ENTRE ARCHITECTURE & PAYSAGE Etudiant : Valentin Sambardy / Directeur d’étude : Lambert Dousson / S6-L3
Sommaire Introduction : 1 à 6 I-Une intégration paysagère : a-L’échelle(s) b-La matérialité c-Le rapport au sol
7 à 12 13 à 18 19 à 22
II-Nature urbaine : a-Une demande social b-Vers la (ré)introduction d’une nature urbaine c-Une biodiversité dans la ville
23 à 26 28 à 39 40 à 45
Conclusion :
46 à 49
Bibliographie :
52 à 53
Curriculum Vitae :
54 à 55
Photographies de la sĂŠrie Island II par Peter Zeglis. Source Mikelorozko.com
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Introduction Avant toute chose, l’architecture modifie, façonne, constitue, dégrade, met en valeur le paysage. La notion de paysage est quelque chose de très important dans la conception de l’architecture et la ville. Quelle que soit l’architecture produite, un nouveau paysage prendra forme grâce à elle. Le paysage est une richesse et l’architecte ne peut se permettre de le dégrader. Même si l’on peut parler de paysage, il est néamoins difficile à définir concrètement. Plusieurs définitions se sont succédées sans jamais vraiment prendre sens. Tout d’abord il y a eu Furetière, en 1690, qui définit le paysage comme étant l’aspect d’un pays, le territoire qui s’étend, jusqu’où la vue peut porter. Les bois, les collines et les rivières sont les beaux paysages. Ensuite il y a eu Littré qui définissait le paysage comme « Etendue du paysage que l’on voit d’un seul aspect. Un paysage dont on aura vu toutes les parties l’une après l’autre n’a pourtant pas été vu ; il faut qu’il le soit d’un lieu assez élevé, où tous les objets auparavant dispersés se rassemblent sous un seul coup d’œil ». Pour ma part, je retiens la « définition » que Jean Robert Pitte à donné dans son livre, Histoire du paysage français, Fayard, 1983. «Le paysage est donc la pellicule de la réalité géographique, la partie émergée de l’iceberg. L’organisation de l’espace s’imprime à la surface de la terre comme sur un papier photographique. 2
C’est autrement dit, ce qui est perceptible par les sens et pas seulement la vue, qui garde toutefois une place prééminente. L’ouïe et l’odorat permettent d’appréhender les paysages et même pourquoi pas ? le goût. (...) Exprimant les besoins matériels des hommes au travers de leurs techniques plus ou moins efficaces à transformer la nature, le paysage reflète aussi leur culture (au sens d’instruction, savoir, et au sens d’imagination), c’est à dire faculté de se représenter un objet par l’esprit. Le paysage est un signe plein de tous les besoins humains : se nourrir, consommer d’autres biens et services, posséder et exprimer une certaine conception de la justice sociale, se défendre, se réunir, s’associer, communier à certaines valeurs cosmologiques ou religieuses. (...) Le paysage est une réalité culturelle car il est non seulement le résultat du labeur humain, mais aussi objet d’observation, voire de consommation. La culture joue ici le rôle d’un filtre variable d’un individu à l’autre, d’un groupe social à l’autre.» Depuis que je m’intéresse à l’architecture, je me suis de suite tourné vers des architectes qui prônent le respect du paysage dans lequel nous vivons. L’architecte qui m’a le plus marqué est Frank Lloyd Wright. Monsieur Wright est un amoureux de la nature et dans tous ses projets, il essaie de trouver un équilibre entre son architecture et le paysage. Pour lui (citation ci-dessus), 3
l’architecture ne peut s’affirmer au dépend du paysage. Tous deux doivent ne faire qu’un pour “vivre ensemble chacun plus heureux pour l’autre”. C’est cette cohésion entre architecture et paysage que je cherche à trouver dans l’ensemble des projets dont j’ai traité depuis ces trois années en école d’architecture. Cette recherche s’effectue avec un traitement particulier sur l’échelle du projet par rapport à son environnement proche et lointain, un traitement sur la matérialité, sur le rapport au sol. Il y a par ailleurs un photographe, autodidacte, du nom de Peter Zéglis qui fait un travail sur les relations ; les relations entre ce que crée l’Homme et son environnement naturel. Sa série Island II, issue d’un voyage en Islande, alterne paysages à l’état brut et interventions humaines. Ses photographies sont très marquantes et montrent à quel point la relation entre architecture et paysage est très importante. De plus, la question de la réintégration d’un paysage naturel dans la ville m’intéresse particulièrement. La question de savoir comment l’architecture permet la réintégration de la nature en ville apparaît cruciale en ce XXIe siècle. L’architecte contemporain qui introduit cette question dans chacun de ses projets, et pour lequel je suis admiratif, est Édouard François. 4
Édouard François est un architecte Français diplômé de l’école nationale supérieur des beaux-arts de Paris et de l’école nationale supérieure des ponts et chaussées. Il exerce le métier d’architecte depuis 1986. Il a notamment réalisé « l’immeuble qui pousse » à Montpellier en 2000 et la Tower Flower à Paris en 2004. Édouard François a la capacité de concevoir ses projets autour d’une conviction qui est celle de la réintroduction de la nature et d’un paysage végétal dans la ville. Aujourd’hui, à l’heure du “développement durable” et de la question cruciale de l’écologie, le fait de réintroduire un paysage végétal dans la ville contribue à réintroduire une biodiversité dans celle-ci et à attirer les gens en manque de “campagne” dans les villes, pour stopper l’étalement urbain qui perdure depuis une vingtaine d’année.
