard, c’est Ingmar Bergman et plus particulièrement Persona qui ont étayé sa cinéphilie grandissante. Après le feu cannois, en mai, où il a découvert, ému, le film sous les rires et les applaudissements, il s’interroge sur la réception dans son pays. « Je trouve que le cinéma portugais a, en général, vingt ans de retard par rapport à ce qui se passe dans le monde. Je n’ai pas peur pour moi, j’ai juste peur que Feu follet soit mal interprété, que certaines choses soient transformées. » Il en parle comme d’un refuge, d’un filmmonde capable de guérir, « un endroit où on peut enfin être soi et avancer ». En septembre, il rejoint une autre planète hybride, une commedia dell’arte modernisée : une adaptation théâtrale d’Arlequin valet de deux maîtres de Carlo Goldoni dans un décor de ruines anciennes.

Feu follet de João Pedro Rodrigues, JHR Films (1 h 07), sortie le 14 septembre MARILOU DUPONCHEL

Tout doux liste

THE WOMAN KING [CINÉMA] À l’aube du xixe siècle, les guerrières agojies, entraînées par la générale Nanisca, sont les plus puissantes du royaume du Dahomey, menacé par l’arrivée des colons… Viola Davis incarne avec passion une figure historique bien réelle mais méconnue de l’histoire africaine. • MARGAUX BARALON

The Woman King de Gina Prince-Bythewood (Sony Pictures, 2 h 24), sortie le 28 septembre

LES DÉMONS D’ARGILE [CINÉMA] Ce film, qui mêle animation numérique et stop motion, raconte l’histoire de Rosa, femme d’affaires accomplie. Lorsque son grandpère meurt, la laissant seule au monde, elle doit retourner dans le petit village de son enfance, où elle découvre que l’eau ne coule plus. • M. B.

Les Démons d’argile de Nuno Beato (Cinéma Public Films, 1 h 30), sortie le 21 septembre

LES SECRETS DE MON PÈRE [CINÉMA] Belgique, fin des années 1950. Charly et Michel, deux frères, coulent des jours heureux, en dépit d’un père taciturne qui préfère écrire plutôt que leur parler. Les jeunes garçons décident alors de percer le secret familial, qui remonte à la Shoah. • M. B.

Les Secrets de mon père de Véra Belmont (Le Pacte, 1 h 14), sortie le 21 septembre

Et toujours chez mk2

SÉANCES BOUT’CHOU ET JUNIOR [CINÉMA] Des séances d’une durée adaptée, avec un volume sonore faible et sans pub, pour les enfants de 2 à 4 ans (Bout’Chou) et à partir de 5 ans (Junior).

samedis et dimanches matin dans les salles mk2, toute la programmation sur mk2.com

L’interview

Alice, 16 ans, a rencontré Suzy Bemba, prometteuse comédienne de 22 ans qui joue le rôle d’une danseuse ambitieuse et très douée victime de racisme dans la série L’Opéra. On la verra bientôt dans le prochain film de Yórgos Lánthimos, aux côtés d’Emma Stone et de William Dafoe.

À quel âge as-tu décidé de devenir comédienne ? Au départ, je voulais être chirurgienne. Quand j’étais au lycée, j’ai passé un casting, que je n’ai pas eu, mais j’avais adoré le processus, déjà parce que je quittais la campagne – j’habitais dans l’Allier – pour aller seule avec ma maman à Paris.

Cela t’a donné envie de continuer ? Oui, j’ai demandé à ma maman de m’aider à trouver un agent. Une personne a accepté de m’inscrire dans son agence une fois que j’aurais mon bac. Le temps a passé et j’ai un peu oublié cette histoire. Je suis allée en fac de médecine, mais j’ai raté ma première année. J’ai recontacté l’agent, j’ai réussi mon premier casting pour le film Kandisha [réalisé par Julien Maury et Alexandre Bustillo, et sorti en V.o.D. en juillet 2021, ndlr]. À la rentrée suivante, je suis retournée en première année de médecine, je voulais absolument réussir le concours, que j’ai obtenu en kiné, mais je n’y suis pas allée, j’ai enchaîné les tournages.

