Journalisme & Cinéma

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JOURNALISME & CINÉMA

Valentin Levetti



Université Paris-Diderot, UFR Lettres, Arts, Cinéma

JOURNALISME & CINEMA

La fascination du Septième Art pour le Quatrième Pouvoir

Par Valentin Levetti Sous la direction de Mr Éric Dufour 21/06/2015



Préambule La fascination du 7ème Art pour le Quatrième Pouvoir n’est pas un fait nouveau, le cinéma qui est avant tout un outil sensible de compréhension du monde a compris, dès son émergence, l’importance cruciale de s’emparer d’un tel système d’informations qui, tout en se développant dans l’espace et le temps transmet, comme le cinéma lui-même, non seulement des informations, mais également cette capacité à transgresser la frontière entre vérité et mensonge. Le cinéma doit intrinsèquement faire cohabiter un univers fictionnel avec des éléments vraisemblables. Ce paradoxe constitue une des premières clefs qui explique l’originalité des films utilisant une entité clairement identifiée dans la conscience collective, comme un acteur de la vérité, le journalisme. Les films utilisant les codes journalistiques font naître un conflit sémantique entre vérité et mensonge. Cette adversité dépasse les cadres de l’intrigue et de la résolution scénaristique et expose le spectateur à une compréhension ou une critique extra-filmique. 5


Afin de comprendre et de visualiser qu’elles ont pu être les interactions entre journalisme et cinéma, et ainsi entrevoir le caractère singulier que représente le « Film de Journalisme ». Il est nécessaire de revenir sur la sémiologie ainsi que sur l’Histoire qui opposent et rassemblent journalisme et cinéma. Pour mieux appréhender et délimiter le «Film de Journalisme», il faudra revoir la compréhension du genre cinématographique de Thomas Schatz dans Hollywood Genres1, et en étendre son intellection au cas particulier du « Film de Journalisme ». Ainsi, il sera possible d’exposer les éléments qui forment la singularité de ce cinéma, et révéler la passion qu’il fait naître dans nos sociétés, afin d’expliquer la fascination du Septième Art pour le Quatrième Pouvoir. Cette étude se restreint aux fictions produites aux États-Unis en se concentrant sur un corpus le plus représentatif du « Film de Journalisme » exposé par Matthew C. Ehrlich2 et Richard R. Ness3.

1. Thomas Schatz, Hollywood Genres: Formulas, Filmmaking, and The Studio System, 1981 2. Professeur agrégé de journalisme à l’Université de l’Illinois, Urbana-Champaign. 3.  Professeur de cinéma et médias et Co-directeur des études cinématographiques de l’Université-Ouest de l’Illinois. 6


TABLE DES MATIÈRES LE JOURNALISME AU CINÉMA

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I. La Genèse: du Journalisme au Cinéma

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II. Le Journalisme au Cinéma, une particularité Américaine 13 1. Le Journalisme, un principe démocratique

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2. Le Journalisme au Cinéma, à la recherche de l’idéal démocratique Américain.

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LE « FILM DE JOURNALISME »

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I. Un Genre Cinématographique transversal

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II. Éléments iconographiques 1. Un protagoniste : Le Journaliste

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2. Les personnages périphériques

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3. Les accessoires (costumes et outils)

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4. Les lieux et les environnements sociaux

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III. Les Systèmes de « Conflits/Résolutions »

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IV. Conclusion et Limite de la définition du genre

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V. Les Perspectives du « Film de Journalisme »

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LE JOURNALISME UNE ARME CINÉMATOGRAPHIQUE

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Filmographie

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Bibliographie

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LE JOURNALISME AU CINÉMA I. La Genèse: du Journalisme au Cinéma Notre compréhension et notre appropriation du monde se sont développées sur deux gestes fondateurs de l’Humain: «Montrer» et «Raconter». Ces deux préceptes initiaux diamétralement opposés mais intimement liés, ont retrouvé aujourd’hui leurs significations dans les termes «Journalisme» et «Cinéma». Le journalisme apparaît grâce à l’invention de la presse qui lui offre la capacité de «Montrer» au monde les faits. Trois siècles plus tard, c’est le cinématographe qui va faire naître un art populaire avec le pouvoir de «Raconter» des histoires universelles.

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Cette relation entre ces deux entités préexistait avant l’apparition du Cinéma. Les premières interactions remontent aux découvertes techniques qui formeront la gestation du cinématographe. Chacune de ces inventions, en plus de leur importance scientifique, suscite une forte curiosité journalistique et facilite les connexions entre les différents acteurs à l’origine de l’émergence du cinéma. On retrouve ce rôle inséminateur du journalisme dans les propos4 de Thomas Edison, qui désigne son étude des publications de la presse scientifique comme étant à l’origine du développement de son Kinétographe5 et de son Kinétoscope6. Notamment, à travers la lecture des travaux conjoints d’Eadweard Muybridge et d’Étienne-Jules Marey sur leur système chronophotographique7 qui sera retransmis en mouvement grâce au Zoopraxiscope8. La presse, en plus d’occuper une place de catalyseur, expérimentera au même titre que les scientifiques, les inventions qui découlent du « pré-cinéma ». La photographie va très rapidement faire son entrée dans la presse, l’année 1843 marquant 4.  Propos de Thomas Edison rapporté dans l’ouvrage de William Kennedy Laurie Dickson et Antonia Dickson (préf. Thomas Edison), History of the Kinetograph, Kinetoscope and Kineto-Phonograph, New York, The Museum of Modern Art, ‎ 2000, 55 p. (ISBN 0-87070-038-3), p. 3 5.  Développé en 1891, cet appareil permettait de prendre des vues de 30 à 40 secondes. Cette caméra enregistre 12 images sur film de 35mm. 6.  Développé en en 1891, cet appareil permet de visionner les films enregistrés par le Kinétographe. 7.  Terme désignant une technique de photographie qui permet la décomposition d’un mouvement. 8.  Premiers dispositifs permettant la visualisation de courtes séquences animées à partir de photographies en utilisant la persistance rétinienne, créé par Eadweard Muybridge en 1879, et adapté du zootrope de William George Horner. 10


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la création du premier hebdomadaire « L’illustration », mettant en avant la photographie comme source d’informations factuelles. Il faudra attendre les améliorations de la similigravure, en 1880, pour qu’elle devienne un outil usuel du journalisme. Cet intérêt journalistique offre au cinématographe, lors de ces premières projections publiques, une place dans les colonnes des journaux de l’époque. Que l’on choisisse Le Salut de Dickson du 20 mai 1891 ou La Sortie de l’usine Lumière du 28 septembre 1895. On retrouve également cette prédestination d’interactivité entre journalisme et cinéma dans l’effervescence des toutes premières productions cinématographiques par les principaux précurseurs du Septième Art: Les opérateurs Lumière Mesguisch, Promio et Doublir, en parcourant le monde, deviennent les premiers journalistes reporters d’images de l’histoire. Ils ouvrent la voie et participent aux futures «Actualités Filmées » qui naissent en 1909 sous la directive de Pathé-Journal. George Méliès, qui réalisera les premières reconstitutions historiques comme Guerre aux Indes, La Guerre de Cuba et l’explosion du Maine à La Havane, L’Affaire Dreyfus, Congrès des nations en Chine, Éruption volcanique à la Martinique, Catastrophe du ballon Pax et Le Sacre d’Édouard VII, rejoint la même mission que le journaliste, celle d’informer les populations. Cette importante synergie entre journalisme et cinéma se concrétise à l’écran dans L’affaire Dreyfus (1899) de George Méliès qui, en dix minutes et en dix tableaux, sera le premier film de l’histoire du cinéma à mettre en scène des journa11


listes, reconstituant de façon documentaire un affrontement. Au neuvième tableau, on observe des Dreyfusards et des anti-Dreyfusards exprimant en images le débat démocratique de l’époque. Cependant, malgré son émergence en France et quelques productions dans les autres pays de l’Europe, le développement de la figure journalistique au cinéma et son essor se dérouleront principalement sur les écrans États-Uniens.

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II. Le Journalisme au Cinéma, une particularité Américaine 1. Le journalisme, un principe démocratique

Entre 1899 et 1920, la grande majorité des films mettant en scène une figure journalistique sont produits aux ÉtatsUnis. Un élément factuel permettant d’expliquer une partie de cette réalité réside dans l’immobilisation du cinéma Européen pendant la première guerre mondiale, offrant au cinéma Outre-Atlantique la possibilité de profiter de l’émergence de l’industrie cinématographique. Cependant, à proportion égale, le cinéma américain conserve une large avance sur le reste des productions mondiales faisant référence au journalisme. Pour comprendre cet engouement américain pour le Journalisme au Cinéma, il faut remonter aux préceptes fondateurs des États-Unis, et à la place que le journalisme va y occuper . En 1787, Thomas Jefferson, futur troisième Président des États-Unis et fervent défenseur de la presse écrit cette phrase9 devenue célèbre : S’il m’appartenait de décider si nous devrions avoir un gouvernement sans presse libre ou sans gouvernement, c’est la seconde option que je préférerais.

