L'inquiétante étrangeté - Mémoire Violaine Warchol

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L’inquiétante étrangeté Violaine Warchol





« L’art est de cacher l’art. »


Le plan Afin que vous puissiez comprendre ce à propos de quoi je parle, il me faut vous donner quelques explications. Il vous sera difficile de trouver quelques repères concrets dans ce mémoire car mon but est de vous donner la sensation d’avoir entre vos mains mes pensées les plus sincères sans que vous en saisissiez parfaitement le sens. Ces artistes m’ont amené à écrire des textes qui sont en réalité des souvenirs, des réflexions et des rêves que j’ai ici mis en scène et réinterprété. Cependant je n’ai pas toujours connu ces artistes, mais lors de notre rencontre, le rapport entre leurs productions et moi m’a paru évident. Ne cherchez alors pas de suite logique dans la construction de ce mémoire. Cependant pour clarifier encore un peu les choses, j’ai rangé mes artistes dans 3 catégories, qui sont les 3 caractéristiques les plus flagrantes de mes influences :


Dérangement (Chocs, malaise et incompréhension)

Profusion (Paradoxe, mélange, Associations et superpositions)

Evaporation (Onirisme, rêveries, et songes)


Mark Jenkins (1970, Fairfax aux Etats Unis). Son travail de street Artist consiste à reproduire des corps humains (réalisés en scotch) dans les rues afin de surprendre les passants et leurs habitudes.

Laura Makabresku (1987, Cracovie en Pologne). Artiste et Photographe qui travaille autour d’une atmosphère cruelle aussi bien dans l’intimité du quotidien que sur les contes de fées.

Julie de Waroquier (1989, Lyon). Photographe et professeur de philosophie, s’exerce sur le lien entre l’inconscient et la réalité le plus poétiquement possible, des rêves pour nous rappeler le monde. Loretta Lux (1969, Desde en Allemagne) réalise des portraits photographiques d’enfants surréalistes en déformant subtilement les proportions du visage créant ainsi le doute et le malaise. Gregory Crewdson (1962, New York) recrée des décors à la manière du cinéma afin de produire des photographies de haute qualité sur l’envers du rêve américain.

Irina Ionesco (1935, Paris). Photographe réputée pour ses clichés provoquant et à tendance érotique, condamnée en 2012 pour avoir fait poser sa fille nue alors qu’elle était encore mineur.


Annette Messager (1963, France) est une artiste plasticienne qui a un univers troublant, derrière son aspect enfantin se cache un monde plus sombre, elle est spécialiste dans ce genre de mélange.

Baptiste Debombourg (1978, France). Plasticien et Sculpteur, dit le «réparateur», il aime croiser les matériaux et les idées afin de créer des installations impressionnantes qui pourtant, semblent très simples.

Alison Scarpulla (1990, Etats Unis) est une photographe passé maître de la double exposition, des superpositions mi-rêve, mi-cauchemar, et un grain photo surprenant. Françoise Petrovitch (1964, France). Enseignante à Estienne, cette artiste dessine et mélange les idées, d’apparence simple, ses dessins défende fermement un propos. Daniel Egneus (1972, Suède) est illustrateur. Il mélange tout, les techniques, les plans dans son dessin, et fais parfois quelques associations étranges, le tout dans une douce tonalité poétique.

Brooke Shaden (1987, Etats Unis). Photographe et enseignante dans la composition d’image, c’est dans ses associations inattendues qu’elle crée de nouveaux mondes à l’ambiance singulière.


Pierre Soulages (1919, Rodez). Peintre et graveur, il est spécialisé dans l’abstraction. Il est notamment connu pour ses peintres noires, dans lesquelles il travaille le reflet, la texture et la surface, nous entrainant ailleurs. Laetitia Miéral (à Lyon), après avoir travaillé pour le théâtre en produisant des costumes, c’est en autodidacte qu’elle s’est lancé à créer son propre théâtre, des contes en papier. Cendrine Rovini (à Aurillac) Dessinatrice et Photographe, elle touche à toutes les techniques. Elle nous ballade d’univers en univers avec ses personnages sans identités, jamais de perspective ou de lieux, ils semblent voler.

Katy Horan (1980, Etats-Unis). Artiste qui joue sur les différentes couches de papier tout en racontant des histoires sur la mythologie, la femme, en s’inspirant du cinéma. Sonia MariaLuce Possentini (Cassona en Italie). Illustratrice et artiste, elle crée une ambiance particulière dans ses peintures, en apesanteur ou dans les nuages, c’est intemporel. Anne Angelshaug (s’exerce depuis 2009, Oslo). Illustratrice, c’est par son univers particulier dans ses teintes et ses déformations qu’elle s’est faîte repéré, et qui depuis gagne de nombreux prix.

Emilie Henry (1977, Nancy) C’est en découvrant l’art brute qu’elle se met au dessin, elle souhaite donner a son trait un caractère spontané, instinctif et personnel. Elle peint des scènes étranges sorties de sa pensée.




Je m’étais enfermée dans un placard, j’avais refermé les portes derrière moi prenant soin de laisser un trait fin de lumière entrer, parce qu’il fallait que je les voie. C’est quand on est dans le noir que tout prend forme. Saviez vous que les ombres parlent ? Croyez-moi, elles disent des choses, je ne devrais pas vous le dire. On ne dit pas ces choses là. C’est interdit. Mais faites attention, elles ressentent la peur, le cœur qui bat et les tremblements. Assurez-vous qu’elles ne se cachent pas dans les fissures des murs, dans les planches du parquet mal raccordées, sous les plis du tas de vêtement chiffonné au pied du lit. Méfiez-vous, elles vous guettent, et au moindre fléchissement…

Chut elles arrivent.


