Adrian Frutiger

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bandon des empattements Jusqu’au raffinement du XVIII° siècle Partant du style robuste des incunables, on constate que l’expression des signes typographiques s’est raffinée petit à petit pour se trouver à la fin du XVIIIe siècle dans la forme très élaborée des alphabets dits “classiques” de Didot, Bodoni, etc., expressions caractéristiques du style “grand siècle” dans lequel ce raffinement est poussé jusqu’à l’extrême. Cette tendance s’exprime également dans le mobilier, l’habillement, les décors de plus en plus somptueux, voire luxuriants, dans lesquels la classe aisée se complaît.

Le développement de l’écriture a été maintes fois décrit.Les formes des lettres ont évolué à partir des capitales romaines vers les minuscules carolingiennes, et notre alphabet latin a été figé pour toujours par les premiers imprimeurs. A la fin du XXe siècle, nous pouvons constater rétrospectivement que la forme de nos majuscules est déjà vieille de deux mille ans. L’apparence globale des unes comme des autres n’a pas varié depuis cinq cents ans... Ce ne sont que les contours extérieurs qui se sont transformés avant tout sous l’influence des diverses techniques d’impression. Mais c’est également l’esprit de la culture propre à chaque époque qui a


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La Mutation Vers la fin du même siècle, la jeune République cherche un nouveau visage dans le sens le plus large du terme. L’industrialisation naissante provoque une profonde mutation dans l’image de l’environnement. cette recherche d’une nouvelle identité se poursuit tout au long du XIXe siècle. L’architecture prend tour à tour l’apparence classique des styles du passé ou celle issue des nouvelles techniques de construction, l’acier, et plus tard,le béton. L’image typographique de la même époque reflète cette mêm confusion entre styles anciens et formes nouvelles (>1).


n toutes choses, il faut savoir puiser à la source... Qui niera que, pour les créateurs typographes de la deuxième moitié de ce siècle, une des références essentielles a eu pour nom Emile Ruder et l’école de Bâle? Celui-ci a écrit: “ Il est évident qu’une écriture est un héritage culturel légué par nos ancêtres et qu’elle ne doit donc ni le négliger ni l’assujettir à une transformation délibérée, nous devons le tansmettre en bonne et due forme aux générations futures.”


Dans un environnement en mutation Certes, l’eau a coulé sous les ponts depuis la dernière guerre et la typographie suisse (Bâle, Zurich) n’apparait plus comme le phare unique,

montrant la voie à tout à chacun. Des Etats-Unis et d’ailleurs déferlent des formes graphiques et typographiques qui, elles aussi, font école. A l’ère des communications tous azimuts - par satellites interposés - “le monde est devenu un vaste village”!. Et même si, à l’avenir, les historiens de la typographie devront écarter moult scories pour choisir, parmi la profusion d’imprimés, les modèles caractéristiques de notre époque, il ne fait guère de doute que que la focalisation ne sera pas concentrée sur un point seulement. Le rôle joué par les caractères Antiques - les Linéales selon la classification Vox-Atypi - dans le graphisme, dans la typographie contemporaine apparaît comme primordial. Pour décortiquer l’historique de ce groupe de caractères sans empattements, un homme était tout désigné: Afrian Frutiger, le Suisse de Paris. Les civilisations se transforment, les modes passent, des techniques obsolètes sont rejetées, de nouvelles technologies bouleversent nos habitudes, modifient nos comportements...Comment se pourrait-il que la forme du caractère d’imprimerie, intimement lié à la culture, indispênsable à la vie en socièté, ne soit pas influencée par un environnement en constante mutation? Deux créations d’Adrian Frutiger nous aideront pour fixer les axes essentiels d’une évolution formelle qui intéresse au plus haut point les typographes, utilisateurs privilégiés de la lettre, a fortiori du caractère Antique. Ces deux familles, ce sont l’Univers bien sûr (édité eb 1954) et le Frutiger (19751976).

