Figures et structures des paysages de Bruniquel - Tpfe Victor Belloc 120 dpi

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Victor BELLOC Travail Personnel de Fin d’Etudes de la formation Paysage Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage directeur d’étude, Lionel Hodier, paysagiste D.P.L.G 2015

FIGURES & structures des

PAYSAGES DE BRUNIQUEL

Une nouvelle dynamique pour une confluence mythique



Travail Personnel de Fin d’Etude de Victor Belloc Date de la soutenance: 15 juin 2015 sous la direction de Lionel HODIER, paysagiste D.P.L.G, diplômé de l’Ecole Nationale Supèrieure d’Achitecture et de Paysage de Bordeaux, enseignant à l’ENSAP Bx Jury: Vincent TRICAUD, paysagiste D.P.L.G, urbaniste O.P.Q.U, enseignant à l’ENSAP Bx Christian TSCHOCKE, maire adjoint de la commune de Bruniquel Bertille DANIEL, Chargée de mission LEADER / Tourisme au PETR Pays Midi-Quercy

Je dédie ce travail de fin d’étude à ma grand mère, Colette Dupoiron, qui a su faire germer et s’épanouir en moi la curiosité pour le vivant, le jardin et le paysage. J’ose imaginer, avec émotion, qu’elle aurait aimé me voir suivre ce chemin.


Avant-propos Après quatre années de formation à l’école, comment se positionner pour cet « ultime » travail, présenter sa conception du métier, sa «pensée paysage» comme le dit M. Collot. Au delà des questions et des réponses apportées il doit être également pour moi l’occasion d’un travail «introspectif», une manière de me pencher sur la part d’affect et de sensibilité qui oriente mon regard et mes choix. On peut parler de «retour aux racines», de «régionalisme», bien sûr, puisque chaque paysagiste a un pays «chéri», une origine. A la manière d’un psychanalyste qui doit se sonder lui même, je souhaite revenir vers un lieu qui m’a aidé à me construire. Un lieu pour lequel j’entretiens un attachement fort, qui a indubitablement joué un rôle dans mon parcours et que je souhaite aujourd’hui «redécouvrir» de façon plus objective et critique à travers ce travail de fin d’étude. Ces lieux, ces paysages, ce sont ceux des gorges de l’Aveyron, serpentant au milieu du causse de limogne, à la frontière du Tarn et du Tarnet-Garonne. Ils exercent sur moi une véritable fascination, il en émane une force, un mystère qui a toujours joué avec mon imaginaire. Les traces de l’histoire entre ce territoire et les hommes qui s’y installèrent se perdent ici dans une végétation exubérante. Elle qui a le pouvoir en quelques décennies de recouvrir d’un épais manteau de végétation des coteaux entiers, offrant au file des saisons des tableaux aux couleurs et textures changeantes. Ce lieu me semble souvent réduit à cette valeur esthétique et patrimoniale souvent figée et à destination d’une image touristique, sans y intégrer les aspects de leur vie contemporaine, qu’ils soient économique, sociale, estivale ou quotidienne.

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Sans dénigrer les enjeux actuels soulevés par une population aujourd’hui à 85% urbaine (INSEE 2009, part de population des villes/ villages d’au moins 1000 habitants), je voulais que mon travail concerne un territoire rural n’étant pas sous influence directe d’un grand pôle urbain et me pencher sur l’échelle du village. Il y aussi plusieurs expériences, à commencer par celle de mon stage à la DDT du Cantal et le travail que j’ai réalisé sur une vallée du massif volcanique ayant connu un fort déclin socio-économique. Il y a aussi l’analyse d’un article: «La fermeture du paysage : au-delà du phénomène, petite chronique d’une construction sociale» de Sophie Le Floch, qui m’a fait réaliser l’importance du discours alarmiste sur les territoires ruraux, à l’origine de toute une dynamique du besoin d’y intervenir, de contrecarrer un déclin agricole, social mettant en péril l’identité de nos «campagnes». Cette approche m’a renvoyé à tout les enjeux récurrents que nous soulevions sans cesse en projet: les craintes concernant la déprise et les friches agricoles, l’abandon du patrimoine bâti vernaculaire, la simplification des formes agricoles, l’image idéalisée et nostalgique des paysages agropastoraux, une approche du vivant très «survolée» (agro-écologie, corridor écologique, quelques relevés faunistiques/floristiques très généraux) et de leur pertinences. Les territoires ruraux ont changé de visage, il ne sont plus habités par des «jardiniers laboureurs». À la fonction «productive» se sont ajoutées celle résidentielle, récréative, touristique et «de nature», redéfinissant leur identité. Les espaces ruraux obligent à avoir une approche plus mesurée, qui tient compte de ces nouvelles composantes et le paysagiste peut ici trouver un terrain propice, bien que plus «modeste» que les grands aménagements des villes et de ces environs.


Nous allons à travers ces pages explorer un site que j’ai qualifié de mythique, il me semble à juste titre lorsque l’on découvre son histoire. Ce travail est l’occasion pour moi de me confronter à un endroit empreint de mes habitudes et souvenirs pour l’aborder avec le regard d’un paysagiste. La place de l’approche historique sera ici importante, mise au service d’un travail de sensibilisation sur le caractère réversible de paysages semblant intemporels. J’explorerai ici la réalité dynamique de ces sites et lieux. à travers les grandes structures des paysages mais aussi les grandes figures qui y sont associées (falaises, chateaux, nature exhubérante...).

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Bruniquel Habitants:

bruniquelais, bruniquelaises

Superficie: 33,2 KM2 Population: 643 (INSEE 2014) Densité: 18 hab/KM2 Région: Midi-Pyrénées (2 926 592 habitants, INSEE 2011) Département: Tarn-et-Garonne (82) (231 760 hab., INSEE 2011) Canton: Tarn - Tescou - Quercy vert Pays: Midi-Quercy, 4 communautés de communes pour 47 communes (44 541 hab., INSEE 2007) Communauté de commune: Terrasses et vallée de l’Aveyron, 7 communes (15 518 hab., INSEE 2011) Principales villes à proximité: Montauban 28km, Albi 55km, Cahors, 58km, Toulouse 80 km Région agricole: Causses du Quercy à la limite avec le Bas-Quercy de Montclar (agri82)

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Sommaire Avant-propos

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I. Rapport au lieu, réflexions et objectifs 11 1 . 1 Paysagiste et résident ponctuel 1 . 2 Genius loci et conservatisme 1 . 3 Mes objectifs pour ce travail de fin d’étude

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II . Carrefours géographiques et confluences 21 2 . 1 Le Tarn-et-Garonne, cœur métissé du Sud-Ouest 2 . 2 - La « ruée vers l’Ouest » facteur d’asymétrie dans le département 2 . 3 - Transect jusqu’aux causses du midi-Quercy 2 . 4 - L’éperon bruniquelais 2. 5 Situation perchée sur le circuit des cités et bastides de l’Albigeois 2 . 6 Nous voici à Bruniquel !

25 27 31 33 37 39

III . Figures et structures paysagères de la confluence

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3 . 1 le paysage patrimonial et pittoresque 3 . 2 Des milieux indissociables de l’identité du village 3 . 3 Une diversité biologique et patrimoniale reconnue et protégée 3 . 4 Cette autre part de la mémoire de Bruniquel 3 . 5 Dynamiques culturelles et socio-économiques Synthèse de la caractérisation des paysages au confluent de la Vère et de l’Aveyron

43 53 57 59 65 77 77

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V. Un site témoin des changements de territorialité 4. 1 Reconsidérer le paysage à la lumière des processus qui en sont à l’origine 4 . 2 Un site mythique aux origines de la fondation de Bruniquel 4 . 3 Des dynamiques contemporaines qui entretiennent une distance avec la confluence Synthèse et Perspectives

79 81 83 113 113 115

V. Vers une nouvelle composition paysagère 117 5.1 5.2 5.3 5.4 5.5 5.6 5.7 5.8

Composer avec l’existant Quels enjeux et potentiels pour une nouvelle composition ? Une stratégie transversale à mettre en œuvre Les principales contraintes d’un projet sur la confluence Les temporalités de la stratégie Les belvédères du château et du parc sur les vallées La descente vers le verger communal Le parc du confluent Vère - Aveyron

119 120 151 153 155 157 163 165

Conclusion 177

Bibliographie

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Annexes

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I. Rapport au lieu, rĂŠflexions et objectifs

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« Il est loin l’enfant qui chassait la couleuvre et l’écrevisse à l’ombre des falaises, plongeant dans les sombres méandres et dans la limpide Vère. Lui qui dévalait les rue étroites de Bruniquel les mains chargées de crapauds et découvrait ravi une ancienne mer fossilisée en cassant des rochers. Il est loin l’adolescent qui s’isolait sur les causses pelés pour écrire ses peines et ses joies, partait des jours entiers se perdre sous la fraicheur des chênaies, et avouer sa rage pour la ville frénétique à une nature majestueuse. Ces garçons habitent maintenant ma mémoire de ces lieux, ils chuchotent encore dans mes pensées et guident parfois ma route vers des endroits oubliés. Aujourd’hui je veux poursuivre mon histoire avec ce pays, lieu familier, d’enfance et de souvenirs, il devient lieu de questionnement et de découverte »

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1 . 1 Paysagiste et résident ponctuel

l’ambivalence d’une relation au lieu Potentiels et limites Le choix de Bruniquel pour ce travail personnel de fin d’études n’est pas anodin puisque je me retrouve à la fois dans la position du paysagiste (en devenir) et du résident secondaire. J’ai découvert Bruniquel tout petit lorsque ma grand-mère y habitait. Mes parents ont par la suite acheté une maison secondaire, l’ancienne épicerie Brousse, dans la partie basse du village. C’est donc une longue histoire ! Il n’y aura pas ici de première expérience sensible, de première rencontre ou expérience du paysagiste puisque Bruniquel et ses habitants m’ont vu grandir. Ce qui, au premier abord, apparait comme un choix du cœur, recèle en réalité des atouts pour mener ce travail mais également un certain nombre de contraintes qu’il me semble important d’aborder en premier lieu. J’ai ainsi commencé mon diplôme avec une connaissance relativement importante du territoire, de ses grandes composantes et de son histoire. Ces lieux ont déjà un sens pour moi et sont chargés d’une part d’affectivité et de souvenirs. Cette subjectivité m’a bien sur orienté rapidement vers des lieux potentiels de projet. Mais mon approche de paysagiste m’a obligé à prendre une certaine distance critique, y compris vis-à-vis de mon expérience, notamment pour analyser les rapports qu’entretiennent les bruniquelais (à l’année ou résidents secondaires) et les «visiteurs» avec le territoire. Cette distance a été également nécessaire pour aborder la question des politiques publiques et des choix en matière d’aménagement.

L’ambivalence de cette position du «paysagiste-habitant» induit une certaine lucidité sur les réalités locales, sur le contexte socio-économique et sur les représentations du territoire. Etre connu dans le village et connaitre ses habitants facilite les échanges et le partage d’une culture des lieux. Mais là encore, une exigence s’est imposée, celle de la mesure, pour réussir à toucher les bruniquelais sans être dans une utopie trop ambitieuse. Cela m’est apparu parfois comme un frein à l’audace et à la créativité, en venant sans cesse questionner mon processus de travail et mes propositions. Ce travail représente ainsi une forme d’émancipation vis-à-vis du statut d’habitant ponctuel pour affirmer celui de paysagiste-concepteur. Comment venir exprimer mon propre sens esthétique et essayer de le faire dialoguer avec le site, ses grandes composantes et le partager avec les bruniquelais ?

Une approche réflexive Le défi est de mobiliser cette sensibilité et cette expérience personnelle et d’en faire un atout pour impulser une réflexion sur les paysages de Bruniquel et sur les pratiques d’aménagement ancrée dans le contexte contemporain. En portant sur ce territoire un regard neuf, enrichi par les connaissances acquises en quatre ans d’apprentissage à l’École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux. C’est aussi l’occasion de rendre hommage à ce village perché sur sa falaise et à ses habitants. J’aborderai dans les pages qui suivent mes réflexions sur le rapport au lieu et sur l’ «esprit du lieu» dans des contextes de forte protection patrimoniale. Ces réflexions ont guidé ma démarche personnelle et seront au cœur des propositions de projet.

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lieu(x) « Là ou quelque chose se trouve et/ou se passe. Termes proches : endroit, place, position, site, emplacement, parage, lieudit, localité, coin, scène, théâtre… »

esprit du lieu / Genius loci

«Espace dans lequel la distance n’est pas pertinente» « Plus petite unité spatiale complexe de la société »

« Le «génie du lieu», c’est ce qui distingue ce lieu de tous les autres, ce qui fait qu’il a sur notre esprit une emprise particulière ». « Certains lieux sont particulièrement actifs, révélant des parties de nous-mêmes que nous ignorions ; c’est ce que j’appelle leur « génie », m’appuyant sur la tradition latine. Souvent, c’est parce qu’ils sont façonnés par l’homme, qu’ils sont la matérialisation d’une culture ou d’une époque ».

Jacques Lévy et Michel Lussault

Michel Butor

Augustin Berque

« (...) il n’est pas un cadre de dimension donnée, et il ne peut se définir autrement que par des propriétés fortement phénoménologique»

“l’importance de la connexion entre le lieu et le sujet est évidente dans la recherche contemporaine sur l’identité et la représentation“. Nicholas Entrikin

Denis Retaillé

«(...) espaces extrêmement variés qu’il faut appréhender à l’aune des acteurs qui les agencent et les pratiquent.» Jacques Levy

« Si un lieu peut se définir comme identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu. » Marc Augé

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1 . 2 Genius loci et conservatisme

Il y a des lieux qui spontanément suscitent l’émerveillement, l’émotion et qui laissent en souvenir une image tout aussi puissante. Les grandes composantes physiques y sont souvent pour beaucoup: canyon, sommets escarpés, falaises, estuaire, chaos de roches... Mais c’est surtout comme le décrit Michel Butor « (...) parce qu’ils sont façonnés par l’homme, qu’ils sont la matérialisation d’une culture ou d’une époque». La fascination est aussi générée par les réalisations humaines, leur valeur historique, l’évolution des systèmes territoriaux et des formes architecturales de plus en plus perfectionnées. Ces sont des « lieux » avant d’être des sites car ils sont habités par ces univers révolus qui ont constitué nos sociétés de la préhistoire et de l’antiquité jusqu’à la période moderne. Ils sont assimilés à l’identité et au patrimoine de la France qui, depuis plus d’un siècle, les magnifie et fait de leur préservation un enjeu national (cf. lois relatives aux monuments historiques de 1887, 1913, 1943, 1962, loi de 1930 relatives à la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque). Je ne souhaite pas ici développer la notion de patrimoine (du latin patrimonium: héritage du père), qui depuis les années soixante s’est considérablement élargie (patrimoine matèriel, immatériel, naturel, rural, industriel, maritime...). Non, je souhaite ici par le biais d’un territoire rural qui m’est cher, partager une analyse et un point de vue sur les rapports de nos société aux lieux et à leur influence sur nos manières d’intervenir sur l’espace.

J’ai volontairement choisi de commencer à parler de « lieu » plutôt que de territoire, de site ou même de paysage, bien que la méthodologie suivie s’attache à circuler dans les échelles pour caractériser les paysages de Bruniquel. Le terme de «lieu» m’est apparu pertinent car il englobe à la fois une dimension spatiale restreinte et une dimension socio-culturelle et subjective forte. Depuis plusieurs décennies la notion d’ «esprit du lieu», le « genius loci » des romains, est questionnée dans de nombreux travaux (A.Berque, N. Entrikin, L.Turgeon ...). Difficilement définissable, on peut la résumer par l’idée de singularité, matérielle ou immatérielle, objective ou subjective d’un lieu. Il habite à la fois les lieux et les individus qui les perçoivent et les pratiquent. Cet «esprit du lieu» est souvent invoqué en réaction à la modernité, prônant l’espace universel et le fonctionnalisme, effaçant les spécificités locales par une « juxtaposition d’objets sériels standardisés » (A Berque). On parle de lieux où l’individu ne s’approprie plus l’espace mais entretient plutot avec lui une relation anonyme de consommateur ou de spectateur. Marc Augé désigne de manière radicale ces espaces de la modernité comme des « non-lieux ». A noter que certains de ces non-lieux où «(...) l’homme abandonne l’évolution du paysage à la seule nature» constituent selon Gilles Clément le « tiers-paysage » «(...) l’espace privilégié d’accueil de la diversité biologique » indésirable ailleurs.

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C’est ainsi que les discours sur les identités locales trouvent aujourd’hui de plus en plus d’échos dans nos sociétés globalisées, inondées de standards où l’on parle plus de phénomènes de « masse » que d’individus ( mass-médias, consommation de masse, tourisme de masse, immigration de masse...). L’emploi de la notion d’ «esprit du lieu» ou celle d’identité locale, par des concepteurs, aménageurs ou décideurs politiques sous-entend le besoin de définir ce qui constitue une singularité (histoire, légende, ambiances, composante naturelles, activités ou pratiques particulières...). Mais cette «quête» identitaire, engendre parfois des effets inverses, à savoir la disparition de certaines caractéristiques, lorsqu’elle inscrit trop un lieu dans une identité définie et approuvée. Cela est accentué par l’assimilation culturelle des populations qui se désintéressent de certains éléments au profit d’autres plus identitaires. Rémy Delage, docteur en géographie explique ce phénomène culturel « (...) cette identité spatiale, forgée par les actions et les discours sur les lieux, déteint sur l’individu et ses pratiques, selon un processus de rétro-action identitaire »

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Il apparait que le discours identitaire est souvent synonyme d’une forme de conservatisme car il se concentre essentiellement sur les éléments remarquables, des objets « phares » du passé sanctuarisés. Au nom des valeurs et de l’histoire locale, on entretient alors l’idée de fixation d’un état. La non-intervention, ou l’intervention à minima sur l’espace deviennent préférables au risque de dénaturer. Les aménagements sont largement contraints par les protections réglementaires s’il y en a (site classé, périmètre de servitude, secteurs sauvegardés...). Les réalisations contemporaines sont également vues d’un mauvais œil, « trop modernes», «ne respectant pas les formes et matériaux anciens», «pas assez pittoresque». Les intellectuels s’accordent pourtant à dire que l’esprit du lieu est détaché de toute vision passeïste ou nostalgique, puisqu’il est aussi relatif à l’histoire récente et à la perception d’individus aux cultures et modes de vie contemporains. Cependant, on observe une marginalisation des lieux moins emblématiques ou trop éloignés. Ce sont ces lieux «délaissés» qui seront au coeur de ma démarche.


“Un véritable lieu n’existe pleinement qu’en tant qu’il possède une portée sociale, en termes de pratiques comme de représentations, qu’il s’inscrit comme un objet identifiable, et éventuellement identificatoire, dans un fonctionnement collectif, qu’il est chargé de valeurs communes dans lesquelles peuvent potentiellement – donc pas systématiquement – se reconnaître les individus.” Michel Lusssault

Une autre réflexion importante qui a orienté ce travail concerne la sensibilité à l’environnement, au « patrimoine naturel ». La nature, souvent qualifiée de «sauvage», préservée est assimilée à l’identité des lieux et à ses valeurs. On en vient à oublier que ces espaces naturels sont en réalité des espaces totalement anthropisés, devenus «sauvages» récemment. Leur équilibre et leur diversité biologique sont le résultat de plusieurs siècles d’interaction avec des activités souvent disparues (agropastoralisme, sylviculture, viticulture, exploitation forestière...). Une action minime sur l’espace est là encore privilégiée au nom de la protection du patrimoine naturel, même si les conceptions contemporaines de l’écologie intègrent les activités anthropiques. Ces espaces (particulièrement les espaces dits ouverts) autrefois entretenus perdent aujourd’hui de leur richesse biologique alors qu’ils ont paradoxalement un statut de zones naturelles protégées ou préservées.

Mais alors pourquoi Bruniquel ? Pourquoi cette petite cité perchée au milieu d’un écrin luxuriant, semblant intemporelle, préservée des méfaits de la modernité ? Justement parce que cette image bucolique occulte un certain nombre d’évolutions et une accoutumance à des dynamiques qui viennent effacer certaines qualités. Parce que ces territoires ruraux, qui ont su se re-dynamiser par le tourisme, l’installation de nouveaux résidents et le développement des aires urbaines ont aujourd’hui l’opportunité de réinterpréter leur histoire et de la valoriser. L’« esprit du lieu » reste pour moi une notion intéressante pour la pratique du paysagiste. Elle convoque à la fois la compréhension fine des composantes et de l’histoire d’un lieu mais aussi la dimension affective, sensible et sociale. Nous allons ici explorer un de ces lieux mythique, spectaculaire, en essayant de comprendre comment la considération d’un lieu et son aménagement, pourtant au fondement même de l’identité de Bruniquel ont pu être peu à peu délaissés dans l’organisation du territoire ?

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Schéma des grands aspects moibilisés dans ma démarche d’analyse et de sensibilisation au paysages

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1 . 3 Mes objectifs pour ce travail de fin d’étude

Un travail de sensibilisation et de composition Cette exploration des paysages de Bruniquel est avant tout animée par l’envie de révéler comment les paysages d’un site remarquable se font et se défont, se recomposent et changent d’identité. L’analyse illustrée doit permettre ici d’être conscient de la variabilité des paysages et des milieux. Les deux notions de figure et de structure que j’ai choisies d’employer renvoient respectivement aux figures paysagères de l’ordre de la représentation et aux structures paysagères relevant de l’organisation et des interactions des éléments et des individus qui constituent le Paysage. Ces deux concepts doivent permettre de montrer comment la « culture » et la pratique des lieux ont évolué. Ils englobent de manière assez large les représentations, picturales ou sociales, les évolutions technico-économiques, les pratiques et les usages. Cette analyse s’intéressera aussi aux personnages de Bruniquel, qui sont les autres « figures » étroitement associées à Bruniquel et à sa genèse. Ce travail est une manière de faire vivre une culture commune autour de ces paysages et d’être conscient de notre rôle dans leurs évolutions. Il s’agit de rassembler dans une même approche les caractéristiques fortes et plus modestes de ces paysages, de pouvoir s’en saisir pour mieux les réinterpréter. Cette analyse doit permettre de se souvenir des fondements de l’organisation du territoire et de l’importance des espaces de vallées et de confluences. Elle vise aussi à être conscient de phénomènes qui, au quotidien et sur de courtes périodes, semblent anodins mais qui, sur le long terme viennent perturber la perception des paysages et changer notre rapport aux lieux. Ces phénomènes font tendre vers des paysages moins diversifiés et à la perte de lisibilité de paysages pourtant remarquables.

Avec l’assimilation culturelle d’une certaine «image» du site, on en vient à considérer cet état comme immuable. L’objectif sera ici de raconter comment une certaine distance s’est installée entre le village et des lieux pourtant essentiels de son histoire. Il y a ensuite l’envie de proposer un travail de composition à partir des axes problématiques dégagés. Il s’agit alors d’envisager des méthodes et des manières d’intervenir sur des lieux qui ont de fortes potentialités et de les réinscrire dans un contexte territorial plus large. Cette composition se voudra réaliste et lucide, il ne s’agira pas de faire table rase mais plutôt de projeter une autre image, de stimuler l’imagination, de s’appuyer sur les qualités du site et d’envisager des outils adaptés. Bien entendu, c’est aussi un processus de conception, qui peut sembler irréaliste mais qui vise à stimuler une réflexion collective. Dans un contexte de protection patrimoniale et environnementale forte, quelles propositions pour un projet de paysage contemporain ? La commune est engagée depuis plusieurs années dans d’importants chantiers se concentrant essentiellement sur le bourg. Il me semble qu’au delà du village, le moment est venu de s’intéresser aussi aux lieux importants qui lient ce village de pierre à son territoire. Ce travail doit ainsi permettre de proposer à la commune une approche paysagère du territoire en se distinguant des documents généraux à de grandes échelles (cf: chartes paysagère du pays midi-Quercy, atlas départemental...) qui sont des outils assez peu opérationnels pour de petites communes.

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II . Carrefours gĂŠographiques et confluences

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N

Quercy blanc Pays des serres

Collines du bas-

Plai

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Pla et

Collines de Lomagne et de Gascogne

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Causse de Limogne

Causse de Caylus

-Quercy

Rouergue

Bruniquel Plaine et terrasses de l’Aveyron

Collines de Montclar

Pla

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A l’échelle du Sud-Ouest de la France, le territoire au confluent du Tarn, de l’Aveyron et de la Garonne constitue un carrefour géographique d’envergure. Les trois grandes plaines alluviales de ces rivières scellent la rencontre entre les reliefs issus de l’érosion des Pyrénées au Sud (Coteaux de Gascogne et de Lomagne), le massif central à l’Est où s’achève le Rouergue et les reliefs calcaires du Quercy et des causses au Nord. Cette mixité géologique et topogaphique est à l’origine d’une diversité d’occupation des sols et paysagère exceptionnelle. Ce carrefour géographique au confluent du Tarn, de l’Aveyron et de la Garonne a de tout temps structuré les voix principales de circulations et les territoires qui l’entourent.

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N

Bruniquel

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2 . 1 Le Tarn-et-Garonne, cœur métissé du Sud-Ouest Ce territoire, où la rencontre entre la plaine de la Garonne et ces grandes rivières se noue, constitue le cœur du Tarn-et-Garonne qui recèle à la fois du Quercy, de la Gascogne et du Rouergue. Ce métissage géographique du département n’est pas sans lien avec l’histoire singulière de sa création tardive en 1808. En effet, au lendemain de la révolution, en 1790, les départements sont créés et Montauban, pourtant l’une des villes les plus prospères et rayonnantes du Sud-ouest, se voit attribuer le statut de chef lieu de district puis de souspréfecture du Lot avec Cahors comme «capitale». Cette situation a été vécue comme une humiliation par la ville qui accueillait de nombreux sièges du pouvoir (généralités, cour des aides, gouvernement militaire). Entendant les doléances de la ville et de ses notables, l’empereur Napoléon 1er se rendit lui-même à Montauban et le Tarn-et-Garonne fut créé peu après en 1808 sur décret impérial. Il fut composé en grande partie de territoires cédés par le Lot et la Haute-Garonne, mais aussi du Lot-etGaronne, du Gers et du Tarn. Le jeune département se construisit ainsi avec Montauban comme cheflieu, accessible comme le voulait la loi en un jour à cheval de tous les coins du département.