Laura Makabresku De ma fenêtre, une brume se dépliait sur les arbres, j’entendais les feuilles crier quand elles remuaient la terre. Je reconnaissais bien là l’effet du temps, emportant avec lui les visages d’une longue vie arrangée devant lesquels fleurissaient les futiles espoirs, ceux qu’on oublie la saison passée. Prudemment j’ai pris mon foulard et j’ai emprunté la porte. Le temps pesait lourd et frappait mes joues, mes pas se creusaient dans le sol. Par une chute ou par mégarde, j’ai fait une rencontre inattendue. Le soleil fougueux avait transpercé le brouillard et éclairé mes mains salies. Quelques plumes par ci par là, un peu de terre pour cacher tout ça. Le corps vidé d’un oiseau à la renverse qui trainait sur le côté provoquait mon regard. Dans mes doigts délicats je lui soufflais des murmures pour le réchauffer, peut être deviendraitil mon ami. Le texte ne fait pas parti de l’oeuvre.


Extrait d’une série sans titre qui a pour but de révéler le « coeur d’un garçon malade » - 2012

«Je n’ai rien en commun avec moi-même, je suis un poète et un hibou. Je suis la sensibilité et l’espace vide. Parfois je sens que j’ai grandi à coté de la mort. »



Etranges photographies. A rien n’y comprendre. On s’y sent bien. C’est chaud. Rassurant aussi. Pourtant c’est cru.

Parfois gênant.

Malgré la pudeur. Sa maison et son intimité. A Cracovie en Pologne. Mélange d’anxiété et de contemplation. De la mousse et des épines.

A même la chaire.

Corps abandonnés. Et frapper l’espace. Ne pas déranger. Légèreté du conte macabre. Des marques sous la peau. A la surface. Des fissures internes.

Vidé de mouvement.

Statique et immobile. Ailleurs n’est pas réel. Des animaux sauvages.

Qui devraient fuir.

Empaillés ou emprisonnés. C’est la même chose. Dans leur propre corps. Se sentir vivant. Quand on est mort. Un autrefois.

Qui n’a pas été vécu.

Contradiction.


Annette Messager

Vision paradoxale, innocente et obscure, elle joue avec les oiseaux. Eux, qui ne me quittent jamais, je les griffonne, je les façonne, je les transforme, ils sont partout. Elle joue des amalgames, articule l’enfance, l’intime et le quotidien. De ses propres mains ce sont des imperfections touchantes qui la rendent plus humaine.

Photographie du Catalogue Annette Messager - 2007

« L’art doit toujours un peu faire rire et un peu faire peur. Ces deux sentiments contradictoires sont perceptibles dans les œuvres d’A.M. » Jean Dubuffet


Après avoir récolté et naturalisé des oiseaux, Annette Messager leur a confectionné à chacun d’entre eux un petit habit, puis les a disposé de manière linéaire, afin de reconstituer une vie et de les humaniser : La promenade des pensionnaires, les punitions, les repos des pensionnaires… Elle donne vie à la mort, c’est l’un des premiers paradoxes. Il y a comme un malaise, car elle efface l’aspect macabre de la mort en étant proche d’eux, alors qu’habituellement on a tendance à éloigner la mort de nous, ça paraît mal saint, elle les protège et s’occupe d’eux comme s’il s’agissait de poupées. Car ils sont comme des poupées, inertes, sans vie. Mais la vie a habité leurs corps. De plus, elle semble différencier chaque oiseaux, en leur donnant une personnalité comme si elle les avait connu personnellement, certains portent une laine rayée, d’autres changent de couleurs. Il y a également le malaise de la matière utilisée, la laine, c’est une matière familière, comme notre grand-mère qui tissait amoureusement un pull pour nous protéger. A travers l’œuvre se traduit l’anomalie d’Annette Messager, elle n’a pas une réaction dite normale à la mort. Elle voulait être entre les deux. Les oiseaux sont le voyage, la liberté, c’est voler vers l’inconnu.


Mais à la fois les oiseaux sont vus comme une collection, une suite : Presque tous les enfants ont ramassé un oiseau tombé du nid afin de l’aider, le nourrir, et le protéger. Mais à chaque fois ils meurent, et c’est la fin de l’histoire. Mais pas chez Annette, elle continue d’en prendre soin, et malgré la mort qui s’accumule, elle persiste à « aider» ces oiseaux. Elle évoque ainsi l’enfance et la relation maternelle qu’elle établie avec eux. Ce sont ses pensionnaires, comme ceux que l’on nomme dans les hôpitaux et dans les orphelinats. Elle renforce tout de même l’aspect morbide en maltraitant ses oiseaux en les clouant sur une planche pour les punir de ne pas avoir été sage, c’est une pratique déplacé, autant pour un oiseau qu’un enfant, ou n’importe quel être vivant. Elle donne une métamorphose de l’agressivité violente que peuvent avoir les enfants, ce qui va à l’encontre des pensées de la société qui voit les enfants comme innocents et dépourvu de violence. La photographie est l’un des seuls moyens de conserver son œuvre touchée par la décomposition et donnant un angle nouveau sur l’œuvre. Annette Messager compare la taxidermie et la photographie, car ce sont tout les deux des moments arrêtés du passé qui s’est produit. La photographie est lié a toutes les morts, car elle représente ce qui a été mais ce qui n’est plus également.


Les pensionnaires - 1970


Mark Jenkins


A Dublin - 2010

Vous qui piétinez les trottoirs, N’avez-vous pas eu

peur ?


Parler aux objets inanimés, prendre soin de son doudou, le serrer près de soi, s’assurer qu’il va bien, jeter un dernier regard enfin, en fermant la porte et lui dire: « Attends moi, je rentre bientôt ». Et revenir quelques années après pour comprendre que le temps rend insaisissable les choses simples.

Enfant, on ne fait pas bien la distinction entre l’animé et l’inanimé, on mélange tout, on donne une âme et une personnalité à des choses qui n’en n’ont pas. Et on prive ceux qui en ont. Quand on y pense bien, le musée Grévin est l’un de ces endroits bizarres, poussé à l’extrême il serait terrifiant, difficile de faire la différence. A tourner la tête un peu trop vite, on s’y croirait. C’est là-dessus que joue Mark Jenkins, des «actes manqués », mais cette fois c’est du vrai.


L’artiste veut déclencher une réaction opposée à l’uniformité du comportement habituel.