L’univers et ses vingt et une séries Emile Ruder a tôt fait ressortir l’apport que constituait l’apparition du

caractère Univers ouvre au compositeur dans le monde graphique, alors à l’aube de la photocomposition: “La riche palette de l’Univers ouvre au compositeur une foule de possibilités insoupçonnées. Les vingt et une séries différentes et des graisses rigoureusement normalisées, appartiennent toutes à une seule et même famille et ne donnet de ce fait jamais l’impression d’un ensemble aléatoire, même cas d’usage intensif des possiblités offertes. La richesse en valeurs graphiques est considérablement et englobe différentes graisses, chasses et pentes; mais les lettres, bien conçues et uniforme, donnent l’impression d’un ensemble parfait.” Point de départ: Aéroport Charlesde-Gaulle, à Roissy. Créer un nouvel alphabet qui tienne compte de l’architecture de l’aéroport et qui soit parfaitement adapté à la fonction, dans une conception globale de la signalisation: telle était la tâche confiée à Afrian Frutiger. Le caractère, qui porte aujourd’hui le nom de son auteur, est une Antique qui se distingue clairement des autres styles sans empattements. Bien que très rigoureuse, sa construction n’est pas basée sur une géométrie pure, mais sur un tracé à main levée. Cela lui confère une expression bien typée qui le rapproche de l’aspect général des romains classiques. Salisibilité est optimal, grâce à un dessin très dépouillé, emettant en valeur, dans chaque signe, les détails notables.

Un morceau de civilisation Entre la comception de l’Univers et celle du Frutiger, une vingtaine se sont écoulées...Ces deux familles portent l’empreinte de leur époque. A travers ces exemples significatifs, on mesure mieux, sans doute, les subtilités qui émanent d’un dessin de lettre et qui guident la main du créateur. Laquelle ne fait que prolonger les réflexions et tribulations de son es prit. L’Histoire des Antiques, conçue, rédigée, illustrée et mise en pages par Adrian Frutiger, constitue un guide des plus précieux. Pour tous ceux qui s’occupent de création visuelle. Cet apport bienvenu à la didactique de l’écriture et du carractère typographique manquait à la vaste biliothèque de l’industrie graphique, Il constitue davantage qu’un simple exposé technique. En fait, c’est un morceau de notre civilisation occidentale qu’Adrian Frutiger offre -


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Pour mieux comprendre le passage qui s’opère des caractères classiques avec empattements à ceux de la “Grotesk” sans empattements, il faut prendre en considération, au préalable, l’aspect purement théorique d’un simple trait tiré. Un trait non fermé a, par définition, un début et une fin. Si ces limites ne sont pas renforcées, l’observateur est intrigué par l’état incertain d’une ligne qui semble vouloir filer à l’infini. En observant une croix strictement linéaire, nous percevons en premier lieu la signifaication du croisement qui évoque le milieu, le point central; ce n’est qu’en deuxième lieu que nous saisissons le volume du signe, mal défini par des terminaisons nuées. Par contre, si les fins de lignes sont marquées, le signe apparaît dans son entité (>2). Ce besoin de renforcement des extrémités a donné, depuis l’Antiquité, l’occasion d’une ornementation, souvent même avec une connotation symbolique (>3).

Dans l’histoire de l’écriture, la ponctuation des terminaisons apparaît clairemet dans la taille des capitales romaines. En calligraphie, c’est le degré d’inclinaison de la plume en liaison avec le geste et la pression qui a déterminé les styles (>4). Les empattements plats en bas des lettres d’imprimerie ont guidé le graveur et le fondeur et permis un meilleur alignement. Nos lettres reposent sur une ligne comme les pieds sur la terre (>5) (en opposition avec la plupart des écritures d’autres cultures: arabe, indienne, chinoise, etc.). Dans une juxtaposition de l’écriture et de l’architecture, le plein avec empattement peut être comparé aux colonnades des bâtisses de presque tous les styles. Une colonne a toujours été conçue avec une base et un chapiteau. Ce n’est qu’aux temps modernes qu’on a osé faire une colonne nue. Avec la pensée rationnelle, la crainte de la ligne droite non amortie s’efface, le stuc ornemental entre mur et plafond disparaît, et le pilier en béton bute abruptement contre le


>>>Dans le cadre de cette n o u v e l l e approche, l’idée d’une écriture linéaire et sans empattements a pu germer (>6).

