One year Abidjan Declaration Feb2016 FR

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Le Mandat, une histoire contemporaine Il y a 50 ans, le grand écrivain sénégalais, Ousmane Sembene, publiait le Mandat. Le livre raconte le parcours d’Ibrahima Dieng, un homme humble, qui fait face, comme de nombreuses autres familles aux défis du quotidien, trouver du travail, nourrir sa famille. Le facteur lui apprend qu’il a un mandat, de l’argent transféré depuis l’étranger par un membre de sa famille. Une aubaine inespérée pour ce père de famille qui a du mal à joindre les deux bouts. Il va à la poste pour récupérer son mandat. On lui demande une carte d’identité. Il n’en a pas. Il part alors au commissariat se faire établir une carte d’identité.

On lui demande un extrait de naissance. Il n’en a pas. Il va à l’état civil pour obtenir un extrait de naissance. On lui demande sa date de naissance. Il ne la connait pas. Il ne parviendra pas à régulariser sa situation. Il va alors essayer de tout faire pour récupérer ce mandat. Sa vulnérabilité, son désespoir, l’amènera à faire confiance à une personne qui touchera son mandat à sa place et s’enfuira avec cet argent. Désespoir, impuissance, vulnérabilité, voilà le sort des personnes qui n’ont pas de nationalité ou, bien qui ne parviennent pas à la prouver.


1. Rapport Panel: 25 février 2016, c’est le 1er anniversaire de la Déclaration d’Abidjan sur l’éradication de l’apatridie en Afrique de l’Ouest. C’est l’occasion de faire le point sur les avancées de la mise en œuvre de cet instrument au Sénégal et en Afrique de l’Ouest. Le Sénégal étant le président en exercice de la CEDEAO, le HCR en partenariat avec le Ministère de la Justice, a organisé un panel pour discuter des enjeux et perspectives dans le domaine de l’apatridie un an après la Déclaration d’Abidjan.

La Présidence de la République, représentée par le Ministre de l’Intégration régionale1, du NEPAD et de la bonne gouvernance a affirmé que la Déclaration d’Abidjan doit être considérée comme le socle de la lutte contre l’apatridie dans la région. Il a rappelé que le Président de la République du Sénégal est aussi le Président en exercice de la CEDEAO, et a assuré qu’il mettra à profit son mandat pour pousser les efforts de la Communauté dans la lutte contre l’apatridie.

© H.CAUX -UNHCR

Le HCR s’est félicité des nombreux progrès réalisés depuis l’adoption de la Déclaration d’Abidjan. Il encourage le Sénégal, dans le cadre de sa présidence de la CEDEAO, à jouer un rôle de modèle dans la région en matière de lutte contre l’apatridie

Penda Mbow, historienne et Ministre conseiller a relevé que les défaillances de l’état civil contribuent aux risques d’apatridie dans la sous-région. Elle a souligné que la CEDEAO doit se doter d’une politique sous régionale pour gérer le problème des personnes sans document établissant leur identité et leur nationalité. Une telle politique devrait prendre en considération les préoccupations actuelles de migration et de sécurité. Aissatou Cissé, Conseillère spéciale du Président de la République, a souligné la vulnérabilité des personnes vivant avec un handicap qui sont souvent sans extrait de naissance, et ont besoin d’assistance pour entamer les procédures d’établissement d’un acte d’état civil. Elle a aussi souligné le lien entre sécurité et risque d’apatridie, en effet l’absence de document d’identité rend les personnes concernées vulnérables à l’exploitation et au recrutement par des organisations criminelles. La Cellule nationale de la CEDEAO2 a souligné la pertinence de la lutte contre l’apatridie dans la stratégie de Communauté puisque la mise ne place d’une CEDEAO des peuples requiert nécessairement l’éradication de l’apatridie. La cellule a rappelé son rôle clé dans la mise en œuvre de la Déclaration d’Abidjan puisqu’elle est l’intermédiaire entre les autorités nationales compétentes et les institutions de la CEDEAO. Elle a enfin rappelé l’importance des risques d’apatridie dans la CEDEAO puisqu’environ 25% de la population des Etats membres de la CEDEAO, soit environ 75 millions de personnes, ne sont pas enregistrées à l’état civil. Le Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest (UNOWA)3 a souligné les enjeux sécuritaires liés à la problématique de l’apatridie et se félicite de la prise en compte par la Déclaration d’Abidjan des liens entre l’apatridie et la sécurité dans la région. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme4 a rappelé que l’apatridie est une grave violation des droits de l’homme. Il a rappelé aussi que l’apatridie entraine d’autres