Out of reach - 2012


Brooke Shaden Etouffer le bruit Soulever les fissures Serrer les illusions

Dans l’espace vide Fuir les morsures Sauver les songes


To lift her up - 2012


Shok treatment - 2009

Un matin j’ai posé la main sur la rampe d’escalier, je devais monter respirer. J’avais dans la tête des histoires sans suite, des autres affrontant des déluges, des barques en naufrage, un ciel vivant échoué. Je devais tout laver, retirer le noir qui salissait ma tête, frotter fort. J’avais les idées troubles, et les cheveux qui me glissaient du cou sans que rien ne perturbe leur danse folle sur le sol. Peut être que l’eau emmènerait au large les pensées malvenues. Il fallait noyer tout ça.




Je m’étais presque endormie laissant l’eau abondante dévaler la pente, des milliers de petites gouttes qui se poussaient jusqu’au siphon reprendre la mer. J’avais les yeux mouillés et la peau rétrécie, la pensée fatiguée et le corps glacé, le cœur vaseux et la main stagnante, la marque du carrelage sur ma joue témoignait d’un temps passé et oublié. Des mots en cavales, dans le crâne, des notes à l’envers, dans la mémoire. Ne restaient que les taches sous mes ongles, le souvenir d’avoir bu la tasse un peu trop. Une tempête de passage m’a laissée sur le bord du rivage.

Des mots en cavales, dans le crâne



Dans ma main, un papier chiffonné que l’encre avait épuisé. L’eau dominatrice, devenue le seul virtuose d’une profusion de nouveaux chemins à explorer. Les anciennes lignes d’un rêve submergé, parcouraient le grain du papier encore trop fragile. J’ai le regard sourd et j’entends flou. J’ai essayé de mettre un visage sur les ombres mais les souvenirs sombres s’y balançaient. Le silence des larmes qui coulaient le long des parois m’irritaient, terminaient leur chute grinçante et reprenaient. Les pleures d’un arrière gout heureux lasseraient la feuille. Des morceaux de rêves en déroute ne trouvaient pas leur place, frôlaient ma peau et tournoyaient avant de s’évanouir dans l’océan. Abandonnée des songes, j’ai poussé sur mes genoux et glissé à plusieurs reprises avant de pouvoir me relever, j’ai sorti du fond de ma gorge un goût amer d’ectoplasme, la nausée grimpante j’ai relevé la tête pour essuyer la buée déposée sur le miroir, elle s’envolait lentement vers l’extérieur laissant pour seul reflet qu’une vulgaire anamorphose. J’ai plongé mes yeux dans les siens jusqu’à en perdre la vue. Je l’ai vu me parler, je n’ai pas voulu l’entendre, je n’étais pas prête.


Françoise Petrovitch Née en 1964, Françoise Petrovitch enseigne à l’école Estienne, elle est reconnue pour ses nombreuses séries réalisées avec de petits moyens, un pinceau et de l’encre. C’est dans sa série «Tenir debout» qu’elle souhaite interroger notre relation au monde.

Extrait de la série «Tenir debout» (2005-2008) (160x10 cm)

C’est un dessin qui parait simple, les moyens utilisés sont modestes, elle reprend une technique de peinture classique: elle choisit du papier blanc comme support, le lavis d’encre permet de dessiner tout en occupant l’espace de ses formes, ca reste rapide mais précis, les dégradés qu’elle produit crée une forme de mystère lié au hasard de la technique. Malgré la simplicité apparente, le spectateur est arrêté par le décalage produit, l’étrangeté de la composition, du choix des objets représentés et du geste. Il y a quelque chose qui cloche. En effet la composition créé un déséquilibre : Comment trouver ses repères alors que les pieds représentés semble être suspendus dans l’espace, le fait de couper la représentation de la femme a cet endroit donne une


impression de fuite, le dessin s’échappe du cadrage, Petrovitch joue avec les différences d’échelles, le fond blanc sans aucunes ombres portées ne donnant pas de perspective, les éléments semblent flotter, elle n’est pas dans le réalisme. « Tenir debout » , c’est le titre qu’elle a choisi, elle veut traduire la difficulté a rester stable dans la vie quotidienne, pour cela elle utilise des objets du quotidien mais crée le mal aise : Tenir en équilibre su un ballon c’est impossible, pourtant les jambes de la femme sont comme délicatement posées et stables, tenant seulement sur un pied, sans représenter le mouvement réel qui devrait se produite normalement si on essaye de trouver l’équilibre sur un ballon. Petrovitch crée une correspondante entre les pieds et le ballon grâce a la technique fluide, le rouge de l’encre du ballon continu son chemin dans la chaussure. Françoise Petrovitch n’est pas dans la narration, c’est plus une composition de fragment d’images qui a pour but de nous emmené dans son univers, elle fait découvrir des choses que chacun perçoit différemment :


non pas en expliquant ou en montrant mais en suggérant des idées sans trop nous guider pour nous laisser une certaine liberté, on est libre d’approcher son dessin comme on l’entend. Elle évoque bien sûr la féminité marqué par les talons et la séduction lié à la couleur rouge, elle expose la fragilité du monde féminin, et en même temps le ballon est un élément qu’on rattache facilement au monde de l’enfance, l’innocence et la naïveté, c’est donc el monde adultes avec toutes ses complications, souffrances, déchirements et perturbations qu’elle met en scène, contrastant avec la pureté de l’enfance. Elle semble monter les difficultés à grandir, devenir une femme. Le ballon reste léger, amis il est écrasé du fait qu’il y ait des tallons, cala rajoute un soupçon de violence tandis que des pieds nus auraient rajoutés de la douceur au dessin. On s’attend que le ballon éclate, ou du moins déformé, pourtant il est maintenu en l’air, ficelle tendu, mais le rythme est tout de même cassé par les ratures traduisant les angoisses


de l’artiste. Elle est poétique dans sa présentation. Elle ne montre pas son point de vue, ni une solution, mais pose des questions amenant à la réflexion, il n’y a pas d’identité, c’est plus facile pour les femmes de s’y identifier. Elle-même dit :

« Les choses n’existent pas dans notre tête, elles existent parce qu’elles sont visibles. » Elle n’invente pas, mais falsifie la réalité afin de mieux montrer la réalité. Pas besoin de grands moyens pour dénoncer ou amener aux songes, Françoise Petrovitch n’est pas dans l’amélioration de ses croquis, elle travail directement sur sont format. Elle a choisit pour cette série de travailler sur grands formats (160x10 cm) pour que le spectateur puisse se fondre et se positionner lui-même face à l’image. Ce qui est important pour elle n’est pas de proposer des solutions, mais de d’interroger. Elle intrigue.