Création du Tarn-et-Garonne VILLENEUVESUR-LOT

Lot

Valeilles

MONTAIGUDE-QUERCY

Saint-Beauzeil

Belvèze St-Amansdu-Pech

Roquecor

MONTCUQ Bouloc

Aveyron CAHORS

SainteJuliette

Lacour

Saint-Projet

LIMOGES

LAUZERTE

LacapelleLivron

Fauroux Montagudet

Lot-et-Garonne

Miramontde-Quercy

Gasques

Dunes

Malause

Espalais

Piquecos Meauzac

Labastidedu-Temple

SAINT-NICOLASDE-LA-GRAVE

Cayrac LamotheCapdeville

Villemade

Barryd'Islemade

CASTELSARRASIN

Saint-Michel Le Pin

Asques

Mansonville

Castelmayran

CastéraBouzet SaintArroumex

Angeville

LAVIT-DELOMAGNE

Gramont

Gensac

MONCLARDE-QUERCY

MONTECH

Montaïn

Bourret

Finhan Mas-Grenier

Monbéqui

BEAUMONTDE-LOMAGNE

Varennes

Orgueil Campsas

Bessens

Canals Bouillac Escazeaux

ALBI

Nohic

Fabas

VERDUNSUR-GARONNE

CASTRES

Savenès GRISOLLES

Beaupuy

Goas Maubec

VILLEBRUMIER

Dieupentale

Auterive

Faudoas

Tarn

VerlhacTescou

Reyniès

GAILLAC

Comberouger

Gimat

LabastideSaint-Pierre

Montbartier

Saint-Sardos

Vigueron

LamotheCumont

Marignac

La SalvetatBelmontet

Corbarieu

Larrazet

Belbèse

Génébrières

Saint-Nauphary

Bressols

Sérignac

Cumont

Puygaillardde-Quercy

Montbeton

LacourtSaint-Pierre

Escatalens

Maumusson Esparsac Glatens

Vaïssac

Lafitte CordesTolosannes

Labourgade

Montgaillard

Bruniquel

Saint-Étiennede-Tulmont

Léojac

Fajolles Coutures

Marsac

AUCH

CORDES

NÈGREPELISSE

AlbefeuilleLagarde

MONTAUBAN

SaintPorquier

Castelferrus

Garganvillar

Puygaillardde-Lomagne Balignac

La Ville-Dieudu-Temple

SaintAignan

Caumont

Saint-Jeandu-Bouzet Lachapelle

Gers

Montricoux

Bioule

Albias

AUVILLAR

Bardigues

LECTOURE

NAJAC Laguépie

Varen Féneyrols

Cazals

L'Honorde-Cos

Montastruc

Les Barthes

Saint-Loup

Sistels

Poupas

Verfeil

SAINT-ANTONINNOBLE-VAL

Réalville Lizac

Merles

Monteils

Saint-Cirq

MOISSAC

Boudou

Saint-Cirice

Espinas

Septfonds

CAUSSADE

Mirabel

LAFRANÇAISE

Ginals Lavaurette

Saint-Vincentd'Autejac

Saint-Paul-d'Espis

Goudourville

Pommevic

SaintGeorges Cayriech

Auty

Puycornet

St-VincentLespinasse

VALENCED'AGEN

Golfech

Lapenche

Montalzat MOLIÈRES

Vazerac

SaintClair

Lamagistère

AGEN Donzac

Labarthe

DurfortLacapelette

Montesquieu

Castanet

CAYLUS

MONTPEZATDE-QUERCY

Montfermier CazesMondenard

Montbarla Saint-Nazairede-Valentane

Castelsagrat

Parisot

Puylaroque

CASTELNAUMONTRATIER

Saint-Amansde-Pellagal

Brassac Montjoi

Perville

VILLEFRANCHEDE-ROUERGUE

Mouillac

Sauveterre

Tréjouls

Puylagarde

Loze

Labastidede-Penne

Touffailles BOURGDE-VISA

Gariès

Pompignan

Le Causé Aucamville

TOULOUSE

Haute-Garonne

Réalisation : S.I.G.D. - Direction de l'Informatique Source : - Juillet 2012

Partie soustraite à l'Aveyron

Partie soustraite au Gers

Partie soustraite à la Haute-Garonne

Partie soustraite au Lot

Partie soustraite au Lot-et-Garonne

0

5 Km

10

La légende raconte que l’empereur, pour trancher la question du découpage administratif aurait posé son poing sur une carte à l’emplacement de Montauban pour en dessiner le contour. Il est vrai que les limites du département évoquent la forme d’un poing fermé. En réalité, ce redécoupage est davantage lié à la recherche d’un ensemble économique et démographique cohérent basé sur les données cadastrales.

Par le poing de Napoléon « J’ai vu avec peine les pertes que Montauban a éprouvées. Je la rétablirai dans ses droits. Vous pouvez la regarder comme chef-lieu de département et je la mettrai au rang des principales villes de mon royaume » Napoleon 1er, le 28 juillet 1808 à Montauban

Cette genèse est loin d’être anecdotique puisque deux siècles après, le Tarn-et-Garonne est parvenu à une incontestable unité entre des territoires très diversifiés autour de Montauban. Le développement de la Métropole toulousaine influence aujourd’hui l’ensemble des territoires périphériques et recompose les rapports socioéconomiques entre territoires urbains et ruraux. La présence de grands axes de communication dans la plaine de la Garonne (A62 vers Bordeaux, A20 vers Paris, voies ferrées...) en font un territoire attractif et contribuent au renouveau des espaces ruraux par de nouvelles installations mais également par le tourisme. C’est un autre carrefour géographique qui sera traité ici, d’une ampleur plus modeste mais tout aussi mythique, aux portes des causses ciselés par l’Aveyron.

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Pays Midi-Quercy

Bruniquel

Carte de l’urbanisation existante. Sources: Tarn-et-Garonne: élements pour une politique de paysage - DDE 82 - 1999 Agence Folléa Gautier

Evolution de la population du Tarn-et-Garonne Sources: IGN - INSEE 2012 - Recensements de la population

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2 . 2 - La « ruée vers l’Ouest » facteur d’asymétrie dans le département La situation géographique du Tarn-etGaronne au Nord de la métropole toulousaine et au carrefour des grandes plaines est également lisible dans les dynamiques d’urbanisation et de développement des infrastructures de transport. Ces terres agricoles ont beau être parmi les meilleures de Midi-Pyrénées, elles sont aussi paradoxalement les plus sujettes à l’urbanisation. Ce développement concentré créé une asymétrie marquée avec les territoires périphériques où les reliefs sont plus marqués, notamment à l’Est sur les pentes des causses moins desservies. Ces territoires voient aujourd’hui leur économie basculer progressivement vers un modèle résidentiel avec un nombre croissant de personnes travaillant à l’extérieur de leur lieu de résidence, majoritairement dans le secteur de Montauban. Même si le développement des services à la population ont permis un regain de l’économie locale depuis les années 90s, cette ruée vers l’Ouest tend à s’accélérer. Les projections démographiques pour Montauban et Toulouse les placent parmi les plus importants accroissements de population d’ici 2030 (supérieur à 35%). Cette dynamique déjà en cours, va transformer durablement les paysages Tarn-et-garonnais.

Évolution de la population dans les aires urbaines de Midi-Pyrénées entre 2007 et 2042

Ces phénomènes contemporains sont essentiels à percevoir dans leurs conséquences globales pour les territoires, en terme d’aménagement et de planification, mais aussi dans les changements socioculturels qu’ils impliquent avec de nouveaux résidents, souvent originaires d’autres régions. C’est une question d’évolution culturelle, bien souvent à l’origine de crispations lorsque l’on essaye de défendre une identité que l’on pense menacée. Ce contexte met la question du patrimoine et des identités territoriales sur le devant de la scène, les territoires affirmant aujourd’hui leur besoin d’autonomie, de maintien d’une culture locale et de sa transmission en réponse à la modernité standardisante. Ces tendances vont également avec une reconversion profonde des territoires attractifs vers une économie touristique qui engendre des rythmes saisonniers très forts.

Source: Scénario central de projection de population - INSEE Recensement de la population 2007 - Omphale 2010

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Caussade Saint-Cirq

N Causse de Caylus

Coteaux du bas-Quercy

Cazals

Gorges de l’Aveyron Bioule

Montricoux

Nègrepelisse

Bruniquel

1

2

3

Plaine et terrasses de l’Aveyron

Penne

4

Vaissac

Puygaillard-de-Quercy

Quercy Vert et Coteaux boisés de Montclar 28

Forêt de la Grésigne

Puycelsi


De la plaine sous influence urbaine jusqu’au seuil des gorges

Un itinéraire vers Bruniquel En parcourant la large plaine alluvionnaire de l’Aveyron, où les paysages agricoles et les constructions en brique et en terre crue côtoient maintenant l’urbanisation portée par Montauban, on devine peu à peu au loin se profiler les reliefs sombrement boisés des causses du Quercy.

1

L’itinéraire débute ici à Nègrepelisse, bastide caractéristique du Sud-Ouest fondée en 1074 dont le centre historique est structuré par sa grande rue droite. La ville est nichée contre un méandre de l’Aveyron où fut érigé son château, face à une île, aujourd’hui Espace Naturel sensible, aménagée en base de loisir et en lieu culturel. Nègrepelisse connait depuis deux décennies un fort développement, bien lisible depuis la route, où se succèdent entreprises et quartiers récents. Elle constitue un pôle important et structurant de la vie socio-économique sur la route de Montauban (commerce, services, pôle administratif, vie culturelle...).

2 La départementale 115 s’étend, rigoureusement droite, calquée sur l’ancienne voie ferrée Lexos-Montauban, déroulant un paysage largement cultivé où le maïs et les oléoprotéagineux ont la part belle sur ces sols d’alluvions irrigués. Dans ce paysage ouvert les anciens relais de gare ponctuent le parcours et on croise de nombreuses fermes anciennes en brique, parfois associées à de beaux pigeonniers. Au Sud, les coteaux de Montclar aux douces courbes cadrent la plaine, alternant boisements et terres de polyculture. Au milieu de cette vaste plaine l’Aveyron serpente paisiblement et reste peu perceptible si l’on ne s’en rapproche pas. L’approche est saisissante en suivant cette route, les sommets des causses s’imposant peu à peu comme horizon principal.

3 On distingue alors un clocher émergeant à l’entrée de ce massif qui s’étire vers la plaine: voici Montricoux, autre bastide médiévale perchée sur un promontoire de la rive droite de l’Aveyron. Les pentes sont plus prononcées, la vallée s’encaisse brusquement et la végétation se fait alors exubérante, s’épanouissant en des masses denses laissant apparaître de claires parois calcaires à pic. Montricoux laisse a peine entrevoir sa silhouette remarquable et ses anciens remparts à travers l’épais rideau végétal en bord de voirie. C’est à partir de là que la route et la rivière se suivent dans un long parcours sinueux. La courbe caractérise ces paysages. La rivière se dévoile ici dans un cadre sauvage où la végétation sombre du fond de vallée contraste avec les sommets des reliefs que l’on devine déjà plus secs avec une végétation plus rustique caractéristique des sols calcaires. 4

Les longs virages s’enchaînent et les vues se font plus rares tant la végétation est omniprésente si on l’on suit cet itinéraire en dehors de l’hiver. Les quelques parcelles encore cultivées se situent en fond de vallée ou sur certains versant aux sols argileux plus profonds, laissant apparaître une terre d’un rouge intense, chargée d’oxyde ferreux qui caractérise les sols de ces causses. Nous voici au carrefour de Bruniquel sur la D115 et le moment est venu de s’écarter de l’Aveyron. Rapidement, le paysage s’ouvre à nouveau sur une séquence remarquable où la route dessine une grande courbe au pied d’un coteau boisé dévoilant de longue parcelles cultivés, rougies lorsqu’elles sont labourées d’où émergent quelques pechs boisés. Il faut encore s’avancer pour découvrir enfin Bruniquel. Il y a un aspect scénographique dans cette entrée de village, qui, nous le verrons, est un accès très contemporain dans l’histoire du territoire.

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Profil de la plaine et des terrasses alluviales jusqu’aux causses

D64 vers Caussade Nègrepelisse La Bastide, les ruines du château et l’île Bioule

Paysage urbain sous influence direct de Montauban entouré de cultures

30

Sources: google earth La D115 s’étirant en ligne droite

Plaine alluviale agricole irriguée et cultivée oléoprotéagineux, maïs)

Montricoux

Lac du Gouyre barrage construit en 1989 par le conseil général

Paysages des grandes cultures sur les sols d’alluvions irrigués

Pente du causse de Caylus

L’approche et l’entrée dans le massif des Causses où se profilent les sommets boisés


2 . 3 - Transect jusqu’aux causses du midi-Quercy Ce transect de la plaine jusqu’aux causses du midi-querçinois et des gorges de l’Aveyron permet ici de saisir l’ensemble des éléments qui caractérisent le territoire de cette étude. Nous sommes ici sur un territoire de transition. Une transition entre les plaines fertiles où l’urbanisation connait une progression indéniable, les coteaux agricoles du bas Quercy et de Montclar et les reliefs calcaires largement boisés qui constituent une des principales destinations touristiques de la région. L’éperon de Bruniquel Gorges de l’Aveyron Alluvions anciens et terreforts cultivés polycultures/arboriculture (pruniers)

Vallée de la Vère

Causse de Caylus

La situation de Bruniquel, perchée au dessus de l’Aveyron aux porte des gorges et à l’interface avec la plaine tire son origine d’une histoire millénaire. La confluence de la Vère dont la vallée s’étire au Sud vers Gaillac constitue un carrefour naturel au fondement des paysages Bruniquelais. Cette confluence est à la fois une entrée, un embranchement, une étape, un havre, une figure mythique et pittoresque qu’il s’agira ici de considérer dans ses dynamiques d’évolution et d’aménagement.

Prémices du massif de la forêt domaniale de la Grésigne

L’immersion dans la vallée encaissée et cadrés par les versants boisés

Dans le coeur des causses et du massif de la Grésigne, paysages naturels remarquables

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N

on

Vallée et terrasses de l’Aveyron Montricoux

rg Go

Bruniquel

Lac artificiel du Gouyre

Gorges d e l’Aveyr on

Causse de Caylus Calcaire du jurassique

es

de

eyr v A l’

Penne

Sols des causses

Sols des causses

Vallée de la Vère Dome de la Grésigne Massif forestier sur grès rouge du Lias

Coteaux de Montclar terre-forts et molasses argilomarneuses 0

32

1km

Puycelci


2 . 4 - L’éperon bruniquelais

au confluent de la Vère et de l’Aveyron

Vue aérienne du relief où se niche Bruniquel Source: Bing

C’est une topographie singulière qui se déploie au confluent de la Vère et de l’Aveyron façonnée par des millénaires d’érosion et de dépôts. Les rivières et leurs affluents entaillent profondément ces reliefs sédimentaires, disséqués également par de nombreux vallons ou combes sèches. Vu du ciel, le relief à l’extrémité duquel Bruniquel se niche forme une longue langue s’étirant contre le méandre de l’Aveyron. Cette forme témoigne d’un déplacement du lit mineur des rivières au fil du temps.

Modélisation de la topographie

Géologie

Sédiments calcaires du Jurassique

Alluvions du quaternaires à aujourd’hui Calcaires gréseux du Lias ruisseau de Cabéou

Aveyron

ruisseau de Merdarié

ravin de Fonvieille

Vère

Cours d’eau permanents

Le socle géologique est constitué de sédiments calcaires du jurassique. Le dôme de la Grésigne où se situe la forêt domaniale correspond à des grès plus anciens du Lias. Ces roches se caractérisent par leur teneur en minerais de fer, teintant les argiles issues de leur dégradation d’un rouge vif. Ces sols de Causses, peu épais et pauvres, de type rendzine sont essentiellement occupés par des boisements bas de chênes pubescents et des landes à buis, genêt, nerprun ou genévrier et des surfaces de pelouses xérophiles. Plus à l’Est, les sols sont plus hétérogènes, formés de terre-forts et de molasses plus argileuses où l’eau de surface est plus présente. Ces terres sont exploitées en polyculture ou verger. On remarque d’ailleurs la présence de nombreuses retenues collinaires et du lac du Gouyre, créé en 1989 par le Conseil général pour soutenir l’irrigation et l’étiage de l’Aveyron.

33


N

0

500m

Représentation crayonnée des reliefs calcaires se déployant autour de la confluence de la Vère et de l’Aveyron.

34


Les karsts de Bruniquel L’eau est venue creuser un réseau de cavités, de grottes et de failles pouvant s’étendre sur des kilomètres en sous sol, formant un système complexe de karst, de rivières souterraines et de résurgences. Les systèmes karstiques de Bruniquel sont renommés dans le milieu de la spéléologie mais surtout pour avoir servi d’abris durant le magdalénien aux premiers hommes comme nous le verrons par la suite. En découvrant le territoire, Il est difficile d’imaginer ce labyrinthe souvent innondé qui s’étire sous les paysages sec et boisés des causses.

Entrée de la grotte de Mayrière supèrieur à Bruniquel ou furent découverts deux bisons peints par des magdaléniens Source: fédération française de spéléologie

Gouffre ou igues liés à l’effondrement des voûtes

Perte, infiltration rapide

Dolines dans les dépressions, terres argileuses cultivables

Grotte

Lac éphémère Relief ruiniforme

Gorge: lié au creusement par la rivière

Zone d’alimentation Zone d’alimentation

Zone d’infiltration Zone d’infiltration Réservoirs d’eau souterraine

rivière souterraine

karst noyé

stalactites et stalagmites Galerie en conduite forcée Siphon: galerie étroite dans laquelle circule l’eau souterraine résurgence cours d’eau

exutoire d’un système karstique fonctionnant en période de crues

Aven

Bloc diagramme schématique du fonctionnement d’un système karstique

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Trois cités caractéristiques, indissociables des reliefs qu’elles « coiffent » et des vallées qu’elles dominent

1

Gardiens de la confluence, les châteaux de Bruniquel dominent du haut d’une parois de près de 100m ce carrefour géographique. Le village s’étage sur le versant à l’arrière.

2

Les ruines du château de Penne se dresse au sommet d’un piton vertigineux, dissimulé en aval et offrant en amont des vue sur un grand coude dans le parcours de l’Aveyron. Le village s’étire le long d’une étroite crête

3

Puycelci occupe comme son nom l’indique un relief isolé (un puy) dominant la Vallée de la Vère en bordure du massif de la Grésigne. Le village, cerclé de remparts, présente un tissu très compact.

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2. 5 Situation perchée sur le circuit des cités et bastides de l’Albigeois

Carte touristique du pays des Bastides Albigeoises

2 1

3 Carte de repérage des environs de la Grésigne et des gorges de l’Aveyron

Bruniquel s’inscrit dans un ensemble de cités fortifiées et de bastides remarquables bien connues sous le nom de Pays des bastides albigeoises. La plupart se situent dans le département du Tarn (Puycelsi, Penne, Castelnau de Montmiral, l’Islesur-Tarn, Cordes sur ciel) historiquement associées aux croisades menées par l’Église catholique contre l’insurrection Albigeoise et cathare et aux guerres de religion. Ces cités, régies par des chartes, furent fondées entre le 13ème et le 14èmes siècles et installées stratégiquement parfois sur des sites encore vierges. Bruniquel fut influencée par la fondation des bastides mais était déjà, de par sa situation stratégique, occupée depuis plusieurs siècles (oppidum gaulois, camp romain). Ces sites émergeant de paysages largement boisés constituent un patrimoine historique, architectural et pittoresque remarquable. Le circuit des bastides albigeoises est d’ailleurs une destination touristique majeure de la Région Midi-Pyrénées. Sites et monuments historiques classés pour beaucoup, ces villages font l’objet de nombreuses reconnaissances et labels mis en avant dans la promotion du territoire (plus beau village de France, Cordes village préféré des français en 2014, Grand Site de Midi-Pyrénées...). Il y a incontestablement une dimension épique et légendaire dans ces constructions érigées sur leurs promontoires, bravant la gravité. Ces compositions entre la roche brute et des reliefs singuliers, l’architecture de fondation médiévale et une nature rustique ont traversés les âges et les révolutions. Autrefois siège et manifestation du pouvoir, du contrôle des territoires et des voies commerciales, elle sont aujourd’hui des étapes pittoresques sur le chemin des touristes et des cadres de vie ou de villégiature attractifs. Bruniquel est aujourd’hui une entrée et un carrefour immanquable de ce circuit prisé depuis la vallée de l’Aveyron et de la Vère.

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La route de Penne D115

Le village médiéval et ses châteaux érigés au sommet des falaises

La route de Gaillac D964

N

38


2 . 6 Nous voici à Bruniquel ! Il y a ici comme une composition naturelle dans la topographie, le dessin des vallée, le parcours des rivières et les formes des plateaux érodés. Quelque chose d’indéfinissable émane de ces lieux, une force tellurique, une organisation harmonieuse des éléments entre eux qui a d’ailleurs captivé de nombreux artistes. Les premiers hommes qui suivaient les migrations des troupeaux et demeuraient près des rivières ne s’y trompaient pas. Ils venaient déjà il y a plusieurs millénaires s’abriter dans ces roches, les orner de fresques et ériger leurs sépultures aux sommets des causses. La place forte depuis laquelle le village s’est développé apparait comme une extension des falaises puissantes qui dominent ces paysages. C’était un lieu idéal pour asseoir un pouvoir sur les territoires environnant et sur les voies de communication. Vue du ciel, cette singularité des paysages à la confluence de la Vère et de l’Aveyron apparait évidente. On en viendrait presque à se questionner sur la pertinence de vouloir agir dessus, de concevoir autrement ces espaces. C’est d’ailleurs aujourd’hui les démarches de conservation, de préservation ou de restauration qui sont au centre de nombreuses initiatives (patrimoine bâti, rupestre, naturel...). Même le tracé des routes semble épouser respectueusement les grandes composantes du paysage. Pourtant, à échelle humaine, la perception et l’expérience de ces lieux et de leur exceptionnelle richesse sont bien différentes. Nous y viendrons progressivement à travers l’étude des paysages bruniquelais. L’accent sera ici sur les dynamiques d’évolution de ces paysages et notamment sur le rôle des équipements et des avancées techniques dans leur structure et la perception que l’on en a. Nous verrons dans un premier temps comment se caractérisent et s’organisent les paysages qui se déploient autour de la confluence.

39


40


III . Figures et structures paysagères de la confluence Vère - Aveyron Confluence: (n.f) Point où un cours d’eau, appelé affluent, se jette dans un autre. Du latin confluens, participe de confluo (« confluer »), composé de con- (« avec ») et fluo (« couler, s’écouler »), littéralement « s’écouler ensemble ».

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Les issarts

Le moulin des Bordes

Gourp

N Le Cabéou

D 115E

Tourtiguié

1

Le moulin des Estournels

Le Bastié

2 D 115 route de Penne

Carrière

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3 Côte de Notre-D

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D 964 route de Gaillac

5 0

42

250 m

Le pont

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3 . 1 le paysage patrimonial et pittoresque

Une arrivée scénographiée

1

5 Depuis le carrefour au Nord-ouest, la progression jusqu’au pied du village est sublime. La route longe de vastes champs de maïs épousant les courbes douces des coteaux et exhibant en période de labour une terre écarlate ( 1 ). Une petie parcelle de vigne se détache parmi ces terres de maïssiculture, vendangée à l’ancienne par les habitants lors d’une fête en septembre ( 2 ).

2

3

4

On découvre ensuite béante la carrière en bas de la côte de Notre-Dame, témoin de l’exploitation ancienne de ses roches calcaires ( 3 ). Une urbanisation clairsemée se devine dans le vallon, alternant avec des parcelles cultivées, en prairie ou aménagées en potager. Ce sont les extensions les plus récentes à proximité du village ( 4 ). Le village se dévoile enfin au dernier moment après avoir parcouru ces larges courbes ( 5 ). Depuis la vallée, c’est le château surplombant de prés de 100 mètres la vallée qui crée un appel visuel fort depuis la route de Penne ou de Gaillac. On découvre ainsi toujours la cité de Bruniquel en contre-plongée, déployant un tissu dense de bâtisses en pierre. Il y a une véritable dimension scénographique dans ces vues depuis la routes, essentielle à maitenir et à valoriser pour leurs valeurs paysagères.

43


Les châteaux Les jardins et le parc du château

La place de l’horloge et le béfroi La place du roca

Eglise

Mairie

Rue du Barry d’Albi

Promenade du Ravelin

Rue de la fontaine

La place du truquet

Le prés grand

L’église et le monument au morts

Maison aux anneaux de fer

Le château jeune et les points de vue sur la vallée

Le beffroii émergeant

Ancienne porte dans les remparts

La maison dite « Payrol»

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La tour de guet en haut du village

La place du roca


3 . 1 le paysage patrimonial et pittoresque

Le village de pierre étagé sur son versant

Comme c’est le cas pour de nombreux villages en situations perchées et étirées sur des éperons rocheux, les constructions s’organisent en terrasses. La structure médiévale du centre du village, en étages arqués, dominés par les châteaux n’a que faiblement était modifiée. Cette configuration étagée permet d’avoir des vues remarquables depuis les parties basses où les plans se confondent, donnant un caractère pittoresque indéniable. La promenade du Ravelin et la rue droite, les deux voies structurantes reprennent grossièrement les tracés des anciens remparts démontés après les guerres de religion. La façade Est du village s’organise en belvédères bâtis qui se succèdent depuis le roca, restauré en 2012 jusqu’aux châteaux et au parc qui offrent les vues les plus larges. Il faut s’armer d’un peu de courage pour gravir les côtes qui mènent aux châteaux et découvrir le plus beau des panoramas sur la vallée de l’Aveyron. On arpente Bruniquel à travers un maillage étroit de rues et ruelles encadrées par des maisons de pierres taillées qui ont traversé les siècles. Les riches ornements de certaines demeures, fenêtres géminées, à arcs brisés, certains frontons de portes nous ramènent aux heures prospères de la cité. Un grand nombre de points de vues situés sur les causses environnants offrent des panoramas

exceptionnels sur les espaces construits de Bruniquel, semblant émerger des collines boisées. Le village fait peau neuve depuis les dernières décennies après de longues années de sommeil qui ont vu le patrimoine se dégrader fortement. On devine d’ailleurs de nombreux vides dans ce tissu dense et quelques bâtiments dégradés, résultats d’un abandon ancien, de successions conflictuelles ou d’incendies. Aujourd’hui, Bruniquel fait l’objet d’une inscription au titre de la loi de 1930 relative aux sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque. Deux périmètres se superposent, celui des gorges de l’Aveyron et de la vallée de la Vère et celui du village médiéval. Nous sommes ici en plein cœur d’un site patrimonial du midi-Quercy, prisé des visiteurs pour son caractère préservé et paisible. Le charme de Bruniquel a séduit de nombreuses personnes qui s’y sont installées ou qui y ont acquis une résidence secondaire. Cadre d’inspiration et d’installation pour de nombreux artistes et artisans, le village a toujours fasciné par son aspect pictural. On peut citer comme personnalités le peintre Marcel Lenoir qui y installa son atelier vers 1914, Henry Ramey, peintre d’origine Montalbanaise qui acquit « l’oustal biel » près des châteaux ou encore Ossip Zadkine qui se maria à la mairie de Bruniquel en 1920.

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Vue vectorisé sur les parois et les châteaux

Le parc

Salle des chevaliers

Les jardins des châteaux

Anciennes écuries et pressoir à raisin

Le château vieux

La barbacane

Galerie renaissance

Le château jeune

N

Belvédère Salle d’apparat

46


3 . 1 le paysage patrimonial et pittoresque

Les rocs et châteaux de Bruniquel Gardiens de la confluence, les deux châteaux de Bruniquel se dressent au sommet de parois vertigineuses de prés de 100m de haut. Semblables à une extension de ces rocs érigés au dessus de l’Aveyron, les châteaux constituent la figure la plus symbolique des paysages bruniquelais. Ces lieux sont habités par des légendes et une histoire singulière à l’origine de la construction de deux châteaux distincts. La reine Brunehaut ou le souvenir de Romy Schneider et de Philippe Noiret, dans « le vieux fusil », de Robert Enrico, tourné à Bruniquel en 1975 hantent encore ces lieux. Le puits construit à l’occasion du tournage a d’ailleurs été conservé et la diffusion du film à la télévision annonce généralement un pic de fréquentation pour les châteaux.