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Photographie de la maison de la cascade par Frank Lloyd Wright. Source Pinterest.com
I-Une intégration paysagère a-L’échelle(s) Avant toute chose, la relation entre architecture et paysage commence par la notion de l’échelle. L’échelle du projet par rapport à son environnement qu’il soit proche ou lointain. Cette dernière commence à être définie bien avant l’intervention de l’architecte : elle commence lors de la création du programme. L’échelle est un élément fondateur du rapport entre architecture et paysage. Si l’architecte ne prend pas en compte cette relation, en aucun cas le projet ne pourra être ancré dans son environnement. Nous pouvons alors qualifier l’architecture d’objet hors contexte. Frank Lloyd Wright, pour qui la relation entre architecture et paysage est une question cruciale, aborde tous ses projets avec comme vecteur principale la question de l’intégration dans le paysage. Cette intégration commence par l’organisation volumétrique du projet dans l’espace de son environnement. Prenons l’exemple de la maison de la cascade, réalisée en 1935. Cette maison a été construite dans un environnement très fort. Elle se situe entre une rivière et une forêt. Le parti pris de l’architecte était d’intégrer l’architecture à son environnement pour ne pas “polluer” le paysage existant. 8
Photographie de la maison de la cascade par Frank Lloyd Wright. Source Pinterest.com
Cette intégration se fait par le biais d’une décomposition spatiale de la volumétrie pour en “réduire” l’échelle. Wright a étalé le plan du projet en créant des renfoncements pour que du point de vue de l’homme, nous ne distinguions qu’une partie du projet à la fois. Cette organisation spatiale du plan donne donc l’impression que l’échelle du projet est plus petite et s’intègre donc mieux au paysage. En plus de cette composition spatiale pensée pour intégrer l’architecture dans la paysage, Frank Lloyd Wright a également traité les détails de façon à aller jusqu’au bout de sa pensée naturaliste. Comme le montrent les photos ci-contre, il vient ancrer les fondations de la terrasse sur la roche déjà existante sur le terrain. Il vient modeler les poutres en béton de telle façon qu’elles évitent les arbres existants sur le terrain. La maison est littéralement « posée » sur le rocher, ce même rocher où les Kaufmann avaient pour habitude de pique-niquer. Les préceptes de la maison organique imaginés par Wright sont ici réunis : une maison dans la nature et ses occupants en harmonie avec celle-ci. Au point d’installer la maison sur la cascade. En parallèle, depuis mon premier studio, en S1 avec David Hamerman et Maxime Rouaud, jusqu’à maintenant, en S6 avec Gilles Cusy, j’introduis à chaque fois la question du paysage dans chacun de mes projets. 10
Photographie de la maison de la cascade par Frank Lloyd Wright. Source Pinterest.com
Photographie de ma maquette du projet de S1.
