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Un nantais aux Oscars

« Nefta Football Club », c’est l’histoire de deux enfants tunisiens qui tombent sur un âne contrebandier. C’est aussi l’histoire d’un film qui a mené son réalisateur, le Nantais Yves Piat, jusque sur le tapis rouge des Oscars. Après voir raflé près de soixante-dix récompenses, le courtmétrage a été nommé aux Oscars. Le réalisateur est revenu sans statuette mais avec une sacrée histoire à raconter. Il s’est confié à Jean-Jacques Lester, dans Action - Le Mag Ciné, sur France Bleu Loire Océan.

Comment est-ce qu’un réalisateur de court-métrage se retrouve sur la short short short liste des Oscars ?

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Si on savait comment il fallait faire, on le ferait à chaque film ! Mais je pense que ce film, à un moment donné, avait besoin d’exister, et que j’ai juste été là au bon moment.

Ce film a fait un tabac partout. C’est ça aussi, qui permet l’accession aux Oscars ? C’est le fait qu’il a été primé des dizaines de fois ?

Pour être qualifié aux Oscars, il faut gagner un grand prix dans un grand festival qualifiant pour les Oscars. Donc il ne suffit pas de gagner un prix, il faut gagner le grand prix. Il faut en passer par là.

Il faut plutôt gagner des prix aux États-Unis ?

Oui, dans des festivals comme Palm Springs ou Sundance. Il me semble aussi que si vous gagnez le grand prix du festival du court-métrage de Clermont-Ferrand, vous êtes qualifié pour les Oscars. Là, vous êtes dans les cent-quatrevingt-douze films qualifiés, et l’Académie des Awards ne sélectionne que dix films. Une fois dans cette sélection, on est face à de super films, donc là on se dit « c’est génial », mais on ne veut pas trop rêver parce qu’il y a du lourd en face. Et puis, finalement, on s’est retrouvé dans les cinq nommés donc c’était magnifique.

Et cela vous donne le droit d’assister à un déjeuner à l’issue duquel on fait une photo de l’ensemble des nommés aux Oscars. Tarantino, c’est pas mieux que Yves Piat, sur la photo vous êtes tous là.

Il y a vraiment cet esprit. J’ai discuté avec le réalisateur de « Dragons » et avec Tarantino, c’était super ! On a même ri ! Sur la manière dont ça se déroule, tous les nommés sont appelés sur scène, tout le monde vous applaudit, il n’y a pas de journalistes… C’est comme ça que je me suis retrouvé en plein milieu, juste à côté de la statuette dorée. Là, je me suis dit : « C’est pas possible, ils se sont trompés ! ». Et juste après, Al Pacino s’est assis devant moi. Je lui ai dit : « Je suis vraiment très content d’être aussi près de vous, je suis fou de votre travail que je respecte beaucoup. » Et il me dit qu’il est lui aussi très heureux d’être là avec nous tous. Le gars pas blasé du tout, avec le sourire. Et quelques minutes après, Charlize Theron arrive, elle fait un hug à ma voisine, je lui dis « congratulations », et elle me prend dans ses bras. C’est vrai que c’était assez incroyable.

Et comment ça se passe le jour J ? Est-ce qu’il y a un protocole pour la façon dont on doit arriver aux Oscars ? Limousine, smoking ou robe de soirée obligatoires ?

On est obligé d’arriver en limousine, ou au moins dans une voiture de président à l’américaine, une sorte de 4x4. C’est assez impressionnant : on arrive sur l’avenue perpendiculaire au Hollywood Boulevard, tout est bloqué, il y un hélicoptère, trois barrages... Le premier, il y a trente ou quarante policiers, il tombe des trombes d’eau, les gars sont habillés en imper’… On se serait presque cru dans un film de Fincher ! Fincher, le réalisateur de « Seven » et de « Fight Club »… Exactement, et du coup, c’était assez impressionnant. Ils avaient des perches avec des miroirs pour regarder sous les voitures, et ils regardaient dans les voitures. Ils demandaient à baisser les vitres pour qu’on leur donne les accréditations… Et à côté de ça, l’avenue était séparée par un grand grillage, et de l’autre côté, il y avait des « haters » qui crachaient leur venin sur les Oscars, c’était assez hallucinant.

Il y a vraiment des gens qui profitent de l’occasion pour crier leur haine ?

Je pense qu’ils viennent parce qu’ils veulent exister. Ils étaient pro-Trump, ils avaient des pancartes Trump… C’est assez impressionnant, ils imaginaient peut-être que dans ces voitures à vitres teintées, on était tous milliardaires. C’était assez incroyable de se retrouver dans cette situation !

Et ensuite, comment est-on installé dans la salle ? On peut se mettre où on veut ?

Déjà, il y a l’arrivée sur le tapis rouge, on parle aux journalistes, on répond aux questions… Au bout de cent cinquante mètres, on monte les marches du Dolby Theatre, on prend le temps… Ensuite, on présente un ticket, on arrive au bar, on boit du champagne, et on entre dans le Dolby Theatre quand la cérémonie commence. On peut sortir de la salle pendant les pubs à la télé, et on rencontre tout le monde : c’est là que j’ai revu Tarantino et que je lui ai dit : « Écoute, j’ai vu tous tes films, donc ça serait bien que tu vois « Nefta Football Club » », et il m’a dit : « I will » (rires).

C’est donc le moment de décontraction, le moment relax... Et quand vous revenez dans la salle, vous retrouvez, juste à côté de vous, celui qui sera le grand gagnant de cette soirée : le réalisateur de « Parasite », Bong Joon Ho… Quand il s’est levé, il vous a serré la main ?

Non, on s’est serré la main avant, on a fait une photo avec lui… Il est très sympa, souriant, mais il ne parle pas anglais, donc c’était compliqué d’échanger.

Avez-vous senti que l’on peut deviner, par avance, qui va remporter des récompenses ?

Pour « Parasite », beaucoup de monde se doutait qu’il allait rafler des prix. Pour les court-métrages, c’est un peu plus compliqué, je pense. C’est plus difficile de savoir qui va gagner.

Vous êtes resté quelque temps à Los Angeles, après la cérémonie. En avez-vous profité pour taper aux portes, faire des rencontres avec des gens qui pourraient vous faire avancer dans votre carrière ?

Bien sûr. J’ai rencontré un grand manager qui m’a carrément dit : « Ici, quand vous êtes nommé, vous pouvez aller voir n’importe quelle production, ils vous ouvriront les portes. » Ça ne veut pas dire qu’on travaillera avec eux, mais en tout cas, ils vont nous écouter ».

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