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PROMOTION DE LA SANTÉ DES TOUT-PETITS PAR L'ACTIVITÉ PHYSIQUE : INTÉRÊTS ET OBSTACLES Patrick Laure et al. S.F.S.P. | Santé Publique 2008/3 - Vol. 20 pages 239 à 248

ISSN 0995-3914

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-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Laure Patrick et al.,« Promotion de la santé des tout-petits par l'activité physique : intérêts et obstacles », Santé Publique, 2008/3 Vol. 20, p. 239-248. DOI : 10.3917/spub.083.0239

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Pour citer cet article :


Promotion de la santé des tout-petits par l’activité physique : intérêts et obstacles

Physical activity health promotion for pre-school children: benefits and barriers

Résumé : L’objectif de cette étude est de comprendre pourquoi les « tout-petits » ne sont pas, ou très peu, concernés par la promotion de l’activité physique à des fins de santé. L’étude porte sur les jeunes enfants âgés de 0 à 6 ans et les structures les accueillant. Elle s’appuie sur une revue de la littérature et une enquête par questionnaire auprès des structures d’accueil. Peu d’études concernent ce thème. La majorité des enfants n’atteint pas la durée d’activité proposée par les recommandations, soit au moins 60 minutes par jour, et dépasse la durée d’inactivité, soit plus de 60 minutes consécutives par jour. Notre enquête fait émerger deux obstacles à la promotion des activités physiques du tout-petit : le manque de formation et les représentations des parents et professionnels. Un effort d’information devrait être fourni en direction des jeunes parents et des professionnels de la santé, du sport et de l’accueil de la petite enfance.

ÉTUDES

Patrick Laure (1), Emmanuelle Leleu (2), Grazia Mangin (3)

Keywords: Physical activity - health promotion - preschoolers.

Santé publique 2008, volume 20, n° 3, pp. 239-248

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Summary: The objective of this study is to understand why young children are not at all, or very little, considered as population groups targeted by physical activity health promotion programs in France. The study concerns children aged 0 - 6 years and the institutions which serve this group. It is based on a literature review and a questionnaire survey conducted among facilities which service and work with these children. Few studies are related to this topic. The majority of children do not achieve the daily recommended duration of physical activity (at least 60 minutes/day), and they exceed the duration of inactivity (more than 60 consecutive minutes/day). This work highlighted two obstacles for physical activity promotion among young children: lack of training and illustrations of parents and professionals. A communication effort is needed to disseminate information to young parents and health professionals, as well as sports and early childhood professionals.

(1) Direction régionale et départementale de la Jeunesse et des Sports de Lorraine, 13, rue Mainvaux, BP 10069, 54139 Saint-Max Cedex, France. (2) Direction régionale et départementale de la Jeunesse et des Sports de Poitou-Charentes, 14, boulevard Chasseigne, BP 555, 86020 Poitiers Cedex, France. (3) Comité d’Éducation pour la Santé des Vosges 5, quartier de la Magdeleine Bâtiment B 88000 Épinal, France. Correspondance : P. Laure

Réception : 10/01/2008 – Acceptation : 21/02/2008

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Mots-clés : Promotion de la santé - activité physique - jeunes enfants.


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P. LAURE, E. LELEU, G. MANGIN

Introduction Depuis quelques années, l’activité physique comme déterminant de santé est l’objet d’un intérêt croissant en Europe. Ainsi, en France, la loi n° 2004806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique prévoit, dans son objectif n° 9, de diminuer la prévalence des personnes insuffisamment actives. L’activité physique se définit comme tout mouvement corporel produit par la contraction des muscles squelettiques et dont le résultat est une augmentation substantielle de la dépense d’énergie par rapport à la dépense de repos [9]. Elle a lieu dans l’exercice d’une profession, au cours d’activités récréatives et de loisirs, de tâches domestiques ou d’activités sportives [18].

Toutefois, une fraction du public est très peu, si ce n’est pas du tout concernée. Ce sont les enfants âgés de moins de six ans, que nous appellerons « tout-petits ». Par exemple, à notre connaissance, les parents de ces jeunes enfants n’ont jamais été l’objet d’une campagne de communication destinée à accroître leur degré d’activité physique, à l’exception de rares actions locales telle « Maman, papa, bougeons ensemble ! », conduite à Nancy (4). Plusieurs hypothèses permettraient d’expliquer ce constat. La première : les tout-petits sont peut-être déjà assez actifs ou, en tout cas, le public et les professionnels de la santé et de la petite enfance les perçoivent comme tel. Ensuite, un manque potentiel d’activité chez les enfants de moins de six ans n’est peut-être pas problématique, c’està-dire qu’il n’augmente pas les taux de mortalité ou de morbidité à cet âge ou plus tard. Enfin, la promotion de l’activité physique est peut-être difficilement réalisable auprès d’un si jeune public. Notre objectif est de tester ces hypothèses à travers une revue de la littérature et un recensement de l’activité physique encadrée du tout-petit en Lorraine et en Poitou-Charentes. Ce travail a constitué la phase préparatoire d’une action de promotion de l’activité physique chez les enfants âgés de moins de 6 ans dans ces deux régions. (4) http://www.mamanpapabougeonsensemble.com/index.php (dernier accès le 4 mars 2008).