Pierre Soulages

Est-ce que c’est du noir là bas ? Il est flou et infini, faudrait savoir. On ne vit qu’à travers sa lui. Ce n’est pas qu’une absence. Est-ce qu’il est beau ? Il y a mes yeux qui le scrutent et qui le cherchent, mais est ce que c’est ça le noir ?


Peinture acrylique - 2008


Emilie Henry

Dessins extraits de la série «L’instant d’un regard» - 2009

- Ils me fixent parce qu’ils m’en veulent de me voir sourire, n’est-ce pas ? - Ils ne savent pas ce que c’est, regardes les, leur paysage n’a pas de vie. - Et alors ? Ce n’est pas aussi sombre qu’on le croit. C’est comme ça qu’ils sont heureux. - Oui mais on veut toujours être plus heureux que les autres, et on imagine les autres plus heureux qu’ils ne le sont.



J’aime, Les nuances L’ambiance L’encre L’expression La tonalité. Et quand tout parait paisible alors que ses dessins sont une véritable tempête.



Irina Ionesco

Photographie de sa fille Eva - vers 1970


Dans mes souvenirs, des moments interminables à observer les reflets. Passer des portes grinçantes à l’herbe qui craque sous les pieds pour rejoindre l’eau. Ne l’avez-vous pas trouvé troublante cette personne qui vous ressemble tant ? Si vous savez quoi que ce soit, je vous en prie, dîtes-moi pourquoi elle ne se trompe jamais. Aucune erreurs à relever, jamais. Elle n’est pas humaine, n’est-ce pas ? Alors dîtes-moi. En plus elle me déforme, elle est un mensonge de mon image, entachée par des ombres claires. Nos regards se sont croisés. Elle divague, j’ai essayé de l’attraper, mon doigt a touché le sien mais elle s’est enfuit, j’avais peur que si elle s’envolait, je m’épuiserai, alors j’ai creusé dans l’eau, vite, vite, toujours plus vite, elle se débattait et mouillais mon visage, pris dans un élan j’ai plongé, failli presque me noyer, mais nageant dans les eaux profondes, elle avait disparue.


Par une nuit bleue, j’ai tant fouillé le repos que je ne pu trouver un sommeil joyeux. J’avais la respiration tendue qui soufflait fort faisant flotter les mèches de cheveux frivoles devant mon visage. Pâle.



J’avais laissé mes bras emprisonner mes genoux pliés, pesé par des tremblements incertains, mon corps se refroidissait, les frissons transperçaient la peau fine de mon cou, franchissant la courbe creuse de mon dos. Blanc. Je me suis glissée sous le tissu qui se reposait tout contre le bas du lit pour qu’il me cache des hallucinations frappant ma raison, celles qu’elle avait rangé auparavant dans un coin secret de ma mémoire. Endurcie. A coups de poings j’ai lutté, mais en vain. J’ai serré fort ma peluche pour me sentir invincible et affronter les vérités défendues qu’on dissimule quand a peur de soi.


Au milieu de la nuit, les familiarités deviennent des inconnues. C’est d’un œil différent qu’on regarde la peluche sur l’étagère d’en face quand le soleil prend du recul et qu’on ne peut plus le discerner entièrement. On s’enivre d’incertitudes. C’est ce que Freud expose dans «L’inquiétante étrangeté», il met des mots sur nos angoisses. On est autant effrayé par ce qu’on ne connait pas que par ce qu’on connait mais qu’on ne reconnait pas. Ce qui provoque le doute doit rester secret pour être étrange, il ne faut pas tout vérifier tout de suite. Laissez-vous emporter, mais ne

quittez rien du regard, on détourne toujours l’attention. Trop de pourquoi et pas assez de parce que. Un quotidien voilé qui frappe la nuit, c’est l’arrivé des pulsions. Le film My little princess relate parfaitement la progression du travail d’Irina Ionesco et met en scène le rapport étrange à la limite de la perversion qu’elle a entretenu avec la photographie en y mêlant tout ce qu’elle n’a pas pu faire à travers sa fille. On se laisse tomber dans son univers, enveloppé d’un aspect esthétique très séduisant, qu’est ce qui pourrait nous empêcher d’aller plus loin ?


Baptiste Dobombourg

Aérial 2012

« L’esprit est tout. Le matériel est esclave du spirituel. »


L’installation se situe dans une Abbaye chargée d’histoire en Allemagne, un jour camp d’accueil pour les mendiants, camp de concentration, prison de la gestapo, puis une autre fois hôpital psychiatrique, le lieu est pesant. L’artiste ne veut pas remettre en cause cette violence, il s’intéresse à « ce qui vient après, ce qui se rattache à l’humain, capable du pire comme du meilleur. » Il défait les lois de la perspective, déforme et accompagne son œuvre d’un caractère divin et vaporeux par la lumière. Il utilise le verre pour sa diversité et sa complexité, des couches ajoutées ou l’on voit toujours ce qu’il y avant. Il explose l’espace pour mieux voir les cicatrices.


- Tu entends nos pas qui

résonnent ?

- Il fait froid. Ca sent la charogne ici, il y a des résidus qui trainent entres les pierres. Les murs ne peuvent être blanc, la saleté refait toujours surface, tu sais bien.

- En fait tu es comme le verre qui s’éparpille, tu retournes toujours ta pensée, tu changes d’état sans jamais savoir pourquoi. N’oublies pas que tu te brises un peu plus à chaque coup.


- Les échos de nos voix qui frappent les murs aussi.

- La lumière semble s’écrasée. J’en ai la tête à l’envers, elle se fracasse par terre.

- Je suis la métaphore de l’eau et la glace, de la rigueur et du hasard. Je suis l’accident que l’on à figé.