Les vues qui s’ouvrent depuis ce sommet sont exceptionnelles, il est le seul éléments visible à la fois depuis le village et la vallée de l’Aveyron. Bien que dangereux et délaissé sur la pointe où est érigée une tour de guet, l’éperon est solidement bâti, comme les autres belvédères dans le village, permettant de profiter de larges panoramas. Un belvédère semblable à un bastion sur le château jeune et une galerie renaissance dans le château vieux permettent d’apprécier les grands paysages des causses et des vallées. Le château vieux fut habité jusqu’en 1950, puis résidence secondaire jusqu’en 1980 jusqu’à la mort de la dernière vicomtesse de Bruniquel, Madame de Bellefont. La mairie avec l’aide du conseil général acquit l’ensemble des chateaux en 1987 aux enchères. Alors dans un état de dégradation avancé, notamment pour le château jeune, la commune n’a eu de cesse depuis de le restaurer (toitures, intérieurs, salle d’apparat, création de salles d’expositions...) pour l’ouvrir au public et en faire un lieu d’événements culturels dont le festival d’Offenbach en août. L’illumination de nuit est un spectacle saisissant lorsque l’on circule dans les vallées. Ils constituent un ensemble architectural qui attire plus de 30 000 visiteurs par an. Les vicomtes et chevaliers ont aujourd’hui laissé place à des résidents plus discrets: les chauves souris. Plusieurs espèces de chiroptères cohabitent ainsi ici, constituant une des principales colonies de Midi-Pyrénées.

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Croquis de l’érable de montpellier solidement enraciné dans un des murs d’enceinte des châteaux où s’épanouissent lierre et végétation saxicole (oeillet, orpins...). Cet arbre remarquable domine les jardins aménagés en terrasses et en est le plus beau symbole vivant.

Oeillet (Dianthus sylvestris ?)

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Polypode commun (Polypodium vulgare)

Vipérine commune (Echium vulgare)


3 . 1 le paysage patrimonial et pittoresque

Le village - jardin

Ruine de rome, cymbalaire des murs (Cymbalaria muralis)

Nombril de Venus (Umbilicus rupestris)

Des balsamines de Balfour (Impatiens balfouri) et des acanthes (acanthus mollis) colonisent une bande laissée libre dans la rue trotte-garce, une étroite ruelle médiévale au nom évocateur...

Acanthes à feuilles molles (Acanthus mollis)

Valérianes ou centranthe rouge (Centranthus ruber)

Outre la grande richesse des milieux dans laquelle s’inscrit Bruniquel, une flore spécifique se développe dans le village. Profitant d’une anfractuosité, d’un espace laissé libre ou colonisant les murs de pierre, cette flore associée aux essences horticoles renforce les ambiances pittoresques et fait l’objet d’attentions et de pratiques particulières. Spontanées ou naturalisées, elles ne nécessitent qu’un entretien limité et génèrent au fil des saisons une diversité de formes, de floraisons associée à l’image de Bruniquel. On peut citer comme plantes caractéristiques les valérianes qui colonisent murs et failles, les roses trémières, les balsamines, parfois envahissantes, dont les passants se réjouissent de faire exploser les fruits. Les Acanthes déploient au printemps leurs larges feuilles sombres et disséqués dans les étroites ruelles tandis que les vipérines exposent en pleine lumière des hampes d’un bleu vif attirant de nombreux butineurs. Les arbres jouent également un rôle important dans les ambiances du village. L’alignement de tilleul du Ravelin, les érables de Monptellier des châteaux et de leurs jardins ou encore les platanes de la place de la vierge et le long de la route de Gaillac sont autant d’éléments et de motifs remarquables.

49


N

Périmètre de l’Espace Naturel Sensible du parc et des parois des châteaux en 2014 (projet d’extension envisagé)

50


3 . 1 le paysage patrimonial et pittoresque

Les jardins et le parc des châteaux Les jardins des châteaux, anciens jardins médiévaux clos mitoyens et inscrits à l’intérieur des anciens remparts, sont aujourd’hui entièrement ouverts au public. Réaménagés durant la dernière décennie, ils se composent d’un ensemble de terrasses jardinées encadrés par les imposants murs du château vieux. Lieu bucolique, d’événement culturels, de réunions et de flânerie ils marquent la transition vers le parc des châteaux. Ce parc est l’ancienne Garenne des châteaux, terrain où s’échelonnaient des postes de garde et où les seigneurs se réservaient le droit de chasse. Longtemps laissé à l’abandon, le parc est reconnu comme Espace Naturel Sensible par le Conseil Général depuis 1989 pour ses « intérêts écologiques, biologiques, archéologiques et touristiques » (Conseil Général 82 - 2010). Le périmètre comprend également les châteaux, les sites préhistoriques des abris sous roche, les parois calcaires et leurs habitats naturels précieux. L’ensemble des parcelles est propriété de la commune d’après le cadastre. Les 6 hectares de l’ENS ont été aménagés une première fois dans les années 90s avec l’installation de mobiliers, la sécurisation de points de vue et l’entretien des sentiers. Sa gestion et son entretien font l’objet d’une convention avec le Conseil Général. Le plan de gestion élaboré en 2014-2015 doit permettre, à travers la mise en place d’actions ciblées, de l’ouvrir davantage au public et de valoriser ses différents potentiels (voir annexes). Malgré des interventions ponctuelles, la mise en œuvre du plan de gestion s’avère complexe au vu des ressources financières de la commune et du besoin de subventions publiques pour un tel site. Le parc constitue pourtant un lieu remarquable de par ses composantes biologiques, physiques, historiques et les vues qu’il offre sur l’Aveyron.

51


Un petit aperçu de la flore qui s’épanouit ici

Chêne pédonculé et pubescent Quercus robur - pubescens

Buis Buxus sempervirens

Pistachier térébinthe Pistacia terebinthus

Orchidées sauvages Orchys sp. Ophrys sp. Cephalanthera sp.

Pelouses calcaires sub-atlantiques semi arides

Erable de montpellier Acer monspessulanum

Laurier tin Viburnum tinus

Asperge sauvage asparagus acutifolius

Landes sèches

Erable champêtre Acer campestris

Frêne élevé Fraxinus excelsior

Alisier torminal Sorbus torminalis

Origan vulgaire Origanum vulgare

Viorne lantane Viburnum lantana

Primevère Primula officinalis

Aulne glutineux Alnus glutinosa

Cornouiller sanguin Cornus sanguinea

Scolopendre Asplenium scolopendrium

Sureau noir Sambucus nigra

Cardamine des prés Cardamine pratensis

Chênaies termophiles et supra-méditérranéennes Quercus pubescens et Quercus robur chênaies - charmaies

Végétation de falaises calcaires continentales sèches

forêt aquitaine à chêne vert Quercus ilex et Quercus rotondifolia

Végétation rivulaire ripisylve Milieux hydrohygrophiles Zone humide

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3 . 2 Des milieux indissociables de l’identité du village

Une frise de milieux étagés sur le socle calcaire

Saule blanc Salix alba

Nerprun Rahmnus alaterne

Robiner faux acacia Robinia pseudoacacia

Genévrier commun Juniperus communis

Chêne vert Quercus ilex

filaire à feuille étroite Phyllirea augustifolia

Ces milieux constituent les habitats et terrains de chasse d’une faune spécifique et sensible. On y trouve près de 90 espèces protégées d’oiseaux, batraciens, reptiles, mammifères et chiroptères.

Une mosaïque d’écosystèmes s’étage depuis les sommets jusqu’aux rivières, les peuplements végétaux variant selon l’exposition, la nature et la profondeur des sols. Les chênes blancs (Quercus pubescens) et les Buis (buxus sempervirens) sont les essences omniprésentes des versants et sommets des causses. Un cortège d’arbustes comme les genévriers, genêts d’Espagne, lauriers tin, nerpruns et pruniers de sainte lucie ou encore les pistachiers térébinthes caractéristiques des faciès méditerranéens se mèlent ici dans les boisements clairs et les landes. Sur les sols très peu profonds des causses de type Rendzine, les pelouses sèches constituent des milieux riches en orchidées avec une strate herbacée développant des floraisons magnifiques en tapis du printemps à l’automne. En fond de vallée où les sols se font plus riches et profonds, la ripisylve de l’Aveyron s’épanouit largement. On peut parler d’une véritable frise biologique avec une diversité de milieux concentrés sur une aire réduite.

Landes sèches à Buxus sempervirens, Juniperus communis, spartium Junceum, Rahmnus alaterne, Prunus mahaleb, Pistacia terebenthus

Pelouses calcaires sub-atlantiques semi arides

Chênaie termophiles et supraméditérranéenne Quercus pubescens et Quercus robur

chênaies - charmaies ripisylve

Coupe schématique des peuplements végétaux s’étageant de la vallée jusqu’aux sommets des causses

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Pelouses et landes semi-arides des causses

Surfaces cultivées ou en prairies sur des sols d’argile ferreuse et d’anciennes alluvions

Carrière en cours d’exploitation Pelouses et landes semi-arides

Coteaux agricoles sur les terreforts et anciennes alluvions des environs de Saint-maffre

Pelouses et landes semi-arides des causses

Cartographie schématique des différents milieux autour de la confluence

Pelouses sèches évoluant vers la landes sur les sommets des Causse au Sud du village.

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Le roc de tounac, un des milieux rupestres dominants la confluence, site de nidification de nombreux oiseaux.

Un boisement clairsemé en taillis de chênes blancs (Quercus pubescens) associés à des buis sur une pente caillouteuse en versant Sud.


3 . 2 Des milieux indissociables de l’identité du village

Des dynamiques vigoureuses de fermeture du paysage Comme nous l’avons vu en suivant l’itinéraire depuis Nègrepelisse, l’arrivée à Montricoux puis à Bruniquel en suivant l’Aveyron marque une transition vers les massifs des causses et de la Grésigne qui se lit aussi dans la végétation. Les écosystèmes qui s’épanouissent le long des rivières et sur les reliefs marqués créent une impression de nature insoumise et exhubérante. Les vues se font plus confinées et les milieux apparaissent peu soumis aux pressions anthropiques et agricoles. A l’ouest, les terreforts et coteaux molassiques débutent. Les sols se font plus argileux, profonds et imperméables avec une exploitation agricole qui reste bien présente ( oleoprotéagineux, céréales, fruitiers, élevage ). La carte ci-contre où les masses boisées ont été renforcées permet de souligner la fermeture des versants abruptes et des causses qui encadrent la confluence. Les constrastes sont particulièrement forts depuis les espaces ouverts des vallées et des sommets où les paysages de pelouses et de landes s’étendent sur de grandes superficies. Ces massifs forestiers essentiellement composés de taillis de chênes ne sont plus exploités depuis longtemps et on y devine les traces des anciennes pratiques associées à ces milieux.

Chênaie - charmaie dans le parc des châteaux, associées à de nombreuses essences champêtres (cornouillers, aubépines, érable champêtres...)

Un maillage de murets en pierres sèche, de granges en ruines et de gariottes (abris pastoraux en pierre) se dissimule sous le couvert des arbres et des arbustes. Dans la vallée de la Vère, les sols d’alluvions argilo-sableux chargés d’oxide ferreux offrent des espaces plus larges, cultivés généralement en maïs, laissés en prairie ou plantés de carolins (peupliers d’amérique). La ripisylve de l’Aveyron quasiment ininterrompue constitue une structure végétale épaisse, doublée par la végétation qui croit sur les hauts talus de la D115. Ces grands milieux à l’origine des grands motifs du paysage autour de la confluence de la Vère et de l’Aveyron renforcent le caractère « préservé » et remarquable. Il est essentiel d’avoir conscience que ces écosystèmes se sont mis en place récemment avec la disparition de nombreuses pratiques. Ces paysages, aujourd’hui source de contemplation, d’observation naturaliste et de pratiques récréatives doivent être appréhendés à la lumière de leurs dynamiques d’évolution et de leur réversibilité.

Un cortège végétal appréciant l’eau dans le fond de vallée près des cours d’eau ou s’épanouissent frênes, saules blancs, aulnes glutineux, peupliers ...

Une zone humide sur des espaces d’expansion de crues. C’est milieux évoluent vers des stades de mégaphorbiaies et de forêts alluviales (saulaie - aulnaie - frênaie)

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Site NATURA 2000 - ZPS: Zone de Protection Spéciale au titre de la directive oiseaux « forêt de la Grésigne et ses environs » Arrêté de classement: 2006

Site NATURA 2000 - SIC « Vallées du Tarn, de l’Aveyron, du Viaur, de l’Agout et du Gijou » Arrêté de classement: 2013

APB Arrêté Préfectoral de Protection des Biotopes « parois de Bruniquel »

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Site NATURA 2000 - SIC: Site d’Intérêt Communautaire au titre de la directive habitats « Vallée de l’Aveyron, causses proches et vallée de la Vère » Arrêté de classement: 2013

APB Arrêté Préfectoral de Protection des Biotopes « cours de la Garonne, de l’Aveyron, du Tarn et du Viaur » Date de l’arrêté préfectoral: 1988

ENS: Espace Naturel Sensible « parc et jardins du château de Bruniquel »

Date de l’arrêté préfectoral: 1994

Application de la politique ENS: 1989

Site inscrit des « Gorges de l’Aveyron et vallée de la Vère » au titre de la loi 1930 sur la protection des monuments naturels et des sites

Site inscrit du « Village de Bruniquel et ses abords » au titre de la loi 1930 sur la protection des monuments naturels et des sites

Date de l’inscription: 1985

Date de l’inscription: 1942


3 . 3 Une diversité biologique et patrimoniale reconnue et protégée

Une superposition de périmètres de protection

Dessin de l’église de Saint-Maffre inscrite aux monuments historiques

Les châteaux de Bruniquel classés Monuments historiques en 1840 - Église Saint-Maffre du XIIe siècle inscrite au titre des Monuments historiques en 1947 - Maison de bois Maison Belaygue inscrite aux Monuments historiques le 24 avril 1952 - Maison dite « Le Parlement » inscrite au titre des Monuments historiques en 1984 - Ancienne maison dite des comtes de Fayrols inscrite au titre des Monuments historiques en 1986 - Maison aux anneaux de fer inscrite au titre des Monuments historiques en 1990 - Les forges de Caussanus inscrites au titre des Monuments historiques en 1991 - La Grotte de Mayrière supérieure inscrite au titre des Monuments historiques en 1993 - La grotte de Pouxets et l’abris sous roche Plantade inscrits au titre des Monuments historiques en 1996 La grotte découverte en 1992, elle a livré des traces d’activité humaine très anciennes (env. - 47 600 ans)

Bruniquel a été reconnue dès la création de la commission des Monuments historiques en 1840. Les châteaux figurent ainsi sur la première liste qui compte 1082 monuments historiques dont 934 édifices, protégés par un statut juridique. L’inscription du village et de ses abords est également précoce (1942). La mise en protection du patrimoine bâti s’est poursuivie tout au long du siècle dernier pour s’étendre depuis les années 1990 au patrimoine préhistorique des grottes et abris sous roche. La montée de la pensée environnementale et écologique (développement des concepts de biodiversité et d’écologie, 1972 programme de l’ONU « Man and Biosphere », club de Rome et « rapport Meadows » 1972, premier sommet de la terre de Rio en 1992...) a vu l’émergence des politiques de protection et de préservation des milieux. Le patrimoine naturel des vallées et des causses en est un bon exemple avec un nombre important de périmètres réglementaires (APB, site NATURA 2000) venant se superposer à ceux issus des grandes directives européennes ( DCE - SAGE, plans climat-énergie ...). Ce processus de mise en protection a contribué, après l’achat des châteaux par la commune en 1987 à focaliser l’attention sur le patrimoine bâti fortement dégradé tout en sanctuarisant des espaces retournés à leur évolution naturelle avec la perte de certaines pratiques (exploitation des taillis, pastoralisme...). A l’heure du développement touristique, ces périmètres permettent de préserver les qualités de ces sites et de tenir compte des effets de la fréquentation mais s’avèrent aussi contraindre l’appréhension dynamique des paysages ou la mise en œuvre de nouveaux projets.

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Anciennes forges de Caussanus et la cité ouvrière ( 8 )

La sucession d’abris sous-roche occupés au Magdalénien

Ancien faisceau ferroviaire des forges de Caussanus (7)

Les terrasses enfrichées de l’ancien chemin des chêvres sous le roca ( 1 )

Ancienne gare de Bruniquel Zone humide de l’ancien lit de l’Aveyron ( 2 - 3 )

L’embouchure de la Vère et les constructions ferroviaires ( 5 )

Ancienne route menant à la gare

Anciennes forges et usine à chaux dites de « Courbeval » ( 6 )

« Avant, l’Aveyron s’écoulait juste en bas du château, regardez, on voit encore le dessin du méandre, c’est un marécage maitenant. » Mr. Nespoulous, habitant dans le haut-village « La passerelle sur la Vère avait déjà été emportée en 1940, on avait installé deux poutres pour les habitants des forges et de la cité ouvrière. Il y avait encore plusieurs familles et l’usine de produits chimique Bozel-Malétra. » Mr. Méric, habitant dans le bas-village « C’est dans cet abri sous-roche que l’on a découvert la dame de Bruniquel, quatre ans avant l’homme de cro-magnon de l’abris des Eyzies-de-Tayac ! et on ne parle que de lui ! et puis les plus beaux objets découverts ont été vendus aux anglais... » « La gare, c’était un lieu de rencontre et surtout un lieu de

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transit des marchandises! On n’imagine pas l’activité qu’il y avait quand on regarde cette vallée aujourd’hui » « Lorsque la route touristique a été ouverte, ça a été un évènement, les gens venaient de toute la région pour pouvoir enfin parcourir les gorges de l’Aveyron en voiture. Je me rappelle y ête venu avec mon père » Bernard Belloc, mon père et résident secondaire à Bruniquel « C’est fou le mal qu’ils se sont donnés pour les ouvrages des forges! On a dégagé le canal souterrain entièrement en pierres de taille. Garrigou voulait même construire une affinerie à côté des hauts fourneaux en bord de la Vère ! » Mr. Soulage, propriétaire des anciennes forges de Courbeval, puis usine à chaux, qu’il restaure


3 . 4 Cette autre part de la mémoire de Bruniquel

Enfouie dans la végétation Lorsque l’on arpente les vallées de l’Aveyron et de la Vère en contrebas de l’éperon, on perçoit les nombreux indices d’une histoire bien éloignée de celle des chevaliers et Vicomtes du Moyen-âge. Les parcours a pied ne sont pas toujours très agréables, longeant des voies départementales fréquentées et purement réservées aux véhicules. Ces lieux dévoilent des constructions en pierre massive comme les ouvrages soutenant la D115 (ponts, talus, embouchure de la Vère...), les bâtiments d’anciennes industries totalement englobés dans la végétation (usine à chaux, forges, usines chimiques...). Une succession de terrasses en pierre sèche sous le Roca réapparaissent à l’automne quand les arbres se dénudent. On découvre aussi aux pieds des parois la succession d’abris sous roche où a été aménagé le circuit des rennes autour des sites préhistoiriques mais qui sont presque imperceptibles depuis la route. La tentative d’intégration de la station d’épuration par des alignement de frênes et de peupliers fastigiés vient peu à peu boucher des vues exceptionnelles sur les châteaux.

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Cette autre mémoire du lieu est encore bien vivante dans les paroles des anciens de Bruniquel comme dans les actes. Sans avoir attendu de programme d’action pour ces lieux situés dans les grands périmètres de protection, plusieurs propriétaires privés essayent de restaurer, réaménager et redonner vie à ce patrimoine dissimulé dans une nature exubérante.

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Modélisation des surfaces boisées autour de Bruniquel

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Extrait du cadastre au niveau de la confluence. On remarque le morcellement très important de la propriété foncière. Une majorité des surfaces de pente sont délaissées et colonisées par les ligneux. Source: Geoportail / IGN


3 . 4 Un contraste marqué dans les paysages

L’Ouest ouvert et construit - l’Est fermé et sauvage

A travers cette caractérisation des paysages bruniquelais au niveau de la confluence, loin d’être exhaustive, c’est bien entendu leurs remarquables composantes que l’on retient. La très forte concentration de périmètres de protection témoigne de l’identification d’un patrimoine à préserver et/ou à restaurer, que ce soit en terme d’écologie et d’habitats que de patrimoine architectural et culturel. Il y a une véritable conscience collective de cette richesse. Elle se traduit autant dans les actions de la mairie que dans des dynamiques habitantes. Nombreux se sont investis dans des travaux de restauration et de mise en valeur du village. Deux associations sont engagées dans la valorisation du patrimoine de Saint Maffre (église et lavoir) situé sur les coteaux agricoles à l’Ouest. L’association des amis du Grésinols mène de nombreuses actions d’observation naturaliste, de sensibilisation aux écosystème ou encore de parcours autour de la préhistoire.

des pratiques d’aménagement « quotidiennes », qu’elles soient collectives ou individuelles, sur les environs immédiats du village. Les parcelles privées de taillis ne sont plus exploitées malgré l’obligation des propriétaires d’avoir des plans de gestion simple. Les peupleraies dans le fond de vallée, avec une rotation d’exploitation de 30 à 40 ans sont aussi une manière de valoriser facilement des terres ingrates. Les pratiques contemporaines, qu’elles soient touristiques (randonnée, canoé, pic-nic...) ou habitantes (balades, observations naturalistes, pêche...) sont aujourd’hui détachées de la matérialité et de l’évolution des espaces de la confluence. La présence d’infrastructures routières très passagères contribue a entretenir une certaines abstraction de ces lieux. On peut parler de cadre d’inspiration, de relation spectatorielle ou contemplative qui prend le paysage comme une image, un lieu de nature idéalisé et occulte une part de sa mémoire et de sa dimension dynamique.

On distingue pourtant un contraste franc entre la partie bâtie, agricole et patrimoniale et les paysages des causses et des vallées. On peut parler de deux « visages », l’un caractérisé par le village et les versant ouverts, ressource pittoresque et cadre de vie l’autre par des espaces façonnés essentiellement par les dynamiques biologiques, lieu de ressourcement où l’empreinte de l’homme se fait discrète. Cet état est aussi le fait de la concentration

Après cette approche par les grandes composantes des paysages de la confluence, j’essaierai dans les parties qui suivent d’identifier les raisons contemporaines de cette distanciation entre le village et ces paysages. Nous verrons ainsi quelles dynamiques culturelles animent Bruniquel et dans quel contexte socio-économique le village s’inscrit. Il s’agira là de percevoir la place qu’occupent les espaces de la confluence dans ces systèmes.

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Les chateaux et les parois calcaires en dévers

Causse de Caylus

Parc des châteaux L’Aveyron

Le village médiéval

Le belvédère du roca

Les terrasses enfrichées s’étageants le long du chemin des rennes, ancien chemin des chêvres

Ancienne gendarmerie nationale aujourd’hui gite proposant des promenade en ânes

Les abris sous-roche

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Parcelle en voie d fermeture par la landes

La fontaine, le lavoir souterrain et l’abreuvoir en fer à cheval

Station d’épuration sur lit de sable mise en service en 1997

Embouchure construite de la Vère (pont à doucle arche)

Terrains communaux paturés par des ânes camping municipal


3 . 4 Un contraste marqué dans les paysages

Panorama sur la confluence Ce panorama réalisé durant l’automne 2014 au dessus du lieu dit de la « tombe de l’anglais » permet une lecture élargie des paysages au confluent de la Vère et de l’Aveyron sans le couvert végétal. Le vis-à-vis entre l’éperon des châteaux et le roc de tounac cadre cette large vue. Les motifs verts moutonnants sur les causses correspondent aux feuillages persistants des buis et dans une moindre mesure des chênes verts. On remarque également l’emprise des plantation de peupliers hybrides à l’embouchure et sur les bords de Vère où la végétation autochtone de ripisylve est moins représentée.

de La route de Penne D115

Les anciennes forges de Caussanus et la cité ouvrière

Le roc de tounac ou besoc avec son habitat troglodyte

La gare

Vallée de la Vère

La route de Gaillac D694

Peupleraies (carolins) en bord de Vère Parcelles en fond de vallée labourées (maïs, oléoproteagineux)

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La D115 épousant les méandres de l’Aveyron, itinéraire touristique phare de la Région et colonne vertébrale du territoire Sources: IGN

Points de vue depuis les deux principales routes

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3 . 5 Dynamiques culturelles et socio-économiques

La D115, vecteur de développement et de découverte

Représentation schématique des trajets en voitures des résidents

Représentation schématique des trajets en voitures des visiteurs

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Les infrastructures routières jouent un rôle majeur dans les dynamiques socio-économiques du territoire. Elles constituent un motif particulier du paysage des vallées et en sont le principal média de découverte. La « route de Penne » et la « route de Gaillac » épousent les grandes formes du relief, déroulant un paysage tout en courbes. Là encore, ces tracés sinueux marquent une transition vers les gorges et les méandres encaissés après un parcours strictement rectiligne dans la plaine. A l’heure ou l’activité locale est intimement liée aux pôles d’activité extérieurs et à la fréquentation touristique, ces routes et carrefours sont au cœur du développement et du dynamisme territorial. Elles sont à considérer dans leur fonction fondamentale de voie de communication mais également comme les médias principaux de perception des paysages et du patrimoine local. C’est particulièrement le cas au niveau de la confluence qui constitue un carrefour névralgique dans ce maillage routier. On peut constater que la considération du paysage dans le traitement et l’entretien des routes, relevant des compétences du département est aujourd’hui faible, se concentrant sur certaines portions. L’impression de tunnel végétal est forte, incitant à l’accélération et homogénéisant les parcours. Les aménagements se limitent souvent à une réfection des revêtements bitumineux conduisant parfois à un élargissement progressif des voies. La mise en scène et la diversification des séquences routières est un gage d’attractivité et permet d’avoir une incidence sur la vitesse des déplacements souvent excessive sur les départementales.

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3 . 5 Dynamiques culturelles et socio-économiques

Une économie résidentielle dépendante de l’extérieur

Modélisation des déplacements domicile-travail dans le Pays Midi-Quercy Sources: Pays Midi-Quercy - INSEE - DADS - FPE 2004

Les activités agricoles qui ont fortement diminué en 40 ans, se concentrent sur les sols favorables à la mécanisation et ont tendance à se spécialiser dans des productions rentables (oléoprotéagineux, maïs semence...). Elles ne représentent plus qu’une faible partie de l’emploi. La polyculture et l’élevage n’ont cessé de reculer même si ces pratiques restent caractéristiques des paysages des coteaux de Montclar proches. La polyculture se maintient sur les coteaux à l’Ouest de Bruniquel, garante d’une diversité de paysages agricoles. On compte 16 exploitations sur la commune (Agreste 2010). La déprise agricole date déjà sur les causses avec la disparition des pratiques agropastorales au siècle dernier. La carrière qui exploite le calcaire en granulat constitue la principale activité locale. Les activités dans le village sont tributaires de la fréquentation touristique. Ce contexte économique, dépendant majoritairement de l’extérieur, présente une part de risque en cas de diminution de la fréquentation touristique ou d’une crise profonde (augmentation exponentielle du prix du carburant, crise économique...)