9.  Lettre écrite par Thomas Jefferson à Edward Carrington le 16 janvier 1787 13


Il synthétise d’une façon rhétorique la sacralisation des principes de la liberté d’expression et de la presse, ainsi qu’une volonté de fonder un état sur des valeurs libertaires. Il faudra attendre seulement quatre ans pour que cet engagement soit ratifié dans le premier amendement de la Constitution des États-Unis d’Amérique : Le Congrès ne fera aucune loi relative à l’établissement d’une religion, ou à l’interdiction de son libre exercice ; ou pour limiter la liberté d’expression, de la presse ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement ou d’adresser à l’État des pétitions pour obtenir réparations des torts subis. Par son évocation dans le premier amendement, le journalisme obtient un rayonnement particulier dans les valeurs fondatrices des États-Unis. La liberté journalistique est souvent montrée comme l’arme démocratique des civilisations et devient un élément exportateur du libéralisme américain. Alexis de Tocqueville, philosophe politique, historien et précurseur de la sociologie, décrivait les États-Unis comme un lieu où « La souveraineté du peuple et la liberté de la presse sont deux choses entièrement corrélatives 10». Ce principe s’ancre d’autant plus dans la société américaine qu’il a la particularité d’être à la fois un élément patriotique fort par sa qualité de principe fondateur, ainsi qu’un moyen d’indépendance et de réfutation de l’état, 10.  Alex de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Gallimard, 1961, tome 1, chapitre III, p. 187 14


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offrant le pouvoir de critiquer en toute liberté le pouvoir en place. Les amendements de la Constitution Américaine et les enseignements des pères fondateurs seront appris et transmis de génération en génération et deviendront un élément indivisible dans la conscience collective du peuple Américain. Ces principes démocratiques et libertaires américains s’exporteront également à l’étranger et feront traverser l’atlantique à de nombreux européens. A leur arrivée à « Ellis Island » ils devront prêter serment sur la Constitution Américaine avant de recevoir l’autorisation de pénétrer sur le sol des États-Unis d’Amérique. Entre 1900 et 1920, les États-Unis vont accueillir plus de quatorze millions et demi de migrants, la plus grosse vague migratoire de leur Histoire. Une industrie émergente va largement bénéficier de cette nouvelle main d’œuvre, celle du cinéma. Un grand nombre de ces migrants va d’abord exercer le métier de journaliste, avant de se lancer dans le cinéma, voire le théâtre. L’histoire la plus emblématique de cette vague migratoire est celle de Samuel Fuller, fils d’immigrés, qui travaille dès ses 12 ans, dans un journal, avant de devenir reporter spécialisé dans les crimes au sein du New York Evening Graphic. Il est d’abord sollicité pour ses connaissances par Lew Landers pour écrire le scénario de Power Of The Press (1942) avant de devenir lui-même réalisateur. Il réalisera ensuite des films qui retracent ce lien important qu’il entretient avec le journalisme notamment avec Violences à Park Row en 1952 et Shock Corridor en 1963. Parmi tous ces citoyens américains issus de l’immigra15


tion, une histoire a transfiguré et popularisé le Journalisme au Cinéma : Ben Hecht, né en 1894 et fils d’immigrés juifs, venus de Russie, sera à l’origine des fondements du Journalisme au Cinéma. Il commence sa carrière comme chasseur d’images pour le Chicago Day Journal, et écrit avec Charles Macarthur, lui-même ancien reporter, la pièce de théâtre The Front page. Cette pièce met en scène de façon burlesque l’histoire d’un journaliste de Chicago envoyé pour couvrir une pendaison. The Front page est jouée à Broadway en 1928 avec un tel succès qu’elle aura, trois ans plus tard, son adaptation cinématographique éponyme réalisée par Lewis Milestone, s’en suivront plusieurs reprises : His Girl Friday en 1940 de Howard Hawks, The Front page de 1974 réalisé par Billy Wilder et Switching Channels de Ted Kotcheff en 1988. Ces réadaptations à travers l’ensemble du XXème siècle exposent l’ancrage profond que The Front page va institutionnaliser dans la façon de retranscrire la figure journalistique au cinéma. Bien que le cinéma américain ait, depuis des années déjà, utilisé la figure journalistique comme avec The Power of press (1914), et The Fourth estate (1916) de Frank Powell, il faudra attendre l’Âge d’Or d’Hollywood, l’arrivée du cinéma parlant et l’adaptation cinématographique de The Front page en 1931 pour que le Journalisme au Cinéma connaisse enfin un développement important.

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2. Le journalisme au cinéma, à la recherche de l’idéal démocratique américain.

Le cinéma américain et particulièrement le cinéma hollywoodien, transmettent les valeurs américaines, autant de façon inconsciente que réfléchie. On peut rappeler l’instrumentalisation du cinéma hollywoodien par le président Roosevelt demandant aux studios de mettre leurs ressources et leurs talents au service de l’effort de guerre. Hollywood à travers les guerres et le maccarthysme est loin d’être un idiome neutre. Ainsi lorsqu’il diffuse, qu’il en soit conscient ou non, cet idéal démocratique, le cinéma hollywoodien utilise son arme favorite, le journalisme. Le Journalisme au Cinéma n’est pas pour autant une spécificité américaine et on voit dans le monde d’autres productions utilisant le journalisme comme élément central. Cependant le film The Front page représentant le standard de la figure journalistique au cinéma permet d’exposer la différence flagrante de conception du journalisme entre ce qui existe dans les fictions hollywoodiennes et les productions réalisées de l’autre côté de l’Atlantique. En Europe, les films ne font pas de façon constante du journaliste un personnage clairement rattaché aux principes démocratiques, ou pouvant exposer une critique du pouvoir politique en place. La production européenne se limitant à une analyse souvent critique du journalisme et sur l’avilissement des médias comme L’Honneur perdu de Katharina Blum (1975) réalisé par Volker Schlöndorff qui se concentre sur le groupe de médias Springer en Allemagne. Certaines autres réalisations utilisent le 17


journaliste comme un faire-valoir. C’est le cas de The Passenger (1975) d’Antonioni, dont le métier de journaliste du protagoniste est seulement utilisé pour lancer l’histoire qu’Antonioni résumera en : « C’est l’histoire d’un homme qui va en Afrique pour tourner un documentaire. Il a un jour l’occasion de prendre la personnalité d’un autre et, pour des raisons personnelles qui ont provoqué chez lui une profonde frustration, il se jette dans cette aventure avec l’enthousiasme de celui qui croit aller à la rencontre d’une liberté inespérée. » Exprimant clairement que malgré une histoire construite autour d’un personnage journaliste, sa fonction n’influera d’aucune manière sur l’intrigue. Or, si on se concentre sur les films traitants du métier de journaliste, on observe également des différences flagrantes avec le cinéma américain. L’exemple caricatural serait Le Journal tombe à cinq heures, réalisé en 1942 par Georges Lacombe, sous le gouvernement de Vichy, il expose une prudence politique par l’absence de toute allusion à une question ou un problème social. Bien que sa trame narrative corresponde au standard de The Front page, elle propose l’image simpliste d’un journalisme qui ne s’intéresse qu’aux manifestations sportives, aux vedettes et aux marins en détresse. La phrase prononcée dans le film « Je vends du papier et pour vendre du papier il me faut des titres » par l’un des journalistes, résume l’identité qui est faite du métier de journaliste. Alors qu’aux États-Unis, cette phrase engendrerait une mise en opposition entre bon et mauvais journalisme comme dans The Front page qui en utilisant le vaudeville met en scène des journalistes alcooliques et peu soucieux du bien commun recherchant uniquement le scoop. C’est pourtant grâce à l’un d’entre eux que 18


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le manque d’intégrité du gouverneur ainsi que la corruption de la police de Chicago vont être révélés, n’ayant pas peur de faire écho à plusieurs affaires réelles qui noircissent le Chicago des années 1930. L’introspection particulière que le cinéma américain permet des limites de son système démocratique, à travers la figure journalistique entre autres, est signifiée par une dégénérescence de la déontologique du journaliste inversement proportionnelle à sa réussite économique et sociale, ou à l’accession à un pouvoir politique. En 1948, Orson Welles, alors engagé par CBS, diffuse un montage radiophonique d’un reportage fictif basé sur La Guerre des mondes de H. G. Wells. Cette expérience aura un grand retentissement parce qu’une partie des auditeurs a cru à une véritable attaque des extraterrestres. Orson Welles venait d’expérimenter la puissance du Quatrième Pouvoir et comprendre son incidence sur les masses. Trois ans plus tard, il réalise Citizen Kane, qui reste l’un des plus célèbres films traitant du journalisme, exposant également cette proximité entre journalisme et idéal américain. Cette appartenance est d’autant plus appuyée que le film devait à l’origine se nommer American. Sonia Dayan–Herzbrun11 explique le titre originel dans Le Journalisme au Cinéma (2010) « Le film devait d’abord s’appeler American parce que L’histoire n’aurait pu se dérouler ailleurs, et que Kane se proclame avant tout américain. 11.  Sonia Dayan–Herzbrun, professeur de sciences sociales à l’Université Paris VII – Denis Diderot et Directrice de Tumulte, revue d’analyse des phénomènes politiques contemporains.

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Nulle part ailleurs qu’aux États-Unis les médias n’ont atteint une telle puissance. » Le film expose les paradoxes du rêve américain: dans une nation qui cultive l’individualisme, il faut exposer son appartenance à un groupe en défendant un idéal démocratique face à un système qui ne permet la réussite qu’aux plus forts. Charles Foster Kane qui débute comme reporter, décide ensuite de défendre les laissés-pour-compte en affirmant qu’il « Veillera à ce que les gens honnêtes, qui travaillent dur, ne soient pas volés par une bande de pirates affolés par l’argent » avant de créer un empire médiatique qui le conduira à finir dans la solitude au milieu de sa propriété inachevée. L’utilisation de la figure journalistique, pour faire la lumière sur les carences du système Américain, expose cette vision du journalisme à s’imposer comme un pouvoir alternatif dans la culture américaine.