Comme sur la photo de maquette ci-contre, réalisée en S1 avec comme thème « habiter un lieu », j’ai essayé de mettre en place cette décomposition spatiale de la volumétrie pour permettre d’intégrer le projet au mieux à son environnement. Le terrain a un fort caractère de par sa topographie accentuée, sa végétation et ses murs de soutènement qui viennent stratifier la pente. Le fait de décomposer spatialement la volumétrie permet une division de l’échelle du projet et une meilleure intégration dans la topographie naturelle du terrain. De plus, cette organisation spatiale a été pensée pour ne toucher aucun arbre existant sur le terrain.
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Photographie de la”Villa Isabella” de l’agence Brasil arquitetura. Source Archdaily
Photographie de la”Villa Isabella” de l’agence Brasil arquitetura. Source Archdaily
I-Une intégration paysagère b-La matérialité La matérialité est le second vecteur de l’intégration de l’architecture dans un paysage. Aujourd’hui, la matérialité est bien trop souvent, ni plus ni moins un choix par défaut. Un choix par défaut lié au coût de fabrication, à la simplicité de la structure, à la productivité. Or, la matérialité joue un rôle majeur dans l’intégration de l’architecture dans un paysage. La matérialité doit, au même titre que le projet lui-même, être pensée dans une contextualité, dans son environnement. La question de la matérialité arrive presque au même moment que la conception du projet lui-même. Je vais étayer mon propos en présentant un projet de maison réalisé par l’agence Brasil arquitetura dans la forêt de la ville d’Hanko, en Finlande. Cette maison, “la villa Isabella”, s’inscrit dans un paysage naturel au beau milieu d’une forêt de sapins. Entre mer et ville, cette forêt est riche de par son paysage et sa biodiversité. Les architectes ont décidé d’utiliser deux matériaux qui sont le bois et la pierre. Deux matériaux naturels qui vivent et se transforment au fil des saisons. Effectivement, le fait d’utiliser des matériaux dits “naturels” comme le bois et la pierre permet à l’édifice “d’imiter” la forêt et de s’intégrer plus facilement dans le paysage. La maison va en conséquence suivre le train de vie de la forêt. 14
Croquis exécuté sur le site du projet représentant l’idéal de la cabane.
Petit, je construisais des cabanes dans les forêts autour de chez moi. Des cabanes avec des matériaux trouvés sur place, qui sont du bois, de la pierre et des clous pour fixer le tout. Sans culture constructive, ni même architecturale, nous construisions en prenant compte des contraintes du milieu dans lequel nous nous trouvions et des matériaux disponibles sur place. Tout cela en s’inscrivant dans le paysage naturel qui nous entourait. Nous arrivions à trouver un équilibre entre notre cabane et le paysage pour que tous deux ne fassent qu’un pour “vivre ensemble chacun plus heureux pour l’autre”. Ce rapport que j’avais avec la nature petit, en construisant des cabanes, je m’efforce de le garder et de l’introduire dans mes projets actuels. En S6, nous traitons la question des logements collectifs. Le terrain, de 4000m2 environ, se situe près du bois de Montmaure à Montpellier. Il se trouve dans une limite que nous pouvons qualifier de “ville et campagne” de par sa végétation abondante, sa densité plus faible par rapport au centre de Montpellier et la typologie de logements présente, (essentiellement des maisons avec de grands terrains) tout en étant sur la commune de Montpellier. Une grosse partie du terrain est actuellement une pinède classée où il est interdit de construire. Avant même de penser l’architecture, j’ai fait une analyse dite “sensible” qui consistait à relever des mots qui retranscrivent l’aspect, l’environnement, le milieu dans lequel je me trouvais. 16
De cette analyse en sont sortis les mots suivants : Pinède, pins penchés, roche, odeur de la nature, bruit des oiseaux, bruissement de feuilles, stratification, mur de soutènement. C’est à partir de cette analyse que le projet a pu prendre forme. L’analyse m’a permis de comprendre le milieu, l’environnement dans lequel je me trouvais. Mon parti pris était à ce moment-là, l’idée de la cabane, la cabane construite avec le bois présent sur place. Cette dernière répondait au mieux au contexte, au paysage, au milieu dans lequel le projet s’implantait. Le bois permet d’inscrire le projet dans la même temporalité que son milieu. Lorsqu’il pleuvra, la façade changera d’aspect de même manière que le tronc des pins en arrière-plan. Au fil des saisons, la façade vieillit au même rythme que son environnement.