violations des droits fondamentaux, tel que le droit au travail ou à l’éducation. Il a insisté sur la responsabilité des Etats à garantir les droits humains à toute personne sur leur territoire ou relevant de leur juridiction. L’Association des femmes juristes5 informe que 70 % de leurs bénéficiaires sont confrontés à des problèmes de preuves de leur identité et nationalité, et font face à des difficultés pour régulariser leur situation. Imam Elimane DIAGNE, maître coranique a rappelé que jusqu’à 150 000 enfants seraient forcés de mendier dans les rues du Sénégal, que nombre d’entre eux sont séparés de leur parents et ne disposent pas d’acte de naissance. Il a souligné l’urgente nécessité d’assurer aux enfants talibés un avenir meilleur au sortir de leur éducation religieuse en leur permettant d’obtenir des documents d’état civil. Village Pilote6 a souligné que le problème des enfants en rupture familiale et sociale est un important phénomène de société. Il y aurait jusqu’à 70 000 enfants dans les rues de Dakar, beaucoup n’ont plus de contact avec leur famille et ne disposent d’aucun état civil. Plus de 80% des enfants pris en charge par Village pilote n’ont pu obtenir un extrait de naissance. Sans preuve de leur identité, les enfants et les jeunes font face à d’insurmontables problèmes d’insertion sociale (école, compétition sportive) et professionnelle (microcrédit, travail, salaire, etc..). En outre, il est souvent impossible de réunir des enfants avec leurs parents vivant à l’étranger puisque, faute d’identité et de nationalité déterminée, ils ne peuvent obtenir un passeport. Centre Ginddi7 accueille des enfants en situation de vulnérabilité, dont des enfants abandonnés. La plupart de ces enfants ne disposent d’aucune information sur leur identité. Malgré les efforts du centre, la reconstitution de l’identité des enfants est souvent impossible. En conséquence, il leur est difficile d’obtenir des documents, et à l’avenir de faire valoir leur droit à une nationalité. Pour ces raisons, le centre alerte que l’avenir de ces enfants est incertain.

Notes: Khadim Diop, Ministre Babacar Bâ, directeur adjoint 3 M. Moudjib Djinadou, Directeur des affaires politiques 4 Andréa Ori, représentant régional 5 Fatoumata Gueye Ndiaye, Présidente 6 Sophie Faye, responsable adjoint Refuge de Pikine 7 M. Mamadou Kébé 1 2


La Déclaration d’Abidjan

© H.CAUX -UNHCR

Adoptée le 25 février 2015 par les 15 Etats membres de la CEDEAO. Elle reconnait que l’apatridie est un problème majeur en Afrique de l’ouest, et liste 24 mesures concrètes que les Etats et la CEDEAO doivent mettre en œuvre pour mettre fin à l’apatridie d’ici à 2024.

Mohammed est un jeune adulte. Il ne dispose d’aucun état civil, ni d’aucun autre document d’identité. Il est né en Guinée Conakry à une date inconnue. Enfant, il arrive au Sénégal et vit dans la rue. Deux ans après, Village pilote le recueille et lui offre une formation en menuiserie et maçonnerie. Mohammed travaille mais ne peut percevoir directement son salaire faute de compte bancaire. Pour ouvrir un compte bancaire il lui faudrait une carte d’identité. Aujourd’hui, un intermédiaire récupère chaque mois son salaire et le lui remet par la suite. Mais combien de temps cela peut-il durer?

© H.CAUX-UNHCR

Témoigne de Mohammed K.


2. Les artistes sénégalais s’engagent contre l’apatridie

© Bideew Boo Bess

Bidew Boo Bess, un célèbre groupe sénégalais, ont chanté « Ibelong », une chanson sur l’apatridie, décliné sur un rythme world music, en anglais, français et wolof. C’était la première de cette chanson, spécialement composée pour l’anniversaire de la Déclaration d’Abidjan. Bideew Boo Bess a officiellement rejoint la campagne #Ibelong

“Apatride je suis, je n’existe pas. Non je ne sais pas qui je suis… je n’ai aucun droit. Je marche au gré du vent, j’ai même perdu la foi…” Extrait de la chanson “I Belong” - Bideew Boo Bess

L’Artiste international Cheikh Lo a souhaité prêter sa voix à la cause contre l’apatride, rappelant que son éradication repose avant tout sur la volonté politique des Etats. Cheikh Lô a conclu en chantant son dernier tube «vérité», Deugg Gi en Wolof

© H.CAUX -UNHCR


3. Les progrès Depuis l’adoption de la Déclaration d’Abidjan, il y a eu de nombreux développements et réalisations: • Tous les pays membres de la CEDEAO (15) ont nommé des points focaux dans leur gouvernement pour coordonner la lutte contre l’apatridie. • 9 Etats ont développé des plans d’action pour mettre fin à l’apatridie. Deux Etats ont entériné ces plans d’action au niveau ministériel. • 7 Etats sont entrain de réviser leurs législations sur la nationalité. • 8 Etats sont parties à la Convention de de 1954 relative au statut des apatrides, et celle de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie. Depuis février 2015, 4 autres Etats dont le Ghana, la Guinée-Bissau, le Mali et la Sierra Leone ont pris des mesures décisives en vue de leur adhésion aux deux conventions. • Plus de 20, 000 personnes ont en Afrique de l’Ouest obtenu des documents d’identité ou de nationalité depuis l’adoption de la Déclaration.


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