Le journalisme figuré au cinéma, s’abstient dans certains cas de son devoir d’opposition au gouvernement et d’étude des faits réels, dans The Man Who Shot Liberty Valance (1961), John Ford expose cette notion schizophrénique du journalisme américain. Le film observe de façon drastique l’importance du journalisme comme étant une arme qui a permis l’émergence d’une Amérique démocratique au milieu de l’Ouest sauvage. Parmi ses protagonistes, un modeste journaliste qui va finir en martyr massacré au même titre que son journal et sa presse sous la violence de Liberty Valance pour avoir publié un article l’incriminant. Le film qui est construit autour de dualités, propulse le rôle d’un journaliste ivrogne à la déontologie approximative 20


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vers une place symbolique de justicier de la démocratie face à la violence et à l’anarchie. Cette confrontation allégorique exprime le poids de la liberté de la presse dans la construction d’une nation civilisée à la fin du XIXème siècle.

Lee Marvin dans The Man Who Shot Liberty Valance

Par ailleurs, le film conclut sur une phrase devenue célèbre et qui donnera son nom à l’un des plus grands ouvrages sur le Journalisme au Cinéma12: «Nous sommes dans l’ouest ici. Quand la légende dépasse la réalité, on publie la légende ! (We print the légende)».Prononcée par un journaliste, cette phrase exprime le devoir journalistique de pérenniser l’image; du combat démocratique et celle de justice qui ont bâti cette nation, en faisant parfois le sacrifice de la vérité. Certains films américains mettent en scène le principe d’opposition de la liberté de la presse face à l’autorité de l’État, et le pouvoir journalistique libre d’évoquer des sujets politiques 12.  Print the Legend, Cinéma et journalisme, Ouvrage Collectif - sous la direction de Giorgio Gosetti et Jean-Michel Frodon – 2004, Les Cahiers du Cinéma. 21


sans aucune autocensure. Cette particularité est d’autant plus forte quand le film se réfère à des événements historiques. All the President’s Men (1976) d’Alan Pakula, retrace l’affaire du Watergate qui fera destituer Richard Nixon à travers l’enquête minutieuse de deux journalistes du Washington Post. Ce film assemble plusieurs éléments forts de la culture américaine: il se réfère à un événement historique qui a passionné les médias ainsi que les foyers américains, il illustre l’importance de la liberté de la presse et fait l’éloge du journalisme. Le travail d’enquête qui est à l’œuvre dans le film, long et fastidieux, montrant deux journalistes passionnés et rigoureux, ne cherchant ni gloire, ni fortune mais uniquement des réponses, rejoint l’image idéalisée d’un Quatrième Pourvoir juste et désintéressé. Les journalistes Carl Bernstein et Bob Woodward (interprétés par Dustin Hoffman et Robert Redford) sont considérés aujourd’hui, comme des héros nationaux par une grande partie de la population américaine.

Robert Redford et Dustin Hoffman dans All the President’s Men

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Le film est même projeté dans les universités Américaines formant les futurs journalistes, pour l’étude du processus d’enquête reconstituée dans le film et jugée comme étant l’une des meilleures applications réelles de la fougue journalistique dans le respect de la déontologie. Le film développe ainsi, l’importance que le cinéma Américain accorde à identifier et définir ses héros. De fait, quand ces derniers sont des journalistes qui font partie de la grande Histoire, le film devient un système de pérennisation de cette lutte directe entre pouvoir politique et pouvoir journalistique ; le journalisme exécutant la tâche qui lui est attribué par le 1er amendement de la Constitution Américaine. Pouvant être présentée comme l’antithèse de Les Hommes du président, Mad City (1997) de Costa-Gavras va quant à lui montrer les failles du journaliste et du système médiatique en explorant tous les champs négatifs du journalisme et en dressant une satire acerbe des médias. Le personnage de Max Bracknett, interprété par Dustin Hoffman, montre un journaliste relégué dans une télévision locale, après avoir été déchu d’une chaîne nationale, qui va obtenir l’exclusivité lors d’une prise d’otages, qui va embraser l’opinion publique. Le personnage principal exprime une bipolarité, combattant et cherchant une frontière déontologique imaginaire, au milieu d’une guerre médiatique du sensationnel. Au début du film, Max Bracknett parle de « Bouger la ligne » imaginant là une limite vague qui séparerait le bon et le mauvais travail journalistique, lui permettant ainsi de « Bouger » lui-même cette frontière. Ainsi, il peut dans une certaine mesure, modifier, 23


influencer, manipuler les faits, ou les sujets composant l’information. Il réussit ainsi à créer, à partir d’un fait divers local, un évènement national et gagne ainsi des parts d’audience pour sa chaîne; il fait durer la prise d’otages afin de conserver l’exclusivité et obtenir son billet retour pour la chaîne nationale mais les événements vont transformer la vision de la liberté journalistique de Max Bracknett. Ce revirement est symbolisé, dans le dernier tiers du film par sa rectification: « La ligne ne bouge pas, on la franchit ou non ! Je viens de le comprendre » implique la fin de toute altération du réel et enterre ses chances d’obtenir une place dans la chaîne nationale. Costa-Gavras expose dans ce film, la faille entre le journalisme factuel à la recherche de la vérité et le journalisme de la « good story » qui recherche le scoop et l’audimat à travers l’exclusivité. Sa satire des médias va plus loin, exposant la responsabilité de la presse et plus particulièrement des médias de masse sur l’opinion publique, et l’incidence de cette opinion sur le choix du traitement de l’information par les médias. Ainsi, on observe le jeu tactique de la chaîne nationale consistant à effectuer un sondage pour se conformer à l’opinion majoritaire pour traiter l’information afin de faire grimper l’audimat. Exposant donc une perversion du système informatif. De plus, Costa-Gavras va encore plus loin en présentant le FBI comme répondant au même système, attendant que l’opinion publique soutienne son action pour intervenir sur le preneur d’otages. Cet algorithme complexe est expliqué longuement par Max Bracknett tout au long de l’histoire, constituant l’intrigue principale du film. Il s’écrira lors de la fin tragique: « Nous l’avons tué ! Vous ne comprenez pas. Nous l’avons tué ! », en s’adressant aux journa24


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listes et caméramans qui l’entourent, soulignant la responsabilité indirecte des médias dans la mort d’un homme.

Dustin Hoffman dans Mad City

Cependant, malgré cette vive critique des médias, le film montre également la confrontation entre des médias de masse, représentant un Quatrième Pouvoir instrumentalisé par un système capitalisé à la recherche de l’audimat, et un journalisme déontologique qui va devoir rééquilibrer la balance démocratique, en suivant les valeurs inscrites dans le premier amendement de la Constitution Américaine. Bien que Dustin Hoffman joue dans Mad City un rôle en rien comparable à la ferveur du journaliste qu’il montrait dans All the President’s Men; il expose néanmoins, par son caractère trouble, une entière compréhension du dilemme entre le bon et le mauvais journaliste. Il projette par délimitation et par franchissement les contours du journaliste déontologique qui se concentre pour restituer la « bonne info » plutôt que de faire de la « bonne télé », et ainsi jouer son 25


rôle démocratique sans risquer un conflit d’intérêts. Mad City, montre malgré tout, dans son ensemble, le journalisme comme une nécessité qui permet d’informer et de défendre les citoyens, c’est en réalité la chaîne dans sa recherche de l’audimat ainsi que l’arrivisme pervertissant le journaliste qui est visé. Le film, malgré son aspect satirique envers le journalisme, tente davantage de mettre en exergue la difficulté du travail journalistique et de pointer les dangers de la capitalisation à grande échelle de celui-ci. Afin que la fonction première du journaliste reste celle d’exposer les faits à la population pour que cette dernière puisse être en mesure de combattre les injustices. En conclusion, Mad City transmet la vision d’un journalisme désemparé, dans la difficulté moderne de conserver une impartialité des faits sans conflit d’intérêts, en se conformant au précepte idéologique de la démocratie Américaine. Malgré une critique virulente du système américain: qu’il s’agisse du pouvoir militaire, juridique, économique ou médiatique, le Journalisme au Cinéma fait souvent état d’une notion américanisée du journalisme, le présentant comme défenseur des démocraties. On dénombre en 1996 plus de 2165 œuvres cinématographiques traitant du journalisme en 200413, parmi lesquelles plus de troiscents fictions qui construisent leurs scénarios autour d’une intrigue journalistique. Une large majorité de ces films est toujours produite aux États-Unis. Malgré une évolution constante du journalisme, par l’apparition de nouvelles techniques, créant de nouveaux enjeux, on observe depuis les premières heures d’Hollywood jusqu’au cinéma 13.  Estimation faite lors du 57ème Festival International de Cinéma de Locarno, Édition 2004 : « Cinéma & Journalisme » 26


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contemporain, une continuité à travers les films qui le mettent en scène. Cet ensemble conséquent d’œuvres mettant en image le journalisme, a soulevé chez des théoriciens la question du genre cinématographique (encore une fois presque uniquement aux Etats-Unis). Richard R. Ness, professeur de cinéma et Matthew C. Ehrlich, professeur agrégé de journalisme, soumettent l’existence d’un genre cinématographique à part entière, construisant la colonne vertébrale de l’ensemble des fictions qui mettent en scène les journalistes : le « Film de Journalisme ».