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Photographie du projet “making a nest” des architectes JENSEN&SKODVIN. Source freshome.com
I-Une intégration paysagère c-Le rapport au sol
Le rapport au sol est également un vecteur primordial dans le rapport qu’entretient l’architecture avec le paysage. La question du rapport au sol n’est pas quelque chose de banal, ou sans importance pour beaucoup d’architectes. Avant le mouvement moderne, les architectes construisaient sur le sol, avec des fondations et des murs en pierre qui ancrent l’édifice dans son environnement et au sol en lui conférant un aspect imposant. Or, avec l’arrivée de Le Corbusier, et le mouvement moderne en architecture, les architectes ont voulu libérer le sol des constructions pour construire en hauteur. Pour cela, Le Corbusier a utilisé le principe du pilotis (qui était employé depuis bien longtemps avant mais pour des contraintes plutôt climatiques). Le pilotis permet de libérer l’espace au sol, préserver le terrain naturel et s’inscrire dans n’importe quelle topographie. La question du rapport au sol est avant tout liée au contexte dans lequel nous nous trouvons. Je pense que le projet des architectes Jensen & Skodvin intitulé “making a nest” (faire son nid) dans la vallée classée de Gudbrandsjuvet, dans le Nord-Ouest de la Norvège illustre bien mon propos. 20
Photographie du projet “making a nest” des architectes JENSEN&SKODVIN. Source freshome.com
Dans cette région, construire y est presque impossible. Le projet du Juvet Lanscape Hotel (Hôtel paysager), s’y déploie pourtant depuis 2009. Un Hôtel de 28 chambres dispersées dans le paysage naturel de la vallée, comme autant de petites maisons. Pour ce projet, pas de béton. Il est interdit de stériliser le sol. Les architectes ont alors conçu de petits “cubes” en bois (structure légère) qui reposent sur des tiges d’acier enfoncées dans la roche du terrain naturel, préservant ainsi l’intégrité de la végétation du sol. Dans ce cas, les architectes ont préféré l’utilisation du pilotis sous contrainte environnementale. Le terrain étant protégé, ils se sont vus obligés d’utiliser la technique du pilotis pour préserver le terrain naturel.
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II-Nature urbaine a-Une demande sociale
Même si nous pouvons parler de demande sociale, elle n’est pas encore bien définie, ni impartiale auprès de toute la population urbaine. Aujourd’hui certains diront que le besoin de nature en ville n’est qu’une tendance « à la mode » suite à la prise de conscience collective du problème écologique. Or, il est impossible de dater cette attirance. Toutefois, nous pouvons constater que cette attirance est surtout une fuite de la ville vécue comme trop polluée, trop dense, trop bruyante. Nous pouvons constater une expansion de cette « fuite urbaine » au cours du XIXème siècle lorsque l’espace urbain est aussi devenu le lieu du développement industriel. Paradoxalement, c’est à cette même époque que les parcs urbains ont fait leur apparition. A cette époque, l’homme fuit la ville à cause de son manque de nature, alors que celleci commence à apparaître sous forme de parcs, d’avenues plantées et d’autres squares.
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Avec cette « fuite urbaine », apparaît alors l’étalement urbain. Il fût accentué par de nombreux promoteurs immobiliers véhiculant une image de campagne idéalisée. L’image d’une promesse de bien-être, de nature. C’est alors qu’un engouement particulier pour la campagne envahit les citadins, et les pousse à acheter du terrain en proximité de grandes villes pour y construire leurs maisons individuelles. Or, aujourd’hui, la définition de la « campagne », ou le fait de véhiculer une image de bien-être, de respiration, de nature s’avère de plus en plus erroné. Avec cet engouement, nous pouvons observer un étalement urbain, une banalisation de l’espace et du paysage.
