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Traversée Duale
from Traversée Duale
Quartier des Trévois
Le quartier des Trévois à Troyes est un quartier situé au Sud-Est du centre troyen, de par son histoire et son implantation il a représenté pendant de nombreuses années le poumon économique de la ville.
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Dès le XIIe siècle et jusqu’au XXe ce quartier se démarque grâce à la présence de l’eau. En effet au Moyen-Âge il était déjà traversé par la Seine, la rivière Notre-Dame et le canal du Trévois. Le quartier est donc très largement irrigué, ce qui a permis d’installer 10 moulins à l’amont de la cité au cours du XIIe et XIIIe siècle.
Le quartier des Trévois , à l’image d’autres quartiers similaires comme Croncels et Chartreux, vivait plutôt comme un bourg détaché de la ville et a même changé plusieurs fois de municipalité dans son histoire, ce qui n’a pas empêché ses habitants de développer une identité forte grâce à sa population de jardiniers, vignerons et ouvriers des moulins.
Etant donné que l’eau constituait alors l’essentiel de la force motrice à cette époque, on voit quel rôle pouvait avoir ce quartier sur le plan de l’économie.
Au fil des siècles les moulins des Trévois servent au foulage des draps, de meunerie, de filature et de papeterie puis l’importance économique du quartier va connaître un nouvel essor avec le développement des bonneteries locales et des teintureries en plus des grandes industries céréalières.
L’activité maintient son cap jusqu’au XXe siècle lorsque suite à différentes crises industrielles certains secteurs s’écroulent intégralement en très peu de temps, notamment à cause de l’entrée en concurrence avec les grandes firmes américaines et le rachat par des grands groupes européens.
Photographie aérienne de contexte
Dans le quartier des Trévois trônent toujours quelques vestiges de l’épopée industrielle qu’à connu la ville, les moulins du Moyen-Âge ont tous été remplacés ou reconstruits, ceux du XVIIIe et XIXe siècles sont souvent détruits mais le moulin de la Rave et le moulin Notre-Dame attendent toujours de connaître leur sort.
Ils se trouvent désormais intégrés au Parc des Moulins, parc urbain naturel créé en 2011 sur la friche que formaient les jardins bourgeois abandonnés en même temps que les usines.
Paysage naturel
Le site que nous étudions fait donc partie intégrante d’un parc public de 20 hectares dont la gestion se veut respectueuse de la nature, le Parc des Moulins est labellisé éco-jardin en 2013. En constante évolution le parc se développe sans cesse et permet aujourd’hui un parcours aux paysages variés, des promenades en sous-bois le long de la Seine à des chemins traversants des clairières en passant par les nombreuses aires de jeux, le plus grand parc de la ville joue son rôle et attire quotidiennement de nombreuses personnes.
Paysage bâti
Au sein même de ces paysages naturels variés apparaissent les vestiges de l’ère industrielle qu’à connue le quartier, on distingue facilement la maison bourgeoise (construite en 1842) qui se dresse fièrement face aux deux moulins (reconstruits respectivement en 1848 et 1867).
Historique
La frise chronologique retrace la vie des moulins depuis leurs origines au XIIe siècle et celle du parc créé à partir de 2011, on comprend alors les grandes périodes d’activités et la succession d’évènements menants à la situation actuelle.
Les premières traces historiques des moulins remontent aux XIIe et XIIIe siècles lorsqu’ils appartenaient à l’Eglise. Les deux moulins servent différents groupes religieux liés à l’Eglise mais fonctionnent séparément
Les moulins sont transformés en filatures
Premier incendie, reconstruction en bois Second incendie, reconstruction en brique
Unification des deux moulins dans l’industrie de farine «Henry»
Succession de multiples propriétaires et dirigeants des moulins et du domaine bourgeois
Remplacement du bois des façades par la pierre et la brique
Seconde crise industrielle à Troyes
Retour quasi-exclusif à l’industrie céréalière
Création du parc public sur la friche des anciens jardins privés
Parc des Moulins
1er PC
2e PC
Première crise industrielle à Troyes
Décès du propriétaire sans héritier, le domaine est abandonné
La ville achète le domaine 1 million d’euros
Abandon complet et définitif du site par la société Copaline et premier appel d’offre pour réinvestir les moulins
La ville vend aux promoteurs les moulins (3 ha) pour 650 000 euros
Début des démolitions
Meunerie Henry
Sur cette affiche publicitaire du début du XXe siècle on voit les deux moulins pour la première fois unifiés, autant physiquement que de par leur activité, au sein de l’industrie de meunerie Henry. Cette unification marque le début de la période la plus prospère pour nos deux moulins qui deviendront une des meuneries les plus importantes de la région.