Orson Welles dans Citizen Kane

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LE « FILM DE JOURNALISME » Avant-propos Définir un genre cinématographique dans son sens le plus strict, est un travail théorique complexe qui demande de définir dans un premier temps le cinéma dans sa globalité la plus absolue, l’étude théorique des genres étant un outil de compréhension du cinéma. Aujourd’hui le « Film de Journalisme » n’est toujours pas reconnu comme étant un genre cinématographique à part entière. La question du genre comme elle nous l’est exposée dans Hollywood Genres de Schatz appliquée par Richard R. Ness dans Print the Legend, nous offre les premières pistes à l’établissement d’un genre défini, confirmant le travail de Matthew C. Ehrlich à travers son ouvrage Journalism in the movies14. D’autres se sont également penchés sur le sujet comme Sonia Dayan-Herzbrun ou le journaliste-essayiste Rodolfo Brancoli. 14.  Journalism in the Movies, History of Communication, 2006, Paperback. 29



LE « FILM DE JOURNALISME »

I. Un Genre Cinématographique transversal Le « Film de Journalisme» est un cas particulier dans l’établissement d’un corpus, Richard R. Ness, définit le « Film de Journalisme» comme un genre questionnant, à travers une figure journalistique, la fonction des médias dans la société. Il ne faut cependant pas le confondre avec l’appellation « Newspaper Film’s » qui lui, désigne uniquement les films traitant de la presse écrite. Le « Film de Journalisme» englobe donc le « Newspaper Film’s » ainsi que tous les médias journalistiques, comme le journalisme en lien avec la télévision, de son appellation moins connue le « Broadcasting Film’s » Contrairement à la présence d’un cow-boy ou d’un détective comme protagoniste, établissant de façon immédiate l’environnement-type, l’utilisation du journaliste dans un film n’implique pas forcément une appartenance au « Film de Journalisme» excluant des films comme The passenger (1975) d’ Antonioni dont le métier de journaliste n’a pas une place significative dans le film, ou Superman (1978) de Richard Donner qui malgré son héros journaliste et justicier, le métier du protagoniste n’est pas au centre de l’intrigue. Le « Film de Journalisme » apparaît comme un genre implicite se construisant en trame de fond des autres genres comme les westerns avec The Man Who Shot Liberty Valance, les films policiers avec Foreign Correspondent (1940) d’Alfred Hitchcock, Deadline - U.S.A (1952) de Richard Brooks, ou encore 31


Zodiac (2007) réalisé par David Fincher, les films historiques avec All the President’s Men, Good Night, and Good Luck (2005) de George Clooney et Frost / Nixon (2009) réalisé par Ron Howard, les films de guerre comme Salvador (1986) d’Oliver Stone, les comédies burlesques avec la lignée des The Front Page. Cette transversalité à travers différents genres clairement identifiés, ainsi que l’absence d’éléments-types, explique en partie l’inexistence de catégorisation officielle « Film de Journalisme». Richard R. Ness propose un premier prisme permettant de détecter l’appartenance au « Film de Journalisme» et de se concentrer sur les productions faisant du journaliste l’élément central de l’intrigue, ainsi qu’une résolution qui devra inévitablement impliquer une causalité sociale ou développer une critique sociétale. Comme pour le film policier, c’est la recherche des « faits » qui est à l’origine du conflit, même si enquête il y a, les implications sociales sont plus vastes que la simple découverte des détails d’un crime. Si on met en parallèle des films correspondant à cette première règle comme The front page (1931), Citizen Kane (1941), Ace in the hole (1952), All the President’s Men (1976) et Mad City (1997) pourtant tous réalisés dans des périodes historiquement éloignées, on reconnaît cette filiation dans le sujet traité qui se concentre sur les limites voire les dérives de la recherche de l’information. Le protagoniste se retrouvant face à des choix engageant sa déontologie journalistique. Ces films demeurent cependant éloignés à la fois par le type de médias mis en scène, par la place du journaliste au sein de ce média, par l’information traitée ou encore par la personnalité du protagoniste. 32


LE « FILM DE JOURNALISME »

Cette interaction entre ces films ne peut suffire à fournir une délimitation claire au « Film de Journalisme » car s’il nous est maintenant possible d’identifier rapidement l’appartenance d’un film à ce modèle, il nous faut à présent relever ces constantes pour déterminer l’existence d’un genre. Il est donc impératif qu’avant d’entamer le travail complexe de «conflits/ résolutions» exposé par Schatz, de relever tous les éléments qui constituent ce modèle: l’ensemble des signes iconiques.

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LE « FILM DE JOURNALISME »

II. Éléments iconographiques Avant-propos

Pour mettre à jour la codification iconographique complexe à l’œuvre dans les «Films de Journalisme», une catégorisation de ces derniers permettra une lecture plus claire des éléments redondants constituant le genre. Le décor, les costumes, les personnages, les outils du métier permettent d’établir des constantes iconographiques. 1. Un protagoniste : Le journaliste

Pour déterminer la particularité du protagoniste des «Films de Journalisme», son métier de journaliste doit jouer un rôle majeur dans le développement de l’action; le personnage doit vivre une transformation suite à une action qui entraînera lui ou d’autres personnages autour de lui à se questionner sur l’éthique ou professionnalisme de ses actes. Or le personnage du journaliste n’est pas aussi caractéristique que les protagonistes des autres genres comme cela peut l’être dans les westerns. Les films tels que Citizen Kane, All the President’s Men ou Mad city démontrent que les protagonistes des « Films de Journalisme » ne présentent pas de prime abord les mêmes caractéristiques. Rodolfo Brancoli, journaliste et essayiste, afin d’établir une première catégorisation des différents journalistes-protagonistes des « Films de Journalisme » fait appel dans Print of Legend15, au travail de Bill Mahon, un ancien reporter qui en décortiquant un grand nombre de films, dans lesquels apparaissent 15.  « Le journaliste made in Hollywood » par Rodolfo Brancoli, (Page 95). 35


des journalistes, réussit à mettre à jour, l’existence de trois stéréotypes concernant le protagoniste journaliste dans les productions hollywoodiennes: Le premier, un des plus rares: « les saints », à l’instar des deux jeunes reporters du Washington Post dans All the President’s Men, qui se montrent toujours bons et honnêtes, empreints de scrupules, d’ordre et d’un grand respect de la déontologie journalistique. La deuxième figure est plus fréquente : celle du «saint à auréole impure», c’est-à-dire le journaliste qui commet des erreurs et viole les règles afin d’obtenir des informations, tout en demeurant animé des meilleures intentions comme Max Bracknett dans Mad city qui, malgré son arrivisme, voudra sincèrement aider Sam Baily le preneur d’otages, en jouant de sa «liberté déontologique», pour minimiser son crime. Enfin, il y a « le monstre » qui tel le journaliste Charles Tatum (interprété par Kirk Douglas) dans « Ace in the hole» va exploiter de façon inhumaine un scoop. L’histoire se passe au Nouveau-Mexique, où Léo Minosa, un Indien, est coincé au fond d’une galerie effondrée. Charles Tatum ruse pour être le seul journaliste sur le coup, il va ainsi persuader le shérif de choisir la formule de sauvetage la plus lente afin de conserver son exclusivité. Il va devenir l’amant de la femme de la victime et l’ami de Léo, poussant ainsi l’hypocrisie à son paroxysme. Cette dernière catégorie regroupe les journalistes malhonnêtes et totalement privés de scrupules qui usent de leur ascendance sur les autres pour parvenir à leurs fins.

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Kirk Douglas dans Ace in the Hole

Malgré toutes ces différences, un certain nombre de traits récurrents apparaissent. Afin de confondre les éléments communs au «Film de Journalisme», il faut étendre les recherches comparatives à une analyse dichotomique du genre. On observe, à travers tous les « Films de Journalisme » un isolement de la figure journalistique: que ce soit un individu ou un groupe, elle travaille presque toujours indépendamment de l’ordre hiérarchique, ignorant l’incidence des rédacteurs en chef et de la société en général. Le caractère économique du journaliste transmet l’image d’un métier qui paie mal, à laquelle il faut y ajouter une insécurité de l’emploi et où le paradoxe est que l’obtention d’un meilleur salaire ou d’un poste sécurisé est souvent liée au manque d’ap37


plication de la déontologie journalistique. Le personnage de Max Bracknett, incarne la dénonciation de cette dichotomie entre déontologie et enrichessement car en attirant l’attention sur l’absence de déontologie, de scrupules et de respect vis-à-vis des familles des victimes de son supérieur hiérarchique, il se retrouve relégué à un poste subalterne sur une chaîne locale. Et lorsqu’il fera preuve à son tour d’une même recherche du sensationnel, il obtiendra une offre pour créer sa propre émission. Cette indépendance, qui implique une solitude professionnelle, s’étend à la vie privée de Max Bracknett, l’alcoolisme est un élément souvent associé à cette carence sociale et concerne aussi bien le journaliste homme que le journaliste femme. Pour ce qui est de la vie sexuelle du journaliste, le célibat est un facteur faisant presque l’unanimité des films de journalisme. Le journaliste est souvent divorcé ou présenté comme un homme à femmes. Cette liberté est un ressort du scénario qui permet le développement d’histoires d’amour, expliquant l’effervescence de comédies romantiques comme His girl Friday (1941) ou encore Meet John Doe (1941). Pourtant, ce statut de célibataire exprime une incapacité à maintenir une relation stable et quand une relation se crée dans l’histoire, elle entre généralement en conflit avec les engagements professionnels, à moins de lier deux personnages qui exercent la même profession. Dans The Front page de 1974, le rédacteur en chef en s’adressant à la future femme de Hildy, le protagoniste aura cette réplique :

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Pour votre bien ! Épouser un fossoyeur, un arnaqueur, un pickpocket, mais jamais un journaliste ! Illustrant parfaitement cette incapacité du journaliste à obtenir une situation amoureuse stable.