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Comme dans le département et le pays Midi-Quercy, l’économie est dominée par le secteur tertiaire (services) et l’emploi se concentre sur les pôle d’activité à proximité de Montauban ou de Caussade. On parle d’une économie résidentielle, c’est-à-dire issue d’activités tertiaires (services) majoritairement destinées à satisfaire les besoins des populations du territoire. La précarité est également une réalité avec des taux de chômage très élevés (environ 12% pour le pays Midi-Quercy, 16% à Bruniquel INSEE 2010), notamment chez les jeunes. Une majorité de la population travaille à l’extérieur du village et les dernières décennies ont vu exploser le nombre de trajets « pendulaires » entre les lieux de travail et de résidence.

Part de chaque secteur d’emploi du Pays Midi-Quercy Sources: Pays Midi-Quercy - INSEE - Recensement de population


3 . 5 Dynamiques culturelles et socio-économiques

Un renouveau porté par les nouvelles installations et le tourisme En un siècle, Bruniquel a vu sa population être divisée par trois. La commune a payé un lourd tribu en hommes durant le premier conflit mondial alors que les exodes ruraux de la fin du XIXème siècle l’avaient déja largement dépeuplée. Ces phénomènes ont été communs à tous les territoires présentant des reliefs marqués et des sols ingrats lorsque les grandes zones urbaines se sont développées et que l’agriculture s’est modernisée. Après cet inexorable dépeuplement, Bruniquel connait depuis les années 1990 un regain démographique. Cette croissance a été en grande partie liée à de nouvelles installations à proximité des grands bassins d’emplois du département. Ce renouveau est aussi le fait de l’arrivée de nombreux résidents secondaires notamment de toulousains et d’étrangers tombés sous le charme de la petite cité médiévale. Ces phénomènes contemporains ont permis à la commune de conserver son école primaire et un minimum de services de proximité (poste, épicerie...). Plus de la moitié de la population à plus de 60 mais le vieillissement de la population est compensé par la présence de nombreux ménages.

Histogramme de l’évolution démographique Sources: base Casini de l’EHESS et base INSEE

Le renouvellement démographique a induit un changement important dans les rapports entretenus avec le territoire et dans la culture locale. Le changement principal concerne le recul de la fonction de territoire ressource, exploité et considéré a travers un rapport vivrier quotidien. Le village de Bruniquel est aujourd’hui davantage considéré pour son cadre de vie de qualité, lieu de ressourcement, de villégiature, d’histoire et de pratiques récréatives. Il y a de plus une rupture dans la transmission d’une culture populaire et vernaculaire même si elle est perpétuée par les natifs de Bruniquel. La mise en protection du patrimoine et la valorisation des sites met en avant la valeur historique et culturelle. Elle se concentre encore essentiellement sur les éléments les plus remarquables. Les dernières années ont vu l’émergence d’une vraie dynamique autour du petit patrimoine (inventaire du patrimoine en MidiQuercy, évènement autour des lavoirs, fontaines, restauration de particuliers...). Le partage d’une culture commune du paysage passe aussi par des pratiques collectives d’aménagement, d’entretien et l’utilisation des essences végétales autochtones. Ces pratiques se cantonnent souvent aujourd’hui aux propriétés privés et aux jardins.

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Regards d’habitants

Les avis qui sont présentés ci-dessous sont issus de réponses à un questionnaire anonyme sur les paysages et les lieux de Bruniquel. Ils ne sont pas représentatifs de l’ensemble de la commune mais illustrent certaines représentations sociales des paysages.

« Je ne connais pas, au pied de la falaise et autres, les abris sous roches et leur historique, car je ne m’y intéresse pas.» - Y a-t-il des lieux ou vous n’allez pas ou peu, qui ne vous attirent pas ? Pourquoi ?

« J’aime tout à Bruniquel, plus particulièrement les châteaux et leur parc, les rues fleuries, le lavoir, les bords de la Vère et de l’Aveyron, la tombe de l’anglais, la grotte de Cussoulet, la forêt de Grésigne bref, tout Bruniquel, pour son calme, sa lumière, son romantisme... »

« Non » « Non » « Aucun lieu ne m’est désagréable » « C’est déjà bien valorisé à mon avis, il faut laisser la nature sauvage. »

« Je n’ai pas remarqué de changement significatif dans le paysage, sauf peut-être l’ampleur de la carrière que je déplore, et l’augmentation des champs de maïs…mais les impératifs de notre société nous obligent à accepter… »

« Authentique, nature, calme, histoire. »

- Comment imaginez-vous les paysages de la commune dans 20 ans ? Pareil j’espère. « Il m’est difficile de me projeter dans l’avenir, mais je souhaite que le paysage, dans la mesure du possible, ne change pas. » « Encore plus proche de la nature et valorisation de l‘histoire » « J’espère que l’on ne continuera pas à crépir les maisons en pierres, à cacher les colombages, à recouvrir les murs de pierres avec du bois !! (qui plus est à quelques mètres du château !) »

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« Pour moi Bruniquel c’est le calme, la douceur de vivre, la lumière, la détente et le romantisme « Vallons, Sauvage, Verdure, Préservation. » « Magique, Magnifique, Diversifié et 100 pour 100 nature » « Site remarquable, Histoire exceptionnelle »


3 . 5 Dynamiques culturelles et socio-économiques

nouveaux paradigmes Plusieurs conceptions se confrontent à Bruniquel sur les questions de paysage, d’environnement ou de cadre de vie. On peut distinguer comme paradigmes prégnants et largement partagés celui autour de la préservation du patrimoine naturel, du caractère « sauvage » et celui concernant le patrimoine architectural pittoresque et identitaire. Soit, autour des notions d’héritage culturel, de qualité de cadre de vie et de protection de la biodiversité. Les acteurs économiques qui dépendent de l’exploitation d’une ressource ou de la terre auront une sensibilité différente à ces questions. Leurs activités sont soumises à un contexte économique et commercial relativement difficile et dépend directement d’une intervention active sur l’espace. Enfin, pour beaucoup de résidents ce sont les questions sociales et culturelles qui restent les plus importantes comme le maintien de services minimums (école, poste, épicerie, lieu de vie sociale...) l’emploi local et la vie culturelle (évènement, associations...). Ces aspects sont essentiels à la présence de jeunes couples dont dépend le dynamisme du village. Il y a clairement une distance entre les perceptions où le territoire est ressource (forestière, agricole, minérale, biomasse...) et celles où il est lieu de ressourcement, de contemplation et de cadre de vie. Ainsi, la carrière qui voudrait étendre son exploitation aborde la question du paysage de manière objective et rationnelle. L’étude paysagère (certes obligatoire) qui apparait dans le dossier de demande d’extension est d’ailleurs un document très complet, abordant de manière transversale le paysage et proposant une vrai vision prospective. Paradoxalement, l’activité autour de la pierre a toujours été présente et pourrait être considérée

comme identitaire ou de l’ordre de l’héritage culturel. Les nombreuses carrières qui éventrent les causses, à proximité directe du village en témoignent. La carrière est pourtant perçue de manière négative par de nombreuses personnes, la valorisation en granulat d’une pierre de grande qualité n’aidant pas. Il est intéressant de noter que l’ancienne décharge, située dans une ancienne carrière à 300m du centre village, n’apparaît pas dans les retours à mon questionnaire même s’il est loin d’être représentatif. Aucune réponse n’évoque également la question de la route ou du carrefour entre la D115 et la D964 venant rompre les itinéraires de randonnées ou du vélo-route et formant un rempart le long de l’Aveyron. Les personnes interrogées mettant toujours en avant la richesse biologique, le charme, le romantisme et la qualité des ambiances. Les représentations socioculturelles d’aujourd’hui ont tendance a idéaliser le paysage en occultant une partie de ses dynamiques d’évolution, des conflits et des systèmes de gouvernances qui en sont à l’origine. Le paysagiste que je suis s’interroge sur la part de déni, que ce soit sur la fermeture progressive des paysages avec des milieux qui tendent vers un climax de forêt caducifoliés ou la question de l’activité et des ressources locales. Le territoire dépend de l’extérieur en terme d’alimentation, d’énergie ou de matière première. L’artisanat et les commerces du centre persistent uniquement du fait de la fréquentation touristique. Il est indispensable aujourd’hui de valoriser un autre rapport aux ressources naturelles, de parler d’ingénierie écologique, de résilience ou d’autonomie énergétique.

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Le panneau d’information sur les points d’accés à l’Aveyron, installé récemment par l’intercommunalité. Première étape vers une nouvelle valorisation de ces espaces ?

Le terrain de camping municipal bénéficie à la fois de la vue spectaculaire en contre-plongée sur les châteaux et de la proximité de la station d’épuration...

Le point d’accueil jeune apparait aussi défraîchi que le panneau qui l’indique. La création d’un nouveau lieu est actuellement à l’étude dans le cadre du plan de développement durable des activités touristiques du Pays Midi-Quercy.

Axonométrie schématique de la fréquentation et des pratiques estivales au niveau de la confluence

Saison d’affluence touristique et d’arrivée des résidents secondaires

Ouverture des activités saisonnières, culturelles ou de pleine nature (Kayac, pêche, promenade en âne, randonnée, évènements...) des restaurants et des hébergements saisonniers dans le village. Principaux événements festifs et culturels, sans compter les nombreux évènements ponctuels (concerts, cinéma en plein air, théatre, initiation au tissage, évènement autour de la préhistoire, spéléologie expositions d’artisans ...)

Mai

«Vert-tige» Grande foire aux plantes

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Juin

Visite guidée nocturne : “La Conteuse et le chevalier”

Juillet

Feux d’artifices et fête du 14 juillet Fête de la saucisse

Aout

Festival Offenbach (10 jours de représentations) Fête votive Festival du rire à Vaour

Septembre

Fête des vendanges Randonnée des lavandières Les nuits frappées de Bruniquel


3.5

Dynamiques culturelles et socio-économiques

Une saisonnalité marquées et un accueil organisé dans le village L’arrivée des beaux jours à Bruniquel annonce le retour dans le village des résidents secondaires et des visiteurs. Les rues se remplissent durant les périodes ensoleillées du printemps. Les artisans et commerçants du village rouvrent leurs boutiques et terrasses. C’est aussi la période du redémarrage des grands évènements culturels et festifs. L’accueil se concentre sur le village mais la confluence est également un lieu prisé par les visiteurs. Les terrains communaux en bords de Vère sont investis en été par de nombreux touristes, baigneurs, randonneurs, campeurs, familles, kayakistes... C’est un des points accès « multi-usages» à l’Aveyron identifié et valorisé dans la politique touristique du

territoire et l’emplacement du camping municipal en contrebas de la station dépuration. On remarque une occupation relativement sauvage des espaces, les véhicules venant stationner directement sous les peupliers. Cette fréquentation saisonnière implique une pression sur les milieux sensibles proches et une dégradation des espaces du fait d’une fréquentation qui augmente sans être accompagnée d’aménagements adaptés depuis plusieurs années. Une autre problématique concerne le départ des randonnées et du veloroute qui sont contraints de se faire sur la D115 assez dangereuse du fait de l’absence d’accotements aménagés et de l’impossibilité de rejoindre le pont depuis la Vère.

Axonométrie schématique de la fréquentation et des pratiques durant les saisons creuses

Saison « creuse » de moindre activités

Ralentissement des évènement culturels et interruptions de la plupart des activités touristiques. Le territoire entre en dormance

Décembre

Rencontres d’art aux châteaux

Janvier

Fête de la saint Vincent, repas des vignerons des coteaux du Quercy

Mars

Grand raid VTT / randonnée «Les 2000 de Bruniquel»

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La fête des vendanges à l’ancienne perpétue une tradition ancestrale et constitue un moment festif marquant la fin des beaux jours

Affiche de la randonnée des lavandières organisée par l’association «Saint-Maffre dynamique» Sources: www.bruniquel.fr

Les gradins et la scène installés face à la barbacane et au château jeune Sources: La Depeche du Midi

Affiche du 17ème festival d’Offenbach Sources: Pays Midi-Quercy

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Vert-tige, Le grand marché aux plantes organisé aux châteaux mai 2014


3 . 5 Dynamiques culturelles et socio-économiques

Une vie culturelle dynamique qui sort doucement des murs Parallèlement au renouvellement démographique et au développement du tourisme, la vie culturelle de Bruniquel s’est dynamisée. La commune accueille depuis maintenant près de 19 ans le festival des opéras bouffes d’Offenbach de la compagnie Brunehaut auquel participent activement les habitants et attirant de nombreux spectateurs. La programmation culturelle du village n’a jamais été autant fournie, soutenue à la fois par les initiatives municipales et habitantes: exposition des artisans du village aux châteaux, fêtes villageoise, visites contées, sorties spéléologies, Vert-tige le grand marché aux plantes... La confrérie des vignerons du Quercy organise régulièrement des évènements à Bruniquel, promouvant la territoire viticole auquel appartient Bruniquel.

Un groupe de touristes remonte à dos d’âne depuis la Vère jusqu’au gite situé dans l’ancienne gendarmerie.

Les châteaux sont le lieu privilégié des évènements, offrant un cadre remarquable. Les nombreux artisans (souffleur de verre, tissage de laine, poterie, gravure...) présents dans le village contribuent à cette dynamique culturelle. La fête des vendanges en septembre où les habitants vont récolter à l’ancienne les grappes de la petite parcelle pour en extraire le jus dans le pressoir en bois séculaire des châteaux perpétue une tradition ancestrale.

On voit peu à peu cette dynamique culturelle sortir des murs du village. Outre les actions menées pour restaurer le petit patrimoine, les associations organisent de plus en plus de sorties thématiques: randonnée des lavandière parcourant les ouvrages autour de l’eau, parcours naturaliste, sur la préhistoire... La confluence apparait aujourd’hui marginalisée dans cette dynamique culturelle, malgré la valorisation du sentier des rênes qui rejoint les abris sous roche. Elle recèle pourtant un potentiel important sur de grandes surfaces communales qui pourraient être mieux valorisées et accueillir davantage d’événements. Les lacher de truites et des concours de pêche sont encore organisés sur la Vère. L’installation récente du gîte dans l’ancienne gendarmerie en bas du village proposant des balade en ânes a permis de redonner un peu vie a ces lieux en fond de vallée. La mairie laisse son propriétaire utiliser les prairies en pâtures, rappelant les anciennes pratiques collectives sur les patus (pâture collective ou communeau dans d’autres régions) mais engendrant parfois quelques conflits d’usage...

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Pays Garonne - Quercy - Gascogne

Pays montalbanais et communauté d’agglomération de Montauban

Une stratégie territoriale de développement durable portée par le Pays et les intercommunalités:

Carte des Pays et intercommunalités du Tarn-et-Garonne Sources: Conseil départemental du Tarn-et-Garonne

- Elaboration d’un SCOT rural (Schéma de Cohérence Territorial) et réflexion sur les PLUI (Plan Local d’Urbanisme Intercommunal) - programme européen LEADER - Charte de développement durable du Pays Midi-Quercy - Charte forestière de territoire - Charte paysagère et Plans paysages - Charte des bonnes pratiques touristiques - Schéma de développement durable des activités nautiques - Programme Natura 2000 - Plan énergie et plan climat du Pays - Candidature au projet « Territoires à énergie positive » (TEPOS) - Inventaire du patrimoine du Pays

Carte des communauté de commune du Pays Midi-Quercy Sources: Pays Midi-Quercy

Il est difficile possible à une commune seule comme bruniquel de mener une politique volontariste concernant le paysage. Sa superficie très étendue, un habitat très concentré et des reliefs largement boisés ou le foncier est très morcelé nécessite une approche territoriale globale et partenariale. A titre de comparaison: dans la plaine de l’Aveyron: ST ETIENNE de Tulmont : 21,4 KM2 pour environ 3200 habitants ALBIAS 21,6KM2 pour environ 2600 habitants BRUNIQUEL : 33,2 KM2 dont plus de la moitié sur des sols de causses pour environ 600 habitants (Sources: INSEE)

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Limites communales de Bruniquel Sources: IGN /Géoportail


3 . 5 Dynamiques culturelles et socio-économiques

Le Pays Midi-Quercy comme acteur clé des politiques territoriales Après les grandes lois de décentralisation des années 1980 qui ont conférés de nombreuses compétences aux départements (politiques des ENS, infrastructures...), la dernière décennie a vu se structurer les politiques intercommunales autour des EPCI (Établissement Public de Coopération Intercommunale) et du pays Midi-Quercy. Depuis le 1er janvier 2015, le Syndicat Mixte est devenu le PETR du Pays Midi-Quercy : Pôle d’Équilibre Territorial Rural. Ce nouveau statut renforce le cadre juridique, de mutualisation et de coopération entre le Pays et les EPCI. Ces structures intercommunales sont essentielles sur ces territoires ruraux en plein renouveau et la mise en œuvre d’une politique des paysages en dépend étroitement. Les documents élaborés ces dernières années (chartes et plans paysage du pays, boite à outils...) ont permis de les caractériser, d’identifier les grands enjeux et de partager une culture commune en vue de mener des projets dans la durée. Ces orientations sont complémentaires et transversales aux autres stratégies du territoire (charte forestière, Programme NATURA2000, LEADER+...). Elles se concrétisent par la mise en œuvre d’actions pilotes à l’échelle des communautés de commune depuis plusieurs années (entrée et traversée des bourgs, valorisation des vues, des grandes composantes naturelles ...). Ces actions doivent être encouragées et se poursuivre car elles permettent percevoir concrètement le bénéfice d’une approche transversale qui touche autant à l’écologie, à l’attractivité touristique et à la vie socio-économique et culturelle.

La commune est d’ailleurs s’est engagée dans des actions de renovation du bourg (place de la vierge, promenade du ravelin, belvédère du roca...) La stratégie territoriale est indispensable pour assurer la cohérence des projets mais sans action pilote, les recommandations, objectifs et enjeux ne peuvent prendre corps, impliquer les populations et activer une véritable dynamique durable. La mise en œuvre des politiques concernant les paysages met également en lumière de nombreux paradoxes et dysfonctionements. L’action pilote concernant la traversée et les entrées du village de Montricoux en est un bon exemple. Celle-ci n’a pas été accompagnée d’une action d’entretien des talus routiers de la D115 sur la rive opposée située à Bruniquel (photo ci-dessous). On a ainsi une valorisation du village mais avec des vues fermées depuis la route constituant pourtant le paysage le plus remarquable de Montricoux.

Cette volonté d’harmonisation des politiques locales et de mutualisation des compétences autour de grandes problématiques territoriales (tourisme, paysages, milieux naturels, gestion des rivières, forêt, énergie...) permet aujourd’hui de stimuler l’innovation et d’avoir de nouvelles ambitions pour les territoires du Midi-Quercy.

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Vue depuis le pont franchissant l’Aveyron sur les parois des châteaux, aout 2014

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Synthèse de la caractérisation des paysages au confluent de la Vère et de l’Aveyron

Quelles problématiques se dégagent ? Une distance perceptible entre les hauts lieux patrimoniaux, le village et le « Tiers-paysage » dans les pratiques d’aménagement, d’appropriation des lieux et dans la vie culturelle. Interventions règlementées aux abords des monuments historiques. Des dynamiques importantes de fermeture des paysages sur les espaces délaissés des causses, des versants abruptes et de fond de vallée encaissés. Homogénéisation des habitats naturels et du paysage / perte de vues remarquables / attractivité touristique moindre Un parcellaire privé délaissé et très morcelé sur les versants boisés. Faible valorisation de la ressource forestière et de la Biomasse. Une fréquentation touristique qui devance les politiques touristique et d’aménagement du territoire qui sont en train de se mettre en place Une vision parfois détachée des dynamiques d’évolution naturelle et relativement sanctuarisante des milieux / minimum d’interventions L’abstraction du territoire par la voiture - Tourisme et trajets quotidiens confondus - Un traitement et des aménagements fonctionnels / Vitesse excessive / fermeture des accotements et talus départementaux sur des sites remarquables (abris sous roche, vis à vis entre rives de l’Aveyron, falaises...) Les conflits d’usages entre piétons, randonneurs, cyclistes et automobilistes avec l’impossibilité d’accéder au pont sur l’Aveyron depuis les bords de Vère et aucun aménagement sur les voies départementales La perte de cohérence des espaces sur les terrains communaux en zone inondable au bord de la Vère: Dangerosité de certains belvédères (châteaux et parc) donnant sur les vallées depuis le village Des politiques de paysage encore relativement peu opérationnelles. Nécessité de la mise en oeuvre des actions pilotes en lien avec les autres enjeux développés dans les documents relatifs au paysage et les documents de planification territoriale

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Reconstitution de la vue depuis l’ancienne gare de Bruniquel du début du XXème siècle à aujourd’hui d’après une gravure de Isidore Taylor

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IV. La confluence, site témoin des changements de territorialité

Territorialité: « (...) l’ensemble des rapports existentiels et sociaux que les individus en groupe entretiennent avec l’espace qu’ils produisent et reproduisent quotidiennement à travers les figures, les images, les catégories et les objets géographiques (...) » Julien Aldhuy

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« (...) dans la chair même du paysage s’impriment et perdurent tous les stigmates du passé. Le paysage est une mémoire et je peux l’interroger.» Michel Corajoud

Vue depuis le belvédère des châteaux sur l’embouchure de la Vère et le roc de tounac, aout 2014

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4. 1 Reconsidérer le paysage à la lumière des processus qui en sont à l’origine

S’interroger sur la mémoire des lieux

J’ai essayé dans les premières parties de mon étude de caractériser et proposer une exploration de l’état contemporain des paysages à la rencontre de la Vère et de l’Aveyron. Loin d’être complète et relevant d’une part d’interprétation personnelle, cette démarche a mis en lumière un certain nombre de dynamiques qui bousculent l’image pittoresque intemporelle et souvent idéalisée de ces paysages. Il est indispensable selon moi de considérer ces espaces, ces milieux, ce patrimoine et le contexte social dans lequel ils s’inscrivent comme réversibles et pouvant subir à l’avenir de profondes modifications (climatiques, économiques...). Sans tomber dans l’alarmisme, c’est avant tout un moyen d’être mieux conscient de notre rôle et de l’importance des choix qui sont pris en matière d’aménagement. L’élaboration d’un véritable projet de territoire par le Pays et les intercommunalités est une innovation pour l’ensemble des communes concernées qui entame une dynamique prospective. C’est peut-être sur ces territoires ruraux renaissants après de longues années de déclin que la capacité d’innovation est la plus forte. Eux que l’on présentait encore il y a peu comme en voie de désertification ont su s’adapter et tirer profit des évolutions contemporaines de notre société. Il se tournent

aujourd’hui à travers les principes du développement durable vers des projets d’autonomie énergétique (TEPOS) et de valorisation des ressources locales (charte forestière, plan climat-énergie, soutien aux activités locales...). Essayer de déterminer la capacité de résilience d’une territoire et indissociable de son histoire, des différentes mutations qu’il a traversées et des répercussions qu’elles ont eu, parfois encore bien actives. L’histoire nous apprend a considérer le paysage comme la traduction dynamique dans l’espace d’un ensemble de processus, de changements socio-économiques et d’initiatives individuelle et collective. C’est dans cette optique que je vais ici proposer une rétrospective des états successifs qu’ont connus les paysages au confluent des deux rivières. Nous verrons ici comment les grandes structures paysagères se sont mises en place au fil du temps et ce qu’elles ont représenté pour les populations du territoire. Il s’agit là d’une contribution personnelle pour maintenir bien vivante la mémoire de ces lieux, de pouvoir les raconter et de questionner les rapports actuels que l’on entretient avec eux à la lumière des faits historiques.

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Lithographie, tirée des « Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France », édition de 1834 sur le Languedoc, Villeneuve, Louis (1796-1842) Engelmann, Godefroy (1788-1839)

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4.2

Un site mythique aux origines de la fondation de Bruniquel «Mythique», le qualificatif peut sembler excessif, mais pourtant l’histoire de Bruniquel fascine par sa complexité et recèle une grande part de légendes et de récits populaires. En parcourant ces lieux, des milliers d’année s’exposent, dont les premières manifestations sont ces falaises et ses rocs dressés datant du Jurassique. Derrière son aspect de petite cité pittoresque endormie, on découvre un récit qui se déroule depuis la rencontre supposée de l’homme néandertalien et de cro-magon.

Le supplice de Brunehaut durant les guerres entre Austrasie et Neustrie,, gravure issue de l’ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875

Le mythe le plus célèbre est lié à la reine Brunehaut, la reine mérovingienne. Les vestiges d’une tour érigée au XIème siècle porte son nom et les bruniquelais continuent à appeler “côte rouge” le lieu de son supplice. Elle y aurait péri traînée par un cheval furieux auquel on l’avait attachée. Mythe, parce que aucune source historique sérieuse ne confirme ces faits. Plus récemment, le tournage du “vieux fusil” (Robert Enrico 1975 ) dans le château de Bruniquel a renforcé le caractère mythique du lieu. Le carrefour naturel au confluent de la Vère et de l’Aveyron a toujours eu un rôle stratégique dans la structuration du territoire, qu’il soit militaire, commercial, symbolique ou touristique. Ces paysages gardent l’empreinte de grandes évolutions, pareil à un palimpseste sur un parchemin. Ils révèlent des structures héritées du Moyen-âge, du labeur séculaire des paysans sur les sols caillouteux ou encore les marques profondes d’un développement industriel. Mais, au delà des mythes et des récits, Nous considérerons ici le paysage de Bruniquel et surtout de la confluence - objet principal de cette étude - , comme la résultante de dynamiques socioéconomiques et techniques de long terme mais aussi comme représentative du paradigme autour du patrimoine et de la nature sauvage

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Propulseur dit du « cheval sautant » sculpté dans un bois de renne

Mamouth sculpté en ivoire

Les Bisons peints par les magdaléniens dans la grotte de Mayrières supérieure renne sculpté en ivoire

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Bruniquel haut lieu de la préhistoire.

Le rôle clé de la confluence

Modélisation de la situation actuelle des abris sous roche au pied des parois du château Sources: INRAP

Si nous remontons aussi loin pour étudier les grandes structures et figures paysagères, c’est que le patrimoine préhistorique reste intimement associé et lisible au niveau de la confluence: quatre spectaculaires abris sous roche sont visibles au pied des parois du château. Ces abris ont été occupés par des colonies humaines entre 17000 et 10000 ans avant le présent, soit dans la période dite magdalénienne (la dernière du paléolithique). Des objets, parmi les plus beaux du paléolithique y ont été trouvés et sont visibles au British museum et à St Germain en Laye. A cette époque de climat glaciaire (fin de la dernière glaciation il y a environ 10 000 ans ), la confluence, encadrée de hautes falaises était un lieu protecteur et nourricier. Protecteur, du fait de ces falaises en dévers et de la présence de nombreuses grottes. Nourricier parce que la vallée était le passage obligé des troupeaux de rennes sur leur parcours de migration. Par ailleurs, la rivière garantissait l’approvisionnement en eau, en produits de la pêche et en matériaux charriés par les eaux comme le silex. A cette époque, la vallée concentrait la présence humaine. Ces chasseurs cueilleurs ont eu un faible impact sur le paysage et seul les sites rupestres témoignent encore de leur présence.