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outs de ligne


Avec l’apparition du titre-slogan sur l’affiche et dans le journal naît le besoin d’écritures plus affirmées: le gras, l’étroit et le large. Le style de l’écriture cherche à répondre aux éxigences d’un nouveau type de message direct et agressif. Dans leur concept, les minuscules “Grotesk” demeurent proches de m’écriture classique, l’épaisseur du trait reste nuancée entre verticales et horizontales. Les majuscules, par contre, subissent un changement important. Toutes les lettres de A à Z s’apparentent dans leur largeur. Les signes habituellement étroits, tels que B,E,P,S,etc., s’étirent, alors que les larges comme T,M,W se resserent (>8). L’utilisation de ces nouvelles écritures se limite presque essentiellement au titrage; la typographie du texte reste exclusivement dans l’empire des caractères à empattements. Cet état de choses durera encore cents, jusqu’à après la dernière guerre mondiale, époque à laquelle les anciennes “Grotesk” renaissent en commençant de se frayer un chemin dans

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Antique

a naissance de la Grotesk C’est en 1816 qu’apparaît pour la première fois un caractère “bâton” dans le spécimen de William Caslon (>7). Ce nouveau style se répand rapidement dans le monde occidental, appelé “Grotesk” (grotesque), “Sans sérifs”, “Gothic”, ou encore “Antique” en France.


criture et habillement, une comparaison... Le style “Antique” a aujourd’hui une histoire vieille de cent cinquante ans. ce temps est suffisament long pour permettre de circonscrire les étapes de l’évolution d’un style. Pour mieux percevoir des changements souvent subtils, il nous semble opportun d’établir une comparaison avec un domaine plus évident, par exemple celui de la mode masculine (>9), cette dernière étant plus évocatrice que la mode féminine davantage spontanée dans le changement.


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1750 Comme point de départ, et pour mémoire, nous plaçons le néo-classicismeen tête. un raffinement poussé à l’extrême se manifeste aussi bien dans l’habillement que dans l’écriture; le style est à l’image de la fin de l’époque.

1928

Durant les années 20, un profond changement intervient dans toutes les expressions formelles. L’artiste se sent attiré vers le nouveau réalisme, provoqué par la réflexion plus rationnelle des scientifiques et des techniciens. Dans la tpographie apparaissent les premières tentatives de lettres rigoureusement construites à l’aide du compas et de 1825 l’équerre. L’habillement des hommes se simplifie de plus Au début du XIXe siècle, il est important de citer en plus: costume de ville uniforme très strict, barbe et l’Egyptienne avec ses empattements épaissis à l’extrême, moustache disparaissent et la longueur des cheveux se probablement en opposition à la finesse de ceux des Didot réduit jusqu’à la coupe en brosse. des temps passés. Le costume des hommes de la même époque est devenu plus robuste, moins frivole et la perruque 1955 disparaît. Comme nous l’avons déjà indiqué, la vieille “Grotesk” du XIXe siècle connaît une véritable renaissance 1890 dans les premières années 50. L’arrivée des caractères sans empattements s’opère En réaction contre les alphabets purement en un temps relativement court. Vers la fin du XIXe construits, le typographe trouve dans ces anciennes siècle, presque toutes les fonderies du monde occidental formes la réponse à la nouvelle exigence de la grande produisent des Antiques; elles sont toutes d’un type vague du modernisme naissant. Un profond changement similaire, le tracé des écritures classiques reste s’opère également dans le domaine vestimentaire. En apparent dans leurs formes très modulées. L’habit réaction contre le costume strict et im peccable, la masculin de la même époque devient plus austère avec une jeunnesse du temps des Beatles se plaît à s’enrober de coupe ajustée plus près du corps. toile de jute. D’Outre-Atlantique arrive la mode d u blue-jean, pénétrant toutes les couches sociales, adoptée 1900 aussi bien par la femme que par l’homme. L’expression de l’Art Nouveau s’introduit avec véhémence dans tous les domaines des arts. Niles caractères d’imprimerie n’échappent à la flambée d’éxubérance du style 1900.


Pour mieux comprendre la mutation apportée pae le “Grotesk”, il nous faut revenir aux années 20. L’art abstrait avait déjà fait son apparition. L’esprit de la symétrie classique cède la place à un nouvel aménagement asymétrique de l’espace. La peinture du cubisme introduit l’élément géométrique dans l’image. Dans le même esprit se situent les premières tentatives de Paul Renner pour construire un alphabet avec les seuls éléments du cercle et de la droite (>10)

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Plus tard, dans son Futura (1927),les signes ne sont plus dogmatiquement construits. Seules les lettres a,g, t et u s’éloignent d’une façon notable de la silhouette classique avec l’alternance des lettres étroites et larges (>11). on peut noter que la “Grotesk” créée par J. Erbar en 1922 comporte déjà, dans les minuscules de la graisse normale, l’essentiel du Futura. Parallèlement à ces deux caractères, Rudolf koch crée le Kabel (1927). Ce caractère peut être considéré comme une sorte de prototype idéal du style linéaire sans sérif. Le trait de la graisse normale est rigoureusement filiforme. Les rondes sont des cercles parfaits. Seul le traitement des terminaisons est inconséquent. Elles sont pour la plupart coupées en biais. on devine dans ces particularités la main du graveur sur bois (>12).