Qu’est-ce qui t’a plu à la lecture du scénario de la série L’Opéra ? La complexité de mon personnage, Flora. Et puis le fait qu’elle soit une jeune danseuse noire – j’ai vécu cette situation dans ma petite école de danse à la campagne.

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De la voir représentée, reconnue et écrite sur le papier, ça fait du bien. C’était la première fois que je lisais un texte qui résonnait autant en moi. Dans la saison 2 de L’Opéra, on traite aussi du harcèlement moral, on comprend qu’il faut faire circuler la parole sur ces sujets pour que les choses évoluent.

Tu as rencontré la même problématique que Flora en tant que comédienne ? Pour certains castings, il est parfois précisé que le rôle est pour une actrice blanche, et ça c’est assez douloureux. Mon agent m’envoie sur des castings sans distinction d’identité, d’origine, et ça fait mal quand on a des refus parce qu’on est noire. Après, sur un tournage, une fois que j’ai été choisie, je ne pense pas avoir été victime de racisme sur un plateau. Et j’espère que cela n’arrivera pas.

Flora est un personnage très fort, qui se bat, elle ne s’excuse pas d’être là, danseuse à l’Opéra de Paris. Est-ce que tu lui ressembles ? Elle m’impressionne beaucoup et je suis très fière de l’incarner. Elle m’a donné de l’assurance et de la confiance en moi. Avant, j’avais ce truc de très bonne élève, de rester « à ma place ». Flora n’est pas comme ça, elle se bat contre les injustices, et aujourd’hui je lui ressemble davantage. Est-ce toi qui danses dans le film, ou as-tu une doublure ? Ça dépend des scènes et des plans, mais pour chaque saison j’ai eu une grosse préparation physique. Mes doublures ont eu des parcours identiques à celles de Flora. Leur expérience a été précieuse.

Cette manière de travailler avec des danseurs et danseuses pro, ça t’a plu ? Oui ! J’ai passé beaucoup de temps avec les « vrais » danseurs qui jouent dans la série. Je les voyais vivre, se déplacer, manger, comment ils tournaient la tête. Je n’ai pas eu beaucoup de recherches à faire, c’était une chance, tout était autour de moi.

Quels sont tes projets pour la suite ? Le prochain film de Yórgos Lánthimos [Poor Things, dont la sortie est prévue en 2022, ndlr], avec Emma Stone et William Dafoe. Je suis également à l’affiche du prochain film d’Anthony Chen, Drift, et dans un court métrage avec Isabelle Adjani dont le tournage s’étale sur plusieurs mois.

L’Opéra, sur OCS

PROPOS RECUEILLIS PAR ALICE (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE)

Photographie : Ines Ferhat pour TROISCOULEURS

La critique de Célestin, 8 ans LA REVANCHE DES HUMANOÏDES (1983)

RESSORTIE LE 12 OCTOBRE « Dans ce film, on retrouve plein de personnages d’Il était une fois… la vie. Et ça c’est super, parce qu’on n’a pas à se fier à leurs apparences. Et comme on dit toujours qu’il ne faut jamais se fier aux apparences… L’histoire raconte qu’il y a un clan d’humanoïdes, un clan de méchants et un clan de gentils. Les méchants et les humanoïdes veulent devenir chef et ils vont faire la bagarre. Un humanoïde est un robot qui ressemble beaucoup à un humain. Je n’aimerais pas être un robot, parce que je n’aimerais pas être dirigé. Ce que j’adore dans ce film, c’est qu’ils vont tout le temps dans l’espace. Et j’adore les guerres interspatiales, parce qu’on voit plein de vaisseaux exploser ; ça peut être un art, parce que les explosions sont jamais pareilles : on peut voir des explosions simples, des explosions en détail, des explosions avec les personnages qui se font expulser. Alors, d’accord, il y a plein de personnages qui meurent, mais ils s’étaient préparés, ils savaient qu’ils avaient ce risque. Donc ils peuvent pas se plaindre ! »

La Revanche des humanoïdes d’Albert Barillé (Carlotta Films, 1 h 39) ressortie le 12 octobre

PROPOS RECUEILLIS PAR JULIEN DUPUY

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