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Photographie d’un balcon fleuri Parisien. Source pariscotejardin.frfreshome.com
II-Nature urbaine b-Vers la (ré)introduction d’une nature urbaine A l’heure du « développement durable » et de la question cruciale de l’écologie, l’étalement urbain ne peut persister. Or, de nos jours, pour de nouveau attirer les gens en ville, les architectes et urbanistes doivent prendre en compte l’attrait des citadins pour la nature. Simplement désirée ou revendiquée ouvertement comme composante essentielle de leur espace, la nature doit tout d’abord correspondre à l’image que s’en font les citadins. Après constatation, les parcs, squares ou autres avenues plantées, ne suffisent pas à l’envie grandissante de nature urbaine. Dans un premier temps, les citadins vont essayer d’introduire eux même cette nature urbaine dans la ville par le biais de leurs balcons. J’étaye mon propos en m’appuyant sur un article écrit par Yves Luginbühl qui se nomme “un monde au balcon, la nature dans le quartiers”. « Planter son balcon constitue donc une activité qui occupe les Parisiens, qui, dès les premiers moments ensoleillés du printemps consacrent une partie de leurs loisirs à acheter des plantes, des jardinières et fleurir l’espace disponible devant la fenêtre de l’appartement. » 28
Dans cette phrase, Yves Luginbühl met en avant la dimension technique qui réside dans l’implantation de nature dans le quartier. La technique ayant connu une grande évolution, elle rend accessible ce qui a bien longtemps été réservé à une minorité d’individus de la société. L’histoire de la technique est une manière de comprendre l’évolution de l’introduction de la nature en ville. En effet, en se penchant sur l’histoire et la place qu’a eu la végétation dans la société, on fait rapidement le constat que cette dernière était associée aux classes sociales les plus aisées. Par exemple, au XIXe siècle et sous le Second Empire en France, l’introduction des plantes ornementales dans l’espace privé s’est beaucoup développée. La haute bourgeoisie exhibait ainsi son savoir dans les diverses plantes, proches ou lointaines, marquant ainsi son avance dans la connaissance du monde naturel. L’auteur précise qu’il faut surtout attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour que le développement de l’horticulture accompagne une nouvelle pratique d’introduction des plantes en villes et en particulier à Paris. Il pense notamment à l’énorme recomposition urbaine de Paris engagée par Haussmann. Lors de son intervention, le Baron a décidé d’implanter plusieurs parcs dans Paris pendant l’essor de l’hygiénisme, et fait en sorte que chaque habitant soit au maximum à cinq minutes à pied d’un parc, 29
où qu’il se situe dans la ville. On comprend ainsi qu’une nouvelle place est offerte à la nature dans l’espace urbain. A travers cette composition spatiale le paysage de la ville est grandement modifié. Dans les parcs urbains, l’introduction des massifs de fleurs annuelles ou vivaces est également le témoignage d’une invention qui est due à l’un des créateurs de plusieurs parcs parisiens Jean-Pierre Barillet-Deschamps. Il a entretenu un grand intérêt pour la production intensive de plantes vivaces et surtout annuelles, cherchant ainsi à alimenter le renouvellement des massifs fleuris dans les parcs urbains, de manière à assouvir le désir de consommation de nouveautés de la bourgeoisie. Il fait un parallèle entre la forme des grands magasins Parisien fréquentés par la bourgeoisie et les parcs urbains dans lesquels, cette même bourgeoisie venait consommer le spectacle des fleurs. «Dans la production de J.P. Barillet- Deschamps (Limido, 2003), apparaît un parallèle que l’on peut faire entre les formes inventées des grands magasins de Paris où la bourgeoisie vient consommer les produits de luxe et les parcs urbains dans lesquels cette même population vient également consommer le spectacle des fleurs ordonnées dans de luxueux massifs mis en valeur par la pelouse et le cadre majestueux de groupes d’arbres » Un monde au balcon , la nature dans le quartier.
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L’horticulture démocratisée, le fleurissement est ainsi devenu une pratique sociale désormais ancrée dans la vie urbaine. Aujourd’hui, la technique a permis l’accès à la nature à un large éventail de citadins de toutes classes sociales. Sans cette démocratisation par le biais de l’industrie, la nature n’aurait pas une place aussi grande dans la vie privée, mais aussi publique, de chacun. C’est en cela que les citadins, en manque de “campagne”, réussissent ensemble à changer le paysage urbain.
