Décors d’agriculture Des corps d’agriculture L’impact de l’agriculture urbaine sur le métier de l’architecte
Comment l’architecte s’empare de l’agriculture urbaine pour réinventer sa pratique? L’architecte permet de donner vie à l’agriculture urbaine et cette dernière permet à l’architecte d’intégrer de nouvelles composantes dans son métier. Le mémoire se base sur cette relation. Les concepteurs donnent une image «extra» ordinaire de l’agriculture urbaine. Elle initie de nouveaux usages et révèle des combinaisons programmatiques innovantes. A mon sens l’agriculture urbaine est un retour à l’échelle locale qui devient un moyen de proposer une autre architecture.
NS
E
école Nationale supérieure d’architecture de grenoble
AG
Juin 2015 . Ecole Nationnale Supérieure d’Architecture de Grenoble
VADSARIA Danil
Décors d’agriculture Des corps d’agriculture L’impact de l’agriculture urbaine sur le métier de l’architecte
Master «Architecture entre usages et paysages urbains»
Décors d’agriculture Des corps d’agriculture
Directeur de mémoire : Dimitri MESSU 2015 E.N.S.A.G.
SOMMAIRE
L’agriculture urbaine, un phénomène «extra-ordinaire»
p.2
1. Pratiquer la ville autrement, semer des usages et récolter l’urbanité
p.4
1.1 Une évolution des modes de vie 1.2 La ville nourricière
p.6
p.8
2. Construire la ville autrement, l’hybridation des programmes
p.18
2.1 Les nouvelles combinaisons
p.20
2.2 Une nouvelle écriture architecturale
p.34
3. Cultiver autrement, l’architecte et l’agriculture dépassés par la technologie?
p.36
3.1 L’utopie comme clé de lecture
p.38
3.2 L’héritage
p.44
L’argriculture urbaine, un projet «ordinaire-extra»
p.46
BIBLIOGRAPHIE
p.48
1
L’agriculture urbaine, un phénomène «extraordinaire» Je me suis intéressé à l’agriculture urbaine parce que c’est aujourd’hui un phénomène qui prend de l’ampleur. Au vue des problématiques actuelles de la ville, elle est vue comme une solution idéale: ville verte, ville durable. J’ai également été sensible aux représentations qu’on pouvait en faire. Des images réalistes aux diagrammes d’acteurs, il est vrai que l’agriculture urbaine est toujours présentée de façon séduisante et idéale.
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L’expansion de l’agriculture urbaine concorde avec une diversification du métier d’architecte. La demande de nature des habitants coïncide avec un retour de la culture locale. Je me pose la question de la réalité et l’influence de l’agriculture urbaine sur la pratique et la construction architecturale. Cultiver en ville n’a rien de nouveau mais fait désormais partie du discours des politiques. L’agriculture s’impose aujourd’hui dans la fabrication de la ville. Les qualités paysagères et les opportunités qu’elle offre en matière de vivreensemble sont à prendre en compte dans l’aménagement urbain. C’est également le moyen d’expérimenter l’imbrication originale de fonctions. J’analyserai des projets d’agriculture urbaine afin de voir les différentes postures de l’architecte. Afin de vérifier la prise de ce phénomène avec la réalité, je soumettrai l’agriculture urbaine au regard de l’utopie. Après en avoir retenu les critères intrinsèques, j’analyserai également des utopies architecturales pour compléter ces critères. Je soumettrai ensuite ces paramètres aux projets d’agriculture urbaine pour comprendre leur composition et leur viabilité. A mon sens l’agriculture urbaine est un retour à l’échelle locale qui devient un moyen de proposer une autre architecture. L’architecte permet de donner vie à l’agriculture urbaine et cette dernière permet à l’architecte d’intégrer de nouvelles composantes dans son métier. Le mémoire se base sur cette relation. Comment l’architecte s’empare de l’agriculture urbaine pour réinventer sa pratique? Afin de répondre à cette interrogation, je considérerai deux cas d’agriculture urbaine: celle qui se déploie sur l’espace public et celle qui est «construite». Dans une première partie, je m’intéresserai à celle qui se déploie sur l’espace public. Elle initie de nouveaux usages et stimule l’urbanité, deux notions devenues incontournables dans la fabrication de la ville. Il en résulte une conception spatiale différente. Dans une deuxième partie, l’agriculture urbaine «construite» révèle des combinaisons programmatiques innovantes et met en avant la pluridisciplinarité à laquelle participe l’architecte. Ces associations inhabituelles donnent
naissance à une esthétique atypique basée sur de nouvelles valeurs. Enfin, dans une dernière partie, il s’agira de s’interroger sur les limites de l’agriculture urbaine. Etudier les critères de définition de l’utopie permet de porter un nouveau regard sur les projets contemporains et de questionner l’héritage que va laisser l’architecte. Entre nuisances et dérives technologiques, c’est avant tout un questionnement éthique qui se pose.
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1. Pratiquer la ville autrement, semer des usages et rÊcolter l’urbanitÊ
1.1 Une évolution des modes de vie
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Le constat / 70 %. C’est la part des 9 milliards de personnes qui vivront en ville en 2050 selon les Nations unies. Ces chiffres viennent appuyer le discours prônant un retour de l’agriculture en ville. Pour les scientifiques, les fermes urbaines deviendront indispensables dans l’équilibre de nos villes. Cependant, pour Pierre Donadieu, ce n’est «pas un moyen simple de lutter contre la misère et l’exclusion sociale» 1. Pour lui, l’agriculture urbaine est un «complément utile» dans les villes occidentales quand dans les pays en voie de développement elle joue un rôle capital. Ces propos sont appuyés par ceux de Christine Aubry, agronome et ingénieur de recherches à l’INRA. Elle met en avant l’absence et la déficience d’infrastructure dans les pays en voie de développement pour expliquer la nécessité de l’agriculture urbaine. «A Antananarivo (Madagascar), à Vientiane (Laos), à Dakar (Sénégal) ou à Dar es Salam (Tanzanie), les produits frais et périssables proviennent majoritairement, voire exclusivement, de l’agriculture urbaine » 2. Dans les pays développés, la mobilité et la modernité ont rallongé les circuits, l’agriculture s’est éloigné de la ville. Mais son épanouissement dans les villes aujourd’hui se fait pour des raisons environnementales et qualitatives. Ainsi dans les pays occidentaux, cela pose la question de la capacité nourricière de l’agriculture en ville. Entre caprices individuels et véritables alternatives collectives, elle peut s’avérer porteuse de valeurs sociales et d’esthétique. L’agriculture urbaine promet une sécurité alimentaire et un cadre de vie agréable. Consommer frais est devenu un des critères de cette qualité de vie. En effet, aujourd’hui nos méthodes de production sont remises en cause: traçabilité des produits, scandales alimentaires... La mondialisation n’a pas épargné le secteur de l’agriculture. Cette prise de conscience est une aubaine pour l’architecte, acteur de la société. L’agriculture fait son entrée dans la ville et interpelle l’architecte. Il s’adapte à cette demande stimulante. En effet, il met à profit ses compétences de médiateur pour ancrer l’agriculture urbaine dans le quotidien des gens. On peut se demander pourquoi l’architecte reprend ce thème. En fait il le détourne et le transpose aux problématiques actuelles des villes vertes et durables. Intégrer l’agriculture en ville questionne la compatibilité entre les besoins techniques de l’agriculture intensive et le milieu urbain. La complexité d’un tel défi ne peut être abordée par l’architecte seul. L’image de concepteur travaillant seul sur la construction, l’exécution et la conception se transforme. Paysagiste et plasticien sont des exemples de disciplines connexes à l’architecture qui montrent que le métier se diversifie. Mais au delà
1
DONADIEU, Pierre, Campagnes urbaines, Actes Sud, «Nature», 1998, 224 p.
2 Niedercorn, Frank, «L’agriculture a-t-elle un avenir en ville ?», les echos.fr, 02 juin 2014, URL : http://www.lesechos.fr/02/06/2014/lesechos. fr/0203537361634_l-agriculture-a-t-elle-un-avenir-en-ville--.htm#
de la connotation esthétique de ces métiers, les démarches participatives et les collectifs prouvent que l’architecte aime le contact humain. Il s’agit ainsi de questionner l’incidence de l’agriculture urbaine sur la pratique architecturale.