Santé publique 2008, volume 20, n° 3, pp. 239-248

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De fait, la population, en particulier les enfants et les seniors, est volontiers incitée à « bouger plus » par des campagnes de promotion de l’activité physique. Mentionnons par exemple celles du Programme national nutrition santé (France), du Plan d’action en matière de sport et d’activité physique (Québec) ou de la Promotion of physical activity (Écosse).

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Il est bien établi, chez l’adulte, que la pratique régulière d’une activité physique est associée à une diminution du taux de mortalité prématurée, toutes causes confondues, et à une moindre probabilité d’être atteint d’obésité et de certaines pathologies comme le diabète de type 2, l’hypertension artérielle, les coronaropathies, l’ostéoporose et certains cancers dont celui du sein. De fait, elle améliore l’espérance de vie et, sans doute, l’espérance de santé. En outre, elle augmente l’estime de soi, diminue l’anxiété et possède des effets antidépresseurs. Enfin, les scores de qualité de vie, évalués par questionnaires, sont habituellement plus élevés chez les personnes physiquement actives [5-6, 9, 22, 28, 31, 32, 42].


PROMOTION DE LA SANTÉ DES TOUT-PETITS PAR L’ACTIVITÉ PHYSIQUE

241

Méthodes Revue de la littérature

La revue, dont l’objectif est de décrire l’activité physique des tout-petits, a été réalisée selon le Guide d’analyse de la littérature et gradations des recommandations de la Haute Autorité en Santé (ex-ANAES, janvier 2000). Les informations ont été collectées au mois de novembre 2007 par interrogation des bases de données électroniques Medline Pubmed (National Library of Medicine), Cochrane Library et la Banque de Données Santé Publique (École des Hautes Études en Santé Publique), puis par une recherche manuelle à partir des bibliographies des publications. L’analyse s’est fondée sur des grilles de lecture, permettant de réaliser une lecture rapide et homogène des articles présélectionnés.

Résultats Santé publique 2008, volume 20, n° 3, pp. 239-248

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L’activité physique a été mesurée par questionnaire auprès du mouvement sportif (représenté par les comités régionaux et départementaux sportifs) de structures d’accueil de la petite enfance (crèche municipale ou parentale, halte-garderie) ou d’accueil collectif de mineurs (centre de loisirs sans hébergement). Le document, diffusé par courrier et par courriel, comprenait douze questions et concernait notamment le nombre d’enfants âgés de moins de six ans habituellement accueillis, l’existence d’un équipement spécifique à ce jeune public, les objectifs de l’activité physique proposée, la participation des parents, les modalités d’évaluation, la formation des adultes sur ce thème. Un courrier d’accompagnement expliquait les objectifs de l’étude et ses perspectives. Le dépouillement et l’analyse des données recueillies ont été effectués anonymement sur le logiciel de traitement d’enquête Modalisa 6,0 (Kynos, Paris).

Revue de la littérature

La recherche recense 56 articles sur Medline, mais seuls 17 permettent réellement de décrire l’activité physique du tout-petit. Sur Cochrane Library et BDSP, on trouve respectivement 1 et 5 articles, mais en dehors de l’âge considéré (tableau I). Enquête en régions

Sur 359 questionnaires envoyés, 155 ont été retournés dans les délais, soit un taux de réponse de 43 %. Les résultats sont donnés les deux régions confondues. Les répondants se répartissent en structures sportives (41 %), accueil de jeunes enfants (39 %) et accueil collectif de mineurs (20 %). Elles reçoivent chacune en moyenne 24 enfants âgés de moins de 6 ans, tous les jours en

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Activité physique des tout-petits en Lorraine et Poitou-Charentes


214

104

Finn, 2002 [19]

Jackson, 2003 [25]

526

56

2374

2-4

2-5

1-5

4-5

3-4

3-5

3-5

2-4

3-5

3-5

Age (ans)

Questionnaire aux parents

Accéléromètre

Questionnaire aux parents

Accéléromètre

Accéléromètre

Accéléromètre

Observation directe

Accéléromètre et questionnaire parental

Cardiofréquencemètre

Observation directe

Seuls 33,7 % font au moins une heure d’activité physique par jour, tandis que 62,3 % passent au moins une heure devant un écran (TV, ordinateur). 42 % des enfants asthmatiques passent au moins deux heures devant la TV, versus 24 % des non-asthmatiques (p < 0,05).