Reconstitution d’une chasse durant les grandes migrations de rennes à la fin de la dernière glaciation

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L’avant-poste sur de parcours de l’Aveyron de l’antiquité au Xème siècle

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100 m

Le site de Bruniquel fut toujours occupé depuis la préhistoire. Sur les pechs,les sépultures(tumulus et dolmens) disséminés datent d’il y a 2500 ans pour les plus anciens. Ils attestent de la présence de populations sédentaires d’éleveurs et d’agriculteurs. À l’époque romaine, Bruniquel appartient à une ligne de postes qui s’échelonnent le long de l’Aveyron depuis Najac. Au cours du haut Moyen Âge, la christianisation gagne les vallées et une paroisse est créée. Profitant d’une position defensive exceptionnelle permettant de contrôler les vallées, un « castrum », site fortifié en bois, est alors édifié, assurant la protection des populations et symbole du pouvoir féodal. Des fondations datant d’avant le Xème siècle ont été retrouvées à l’emplacement des châteaux, peut-être la première forteresse érigée par la légendaire Brunehaut ...

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La fortification au temps de l’hérésie albigeoise du XI au XIIIème siècle

Au Xème siècle, la famille Raymondine des Comtes de Toulouse et de Rouergue prend le contrôle de la vicomté de Bruniquel. La forteresse en pierre est érigée, dotée d’un donjon, la tour dite « de la Reine Brunehaut » dont la base subsiste encore aujourd’hui. A la fin du XII° siècle, le village sera entouré d’une première enceinte de fortification suivant approximativement le tracé de la rue Droite. En 1210 la Croisade contre les Albigeois fait rage, Baudouin est alors seigneur de Bruniquel, demi-frère du Comte de Toulouse le «protecteur des cathares». Il rejoindra Simon de Monfort dans sa croisade sanglante, trahissant les siens puis trahi à son tour et pendu sur ordre du Comte de Toulouse. En 1224, Raymond VII cède le vicomté à son frère naturel Bertrand. Les habitants obtiennent du vicomte en 1329, libertés et franchises jusqu’au XVI° siècle qui ont favoriser l’activité économique et commerciale.


La construction sur le promontoire jusqu’au XVIIIème siècle :

du castrum au village fortifié

La construction des enceintes de pierre et la prospérité depuis la fin du XIIIème siècle

La place de sûreté huguenote et la destruction des remparts (XVI XVIIème siècle)

Du fait de l’essor économique et démographique, ces premières murailles - les « murs vielhs » - deviennent progressivement trop étroites et une nouvelle enceinte est édifiée en 1355 pendant les troubles de la Guerre de Cent Ans. Le village se structure ainsi en demi cercle et en étages depuis le château. Plusieurs portes dans les murailles permettaient l’accès au village. Bruniquel devient un lieu de passage pour de nombreux marchands et une halte pour les pèlerins sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle. Dès le XIV° siècle, le village prospère grâce notamment à la culture du lin, du chanvre et du safran (crocus sativus). C’est l’un des seize centres du Languedoc où étaient apportées les récoltes de Safran, épice précieuse qui a enrichi considérablement les commerçants bruniquelais. Trois foires par an et trois marchés par semaine perdurèrent jusqu’au milieu du XVII° siècle.

Les notables embrassent la religion réformée au milieu du XVIe siècle et Bruniquel devient une place de sûreté huguenote. Un temple est construit et la ville dispose d’une garnison pour se défendre. L’église catholique est détruite . Les guerres des religions vont ensanglanter la région et la contre offensive catholique est impitoyable: les troupes royales de Louis XIII occupent et saccagent Nègrepelisse puis reprennent Bruniquel. Les remparts sont rasés et les traces du protestantisme vont être éliminées. L’église catholique est rebâtie. Les fortifications successives ont laissé des traces visibles dans le village : le tracé des rues emprunte celui des remparts (la rue droite celui de la première fortification, les” promenades” celui de la seconde) et les portes demeurent. La cité continue alors de se construire en terrasse sur le versant Sud.

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D’un bâti défensif à une architecture d’ornements

Ci-contre, une des deux maisons Payrol du XVème siècle avec fenêtres à meneaux et sa porte ornée Source: Diego Lara, Bruniquel en Quercy, 1900

La prospérité économique et commerciale de Bruniquel qui s’est amorcé durant la fin du moyen age se lit dans l’architecture du village. Les notables et riches marchands du village exposaient ainsi leur réussite sociale et économique en se faisant construire de belles maisons en pierre. Les demeures s’ornent de tourelles, de fenêtres géminées et de têtes sculptées. Le plus bel exemple encore visible aujourd’hui est la maison Payrol qui fut une hostellerie cistercienne dépendante de l’Abbaye de Beaulieu en Rouergue. A partir du XVIème siècle, l’influence italienne est perceptible avec notamment l’apparition des fenêtres dites à meneaux .

La porte Méjane et le beffroi, cadrés par deux demeures aux fenêtres et fronton de porte ornée, dessin de 1834 tiré des « Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France »

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Après la destruction des remparts, les faubourgs ou barrys ont été construits dans la partie sud du village. Les constructions,toujours en pierre locale, ont perdu tout caractère medieval: elles sont plus basses, plus régulières, les fenêtres plus grandes.


« Djoubé », le jeune et « Biel », le vieux L’histoire singulière des deux châteaux

Le château vieux aujourd’hui

Les châteaux forment un couple de pierre pourtant longtemps désuni: pendant trois siècles un mur a séparé le château vieux et le château neuf construit entre 1485 et 1510. Chacun appartenait à un propriétaire différent, le partage initial étant du à un conflit familial. Des convictions religieuses divergentes ont ensuite exacerbé l’opposition: le château vieux appartenait à un vicomte catholique, le château neuf à un réformé. Le château vieux sera brûlé et détruit par les protestants pendant les conflits. Les deux châteaux connurent de nombreux remaniements au cours du XVIème et du XVII ème siècles. En 1780, Louis Rigal d’Ouvrier, vicomte de Bruniquel, racheta la deuxième moitié du vicomté et mit fin à la division de la propriété. Il fit construire des tourelles jumelles sur chacun des châteaux pour symboliser la réunification de la propriété. La lecture de l’architecture des châteaux met en lumière une occupation bourgeoise avec une mise en scène de la prospérité vers les vallées (galerie renaissance, tourelles...). Le château jeune aujourd’hui

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Le moulin des Estournels, constuit à la fin du XVIIIème ou l’on amenait les récoltes à moudre ou à presser

Terrains épierrés et cultivés autour du village, en terrasse sous le Roca

Les causses défrichés et parcourus de parcours pastoraux et maillés de murets et de gariottes

patûres Vignes

Le petit port de transit des marchandises et les bacs

Vignes

patûres

Vignes Vignes

La polarité territoriale: Vergers,cultures de chanvre, de sainfoin de lin et de tabac dans les fonds de vallée

Au cours de cette période se met en place la polarité territoriale caractéristique du paysage de Bruniquel: l’éperon bâti , centre de la vie sociale, densément peuplé avec à son pied la confluence, zone inondable insoumise avec peu de constructions. A l’embouchure de la Vère se trouve un petit port. L’Aveyron est alors une voie de transport indispensable et le franchissement de la rivière est assuré par un bac . Reconstitution en axonométrie ’après le cadastre Napoléonien (voir annexes)

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Les paysages à la fin du XVIIIème - début XIXème siècle

Une activité agricole dynamique sur des terres défrichées La prospérité économique depuis la fin du moyen age fut étroitement liée à la situation géographique de Bruniquel sur les routes commerciales avec en particulier celle du safran. L’exploitation de nombreuses ressources a joué également un rôle majeur. Les cultures de chanvre (appelées ici chenevierre) et de lin très présentes dans les vallées, alimentaient ainsi les marchés florissants du textile et de la fabrication de cordage, indispensable pour la marine. La pierre calcaire très dure extraites des carrières était renommée pour sa qualité et a permis l’édification de nombreuses constructions, dans le village bien sur, mais aussi dans des lieux très éloignés. La route menant à Gaillac par la vallée de la Vère va progressivement être améliorée, ouvrant un axe stratégique entre Montauban et la forêt domaniale de la Gresigne. . Bruniquel

Forêt domaniale de la grésigne

Puycelsi

Extrait de la carte Cassini de la forêt domaniale de la Grésigne Sources: Archives départementales du Tarn

La pierre et le Safran, deux ressources qui ont favorisées l’essor commercial de Bruniquel

Si les notables bruniquelais se sont enrichis dans le commerce et ont contribué à l’édification du patrimoine bâti le plus remarquable, une grande partie de la population reste agricole et c’est l’activité agricole qui façonne le paysage. D’abord, beaucoup d’habitants exploitent pour des cultures vivrières de petites parcelles aux abords immédiats du village dégagés et cloisonnées de murets: le sol caillouteux doit être épierré ! Hors du village, des fermes, situées sur des replats au dessus des vallées secondaires ou sur les coteaux constituent des cellules quasiment autarciques (puits et fontaine, fournil, artisanat, exploitation des taillis). La viticulture est omniprésente sur les terres calcaires. Sur les terres les plus fertiles est pratiquée une polyculture vivrière (céréales, vergers, maraîchage), mais aussi la culture du tabac (prohibé en France de 1719 à 1791), du chanvre et bien sur l’élevage . Les terres des causses sont parcourues de nombreux chemins pastoraux, structurés par des murets, des granges et des gariottes construits avec les pierres des terrains. C’est cette activité agricole qui façonne durablement les paysages des environs du village, les pratiques d’épierrement s’étant poursuivis durant les siècles qui suivirent. La prospérité économique du village se maintient au XVIII malgré les problèmes économiques de la fin de l’Ancien Régime et de la période trouble de la Révolution après plusieurs épisodes climatiques difficiles et une augmentation des taxes prélevées. On imagine difficilement aujourd’hui un territoire entièrement exploité où régnait une importante activité marchande.

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Gravure originale en taille-douce sur acier dessinée par Fleury, gravée par Reville & Dureau, Fortier. Aquarellée à la main. 1835

Lithographie, tirée des « Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France », édition de 1834 sur le Languedoc Villeneuve, Louis (1796-1842) Engelmann, Godefroy (1788-1839)

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Bruniquel dans les représentations pittoresques du XVIII jusqu’ au XIXème siècle

Lithographie du début du XVIIIème siècle, auteur inconnu

Aquarelle tirée des archives des visites archéologiques en Tarn-et-Garonne d’Alexandre Du Mège vers 1820

L’imagerie romantique et pittoresque connait un essor important à la fin du XVIIIème et durant le XIXème siècle en France. Ces représentations font la place belle au paysage, aux grandes composantes naturelles et aux architectures médiévales. Les premiers guides de la France pittoresque sont édités au début du XIXème, dont les célèbres « Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France » sous la direction du baron Taylor. Ils constituent les premiers recueils du patrimoine français et ont precédé les premiers courants de protection du patrimoine historique. Les châteaux de Bruniquel, nichés au sommet des vertigineuses parois calcaires furent fréquemment repris dans ces ouvrages. De nombreux peintres, dessinateurs viendront représenter et magnifier cette figure paysagère qui répondait parfaitement aux critères esthétiques du romantisme et du pittoresque. Ces vues sublimes étaient bien éloignées de la réalité socio économique du village de l’époque, rythmée par une activité agricole et artisanale laborieuse. On Remarque que le versant où s’étage le village est alors peu représenté. Bien que ne respectant souvent pas les proportions réelles, ces représentations donnent de précieuses informations sur le paysage de l’époque et sur le regard que l’on y portait. On découvre ainsi des espaces ouverts où la végétation apparait clairsemée et les causses pelés. Les parois sont toujours le motif principal. Le fond de la vallée, où les crues pouvaient être dévastatrices était alors faiblement aménagé. On distingue au premier plan de la gravure tirée des «voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France», un sentier longeant la rive gauche de l’Aveyron. Le reste des abords de la rivière, largement dégagés semble occupé par des prairies.

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Extrait de la carte d’état majot (1820 - 1866) Source: Geoportail - IGN

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L’empreinte du XIXème siècle

la refonte des paysages de la confluence

Le XIXème siècle va totalement bouleverser l’organisation du territoire et les pratiques qui façonnaient alors les paysages. Le développement industriel et les progrès techniques vont faire entrer Bruniquel dans une phase de développement rapide qui va recomposer une structure territoriale héritée de la fin du moyen age. Cet épisode aussi spectaculaire qu’éphémère va être porté par les projets ambitieux d’entrepreneurs et d’industriels privés. Les ressources telles que le minerai de fer, le phosphate, le charbon de bois (exploité dans la forêt de la Grésigne) le calcaire et la chaux vont alors être exploités à des échelles qui paraissent surréalistes lorsque l’on regarde aujourd’hui Bruniquel. Cette aventure industrielle va donner lieu à des travaux d’infrastructures de transports tout à fait considérables reconfigurant durablement les polarités territoriales. La structure socio-

économique essentiellement agricole et artisanale va ainsi intégrer un modèle capitaliste et productiviste attirant une population ouvrière nouvelle, provenant parfois de pays étrangers. La population du village va fortement augmenter, stimulant l’activité artisanale et commerçante. Une brigade de gendarmerie sera installée dans les faubourg en bas du village avec la progression des délis et crimes. Nous le verrons ici, de toutes ces mutations décisives, c’est l’évolution du réseau routier et surtout l’arrivée de la voie ferrée qui vont avoir le plus de conséquences sur le paysage de Bruniquel et surtout sur celui de la confluence au pied de la falaise. Une nouvelle polarité va se mettre en place au niveau de la confluence et des espaces autrefois contraignants vont être soumis par la main des ingénieurs.

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Forges de Caussanus

Plan masse des premières forges de Courbeval Sources: Jean-Paul Damaggio, Bruniquel, deux usines à fer et leurs conséquences (1800 - 1980)w

Les prémices de l’activité industrielle remontent au XVIIIème siècle où des gisements de minerai de fer d’une très grande qualité sont identifiés dans les massifs calcaire suscitant la convoitise d’un entrepreneur Montalbanais, JeanBaptiste Garrigou. En 1795 L’état lui accorde les concessions minières pour les gisements de Puycelsi et de Penne. A partir de là, s’ouvrent plusieurs décennies de travaux. Les premières forges, dites de « Courbeval » sont construites en bord de la Vère et entre en activité vers 1808. La route de Gaillac est améliorée pour faciliter l’acheminement du bois et surtout du charbon de la Grésigne pour alimenter les fourneaux. Des centaines de mulets chargés parcourent alors la vallée de la Vère. A partir de 1820, le site devient onéreux et à l’étroit, avec un débit en eau trop faible. Il est abandonné au profit d’une installation au bord de l’Aveyron, à Caussanus. Les premières forges deviendront une usine à chaux où l’on calcinait le calcaire des causses pour fabriquer des enduits et mortiers. Il est amusant de noter qu’aujourd’hui, les maisons anciennement enduites sont décrépies pour remettre en valeur les façades de pierre qui a cette époque ne suscitaient assurément pas le même intérêt

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Forges de « Courbeval » puis usine à chaux Reconstitution à partir du cadastre napoléonien de 1835 Sources: Geoportail - Archives départementales du Tarn-et-Garonne

Carte postale de l’usine à chaux en bord de Vère avec l’éperon bâti en arrière plan au début du XXème siècle Sources: Diego Lara, Bruniquel en Quercy, 1900, cartes postales


L’installation des activités industrielles dans les vallées

La fièvre du fer Mr Garrigou, aidé financièrement par son beau-frère entraîné dans l’aventure, fait bâtir a partir de 1826 un complexe imposant de bâtiments d’une belle architecture. La force hydraulique de l’Aveyron est mise à profit et canalisée dans des ouvrages d’une grande qualité technique, encore en place 150 ans plus tard. Les forges de Caussanus entrent en action en 1830, employant près d’une centaine d’ouvriers. Elles vont produire pendant une vingtaine d’années une fonte de qualité et les rails de nombreuses voies ferrée. Elles participeront même à l’exposition universelle de Londres en 1851. Mais l’usine va rapidement péricliter du fait de nombreux problèmes financiers. Après plusieurs tentatives de relance avortées, l’activité sidérurgique s’arrête définitivement en 1880.

Le site deviendra une usine de produits chimiques utilisant les phosphates extraits dans la région. Enfin une scierie s’installera a côté des ruines des forges, utilisant toujours la force hydraulique de l’Aveyron. Cette histoire des usines à fer de Bruniquel fascine par l’ampleur des réalisations. Elle resteront dans les mémoires comme un échec malgré l’énergie déployée par Mr Garrigou jusqu’à sa mort. Mais cette entreprise éphémère va avoir des répercussions collatérales sur le territoire, notamment avec la construction et l’amélioration des voies de communication qui vont complètement recomposer les paysages bruniquelais.

Photographie du site des des forges de Caussanus au début du XXème siècle, alors déja reconverties en industrie chimique Sources: Diego Lara, Bruniquel en Quercy, 1900, cartes postales

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tunnel

Construction de l’embouchure e la Vère

Gare de Bruniquel

Ancien lit de l’Aveyron

Extrait du profil en long de la ligne détaillant le tracés et les ouvrages Sources: Chemin de fer Paris-Orléans - Service de la voie et des travaux

Reconstitution à partir du cadastre napoléonien et de la carte d’Etat major Sources: Geoportail - Archives départementales du Tarn-et-Garonne

Vue sur le large virage dessiné par la voie ferrée, solidement soutenues par des talus bâtis après le détournement de l’Aveyron Au premier plan, la route menant à la gare et longeant la voie. Sources: Delcampe

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Le paysage de la confluence bouleversé

La construction de la voie ferrée Montauban-Lexos Au milieu du XIXème siècle, la compagnie du « Grand Central » lance le projet d’une ligne de chemin de fer de Montauban à Lexos. Le projet est motivé en grande partie par la présence de nombreuses industries dans les vallées dont les forges de Caussanus. Malheureusement, leur déclin était déjà bien amorcé lorsque la ligne ouvrira. Elle va par contre favoriser les autres activités de la commune, notamment celle des carrières et l’exploitation du bois de la Grésigne.

Carrière Belaygue exploitant le calcaire des causses au début du XXème siècle Sources: Diego Lara, Bruniquel en Quercy, 1900, cartes postales

Lieu de stockage de bois exploité dans la Grésigne près de la gare de Bruniquel Sources: Diego Lara, Bruniquel en Quercy, 1900, cartes postales

Usine de produit chimique sur l’ancien site des forges de Caussanus Sources: Diego Lara, Bruniquel en Quercy, 1900, cartes postales

Vue sur Nidauzel et la voie ferrée, prise en 1916, Source: Médiathèque de l’architecture et du patroime

Pour créer la ligne de chemin de fer Montauban - Lexos, s’ouvre au pied de Bruniquel un chantier véritablement pharaonique. Il faut en effet adoucir la courbe de la voie au niveau du méandre. On rectifie donc les lits mineurs de l’Aveyron et de la Vère , ce qui nécessite dynamitage et création de très hauts talus, de ponts. Ce chantier colossal entièrement financé par des fonds privés constitue une véritable prouesse technique et révèle la capacité des ingénieurs à s’affranchir des contraintes naturelles. La construction de la voie ferrée exige de grandes quantités de pierres. De nouvelles carrières s’ouvrent, éventrant le paysage parfois près du village. La voie de chemin de fer a ensuite permis l’exportation de la pierre extraite vers la plaine. La ligne était empruntée par de nombreux voyageurs mais a surtout servi au transport de marchandises. Le paysage est totalement bouleversé. L’Aveyron est écartée du pied de la falaise. Le port à l’embouchure de la Vère est réduit et restructuré. L’embouchure est désormais construite. La ligne Montauban - Lexos - Capdenac est ouverte le 30 août 1858, ouvrant les territoires autour de l’Aveyron à l’extérieur. La rivière perd son rôle de voie de transport au bénéfice de la route et de la voie ferrée qui empruntent toutefois sa vallée. La confluence devient un carrefour commercial, un lieu vivant où la gare est un pôle de rencontres, d’arrivée et de départ des marchandises.

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Cité industrielle de Cayssanus

Voie ferrée Montaban - Lexos

Gare Lieu de départ et d’arrivée des marchandises et des voyageurs Abris sous-roche

La passerelle sur la Vère

Développement des faubourgs le long de la route de Gaillac améliorée

Usine à chaux Nouveau franchissement de la Vère et élargissement de la route de Gaillac

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Une rivière ceinturée qui s’éloigne

La confluence réapropriée

La redécouverte des abris sous roche et de leurs vestiges Sources: Delcampe Gravure tiré de « Primitive Man », Louis Figuier, 1870

La passerelle sous la Vère, lien piéton vers Caussanus et la gare Sources: Diego Lara, Bruniquel en Quercy, 1900

Coupe et plan de la passerelle. Les deux piles sont profilées pour minimiser la formation d’embâcles

On redécouvre avec le chantier de la ligne de chemin de fer les abris sous roches des parois du château, enfouis jusqu’alors sous les alluvions. Une multitude d’objets datant du magdalénien en seront extraits. On y découvre le squelette de la dame de Bruniquel, une magdalénienne, quatre ans avant le fameux homme de cro-magnon de la grotte des Eyzies. L’Aveyron, solidement ceinturée par les talus en pierre a été éloigné du pied des parois, recomposant les vues sur les châteaux. La voie ferrée est d’ailleurs mis en scène par des alignements de peupliers noirs fastigiés se détachant devant les parois pelées des châteaux. Les espaces situés au niveau de l’ancienne embouchure restent inondables mais sont appropriés par les bruniquelais pour la pêche et la plantation de peupliers servant parfois de dot pour les mariages. La passerelle franchissant la Vère permet alors aux habitants de la cité ouvrière de Caussanus de rejoindre le village ou d’accéder à la gare. Ces espaces commencent aussi à être prisés par les notables et voyageurs avec le développement des pratiques récréatives (voyage, cabotage, pêche de loisir, peinture ...).

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Huile sur toile du peintre Louis Cazotte, fin du XIXème siècle, villa des artistes à Montricoux


Les représentations de la confluence au XIXème siècle

Le regain des représentations pittoresques L’épisode industriel et la construction de la voie ferrée ne va en rien affecter la production de représentations pittoresques. A l’inverse, le nouveau motif que constitue la voie ferrée va être totalement associé aux imageries de la seconde moitié du XIXème siècle. Cette nouvelle voie de communication permet pour la première fois aux voyageurs, peintres, dessinateurs et graveurs de s’immerger dans les paysages de la vallée autrefois enclavés. La vue depuis la gare est alors la plus reprise. Le baron Taylor la reprendra d’ailleurs dans les nouvelles éditions de guides pittoresques. A la prouesse architecturale que constituait les châteaux est venue ainsi s’ajouter la prouesse technique du chemin de fer. Ce bouleversement dans la structure de la confluence va durablement modifier les vues et les représentations.

Gravure réalisé à partir d’un dessin d’Isidore Justin Taylor (1789-1879) vers 1860 depuis la gare. On remarque l’emprise des talus en pierre et la construction de l’embouchure de la Vère, franchie par un pont à double arche. Les pieds de falaises sont dégagés et la voie de chemin de fer est bordée par des peupliers fastigiés.

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La route de Gaillac vers Montricoux

Gendarmerie

Patus, pâture commmunal du prés grand

maintien des pratique sylvo-pastorales sur les causses

Terrasses en cultures vivrières sous le Roca

L’embouchure construite de la Vère et les imposant talus /Plantations de peupliers

La gare de

Les routes convergeant vers la gare

usine à chaux de Courbeval

vignes

maintien des pratique sylvopastorales sur les causses Anciennes vignes reconverties en pâtures

Une polarité équilibrée entre village et confluence La route de Gaillac

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Le XIX siècle a redonné à la confluence une importance, oubliée depuis la préhistoire, dans la structuration du paysage. Toutefois, le village sur l’éperon rocheux poursuit son développement. Il accueille une population ouvrière nombreuse qui suscite l’ouverture de nombreux cafés et épiceries dans le village et entretient le patrimoine bâti.

Reconstitution en axonométrie d’après la campagne de photographies aériennes de 1948 (voir annexes)


Les paysages à la fin du XIXème siècle

Une cité ouvrière et agricole tournée vers les vallées

Industrie chimique et logements ouvriers de Caussanus

e Bruniquel

Bien que la structure des paysages ait été profondément modifiée par le développement des industries et des réseaux de transport, c’est le maintien d’activités agricoles diversifiées qui continuera de façonner les espaces des causses et des vallées. La viticulture encore très présente connaîtra cependant un coup d’arrêt avec l’arrivée du phylloxéra et les parcelles caillouteuses seront reconverties en pâtures ou abandonnées. Les pratiques pastorales (ovins et caprins) sur les causses continuent d’entretenir le maillage de murets et d’abris de bergers. Les taillis de chênes sur les sols calcaires sont exploités pour le bois de chauffe. Les pratiques vivrières aux abords du village se perpétuent et les « patus », pâtures communales restent caractéristiques des environs. La fin de l’industrie sidérurgique en 1880 et les difficultés rencontrés par la ligne de chemin de fer, concurrencée par le raccordement de Lexos en 1864 à Albi et Toulouse vont amorcer une période de longues mutations.

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Début du XXème siècle

Valorisation de la force hydraulique pour la production d’électricité

XXI ème siècle

Développement du tourisme et regain socio-culturel dans le village Colonisation des causses par les chênaies et ligneux

Les ruines des forges s’enfouissent dans la végétation et les logements ouvriers sont restaurés par les nouveaux propriétaires

Cololisation des causses par les chênaies et ligneux

Restautation des ruines de l’usine à chauxpar un particulier

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Colonisation des causses par les chênaies et ligneux Perte de lisibilité au niveau de la confluence (infrastructures, peupleraies, dégradation des espaces...)


Un siècle de déclin socio-économique

et le renouveau des dernières décennies

Vue sur les terrasses le long du chemin des chêvres au début du siècle ou persistent les pratiques vivrière et culturales. Sources: Delcampe

Photo colorisée prise après les travaux de reconversion du chemin de fer. Sources: Delcampe Nouveau carrefour/entrée sur la D115

Création du pont

Restructuration des carrefours de la route de Gaillac

Les exodes ruraux successifs et les évolutions techniques vont faire péricliter peu à peu les activités artisanales et industrielles locales. La voie ferrée va d’ailleurs être un des vecteurs des migrations vers les villes plus attractives (environ 1800 habitants en 1850, moins de 500 en 1980). Seule l’activité des carrières va continuer en produisant des matériaux de construction. Le nombre d’exploitations agricoles s’effondre, celles qui subsistent vivotent grâce à une polyculture vivrière et à l’élevage. Les surfaces cultivées ou en pâture vont se réduire, en premier lieu sur les causses aux sols ingrats et aux fortes pentes. À l’abandon des pratiques sylvo-pastorales succède un développement des boisements de chênaies et des ligneux sur les versants et les causses. Le maillage de murets et de gariotes s’estompe. Les terrasses sont peu à peu délaissées, y compris aux abords du village. Les deux conflits mondiaux vont accroître davantage le déclin démographique. Mais une nouvelle dynamique va s’amorcer avec le déclassement en 1955 de la voie ferrée, reconvertie en route à vocation touristique. Un nouveau carrefour est créé au Nord-Ouest, nouvelle entrée vers le village et un pont permet de franchir l’Aveyron face au châteaux, venant s’ajouter aux constructions de l’embouchure. L’acquisition des châteaux par la municipalité et le conseil général en 1987 va permettre de valoriser ce patrimoine alors que le tourisme autour des sites naturels et historiques se développe. La vie sociale et culturelle va être stimulée par le tourisme et l’arrivée de nouveaux résidents. La mise en œuvre de la PAC va en parallèle soutenir une spécialisation de l’agriculture et favoriser le maintien d’activités. La confluence reste à la marge de ce regain, figée dans sa complexité de carrefour construit et inondable après avoir connu de glorieuses heures.