L inondation par la Grotesk

a ligne grise

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Durant les années de guerre, l’évolution esthétique est stoppée dans pratiquement tous les domaines. Seul, dans la Suisse épargnée, un petit feu de créativité continue de brûler. C’est au cours de cette période que s’opère le détachement des écritures du type constructivisme, au bénéfice de vieilles “Grotesk” plus modelées que les typographes helvétiques redécouvrent dans des casses oubliées. En première ligne se trouvait le Berthold-Grotesk (1898), qui connaît alors une renaissance (>13). Par ailleurs, la Fonderie Haas, à Bâle, reprend en 1943 dans son programme de fonte un caractère similaire, le Moderne Grotesk de Ludwig Wagner sous le nom de Normal Grotesk. Dans les écoles d’arts graphiques de Bâle et de Zurich, ces écritures deviennent le point de départ d’une typographie expérimentale. Les lignes deviennent élément de construction de la page (>14). Ce qu’on apprécie dans l’ancienne “Grotesk”, c’est avant tout l’image cadencée d’un gris harmonieux qu’elle confère à la ligne composée, en opposition à l’aspect plus saccadée des Antiques rigoureusement

construites. Au début des années 50, plusieurs fonderies sortent denouvelles familles d’Antique, toutes conçues dans l’esthétique des anciennes “Grotesk”. le Folio, dessiné par F.K Bauer et W.Baum, comporte dans sa structure de base l’esprit du Breite Grotesk (1867), et de Venus (1970). Le point de départ de l’Helvetica, dessiné par Max Miedinger, se trouve dans le Schelter-Grotesk (1890). Il est intéressant de noter que ce caractère avait déjà connu, autour de 1900, une large diffusion due au fait que la firme Schelter Grotesk avait vendu les matrices de cette écriture à de nombreuses fonderies qui l’ont diffusée sous des noms différents (>15). L’univers se démarque des autres “Grotesk” par des pleins et déliés plus contrastés, et des formes rondes légérement tirées vers la carré. Les premières études pour cette fmille d’Antiques sont faites vers 1950, à la Kunstgewerbe-Schulde de Zurich (>16). Le succès mondial que ces trois écritures ont connu est très certainement dû au fait que les trois plus importants fabricants de machines à composer: Intertype,


Le “Raster” (gabarit) L’application à la typographie d’un système de construction basé surune trame ou gabarit, le “Raster”, inaugure à l’époque une voie nouvelle. Ce système subdivise uniformément

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toutes les pages d’un ouvrage pour une ordonnance cohérente de chaque page. Dans le domaine du dessin de lettre, une méthode similaire permet de connstruire une grande partie des signes d’un alphabet sur une seule structure de base. Une telle conception existe depuis très longtemps dans l’architecture du Japon, l’unité de base de la trame étant donnée par les dimensions des volumes. Une esquisse de Walter Käch montre le principe de construction d’un alp^habet de base (>17). Pour visualiser plus clairement ce qui différencie un style construit d’un style modulé, quelques lettres du Futura sont opposées aux mêmes lettres en Univers (>18). L’exemple du haut montre la géométrie divergente des contre-poinçons et des approches. En bas, ces mêmes plages ont un aspect plus homogène, les rondes s’apparentent davantage aux rectangles, le contraste entre pleins et déliés est plus prononcé. Les attaches du b et du n sont fortement amincies. La géométrie triangulaire dans et autour des obliques est plus convergente.


La définition de la graisse normale La détermination des dimensions du plein en rapport au blanc qui l’entoure est un des facteurs les plus importants dans la création d’un caractère.