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Photographie de la tower flower réalisée par Edouard François. Source telerama.fr
En plus de l’initiative prise par les citadins pour changer le paysage urbain en fleurissant leurs balcons, les architectes et urbanistes doivent penser la ville et son architecture différemment. Pour stopper l’étalement urbain qui perdure depuis une vingtaine d’années, les architectes doivent prendre en compte l’attrait de la nature par les citadins. Après la création de parcs urbains, de squares et d’avenues plantées par le baron Haussemann, la modification du paysage urbain se fait désormais par le biais de l’architecture elle-même. Cette question est la priorité de l’architecte français Édouard François qui conçoit ses projets avec comme vecteur principal la nature urbaine et la modification de ce paysage qu’engendrerait cette nature. Le projet d’Édouard François la “Tower Flower” en est un exemple. Construite en 2004, dans la ZAC des Hauts Malesherbes, à Paris, dessinée par l’architecte et urbaniste français Christian de Portzamparc, la Tower Flower prend place au bord d’un parc végétalisé et s’en veut la continuité verticale. Avec ses pots de fleurs géants suspendus aux balcons, elle s’inspire des jardinières parisiennes qui sont parfois de véritables prouesses botaniques. La Tower Flower incarne l’image du désir de nature urbaine par les citadins. Elle est également l’une des premières initiatives d’intégration de la nature en ville par le biais de l’architecture. En plus de changer le paysage urbain de la rue et de créer une continuité verticale du parc, elle offre une vue aux habitations voisines sans doute moins déplaisante qu’un simple mur en béton. 34
Photographie de la high line Ă New York. Source Archdaily.com
Cette question de la mise en place d’une architecture végétale en milieu urbain pose la question de l’entretient et de la consommation d’eau utilisée pour son bon fonctionnement. Effectivement, l’eau est une ressource qu’il faut préserver. La « gaspiller » pour arroser un mur végétale ou une toiture végétale est une abération quand 11% de la population mondiale, soit 768 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable. C’est pour cela que je pense qu’il faut mettre en place tout un système d’irriguation qui récupère les eaux de pluies pour arroser la végétation présente. Le paysage urbain et la nature urbaine n’est pas qu’une question cruciale en Europe mais aussi aux Etats Unis, à New York notamment avec la High Line. Ce projet prend place sur une ancienne ligne de métro hors sol abandonnée parcourant la ville. Proche de la destruction, c’est alors qu’en 1999, deux riverains de la zone, Joshua David et Robert Hammond, mettent en place une association à but non lucratif “Les amis de la High Line” qui a pour but de sauver la structure dans un premier temps et de la réaffecter en équipement public de quartier. Il faut tout de même attendre 2004 avec le Maire de New York Michael Bloomberg pour trouver les financements et l’accord de la mairie.
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La rénovation de la High Line a été dessinée par les architectes Diller Scofidio+Renfro avec le designer de jardins Piet Oudolf et le paysagiste James Corner. «La volonté de l’équipe de conception était de préserver le caractère ‘sauvage’, depuis 20 ans, du site. Il fallut à cet égard imaginer un système d’irrigation dans la structure même d’une voie ferrée. Il nous a d’ailleurs fallu couper les rails de loin en loin. Les sutures sont en pavage en béton tandis que le bois fait office de matériau de finition», expliquent les concepteurs. La High Line permet au New Yorkais d’avoir un nouveau paysage sur leur ville en étant à 15 mètres au-dessus du sol, et crée un cordon végétalisé qui vient se greffer à la ville. Après Central Park, la High Line est le deuxième “poumon” de New York permettant aux citadins de bénéficier d’un parcours végétalisé et contrôlé dans la ville. Ce projet met en évidence la nécessité de régénérer les friches urbaines en créant des zones de végétations contrôlées pour changer le paysage urbain, et donner aux citadins des espaces de nature urbaine. Effectivement, les citadins, malgrés leur « amour » pour la campagne, la pluplart d’entre eux ne veulent pas de nature urbaine non contrôlée, une nature urbaine sauvage donc par définition : non accessible. Ils veulent à disposition une nature urbaine contrôlée et aménagée. Voilà pourquoi il est nécessaire de regénérer les friches urbaines. 37
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Image d’un immeuble de logement dessiné par Edouard François. Source Archdaily.com
Aujourd’hui, la question de la nature urbaine dépasse largement le simple fait de transformer le paysage urbain. Elle a un but écologique majeur car en proposant des projets de ce type aux citadins, les personnes qui ont fui la ville à cause de son paysage, de sa pollution et de son manque de nature, peuvent la réinvestir et, de ce fait, la redensifier pour stopper l’étalement urbain. Après la Tower Flower, Édouard François a un concept architectural qui est “l’ananas”. Son idée est de répondre à l’envie des citadins d’avoir un bout de jardin en ville, un jardin privé. Il propose alors de créer un immeuble de logements avec au-dessus des terrasses individuelles. Chaque terrasse individuelle correspond alors à un bout de jardin avec une cuisine d’été. Grâce à ce concept initié par Édouard François, les citadins peuvent bénéficier d’un bout de verdure privé au-dessus de leurs immeubles.