Le retour de l’échelle locale / «Comment l’architecte peut-il s’emparer d’un sujet aussi vaste que l’agriculture maraîchère et le conduire à l’état de projet contextuel plutôt qu’à un simple système ?» 3 Par ces mots, le LUA, Laboratoire d’Urbanisme Agricole rend compte de l’importance du contexte. En parlant d’agriculture urbaine, on a tendance à tout mettre au même niveau. On utilise un terme générique et pourtant cultiver en ville peut se faire sous une multiplicité de formes. En effet, les formes d’agriculture urbaine sont loin d’être globales et font plutôt l’éloge de la proximité. système : marchand, non-marchand, les 2
Multiplicité des formes d’agricultures urbaines
Produtions actuelles : Légumes, Fruits, Herbes Champignons, Poissons, Miel Oeufs, Poules, Céréales
7 lieux : Champs, friches, délaissés Dalles (parking, places, etc.) Toits Anciens sites industriels Pied d’immeuble
supports de production : Pleine terre Terre rapportée Substrats (locaux, commerce, etc.) Eau (Hydroponie ou aquaponie)
Systèmes de distribution : Cueillette sur place Troc aux plantes Marchés Système de paniers Magasin de producteurs Magasin à la ferme Grande distribution Restaurant Table d’hôte
FIG.1 Les formes d’agricultures urbaines Déalle-Facquez, François, «L’agriculture en ville : un projet urbain comme un autre», metropolitiques.eu, 16 décembre 2012, URL : http://www.metropolitiques.eu/L-agriculture-enville-un-projet.html
L’agriculture urbaine dépasse le jeu d’acteurs standardisé entre l’agriculteur et le consommateur. FIG.1 Un tissu de relations se crée autour d’un projet, lui même faisant partie d’une suite de ponctualités inclues dans la ville. Ainsi, on peut parler de logique «glocale» de l’agriculture urbaine. C’est un terme utilisé par Jean-Marc HUYGEN dans La poubelle et l’architecte 4. Entre «globale» et «locale», il signifie un réseau planétaire de territoires. Ainsi, la cohérence globale dépend de la cohérence locale.
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Laboratoire d’Urbanisme Agricole, URL : http://www.lua-paris.com/fr/les-idees
4 HUYGEN, Jean-Marc, La poubelle et l’architecte: Vers le réemploi des matériaux, Actes Sud, «L’impensé», 2008, 183 p.
Pratiquer la ville autrement, semer des usages et récolter l’urbanité
Acteurs : Habitants Associations Agriculteurs Collectivités territoriales Agences d’entretien des EV Etp privées Ecoles/cantines/ restaurant Archi/paysagistes/urbanistes Chercheurs Institutions
1.2 La ville nourricière Vers une redéfinition de l’espace public /
Cultiver en ville n’a rien de nouveau mais fait désormais partie du discours des politiques. L’agriculture s’impose aujourd’hui dans la fabrication de la ville. Retourner à une échelle favorisant la mise en relation des acteurs fait apparaître au premier plan deux notions importantes pour l’architecte: les usages et l’urbanité. Si la modernité a su rendre les villes fonctionnelles, on cherche aujourd’hui à favoriser les usages, notamment sur l’espace public, théâtre de la vie quotidienne. Les villes se veulent accueillantes et habitables.
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La fabrique de l’urbanité est devenue un enjeu majeur de réflexion pour nombre d’aménageurs et de concepteurs. Elle est définie selon Le Robert comme étant une manière particulière de faire société, une forme de sociabilité, voire une «culture» qui s’opposent à d’autres systèmes de relations sociales et de valeurs ayant cours hors des villes. Pour l’architecte et urbaniste allemand Thomas Sieverts l’urbanité évoque «la connaissance du monde, l’ouverture d’esprit et la tolérance, l’acuité intellectuelle et la curiosité» 5. A mon sens, l’urbanité est la capacité à vivre ensemble. La ville et son espace public doit être en mesure d’initier des relations sociales entre les individus. C’est ce système de relations qui représente l’urbanité. On peut parler d’hospitalité de la ville, c’est-à-dire la capacité d’une ville à être accueillante. L’enjeu est celui de la qualité de vie en milieu urbain. L’architecte imagine des espaces comme support d’usages mais parfois dessiner ne suffit pas et le concepteur doit s’immerger dans le projet. C’est le cas de l’Atelier d’Architecture Autogéré avec le projet d’Eco-interstice au 56 dans le quartier Saint Blaise, à Paris. L’atelier AAA est une plateforme collective incluant architectes, artistes, urbanistes, paysagistes, sociologues, étudiants et résidents habitant à Paris. Ils promeuvent la réappropriation et la réinvention d’un espace collectif dans la ville à travers des activités du quotidien (jardiner, cuisiner, discuter, lire), qu’ils considèrent comme des pratiques urbaines créatives. L’atelier AAA se consacre à créer un réseau d’espaces auto-gérés en encourageant les résidents à transformer temporairement les espaces disponibles et sousutilisés. Le projet de la dent creuse, le Passage 56, a débuté en 2006. Il concerne une parcelle inoccupée de 200 m², localisée rue Saint-Blaise, dans un quartier résidentiel très dense, dans le 20e arrondissement de Paris. La parcelle, originellement un passage public, était considérée comme non constructible et donc était abandonnée depuis des années. AAA a dessiné et initié différents usages tels que jardiner, composter, réparer, distribuer des légumes biologiques dans le respect de pratiques écologiques, avec la 5
Sieverts, Thomas, Entre-ville: Une lecture de la Zwischenstadt, Parenthèses Editions, «Eupalinos», 2004, 188 p.
participation des habitants. Le passage 56 est un prototype d’architecture «open-source» qui expérimente des espaces de production collective et des associations inhabituelles et pionnières entre les institutions, les professionnels, des organisations locales et les habitants. Par cela, ils défient l’actuel modèle «stéréotypé» de gestion urbaine. Le projet est socialement et écologiquement parlant soutenable FIG.2, actuellement autogéré par des résidents du quartier.
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Pour faire référence à leur activité engagée dans l’aménagement de la ville, l’AAA définit sa pratique de «tactiques urbaines». Derrière ce terme de «tactiques» se cache la volonté d’activer des espaces sous estimés de la ville: des terrains en friche, des parcelles vacantes, des immeubles abandonnés, des espaces publics laissé à l’abandon. L’AAA ajoute à ces espaces par son architecture de nouveaux usages, relevant de pratiques quotidiennes, mais qui diffèrent de nos activités urbaines actuelles. Ainsi, les usagers du 56 cuisinent, jardinent, recyclent. Les tactiques urbaines sont un moyen de transgresser les lois et réglementations en vigueur dans le domaine de l’aménagement urbain. La pratique urbaine de AAA est différente, et peut-être en conflit avec la planification urbaine traditionnelle. Ils ne «planifient» pas mais «agissent», parfois contre les règles qu’ils estiment inappropriées ou injustes. Tout d’abord, ils interrogent la manière dont l’espace est accessible par le citadins. En s’intéressant au réaménagement des «interstices urbains», ils permettent une appropriation temporaire d’espaces qui ont échappé à un programme d’aménagement. Concernant le Passage 56, des constructions de palettes,
Pratiquer la ville autrement, semer des usages et récolter l’urbanité
FIG.2 Soutenabilité du projet Source : Carrot City Designing for Urban Agriculture, URL : http://www. ryerson.ca/carrotcity/index.html
des modules mobiles, des structures démontables sont autant de dispositifs permettant cette appropriation temporaire du lieu. Ils font ainsi la critique de la manière dont on utilise l’espace en ville aujourd’hui, une ressource précieuse là où le foncier est cher et rare. Alors que les réglementations urbaines «figent» l’occupation des sols, ces usages temporaires impliquent aussi que le projet ait une durée de vie réduite. Ensuite, l’atelier AAA enfreint les règles de la commande de projet, en proposant des interventions non sollicitées, exception faite du projet du Passage 56 qui est une commande de la municipalité. Ils permettent aux usagers d’avoir accès au processus de conception. Une de leur « tactique » a été de qualifier l’atelier AAA du statut « d’organisation à but non lucratif » pour inclure à leur pratique des non-architectes. Grâce à cela, ils peuvent recevoir des fonds publics plutôt que de dépendre de commissions privées.