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La perte des vues et des covisibilités depuis les vallées

Fermeture d’une vue depuis la vallée de la Vère Sources: Delcampe

La disparition dans les arbustes et la ripisylve de l’usine à chaux Sources: Delcampe

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Disparition d’une vue sur l’éperon depuis la route de Gaillac Sources: Diego Lara, Bruniquel en Quercy, 1900


Une distanciation qui s’accentue entre le village et la confluence

Quelques éléments d’illustration

Un des plus beaux belvédères du village sur la vallée, délaissé et rendu dangereux

Une lisibilité quasi-impossible des espaces de fond de vallée et de l’embouchure de la Vère

Un exemple de dégradation importante des murs et de voiries le long du chemin de la fontaine

Le versant étagé sous le roca totalement fermé par les ligneux, venant lisser une structure caractéristique

La peupleraie vieillissante venant structurer strictement l’espace, occulter les vue et impacter les milieux

Un lien à l’Aveyron encore durablement rompu par l’emprise des talus largement boisés

L’ancien lit de l’Aveyron, ici en eau, véritable mémoire ouverte de l’aventure industrielle et milieu riche se fermant peu à peu (saules, aulnes, peupliers...)

Un patrimoine bâti et des paysages de vallée qui s’enfouissent sous une végétation vigoureuse

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Peinture moderne de la barbacane, Henry Ramey Sources: Villa des artistes à Montricoux

Peinture attribuée à Ossip Zadkine, début du siècle

Maison à Paysel, Hubert Bergère Sources: Villa des artistes à Montricoux

Sources: internet

Camille Gauthier, peinture du Béfroi et de la rue de l’hôpital 1950 Sources: INA

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Peinture contemporaine de Michel Lemay

Peinture du béfroi de Lucien Cadène, 1954 Sources: internet

Sources: internet

Camille Gauthier, peignant la porte Méjane en 1950 Sources: INA


L’imagerie moderne et contemporaine

le village et le patrimoine en pierre concentrent les regards

Affiche du film «le vieux fusil» de Robert Enrico

Sources: internet

Les nombreux artistes et peintres qui sont tombés sous le charme de Bruniquel au début du siècle (Ossip Zadkine, Marcel Lenoir, Henry Ramey, Camille Gautier et bien d’autres !) se concentraient déjà sur le patrimoine pittoresque du village. Les parois des châteaux sont restées un motif emblématique des paysages de Bruniquel mais il est intéressant de remarquer que l’attention depuis un siècle s’est en grande partie reportée sur le village, autrefois beaucoup moins présent dans les représentations. L’intérêt pour le petit patrimoine et pour les centres médiévaux denses et préservés des constructions modernes n’a cessé de grandir. Enfin, le tournage en 1975 du vieux fusil par Robert Enrico dans le village et les châteaux (encore propriété de la vicomtesse) a consacré cette dynamique. Les curieux se sont mis a venir visiter la cité rendue d’autant plus mythique par la tragique histoire jouée par Romy Schneider et Philippe Noiret. C’est grâce à ce tourisme autour du patrimoine médiéval et pittoresque que le village fait « peau neuve » depuis près de 30 ans, les châteaux sont restaurés, le centre bourg est aménagé, les places rénovées. La confluence reste à distance pour le moment de ces initiatives. Elle a accueilli la station d’épuration et le terrain de camping, mais l’état de ce dernier et les tentatives maladroites d’intégration de la première sont représentatifs de la dynamique de valorisation qui se concentre pour l’instant sur le village. L’illumination des parois depuis la vallée a été toutefois une initiative contemporaine qui a remis en lumière ce paysage mythique. Les falaises restent cependant un des sujets principaux de photographies (mosaïque ci-contre) mais on note que les clichés sont souvent pris des hauteurs ou depuis la route, rarement depuis les bords de Vère où les vues sont de plus en plus confinées.

Mosaïque de vues sur les parois et les châteaux Sources: recherche internet à partir du mot clef «Bruniquel»

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La croissance démographique

et

le

renouvellement

Conséquences: Changements socio-culturels d’un territoire ressource à un territoire du ressourcement / Nouveaux paradigmes autour du paysage patrimonial et de la nature préservée / Une économie locale saisonnière / une vie culturelle dynamique portée par le tourisme concentrée dans le village (artisanat, évènements, opéras-bouffe...)/ Population travaillant à l’extérieur de la commune / Des situations de précarité (chômage, emplois aidés, couples monoparentaux...) / Départs des jeunes vers les villes / Perte d’une connaissance populaire du territoire.

L’avènement de la voiture comme principal moyen de déplacement Conséquences: Abstraction et maitrise du territoire / Affranchissement des contraintes naturelles / Perte d’un « contact » sensoriel / Infrastructures décontextualisées / Développements des trajets pendulaires (travail-domicile) / Route principale vecteur de découverte des paysages.

L’évolution des pratiques et techniques agricoles / diminution de la polyculture et des élevages Conséquences: Perte de la fonction ressource des causses, de la forêt et des taillis / Abandon des terrains difficiles de pente au profit des fond de vallée, plaines alluviales et coteaux molassiques / Progression des surfaces colonisées par les ligneux / Simplification des formes agricoles / Peupleraies vieillissantes sur les parcelles innondables.

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4 . 3 Des dynamiques contemporaines qui entretiennent une distance avec la confluence Des dynamiques biologiques vigoureuses dues à une pression anthropique moins forte et plus ciblée Conséquences: Epanouissement de la richesse biologique et des habitats / Mesures de préservation / Une dynamique naturelle de fermeture des milieux ouverts (pelouses, causses et versants) / Concurence avec des espèces exogènes envahissantes (robinier, ailante, datura...) / Accroissement des populations de grands mammifères (cervidées et sangliers).

Le développement des pratiques touristiques et une saisonnalité marquée Conséquences: Protection et valorisation du patrimoine bâti / Une économie locale à deux rythmes, dépendante de l’attractivité touristique et de l’image du territoire / Une fréquentation concentrée durant la période estivale / Un développement des activités de pleine nature (vtt, rando, canoe, baignade...) qui devance les aménagements entraînant une dégradation de certains sites et des conflits d’usages (occupation sauvage de

l’espace, stationnements opportunistes, lieux de débarquement des canoes, départ des randonnées sur la D115...) / Une valorisation touristique qui se concentre sur le patrimoine remarquable au détriment des lieux environnants moins spectaculaires / Répartition inégale des retombée économiques sur le territoire.

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Vue au début du XXème siècle sur les parois sous les châteaux depuis le chemin descendant à la Vère Source: Delcampe

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Synthèse et Perspectives Il s’est opéré au niveau de la confluence un changement profond de fonctions économiques, sociales et symboliques. L’intérêt de la rétrospective historique réside dans la compréhension de l’évolution du rapport socio-culturel au territoire, aboutissant au paysage actuel. La permanence de l’imagerie et des conceptions pittoresques en est un des aspects essentiels. Ce Paysage « ressource », industrialisé et exploité a progressivement évolué vers un Paysage « image », lieu de ressourcement patrimonialisé. Les profondes transformations engendrées par la ligne Lexos - Montauban ainsi que la juxtaposition d’objets tels que la station d’épuration et les infrastructures routières sont venus déconstruire la cohérence de ces lieux, reconfigurer les polarités territoriales et rompre durablement les liens physiques à l’Aveyron. On peut presque parler d’une marginalisation de ces espaces alors qu’à l’inverse, le village faisait « peau neuve ». Bien qu’encore culturellement et symboliquement associés à Bruniquel, ces paysages sont actuellement moins représentés que le versant bâti, mis en avant dans l’imagerie pittoresque contemporaine. Le logo du village en témoigne, ré-exploitant la vue depuis le Pré Grand en bas du village.

Si les singularités géomorphologique de la confluence sont encore aujourd’hui perceptibles vue du ciel, elles le sont de moins en moins à une échelle humaine. Les points de vues en contreplongée sur les parois vertigineuses se perdent sous d’épais rideaux de végétation. Les nouveaux modes de déplacements, dépendants de la voiture, confèrent aujourd’hui à la route le rôle de vecteur de découverte mais contribue également à une

abstraction du territoire ce qui est le cas sur des séquences qui se réduisent à un tunnel d’arbres d’où l’on ne voit plus rien. On constate également que le développement important des pratiques touristiques au niveau de la confluence a devancé le rythme des aménagements. Si les lieux ne sont pas imaginés en lien avec ces pratiques récréatives elles risquent d’entraîner un certain nombre de dégradations et de conflits d’usage. A ce titre, les peupleraies sur les terrains communaux en bordure de Vère justifiaient jusqu’ici un faible aménagement mais leur exploitation future permet d’envisager un autre devenir pour ces espaces. Un autre phénomène contribue à la banalisation d’une structure pourtant emblématique du village, c’est l’enfrichement des parcelles venant lisser l’impression de palier et de gradin sur le versant Sud. Au delà de la perte d’attractivité touristique et paysagère avec la fermeture naturelle des milieux et le «laisser-faire», il y a la perte de biodiversité sur les habitats ouverts et d’une part de l’histoire de Bruniquel présente dans ces lieux.

- Comment recréer une polarité durable qui tienne compte des dynamiques contemporaines liées au tourisme, à l’écologie et aux nouveaux contextes socio-culturels ? Quelle proposition de programme ? -

- Quelle réappropriation des lieux peut-on envisager pour les faire vivre et révéler leurs qualités ? 115


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V. Vers une nouvelle composition paysagère

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pittoresque / masculin et féminin identiques - Qui concerne la peinture, qui appartient à la peinture. Note : On dit plus volontiers aujourd’hui pictural. Exemple: Le génie pittoresque. — Les règles de la composition pittoresque. - Dans les titres de revues anciennes: illustré par des gravures. L’univers pittoresque. — Le magasin pittoresque. - Qui mérite d’être peint, qui est propre à faire de l’effet dans un tableau. - Original, qui a du caractère, en particulier d’un point de vue visuel, puis, plus largement : étonnant, expressif, propre à faire de l’effet, surtout dans le domaine visuel. Source: www.cnrtl.fr

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5 . 1 Composer avec l’existant Les peintres et dessinateurs ne s’y trompaient pas, les paysages de Bruniquel répondent aux grandes règles de composition pittoresque. Ce lien étroit entre le paysage et les images qui en sont produites ne s’est jamais démenti comme nous l’avons vu précédemment. Rétablir la confluence dans l’imagerie et dans le contexte contemporain revient selon moi à proposer une nouvelle composition à la manière d’un tableau. Le caractère pittoresque de Bruniquel ne s’inscrit cependant plus aujourd’hui dans les mêmes paradigmes d’il y a deux siècles. Ce caractère est aujourd’hui étroitement lié à une sensibilité écologique, au tourisme « patrimonial », à une demande sociale de loisir et d’activité de pleine nature et à un cadre de vie de qualité. Proposer une nouvelle composition paysagère sur ce site c’est avant tout remettre en avant le rôle des vues sans pour autant vouloir les défricher totalement. Il s’agit d’intégrer les écosystèmes dans les pratiques d’aménagement a la manière de l’ingénierie écologique mais en y associant la dimension esthétique des milieux. C’est composer avec la fréquentation saisonnière des touristes, les nouveaux usages récréatifs et le besoin d’espaces de qualité. C’est aussi de favoriser les pratiques collectives et individuelles autour du paysage (jardinage, pratiques culturels, utilisation des plantes autochtones...). Mon approche propose de revenir à l’aspect pictural du paysage en réinterprétant et en puisant dans la connaissance historique et les qualités de l’existant. C’est aussi considérer Bruniquel autrement qu’à travers une logique de préservation ou de conservation du patrimoine se basant sur un état hypothétique de référence idéalisé (lequel est-il d’ailleurs ? ). Le patrimoine

est aussi en perpétuel mouvement. Il ne se réduit pas à une époque donnée, à un style particulier. De tout temps la nouveauté est venu bousculer les conceptions esthétiques. Mais c’est aussi cela le patrimoine, cette superposition d’époques qui se confrontent, dialoguent et retracent une histoire singulière. Le Louvre n’aurait jamais la visibilité qu’il a aujourd’hui sans la pyramide pourtant, décriée au départ, l’architecture classique du musée n’en a été que magnifiée. Le patrimoine historique de Bruniquel doit aujourd’hui pouvoir être associé à des aménagements et des techniques contemporaines. Mais dans un cadre tel que celui de Bruniquel, la continuité et l’unité architecturale et paysagère viennent des choix qui sont fait en terme de formes, de lignes, de vues, de matériaux, de textures et de couleurs (comme nous le rappellent les architectes des bâtiments de France). On serait tenté de ne pas intervenir avec ce sentiment d’harmonie qui émane de ces lieux. Il existe pourtant de nombreuses ruptures visuelles, des lieux remarquables mais dangereux en sommet de falaise, des espaces confinés et strictement rythmés par les peupliers qui pareils à un rideau masquent le plus beau des spectacles Bruniquelais.

Réinterpréter ces éléments, ces détails c’est construire, perpétuer une identité, une qualité d’espace et de bâti. Le projet qui est présenté tente de répondre à cette exigence de perpétuation des qualités, des valeurs des paysages tout en proposant une vision contemporaine des lieux. Donner à voir Bruniquel autrement depuis la vallée en ménageant au maximum les lieux et les milieux.

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Un enjeu de cohérence avec des politiques territoriales et intercommunales de développement durable mis en œuvre actuellement (importance des programmes LEADER de l’UE, des secteur sNATURA 2000, politiques touristique, forestière, développement local...)

Cartes d’enjeux tirés de la charte paysag_re du Pays MidiQuercy Source: Pays Midi-Quercy

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5 . 2 Quels enjeux et potentiels pour une nouvelle composition ? La confluence doit être considérée comme un site clé. C’est le site des grandes figures paysagères des falaises dominant l’Aveyron, des abris sous-roches et des sites préhistoriques, d’une frise de milieux naturels exceptionnels, des terrasses séculaires de pierres sèches bâties laborieusement par les paysans d’antan. Ces lieux portent les stigmates du chantier de la voie ferrée et de l’histoire industrielle. La confluence des vallées n’a jamais perdu sa fonction fondamentale de carrefour même si celle-ci se rapproche plus aujourd’hui de celle d’échangeur routier. C’est sur ce site que la genèse des paysages à l’entrée des gorges de l’Aveyron est la mieux lisible. On ne peut concevoir que ces paysages se referment complètement et restent en marge. La défense de l’espace ouvert, première condition au Paysage doit ainsi être un préalable a toute démarche prospective. Cette valeur que constitue les espaces ouverts s’oppose à l’encombrement systématique de l’espace, à la tentative de tout tenir, tout construire, tout recomposer ou à l’inverse d’un «laisser-faire» qui amène naturellement à la fermeture. Il ne s’agit pas de porter un regard nostalgique et d’essayer de reconstituer le paysage largement ouvert qui ne peut renaître sans les pratiques qui le faisaient perdurer. Il s’agit plutôt de s’appuyer sur les qualités et la richesse de l’existant, sur les nouvelles manières de pratiquer les lieux pour imaginer le devenir de ces lieux. Trois niveaux d’enjeu sur le Paysage imbriqués dans ce processus, à travers une approche personnelle transversale. La perception sensorielle, la matérialité des lieux, enfin sur l’expérience et les usages. Reconsidérer les potentialités des espaces de la confluence dans le contexte actuel ne peut se faire sans un vrai portage politique. Cette déclinaison des enjeux essaye de s’inscrire dans la stratégie de développement

durable déjà portée par les intercommunalités, le pays midi-Quercy ainsi que de nombreux acteurs locaux. A la croisée des objectifs écologiques, sociaux et économiques. Ces enjeux s’appuient sur les grandes valeurs de ce site : - Fondement des paysages et de l’histoire du village de la préhistoire jusqu’à nos jours. Il permet la compréhension des grandes caractéristiques du territoire et de ces principales composantes - Une des entrées du département, des gorges et du pays Midi-Quercy, jouant un rôle majeure dans l’attractivité du territoire et dans sa perception. Paysage «vitrine» pour le territoire - Une étape importante sur les circuits touristiques et un point d’accès multi-usages à l’Aveyron mis en avant dans l’approche touristique territoriale - Une mosaïque de lieux qui certes ont perdu en cohérence mais conservent des qualités remarquables - Des sites sensibles et remarquables pour leur écologie, aujourd’hui reconnus et protégés. Des habitats d’intérêts communautaires qui pour certains milieux ouverts se ferment progressivement. (pelouses et megaphorbiaies) - Un lieu important pour la vie du village trop déconsidéré (espace de réunion, d’événements, d’installation artistique...) - Une ressource en Biomasse inexploitée pouvant être valorisée de différentes manières (robinier pour des aménagements en bois, plaquette forestières, bois énergie... )

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Enjeux Les figures paysagères et leur perception Nous l’avons vu précédemment, la perception des paysages et les représentations qui en découlent constituent un des enjeux clé. La confluence, pourtant aux fondements des paysages Bruniquelais est paradoxalement aujourd’hui l’un des moins lisibles et ses grandes caractéristiques ont progressivement été masquées. Cet état demeurera et s’accentuera si ces lieux ne sont pas reconsidérés dans le contexte contemporain. Il y a un phénomène de forte corrélation entre la perception d’un paysage et sa considération dans l’aménagement de l’espace. De plus, ce ne sont pas seulement les grandes caractéristiques visuelles, spatiales et volumétriques qui s’altèrent mais également les habitats naturels (cf. habitats naturels et d’espèce d’intérêt communautaire et prioritaires ). Outre une attractivité touristique moindre pour des paysages largement boisés et fermés, il s’agirait aussi d’une fragilisation de la biodiversité. Le rapport sensoriel est ainsi un enjeu majeur pour imaginer le devenir de ces paysages. Il s’agit également de tenir compte des modes de déplacement actuels liées à la voiture, à la vitesse, aux pratiques touristiques ou de loisir et à ce qu’elles impliquent dans notre perception de l’espace. Le paysage doit permettre de saisir et de comprendre l’histoire et le fonctionnement des lieux. C’est ainsi un préalable! L’installation de panneaux et de signalétiques ne suffit pas. Rendre lisible une confluence c’est montrer ses éperons rocheux, ses versants, les méandres des rivières et la frise de milieux associés. C’est de considérer les espaces ouverts dans leur rôle visuel et écologique. C’est aussi de rétablir les rapports de proportion entre les falaises et la vallée, de pouvoir discerner les qualités et les singularités des lieux.

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Points de vue remarquables et covisibilités

Ces schémas présentent les relations visuelles et de covisibilité liées aux grandes composantes du paysage. Les châteaux et les parois constituent les marqueurs et points de convergence principaux, que ce soit au niveau des routes de vallées ou depuis le bas du village. On remarque que c’est dans les deux vallées que se concentrent les vues remarquables et les relations de covisibilité.

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Tropismes visuels et cônes de vue au niveau de la confluence

En rouge les vues depuis les belvédères du village, en bleu ceux des vallées

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Les points de vue et la covisibilité entre le village et les vallées La situation perchée de Bruniquel offre des vues parfois à 360° très variées qu’il est indispensable de conserver et de valoriser. La fonction aujourd’hui contemplative doit faire l’objet d’une mise en scène forte. Les belvédères délaissés ou à sécuriser sont des enjeux importants et à prioriser pour qu’ils puissent conserver leurs rôles. Les points de vue depuis le village doivent être considérés avec ce qu’ils donnent à voir et ne pas se limiter au seul horizon des Causses. Ce double regard, cette covisibilité est un enjeu majeur pour la perception de la confluence et les espaces ouverts des vallées sont à ce titre essentiels.

La lisibilité des reliefs remarquables et de leurs écosystèmes Les falaises et rocs sont les figures paysagères emblématiques de Bruniquel. Ils permettent de lire et comprendre la confluence. Les Rocs majestueux qui dominent la vallée perdent ce rôle lorsque les pieds de parois sont largement boisés, rompant les rapports de proportion et l’effet spectaculaire. Ce sont de riches habitats naturels qui méritent d’être largement perceptibles. Il s’agit aussi d’un des sites préhistoriques que la commune valorise avec les d’abris sous-roche en bordure de D115.

Le rapport sensoriel à l’eau et la présence de l’ Aveyron

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L’ Aveyron qui est l’élément structurant du territoire est souvent distante, perceptible de loin ou de haut. Sa présence doit être ressentie, notamment sur les séquences routières ou piétonnières. Le franchissement que constitue le pont est ici essentiel, à la fois par la hauteur de celui-ci et les vues qu’il offre. Plusieurs espaces permettent une véritable expérience physique et sensoriel à l’eau: Les bords de Vère sous peupleraie ainsi que le chemin qui la longe sur la rive droite, l’ancien lit de l’Aveyron, le chemin menant au moulin des Estournels, la petite péninsule au pied des ponts et l’ancien échangeur ferroviaire près de l’ancienne gare.


Les perceptions depuis la route en lien avec les modes de déplacements La D115, « route de Penne », constitue le principale vecteur de découverte et de perception du territoire et des gorges. La D964, « route de Gaillac » qui part au sud dans la vallée de la Vère joue le même rôle. Le maintien des cônes de vue sur les paysages de la confluence est ainsi un enjeu primordial. La diversité des séquences paysagères depuis la route est aussi essentielle pour rompre l’impression de tunnel végétal qui influe sur la vitesse des véhicules et homogénéise le parcours. Le Véloroute qui suit l’Aveyron fonctionne d’ailleurs très mal du fait de sa dangerosité à partir de Bruniquel et de l’absence de voie propre.

L’étagement du village sur le versant Sud vers la vère Le jeu de terrasse, de palier, de pente et de côte est un trait caractéristique de Bruniquel qui joue un rôle important dans le ressenti des lieux. Très perceptible dans le village, les terrasses du versant Sud que l’on découvre par l’ancien chemin des chèvres sont pour la plupart délaissées. L’impression de palier, de gradin, aujourd’hui lissée par l’enfrichement des parcelles privées et communales, doit être renforcée pour conserver cette silhouette caractéristique du village depuis la vallée de la Vère.

La signalétique et les supports de communication La signalétique est un enjeu important dans la perception et la compréhension des lieux. Les supports informatifs au niveau de la confluence sont essentiellement destinés au voiture et apparaissent souvent comme dé-contextualisés par les matériaux employés, leurs dimensions et formes. Cet aspect ne peut en aucun cas se substituer aux vues et aux qualités des lieux pour faire appel à nos sens. Ils doivent contribuer dans leur conception à percevoir les caractéristiques des lieux (couleurs, matèriaux, texture, disposition...)

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« Les choses, les lieux ne se donnent jamais comme des totalités irréductibles et, en ce cas, il est difficile de fractionner un paysage car tout y est en expansion, tout flue et fusionne. L’espace est plein de ces débordements.» Michel Corrajoud

Vue depuis le roc de Tounac sur la confluence de la Vère et de l’Aveyron, mars 2014

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Enjeux investir et tirer partie de la matérialité des lieux Allant de pair avec l’enjeu de perception et du rapport sensoriel au paysage, il y a bien sur une réflexion à avoir sur ce qui le constitue concrètement, sur sa matérialité. Nous l’avons vu au fil de l’analyse, le paysage au confluent de la Vère et de l’Aveyron est comme l’évoque Michel Corrajoud une « extériorité sédimentaire ». Il se caractérise par une richesse de lieux, de construction, de peuplements, de réalisations et de traces de toutes époques. La matérialité est aussi biologique et hydrologique, à la fois source de richesse et de contraintes (crues, sites naturels sensibles, stabilité des sols...). Il apparait aujourd’hui que cette diversité de lieux et d’élément a perdu sa cohérence, ils ne font plus « corps ». Une juxtaposition d’objets (talus, route, parking, pont, station d’épuration, peupleraie...) est venue ainsi dissocier les espaces, créer des limites franches et rompre les interrelations qui jusque là tenaient l’ensemble. Seules les dynamiques biologiques et la richesse des habitats ont permis depuis la construction de la voie ferrée la constitution d’écosystèmes cohérents. Ceux-ci tendent pourtant a se simplifier avec le recul des milieux jusqu’ici ouverts (prairies de pente, agro-systèmes) Pour retrouver une cohérence entre ces lieux, il s’agit de s’appuyer sur leurs qualités et ce qui les lie, de s’intéresser aux franges et aux limites dans ce qu’elles ont de poreux et dans leurs débordements. La matérialité de la confluence c’est aussi sa, ou plutôt ses biodiversités, qu’il s’agit de faire perdurer en étant conscient de notre responsabilité dans l’évolution des milieux. C’est aussi une approche quasi picturale de l’ordre de la composition de peinture pour recréer un tableau, renvoyant à l’imagerie pittoresque, culturellement associée à ce paysage.