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La correction d’effets optiques Dans le dessin d’un alphabet, la prise en considération d’effets optiques très spécifiques est, à notre avis, indispensable. Influencé par une lecture massive des styles classiques, le lecteur est habitué à des lignes montantes fines et des descendantes épaisses (A,M,V,etc). Dans le tracé de la plupart de la plupart des caractères du type “Grotesk”, on a tenu compte de cet état de fait en diminuant légèrement la graisse des montants (>18). L’exemple donné montre que la graisse des jambes du v diminue vers le point de rencontre pour éviter un effet conique et un allégement du point bas. L’épaisseur du trait n’est jamais constante. Suivant la taille du contrepoinçon qu’il entoure, sa graisse est diminuée pour éviter des accumulations de noir (>20).

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Déjà dans les minuscules carolingienne, mais surtout dans les tout premiers incunables, une norme précise s’est instituée pour l’alphabet latin destiné à la composition du texte courant. Norme d’un proportion exacte entre les valeurs noires et les valeurs blanches à l’intérieur de la bande que forment les bas de casse sur la hauteur de “x”. Cette alternance du noir et du blanc détermine le gris de la ligne de texte. La densité de cette valeur est perçue par le lecteur avec une étonnante acuité. Une définition chiffrée de cette valeur de gris n’est pas facile à déterminer, car sa densité dépend également de l’épaisseur des déliés et des empattements. Comme valeur moyenne du “noir”, on peut admettre que la hauteur des bas de casse est égale est égale à 51/2 fois l’épaisseur du plein droit. Comme valeur du “blanc”, on peut se baser, pour une Antique, sur une largeur de contrepoinçon de trois pleins et d’un plein par approche latérale. Pour tenir compte de l’incidence des déliés et des emppattements, on peut soustraire une demi-épaisseur à la hauteur x et on obtient une bande d’une hauteur de cinq unités. Le calcul de la valeur grise devient alors simple: elle est composée de 2/7 de noir et de 5/7 de blanc, ce qui représente une densité d’environ 30% (>19).


Les variations une variation logique et bien Par proportionnée de la trame de base, les déclinaisons maigre, gras, étroit et large peuvent être conçues de telle manière que leur appartenance à la même famille soit garantie.

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L’application méthodique de la terminaison horizontale dans les signes courbes est la solution qui permet des extensions et compressions jusqu’à l’extrême (>21). La palette d’une famille de caractères peut ainsi s’élargir bien au-delà du triptyque classique romain-italique-gras. l’expression graphique visualise les sens du texte, le contenant exprime le contenu (>22).

L’italique La version inclinée d’une Antique n’est généralement pas une italique au sens des styles classiques, il s’agit plutôt d’un romain penché (le Gill fait exception à cette règle). En inclinant une “Grotesk” sur un axe central, on obtient un alphabet oblique qui comporte les mêmes proportions que le romain, donc la même valeur de gris. L’angle d’inclinaison détermine son expression (>23). Les italiques de l’Univers conçues pour la photocomposition ont été dotées d’une pente plus forte que d’habitude (16 degrés au lieu de 12 degrés), les limitations de la technique du plomb (crénage) n’existant plus.

Les capitales La hauteur des capitales a été sensiblement réduite par rapport aux anciennes habitudes, toujours par rapport aux anciennes habitudes, toujours dans le sens de la recherche d’une ligne grise. L’égalisation des largeurs déjà décrites (>8) vient appuyer la même tendance.


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Les approches Le fondeur a toujours surveillé la mise d’approches avec un soin particulier. L’existence d’empattements dans les écritures classiques rendait une forte serrée matériellement impossible (c’est probablement une des raisons pour lesquelles ils ont été instinctivement conservés à travers les siècles). Une succesion de verticales dans une ligne en Elzévir peut être comparée, dans la succesision d’espaces similaires, à la colonnade d’un édifice classique (>24 gauche). Pour parer à l’absence d’empattements, les approches des nouvelles Antiques ont dû être légèrement resserrées. De ce fait, une succession de pleins prend un rythme cadencé en deux temps (>24 droite).

Le resserement absurde Les nouvelles techniques de la photo-composition et de la lettre transfert ne connaissent serrée, qui a souvent été poussée jusqu’à l’extrême limite d’une illisibilité intolérable (>25).

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Styles

ntiques exceptionelles De décennie en décennie, les styles des Antiques se suivent avec une étonnante logique dans l’enchaînement cohérent de leurs formes. Il y a pourtant un certain nombre de caractères dont la conception dévie de cette norme et qu’il est nécessaire de citer à part.