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AAA fait du « participant » une forme de partenaire, d’associé à sa pratique. Les usagers deviennent graduellement des membres du AAA, ce qui fait grandir leur pratique jusqu’à une centaine de membres à certains moments, et la diminuer jusqu’à sa taille initiale de cinq à six membres lorsque le projet est pris en charge par ses usagers, continuant à gérer son développement en leur nom propre. En effet, l’auto-construction a fait partie de l’activité sociale et était ouverte à tous les membres de l’organisation. Le chantier n’était pas seulement une étape après la commande mais une réelle activité culturelle et sociale du projet. Pour les usagers, apprendre les détails de construction petit à petit, leur a permis de s’emparer du projet, évoluant du statut de «participant» à celui de «gérant». «Nous avons dépassé nos rôles: depuis concepteurs et éducateurs nous sommes devenus des jardiniers, des intervenants et référents sociaux, tandis qu’en parallèle les usagers sont devenus des concepteurs, des gérants, des entrepreneurs et des militants. Ca a été une transgression non seulement de nos rôles individuels mais de tous les projets, qui ont graduellement changé de leur vocation première de jardin en culture et design.» AAA L’architecture «auto-gérée» se définit par le fait que les architectes partagent avec les usagers la connaissance nécessaire à l’appropriation de l’espace, de la conception et de la gestion d’une architecture.
Participation et appropriation
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Source: Public space, URL : http://www.publicspace.org/ca/ obres/f250-passage-56-espace-culturel-ecologique
Source: Public space, URL : http://www. publicspace.org/ca/obres/f250-passage-56-espaceculturel-ecologique
Source: Carrot City Designing for Urban Agriculture, URL : http://www.ryerson.ca/carrotcity/index.html
Usages actuels
Espaces verts Composte Auvent
Toilettes sèches collectives
Mur mitoyen
2009
Actions sur l’espace publique et autres espaces dans le périmètre (café, etc.)
Planning collectif
Panneaux d’information permanents
Chantier ouvert
Palettes recyclées Mur mitoyen Cabane de chantier
Toilettes de chantier
«Emergency green house»
2008 2007
Usages initiaux
Auvent temporaire Récolte des envies
Modules mobiles
Micro jardins mobiles
Palettes recyclées
2006 Panneau d’information temporaire
Dispositifs mobiles
Source: Mosley, Jonathan, «The architecture of transgression», Architectural design, n° 6
évolution de la construction, de la matérialité , et des usages
La participation des usagers / En devenant médiateur et animateur du débat social, l’architecte est une des clés de la diffusion de l’agriculture urbaine sur l’espace public. Mais les citoyens sont tout aussi indispensables dans la réussite d’une telle entreprise. Ce sont les premiers concernés par l’espace public. En devenant le chef d’orchestre l’architecte s’efface peu à peu et sort de son rôle classique. Il laisse place à l’appropriation des usagers. Alors l’architecte est-il toujours indispensable? Cette volonté d’un espace public nourricier de la part des usagers ne peut-il pas naître de leur propre initiative?
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C’est le cas de la ville anglaise de Todmorden et de son mouvement citoyen Incredible Edible6. Il a été initié par trois citoyennes de la ville. Concernées par la crise et inquiètes pour l’environnement, elles convertissaient en 2008 les espaces publics en potagers accessibles à tous. Favorisant l’approvisionnement local et la vie communautaire, elles ont initié une autre façon de vivre. L’objectif était de redonner l’envie aux résidents de consommer des produits frais et locaux en se basant sur le concept d’autosuffisance alimentaire. «On n’a pas réalisé d’études ni écrit de rapports, on n’a pas demandé l’autorisation des autorités pour le faire, on l’a simplement fait» Cette phrase de Pam Warhurst, l’une des initiatrice du mouvement démontre la spontanéité de leur action. «Le paysage urbain surprend. Des plants de maïs sucré poussent dans de grands bacs posés devant l’entrée asphaltée du poste de police. Il y a des pommiers et un jardin de plantes médicinales sur les terrains du nouveau centre de santé. Une multitude de fines herbes poussent sur le chemin de halage le long du canal. Des potagers ont aussi essaimé dans les cours d’école.» Ce passage de l’article décrit bien le changement de décor provoqué par les «Incroyables Comestibles». On imagine sans difficulté les usages créés. «Les résidents viennent cueillir des produits dans les bacs situés devant le poste de police. Ça crée des occasions d’engager la conversation et de mieux faire comprendre notre rôle». Cette parole illustre l’urbanité qui peut être créée grâce aux potagers sur l’espace public. Bien évidemment, les chaînes d’alimentation de la ville ont évolué et s’approvisionnent localement. Au-delà du paysage, des retombées économiques et sociales ont également eu lieu: de nouveaux commerces ont vu le jour et une nouvelle forme de tourisme a émergé, le tourisme potager. Des groupes scolaires, des visiteurs venus de l’international viennent découvrir les Incroyables Comestibles. Mais c’est surtout la dynamique que le mouvement a engendré qui est notable, avec la volonté de lancer des entreprises de transformation alimentaire et développer les cultures aquaponiques.
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Théroux, Pierre, «La ville qui vous nourrit gratuitement», 23 août 2013, URL : http://www.incredible-edible.info/?p=2579
curiosité urbaine
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Source: Théroux, Pierre, «La ville qui vous nourrit gratuitement», 23 août 2013, URL : http://www.incredible-edible.info/?p=2579
Si la démarche HQE (Haute Qualité Environnementale) est au coeur de l’agriculture urbaine, il apparaît que la HQH 7 (Haute Qualité Humaine) n’est pas moins présente. La ville est avant tout un environnement humain dont le fonctionnement et la richesse reposent sur la qualité des liens et la multiplicité des appartenances sociales. Certes, la notion d’empreinte écologique devient prépondérante en milieu urbain et les qualités paysagères de l’agriculture urbaine sont tout aussi importantes que les opportunités qu’elle offre en matière de vivre-ensemble. Les usages qu’elle propose et l’urbanité qu’elle génère dans l’espace public font partie d’un réseau urbain dont la philosophie serait: penser globalement, agir localement.
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En effet, les deux exemples abordés relatent une société à l’échelle humaine et une utilisation durable des ressources naturelles. On remarque que les usagers tiennent une place vitale dans le fonctionnement de l’agriculture urbaine. Ils sont les premiers concernés. L’architecte agit tel un metteur en scène. Il organise les espaces, gère les rythmes et introduit des acteurs. L’architecte met en scène l’agriculture urbaine et l’espace public devient un décor où les parcelles cultivées deviennent «extra-ordinaires». Dans le cas de AAA, il y a une inversion des rôles entre concepteurs et usagers, tandis que le cas de Todmorden où l’architecte est absent met en lumière un scénario atypique. L’architecte transforme l’usager de spectateur à acteur de diffusion et de partage.
7 Haute Qualité Humaine: terme emprunté à Patrick Bouchain visant à qualifier un projet qui met l’homme au coeur de sa démarche.