On remarquera qu’aujourd’hui seuls les deux moulins et la maison bourgeoise sont toujours existants, la partie centrale liant les deux moulins ainsi que toutes les constructions annexes ont été détruites pour différentes raisons.
Moulin Notre-Dame et moulin de la Rave
Pendant de nombreuses années après la cessation de l’activité industrielle les deux moulins restent globalement en état de ruine, les baies sont manquantes ou comblées, la végétation prend le dessus sur les façades et la Seine reste cependant maîtrisée par les digues en amont. Si l’activité sur place prend fin en 2012 les moulins, la maison bourgeoise et les constructions annexes sont en réalité délaissés depuis beaucoup plus longtemps étant donné les dégâts et dégradations actuelles (durant les dernières années d’occupation par la société céréalière seuls quelques bureaux continuaient leur activité tandis que la majeure partie des installations étaient déjà abandonnées).
Moulin Notre-Dame et moulin de la Rave
Sur les plans existants on distingue la structure qui est toujours présente malgré un mauvais état, on remarque aussi les différents planchers et cloisonnements qui témoignent de plusieurs phases de travaux et de reconstructions. On observe également que sur les cinq turbines d’origine seulement deux sont toujours en place.
Turbines
Les parties émergentes des deux turbines restantes sont toujours en assez bon état et leur structure propre composée de murets de pierres, de poteaux de bois et de métal est toujours apparente. Les parties immergées ne sont cependant plus en place depuis plusieurs années.
Les niveaux supérieurs sont quant à eux beaucoup moins bien conservés à cause des problèmes d’isolation, d’étanchéité et de dégradations, certains éléments de structure, de planchers ou de façades sont parfois même manquants.
Arrivée des promoteurs
En 2016 la friche industrielle est vendue à un groupement de deux promoteurs immobiliers, dès lors la situation se débloque, des permis de construire et permis modificatifs sont déposés pour la réhabilitation des moulins en logements et la construction d’un ehpad pour un total de 165 logements.
Plans de promoteurs
Les 3 hectares privatisés prennent place sur une partie de l’île entre la Seine et la rivière Notre-Dame et sur une partie de la rive Ouest (côté parc). Le projet comporte alors le seul accès qui traverse les deux cours d’eau entre la ville à l’Est et le parc à l’Ouest.
Dans les plans des promoteurs on aperçoit plus précisément la découpe de la parcelle ainsi que les différents types de logements qui sont principalement des T1 pour la résidence neuve et des T1 au T4 pour les logements en accession dans les moulins.
Dès 2022 les travaux de démolitions débutent alors même que le prochain permis modificatif est en cours, des barrières de chantier sont installées, les bâtiments d’entrepôts et de bureaux sont démolis et la friche industrielle s’isole désormais du parc.
Contre projet
Nous avons alors décidé de nous positionner en contre projet pour étudier d’autres façons de réhabiliter cette friche. Nous reprenons le programme des promoteurs qui subit ensuite différentes transformations. Le type de programme reste le même, du logement, nous faisons simplement varier les typologies en élargissant la cible, quand une partie des logements étaient destinés à une catégorie de personnes bien précise (personnes âgées) nous décidons d’ouvrir nos typologies à tous et nous introduisons une nouvelle partie publique dédiée au parc et à ses visiteurs.
La carte ci-jointe représente un plan du parc dans son contexte, on remarque que les nouveaux logements prennent place intégralement dans une suite d’objets architecturaux hétérogènes posés dans la continuité des moulins et qui deviennent ainsi le seul point de passage pour traverser la Seine et la rivière Notre-Dame en effectuant la transition de la ville au parc.
Plan Rez-de-chaussée
L’ensemble bâti rattache la ville au parc en passant par notre bâtiment pont dont le rez-de-chaussée agit comme une double interface publique et privée. Une bande au centre est destinée à accueillir les noyaux de circulation, qui desservent les logements, et certaines activités tandis que les façades sont laisées libres à la circulation dans la continuité des promenades du parc avec des segments plus intenses et d’autres plus calmes.