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Le Gill Le Gill Sans (1928) est une écriture très typée (26).Eric Gill a pris sans aucun doute comme modèle le caractère conçu par Edward Johnston en 1918 pour la signalisation des Underground Railways de Londres. Les lettres a, g, et t propres au Gill ainsi que toutes les majuscules ont conservé une silhouette classique. Les signes ronds comme c, e, etc..., sont traités pour la première fois avec des terminaisons verticales. Cette originalité produit un effet d’amincissement des bouts de ligne comme dans les styles classiques. Le Gill est l’Antique qui maintient le plus fortement l’esprit des caractères médiévaux. Paradoxalement à cette parenté, son tracé est rigoureusement filiforme, surtout dans la série normale. Font toutefois exception à cette règle, a, e et g qui comportent des amincissements du trait dans le but d’ouvrir les contrepoinçons. Ce sont précisément ces “tricheries” qui sont devenues des élémnets caractéristiques de cette écriture, surtout dans la version gras.

Le Peignot Ce caractère très particulier a été développé par A.M Cassandre et Charles Peignot, vers 1937. La principale motivation était d’ordre historique, basée sur l’esprit des onciales qui réunissaient en un seul alphabet majuscules et minuscules (>27). Une recherche similaire a été entreprise par De Roos avec le Simplex en 1939 (>28). En 1947 sort le Touraine, une version du Peignot, une Antique avec un contraste plein-délié fortement prononcé était inhabituelle. Aujourd’hui, plusieurs caractères de ce type sont disponibles sur le marché. Le plus récent est le Cosmos (1986) de G. Jaeger.

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Microgramma Avec l’apparition de la télévision, une silhouette inaccoutumée prend place dans l’environnement. Il s’agit de la forme de la partie visible du tube cathodique. Les caractères Microgramma (1952) dessinés par Aldo Novarese, tous deux sur une structure de base dont la géométrie rappelle le petit écran, ont connu un rand succès (>30). A l’exemple de ce style, il est intéressant d’observer qu’un caractère construit sur une trame aussi inhabituelle ne peut guère être utilisé pour le texte courant. Le lecteur admet des extravagances pour le titrage, mais dans le domaine intime de la lecture de longs textes, il rejette toute fantaisie excessive (voir test de lest de lisibilité >54).


Heldustry Une même réflexion peut être émise à propos du Heldustry (1977) dessiné par Phil Martin, quoique son schéma des rondes ne soit pas aussi étiré vers le rectangle (>31). Sa conception se situe juste à la limite à partir de laquelle une écriture est ressentie comme “stylisée”.Dans une période plus récente, plusieurs caractères du type “carré” ont vu le jour, exemples: Modula, Oliver, Serpentine, etc.

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Antique Olive Créé par Roger Excoffon en 1962, ce caractère se démarque également des autres Antiques de la même époque. La manière de déplacer le poids principal vers le délié du haut est très personnelle. Le tracé, bien qu’inhabituel dans sa modulation, reste néanmoins calqué sur le squelette de l’Elzévir. De ce fait, l’Antique Olive s’est facilement introduite sur le marché des caractères de texte et connaît aujourd’hui un succès mondial (>32).


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Les excentriques Au début des années 70, un phénomène très particulier s’introduit dans l’image typographique. De nouvelles découvertes dans le domaine de l’électronique rendent possible la reconnaissance magnétique et, plus tard, optique d’éléments codés. Les techniciens essayent alors de combiner des écritures lisibles à la fois par l’homme et la machine, en introduisant un code dans l’image même de la lettre. C’est ainsi qu’est née la technique OCR (Optical Character Recognition). Elle a eu pour conséquence l’apparition de lettres à silhouettes monstrueuses (>33). A la même époque arrivent sur le marché des monstres et des calculatrices à affichage digital, simplifiant la structure des signes numériques à la seule expression d’une trame à sept segments (>34). Le domaine de la lisibilité, basée sur une tradition millénaire, se trouva ébranlé, on pourrait dire “désacralisé” par cette robotisation du message écrit. La voie était ouverte à toutes les excentricités typographiques, poussant parfois la forme des lettres jusqu’à la frontière de l’illisibilité, basé (>35). Dans le même temps, des mouvements d’opposition violente à toutes les institutions conventionnelles se manifestent à l’intérieur de groupes de la jeune génération. La mode de l’habillement devient théâtrale, des chaînes ou des clous l’accompagnent; signes d’aggressivité ouverte, les coiffures fantastiques des punks sont devenues légendaires (>36).


volution des Antiques Les Antiques des années 50 ont marqué profondément la physionomie du monde typographique, à l’exception de celui du livre. Aujourd’hui encore des carctères comme l’Helvética ou l’Univers demeurent des standards. Il y a quinze ans, on admettait facilement que l’évolution des écritures sans empattements culmine dans ce style et que, dans le domaine des Antiques, tous les crénaux soient occupés par la multitude d’applications ayant vu le jour durant les cent années précédentes. Mais si l’on observe aujourd’hui un spécimen, on peut constater qu’il y a une continuité logique dans l’évolution de ce style.