incredible edible : les incroyables comestibles
Source: Théroux, Pierre, «La ville qui vous nourrit gratuitement», 23 août 2013, URL : http://www.incredible-edible.info/?p=2579
Le 56 St Blaise
Source: Carrot City Designing for Urban Agriculture, URL : http://www.ryerson.ca/carrotcity/index.html
2. Construire la ville autrement, l’hybridation des programmes
2.1 Les nouvelles combinaisons
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La pédagogie / «Comment œuvrer en relevant simultanément le défi d’une invention technique soumise aux lois de la nature et celui d’une insertion urbaine contribuant à enrichir la cité sans la défigurer ?» Cette question soulevée par le LUA résume le défi de l’intégration de l’agriculture dans la cité. Quelle architecture pourrait donner jour à cette intégration? A travers quels programmes? Comment l’agriculture et la ville pourrait contribuer l’une à l’existence de l’autre? Le cas de l’agriculture urbaine nécessite un travail collectif pluridisciplinaire. Il est nécessaire d’interroger différentes disciplines : -L’agriculture et l’agronomie sur les méthodes de culture, -L’ingénierie environnementale sur les échanges énergétiques avec la ville, -L’économie et la stratégie de l’aménagement sur la réduction des transports, -L’urbanisme et la démographie sur la question du foncier, les atouts de la mixité, de la fabrication de zones urbaines et périurbaines, -La philosophie et la sociologie sur l’esthétique et la dynamique de la ville. Sensibilisation Empowerment Éducation
Intéractions sociales
Ilôts de chaleur Compostage Environnement Recyclage de l’eau Biodiversité
Aliments en quantité Aliments en qualité
Aménagement urbain
Agriculture urbaine
Sécurité alimentaire
Sols contaminés Appropriation des espaces Espaces verts
Développement économique
Loisirs
Insertion économique Lutte contre la pauvreté
Détente Contact avec la nature
Santé
FIG.3 Multifonctionnalité de l’agriculture urbaine Déalle-Facquez, François, «L’agriculture en ville : un projet urbain comme un autre», metropolitiques.eu, 16 décembre 2012, URL : http://www.metropolitiques.eu/L-agriculture-enville-un-projet.html
L’agriculture urbaine est difficile à définir. Il n’y a pas une agriculture urbaine mais plusieurs et la multitude de problématiques qu’elles soulèvent devient une richesse pour l’architecte. FIG.3 Pour les concepteurs, cette complexité apparente cache des opportunités d’innover en matière d’imbrication programmatique. Cultiver en ville n’étant pas encore une activité universelle, le thème de la pédagogie est inévitable. L’enjeu de l’éducation est importante, notamment pour les enfants, et projeter l’agriculture urbaine au
cœur de la ville ne peut échapper à la notion de développement durable. Il s’agit de réconcilier le citadin avec un comportement maîtrisé et volontaire. Le cas de Edible Schoolyard, la cour d’école comestible, à New York est un exemple de mixité programmatique original.
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Améliorer les repas à la cantine et apprendre aux enfants à cultiver et préparer des aliments sains sont les objectifs du programme de cour d’école comestible. Il profite de l’environnement propice qu’offre le milieu scolaire pour questionner l’accès à la nourriture en ville. Work Architecture Company est l’agence à l’origine du premier projet de ce type à New York. Edible Schoolyard a été réalisé sur l’ancien parking de l’école Arturo Toscanini à Brooklyn. L’état de New York exigeait un environnement capable d’accueillir un programme scolaire complet et interdisciplinaire associant l’alimentation aux matières enseignées à l’école. Les architectes ont agencé une série d’éléments architecturaux reliés entre eux. Ils offrent à la fois des espaces éducatifs particuliers associés à un jardin potager biologique de 1000 m2 et des espaces de culture et de cuisine opérationnels tout au long de l’année. Une salle de classe-cuisine constitue le centre du projet. Sur celle-ci viennent se greffer une serre mobile et un «mur technique» composé de différents modules qui assurent l’autosuffisance du bâtiment. Les principes de l’autosuffisance sont démontrés dans ce projet. Les élèves ainsi que leurs parents et les habitants du quartier sont impliqués dans le processus de production alimentaire. Des réflexions sont menées à propos de l’influence des systèmes alimentaires sur la santé, la nutrition et l’environnement. Le projet permet de rendre ces concepts accessibles à un large public et de montrer l’enrichissement de l’expérience éducative à travers l’alimentation et l’agriculture urbaine.
Construire la ville autrement, l’hybridation des programmes
Edible Schoolyard: la cour d’école comestible Gorgolewski, Mark , Komisar, June, Nasr, Joe, Carrot City: Creating Places for Urban Agriculture, The Monacelli Press, 2011, 240 p.
1. Mur technique 2. Salle de classe-cuisine
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3. Serre mobile 4. Cabane à outils
5. Serre 6. Boîtes à composte
7. Salle de classe extérieure
FIG.4 Plan masse Gorgolewski, Mark , Komisar, June, Nasr, Joe, Carrot City: Creating Places for Urban Agriculture, The Monacelli Press, 2011, 240 p.
Le particularité de ce projet se trouve dans l’articulation des échelles. Comme évoqué précédemment, les espaces construits sont liés à un jardin potager biologique de 1000 m². La salle de classe extérieure permet le déploiement des usages en plein air. FIG.4 bureau
table de récolte
outils agricoles energie solaire recyclage des déchets
serre mobile
eau de pluie récoltée
poste vaisselle
espace repas 0
1,25
2,5
poste cuisine
table de propagation
5m
FIG.5 Plan Gorgolewski, Mark , Komisar, June, Nasr, Joe, Carrot City: Creating Places for Urban Agriculture, The Monacelli Press, 2011, 240 p.
Pour l’architecte, il s’agit de réinventer un environnement capable d’accueillir des éléments techniques spécifiques tout en gardant le principal objectif qui est celui de cultiver. La salle de classe renvoie une autre image de l’éducation, plus interactive et stimulante pour les enfants. La salle de classe est animée par deux interfaces différentes FIG.5, à droite l’espace de culture,
rythmé par un cycle naturel et à gauche, une interface qui permet la gestion des différentes ressources.
déchets organiques
outils agricoles
nettoyage d’outils energie solaire
résidus alimentaires oeufs
vestiaires enfants
eau de pluie récoltée irrigation agricole recyclage des déchets
chaufferie stockage du bois
ramassage vaisselle
23
terre fraîche
déchets agricoles
FIG.6 Le mur technique Gorgolewski, Mark , Komisar, June, Nasr, Joe, Carrot City: Creating Places for Urban Agriculture, The Monacelli Press, 2011, 240 p.
Le mur technique FIG.6 est l’élément le plus spécifique et novateur du projet. Comme montré ci-dessus, il permet l’interaction avec les usagers tout en assurant la gestion des ressources telles que le chauffage, l’eau ou encore les déchets. C’est un élément qui à lui tout seul résume l’esprit du projet et constitue une interface qui réinvente le rapport entre l’homme et les ressources. Edible Schoolyard est un projet qui montre comment l’architecte, par le biais de l’agriculture urbaine réinvente des usages: cultiver, consommer, recycler. Il innove les rapports aux ressources. Il s’agit pour le concepteur de concevoir des dispositifs qui intègrent de nouveaux usages en milieu urbain et scolaire. Malgré les limites de productivité d’une telle surface cultivée, le but est de préparer les générations futures, de les sensibiliser. Il s’agit là d’une démarche durable. D’ailleurs, ce projet pionnier à Brooklynn a inspiré une suite dans le quartier de Harlem. Cela montre la potentialité d’un programme et sa possible mise en réseau à l’échelle d’un territoire.
Construire la ville autrement, l’hybridation des programmes
poste vaisselle
edible schoolyard dans le paysage de brooklyn
apprendre dehors: La «salle de classe» extérieure
Source: Work architecture company, URL : http://work.ac/edible-schoolyard-at-ps216/
la serre mobile, espace d’expÊrimentation
La salle de classe-cuisine
La redynamisation / L’exemple précédent illustre la manière dont l’architecte peut insuffler de nouvelles pratiques en milieu urbain. Le caractère hybride du programme est renforcé par la construction d’un bâtiment neuf. On peut se demander si cette hybridation est transposable lorsque l’architecte intervient sur l’existant. C’est le cas d’un des projet de SOA Architectes à Romainville dans la région parisienne. SOA Architectes est une agence d’architecture créée par Augustin Rosenstiehl et Pierre Sartoux en 2001, basée à Paris. Ils conçoivent des projets privés et publics de logements, équipements culturels, scolaires, de santés... L’agence est soucieuse de composer avec les récentes et futures approches en terme de qualité d’espace de vie et de Haute Qualité Environnementale.