Cendrine Rovini

Multitude - 2011


Le ciel était à moitié plein. Le vent arrêté, je m’étais assise dans les bas fonds d’un vieil arbre entre les racines. J’observais le temps se décrocher, les nuages échappés du vent capricieux. J’ai relevé mon écharpe à la vue du froid qui s’avançait vers moi. Maman m’avais dit ne pas aller trop loin. J’entendais les paroles des feuilles en colères et l’air qui perdait l’équilibre. Je me perdais à observer les tiges provenant du sol et bravant les vents sans jamais s’y plier. Des bras inconnus m’ont arraché au dehors, me laissant tournoyer là où parfois des voix soufflent des mots. Mes pieds

effrénés n’étaient qu’une caresse sur l’herbe fraiche, et mon écharpe me voilait la vue et se nouait chaque secondes un peu plus forte. S’élançant vers moi, la mine claire, l’air sage, mes pas ne résistaient pas. Un coup de vent, un sursaut. Comme souvent, contre l’arbre, j’étais là. Probablement j’ai rêvé, mille fois et surement et bien plus encore, sans jamais que le vent ne me parle. Je suis rentrée un peu tard peut être, en me voyant, Maman n’a rien dit, elle savait que je lui avais désobéi. Je suis montée pour prendre mon carnet, et j’ai puis j’ai tout noté, l’imagination n’est que la mémoire qui ne se contrôle plus.


Des instants de flou Ou du trop plein de luciditĂŠ, De notre conjoncture, Notre ciel avait perdu de son ardeur.


Parfois, les. - 2011

«Mes images proviennent des territoires du rêve. Elles ne sont pas des métaphores ou des représentations symboliques, elles sont réellement, par elles-mêmes. Elles appartiennent au registre de la métamorphose ou de la pensée chamanique.»


Laëtitia Mieral Série «Casse noisette» - 2011

«J’abrite chez moi une petite colonie d’araignées ingénieuses que j’ai dressées à tisser la dentelle, elles mangent peu, sont dociles et très joyeuses.»




J’ai besoin de créer pour oublier que j’ai peur de créer. J’ai besoin de créer, créer pour oublier. Oublier quoi ? J’ai besoin d’avoir peur. Peur d’oublier. Ou oublier le besoin. Pour oublier il faut créer. Créer pour le besoin. J’ai besoin d’oublier de créer. Pour créer la peur. La peur d’avoir besoin. Besoin de quoi ? J’ai oublié.


Julie de Waroquier

Le poid du temps - 2011 Texte extrait de son livre «rêvalités» 2012

«La nuit dernière, j’ai mal dormi. Mon rêve n’a pas fonctionné. J’avais prévu de quitter les terres de la rationalité pour me noyer dans un nuage. Mais j’ai fini par sombrer dans mon for intérieur pour m’échouer face à ces réalités qu’on cherche généralement à éteindre, la nuit venant. Ou mieux, à étouffer, au moins une, histoire qu’elle ne se ravive, le matin suivant. Bercé par ce naufrage prémonitoire, je n’ai finalement pu que contempler dans la pénombre d’une nuit sans étoile ce monde tel qu’il nous apparaît au grand jour. Décidément, la réalité rattrape même le songe-creux le plus habité pour l’enrôler inexorablement sans sa triste vérité.»




Julie De Waroquier raconte des histoires. Ce sont ses histoires qu’on se réapproprie. Julie fascine. Elle est le médium qui lie le « Je » et le « Moi » puisqu’elle pose une image sur ce qu’on ressent et ce qu’on imagine. Etudiante en philosophie, c’est une artiste autodidacte qui utilise la photographie pour traduire des concepts. Elle touche. Elle touche car les concepts qu’elle met en forme ont une même idée en commun ; le for intérieur. Ce sont des contraires qui coexistent, quand nos pensées imaginaires se heurtent à la réalité. C’est toujours la même histoire, celle de cette fille sans identité, souvent représenté par elle-même car elle seule sait la position et l’émotion exacte à donner, mais que ce soit elle, ou une autre, cela n’a pas d’importance pour nous, car de toutes les manières, on s’identifie facilement au personnage puisqu’elle ne se représente jamais telle qu’elle est mais plutôt avec un visage passe partout. Et parfois cette fille se fuit, elle veut croire en l’incroyable, c’est une volonté impossible, elle s’écarte de la réalité pour mieux y revenir, le tout avec un œil naïf, comme prise au piège.


« Le poids du temps » extraite de la série Ex-pressions, recueilli dans son premier livre « révalités » est l’une des ses photographies des plus efficaces, car elle utilise des symboles simples, reconnaissables par tous : l’horloge du temps. Dans cette série elle évoque l’éclatement de soi, elle pose une question qui n’a pas de « bonne » solution, elle est torturé entre plusieurs choix états : la réalité physique et l’intimité psychique. Elle exprime la manière dont tous ces sentiments confondus réagissent avec le monde réel. Son univers est onirique et surréaliste, elle reprend les codes du conte et de l’imaginaire pour contester la pensée qui dit que la vie n’est ni belle, et qu’elle n’a pas de sens, mais elle ne se contente pas de faire une belle image remplie de rêve, derrière ses associations étranges elle soulève des questions et des interprétations propre à chacun. Elle parle du temps, mais libre à nous d’en déduire ce que l’on veut, sa photo n’est pas fermé. Tout est fait pour être un parfait « réalisme magique », elle réutilise la lumière naturelle pour recréer des ombres, du réalisme, et même brouiller les pistes. Sa méthode de travail est toujours la même, Julie part d’une idée qui la hante, et ce n’est qu’après la réalisation qu’elle en comprend le sens, concrétiser ses idées c’est soulager la pensée et aider la compréhension.