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Photographie d’une abeille. Source http-_lycee-metiers-beaumont.entmip.fr
II-Nature urbaine c-Une biodiversité dans la ville Quand on parle de nature urbaine, on ne peut omettre la biodiversité qu’engendre cette intégration de la nature dans la ville. Dans le livre de Yves Luginbühl, Un monde au balcon, la nature dans le quartier, l’auteur parle de la transformation du paysage urbain mais également de l’intégration d’une biodiversité qu’engendre la nature urbaine. La biodiversité en ville est essentielle pour le développement naturel du végétal. Effectivement, cette introduction du végétal en ville met en marche tout un engrenage ce qui favorise son développement. Yves Luginbühl parle alors d’un monde au balcon. Ce monde dont il parle, sont les espèces animales, entre autre les insectes, qui favorisent le développement du végétal dans la ville en venant butiner les plantes existantes. “La végétation introduite s’accompagne en outre d’un cortège d’espèces animales (insectes) qui favorisent cette même biodiversité (...).” Ce que constate ici Yves Luginbühl est le fait qu’en introduisant de la flore en milieu urbain via l’évolution de la technique, on y introduit aussi de la faune. 41
En effet, la végétation s’étant démocratisée, beaucoup plus de monde y a accès de nos jours qu’auparavant. C’est pourquoi, à travers l’essor des questions d’environnement dans les années 1970, la demande de nature a connu dans les villes européennes un développement considérable. Ainsi, le vaste choix de plantes accessibles à la société rend la ville plus accueillante pour certaines espèces animales comme les insectes par exemple qui viennent s’y loger. C’est un engrenage qui s’instaure, la mise en place de plantes en milieu urbain favorise l’apparition d’êtres vivants et ces derniers favorisent à leurs tours l’apparition de végétation qui au fur et à mesure se répandent en ville. Les balcons, où les populations urbaines laissent libre cours à leurs talents de jardiniers, permettent la reproduction d’un monde. Cet espace devient en effet le lieu de liberté où l’on introduit les plantes que l’on veut, qui lorsqu’elles survivent, sont généralement suivies par tout un panel d’insectes qui vivent avec. Il est constaté aussi que les caractéristiques d’un quartier sont des facteurs importants de ce phénomène et donc de biodiversité. Effectivement la largeur de la rue, son ensoleillement, son humidité et les divers composants qui interviennent dans la croissance des végétaux vont être déterminants quant aux insectes qui vont venir s’y installer. 42
Une espèce pourra alors pousser plus facilement dans certaines rues que dans d’autres, selon des critères qui lui sont propres. Ainsi, un processus s’installe, et c’est une biodiversité toujours plus riche qui voit le jour suivie par de nombreuses espèces animales pour lesquelles il en va de même et grâce auxquelles le phénomène se met en place. Le constat est que, grâce à la gestion écologique des parcs urbains de Paris, les spécialistes ont pu remarquer que certaines espèces qui avaient disparues de la Capitale, telle que les hiboux et les renards, commencent petit à petit à réinvestir celle-ci.