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Augustin Rosenstiehl et Pierre Sartoux décident d’ouvrir une cellule de recherche consacrée à l’agriculture urbaine au sein de leur agence après avoir élaboré le projet de La Tour Vivante en 2005. En 2010, après s’être lancé dans la conception intuitive de fermes urbaines et travailler avec des agriculteurs, philosophes, sociologues et agronomes, SOA va associer les notions de complémentarité entre diversité environnementale et sociale à la problématique de l’agriculture urbaine. En 2012, l’agence s’associe à Le Sommer Environnement et au Bureau d’Etudes de Gally. Ils créent et animent le LUA, le Laboratoire d’Urbanisme Agricole qui est une plateforme d’échanges d’idées dans le domaine émergeant de l’urbanisme agricole. Différents spécialistes y participent: agronome, sociologue, designer, artiste, ingénieur, etc... Ce laboratoire est à l’origine d’un ensemble de conférences, d’articles et de projets qui explorent les tendances contemporaines technologiques et proposent de nouvelles conceptions. A Romainville, l’objet de la réhabilitation est la cité HLM MarcelCachin qui a été construite dans les années 50. Typique des grands ensembles de cette époque, elle se développe sur une superficie importante avec de grandes barres de logements et quelques plots de R+4 à R+8. Particulièrement enclavée du fait de l’absence de liens avec le centre ancien de la ville, une première réhabilitation de la cité a eu lieu dans les années 90. La cite MarcelCachin fait actuellement l’objet d’un projet ANRU qui a pour but d’intégrer le quartier au centre ville par des interventions architecturales, urbaines et paysagères. Aujourd’hui grâce à la création d’une plaine centrale ouverte et aménagée, le quartier accueille des équipements neufs (médiathèque et maison de l’enfance) et transformés (maison des retraités, espace de proximité), vecteurs de mixité sociale et ayant vocation à accueillir un large public. D’autre part, la prochaine création d’espaces de résidentialisation au pied des immeubles, la scission de plusieurs longues barres et la réhabilitation des bâtiments vont entraîner une modification en profondeur des usages du quartier, accentuée par la réintégration de commerces.
Dans ce contexte, la municipalité de Romainville a commandé à l’atelier SOA une étude de faisabilité pour la construction d’une ferme sur les toits des barres de logements du quartier Marcel-Cachin FIG.7. Ainsi, la municipalité affirme son engagement dans une voie durable, par la mise en place d’équipements innovants.
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La mission des architectes dans le cadre de cette étude de faisabilité a été atypique puisqu’elle a consisté à définir un programme, basé sur le modèle économique du salaire d’un agriculteur, ainsi que de définir un modèle économique de l’exploitation agricole. Les architectes ont joué avec la contrainte structurelle. Les constructions, datant des années 50, ne permettaient pas de faire peser des charges supplémentaires sur les toits. Pour cette raison, ils se sont lancés le défi de trouver un moyen pour que la ferme soit tout de même située au-dessus des logements, sans pour autant reposer physiquement sur ces derniers. FIG.8 La ferme s’appuie sur un portique en béton qui enveloppe l’existant, contreventé par des dalles en béton situées le long de la façade du bâtiment. Cette structure, permet d’offrir une extension à chaque logement sous forme de balcons et de jardins d’hiver, et ce de chaque côté de la façade, prolongeant la surface intérieure FIG.9. Ces surfaces additionnelles généreuses permettent de donner un espace de stockage à ces appartements assez petits.
Construire la ville autrement, l’hybridation des programmes
FIG.7 Plan masse Source: Soa architectes, URL :http://www.soa-architectes.fr/fr/
En implantant un programme inédit sur les toits de trois bâtiments, il s’agit d’accentuer l’attractivité de l’îlot et de renforcer le caractère collectif d’une telle initiative. Les bâtiments exposés au regard et visibles depuis la grande prairie, les activités s’y déroulent ainsi aux yeux de tous. La réunion d’une ferme et de logements dans un même bâtiment encouragera les échanges entre ces deux programmes. Ainsi, alors que la ferme produit des fruits et légumes consommables directement sur place par les habitants, selon un système de vente à définir (paniers, AMAP, marché...)
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FIG.9 Coupe «avant/après» montrant l’implantation de la ferme et le prolongement des logements Source: Soa architectes, URL :http://www.soa-architectes.fr/fr/
Dalle béton de 20 cm d’épaisseur
Voiles porteurs béton de 30 cm d’épaisseur
Dalles balcons/loggias de 15 cm d’épaisseur Poteaux porteurs 30 x 30 cm
IPN 140
FIG.8 Schéma structurel de la greffe sur l’existant Source: Soa architectes, URL :http://www.soa-architectes.fr/fr/
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Source: Soa architectes, URL :http://www.soa-architectes.fr/fr/
Ferme sur les toits
Source: Soa architectes, URL :http://www.soa-architectes.fr/fr/
nouveau skyline
2.2 Une nouvelle écriture architecturale Le rapport au sol / Ce projet de ferme urbaine se démarque par son inscription sur l’existant. Des fermes sur les toits, c’est un scénario possible, comme imaginé dans ce projet de greffe de 1500 m² en toiture. Proposer une extension en toiture n’est pas une initiative nouvelle. Le milieu urbain regorge de toits qui sont des potentiels d’accueil. Les architectes investissent ces surfaces inhabitées par des spatialités innovantes, ménageant ainsi le sol d’une nouvelle construction. Pour l’architecte, c’est une réflexion sur le rapport au sol qui doit être menée. Compte tenu de la valeur du foncier, il devient intéressant d’étudier de nouvelles façons de s’implanter. Le parti pris des toits semble être un défi séduisant pour l’architecte.
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Concernant le projet de SOA, il est intéressant de voir la manière dont des critères de conception de l’architecture sont influencés, voire combinés, à ceux nécessaires au développement des cultures hors-sol FIG.10. Dans le projet de ferme de Romainville, les gabarits ont été optimisés selon les critères suivants: - l’exposition au soleil, permettant de capter la lumière pour produire de l’énergie ou simplement éclairer naturellement les plantations - l’exposition au vent, permettant de profiter de l’énergie éolienne dans le cas où la ferme est largement exposée, ou affiner la structure et donc l’utilisation de matière première dans le cas où la ferme est faiblement exposée - l’optimisation de l’espace, c’est-à-dire de trouver le meilleur compromis entre le déploiement des cultures et les circulations d’usages et techniques de l’homme au sein de la ferme Ce nouveau rapport au sol interroge surtout la mise à l’échelle de l’édifice à son contexte. Pour l’architecte, l’enjeu est de confronter les fermes à leur environnement direct comme indirect pour assurer une bonne intégration dans le paysage urbain.
FIG.10 Culture hors-sol selon la technique Courtirey Source: http://www.soa-architectes.fr/fr/
Concernant le projet de Romainville, l’ajout des volumes de ferme donne une nouvelle interprétation des barres du quartier, en proposant une surélévation dont la silhouette contraste avec le parallélisme des barres et leur horizontalité. C’est pourquoi, le skyline de la ferme est perturbé par endroits, par l’agencement irrégulier des volumes. Le portique de béton structurel, en revanche, s’inscrit dans l’écriture de l’existant et conserve rythme et régularité. Ainsi, la partie basse du bâtiment conserve son rapport avec les autres bâtiments du quartier.
La temporalité / Comme le rapport au sol, la temporalité devient un critère d’une possible nouvelle architecture. Dans le projet Edible Schoolyard, ce critère se retrouve dans le dispositif imaginé par les architectes.
FIG.11 Coupe montrant la mobilité de la serre The Design Observer Group, URL : http://designobserver.com/feature/dan-wood/22728/
Dans le cas de Edible Schoolyard, il s’agit de la serre mobile FIG.11. En été, les cultures sont en plein air et la serre est en position de retrait. En hiver, elle se déploie pour protéger les cultures et permet d’offrir plus de surface aux usagers. L’architecture pose la question de la temporalité. Une construction qui s’adapte au climat offre plus d’usages et de confort. La notion d’éphémère est également présente. Les cultures sont éphémères, un bâtiment est construit pour durer. Edible Schoolyard, de par son caractère hybride permet de mieux intégrer son architecture dans le temps et dans l’espace. En permettant à l’agriculture urbaine d’exister, l’architecte est capable de tisser le lien entre différentes temporalités, celle de la nature et celle des usages.
35 Construire la ville autrement, l’hybridation des programmes
L’agriculture urbaine est particulière parce qu’elle soumet l’architecture aux lois de la nature. Si un bâtiment doit prendre en compte les orientations ou le climat, il faut également penser aux conditions des cultures. En considérant ce cycle atypique, l’architecture devient plus adaptable, c’est à dire plus souple et mobile.