Walter Matthau et Jack Lemmon dans The Front page (1974)

Les personnages masculins sont souvent décrits comme ayant connu une suite d’échecs sentimentaux, alors que les personnages féminins semblent être tellement accaparés par leur travail qu’ils n’ont pas le temps de s’y intéresser ou développent une pathologie souvent due à l’arrivisme. Comme la journaliste de To die for (1995) de Gus Van Sant, qui ira jusqu’au meurtre de son mari dans le seul espoir de pouvoir continuer à gravir les échelons de la presse télévisée. Le journaliste est souvent un personnage doté d’une capacité verbale particulière. Il a déjà une facilité naturelle aux jurons mais surtout une rapidité d’élocution particulièrement élevée. Dès 1928, lors de la première représentation de The Front page à Broadway, 39


on remarque cette capacité verbale spectaculaire ainsi que l’utilisation de grossièretés alors peu fréquente à l’époque au cinéma. Jeffrey Brown Martin consacrera un livre au travail de Ben Hect, dans lequel il écrira: Quand un journaliste a été doté d’une voix, il a aussi été doté d’une personnalité caractéristique. Le film muet de journalisme faisait la part belle aux histoires à rebondissements, mais avec l’arrivée du parlant, la prédominance fut donnée aux dialogues et au caractère irrévérencieux du journalisme. Dans de nombreux cas, le personnage du journaliste est un assemblage de tous ces aspects, mais il fournit un pré-cadre pour analyser le personnage du journaliste dans les films. En résumé, la figure journalistique, qu’elle soit présentée comme une force positive ou négative est toujours, lorsqu’elle est la figure centrale d’un film du genre, montrée comme un outsider qui travaille indépendamment des structures de la presse. Dans le cas où le personnage appartiendrait à une structure, le groupe est alors présenté comme isolé du reste de la société et du reste de la presse. Ce détachement est aussi manifeste pour ce qui touche à la vie privée du journaliste, laquelle est soit instable, soit inexistence. L’alcoolisme, de faibles revenus et un mépris pour la profession exercée caractérisent souvent le protagoniste. À la fin pourtant, l’indifférence du départ se transforme en engagement, à moins d’amener à un abandon de la profession ; ce parcours devient alors un facteur important du développement de la formule de base du genre. 40


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2. Les personnages périphériques

Le journaliste évolue dans un espace souvent clos dans lequel il est confronté à un grand nombre de personnages récurrents dans les « Films de Journalisme ». Pourtant, l’élément tenant souvent une place importante dans l’histoire, est celle du rédacteur en chef ou du producteur, la distinction entre ces deux titres relevant du média : pour le premier de la presse écrite et pour le second du journalisme télévisé. Ils sont souvent grisonnants, moralisateurs et font fréquemment référence à un passé meilleur, plus prolifique avec cependant des moyens faibles et des risques plus élevés. Ils sont souvent divorcés, évoquant leur passé de journalistes incapables de créer une relation stable. Malgré une place hiérarchique plus élevée, les Rédacteurs en Chef ont rarement un statut financier qui puisse être qualifié de stimulant. A l’opposé des producteurs, dont la particularité est d’être souvent présentés fortunés car rattachés au système du show business de la télévision qui véhicule une image de richesse et d’opulence. Comme dans Network (1976) de Sidney Lumet, où la rédactrice en chef cherche en permanence à renégocier son salaire déjà important. Par ailleurs, lorsque le rédacteur en chef ou le producteur n’est pas le mentor du journaliste, lui dictant les codes à respecter de la déontologie, paradoxalement il est le cadre supérieur pointant les objectifs à réaliser au mépris de ces mêmes codes. Que ce personnage soit soucieux ou non de la déontologie, il existe presque toujours un conflit de cet ordre entre le journaliste et le rédacteur en chef. 41


Les autres journalistes gravitant autour du protagoniste, représentent une entité importante du « Film de Journalisme » car ils symbolisent la multitude des points de vue divergents et des traitements de l’information ainsi que la concurrence rude au sein de cet univers du journalisme. The Front page est l’exemple le plus explicite, à la fois camarades ou ennemis du héros, les autres journalistes dynamisent la recherche de l’exclusivité et du scoop et justifient le zèle du journaliste principal. Une entité récurrente du « Film de Journalisme » est l’ensemble des personnages représentant le système judiciaire: le policier et l’avocat, ainsi que l’homme publique voire politique qui symbolise le pouvoir décisionnaire, d’un groupe ou d’un état. Le policier et l’homme public sont presque toujours en opposition avec la figure journalistique protagoniste, ce que montre l’intégralité des remakes de The Front page qui dénoncent particulièrement la corruption policière et politique. Et même lorsqu’il s’agit de vieux amis, comme dans State of Play (2009) de Kevin Macdonald, au final c’est le choix déontologique du journaliste qui va nuire (gravement) à leur amitié. Tandis que l’avocat occupe un rôle complexe, il est cependant complémentaire de celui du journaliste car ils obéissent souvent à un même idéal de justice. Et que ce soit une source pour le journaliste ou un client pour l’avocat, ils partagent tous les deux le même principe de confidentialité. The Man Who Shot Liberty Valance représente un avocat idéaliste qui va faire renaître la conscience déontologique d’un vieux journaliste alcoolique. Cependant, l’avocat peut devenir également, dans certains cas, 42


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l’ennemi, The Insider (2000), de Michael Mann, en fait état dans la lutte pour la vérité d’un journaliste contre des avocats prêtant aux agissements discutables de compagnies de tabac la caution complaisante du secret professionnel. Ces personnages affiliés aux films noirs ou policiers, sont un élément périphérique du « Film de Journalisme » caractéristique de la fonction de contrepouvoir du journaliste au sein de la société américaine. Le détective privé entretient comme pour l’avocat une relation particulière avec le journaliste. Il est souvent au cœur de l’intrigue représentant soit un adversaire soit un allié. Il fournit les mêmes aptitudes et objectifs que le journaliste, à la différence près et pas des moindres, qu’il travaille pour une personne ou un groupe en lien direct avec l’information qu’il recherche. Ce conflit d’intérêts est souvent le point de divergence entre le journaliste et le détective. Un autre personnage, celui-ci beaucoup plus rare mais représentant un cas intéressant, est le présentateur météo, souvent désigné comme l’élément du groupe le moins affilié au journalisme. Il obtient cependant un statut particulier à travers le rejet des autres journalistes, jugeant son travail comme de faible importance journalistique. C’est le personnage principal du film: To Die For (1995) mettant en scène une femme, présentatrice météo, symbolisant cette problématique, déjà évoquée, de l’ acharnement, confinant à l’arrivisme, de certaines professionnelles dans ce domaine où la représentation féminine reste minoritaire, participant de fait à l’aspect tragique de l’histoire.

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Les derniers adjuvants qui entourent le personnage principal du journaliste sont les grouillots, vendeurs de journaux, stagiaires, techniciens et autres sous-fifres qui se trouvent rarement au cœur de l’histoire et servent davantage à créer une atmosphère qu’à faciliter la progression des événements. 3. Les accessoires [costumes et outils]

L’image cinématographique du journaliste accoutré d’un costume froissé avec des pièces aux coudes, un chapeau défoncé vissé sur la tête et arborant une carte de presse coincée dans un ruban constitue le socle des codes classiques du « Film de Journalisme » traitant de la presse des années 30, dans le même ordre d’idées que le chapeau Stetson et les éperons du cow-boy pour le western. Mais le costume en lui-même n’est pas si différent de celui d’autres professions comme les avocats, les comptables ou les employés d’agences de publicité (Mad men). En l’occurrence, c’est son aspect « usé » qui est la marque d’une profession qui laisse peu de temps au soin de l’apparence et d’un statut financier qui ne permet pas de renouveler sa garde-robe. En réalité, le port du costume froissé tient moins aux capacités financières du journaliste qu’à son niveau d’implication totale dans son engagement professionnel. On remarque également que les costumes des rédacteurs en chef sont nettement plus élégants que ceux des simples journalistes. Il semble que le changement de métier signifie l’abandon du « costume » qui le singularise : Dans le remake de The Front page de Billy Wilder en 1974, le personnage d’Hildy , après avoir pris la décision de mettre fin à sa carrière de journaliste, retourne à la salle de 44


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rédaction dans un costume blanc bien coupé. Les premières femmes journalistes, pour être traitées à l’égale des hommes, adoptent des codes vestimentaires masculins. Dans la version His girl Friday (1941) de The Front page, la journaliste Hildy arbore un costard rayé très large, très loin des vêtements féminins de l’époque.