En premier lieu et ce qui est le plus flagrant c’est le travail du symbolisme, car oui, quoi que l’on face, quoi que l’on pense, le temps fil, l’aiguille tourne, on a beau lutter, elle nous attrape et nous pousse par devant à chaque tic tac. C’est ce qu’elle montre dans la manière inhabituelle de tenir l’horloge. Elle est prête à se faire écraser par le temps, et en même temps elle résiste, elle la traine comme un besoin, tête baissée comme une esclave qui est irréfutablement attiré par son maître. L’homme ne peut pas vaincre le

temps, ni même le blesser, contrairement à l’homme, l’aiguille est infaillible, même quand elle casse, ça ne l’affecte pas et le temps passe. Julie nous chuchote que « Si le temps est venu pour les uns, le poids du temps continue d’accabler les autres. » L’horloge est triste est impassible, qui nous chante « souviens-toi ». Chaque moment s’évapore. Elle nous menace, nous rappelant sans cesse à notre condition. Elle prend plaisir à nous dévorer. Avoir conscience du temps qui passe c’est se détruire.


il est l’heure, ou il est trop tard.


On est heureux, jusqu’à ce que l’on se rappelle qu’il y a une fin, et puis là le bonheur s’enfuit, et on court pour aller aussi vite que lui, mais la route est dure, nos chevilles se tordent, nos genoux s’écrasent, puis c’est le corps tout entier qui s’effondre. On ne peut tricher à la règle, elle gagne à tous les coups, il est l’heure, ou il est trop tard.


Chaque détail compte dans la photographie, car chaque accessoire devient symbolique, il y a peu d’objets pour ne pas mélanger les idées. On remarque une légère déformation dans l’horloge, les chiffres sont enrôlés dans le mouvement, mais elle est aussi symétriquement à l’envers, c’est un jeu de faux semblant ayant pour but de perdre le spectateur dans un jeu de miroir, ou peut être un monde parallèle. Mais est ce uniquement l’horloge ou toute l’image dont elle qui tourne à l’envers ? Elle ne le dit pas. Mais cela montrerai que l’image ne fonctionne pas correctement, l’aiguille tourne dans l’autre sens, peut être que le temps recul ? Un autre détail, ce n’est pas une simple horloge, d’autres chronomètres lui sont incorporé, mélangeant heures, minutes et secondes. Des temporalités différentes qui se croisent dans leurs aiguilles. Elles ne se poussent pas. Elles déraillent. Ca ne fonctionne pas bien. Le temps est disséquer et mal rangé dans ces sous parties. Une fois les symboles choisis, elle les met en scène, il faut donc penser au cadrage et aux angles qui vont mettre en valeur l’idée, ici le spectateur est face au temps pour insister sur le fait qu’on ne peut pas le fuir, qu’à l’heure venue on est face à ses obstacles. Elle joue avec la profondeur de champ également, l’horloge occupe une grande partie de l’image exactement les 2/3 parce que le temps occupe forcément une grande partie de notre vie et est plus importante que le personnage qui n’occupe seulement 1/3.



L’homme est insignifiant. Ce n’est pas tout d’avoir un propos, elle donne une histoire à raconter tout en faisant en sorte que l’image se suffit à elle-même. Pour cela la mise en scène est pensée, et plus elle simple, plus elle fonctionne, ainsi les éléments se lient plus facilement, la courbe de l’horloge épouse avec souplesse et légèreté le personnage, le corps et le temps se mélange avec fluidité dans un espace recrée et vidé des parasites de la vie quotidienne. Le travail de la composition est très précis. L’image est en équilibre. Les éléments sont casés dans des formes géométriques, coincés entre les lignes des murs, la perspective, le parquet en pointe qui est dans la lignée de l’avancement et du recul du temps, courbes de l’horloge et contres courbes du personnage, que si le moindre objet dépasserait, l’image tomberait et ne fonctionnerait plus. Une fois la prise de vue réalisé c’est au tour de la retouche. Même si certaines de ses photos paraissaient très retouchées, elle use en réalité d’astuce pour l’effet illusoire, elle suspend ses objets avec des fils, utilise des fumigènes pour l’ambiance, elle évite un maximum l’utilisation de Photoshop, elle s’en sert intelligemment pour servir son propos, la retouche prolonge l’image mais ne l’a transforme pas, mais elle lui permet de renforcer l’ambiance coloré qui accompagne son univers onirique ou qui accentue les éléments importants qui constitue l’image. « Si la photographie est l’art de saisir l’instant, elle est aussi capable de le créer. »


Julie de Waroquier c’est une artiste troublante, gênante peut être parce que l’étrangeté dérange. Il faut accepter la vérité, il faut bien se l’avouer, on aime se faire du mal, c’est la complexité de la souffrance et de la honte. On n’accepte pas la dualité de la rationalité et du rêve. Nos rêves sont alors contrariés et frustrés que l’on nourrit à coups de doutes et d’angoisses. C’est un moyen qu’elle a de s’explorer elle-même. Prise au piège, il faut choisir. « Redescendre sur Terre, au moins, c’est avoir connu un ailleurs. J’ai vu l’Autre et je reviens changée.»


Katy Horan

Hysteric - 2012

« Intuitivement, je fais combiner des références visuelles fragmentées avec des images à partir de ma propre mémoire pour créer quelque chose qui est à la fois ambigu et familier. Je le fais pour filtrer les images de mon propre subconscient tout en soulevant des questions de ce que nous identifions visuellement comme féminins. »


Et puis dans la caboche Nos pensées limpides, De la dentelle qui s’effiloche Sur nos fêlures hostiles.



handmaidens - 2009


Loretta Lux

Je ne détache pas mon regard. Mes yeux sont en accord avec les siens. Je reste suffisamment longtemps. Hypnotisée, je me sens effrayée. Je suis inquiète. Sa mélancolie me glace. Trop sage. Elle cache quelque chose. Elle n’est pas triste, mais elle ne ris pas non plus. Elle m’énerve. Je ne sais pas pourquoi elle est là. Je voudrai qu’elle parte. Je ne me sens pas bien. Elle me fait peur. Je la sens vide. L’espace paraît trop grand. Beaucoup trop. Il n’y a plus rien autour. Je crois que je rêve. L’atmosphère calme est pesante. Je dois me réveiller.

Martha - 2004

« Je préfère travailler avec des enfants, ils n’ont aucune réserve, ils sont plus honnêtes.»


Loretta ne nous dit rien, mais elle nous laisse dire.