3. Cultiver autrement, l’architecte et l’agriculture dépassés par la technologie?
3.1 L’utopie comme clé de lecture Les critères / L’agriculture urbaine n’étant pas une pratique démocratisée, il est difficile d’en tirer les enseignements. Certes, quelques exemples existent mais un certain nombre de propositions sont des projections. Entre désir de nature pour certains et fantasme d’autonomie alimentaire pour d’autres, ces projections sont teintées d’utopie.
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Le terme «utopia» est un néologisme grec créé par Thomas More en 1516 pour désigner la société idéale qu’il décrit dans son œuvre du même nom. Composé de la préposition négative grecque «ou» et du mot «topos» qui signifie « lieu », le sens d’«utopie» est donc «sans lieu». Dans son oeuvre, Thomas More fait dans un premier temps une critique sociale et politique de l’Angleterre. Il décrit ensuite l’île d’Utopie, sorte de contre-image positive de ce que pourrait être l’Angleterre, si elle était mieux gouvernée. C’est un lieu fictif par lequel il faut passer pour une prise de conscience, en ce sens l’utopie est un moyen et non une fin. Étant avant tout une harmonie sociale, elle se caractérise par un isolement sur l’extérieur qui est essentiel au bon fonctionnement de la société idéale. Cette genèse lui donne un caractère positif mais certaines utopies peuvent se révéler effrayantes: lissage de la société, perte de notion d’individu... Les dérives sont possibles et l’utopie se transforme ainsi en dystopie. A la lumière du modèle de Thomas More, on peut relever deux premiers critères qui définissent l’utopie. L’insularité en est un premier de par la situation géographique: l’île. Ensuite, l’harmonie sociale est primordiale au fonctionnement de la société utopique. L’éducation ou la pédagogie qui permet cela est donc le deuxième critère. Des architectes ont travaillé sur cette notion d’utopie pour imaginer et créer des mondes complets et autonomes. Ils atteignent ainsi le statut d’utopie architecturale. Afin de confronter l’agriculture urbaine à cette notion d’utopie, j’ai analysé ces utopies architecturales afin de confirmer les deux critères énoncés précédemment et d’en relever d’autres. Pour vérifier leur transposabilité dans le domaine architectural, j’ai soumis des projets d’agriculture urbaine à ces critères. J’ai choisi les projets Instant city et Walking city de Archigram car les architectes ont laissé leurs idées à l’état de fiction. J’ai également choisi le Familistère de Guise. Certes, il a été réalisé contrairement à la définition d’une utopie, mais il est considéré comme tel de par l’idéologie qui l’a conduit à être réalisé. Archigram développe une architecture purement théorique qui se concrétise principalement par la parution d’une revue d’architecture entre 1961 et 1974. Au-delà de leur esthétique de communication, l’idéologie revendique une architecture de réseaux où la mobilité des hommes, des choses et des objets construits est presque absolue. L’attachement au sol est remis en
question, l’architecture est déterritorialisée. Le projet Instant City en 1988 a été élaboré par Peter Cook. Instant City est une ville nomade pouvant se poser sur une ville déjà existante. Elle n’obéit à aucune logique de localisation et elle est pensée comme une villeréseau. Des dirigeables ou des montgolfières permettent à cette ville nomade de se déplacer, élément par élément. Il s’agit de convoquer la technologie pour servir une idéologie. Instant City est une vision utopique qui se caractérise par la mobilité sans limites de la ville. Etant nomade, elle peut fonctionner en autarcie. On retrouve ici le critère de l’insularité.
Dans ce projet, le rapport à la technologie est également fort. Les «insectes géants» permettant de diffuser la culture fait appel au critère de la pédagogie. Cette idée de diffusion est couplé au critère de l’insularité car les «vaisseaux» se connectent entre eux et semblent déconnectés de la ville. Afin de vérifier le fondement de ces critères, il est nécessaire d’analyser un autre exemple d’utopie. Le Familistère de Guise a été réalisé par André Godin de 1859 à 1879 à Guise. Ce «palais social» est composé d’un bâtiment central et de deux ailes. Il disposait également de plusieurs dépendances comme la nourricerie, le pouponnat, l’économat et les commerces, le théâtre et les écoles ou encore la buanderie-piscine. Les usines de Godin, dont les travailleurs et leurs familles habitaient le Familistère, étaient implantées à proximité. Ce projet peut être qualifié d’utopie même s’il a été réalisé. André Godin visait une utopie sociale et économique. En effet, à terme il voulait que son entreprise se transforme en coopérative de production, les ouvriers deviendraient associés et sociétaires. De plus, Godin ne voulait pas seulement offrir à l’ouvrier un logement correct et des conditions de confort aux familles, il souhaitait également libérer les ouvriers de l’asservissement de la société bourgeoise. Pour cela, il accorde à l’éducation une place de choix et donne aux ouvriers l’accès au confort bourgeois avec les nombreux services collectifs comme le lavoir ou la crèche. Les trois bâtiments qui composent le Familistère, possèdent chacun une cour intérieure pavée sous verrière à partir de laquelle se déploie un dédale de corridors, de passages et d’escaliers les reliant aux autres équipements du Familistère. Les ouvriers y vivent avec leurs familles. Godin croit en un état d’esprit familistérien qui se propagera à l’ensemble de la population. Le Familistère, à travers son caractère communautaire, reprend les critères de
39 Cultiver autrement, l’architecte et l’agriculture dépassés par la technologie?
Ron Herron est à l’origine d’un des projets les plus célèbres du groupe, Walking City, en 1964. L’objectif de la «Ville qui marche » était, en particulier, d’apporter les éléments de culture de la grande ville aux petites villes de campagne. Walking City est un assemblage de capsules d’habitation qui compose un ensemble d’énormes insectes de métal. Ces vaisseaux parcourent toute la planète et communiquent entre eux par des passerelles mobiles.
l’utopie: l’insularité et de la pédagogie. En effet, les familistériens sont liés par leur appartenance à l’entreprise, et sont «guidés» par André Godin, leur patron. Spatialement, ils sont centrés sur eux mêmes à cause des logements qui donnent sur la cour centrale. Les ouvriers vivent en autarcie dans ce monde «complet» créé par Godin. Ainsi, les utopies architecturales de Archigram et de Godin reprennent les critères de l’utopie selon Thomas More. Après avoir confirmé les critères de l’insularité et de la pédagogie, ces utopie architecturales en laissent apparaître de nouveaux. Chez Archigram on remarque un rapport à la technologie très fort, qui est la base de leur monde-système. Les formes générées sont dépendantes de la technologie et de son pouvoir à servir la mobilité, leur principal enjeu. Chez Godin, la particularité se trouve dans l’agglomération des fonctions qui rayonnent autour du familistère, lui même étant centré sur la cour sous verrière. Il s’agit donc d’une attention concentrique qu’on accorde à l’ouvrier.
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Après l’insularité et la pédagogie, le rapport à la technologie et l’humanisme viennent compléter les critères de définitions de l’utopie.
La transposition des critères / A présent, je vais soumettre ces critères aux projets convoqués précédemment. On retrouve le thème de l’insularité sur les projets. L’agriculture urbaine convoque ce critère sous différentes formes. La pédagogie se décline en sensibilisation et éducation. Le rapport à la technologie fait référence aux choix techniques, innovants ou atypiques, utilisés par les architectes. Enfin, l’humanisme fait appel à la place de l’homme dans ces projets. On peut également s’intéresser à l’écriture architecurale des projets. En effet, dans le cas de Archigram la genèse de forme est étroitement liée aux critères. Le dialogue «ultra-technologique» est omniprésent et permet un «détachement» physique par rapport à la ville. Le Familistère quant à lui est inspiré du Phalanstère de Charles Fourier. C’est un bâtiment à usage communautaire qui prétend abriter une société harmonieuse, d’où la grande taille de la bâtisse. Le contexte d’implantation de la dent creuse de AAA est parlant. En effet, le projet s’insère dans un espace étroit entre des immeubles de plusieurs étages. Le fait d’avoir construit une interface entre l’espace de la parcelle et la rue crée une frontière active que les usagers franchissent pour accéder au coeur du projet. De plus, les systèmes de gestion d’énergie mis en place renforce cette idée d’autarcie. C’est un projet qui est capable de se régénérer grâce aux citoyens. Cela fait de lui un «microcosme» indépendant dans le milieu urbain. Son caractère insulaire n’est pas étranger à la réussite du projet. En effet, en concentrant les usages, la rencontre des visiteurs est favorisée et devient le moteur du mouvement. Le 56 est une sorte d’utopie à micro-échelle qui fonctionne grâce à la place conférée à l’homme. Son écriture architecturale se traduit par l’usage de palettes en bois. Elles servent de structure mais également de support d’usages. Ce projet se démarque par la simplicité de sa construction.
familistère de guise
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Source: Paquot, Thierry, Habiter l’Utopie : Le Familistère Godin à Guise.
walking city
instant city
Source: Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, Archigram, catalogue d’exposition.