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Le belvédère du château et la tour en ruine Bastion remarquable délaissé et « grillagé » du fait de sa dangerosité L’ancien chemin des chêvres descendant dans les parcelles en terrasse soutenues par des murs en pierre sèche

Le Parc du chateau et la forêt de pente (ENS du Parc et des parois du chateau)

Le chemin de la fontaine la descente par les faubourgs Les abris sous-roche et le chemin vers le moulin des Estournels

Le patrimoine de l’eau La fontaine, le lavoir souterrain et l’abreuvoir en fer à cheval

Parking

la station d’épuration, la prairie de pente et le camping municipal

mide

Zone hu terrain privé

terrain privé prairie paturée (anes de l’abris niquel)

terrains privés

La péninsule sous les ponts

passerelle piétonne éffondrée depuis mai 2015

terrains p

Carolin (peupleraie) vieillissante et aire de pic-nic

Les bords de vère communaux et privées. Parcelle labourée et cultivée (maïs / Oléoprotéagineux)

Parking

D964 Route de Gaillac

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ancie nn délais e route m sée enan t

à la g

are


Enjeux La cohérence et les qualités des lieux

Cette vue vectorisée ne laisse volontairement pas apparaître une large partie du couvert végétal notamment des ripisylves pour bien saisir l’organisation des lieux. On comprend bien ici que les talus et digues réalisés pour la ligne LexosMontauban constituent un véritable « rempart de la confluence», origine principale de la perte de cohérence des espaces, isolant l’Aveyron de la vallée de la Vère. On mesure bien l’emprise considérable des infrastructures routières qui constituent aujourd’hui l’armature de ces espaces de fond de vallée, épousant les courbes de l’Aveyron. A l’inverse de ces infrastructures très fonctionnelles répondant à des normes strictes de génie civil les espaces s’organisent à partir de structures très anciennes et selon les contraintes naturelles (crues de l’Aveyron, pentes, ancien chemin menant à la Vère...)

ne s Pen r e v R 46 beou Le G 4 du Ca R et P

Les pages qui suivent présentent de manière synthétiques les grandes caractéristiques matérielles des lieux potentiels identifiés au niveau de la confluence . Il s’agit ici de considérer l’ensemble de ces lieux à la lumière de leurs qualités matérielles, de leur fonctionnement mais aussi des éléments de rupture ou d’incohérence qu’ils recèlent.

privés

D115 Route de Penne

L’ancienne ga re

de Bruniquel

, l’échangeur ferr

ovière et les fo

rges de Causs

anus

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La matérialité biologique

Véritable frise de Biodiversités et support vivant de projet La matérialité biologique de la confluence est saisissante par son omniprésente et la mosaïque de ses habitats (falaises, pelouses sèches, zone humide, forêts de pente, faciès à buis et genévriers...). Ce paysage apparait comme sauvage, luxuriant, opaque et dense. Il offre une composition vivante et évoluant au fil des saisons où se déploient une végétation vigoureuse, des roches claires saillantes, une terre rouge chargée d’oxyde de fer. - Extraordinaire biodiversité de l’ENS du parc et des parois du chateau (cf enjeux écologiques du plan de gestion concernant les différents habitats) -Un enjeu paysager fort: La fermeture des milieux ouverts avec notamment la zone humide de l’ancien lit mineur de l’Aveyron et les pieds de falaise. L’équilibre entre espaces ouverts, semi

ouverts et fermés est un enjeu fort comme le maintien d’écotones ( milieu à la rencontre de deux autre dont la richesse biologique est élevé) - Interactions entre les milieux et les activités agricoles du fond de vallée avec notamment le rôle des ripisylve dans la fixation des sol et dan la filtration des eaux superficielles - L’énorme réserve de Biomasse des peupleraies et boisements vieillissants en taillis. - La présence d’espèces envahissantes pouvant être valorisée en ressource utile comme le robinier qui colonise les talus fournissant un bois naturellement imputréscible pour d’éventuels aménagements

Vue depuis le belvédère du château sur l’embouchure de la Vère et le méandre de l’Aveyron entièrement englobés dans des structures végétales denses. Aout 2014

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La confluence sous les eaux rougies d’argiles ferreuse lors d’une crue en mai 2015 qui fera s’effondrer la passerelle où se sont formés des embâcles. L’ancien lit de l’Aveyron apparait nettement

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Un fonctionnement hydrologique qui conditionne toute intervention

1 Zones innondables localisées dans le PPRI sources: MEDDE / IGN

D115 et talus

Aveyron

3 1

4

4

2

5

1

Vère

1

Transfert des eaux souterraines par résurgence/ infiltration

2

Zone humide de l’ancien lit mineur / variations importante du niveau d’eau selon les saisons

3

1

4 5

Transfert supposé d’eau avec l’Aveyron sous le talus routier Zone d’expansion des crues Station d’épuration sur lit de sable et évacuation du filtrat au niveau de l’embouchure de la Vère

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Localisationdes desdifférents différentsHabitats Habitatsdu dusite site Localisation Localisation des différents Habitats du site Localisation des différents Habitats du site Périmètre de l’Espace Naturel Sensible

Le village

Carte sensible du site

Localisation desdes différents Habitats site village Les jardins du château Le Le parc boisé du du Localisation différents Habitats site

Le village Le village parois rocheuses et bords de falaise

La forêt de pente

parois rocheuses et bords de falaise parois rocheuses et bords de falaise

Les jardins du château Les jardins du château parois rocheuses bords de falaise La zone humideetsur l’ancien lit de l’Aveyon

La forêt de pente La forêt de pente

village LeLe village jardins dusèches château Les pelouses

jardins château LesLes jardins dudu château Le parc boisé

Le parc boiséboisé Le parc parois rocheuses bords falaise parois rocheuses et et bords dede falaise La forêt pente et Les ripisylve de de l’Aveyron de la Vère

Les pelouses sèches Les pelouses sèches forêt pente LaLa forêt dede pente La zone humide sur l’ancien lit de l’Aveyon

La zone humide sur l’ancien La zone humide sur l’ancien lit delitl’Ade veyon l’Aveyon

Les ripisylve de l’Ade veyron et et Les ripisylve l’Aveyron de lade Vère la Vère

Les différents milieux identifiés dans le plan de gestion de l’ENS «parc et parois des chateaux de Bruniquel»

Le périmètre de classement des châteaux s’étend aux pieds des parois et conditionne toute intervention sur l’espace (avis de la ABF obligatoire)

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parc boisé LeLe parc boisé Les pelouses sèches

zone humide l’a LaLa zone humide sursur l’anc Les Aveyonde l’Aveyr lit lit dede l’ripisylve Al’veyon de la Vère


Les habitats des rocs et les abris sous roche

Plusieurs facteurs conditionnent toute réflexion sur la matérialité de ces lieux: - Le classement des chateaux et le périmètre sauvegardé qui en dépend - covisibilités - Habitats sensibles / sites de nidification (faucon pélerins, martinet, grands ducs et 1er site chiroptères midi pyrénées / classement en ENS du parc et des parois / Arrêté préfectoral de protection des biotopes / Zone Spéciale de Conservation du secteur Natura 2000 gorges de l’Aveyron, causses proches vallée de la Vère - L’entretien du parc du château et sa valorisation pour l’ouvrir au public tout en préservant les habitats naturels (cf actions du plan de gestion de l’ENS) - Le sentier descendant aux abris sousroche depuis le parc du château - autres ambiances et perspective sur la vallée/ Boucles de Petites Randonnées - Le petit patrimoine dégradé des murets, gariottes et escaliers dans le parc - La fermeture des pelouses calcaires par le développement des ligneux Des habitats sensibles sur les falaise et forêts de pente nécessitant une attention particulière. On y rencontre ainsi le faucon pèlerin, le martinet à ventre blanc, le hibou Grand duc et une des plus grande colonie de chiroptères de Midi-Pyrénées

- Les sites des abris sous-roche préhistorique en bordure de la D115 sur les propriété départementales enfouis derrière les ligneux pour certains.

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entrée du parc

Le château vieux et sa galerie renaissance

Les jardins des châteaux

Le château jeune, entrée des visiteurs et décor du festival d’Offenbach

0

10 m La barbacane en haut de la rampe d’accés servant de coulisse pour le festival

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Les belvédères des châteaux et du parc Lieux privilégiés des co-visibilités et de scénographie de l’espace

Le premier belvédère du parc offre une vue remarquable sur les châteaux et les vallées mais s’avère dangereux. Il permettrait de valoriser l’ENS en créant une poralité importante

Deux lieux d’accroche pour un projet sur la confluence, essentiels pour les co-visibilités entre les châteaux et les vallées et pour la perception de l’éperon fortifié / Une interface de qualité entre village et vallée: - Poursuivre l’effort de rénovation et de valorisation des environs immédiats des Châteaux. - Le belvédère de la tour de guet et les murs en ruines de l’ancienne enceinte du château - L’entrée du parc depuis les jardins du château et le premier point de vue du parc

L’esplanade et le belvédère du château jeune, aujourd’hui lieu de stationnement, ceinturé par un grillage couvert de lière pour garder à distance les curieux imprudents. La tour en ruine, symbole plus modeste de l’éperon menace depuis peu de s’effondrer.

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Une succession de terrasses soutenues par des murs de pierre sèche dont les entrées sont marquées par de belle porte en pierre. Cette structure étagées se perd maintenant dans les taillisw

Le patrimoine lié à l’eau au pied des terrasses enfrichées sous le roca. Fontaine, lavoir souterrain et abreuvoir en fer à cheval

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Les terrasses du chemin des chèvres et le patrimoine lié à l’eau souterraine

- L’enfrichement de certaines terrasses le long de l’ancien chemin des chèvres (actuel chemin des rennes). Disparition d’habitats naturels d’intérêt communautaire et prioritaire et des habitats d’espèces d’intérêt communautaire et prioritaires Perte de la structure en escalier en contrebas du roca (effondrement, palier dégradés...) - Les Revêtements des voirie et chemins dégradés (bitume ou enrobés, castine, terre) et des rigole en calades. - Murets en pierres sèches dégradés des terrasses et bord de chemin. - des constructions en pierre de taille (encadrements des accès aux parcelles, blocs, certains murs, lavoir...) - Le patrimoine lié à la résurgence avec l’ensemble de la fontaine, du lavoir sous-terrain et de l’abreuvoir en fer à cheval

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Le point d’accueil pour le camping municipal pris d’assaut par la végétation

Le chemin dégradé descendant à la Vère

La station d’épuration sur lit de sable et son intégration plus que maladroite (visant à masquer le château ?)

La peupleraie vieillissantes s’étendent sur les deux rives communales, rythmant l’espace et créant un fort contraste avec les paysages alentours. Elle masquent les vue en contreplongés sur les falaise mais apportant de l’ombre en été

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La rive gauche de la Vère et l’ancien lit de l’Aveyron

- La route dégradée descendant jusqu’à la passerelle, aujourd’hui détruite qui était soutenue et bordée par des piles en pierre sèche avec couronnement - La qualité de l’espace ouvert de la praire ou s’épanouissent trois grands frênes et dominée par les parois du chateau - les accès et la hiérarchisation des cheminements en haut de la prairie de pente qui est généralement utilisé pour stationner les véhicules et les calèches de la chambre d’hôte qui organise des promenades avec des ânes. - Le local des sanitaires décrépi du camping municipal appuyé contre la première terrasse

- La station d’épuration sur lit de sable et les tentatives maladroites de plantations qui la ceinturent, notamment une plantation de frênes espacés de 2m chacun et venant peu à peu occulter la vue sur les château - La peupleraie venant tout à la fois structurer l’espace du bas de pente et créer une ambiance ombragé mais isolant la zone humide et créant un espace distinct, opaque et strictement rythmé. - La zone humide remarquable, témoin des profondes modification engendrées par la création de la voie ferrée et milieux hygro-hydrophile remarquable en voie de fermeture avec la progression des saules et des aulnes et le comblement par envasement des mares qui s’assèchent en été.

- Le chemin en pied de falaise, seul sentier permettant la découverte de la zone humide de l’ancien bras de l’Aveyron

Panorama sur la zone humide de l’ancien lit de l’Aveyron colonisée progressivement par les saules et les ligneux

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Les bords de Vère encadrés par les peupleraies et l’embouchure construite

Le roc de Tounac dissimulé derrière l’épais rideau des peuplier ( photo prise en mars 2014)

La péninsule sous les ponts, seuls accés à l’Aveyron au niveau de l’embouchure

Des espaces communaux aux forts portentiels mais faiblement valorisés.

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La rive droite de la Vère lieu d’accueil au carrefour de la route de Gaillac - Le patrimoine ferroviaire (pont, talus, échangeur ferroviaire, gare et relais...) - La péninsule sous les pont, seul accès direct à la rivière Aveyron depuis la confluence - La passerelle effondrée, seul franchissement piéton - Les bords de Vère limoneux et le lit de pierres roulées - La peupleraie vieillissante et son impact sur les paysages, les écosystèmes, les sols (hauts houpiers érigés, nidification des corvidés, faible fixation, gros consommateur d’eau par évapotranspiration...) - L’aire de stationnement aux revêtements dégradés et l’accès libre aux bord de Vère avec la disparition de la barrière

La passerelle effondrée en mai 2015

L’aire de stationnement en bordure de la route de Gaillac, départ dangereux des randonneurs et promeneurs

- La perte de cohérence / les éléments de rupture: Les talus routiers, le parking, l’intégration de la station d’épuration/ le sol de terre battue sous les peupleraies et la lisibilité des cheminements.

Une fréquentation qui dégrade fortement les sols et revêtements

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D’une pratique quotidienne et habitante .....

... a une forte fréquentation récréative et touristique .....

Des pratiques qui se concentrent sur la période estivale: la confluence comme ressource touristique - Promeneurs - Pêcheurs ( lachers de truites et concours) - Baigneurs - Lieux de réunions, de convivialité - Les lieux de haltes et de stationnements des visiteurs - Les visiteurs des châteaux descendant par le parc et l’ENS - La zone de camping municipal et le local associé mitoyen de la station d’épuration en zone inondable - L’arrivée des descentes en canoë à la confluence depuis l’amont - Le mobilier et les aménagements spécifiques (table, banc...) Des problématiques prégnantes autour de la mobilité et des déplacements - Conflits d’usage entre piétons/ randonneurs, cycliste et les véhicules motorisés - La diversité des cheminements Les franchissement, de halte, de passage, de sentier, de «refuge». - La vitesse excessive sur la D115 dans le virage accentué par l’impression de «tunnel» végétal. - Le départ et les itinéraires de PR et GR depuis les espaces de la confluence contraint d’emprunter la départementale pour franchir l’Aveyron par le pont - Le velo-route de la vallée de l’Aveyron, considéré aujourd’hui comme dangereux et peu praticable à partir de bruniquel CF: Charte des bonnes pratique touristique du pays Midi-Quercy Schéma de développement durable des activités nautiques non motorisées Mise en cohérence des politiques touristiques du pays ( schémas, signalétiques, conventionnements...)

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Enjeux L’ expérience et l’ usage des lieux

Des usages et pratiques au rythme des saisons - Paysage du loisir, de la contemplation et du ressourcement Site incontournable depuis la D115 qui le borde, l’embouchure de la Vère est un endroit très fréquenté durant la pèriode estival. C’est l’une des entrées du département et du pays depuis Gaillac. Les dernière années ont vu le nombre de visiteurs fortement augmenter, venant parfois occuper les lieux abusivement du fait de l’absence de barrières et d’aménagements adaptés. Identifié comme un accès « multi-usages » à l’Aveyron, le site fait en ce moment l’objet d’une étude pour y installer un nouveau point d’accueil, plus que nécessaire. La confluence concentre ainsi durant une période courte, coïncidant aussi avec une effervescence des écosystèmes (nidification, périodes de chasse...) qui n’est pas anodine. Une randonneuse sur le carrefour de la route de Penne et de Gaillac, départ des GR PR au niveau de la confluence

On remarque cependant que les bords de Vère, même si ils sont appréciés des bruniquelais restent isolés de la vie sociale et culturelle du village. L’ «abris niquel», gîte installé dans l’ancienne gendarmerie a permis d’amorcer une nouvelle dynamique mais ces lieux restent surtout investis par les touristes et visiteurs.

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Vue depuis le roc de tounac sur les espaces ouverts et cultivés de la vallée de la Vère, mars 2014

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Rétablir une polarité entre le village et les vallées

Le travail de composition que je vais détailler ici est avant tout motivé par l’envie d’activer une réflexion chez les bruniquelais sur ces lieux aujourd’hui délaissés. Le dessin et la projection graphique doivent avant tout servir à proposer un vision dans le temps pour avoir une approche dynamique de l’aménagement de l’espace. L’objectif de cette composition qui s’appuie sur les grandes composantes du paysage, physiques et biologiques , sur les rapports sensoriels et les pratiques est bien de rétablir une polarité durable au niveau de la confluence que ce soit pour ses habitant ou ses visiteurs. Une polarité durable car elle doit être complémentaire des dynamiques actuelles du territoire midi-Quercy et de Bruniquel en matière de développement local, d’écologie ou de tourisme.

Mes orientations de projet peuvent être sujettes à critiques et paraître trop ambitieuses pour Bruniquel. C’est aussi l’objectif, de susciter la discussion, de confronter les avis, de soulever les contraintes et les problématiques qui m’ont certainement échappé en proposant une vision prospective. J’ai voulu faire dialoguer mon sens esthétique, ma créativité avec ces lieux après m’en être imprégnés. Je ne sais pas si l’esprit du lieu m’est apparu mais j’ai pu cependant déceler en eux les potentiels et les qualités qui ont guidé mes choix. Certaines propositions seront ici plus détaillées, allant jusqu’à proposer une mise en œuvre technique alors que pour certain lieux, il s’agira plus de propositions en plan et de principes d’aménagement, servant de support à une réflexion dans la durée.

Le potentiel de ce carrefour au confluent de deux vallées remarquables a trop été négligé et mérite aujourd’hui que l’on envisage son devenir. Je souhaite que mon approche incite les pouvoirs publics mais également les habitants à porter un autre regard sur cette confluence mythique pour qu’elle conserve ses qualités et continue de s’inscrire dans la longue histoire Bruniquelaise. Mes propositions concernent uniquement des surfaces communales mais la question du foncier privé est particulièrement problématique pour mener une véritable politique de paysage avec une multitude de petites parcelles à l’abandon sur les causses. Pour autant, ma démarche n’abordera pas cet aspect, se concentrant sur le foncier public.

Après avoir identifié les grands enjeux et les éléments d’accroche pour ma composition, je présenterai maintenant les grands axes stratégiques en proposant deux temporalités pour les mettre en œuvre. Nous verrons ensuite à travers trois grandes actions pilotes comment ils pourraient se concrétiser.

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5 . 3 Au delà d’une composition paysagère, une stratégie transversale à mettre en œuvre - Remettre en lumière les éléments fondamentaux des paysages bruniquelais: Pieds de parois du château / Terrasses / Confluence / Roc de Tounac en travaillant sur les cônes de vue remarquables (pouvant être inscrits dans le PLU) - Parvenir à diminuer la vitesse sur la grande courbe de la D115 en cassant l’effet de couloir végétal, en travaillant sur la perception plus large du paysage qui contribue a diminuer la vitesse. Réaménager les deux parkings pour l’accueil des visiteurs - Requalifier la D115 et aménager les accotements pour assurer la continuité du vélo-route de la vallée de l’Aveyron et sécuriser les départs et parcours de randonnée - Rénover les espaces de la confluence en s’appuyant sur les qualités des lieux et l’existant en les décloisonnant. Proposer une composition pittoresque « contemporaine ». Ouvrir ces espaces qui sont déjà un lieu de halte , de promenade pour les bruniquelais et de départ de randonnée. Approche quasi picturale, de l’ordre de la composition de peinture autour de ressources présentes sur place: pierre calcaire - bois - terre d’alluvion - milieux meso-hygrophiles - eau - Valoriser et entretenir la zone humide de l’ancien lit mineur de l’Aveyron qui évolue progressivement vers un peuplement de ligneux (saules, frênes...) Maintien des équilibres entre milieux fermés et ouverts. Imaginer un autre aménagement pour la station d’épuration qui peut s’inspirer de l’exemple de Puycelsi ou St Etienne-de-Tulmont qui ont su en faire une infrastructure contribuant à la qualité des lieux. - Affirmer la covisibilité entre le point de vue du château et la vallée en proposant un réaménagement du belvédère et une restauration de la tour, lieu emblématique de Bruniquel - Défricher et entretenir les terrasses sous le Roca essentielles pour percevoir la configuration en escalier de Bruniquel et révéler le patrimoine des mur en pierre sèche aujourd’hui enfouis. Des terrasses jardinées en ménageant les dynamique biologique - Jardins en mouvements - verger conservatoire / variétés anciennes . Inventer un nouveau lieu de vie culturelle et de pratiques collectives - Cohérence avec l’ensemble des documents d’orientations territoriales à l’échelle d’un projet pilote et d’une démarche transversale tenant compte des aspects sociaux, économiques, écologogiques et culturels. (CF: charte des bonnes pratiques touristiques, schéma de développement durable des activités nautiques, chartes forestière, Secteur Natura 2000, ENS, Charte et plan paysage du Pays Midi Quercy...) -

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5 . 4 Les principales contraintes d’un projet sur la confluence

- La propriété foncière (communale, privée, départementale) sur des lieux d’ « intérêt commun », notamment pour les parcelles de pente enfrichées et de bords de vère. Un très fort morcellement du foncier privé. - Le rempart que constitue la route venant isoler l’Aveyron et rompre les circuits de randonnée et de vélo - Les hauteurs vertigineuses et la sécurisation des belvédères remarquables pour le public - Le caractère inondable du site de la confluence et le fonctionnement hydrologique complexe (ancien lit mineur, eaux souterraines, infiltrations...) - Les réglementations relatives au monuments historiques ou aux milieux naturels très contraignantes sur des sites sensibles - Des pratiques d’aménagement individuelles qui se concentrent sur les propriétés privés et peu de pratiques collectives (jardins partagés, pédagogiques...)

- Ressources financières de la commune modestes nécessitant un co-financement extérieur important (subvention, programme européen, allocations, mécénat...) et un portage multipartenarial - L’absence de gestion des talus routiers et des pieds de falaise par le département qui en est propriétaire et a une vision très technique des infrastructures routières (largeur de voirie démesurée, absence de piste cyclable pour le vélo-route, carrefour uniquement destiné au voitures ...) - Une fréquentation touristique très concentrée sur certains lieux, notamment dans le village et en bord de Vère - Les conflits d’usage: Entre piétons, cyclistes et véhicules motorisés. Entre habitants et visiteurs. Entre privé et public - L’absence d’exploitation agricole d’élevage à proximité immédiate, garante d’une diversité paysagère et de l’entretien de certains espaces, notamment des pelouses sèches et des terrains en pente 153


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5 . 5 Les temporalités de la stratégie Des actions à long terme et régulières sur le paysage

Une stratégie globale qui se décline en plusieurs interventions pilotes complémentaires:

- Maintien des cônes de vue dégagés le long de la D115 et en pied de falaise ( Interventions importantes sur plusieurs tronçons la première année puis tout les 5 ans). A mener en partenariat avec le conseil général qui a la propriété des talus et des pied de paroi , la communauté de commune et la commune de Montricoux. Mise en place d’une convention éventuelle.

- Réaménagement du belvédère, des entrées des châteaux et restauration de la tour

- Entretien des terrasses et parcelles de pente sous le Roca et sur le parcours du chemin des chèvre avec la possibilité de subventionner les intervention de particuliers. Engager une réflexion sur le long terme avec les propriétaires de parcelles boisée. Faire valoir le droit de préemption communal ou départemental (ZPENS) pour des lieux d’intérêt commun. Valoriser la ressource en bois et en biomasse (cf charte forestière, actions entreprises par le Pas Midi-Quercy, contrats subventionnés...)

- Entretien de la zone humide pour contenir le développement des espèces ligneuses à croissance rapide (saules, frênes et aulnes) et éviter la fermeture des milieux ouverts ou semi-ouverts hygro et hydrophiles (roselières...). Favoriser la création d’Ecotones à la rencontre entre les différents milieux (forêt de pente - zones humide - prairie inondable - rivières et ripisylves) en entretenant les lisières et les transitions entre les milieux

- Aménagement de l’entrée du parc du château et du premier point de vue en lien avec le plan de gestion de l’ENS - Abattage et valorisation de la peupleraie et d’arbres bordant la zone humide et les talus routiers / identification des sujets à conserver (arbres remarquables, régénération naturelle...). Jardinage de la confluence en plusieurs étapes selon les principes du jardin en mouvement (ménager et s’appuyer sur les dynamiques biologiques en place) - Aménagement des espaces de la confluence : Plantations, installation de mobilier, réfection et hiérarchisation des cheminement, restauration écologique des berges - Réaménagement des aires de stationnement près du carrefour entre la D115 et la route de Gaillac et à proximité des abris sous-roche - Réflexion sur le reconversion de la station d’épuration en station sur filtre de roseau mieux intégrée (exemples concluant à Nègrepelisse, SaintEtienne e Tulmont ou Puycelsi)

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Proposition d’esquisse et d’aménagement du pierrier pour le premier point de vue à l’entrée du parc aujourd’hui fermé par les buis et dangereux

Etat actuel en image satellite prise durant le mois d’août (présence des gradins du festival d’Offenbach) Source: Géoportail Principaux châteaux

accés

aux

Eléments remarquables en pierre de taille

1

Appels visuels forts

4

Accés aux jardins du châteaux et contre les remparts

3 2

Emprise des gradins et de la scène du festival A pic dangereux sécuriser

à

Arbres et arbustes à entretenir Schéma d’orientation des propositions de projet pour l’entrée et le belvédère des châteaux

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Panoramas remarquables Vues remarquables sur les lieux


5 . 6 Les belvédères du château et du parc sur les vallées 1

2

3

4

les covisibilités renforcées Je débuterai la présentation des pistes de projet par le sommet du village: les châteaux! A la fois destination privilégiée des touristes et haut lieu culturel pour les bruniquelais, il me semble être le site le plus approprié pour activer une nouvelle dynamique. Aujourd’hui restaurés par la municipalité, les châteaux gardent cependant les stigmates du déclin du village. La barbacane a perdu sa toiture, la tour de guet menace de s’effondrer et le belvédère, pourtant remarquable est délaissé et dangereux. Je vais m’attacher dans mes propositions, à la fois à proposer une mise en scène de l’arrivée jusqu’à leurs entrées et du point de vue au niveau de la tour de guet. C’est un point d’accroche essentiel à la stratégie du projet puisqu’il concentre les covisibilités avec la confluence. L’autre lieu qui ne sera pas développé ici est celui des premiers points de vue à l’entrée du parc pour lequel j’ai esquissé un plan de principe (ci-contre). Ma proposition se veut être relativement neutre pour valoriser avant tout les qualités du patrimoine en pierre et mieux aménager des espaces qui accueillent de nombreux évènements (festival d’Offenbach, marché aux plantes...). Le point de vue reste le cœur de cette composition avec la tour de guet comme marqueur de ce nouveau lieu, déjà visible depuis des siècle sur les vues des parois. La sécurisation du belvédère, le choix de matériaux solides et l’emploi de techniques locales seront les deux principes techniques mis en avant ici.

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Plan de masse de la proposition de projet

Distance de sécurité avec le précipice

0

45 m Profil du belvédère en coupe après réalisation

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Rambarde en acier, avec plateau incliné, scellée à la fois dans la roche et la calade

Mélange de pierre et de terre des causse grillagé et ancré dans la roche


Plan de détail des matériaux mis en œuvre - Bordures taillées et calade traditionnelle sont mis à l’honneur.

Vue en axonométrie esquissée des deux marche et de la finition des marches pour un accés possible au personnes à mobilité réduite

Deux références de calade, jouant sur les hauteurs et les tailles des pierres employées Source: internet

Cette projection pour les abords des châteaux met à l’honneur le travail artisanal de la pierre. Il s’agirait pour un tel chantier de mettre à profit les savoirs faire d’entreprises d’artisans locaux. La rampe menant au château jeune est rénovée et encaladée, comme c’était autrefois le cas pour les ruelles ou les rigoles de Bruniquel. Des bordures en pierres scellées assurent l’intégrité de la calade et sont pensées selon les perspectives et les éléments proéminents des remparts, formant des rayons qui face à l’entrée vers la cours s’élargissent pour marquer le seuil. L’espace où se tient le festival d’Offenbach reste en castine mais un mur en pierre sèche vient remplacer le bourrelé provisoire où s’appuyait la scène. Le belvédère, objet principal de la proposition, est marqué par deux légère marches biseautés sur l’extrémité pour permettre un accès aux PMR. Le mur du point de vue existant est prolongé pour laisser la place à une solide rambarde ancrée dans la roche. C’est la tour de guet, restaurée en parallèle, qui guide les perspectives et les proportions des marches pour scénariser ce point de vue exceptionnel sur la confluence. La réalisation laisse un espace de sécurité avec le précipice comme décrit dans la coupe ci-contre.

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Vues sur le belvédère restauré

Schéma de principe de la gestion des écoulements d’eau. Une rigole encaladée contre le mur de la rampe vient collecter les eaux jusqu’à une bouche en contrebas. Les écoulements du belvédère et de l’entrée du château se font vers une bouche au niveau des jardins des remparts.