Les enfants en surpoids font moins d’activité physique intense que ceux dont le poids est normal : 22,9 min/jour versus 32,1 min/jour (p < 0,05).

La durée moyenne d’activité physique équivalente à 4 MET décline avec l’âge : 1,26 h/sem. entre 12 et 24 mois, 1,36 h/sem. entre 25 et 36 mois, 1,18 h/sem. entre 37 et 48 mois, et 1,13 h/sem. de 49 à 60 mois. Le temps passé devant la télévision augmente : 0,51 h/j entre 12 et 24 mois, puis 1,19 h/j, 1,85 h/j et 2,24 h/j.

Comportement sédentaire durant le temps d’éveil : garçons 74 % du temps, filles 81 % (p < 0,01). Activité physique modérée à intense durant le temps d’éveil : garçons 4 %, filles 2% (p < 0,05).

Garçons : 777 c/min – Filles : 651 c/min.

Niveau AP influencé par sexe, prématurité et IMC du père.

Niveau AP à l’école maternelle : fonction de ses équipements et terrains de jeux.

146 min/j de jeux en extérieur par jour.

La plus grande durée consécutive d’AP modérée à intense a lieu les après-midis de semaine (38,6 min).

Les enfants sont moins actifs en extérieur durant les mois les plus chauds.

Principaux résultats

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Santé publique 2008, volume 20, n° 3, pp. 239-248

MET : metabolic energy turnover ; PAL : physical activity level ; AP : activité physique ; TV : télévision ; IMC : indice de masse corporelle.

Nelson, 2006 [35]

Metallinos, 2007 [34]

Manios, 2006 [33]

41

266

Dowda, 2004 [16]

Kelly, 2005 [29]

250

39

Benham-Deal, 2005 [4]

Burdette, 2004 [10]

191

N

Baranowski, 1993 [3]

Références

Méthode de mesure

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Tableau I : Activité physique des tout-petits

242 P. LAURE, E. LELEU, G. MANGIN


235

Timperio, 2006 [47]

5-6

5-6

0,75 et 1,2

4

3 et 5

3-5

Age (ans)

Questionnaire aux parents

Questionnaire aux parents

Eau doublement marquée

Observation directe

Accéléromètre, eau doublement marquée

Accéléromètre

40,1 42,6 43,1

3 4 5

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9,5

10,3

12,2

1,5-2,9 MET

9,5

8,9

9,6

3 MET ou plus

322 331

9 mois 14 mois

313

323

Filles

Les petits vont moins souvent à l’école à pied si leur trajet depuis le domicile est supérieur à 800 m ou très en pente, et que le trafic routier est important.

Les petits dont les parents évoquent un trafic routier important à proximité de chez eux, ainsi que peu de transports publics sont ceux qui font le moins de marche et de vélo.

Garçons

Age

Dépense énergétique totale (kJ/kg/j) :

Un grand nombre d’espace de jeux à proximité du domicile est associé à une plus grande activité physique.

PAL : 1,56 à 3 ans - PAL : 1,61 à 5 ans Activité physique modérée à intense durant le temps de mesure : 2 % à 3 ans, 4 % à 5 ans.

< 1,5 MET

Ans

Durée moyenne d’activité (en min/h) :

Principaux résultats

MET : metabolic energy turnover ; PAL : physical activity level ; AP : activité physique ; TV : télévision ; IMC : indice de masse corporelle.