Le projet de Todmorden est un exemple manifeste d’humanisme. C’est une expérience rendue possible grâce à l’implication de tous les habitants initiée par trois habitantes. L’insularité est représentée ici par la culture locale. La capacité de cette petite ville à se redynamiser grâce au déploiement de l’agriculture urbaine sur l’espace public fait d’elle un modèle à suivre. En rejetant leur dépendance à des circuits longs, la ville anglaise a fait de l’agriculture urbaine une arme face à la décroissance dont elle était victime. Du propre aveu des habitants, Todmorden est passée de ville-dortoir à ville attractive. L’absence d’architecte montre la capacité de création et de gestion de l’agriculture urbaine par les usagers. Cette prise de pouvoir de leur part n’en fait pas moins une base de réflexion possible pour les concepteurs.
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Le projet de ferme de Romainville est par son implantation un exemple d’insularité. Quitter la terre ferme est un geste fort de la part des architectes de SOA. Le programme de ferme urbaine au service des habitants peut paraître paradoxal par rapport à son implantation. Mais au-delà de rendre accessible des produits frais, il s’agit de donner une lecture extra-ordinaire de l’agriculture urbaine. Cette mise en scène est permise par une intervention structurelle sur l’existant. En plus de permettre aux serres d’être «perchées», elle offre des espaces de prolongement au logements des habitants. L’écriture architecturale permet d’offrir une nouvelle image de la cité Marcel-Cachin et revaloriser ainsi ces habitants. Le projet Edible Schoolyard reprend les critères du rapport à la technologie et de la pédagogie. Work Architecture Company a intégré la technologie au service de la pédagogie. Les architectes ont proposé des interfaces techniques pour permettre aux enfants de s’approprier l’agriculture urbaine et apprendre à gérer les ressources naturelles. L’école a également un rayonnement à l’échelle du quartier et permet de diffuser les valeurs enseignées dans cette école aux plus grands. Le bâtiment est conçu de manière à interagir avec l’environnement et à en tirer le meilleur. Transposer les critères de l’utopie a pour objectif de comprendre pourquoi certains projets d’agriculture urbaine fonctionnent. La lecture des projets à l’aide de ces critères permettent de comprendre l’écriture architecturale. L’architecture est devenue communicante et soucieuse de ses usagers. Si leur formalisation peut reprendre certains critères, ces projets sont loin d’être des utopies. En effet, l’utopie est une forme de totalitarisme, souvent une projection d’un ou de quelques individus à une grande échelle. Les projets d’agriculture urbaine sont au contraire des projets concrets à petite échelle FIG.12. Cependant, les projections de culture à grande échelle en milieu urbain existent et seront bientôt permises grâce à la technologie. Alors cette technicisation esthétisante de l’architecture n’est-elle pas un danger? Poussée à son paroxysme, ne rendrait-elle pas la ville inhabitable?
Instant city Archigram
10 m 5m 1m
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10 m 5m 1m
Walking city Archigram
Le Familistère André Godin
Ferme sur les toits SOA
Le 56 AAA
FIG.12 L’échelle des projets utopiques et d’agriculture urbaine Source: Redessin personnel
Edible Schoolyard Work Architecture Company
3.2 L’héritage Les dérives et La technologie / L’utopie comme monde imaginaire comporte des défauts et idéaliser l’agriculture urbaine pourrait porter préjudice à ses bonnes intentions d’origine. D’abord, l’agriculture urbaine est souvent assimilée à un retour de la nature en ville. C’est une idée qui n’est pas complètement vraie car l’agriculture est le premier geste de modifier la nature et l’agriculture urbaine est ainsi l’exploitation de la nature en ville.
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De plus l’agriculture n’est pas forcément compatible avec le milieu urbain. Cette confrontation des milieux peut être aussi douce que violente. Elle concerne aussi bien la faune que la flore, qui peuvent poser des problèmes à la vie citadine. Certains végétaux peuvent constituer des vecteurs de nuisances comme la pollinisation allergisante. Ensuite, cultiver ou plus généralement inviter la nature en ville attire des animaux, certains moins désirables que d’autres comme les rats. On peut également penser l’apiculture en milieu urbain tel que le projet Miel Béton. Certes, le miel est de bonne qualité contre toute attente mais les nuisances et les dangers sont à prendre en compte. Outre ce choc des milieux, l’agriculture urbaine ne peut remplacer l’agriculture rurale. Certaines cultures telles que les céréales nécessitent de grandes surfaces. Il y a la question de la productivité mais également le foncier, ce dernier étant rare et coûteux en milieu urbain. L’agriculture ne peut qu’être un complément. Les sols urbains étant trop pollués, des techniques contemporaines permettent de cultiver hors-sol. L’aquaponie et l’hydroponie permettent de se passer de la terre. Mais ces méthodes ne sont possibles qu’en milieu clôt et contrôlé compte tenu de la pollution de l’air. L’agriculture et le milieu rural convoquent un imaginaire bucolique que la technologie tente d’enfermer dans des tours. En effet, l’espace urbain étant dense, la verticalisation des cultures paraît inévitable. Le travail des fermes verticales de Dickson Despommier confirme cette tendance. Ce microbiologiste, écologue et professeur de santé publique et de santé environnementale à l’université Columbia, est un fervent investigateur des fermes verticales, ces tours vertes high-tech. Ces tours vertes nous renvoient l’image des «vaisseaux» et des «insectes géants» d’Archigram. Si leur travail est une critique de la société de consommation alors que peut-on penser de l’invasion de ces tours? Elles nous renvoient à la démographie dévorante qu’il faut nourrir mais laissent également penser à de nouveaux types de commerces onéreux au vu de toute la technologie déployée pour faire pousser ces produits.
La responsabilité de l’architecte / Je m’interroge sur les limites de l’agriculture urbaine. On parle de fermes verticales, de cultures hors-sol éclairées par des LEDs. L’agriculture étant le premier geste d’exploiter la nature, ces fermes ne sont-elles pas un pas de plus vers l’artificialisation de la nature? Certes, si elles sont des solutions d’avenir, que restera-t-il aux générations futures sur le rapport à la terre? Les carottes poussent-elles dans la terre ou dans les tours? La tour étant le symbole de la modernité en architecture, cherche t-on à moderniser l’agriculture? Ou la dénature-t-on? Ces interrogations font réfléchir sur la responsabilité de l’architecte. En intégrant l’agriculture dans le milieu urbain, l’architecte fait le choix de la lier au patrimoine des cités. En imaginant le scénario des fermes verticales, la ville qui s’étale déjà sur le territoire rural s’apprête à lui «grignoter» une part de son identité: cultiver en ville pourrait avoir plus d’importance que cultiver en campagne. L’agriculture urbaine ne peut pas (encore) remplacer l’agriculture mais l’équilibre pourrait se voir bouleversé.
Il faut se demander en tant qu’architecte quelle trace laissera-t-on aux générations futures. Si l’agriculture pose la question de l’empreinte écologique en milieu urbain et que l’on considère l’acte de cultiver comme une forme de culture, alors ce patrimoine n’est pas à négliger. L’architecte écrit une histoire environnementale et sociale.
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L’architecte en tant qu’acteur de la ville se doit de lier l’homme, la nature et la technologie de façon harmonieuse. Dans le cas des fermes urbaines, la verticalité de la nature et la démultiplication des sols entraînent une perte de la localité. Ces tours vertes deviennent un système transposable à l’infini. On ne peut s’empêcher de penser à Archigram, à leurs «monde-système», au dépassement de l’homme par la machine.