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Maquette de la tour M6B2. Source Edouardfrancois.fr
Edouard François traite lui aussi cette question de la réintroduction d’une biodiversité dans la Capitale. Dans son dernier projet, la tour M6B2, actuellement en construction, Edouard François traite la question de la hauteur dans Paris en venant y inscrire un immeuble de logements sociaux haut de 50 mètres. La construction en hauteur est pour lui une réponse écologique inévitable pour contrer l’étalement urbain. Végétalisée d’espèces sauvages issues des alentours de Paris, la tour devient alors semencière. Dans un premier temps, les vents viendront disperser les graines dans l’environnement proche de la tour. Ensuite, l’immeuble est conçu comme un énorme héliport au milieu de la Capitale pour les abeilles et autres insectes qui viendront butiner puis disperser les graines dans un rayon encore plus grand. Le but de cette tour est à moyen et long terme la régénération du végétale dans la Capitale Française par le biais de la biodiversité présente dans Paris. La question écologique perd tout son sens lorsque Edouard François utilise le Titane comme matériau de façade. Le titane qu’il utilise est vert. Cette teinte verte du titane est possible grâce à son oxydation sous décharges électriques sous vide à très haute température. Or ce procédé coûte extrémement cher et, les tests ont été produits au Japon. L’empreinte écologique de ce matériau de façade vient totalement décridibiliser sa pensée écologique. 45
Conclusion « No house should ever be on a hill or on anything. It should be of the hill. Belonging to it. Hill and house should live together each the happier for the other. » Frank Lloyd Wright. Je décide de conclure ce rapport d’étude sur l’architecture et le paysage avec cette citation de Frank Lloyd Wright car elle résume assez bien ma vision idéalisée de la place que doit prendre l’architecture dans notre monde. Lorsque l’on construit, que ce soit une maison individuelle, un immeuble de logement ou une mairie, notre édifice vient s’inscrire dans un environnement, un milieu, un paysage déjà existant. Cet ancrage dans l’environnement est un vecteur majeur dans ma pensée. Le premier livre d’architecture que j’ai pu lire était un livre retrançant tous les projets de Wright, de la collection Taschen. A cette époque, avant d’entrer en école d’architecture, j’ai de suite été stupéfait par le travail qu’il entreprenait sur la question du paysage dans lequel le projet prenait place. Comment il traitait la question des échelles pour une meilleure intégration, la question de la matérialité, la culture constructive, le rapport au sol. 46
Depuis la sédentarisation de l’être humain, construire n’est pas un acte anodin et dénué de sens. Construire est une nécessité pour l’homme. Nécessaire pour vivre, pour s’habriter, pour dormir, manger. Mais l’architecte ne doit pas s’arrêter seulement à cette idée la. L’architecture prend forme dans un milieu qui à ses contraintes géologiques, thermiques, paysagères, constructives. L’architecture générique mise en place avec l’arrivée du modernisme est tout le contraire de ma pensée architecturale. Construire c’est utiliser les ressources locales en employant par exemple des matériaux et des savoirs faires locaux. On ne construit pas de la même façon en Norvège qu’au Mali. Les contraintes sont différentes, le paysage n’est pas le même, le mode d’habitat change. La question des paysages m’interresse aussi beaucoup. Le paysage sonore, le paysage visuel, le paysage sensoriel. Comme indiqué dans la première partie, il y a les questions des échelles, de la matérialité et du rapport au sol qui jouent un rôle majeur dans l’intégration de l’architecture dans paysage. Mais je pense que c’est encore plus complexe que cela. 47
L’atmosphère d’un lieu, ce que j’appelle le paysage sensoriel, est d’une telle complexité qu’il faudrait une thèse pour vraiment répondre à cette question. Pourquoi, et comment l’architecture peut-elle créer des émotions ? Quels facteurs entrent en jeux ? La matérialité, la texture, l’odeur, le climat. Ce n’est pas en 3 années d’école d’architecture que je prétend être un maitre en la matière, mais j’espère, au fil de ma scolarité et de mon parcour professionnel, approfondir ces questions la. Que ce soit celle de l’architecture vernaculaire qui prend place dans un milieu avec sa culture constructive, ses savoirs faires, ses ressources, ses contraintes climatiques, et celle des paysages. Voilà pourquoi, j’ai l’ambition d’intégrer le domaine d’étude Architecture et Milieux à l’école d’architecture de Montpellier pour mon Master 1.
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Bibliographie •Yves Luginbühl, Un monde au balcon, la nature dans le quartier, projet d’article pour la revue «Paris Projet» •Architecture d’Aujourd’hui, N°402 Architecture scandinave, Septembre 2014 • Peter Zumthor, Atmosphère, Birkhäuser, 2008 •Roland Barthes, L’empire des signes, point, 2014 •Edouard François, La hauteur pour tous, collection, 2014 •Tim Waterman, Les fondamentaux de l’architecture paysage, Editions Pyramyd, 2010 •Maurice Sauzet, Entre dedans et dehors, L’architecture naturelle, MASSIN CHARLES, 1996 •Conférence d’Edouard François à pierre vives, Octobre 2014, http://dai.ly/x29d2mo •Interview Edouard François, 2013, https://youtu.be/ hJT2gin76Qk
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Curriculum vitae
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