Plan de localisation des vues

La gestion des eaux de ruissellement est ici revue selon les choix esthétiques que j’ai fait. Le drain existant devra ainsi probablement être modifié et de nouvelles bouches d’évacuations réalisées. Les vues ci-contre donnent un aperçu de mes intentions qui cherchent avant tout à révéler les qualités déjà existantes sur ces lieux. De plus, une fois patiné par les années, le revêtement en calade mis en œuvre avec des pierres des environs (carrière de Caylus éventuellement) viendra se fondre dans le décor et se végétaliser ( un bon argument pour l’ABF !). Les remparts qui tombent en ruine pourraient être remis à niveau pour accentuer la perspective vers le belvédère. Le mobilier n’est pas abordé ici mais pourrait se réduire à d’imposants blocs de pierre accolés aux remparts. La végétation autochtone rustique et résistante (valériane, vipérine, oeillets sauvages, orpin...) se chargera ici de venir créer les ambiances végétales dans les interstices et espaces laissés libres.

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N+0 La parcelle en terrasse entièrement colonisée par les ligneux (chênes, érables, cornouillet, charmes...) surplombant le chemin descendant à la Vère.

N+1 Le défrichage se ferait à l’automne ou à l’hiver pour ne pas perturber les habitats de l’ENS proche et respecter le cycle végétatif. Les sujets intéressants (ports, âges, source d’ombre, fruitiers...) sont conservés mais l’espace s’ouvre largement. Ce chantier pourrait faire l’objet d’une petite festivité pour activer une dynamique habitante (« apéritif-sécateur» , repas sur la parcelle...)

N+5 Après s’être rapproché du conservatoire d’espèces fruitière et d’anciennes vignes de Puycelsi, la parcelle accueille désormais plusieurs essences choisies selon la nature du sol et l’exposition. Le lieu est animé et entretenu par les habitants et ouvert au public.

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5 . 7 La descente vers le verger communal

l’interface retrouvée Nous continuons ici notre descente vers la confluence pour aborder le chemin de rennes (ancien chemin des chèvre) descendant vers le lavoir souterrain et la vallée de la Vère. Ce sentier piéton, enfouit aujourd’hui dans les taillis mériterait d’avoir quelques marches restaurées mais constitue un parcours ensauvagé dans les anciennes terrasses sous le roca. Ma proposition qui vise à remettre en valeur l’étagement de ce versant anciennement cultivé vise à s’appuyer sur une dynamique habitante autour d’un espace ressource et de ressourcement. Suivant l’idée de composition paysagère, il s’agit ici de ré-ouvrir une parcelle communale en pied de coteau, à l’interface avec la confluence. Cette action pourrait faire l’objet d’une mobilisation volontaire de défricheurs villageois ou d’ailleurs pour venir dégager ces espaces.

Cette action tiendrait compte de la présence d’arbres et d’arbustes maintenant bien installés en conservant les plus beaux sujets où selon les propositions des habitants. La valorisation de cet espace est intéressante pour activer des pratiques habitantes autour du paysage et tisser de nouveaux liens vers la confluence. La proximité du conservatoire d’espèces fruitières et de vignes anciennes à Puycelsi (rattaché au conservatoire régional) pourrait faire l’objet d’un partenariat pour créer un verger municipal. Ce lieu pourrait être à la fois de détente, pédagogique et d’événements autour des plantes alimentaires. Cette dimension à la fois culturelle et sociale permettrait, si l’implication des bruniquelais est suffisante, de rapprocher un peu plus le village des vallées de la confluence. Une telle initiative pourrait inciter à étendre la valorisation des terrasses pour remettre en lumière la structure en escalier de pierre du versant.

Place du Roca

La confluence

Chemin des chèvre descendant sous le Roca

Gite / ancienne gendarmerie

Lavoir souterrain et fer à cheval

Esquisse crayonnée du verger municipal une fois mis en place, terrasse ouverte sur les espaces du confluent

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Premiers plans d’esquisses et d’expérimentation

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5 . 8 Le parc du confluent Vère - Aveyron

Une composition contemporaine à partir de l’existant Nous voici arrivés en bas du village pour la dernière proposition de projet concernant les espaces qui ont motivés ce travail. Je dois avouer qu’il a été difficile pour moi de me projeter après avoir été captivé par une histoire qui m’était encore relativement inconnue. Le monticule de calques et d’esquisses qui ont envahi mon bureau avant que je puisse trouver une lignes à développer pour ma composition en est la preuve. Les deux esquisses présentées ci-contre présentent schématiquement mes premières intentions. L’effondrement de la passerelle franchissant la Vère au mois de mai 2015 a constitué un évènement, certes problématique pour la commune, mais stimulant pour imaginer le devenir de ces lieux. L’idée principale, comme cela a été évoqué dans les enjeux et de composer avec la matérialité de ces lieux, qu’elle soit biologique, hydrologique ou pédologie. Cette composition se fait bien entendu au regards des usages et pratiques contemporaines, notamment touristiques. J’ai ainsi voulu réinterpréter le caractère inondable de la confluence non pas comme une contrainte mais comme une source de créativité. Cela se traduit par de larges courbes, reprenant le tracé de l’ancien lit de l’Aveyron et une réflexion sur l’état des berges aujourd’hui largement dégradées par l’action des crues. L’intégration de la station d’épuration dans mon processus de travail a eté également sources de créativité en terme de principes d’aménagement durables et économes. Le projet vise aussi à diversifier les cheminements sur ces espaces pour en révéler davantage les qualités et inciter à aller découvrir les lieux périphériques (abris sous roche, anciennes forges, moulins des

estournels...). Mes propositions tenteront également de répondre aux problématiques de conflits d’usage, notamment entre les automobilistes, les piétons et cycliste qui doivent partager une route dangereuse sans hiérarchisation de voirie.

Il ne s’agit pas la d’une proposition de parc à proprement parler comme le titre de cette page l’indique. Cette désignation induit une certaine organisation et scénographie des lieux qui, aujourd’hui ou la fréquentation touristique augmente et occupe largement l’espace permet de mieux identifier les accès, la nature des lieux, leur cohérence et de limiter la pression de la fréquentation sur les milieux sensibles et les rivières. Le préalable à ma proposition est l’exploitation des peupleraie sur les terrains communaux. C’est la première condition à la réouverture des vues, des covisibilités avec les châteaux et à une nouvelle conception du paysage. Ainsi, l’ensemble des propositions qui suit se décline à partir de ce premier évènement supposé. Il permet avec l’ouverture d’un gros chantier de débardage d’imaginer des action simultanée sur les lieu pour éviter d’impacter les habitats naturels sur la durée. Ainsi, l’abattage des peupliers est selon moi la meilleur occasion de mener une restauration des espaces au confluent de la Vère et de l’Aveyron en modifiant à la fois leurs structures végétales et le sol sur lesquelles elles s’épanouissent.

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Les robiniers proliférant le long des talus et masquant les vues depuis la route (cf Montricoux)

Schéma d’intention pour l’intervention sur les structures végétales Abattage des peupleraies sur les parcelles communales / conservation de certains sujets sains Coupes rases des pentes de talus routier / opération à renouveler tout les 5 - 10 ans environ par le département - valorisation des robiniers Transplantation des frênes d’alignement masquant la vue autour de la station vers les espaces dégagés Ouverture des premières terrasses sous le roca et éclaircissement en pied de falaise le long du chemin des abris sous roche - valorisation de la biomasse Abattage et éclaircissement des ligneux dans la zone humide et sur les cônes de vue remarquables

Profil pendant l’exploitation des peupliers

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Interventions sur les structures végétales N+1 Note sur l’impact écologique et paysager des peupleraies: - impact paysager sur les covisibilités et les vues - Gros consommateur d’eau par évapotransipration assèchant les milieux hydrophiles - faible capacité de filtration et de fixation de l’azote comparé à une prairie humide ou une ripisylve - Sensibilité aux maladie contagieuses notamment la rouille qui se propage rapidement en peuplement monospécifique - ne favorise pas ou peu les espèces autochtones - lieu de nidification des corvidés considéré comme nuisibles et lieu favori de formation des essaim de frelon asiatiques Préparation de branches de saules et de pieux en robinier en Seine-et-Marne Source: www.arbres-caue77.org

Etat actuel Un curieux mélange hétéroclite de peupliers noirs fastigiés, de noisetiers pourpre d’ornement, de lauriers nobles et de frênes serrés

N+1 Les peupliers et les frênes ont été remplacés par un tressage de boutures de saule

N+3

N+4

Les saules continuent d’être tressés et taillés pour maintenir les vues. Les pousses peuvent être valorisées de différentes manières (facine de massif, dans le village, les jardins du chateau, fixation des berges...). Une réflexion pourrait ête entamée sur la reconversion de la station en filtre sur lit de roseau comme à Nègrepelise ou Puycelsi

L’abattage des peupliers est l’occasion d’intervenir sur les autres structures végétales de la confluence, à commencer par la zone humide, progressivement en train d’être fermée par les saules et les frênes. C’est aussi l’occasion de revenir sur l’intégration maladroite de la station d’épuration où les peupliers noirs et l’alignement beaucoup trop serré de frênes viennent masquer les châteaux. L’entretien des talus routier ou prolifèrent les robiniers, produisant un bois naturellement imputrescible ouvre la possibilité de le valoriser dans de nouveaux aménagement. L’idée est ici de ré-exploiter l’ensemble des essences présentes sur place sans en ramener de l’extérieur. Les troncs droits des robiniers sont façonnés sur place en pieux, les jeunes pousses de saule sont bouturées pour venir former un tressage autour de la station remplaçant les frênes qui peuvent encore être transplantés du fait de leur jeune âge. Cette nouvelle haie dense et facile à rabattre permet de récupérer des branches souples qui seront utilisées pour restaurer les berges et la ripisylve qui avait disparu avec la concurrence des peupliers.

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Mise en forme pour l’aménagement du nouveau parking des abris sous roche

Consolidation de la berge et de la péninsule sous les ponts

reprofilage du talus pour le tracé d’un nouveau chemin

Schéma d’intention pour les travaux de terrassement

Mise en place d’un remblais soutenu par un enrochement pour la création d’une rampe

Plateforme nivelée pour accueillir un nouveau parking - profilage de deux futurs escaliers

Reprofilage des berges en pente douce délimitant deux plages de cailloux roulés Terrassements préalables à la construction de la nouvelle passerelle piétonne et rectification du chemin pour créer un nouvelle axe plus central sur les terrains communaux

Profil pendant les travaux de terrassement et de mise en place des pieux et tressage

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Les travaux de terrassements N+1

Les berges dégradées de la Vère et des exemples de fixation des berges à l’aide de saule Source: www.arbres-caue77.org

Des principes d’aménagement simples en valorisant la biomasse des ligneux tout en entretenant le paysage

Les chantiers de terrassement constituent des interventions lourdes qui ont de nombreux d’impacts ( déstructuration des sols, nuisances sonores, vibration....). C’est pourquoi je ne les dissocie pas du chantier d’abattage. Un tel projet nécessite une démarche partenariale entre les différents services publics (département pour la voirie, DDT, commune, intercommunalités...) Il pourrait constituer une action pilote transversale allant dans le sens des politiques menées en ce moment (écologique, touristique, ressource locale...). Il m’apparait également pertinent de faire coïncider une telle intervention avec la reconstruction de la passerelle sur la Vère, indispensable pour les randonneurs, piétons ou cyclistes. La restauration et la fixation des berges à l’aide des fascines de saule et des pieux de robinier vise aussi à reconstituer rapidement une ripisylve garante du maintien des sols, d’une phytoépuration importante des eaux superficielles et d’une biodiversité. Deux plages sont aménagées en profilant les berges en pentes douces, facilitant également l’expansion des crues de la Vère vers la zone humide Les différentes intentions et principes d’aménagement présentés ici pose les fondation du renouveau de la confluence. Deux éléments majeurs sont proposés ici: la création d’un soutènement pour accueillir une rampe qui permettre d’accéder directement au pont depuis les bords de Vère et le profilage d’un nouveau chemin épousant le tracé de l’ancien lit mineur de l’Aveyron et rejoignant celui des abris sous roche. Ces deux propositions phares de mon projet sont motivées par l’incohérence que génère l’impossibilité de franchir l’Aveyron sans suivre sur plusieurs dizaines de mètres la d115 et par l’intérêt de révéler l’histoire singulière du détournement de l’Aveyron tout en proposant une nouvelle connexion entre la Vère et les abris.

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La nouvelle rampe permettant d’accéder directement au pont

Vers les abris sousroche et le moulin des Estournels

zone d’expansion des crues et ancien lit de l’Aveyron

La nouvelle passerelle légèrement décalée par rapport à l’ancienne est davantage tournée vers les chateaux et constitue une nouvelle centralité Chemin en parcelle privé longeant la Vère

Les nouveaux cheminements envisagés - En bleu, ceux amenés à être inondés. Un fond de forme en concassé calcaire bien tassé permet de retrouver leur tracé sous les alluvions

Coupe du nouveau chemin épousant l’ancien lit de l’Aveyron. Il pourrait faire l’objet d’un parcours pédagogique autour de l’histoire des lieux et des milieux humides. A noter que le périmètre de l’ENS prévoit d’être étendu à ces espaces.

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Schéma des intervention de fixation des berges et de création de soutènements en pieux de robinier

Des espaces figurant dans les possibles extenssion du Périmètre de l’ENS. Source: conseil départemental du Tarn-etGaronne

Le fonctionnement hydrologique complexe de la confluence n’est pas contraint par ces aménagements perméables qui reprennent les grandes courbes des espaces. Mis à part la rampe d’accès au pont, les propositions présentées ici sont totalement réversibles et ne constituent pas une artificialisation puisque seul du bois et du calcaire sont employés (soutènement de la rampe en enrochement, fond de forme calcaire des chemin, bois). L’extension possible du périmètre de l’ENS du parc et des parois des châteaux et les secteurs NATURA2000 de la Vère et de l’Aveyron oblige à envisager une cohabitation plus respectueuse entre usagers et écosystèmes. Ces propositions visent à aller dans ce sens.

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Etat actuel en image satellite Source; Geoportail / IGN

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Voici la projection photo-réaliste de la nouvelle composition paysagère de la confluence, déroulant des espaces tout en courbes, soumis aux caprices des rivières et où les habitats débordent maintenant sur les anciennes plantations de peupliers. Cette projection à long terme réinscrit la confluence dans son rôle de carrefour et non plus d’étape ou d’échangeur. Elle reprend ici une place à part entière, attractive pour l’extérieur et lieu vivant pour bruniquel. Redevenue visible depuis les châteaux, elle dévoile à nouveau les stigmates de ses états passés et sa capacité de résilience.


Le parc du confluent Vère - Aveyron

Axonométrie des nouveaux lieux ouverts de la confluence, imaginés pour exarcerber encore davantage le caractère pictural des falaises se détachant à l’arrière. Cette visibilité nouvelle et la rampe piétonne seront des facteurs clef pour réduire la vitesse sur la D115. Une sorte d’incitation à la lenteur, à la halte, au prélassement.

Ma proposition est étonnamment proche des parcs romantiques jouant sur de larges courbes, les effets de perspective, de vue, de surprise visuelle alors que j’ai laissé mon sens esthétique être guidé par l’existant. A croire que le caractère pittoresque des lieux perdurera quoi qu’il arrive.

Deux exemples d’installations in situ par des artistes produits par la cuisine (centre d’art et de design) à Nègrepelisse Source: www.la-cuisine.fr/

Ce parc ne doit pas être pensé comme une vitrine du territoire ou comme une réponse à la fréquentation touristique. Il est avant tout un espace de qualité et d’une grande richesse biologique. C’est aussi un nouvel espace pour organiser des évènements culturels et offrir une nouvelle visibilité aux pratiques des habitants. La cuisine (centre d’art contemporain et de design) à Negrepelisse pourrait être associée à des projets d’installations artistiques comme elle en a déjà produit par le passé. Les artisans du village pourraient également investir régulièrement ces espaces (souffleur de verre, sculpteur...)

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Croquis de la rampe réalisée contre le talus de la D115 et des restauration des berges grâce au fascinage de saule et aux pieux de robinier. Les deux plages de cailloux roulées profilée sont les lieu favoris des familles et constructeurs de barrages éphémères

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Reconstitution en dessin de l’ancienne passerelle effondrée.

Image de référence d’une passerelle piétonne en métal à arche unique Source: internet

L’effondrement de la passerelle étant survenue en mai, je n’ai pas eu le temps suffisant d’envisager de proposition pour une nouvelle infrastructure piétonne. Il m’apparaît cependant important de valoriser aujourd’hui les techniques contemporaines en la matières. Les passerelles en métal et béton à arche unique, ne craignant pas la formation d’embâcle sont aujourd’hui très résistantes. Cette image de référence présentée ici présente selon moi un ouvrage relativement neutre et très aérien qui pourrait bien s’intégrer dans ma composition (couleur exceptée). L’emploi de métal n’a d’ailleurs rien d’anodin à Bruniquel ...

Nous voici arrivés à la fin de ma composition. La proposition de « parc » finie et dessinée est certes séduisante mais ce sont plus les principes d’aménagement durables (fascinage, réversibilité des aménagements, valorisation de la biomasse...) ou plutôt de ménagement des milieux qui sont importants à retenir. Mes idées étaient ici avant tout destinées à montrer comment intervenir sans impact lourd sur les milieux tout en valorisant des ressources et des savoir faire en lien avec le paysage. Bien évidemment, ce n’est pas le cas pour la rampe et la passerelle mais ces deux éléments sont essentiels selon moi pour favoriser les pratiques et usages sur la confluence et pour l’attractivité touristique dont dépend le dynamisme estival de Bruniquel.

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Le pont sur l’Aveyron. Le chenal creusé à la dynamite pour détourner la rivière se détache en sombre.

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Conclusion Arrivé aux termes de ce travail de fin d’études, le regard que je porte sur Bruniquel a profondément évolué sans pour autant me faire perdre mon affection pour elle. Mon ambition était aussi de faire changer celui des bruniquelais et de ceux qui connaissent les lieux de la confluence. Mon approche s’est attachée à sensibiliser au caractère mouvant des paysages souvent considérés comme préservés et pouvant le rester indéfiniment. Une sensibilisation aussi aux rapports contemporains que l’on entretient avec eux, souvent distants, derrière un pare-brise, un appareil photo, ou en les considérant comme simple cadre de vie. Distants aussi parce que l’on se considère parfois plus comme en faisant partie, mais plutôt en l’observant depuis nos petits espaces individuels. J’ose espérer que cette démarche pourra, à sa petite échelle, réinscrire davantage le paysage dans la vie et les pratiques quotidiennes du territoire. A travers mes propositions dessinées, j’ai voulu montrer que l’on peut apprécier Bruniquel et ses paysages sans les dénaturer. Travailler sur les lieux délaissés était avant tout une manière de les réinscrire dans l’histoire de la cité. Il s’agissait aussi de mettre en avant les incohérences et les dysfonctionnements générés par un regard trop orienté vers le patrimoine, qui s’habitue à ce que d’autres lieux s’effacent de la mémoire collective. Ce travail s’inscrit aussi dans une dynamique portée par des habitants engagés, par une municipalité qui , depuis plusieurs années, se mobilise pour que le réveil socioculturel de Bruniquel ne s’essouffle pas.

Cette expérience a été éprouvante car je me suis laissé emporter par mes ambitions pour un village qui m’a vu grandir. Il est intéressant de noter que je suis finalement revenu à des propositions plus réalistes et en accord avec les réalités contemporaines. Aujourd’hui Bruniquel est intégré dans une démarche de développement territorial volontaire porté par le pays Midi-Quercy. Il est essentiel de continuer dans ce sens à innover et à avoir conscience de notre rôle individuel et collectif dans le façonnement des paysages, à l’heure où la société de consommation et du spectacle rompt tous les amarres avec le territoire ressource. J’ose espérer que mon analyse et mes propositions pourront stimuler les consciences, même s’il s’agit de soulever des avis réactionnaires ou opposés à ma conception du paysage. C’est aussi en suscitant la réaction et la critique que les projet de conception font vivre une culture et une conscience autour du Paysage. La confluence était déjà pour moi un lieu essentiel pour Bruniquel, elle m’apparaît maintenant d’autant plus importante après m’en être imprégné pendant un an et avoir formulé des pistes d’intervention pour imaginer son devenir. J’en suis presque arrivé à la personnifier. Il m’a semblé l’écouter me parler durant tout ce temps lorsque le regardais les cartes d’un autre âge ou en découvrant les témoignages d’habitants ou d’historiens. Il me semble avoir effleuré pour la première fois l’esprit du lieu en nouant une relation intime avec ces lieux. Il me reste maintenant à partager les résultats de ce travail avec les bruniquelais qui je l’espère percevront la volonté d’animer une dynamique autour de ce confluent mythique.

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Remerciements

En tout premier lieu je tiens à remercier Elsa Bonnet, ma bien aimée, pour sa patience Un grand merci aux habitants de Bruniquel qui ont partagé leurs points de vue avec moi Camille Caesar pour être venue partager notre dernier atelier d’ Ensapien à Toulouse Mes parents, mes soeurs pour leurs encouragements et conseils Christian Tschocke pour son écoute et sa curiosité

Jean-Paul Damaggio pour m’avoir transmis son intérêt pour l’histoire des forges de Bruniquel Diego Lara pour son accueil et son enthousiasme à la villa des artistes de Monticoux Samuel Gaillac pour son regard de batisseur en pierre sèche Baptiste pour ses bonnes bières et la nouvelle dynamique qu’il amène dans le village Maxime Foucard, mon cher acolyte qui je l’espère me rejoindra bientôt diplômé Mon chat Neko pour avoir passé ses journées à me soutenir en dormant Et bien sur merci à Coco pour m’avoir fait connaître Bruniquel !

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Bibliographie Ouvrages Pierre Malrieu, Penne en Albigeois, Bruniquel en Quercy : deux villes d’Occitanie à travers l’Histoire, Editions La Duraulié, 1986. Charles Nodier, Isidore Taylor, Adolphe de Cailleux, Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France, édition de 1834 sur le Languedoc François Guizot, Histoire de France, par France, 1875 Lucien Augier, Bruniquel, village médiéval, 1988. Jean-Paul Damaggio, Bruniquel, village industriel : les forges du XIXe siècle, brochure, 1995. Jean-Paul Damaggio, Bruniquel, l’usine à fer et ses conséquences (1800 - 1980), brochure, 2009 Marc Desportes, Paysages en mouvement, Editions Gallimard, 2005 André Paulus, Le filtre planté de roseaux, édition Rouergue, 2011 Julien Aldhuy. Au-dela du territoire, la territorialite ? Geodoc, 2008, p. 35-42 Jean Demangeot, Les milieux « naturels » du globe, Editions Armand Colin, 1998 Mathieu Langlais, Edmée Ladier, Pierre Chalard, Marc Jarry and François Lacrampe-Cuyaubère p. 341-366, Aux origines du Magdalénien « classique » : les industries de la séquence inférieure de l’Abri Gandil (Bruniquel, Tarn-et-Garonne)

Articles et parutions: Emmanuelle Bonerandi, «Une géographie rurale active». Revue des thèses soutenues de 2003 à 2008 dans les universités française Sophie Le Floch, «La « fermeture du paysage » : au-delà du phénomène, petite chronique d’une construction sociale» Raffestin Claude. Réinventer l’hospitalité. In: Communications, 65, 1997. L’hospitalité. pp. 165-177.

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Claude Raffestin, in : Espaces, jeux et enjeux, 1986 Sous la direction de Marie Roué, Paysages culturels et naturels: changement et conservation, rapport final programme de recherche « paysages et developpement durable », Muséum National d’Histoire Naturelle, UMR 5145 Eco-Anthropologie et Ethnobiologie Guy Di Méo (Professeur de Géographie à l’Université de Bordeaux 3), «Processus de patrimonialisation et construction des territoires» Donadieux, P., « Le projet de paysage comme outil de négociation », in Cahier de l’IAURIF, n°106, 1993, p. 31-37. Emmanuelle Bonerandi , «Une géographie rurale active». Revue des thèses soutenues de 2003 à 2008 dans les universités françaises Besse, J.-M., « Cartographier, construire, inventer. Notes pour une épistémologie de la démarche de projet », Les Carnets du paysage n° 7, Arles/Versailles, Actes Sud/ENSP, 2001, p. 127-145. Keravel, S., « Passeurs de paysages, une réflexion sur la transmission de l’expérience paysagère », thèse de doctorat, EHESS, 2008, 281 p. Diego Lara, Bruniquel en Quercy, 1900, cartes postales, publication personnelle

Sites internet: http://www.geoportail.gouv.fr http://www.insee.fr http://www.archives82.fr http://www. archives.tarn.fr/ http://www.delcampe.fr http://la-brochure.over-blog.com/ http://www.cc-terrasses-vallee-aveyron.fr http://www.midi-quercy.fr/ http://www.inrap.fr http://www.midipyrenees.fr http://patrimoines.midipyrenees.fr http://www.ina.fr/

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Annexes

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Carte gĂŠologique des environs de Bruniquel. Source: BRGM / Geoportail


Carte des unités paysagères du pays Midi Quercy Sources: PETR Midi-Quercy

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Annexe 8 : Pistes de gestion différenciée par habitats pour l’ENS de Bruniquel Source : CPIE Midi-Quercy, 2013

Les Jardins

Le milieu Pelouse Menaces : Fermeture du milieu et perte d’une richesse spécifique Mesures de gestion et aménagements : - Réouverture progressive : Taille des arbres et arbustes, dans le but d’augmenter la superficie du milieu prairie. Création de corridors (haies et murets de pierres sèches) et d’ilots d’arbustes afin de créer un maillage spécifique nécessaire à l’ensemble des espèces. - Gestion annuelle par fauche tardif et/ou fauche différencié de parcelles. Choix de la gestion : Mécanique ou pâturage extensif qui crée un gardemanger pour les oiseaux insectivores. - Intégrer le biotope prairie au projet pédagogique et d’animation du site (pelouse à orchidées, entomofaune, intérêt mellifères des haies …

Menaces : Sur-fréquentation Mesures de gestion et aménagements : - Création et pose de nichoirs, mangeoires et abris à insectes pour favoriser l’entomofaune et sensibiliser les enfants lors d’animation. - Intégration du milieu dans le projet pédagogique et d’animation du site. (Point information sur l’historique du site, et sur les pratiques durables et alternative de gérer un jardin ; les plantes médiévales ; les contes et légendes) -Instaurer une charte de bonne pratique relative à l’utilisation de produits phytosanitaires sur le site et sur la commune de façon plus générale. - Aménagement du petit bassin d’eau pour favoriser les amphibiens plutôt que les poissons rouge et carpes Koi (espèce exotique).

Le milieu Rupestre : Parois rocheuse et bord de falaise Menaces : Fréquentation et dérangement entrainant des échecs de reproduction ou l’abandon définitif des sites de nidification des oiseaux rupestres. Mesures de gestion et aménagements : - Mettre en place un suivi spécifique des populations de Faucon pèlerin, Hiboux Grand-duc, Tichodrome Echelette, Martinet à ventre blanc et Genette. - Aménagement de points de vue sécurisé - Aménagement d’observatoire ornithologique - Intégrer le biotope milieu rupestre au projet pédagogique et d’animation du site (lecture de paysages, table d’orientation, milieu rupestre et ses espèces emblématiques, …).

Pistes de gestion différenciée par habitat de l’ENS Source: CPIE 82 184


Extrait de carte Cassini des environs de Bruniquel et de la GrĂŠsigne Source: Geoportail / IGN 185


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Extrait du cadastre napoléonien réalisé en 1835 Source: archives départementales du tarn-et-Garonne


Campagne de photographie aĂŠrienne de 1948 Source: Geoportail / IGN

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