L’argriculture urbaine, un projet «ordinaireextra» J’ai entrepris ce travail afin d’éclaircir ma vision de l’agriculture urbaine. J’ai remarqué qu’on ne pouvait pas avoir une lecture unique et globale de ce phénomène. Si l’agriculture urbaine concorde avec une volonté de changement de modes de production, pour l’architecte, elle est un moyen d’initier de nouveaux modes de vie et de construction.
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Le cas de l’agriculture sur l’espace public a démontré que son fonctionnement tenait à un architecte dont le rôle est d’initier un mouvement. En construisant un décor appropriable et cultivable, il sème une graine que les usagers font pousser et entretiennent. Le concepteur se met en retrait au profit des habitants. Il s’opère une sorte de transgression des règles, à la manière de Patrick Bouchain et sa «démocratie participative». «Il faut laisser s’installer les nouvelles formes de rencontres de vie, laisser s’exprimer la diversité, ne jamais détruire, transformer par la libre expression démocratique locale sans peur et cesser de vouloir tout contrôler. Comme l’élève doit dépasser le maître, l’utilisateur doit dépasser le concepteur.» 8 L’hybridation des programmes que génère l’agriculture urbaine est un moyen pour l’architecte de tester de nouvelles spatialités. Aidé par la technologie, il sublime son savoir-faire traditionnel. L’hybridation des programmes dans un nouveau bâtiment permet de donner une image contemporaine voir hightech de l’agriculture urbaine. Cependant les interventions sur de l’existant sont tout aussi intéressantes dans le sens où elles peuvent être comparées à un acte d’acupuncture venant soigner la ville. «Avec l’utopie, il ne s’agit pas d’un futur meilleur mais d’un ailleurs présent, où règnent le bonheur, l’équité et l’abondance. L’utopie cache le pire et le meilleur, elle sait être autoritaire, totalitaire, ascétique, triste et uniformisante, comme elle peut favoriser le déploiement des désirs, multiplier les plaisirs, répondre joyeusement aux attentes de chacun». 9 «Bonheur, équité et abondance» sont facilement associés à l’arrivée de l’agriculture en ville, les questions de nutrition mondiale et de ville durable étant d’actualité. La question de l’utopie permet cependant de nuancer les côtés positifs de l’agriculture urbaine. Les critères de définition de l’utopie ont révélé des postures qui font que l’agriculture urbaine fonctionne, à une échelle raisonnable. Cette notion aide ainsi à la lecture de ces corps d’agriculture. Les jardins potagers et les serres sont le début d’un phénomène qui pourraient se voir déformé par la technologie.
8
Bouchain, Patrick, Construire autrement : Comment faire ?, Actes Sud, «L’impensé», 2006, 190 p.
9
Paquot, Thierry, Utopies et utopistes, La Découverte, «Repères», 2007, 121 p.
J’ai été fasciné par l’agriculture urbaine. Mais aujourd’hui je me rends compte que c’est un projet comme un autre. Elle se traduit par des données quantifiables, soumises à des problématiques locales et s’inscrit dans un contexte propre. Cependant, le côté incertain et imprévu de la nature lui confère une sorte de «magie». Le chemin que prend ce phénomène avec la technologie lui fait perdre cet enchantement. Les fermes verticales sont certes le reflet d’une réalité, l’expansion de la dermographie urbaine, mais renvoient à une société de consommation voire de surconsommation. Qu’il s’apparente au metteur en scène, ou au jardinier, l’architecte enrichit sa palette d’intervention et donne corps à l’agriculture pour dépeindre le décor du quotidien.
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BIBLIOGRAPHIE Livres : Bouchain, Patrick, Construire autrement : Comment faire ?, Actes Sud, «L’impensé», 2006, 190 p. Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, Archigram, catalogue de l’exposition présentée du 29 Juin Au 29 Août 1994, Paris, Editions Centre Georges Pompidou-Ircam, 1994, 223 p. DONADIEU, Pierre, Campagnes urbaines, Actes Sud, «Nature»,1998, 224 p.
48
Gorgolewski, Mark, Komisar, June, Nasr, Joe, Carrot City: Creating Places for Urban Agriculture, The Monacelli Press, 2011, 240 p. HUYGEN, Jean-Marc, La poubelle et l’architecte: Vers le réemploi des matériaux, Actes Sud, «L’impensé», 2008, 183 p. Paquot, Thierry, Habiter l’Utopie : Le Familistère Godin à Guise, Editions de la Villette, «Penser l’espace», 2004, 304 p. Paquot, Thierry, Utopies et utopistes, La Découverte, «Repères», 2007, 121 p. Sieverts, Thomas, Entre-ville: Une lecture de la Zwischenstadt, Parenthèses Editions, «Eupalinos», 2004, 188 p. Articles de revue : Déalle-Facquez, François, «L’agriculture en ville : un projet urbain comme un autre», metropolitiques.eu, 16 décembre 2012, URL : http://www. metropolitiques.eu/L-agriculture-en-ville-un-projet.html Mosley, Jonathan, «The architecture of transgression», Architectural design, n° 6, novembre-décembre 2013, p. 136. Niedercorn, Frank, «L’agriculture a-t-elle un avenir en ville ?», les echos.fr, 02 juin 2014, URL : http://www.lesechos.fr/02/06/2014/lesechos. fr/0203537361634_l-agriculture-a-t-elleunavenir-en-ville--.htm# Théroux, Pierre, «La ville qui vous nourrit gratuitement», 23 août 2013, URL : http://www.incredible-edible.info/?p=2579
Sites web : Carrot City Designing for Urban Agriculture, URL : http://www.ryerson.ca/carrotcity/index.html Laboratoire d’Urbanisme Agricole, URL : http://www.luaparis.com/fr/les-idees Public space, URL : http://www.publicspace.org/ca/obres/f250-passage56-espace-culturel-ecologique Soa architectes, URL :http://www.soa-architectes.fr/fr/ The Design Observer Group, URL : http://designobserver.com/ feature/dan-wood/22728/ Work architecture company, URL : http://work.ac/edibleschoolyard-at-ps216/
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LA VILLE RESSOURCE, mémoires 2014.2015 -AZE, Camille, «L’effet Bilbao, une réalité sur un piédestal» -BARNAUD, Jordan, «L’interstice en milieu urbain dense, un potentiel de régénération sociale et culturelle» -BAUDY, Antoine, «Le périurbain, un territoire d’action: l’architecte face au patrimoine périurbain» -BELAMRI, Walid, «Mutation des quartiers-gares, d’un lieu de passage à un lieu de vie» -BURTE Mélody, «Transmettre l’architecture en milieu scolaire, une démarche transversale» -Cardinal, Mathieu, «Les stratégies ferroviaires dans la requalification urbaine» -Chevallier, Hugo, -COQ, Marystelle, «Le déjà-là, une trace du passé et un support physique pour les projets d’avenir» -Dutraive, Pauline, «Postures d’architectes et démarche participative» -Duval, Lola, «La reconversion et la redynamisation des friches industrielles à des fins culturelles : un enjeu de régénération urbaine» -El Kanaoui, Siham, «Des architectes aux parcours riches et variés: se réinventer à travers l’expérience du «collectif»» -Faivre, Jeremy, «Field-recording et migrations architecturales» -Guillaud, Quentin, «Le jardin domestique: de l’espace individuel fantasmé aux «Do-Tank» contemporains» -GUYARD, Justine, «La crise, une opportunité de réinventer le métier d’architecte ?» -MALLEJAC, Kevin, «L’Urbanité du temps libre: l’influence des nouveaux rythmes de vies sur la construction du milieu urbain» -MEYBECK, Alice, «Territoires d’adultes, territoires d’enfants» -Miquet, Colin, «Vie étudiante et implantation universitaire : la culture étudiante dépend-elle d’une certaine forme d’enclavement urbain ?» -Nguyen, Thi Thuy Quynh, «La mixité programmatique, entre usages et paysages urbains» -POIRSON, Valentin, «Les nouveaux eldorados urbains» -RENAUD, Caroline, «Villes et industries du cinéma, des évolutions complémentaires» -Sanchez Perales, Hellen Elaine, «Cœur de village, cœur de vie. Le rôle de l’équipement multi-programmatique en milieu périurbain» -Vadsaria, Danil, «Décors d’agriculture, des corps d’agriculture»
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