Portrait of Antonia - 2007


Hidden room - 2001


Anne Angelshaug

Lizzie - 2011 - 60x60 cm


« Les heures préfèrent le silence pour fuir. »

Robert Blondin


Sonia Maria-Luce Possentini

Blanc, tout est blanc - 2010

D’après Freud, une des plus grandes peurs infantiles serait de se blesser les yeux, inconsciemment on aurait tendance à penser qu’ils pourraient nous empêcher de rêver, car on arriverait plus à visualiser les choses. Ce rapport aux sens est souvent mis en scène dans l’art et touche particulièrement.


Me cacher dans les nuages, redescendre après l’orage.

M’endormir en apesanteur, courir sans me faire mal.

Non pas que mes yeux s’envolent avec le vent, Mais j’ai peur du blanc.


Vous m’aviez chuchoté au milieu de la nuit, «le noir est ton ennemi», que dans ma chambre vide le spectacle des ombres chaperonnées de ses rires sourds se jouerait de moi. Vous espériez que la rationalité se fasse la malle afin que naisse le doute, privé de ses repères. Je ne me méfie pas du loup façonné de mes traits imaginés, seulement de ses traces silencieuses de son passage laissé dans la neige à l’aurore, d’autant d’aventures véritables plus vraies que vos mensonges. Ce n’est pas de la nuit qu’il faut avoir peur, mais de la lumière révélatrice qui se lève et éclaire vos visages.

Le texte ne fait pas parti de l’oeuvre.


ogni grano di sabbia - 2008 (Chaque grain de sable)


Gregory Crewdson Série «Beneath The Roses» - 2003 2005

« J’ai toujours été fasciné par l’état poétique du crépuscule. Par sa qualité de transformation. Son pouvoir de transformer l’ordinaire en quelque chose de magique et d’autre. »


Gregory Crewdson, photographe américain s’est fait connaître en seulement six séries qu’il doit à des piliers du domaine artistique pour leur inspiration, Edward Hopper, Jeff Wall, David Lynch et Stephen King. Il travail sur l’envers du rêve américain, pour se faire, il s’appui sur les souvenirs de son père psychanalyste et de ses échanges avec ses patients en extirpant les névroses de ceux-ci. Il veut une atmosphère énigmatique et inquiétante. Il est maintenant l’une des figures importantes de la photographie narrative et de mise en scène.


Ses compositions sont importantes et représentent un lourd budget car pour la réalisation de celles-ci, toute une équipe de décorateurs, maquilleurs, éclairagistes et autres techniciens sont sur le plateau pour recréer parfois un univers entier, les arrières plans ne sont parfois que des morceaux de cartons représentant les bâtiments des villes. Il recherche des paysages urbains atypiques, ce qui permet au spectateur de mieux réceptionner les signes de ce que Crewdson cherche à exprimer. Ce sont souvent des banlieues victimes d’accidents ou de scènes plus ou moins improbables et stéréotypés, mais tout de même dans une troublante réalité. Les images qu’il invente sont parfois surréalistes, mais elles amènent le doute,

c’est à la limite du fantastique, car ça pourrait bien être réel, et ça doit surement l’être quelque part, c’est une réalité fictionnelle. Il peint un tout autre aspect de la vie américaine, il met en avant l’ennui, ses personnages ne montrent aucun désir, aucune envie, ils s’ennuient eux même, comme dans sa première série « Early Works » en 1987 où il ne s’est préoccupé que d’une petite ville, Lee dans le Massachusetts en demandant aux habitants de classe moyenne pour ne pas idéaliser, d’incarner ses personnages, il reste donc dans une certaine réalité.


Crewdson est en dehors de tout. Ses photographies sont intemporelles et il n’y a pas de fuite possible, dans la plus part de ses photos les extérieurs sont encadrés, limités par des fenêtres ou des barrières, il n’y a pas d’horizons, on ne discerne pas les périodes de l’année, il n’y a qu’un crépuscule, mais l’éclairage passe partout, on ne sait pas si c’est plus le jour ou la nuit, la lumière vient de partout, naturelle et artificielle, de dehors ou d’écrans provoquant une confusion. Le décor lui-même est intemporel, Crewdson créé des anachronismes en utilisant du mobilier des années 50 mêlé a la tenue vestimentaire des années 90. D’après Crewdson la temporalité dans ses images ne renvoie pas à une durée mais à un autre temps, un temps psychologique lié à l’attente. Chaque chose est à sa place, tous les détails comptent. La référence cinématographique est bien présente dans son travail. L’image est composée comme une plate forme d’un jeu vidéo, lors de la prise de vue, chaque élément est pris en photo de la manière la plus nette possible, le tout est assemblé, donnant à la photographie finale une qualité suprême, il n’y a aucun flou, on peut zoomer partout, c’est comme si tout était mis à plat, on peut fouiller dans l’image pour en comprendre des indices, c’est au spectateur de s’inventer le récit par rapport à ce qu’il voit, Crewdson ne nous donne pas la clef.


Le photographe ne laisse que la solitude traverser les façades et les intérieurs de leurs occupants. Il dévoile les failles d’un bonheur qui n’existe que dans l’apparence, ou qu’il n’existe plus. On en déduit que «L’inquiétante étrangeté» de Freud est le reflet de son travail. Il met en scène les peurs quotidiennes, c’est ce qui nous attire car on se sent angoissé par la situation alors qu’elle est basée sur l’imagination mais renforcé par un voile de mystère qui rend le tout indiscernable.




Une idée s’était logée dans ma tête, Je l’avais oublié, je ne l’entendais plus Un bruit à peine, des battements peut-être Dans un coin je l’avais abandonné Elle a persisté pour mieux m’attaquer. Sur mon lit, en arrière je suis tombée, Remuer tout pour la faire capituler. Du calme et elle me pardonnerait, Immobile, et elle me reviendrait.



Série «Twilight» - 1998 2002


Daniel Egneus

Série «Mad Hatters» - 2010

« Je pense que chacun porte la poésie en soi, ou une mythologie personnelle à partir de ses sentiments très intimes. Vos croyances personnelles s’élaborent d’après vos propres expériences vécues. Et alors il faut exprimer ces ressentis, les coucher sur le papier en essayant d’être aussi direct que possible. »




Dans ces subtiles nuances Sous la lune effarée Brassant nos cris fragiles De ces instants sincères, Laissons voguer nos âmes sensibles Et nos envies infinies. Pour prolonger en nous Sur notre navire incertain D’où nos corps se bousculent,

Ces échappées dessinées Laissant miroiter nos joies suspicieuses Qui furent un jour embarquées.