Les rez-de-chaussée lors de la transition de la ville au parc proposent une succession d’expériences, la première consacrée à l’histoire du lieu avec comme témoin une des anciennes turbines, ensuite les deux parties centrales des moulins sont plus calmes et proposent un temps de contemplation, sous les arcades au dessus de l’eau.
Le bâtiment le plus haut se surélève pour laisser libre la circulation jusqu’au Nord de l’île, ce qui donne la possibilité d’accéder aux quais au Nord des constructions et ainsi de s’intégrer dans le parcours de canoë allant de Troyes à Payns. La surélévation grâce aux pilotis permet également de libérer un nouvel espace au sol propice à d’autres activités parfois denses mais temporaires comme l’installation du marché hebdomadaire par exemple. Le dernier moment proposé, plus dense, prend la forme d’un bar ouvert sur son environnement naturel, et tout comme le parc le fait entre les promenades et les aires de jeux, il vient instaurer un moment de vie plus attractif qui fonctionne indéniablement grâce au contraste qu’il crée avec son contexte plus calme.
Plan étage courant
A l’étage supérieur on retrouve les différentes typologies d’habitats, traversants ou non, tournants, mono, double ou triple orientés et colocations. Chacun dispose de ses propres qualités et met en avant une certaine façon d’habiter à la fois dans l’existant mais aussi dans du neuf.
Ce plan met en valeur la collection d’objets architecturaux tous différents, certains existants, d’autres neufs, certains plus hauts, plus larges, avec plus ou moins d’ouvertures... Une fois regroupés, ils présentent chacun leurs caractéristiques propres qui viennent qualifier les logements.
Plan étages panoramiques
Les deux plus hautes structures sont des colocations qui ne s’adressent pas seulement à des personnes seules, en effet elles mettent à disposition des petits appartements de deux chambres ou studios qui peuvent fonctionner en autonomie tout en bénéficiant de vastes espaces partagés supplémentaires tels qu’une grande cuisine, un salon et une terrasse.
Ces structures neuves sont réalisées en CLT (Cross Laminated Timber) de trame 3.90m qui permet d’accueillir tous les programmes d’un logement tout en profitant d’un système constructif efficace, écologique et économique sur de nombreux points. Une percée sur toute la hauteur de la construction permet d’amener la lumière naturelle directe même dans la partie centrale la plus éloignée des façades et de bénéficier ainsi de plus nombreux espaces traversants. Cela crée aussi un puit de lumière qui vient éclairer la place centrale au rez-de-chaussée.
Plan Masse
La construction la plus haute culmine à 40m de hauteur, ce qui permet de nous intégrer au paysage troyen en s’alignant sur les hauteurs des plus grandes tours du quartier et de la ville. Cela nous permet de jouer sur les typologies de logements en ajoutant des paramètres, elles ont toutes des tailles, des formes, des ouvertures, des orientations et des hauteurs différentes ce qui ajoute une fois de plus des qualités variées à chaque logement.
La collection des huit objets architecturaux variés se lit également en plus masse qui dévoile volumétriquement les emprises et hauteurs de chaque typologie.
Coupe paysagère
Encore une fois on lit la collection d’objets dont deux ressortent de par leur taille et composition de façade. Ce sont les éléments neufs qui complètent cette collection et qui s’intègrent dans le linéaire déjà formé historiquement. Si dans leur implantation ils se démarquent obligatoirement des entités existantes ils reprennent en façade le même lexique architectural ou tentent du moins de s’en rapprocher.
En effet les toitures sont à deux pans comme des toitures classiques, les pilotis sont en arcades pour faire face aux grandes baies existantes, les revêtements sont imaginés en bardage de terre cuite qui se rapprochent de ceux des moulins avec toutefois une composition plus moderne. Si certaines similitudes sont recherchées l’imitation n’est pas de mise car cela nous permet des ruptures de styles avec par exemple l’ouverture de grandes baies vitrées au Sud, la création de loggias ou la pose de fenêtres de tailles et formes variées en fonction des programmes qu’elles servent.
Série de collages
Les collages proposent une série d’images qui se focalisent chacune sur des éléments précis du projet et retranscrivent les ambiances imaginées dans l’ensemble au sens large comprenant le parc, la Seine, les rez-de-chaussée publics et les différentes typologies de logements.