Rosalind Russell et Cary Grant dans His Girl Friday

On constate que les codes vestimentaires changent avec l’avènement des médias télévisuels. En effet, l’émergence du journalisme visuel a modifié de façon significative le style «journaliste au costume mal repassé», puisque la présence à l’antenne des envoyés spéciaux et des présentateurs nécessite une apparence beaucoup plus soignée. Cette modification a suscité dans les films comme Broadcast News (1987) de JL Brooks des remarques critiques sur la nature de l’apparence physique et sur la diffé45


rence existant entre ceux qui vont chercher les informations et ceux qui les présentent. Outre les costumes, un autre élément iconographique permettant de caractériser l’apparence physique des personnages dans un genre est souvent la présence de certains accessoires et outils liés à la pratique du métier. Les cowboys, les policiers ou les gangsters utilisent un revolver comme accessoire premier de leur travail, tandis que le journaliste ne se sépare jamais de son stylo, de son bloc-notes, d’un magnétophone, d’un appareil photo ou d’une caméra. Et ces éléments constituent une prolongation de son aspect physique aussi importante que peut l’être la lance ou l’armure pour le chevalier médiéval, le revolver et son étui pour le cow-boy. Le journaliste chevronné de State of Play, rappellera continuellement à la jeune journaliste qui l’assiste d’avoir toujours sur elle un stylo et finira par lui offrir une multitude de stylos pour sacraliser la reconnaissance du statut de journaliste à part entière, qu’elle acquiert à la fin du film. Le journalisme c’est aussi l’ensemble des outils utilisés pour recueillir ou diffuser l’information, ainsi le journaliste évolue dans un univers qui utilise des téléphones, des téléscripteurs, des machines à écrire et des ordinateurs comme le film d’espionnage utilise la symbolique des micros films, des faux passeports, et du poker. Ces éléments iconographiques suivent le progrès technologique et permettent de dater un film mais aussi, par le choix que le journaliste va opérer des accessoires qui vont l’aider : le 46


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costume, les outils de travail, vont renseigner le spectateur sur sa personnalité et ses valeurs. Par exemple, à l’époque des ordinateurs, un journaliste qui continue à utiliser une machine à écrire peut ainsi témoigner d’un attachement aux valeurs anciennes et traditionnelles du métier. Dans State of Play, le journaliste continuera à préférer le papier et quand il tape à l’ordinateur, c’est une antiquité. Les journalistes jouent au poker, fument le cigare ou la cigarette, boivent dans la salle de presse et au tribunal comme dans la première version de The Front page, qui témoigne de la vision qu’Hollywood avait du journaliste et ses caractéristiques, sont devenues emblématiques de cette profession. Même les journalistes femmes s’adonnent à la cigarette et à la bouteille qui symbolisent la force de caractère et l’indépendance du « bon » journaliste, renforçant l’image masculine du choix de leur profession. Une autre catégorie d’outils journalistiques représente un élément important des « Films de Journalisme » : ce sont les presses elles-mêmes. En effet, il n’est pas rare dans le montage de ces films de voir des presses, en train de tourner en train de tourner quand l’histoire est enfin révélée. Par exemple, dans la scène de Deadline-U.S.A (1952) de Richard Brooks, Ed Hutcheson sacralise le côté irréversible de la presse par cette réplique célèbre : That’s the press baby! The press! And there’s nothing you can do about it. Nothing! 47


Humphrey Bogart dans Deadline - U.S.A

Des dispositifs semblables sont fréquents, non seulement dans les « Films de Journalismes » mais aussi dans un certain nombre de films qui recherchent une sensation d’immédiateté par le montage : les vendeurs de journaux, le journaliste plateau, les coupures de presse scandent la progression de l’histoire. Alors que dans d’autres genres, ce dispositif permet de réduire les scènes d’explications et faciliter l’avancée de l’histoire. Ces images ont dans le « Film de Journalisme » une fonction intégrée à l’intrigue traduisant la volonté d’afficher la presse en train d’agir sur la grande Histoire. L’intégration des actualités de la chute de Nixon dans All the President’s Men en est l’exemple frappant.

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4. les lieux et les environnements sociaux

Un marquage visuel fort de la codification du Journalisme au Cinéma reste son environnement. Et malgré l’époque représentée à l’écran, le cadre du travail n’a pas beaucoup varié en un siècle : Le journaliste est citoyen des villes, il est rare qu’il s’en éloigne ou seulement dans le but de poursuivre l’actualité. Quand il n’est pas à New-York ou dans une autre grande ville, il espère y retourner car elle représente le siège de l’information et contient : la salle de rédaction qui est sans aucun doute le décor le plus immédiatement reconnaissable du « Film de Journalisme ». Il est plus juste de la nommer Newsroom car elle s’adapte mieux à une définition regroupant à la fois la presse et le journalisme télévisé. Il y a déjà une convention sonore selon laquelle, dans le cadre de son travail, le journaliste est soumis à un environnement extrêmement bruyant. Et, s’ajoutant à ce chaos sonore généralisé , un espace saturé de mouvements frénétiques. Que ce soit le cliquetis des machines à écrire, ou des claviers d’ordinateurs, les téléphones sonnant de façon régulière, le déplacement des assistants les bras chargés de dossiers... Cette mise en scène assoie le principe que la salle de rédaction est un foyer ardent duquel l’information jaillit continuellement sans interruption dans un chaos organisé. Quand le film traite du journalisme télévisé, des extensions de cette Newsroom apparaissentcomme le plateau et le « car-régis », ce dernier va remplacer dans Mad City la salle de rédaction et le plateau régis, devenant au fil de l’histoire le lieu de confrontation des tensions internes du média.

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Mais le « Film de Journalisme » n’a pas toujours besoin d’un environnement physique particulier, doté de caractéristiques bien définis comme la Newsroom. Parmi les autres décors récurrents, on trouve la sphère privée des journalistes. Par conséquent, il n’est pas rare que l’action se passe dans un bar. Le penchant pour l’alcool du protagoniste offre à ce lieu un intérêt particulier, conservant également cette atmosphère bruyante et spécialement instable. Le journaliste, en tant que personnage solitaire et isolé, travaille souvent chez lui, dans un appartement délabré et insalubre, sorte de prolongement métonymique de son code vestimentaire et de son engagement désintéressé dans son enquête. Il n’est pas rare d’y voir quelques bouteilles d’alcool. Ce lieu privé peut être également symbolisé par ses extensions, comme dans State of Play où le journaliste utilise comme débarras la plage arrière de sa voiture, véritable poubelle de ses repas, pris sur le pouce entre deux enquêtes pour le Washington Globe. Tous ces éléments concernant la personnalité du journaliste, les personnages secondaires ainsi que ses outils peuvent se combiner de différentes façons en stéréotypant, plus ou moins d’un film à l’autre, l’image du journalisme. De la même manière, que le western peut décider de ne pas recréer la confrontation stéréotypée du cowboy blanc contre son homologue noir, chacun un colt à la main s’affrontant en duel dans l’avenue principale d’une ville déserte. L’ensemble de ces éléments représentent le panel matériel à disposition pour créer le « Film de Journalisme ».

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III. Les Systèmes de « Conflits/Résolutions » Dans Hollywood Genres, Schatz explique que les films de genre se développent selon un schéma en partant d’une situation de conflit pour aller à sa résolution. La nature particulière de ces conflits et de ces résolutions est aussi importante pour définir un genre que les éléments relevant de l’iconographie. Les oppositions culturelles de base ou les conflits dramatiques inhérents au genre représentent sont trait distinctif le plus fondamental. Schatz Schatz décrit la structure de l’intrigue des films de genre en quatre étapes : «L’établissement d’une communauté générique et ses conflits dramatiques inhérents», «La mise en branle des conflits via les actions et les comportements des personnages», «L’intensification du conflit jusqu’à la situation de crise» et «La résolution par l’élimination de la menace physique et/ou idéologique». L’application de ces quatre étapes au modèle récurrent « Film de Journalisme» permet ainsi de mettre à jour un genre défini. Dans la première étape, « L’établissement de la communauté générique avec ses conflits dramatiques inhérents », la nature du groupe de presse et la société dans laquelle elle fonctionne détermine les valeurs à opposer face à la vérité. Dans le cas où le film présente les médias de manière positive, la force d’opposition tente d’empêcher la presse de mener à 51


bien ses opérations (Deadline U.S.A ou The Insider) alors qu’un scénario qui présente une image négative des médias (Network ou Mad city) peut impliquer un protagoniste tentant de corriger sa corruption et de redonner honnêteté et intégrité à la profession. De même, un individu développe les failles du système médiatique tout en en profitant, comme Charles Tatum dans Ace in the Hole. Bien que dans le cas où la presse a une identité négative et où il y demeure encore des subdivisions, on observe bien que la communauté ainsi que les conflits restent les mêmes. L’étape suivante, soit la « mise en branle des conflits via les actions et l’attitude des personnages » se complique ici par l’introduction de deux niveaux de conflits. Alors que Schatz fait la différence entre les genres qui impliquent des conflits soit externes, soit internes dans le « Film de Journalisme », les deux types de conflits coexistent souvent dans un même film et doivent être résolus avant qu’une conclusion satisfaisante puisse se produire. Le conflit interne advient lors des scènes de confrontation entre les journalistes et le rédacteur en chef. Que ce soit en mettant en scène un journaliste qui tente de convaincre le rédacteur en chef, ou d’un rédacteur en chef qui confie à un journaliste une mission que ce dernier est réticent à entreprendre. Dans tous les cas, le conflit à l’intérieur de la structure porte sur la meilleure façon de couvrir l’histoire. Ce conflit doit être résolu avant que les membres de la presse puissent s’associer pour éliminer le conflit externe occultant la vérité. Certains « Films de Journalisme », moins nombreux, exposent un seul conflit externe. Le modèle fonctionne dans tous les cas avec le journaliste qui manipule ou dissimule la vérité. Dans ce genre de cas, le journaliste sans scrupule devient la menace externe. Et 52