291

Timperio, 2004 [46]

347

Sallis, 1993 [41]

65

150

Reilly, 2004 [35]

Tennefors, 2004 [44]

247

N

Pate, 2004 [36]

Références

Tableau I : Activité physique des tout-petits (suite) Méthode de mesure

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Santé publique 2008, volume 20, n° 3, pp. 239-248

PROMOTION DE LA SANTÉ DES TOUT-PETITS PAR L’ACTIVITÉ PHYSIQUE

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accueil de jeunes enfants, une fois par semaine pour les autres, avec, dans ce dernier cas, une prédominance d’enfants de 3 à 6 ans. Les activités physiques proposées par les répondants ont été reclassées en s’aidant des catégories utilisées à l’école maternelle [8]. Les deux principales relèvent de l’éveil gymnique, incluant les parcours de psychomotricité, et des activités de coopération et d’opposition, comme les jeux d’opposition duelle (exemple : baby-judo, mini-tennis) et les jeux collectifs (exemple : minivolley). Un parent sur cinq est sollicité pour participer aux activités, essentiellement pour aider l’enfant. Seule la moitié des répondants indique les objectifs de l’activité. Les trois principales catégories sont le développement psychomoteur de l’enfant (« habilité motrice », « éveil de l’esprit et du corps », « coordination », etc.), la découverte d’une activité sportive (« initiation au judo », « éveil au sport », « découverte du tennis », etc.), et la socialisation (« respect d’autrui », « convivialité », « intégrer la vie en groupe », etc.). La seconde catégorie est propre aux structures sportives. Le critère d’évaluation majeur est la satisfaction des enfants ou de leurs parents (« fidélité des adhérents », « augmentation du nombre de licenciés », etc.). Une minorité indique aussi des critères d’efficacité (« progrès réalisés », « maîtrise des déplacements », etc.). La moitié (55 %) des répondants indiquent avoir une formation spécifique à l’animation d’activités physiques auprès des enfants âgés de moins de 6 ans. Toutefois, la nature de la formation annoncée n’est réellement spécifique que dans un tiers des cas. Enfin, de nombreuses données qualitatives ont été collectées pendant l’étude, sur le questionnaire, mais aussi transmises par voie orale ou lettre d’accompagnement. Elles expriment des opinions sur le thème considéré, classées en deux catégories : – plutôt favorables, telles : « aucun soutien pour cette population qui visiblement n’intéresse personne » (responsable de club sportif), « activité fondamentale, mais déficit d’encadrement » (animateur de club sportif), « il est capital de bouger à cet âge, si possible avec les parents » (professionnel de la petite enfance). – plutôt défavorables, par exemple : « il y a d’autres priorités chez les tout-petits, comme le langage » (médecin de PMI), « ils bougent assez comme ça » (professionnel de la petite enfance), « laissons-les souffler, ils sont déjà assez sollicités » (pédiatre), « ils sont trop jeunes » (responsable d’un club sportif).

Discussion En dépit du peu d’études disponibles et de protocoles différents (indicateurs d’activité, outils de mesure), il apparaît que les enfants âgés de moins de 6 ans ne bougent pas autant qu’on l’imagine souvent. La majorité d’entre eux n’atteint pas le niveau d’activité préconisé dans les recommandations publiées depuis 1998 [29, 35, 36], soit au moins 60 minutes par jour, dont 10 à 15 minutes d’activité physique modérée à

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P. LAURE, E. LELEU, G. MANGIN

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intense [7, 13]. De plus, l’activité physique quotidienne de ce jeune public s’effectue en général à une intensité moyenne ou peu élevée [10, 36], et seule une petite fraction d’entre eux (quelques pour cent) aurait une activité modérée à intense durant la journée [29]. Comme les effets bénéfiques pour la santé sont liés à l’intensité et à la durée quotidienne de l’activité physique, ces résultats suggèrent que la façon actuelle dont bougent les tout-petits n’est pas aussi favorable à leur santé qu’elle pourrait l’être. Le second descripteur est la durée quotidienne d’inactivité physique, en dehors du temps de sommeil. Pour la National Association for Sport & Physical Education, dont les recommandations constituent une référence, les enfants âgés de 3 à 5 ans ne devraient pas être inactifs pendant plus de 60 minutes consécutives [1]. Cet objectif est loin d’être atteint. Par exemple, dans l’étude de Nelson [35] portant sur 526 enfants de New York, âgés de 2 à 4 ans, près des deux tiers passent au moins une heure par jour devant un écran (télévision, ordinateur) et plus d’un quart, plus de deux heures. Un ancien travail rapporte que les jeunes Canadiens de 2 à 5 ans regardent la télévision plus de trois heures par jour [9]. La durée de cette inactivité augmenterait progressivement entre 1 et 5 ans [28]. Or, il y aurait un lien entre le temps passé devant un écran et le risque de surcharge pondérale chez les tout-petits [12, 20, 24, 32], bien que certaines études ne le mettent pas en évidence [12]. Soulignons que ces résultats ne concernent pas la France, pour laquelle la littérature ne fournit malheureusement aucune donnée à ce jour. L’activité physique comporte pourtant divers intérêts chez le tout-petit. Elle est tout d’abord indispensable à son développement psychomoteur. Elle agit sur différentes fonctions, dont le tonus, la posture, la motricité ou encore la structuration dans l’espace et le temps. Lesquelles, par ailleurs, contribuent à la maturation des processus psychiques. Pour n’en donner qu’un seul exemple : la stabilisation posturale permet à l’enfant d’explorer son environnement proche, un point essentiel au développement des fonctions cognitives [20]. Dans un contexte d’épidémie d’obésité infantile [50], l’activité physique contribue à la prévention du surpoids chez le tout-petit [34, 40], à condition qu’elle soit réalisée à une intensité suffisante [39] et basée sur une approche incitative et ludique [14]. Pour certains auteurs, elle aurait même plus d’influence sur l’indice de masse corporelle que l’alimentation [26]. Par ailleurs, un petit niveau d’activité physique à cet âge pourrait être associé à un risque de prise de poids dans l’enfance, voire à l’adolescence [48]. Enfin, l’activité physique du tout-petit pourrait constituer un déterminant de celle de l’adolescent. Ainsi, dans un travail portant sur 4 453 sujets, les enfants âgés de 4 ans dont la durée hebdomadaire d’activité est inférieure à la moyenne sont plus nombreux à être peu actifs à 10-12 ans, c’est-à-dire à faire moins de 300 min. d’activité par semaine [21]. Or, l’activité de l’adolescent pourrait, à son tour, déterminer celle de l’adulte [30, 43, 49], mais ce résultat est l’objet de débats. Notre recensement ne concerne que l’activité physique encadrée et ne prend donc pas en compte, par exemple, l’activité au sein des familles. Il fait toutefois émerger deux obstacles à la promotion des activités physiques du