Alison Scarpulla

Ca pique. Dessus et en dessous. Tout partout.

Ca se décortique.

Dans ces rapports. De pas à pas.

Ca se rapproche.

Il s’écaille notre monde. Qui tourne à l’envers.

Renversement des ondes.

Lumière qui s’abandonne. Plus bas. Sous la terre.

Que l’on se donne.

Le brouillard attire. Nos yeux. Et cherche. L’esprit qui attise. Au bout du fil. s’enroule.

La foudre Le temps défile.


Sans titre - 2012



Les autres

Ce ne sont pas les seuls artistes à avoir rythmé ma façon de penser, il y en a d’autres dont je ne saurai quoi vous dire, mais ils sont là, et continuent de m’inspirer. Ils font tout autant partis de mes références, ce sont des repères solides sans lesquels je ne pourrai avancer plus...


David Lynch Cinéaste américain né en 1946, son style surréaliste et onirique laisse perplexe. Le génie de la mise en scène est surprenant et reconnaissable, notamment dans Mulholland drive (2001). Je suis fasciné par l’ambiance qu’il créé et par l’idée qu’il met en avant. Certains disent qu’il dérange ou qu’il offense, mais je pense qu’un artiste à le pouvoir de tout exprimer sans restriction. Avec lui on se pose des questions là où il n’y a pas forcément de réponses.

Judith Braun Cette artiste commence la peinture en 1980, mais c’est en 2012 qu’elle réalise ses plus grandes fresques murales «Fingerings». Elle recompose des paysages réalistes et parfois des formes plus abstraites en faisans danser et courir ses doigts recouvert de charbon de bois sur les murs. Je préfère m’intéresser à la notion de «traces» qu’elle laisse dans tous les sens du terme, des empreintes directement exécutées, sans medium, c’est la main de l’homme plus créatrice que jamais.


Egon Schiele Peintre et dessinateur Autrichien (1890-1918), il n’y a qu’une seule chose qui m’intéresse dans son travail : le corps de ses modèles. Il n’efface pas le squelette et la structure du corps sous la peau et la chaire. Et les poses de ceux-ci sont parfois étonnantes, à l’aspect désarticulé aussi (il a appris à dessiner en observant des marionnettes, d’où les poses étranges.) Il accentue dans ses traits l’apparence tourmenté et complexe de ses personnages.

Conrad Roset Cet artiste et illustrateur Catalan, née en 1985, maitrise parfaitement l’aquarelle, laissant se superposer les taches tout en étirant sa forme avec une précision fascinante nous entraine dans un univers onirique où les couleurs sont les plus tendres et profondes. Il n’y a rien d’exceptionnel non plus, ces illustrations sont plutôt classique dans leur composition et leur réalisme, seul l’ambiance et sa manière de styliser le monde me fait tourner les pages pour en admirer d’avantage.


Grzegorz Pawelak Photographe Polonais, Grzegorz utilise l’Homme pour mettre en avant ses idées farfelus, mais ce qui est le plus troublant, c’est l’expression de ses modèles, à chacune des ses photos, ils se retrouvent dans des situations toujours plus tordues les unes que les autres, et pourtant ils semblent paisible, ils sont d’un naturel effrayant, et c’est ce qui donne envie de chercher plus loin dans la photographie.

Amélie Chassary et Lucie Belarbi C’est la série huis-clos de ces deux photographes françaises qui m’a marqué. Réalisé en 2012, c’est une série troublante qui a pour but de dénoncer le lien étroit qu’on entretien avec des lieux dans le quotidien et le contexte familial. Un peu comme des coutumes que l’on se transmet, connues et faciles, pour que chacun puisse s’y identifier.


Joe Wright Née en 1972, Joe est un réalisateur Anglais. Son univers est assez plaisant, notamment dans son dernier film Anna Karenine (2013) dans lequel le scenario est véritablement pensé comme une scène de théâtre, mais je souligne plus encore son talent dans Reviens moi (2007), film avec lequel il a remporté le Golden Globe Award du meilleur film dramatique. On se laisse porter par le film, et on se fait berner sans rien soupçonner.

Tim Walker Photographe de mode et maintenant réalisateur britannique, Tim Walker (1970) est connu pour ses mises en scène extravagantes. C’est parce que outre le fait de photographier la mode, il pousse met en avant une autre idée artistique qu’il pousse toujours plus loin que j’aime son travail, ce n’est pas que de la beauté esthétique. De plus, tout est réel dans ses photographies, il n’y a pas de montage numérique, ce qui rend son travail encore plus fou.





Si les artistes que j’ai choisi ont tous quelque chose d’étrange, c’est sans doute parce que j’aime l’idée que la banalité puisse completement changer à cause d’un détail. J’aime quand les artistes murmurent des contes et des histoires, la mise en scène est pour moi très importante, il faut se servir de ce qui existe pour recréer quelque chose de nouveau dans lequel on doit toujours se méfier, car puisqu’il est faux, ce n’est que tromperies et fourberies. L’art et l’artiste ne sont pas toujours ce que l’on croit. Je pense que peu importe l’artiste, peu importe leurs propos, ils sont plus bons comédiens et manipulateurs qu’autre chose, mais ils ont l’art de l’être, puisqu’ils vous entraînent là ou ils veulent sans que vous y voyez quoi que ce soit. Au final j’aime pouvoir douter sur tous les sujets, pour que celui-ci me maintienne et m’amène à réfléchir par moimême, ce qui permet aussi de ne jamais rester sur ses acquis et de se remettre en question. Et puis qu’on nous mente ou pas, peu importe tant qu’on nous fait rêver. Je considère que mon univers est le reflet de toutes les questions que l’on peut se poser dans une vie, et toutes ces étapes, où l’on cherche quelles sont les limites.



Epinal - 2013



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