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le conflit interne implique d’autres membres du groupe ou d’organisations opposées qui ont ou vont prendre conscience de ses agissements. Les étapes finales selon Schatz sont « l’intensification des conflits jusqu’à la situation de crise » et « La résolution de la crise par l’élimination de la menace qui peut être soit idéologique soit physique ». Les deux peuvent jouer un rôle dans un cas particulier du « Film de Journalisme » au sein duquel un groupe de presse essaie d’éliminer une menace de crime organisé de sa communauté. L’accent est alors mis prioritairement sur la lutte idéologique entre liberté individuelle de la presse et son contrôle par les forces extérieures. Les conflits à l’intérieur du groupe de presse sont souvent éthiques et impliquent une réflexion sur la façon dont la presse doit se comporter vis-à-vis de la société. Parce que l’action de la presse est permanente, le « Film de Journalisme » ne se termine jamais « avec la fuite au soleil couchant » si fréquente dans les autres genres comme le western. La presse doit rester une composante active de la société à laquelle elle appartient, même dans les situations où le journaliste solitaire peut quitter soit son métier, soit le cadre de l’action. Donc, même dans les films où la presse s’attaque aux forces corrompues et les défait, son rôle n’est pas seulement de restaurer l’ordre social mais aussi de l’améliorer et de continuer à le maintenir. La nature de la presse comme source potentielle de conflits révèle un certain nombre d’incohérences qui peuvent expliquer l’échec des chercheurs en étude cinématographique 53


à définir le «Film de Journalisme» comme agent spécifique. Par exemple, on peut rattacher au modèle de base d’autres types de films. Que ce soit les relations romantiques compliquées des comédies «screwball » (The Front page), des histoires de guerre, des mélodrames, des films de gangsters, ce sont les activités de la presse qui demeurent primordiales avec leurs conséquences sur la vérité, sur les personnes et sur la société. Le conflit étant généré par la personne qui connaît la vérité et qui essaie d’en faire éclater la preuve.

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IV. Conclusion et Limite de la définition du genre L’étude des éléments iconographiques et du système de « conflits/résolutions » présents dans le « Film de Journalisme » établit les récurrences du genre. Or, cette même étude révèle également que la définition du genre par Schatz ne peut être appliquée uniquement lorsqu’on ignore les subdivisions du « Film de Journalisme » en se concentrant sur les causalités globales. De cette façon, aucun élément particulier de l’iconographie ou du système « conflits/résolutions » ne peut être appliqué à l’ensemble « Film de Journalisme ». De ce fait, la seule présence ou non d’un journaliste comme protagoniste, calepin à la main et carte de presse affichée sur son chapeau ne pourra confirmer ou infirmer son appartenance au genre. De même, si un film fait l’apologie de la démocratie par un conflit faisant intervenir le premier amendement, rien ne peut garantir qu’il fasse partie du « Film de Journalisme ». Cependant, c’est la synergie de ces modèles iconiques construite autour d’une intrigue correspondant à un des systèmes de conflits résolutions qui forment le genre « Film de Journalisme ». L’existence du genre repose uniquement sur l’adaptabilité du modèle de Thomas Schatz. La flexibilité du « Film de Journalisme » permet au modèle de regrouper un nombre important de films d’une grande variété de styles à travers toutes les époques, sur une multitude de sujets différents. Ce qui explique pourquoi le « Film de Journaliste » est resté une forme constante à travers l’histoire du cinéma alors que d’autres 55


genres ont traversé des Âges d’Or ou cycles révisionnistes (comme l’anti-western ou le gangster-héros des années 70). Chaque année, la sortie de films portant sur les considérations morales ou le rôle des médias dans la société signifie que le «Film de Journalisme» demeure pertinent pour les spectateurs. Le film marque les esprits et même si il n’est pas nommé, le spectateur tisse un lien entre chacun d’eux. Les deux derniers « Films de journalisme » en date Night crawler (2014) de Dan Gilroy, ainsi que The Interview (2015) de Evan Goldberg et Seth Rogen, témoignent de cette pérennité du genre et bien que l’intrigue soit totalement différente, ces films continuent d’illustrer la même guerre pour la vérité. Cependant contrairement aux films westerns ou policiers, la figure du journaliste évolue et se transforme à travers le temps. Là où le cow-boy restera une image inchangée figeant une époque précise de l’histoire et que le policier représentera toujours par son titre le même élément bien précis du pouvoir opposé au criminel, la notion reste variable. Le métier de journalisme, par sa particularité d’interroger la société dans son sens premier, évolue intrinsèquement avec elle. L’évolution des techniques a transfiguré le journalisme avec l’apparition de la télévision en tête. Mais si cette adaptabilité journalistique ne s’arrête pas à l’évolution technique, elle sait aussi retransmettre les attentes du public ainsi que ses peurs. La frontière entre la vérité des faits et des mensonges est devenue plus difficile à entrevoir et le journalisme se présente comme l’arme qui nous permet d’intensifier cette complexité en changeant continuelle56


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ment les enjeux auxquels il est confronté. Les enjeux ont bien évolué entre The front page (1931) et Mad city (1997). Le journalisme des années 1930 était confiné à celui de la presse écrite alors qu’aujourd’hui le terme journaliste doit être complété pour que l’on comprenne son champ d’actions (journaliste reporter d’images, journaliste plateau, ou encore journaliste blogueur). Cette pluralité de termes, de conflits et de techniques rend plus difficile au premier abord l’existence de relations directes entre ces films. C’est dans cette diversité que le genre «Film de Journalisme» observe ses limites. Le travail du journaliste étant le cœur des «Films de Journalisme», le développement du métier du journalisme modifie le genre en lui-même et c’est à cause ou grâce à cette capacité d’évolution que le « Film de Journalisme» ne pourra jamais obtenir une définition précise, à moins qu’un jour le terme journaliste disparaisse. C’est donc dans cette force d’adaptation que le « Film de Journalisme» trouve sa pérennité et qu’il trouve également ses faiblesses. Il n’a pourtant jamais disparu de nos écrans pendant plus d’un siècle et continue de transmettre ses idéaux démocratiques. Le « Film de Journalisme» continuera encore longtemps à exister, sans pour autant se réduire pas à une définition absolue, en évoluant au rythme de nos sociétés.

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V. Les Perspectives du « Film de Journalisme » Aujourd’hui, le cinéma et le journalisme connaissent une crise identitaire. Le cinéma observe une modification de sa consommation ainsi que l’émergence de nouveaux formats. Le journalisme quant à lui doit faire face à l’apparition de nouvelles formes journalistiques et à la profusion de nouveaux médias. L’apparition de séries télévisées prenant le pas sur les productions classiques, a fait apparaître des séries se conformant à des genres cinématographiques. Le « Film de Journalisme » ne fait pas l’exception : ainsi Aaron Sorkin : après avoir déjà laissé une place importante au journalisme dans sa série The West Wing (1999), récidive avec The Newsroom (2012) une série qui reprend point par point le modèle du « Film de Journalisme ». Elle place son récit au sein d’une salle de rédaction, présentant une équipe de journalistes cherchant désespérément à redonner au journal télévisé son rôle premier: celui d’offrir aux citoyens la possibilité de comprendre et de décider grâce à l’information et ainsi rééquilibrer la balance démocratique. The Newsroom en plus de correspondre à ces critères, va faire référence à des « Films de Journalisme », comme The Front page, Deadline – U.S.A, ou Network. Ces références sont développées sur deux niveaux: le premier explicite, car les personnages citent les films, ou y font référence de façon consciente et le second implicite à travers les traits des personnages et les conflits qui apparaissent. Ce référencement clairement établit, implique la reconnaissance d’une appartenance, qui consolide l’établissement d’un genre défini, 59


comme cela a pu être le cas pour le western ou pour le film policier. Le journalisme, lui, doit se confronter à l’émancipation d’internet, l’apparition du web-journalisme et le citoyen-journaliste se transcrivant à l’écran. L’évolution du journalisme ouvrant le champ des possibles, on parle même d’un «Cinquième Pouvoir» pour citer le film de Bill Condon The Fifth Estate (2013), qui raconte la création de Wikileaks, et prône l’aube d’un nouveau journalisme. Le film malgré son aspect novateur, reprend un grand nombre d’éléments du modèle « Film de Journalisme »: On retrouve l’isolation d’un groupe se battant pour obtenir une liberté d’expression et de préservation des sources face à un événement historique comme All the President’s Men. La capacité d’adaptation du modèle « Film de Journalisme » semble réussir à traverser cette double crise qui le touche. Il faudra sûrement intégrer de nouveaux éléments iconographiques dans la prochaine décade, mais le système de « conflits/résolutions » conserve une singularité intemporelle.