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P. LAURE, E. LELEU, G. MANGIN

tout-petit : le manque de formation et les représentations des parents et professionnels.

D’autres obstacles existent, comme le manque de temps des parents, un environnement défavorable (éloignement des jardins publics, manque d’équipement de jeux, long trajet domicile-école, etc.) et autres conditions climatiques non propices [3, 41, 46, 47]. Nous ne les avons pas trouvés dans notre enquête et la littérature comporte peu d’études permettant de les décrire avec précision pour le public considéré.

Conclusions L’activité physique mériterait d’être encouragée chez les tout-petits, en les incitant à bouger plus et en diminuant leur durée d’inactivité, en particulier le temps passé devant un écran. Un effort d’information et de formation devrait être fourni en direction des jeunes parents et des professionnels de la santé (puéricultrice, médecin), du sport (éducateur sportif) et de l’accueil de la petite enfance (assistante maternelle, éducateur de jeunes enfants). D’autres études sont nécessaires pour améliorer les connaissances sur ce thème, en particulier l’effet de l’environnement sur la pratique des jeux et autres activités physiques.

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Le second obstacle tient à la représentation de l’activité physique du toutpetit, qui ne semble pas, en général, être de nature à faire de ce thème une priorité, voire un simple sujet d’intérêt. Cette attitude pourrait se résumer en « les tout-petits bougent déjà assez ». En outre, elle se complique de l’existence d’une autre difficulté liée aux représentations non pas de l’activité, mais des situations qui pourraient inciter à sa pratique. Par exemple la surcharge pondérale est très souvent à l’origine d’un conseil d’activité formulé aux parents par les pédiatres [39]. Or, bien des parents n’identifient pas spontanément le surpoids de leur jeune enfant, alors que cela pourrait les encourager à les faire bouger un peu plus [17, 24].

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D’une façon générale, les professionnels du sport, comme ceux de la petite enfance ou de la santé, manquent de formation à l’activité physique des toutpetits, y compris, le plus souvent, ceux qui animent ce type d’activité. Ainsi existe-t-il des cursus, universitaires ou non, qui préparent à l’enseignement du sport (éducateur sportif, professeur d’EPS) ou à l’accueil de jeunes enfants (CAP petite enfance, éducateur de jeunes enfants, etc.), mais aucun ne propose une articulation entre ces deux domaines. Cet obstacle contribue à expliquer la difficulté de certains répondants à formuler des objectifs et des critères d’évaluation pertinents et, sans doute, le déficit en personnel d’encadrement qu’ils avancent. Il soulève également la question de la pertinence des activités proposées par des animateurs qui méconnaîtraient les capacités motrices des enfants de moins de 6 ans.


PROMOTION DE LA SANTÉ DES TOUT-PETITS PAR L’ACTIVITÉ PHYSIQUE

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Santé publique 2008, volume 20, n° 3, pp. 239-248

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