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LE JOURNALISME UNE ARME CINÉMATOGRAPHIQUE L’étude de la relation entre le Septième Art et le Quatrième Pouvoir à travers le «Journalisme au Cinéma» ainsi que le cas particulier du «Film de Journalisme», nous enseignent l’existence d’une liaison américaine, développant un idéal démocratique grâce à la figure journalistique. Cet engouement du cinéma Étasunien entraîne l’émergence d’un genre cinématographique prototypique. Cependant, la présence d’un journaliste au cinéma, que ce soit un protagoniste hurlant dans un micro à l’effigie de Charles Foster Kane, ou une silhouette courant avec une caméra au second plan comme 61


les centaines de journalistes reporters d’images présents dans Mad City, cette figure journalistique, en plus d’être un élément signifiant de la fascination du cinéma pour le Quatrième Pouvoir: cette apparition d’un journaliste au cinéma est également le responsable d’une profonde altération du film. Cette altération survient indépendamment de l’importance du journalisme au sein de la narration, il suffit d’une simple évocation de la figure journalistique pour entraîner cette mutation. Ainsi dans The King of Comedy (1983) de Martin Scorsese, bien que le journalisme soit absent jusqu’aux dernières minutes du film, il joue un rôle fondamental concluant l’intrigue par la justification et l’absolution des crimes que commet le protagoniste Rupert Pupkin (interprété par Robert De Niro), en une poignée de secondes il crée la catharsis du film. Le journalisme à travers une simple image, en relatant les faits historiques, en perturbant le déroulement de l’action ou encore en renseignant sur la position du film par rapport à notre réalité, crée une fracture qui transcende le récit et permet de transmettre une analyse sociétale. Il projette un questionnement extra-filmique qui dépasse de loin les cadres de résolution de l’intrigue principale et offre avec une efficacité extraordinaire la capacité d’effondrer les murs de la salle de cinéma pendant un court instant, laissant entrevoir la dure réalité de notre monde, pendant une poignée de photogrammes. Le film de journalisme quant à lui, en faisant du 62


LE JOURNALISME UNE ARME CINÉMATOGRAPHIQUE

Quatrième Pouvoir le centre de son intrigue n’est plus un élément isolé qui vient à un instant précis perturber le récit. Il devient une composante principale de l’intrigue, mettant en scène un journaliste qui, animé par sa fougue ou son arrivisme, interroge les problèmes de nos sociétés. Dans The Front page, chacune des répliques du film évoque les maux de nos sociétés. Ainsi de la peine de mort à la corruption, en passant par la prostitution, la dualité entre éthique et morale, le protagoniste Hildy nous expose l’ensemble des enjeux démocratiques. Le « Film de Journalisme » n’utilise plus le journalisme comme une simple altération puisqu’en construisant son récit autour de lui, il permet à ce dernier d’étendre son envergure corrosive, faisant de l’intrigue du film le siège d’une critique de notre système. Par conséquent, lorsque le cinéma filme le journalisme, il nous projette le fragile équilibre de nos démocraties en nous plongeant au cœur d’un studio de télévision ou d’une rédaction, ainsi grâce au journalisme le cinéma peut prendre le pouls de nos sociétés. Le journalisme au cinéma devient une arme car protégé par la caution de sa juste et légitime mission, le cinéaste peut s’aventurer sur des sujets qui mêlent politique et sociologie des masses, sans s’exposer directement. Un journaliste dans un film, qu’il soit au centre de l’action ou en train de la commenter, offre une légitimité au cinéma pour décrire le monde qui l’entoure. 63


Le journalisme quant à lui, en tant qu’arme cinématographique échappe grâce au cinéma à son caractère éphémère, esclave de l’immédiateté. Il accède à une forme intemporelle, se substituant à son image cinématographique. Le cinéma en faisant tourner les rotatives de la presse à 24 images par seconde, écrasant la frontière entre vérité et mensonge, devient une arme cinématographique qui participe à transmette et immortaliser le rôle fondamental du Quatrième Pouvoir.

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F I L M O G R A P H I E Œuvres Majeures L’Affaire Dreyfus (1899) Court-métrage de Georges Méliès avec Georges Méliès 13 min. Biopic et drame.

The Front Page (1931) Film de Lewis Milestone avec Adolphe Menjou, Pat O’Brien, Mary Brian. 1 h 41 min. Comédie.

His Girl Friday (1940) (La Dame du vendredi) Film de Howard Hawks avec Cary Grant, Rosalind Russell, Ralph Bellamy. 1h32 min. Comédie, drame et romance.

Citizen Kane (1941) Film d’Orson Welles avec Orson Welles, Joseph Cotten, Everett Sloane. 1h59 min. Drame et mystère.

Ace in the Hole (1951) (Le Gouffre aux chimères) Film de Billy Wilder avec Kirk Douglas, Jan Sterling, Iron Eyes Cody. 1 h52 min. Drame.

Deadline - U.S.A. (1952) (Bas les masques) Film de Richard Brooks avec Humphrey Bogart, Ethel Barrymore, Kim Hunter. 1h27 min. Policier.

The Man Who Shot Liberty Valance (1961) (L’Homme qui tua Liberty Valance) Film de John Ford avec John Wayne, James Stewart, Vera Miles. 2 h 03 min. Western.

The Front Page (1974) (Spéciale Première) Film de Billy Wilder avec Jack Lemmon, Walter Matthau, Susan Sarandon. 1 h 45 min. Comédie, drame et romance.

Network (1976) (Network, main basse sur la télévision) Film de Sidney Lumet avec Peter Finch, Faye Dunaway, William Holden. 2 h. Drame.

All the President’s Men (1976) (Les Hommes du président) Film d’Alan J. Pakula avec Dustin Hoffman, Robert Redford, Jack Warden. 2 h 10 min. Thriller et historique. 67


The King of Comedy (1982) (La Valse des pantins) Film de Martin Scorsese avec Robert De Niro, Jerry Lewis, Diahnne Abbott. 1 h 49 min. Comédie et drame.

To Die For (1995) (Prête à tout) Film de Gus Van Sant avec Nicole Kidman, Matt Dillon, Casey Affleck. 1 h 47 min. Policier.

Mad City (1997) Film de Costa-Gavras avec Dustin Hoffman, John Travolta, Mia Kirshner. 1 h 53 min. Drame et thriller.

The Insider (1999) (Révélations) Film de Michael Mann avec Al Pacino, Russell Crowe, Christopher Plummer. 2h38 min. Drame et thriller.

State of Play (2007) (Jeux de pouvoir) Film de Kevin Macdonald avec Russell Crowe, Ben Affleck, Jason Bateman. 2 h 07 min. Drame et thriller.

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FILMOGRAPHIE

Œuvres Mineures The Power of the press (1928) Film de Frank Capra avec Douglas Fairbanks Jr., Jobyna Ralston, Mildred Harris. 1 h 02 min.

Picture Snatcher (1933) (Un danger public) Film de Lloyd Bacon avec James Cagney, Ralph Bellamy, Patricia Ellis. 1 h 17 min. Action et policier.

Meet John Doe (1941) (L’Homme de la rue) Film de Frank Capra avec Gary Cooper, Barbara Stanwyck, Edward Arnold.2 h 15 min. Comédie, drame et romance.

Power Of The Press (1942) Film de Lew Landers avec Guy Kibbee, Lee Tracy, Gloria Dickson. 1 h 04 min. Drame.

Die verlorene Ehre der Katharina Blum (1975) L’Honneur perdu de Katharina Blum Film de Volker Schlöndorff et Margarethe Von Trotta avec Angela Winkler, Mario Adorf, Jürgen Prochnow. 1 h 45 min. 1975. Drame.

Salvador (1986) Film de Oliver Stone avec James Woods, James Belushi, Michael Murphy. 2 h 03 min. Drame, guerre et thriller.

Switching Channels (1988) (Scoop) Film de Ted Kotcheff avec Kathleen Turner, Burt Reynolds, Christopher Reeve. 1 h 45 min. Comédie et policier.

Good Night, and Good Luck (2005)

Lejournaltombeàcinqheures(1942)

Film de George Clooney avec David Strathairn, George Clooney, Downey, Robert, Jr. 1 h 33 min. Drame historique.

Film de Georges Lacombe avec Pierre Fresnay, Pierre Renoir, Marie Déa. 1 h 38 min.

Frost/Nixon (2007) (Frost / Nixon, l’heure de vérité)

The Passenger (1975) (Profession : Reporter)

Film de Ron Howard avec Frank Langella, Michael Sheen, Sam Rockwell 2 h 02 min. Drame et historique.

Film de Michelangelo Antonioni avec Jack Nicholson, Maria Schneider, Jenny Runacre. 2 h 06 min. Drame et thriller. 69


Zodiac (2007) Film de David Fincher avec Jake Gyllenhaal, Mark Ruffalo, Robert Downey Jr. 2 h 37 min. Sortie : 17 mai 2007. Policier, drame et mystère.

The Fifth Estate (2013) (Le Cinquième Pouvoir) Film de Bill Condon avec Benedict Cumberbatch, Daniel Brühl, Anthony Mackie. 2 h 08 min. Biopic, drame et thriller.

Nightcrawler (2014) (Night Call ) Film de Dan Gilroy avec Jake Gyllenhaal, Rene Russo, Riz Ahmed. 1 h 57 min. Policier et drame.

The Interview (2015) (L’Interview qui tue ! ) Film de Evan Goldberg et Seth Rogen avec James Franco, Seth Rogen, Lizzy Caplan. 1 h 52 min. Action et comédie.

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Séries The Newsroom (2012) Série d’Aaron Sorkin Drame. 3 saisons. HBO

The West Wing (1999) (À la Maison Blanche) Série d’Aaron Sorkin Drame. 7 saisons. NBC


B I B L I O G R A P H I E Livres

• Print the Legend, Cinéma et journalisme,

Ouvrage Collectif, dirigé par Giorgio Gosetti et Jean-Michel Frodon Les Cahiers du Cinéma, 2004. [Fr]

• Journalism in the Movies, History of Communication, Matthew C. Ehrlich, Urbana: University of Illinois Press, c2004. [Eng]

• Hollywood Genres: Formulas, Filmmaking, and The Studio System, Thomas Schatz, McGraw Hill Higher Education, 1981. [Eng]

• Journalisme au Cinéma, Sonia Dayan-Herzbrun, Editions Du Seuil, 2010. [Fr]

Article

• Facts, truth, and bad journalists in the movies, Matthew C. Ehrlich, Journalism, Vol. 7, No. 4, 501-519, 2006. [Eng]

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for Litzy


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