La periode “brillante” est passée L’image typique de la “ligne grise” est avant tout celle des années 50-60. Durant cette période, une envie de surfaces brillantes se fait sentir. Le mobilier est poli à outrance, les voitures sont dotées d’une abondance de chrome, le plastique et le tissu nylon règnent et, pour les reproductions des images, le papier couché n’est jamais assez brillant. La ligne composée d’un caractère Antique aspire à une même expression “lisse”. Ce temps est passée.

Une structure plus rugueuse Une prise de conscience écologique, le respect d’un environnement plus naturel font naître le besoin d’un matériau plus authentique releyant un modernisme trop “brillant”. La structure mate et rugueuse succède à la surface artificiellement polie, l’apparence de la matière non vernie devient l’expression nouvelle des objets quotidiens.

Automobiles et typographie, une comparaison Dans certains domaines du “design” s’est développée une grande sensibilité relative à la forme. C’est ainsi que l’oeil du “fan” de la voiture (il y en a beaucoup) devient de plus en plus exercé au formel, il réagit aux moindres détails d’une carosserie. A chaque millésime, la ligne générale se doit de changer et, au bout de trois ans, une automobile est déjà démodée. L’initié au domaine de l’écriture discerne un processus similaire...Un peu plus lentement que pour la vie des véhicules, les tendances typographiques changent, de nouveaux alphabets voient le jour. Sous cet angle, comparer les deux domaines, celui de l’automobile et celui du style des Antiques,


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1925 Une première comparaison peut être faite entre la voiture des années 20 et le style de l’Antique à la même époque. Les deux images montrent les mêmes éléments de construction: la ligne droite, l’angle droit et le cercle visible, non modulé.

1955 Durant les années suivantes, la silhouette se transforme. Une meilleure connaissance des lois physiques, puis un pur souci esthétique, donnent naissance à la ligne aérodynamique. Les arêtes et les parties anguleuses disparaissent, les éléments jusque-là ajoutés sur le corps du véhicule comme les phares, les gardesboue, les pares-chocs, etc., s’incorporent dans le volume. A la construction fonctionnelle succède une poussée vers un esthétisme souvent gratuit. Ces premières années du “miracle économique” sont marquées par un nouveau style moderniste dans tous les domaines du “design”. Le style de l’écriture n’échappe pas à ce mouvement. Il prend forme dans les familles d’Antique non construites mais modelées, afin de donner un aspect plus coulant à la ligne d’écriture. Seules les lois très rigoureuses de la lisibilité ont empêché le dessinateur de s’égarer dans des simplfications aberrantes.


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La suppression des mouvements d’attaque et de sortie dans les bas de casse, détails issus de la calligraphie et éminemment importants pour une reconnaissance facile des signes, est par exemple une tentative fréquente (>38).

1975 Les barricades des étudiants de 1968 secouent une Europe endormie dans un état d’insouciance, et les crises successives du pétrole suscitent une nouvelle conscience pour les vraies valeurs. Le “designer” découvre l’esthétique dans le fonctionnl, de nouvelles formes d’objets utilitaires naissent de réflexions plus rationnelles et ergonomiques. En vue d’une meilleure stabilité, la silhouette de la voiture redevient plus anguleuse, les aspérités retrouvent leur importance pour une bonne tenue de route, et l’utilisation du chrome est réduite à un minimum. Le plaisir du toucher des matières organiques renaît, la chemise en pur coton est préfèrée à celle en matère synthétique, et l’imprimé se tire sur du paier mat. La relation avec l’écriture se modifie également. On reconnaît que des formes plus contrastées de signes peuvent faciliter leur captation en lecture rapide.


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Old Timer De vieux caractères plus “rugueux”, comme le Franklin, le news Gothic ou le Vénus, sont de nouveau utilisés, précisément à cause d’une certaine et authentique irréguralité. Le Gill Sans, qui n’a d’ailleurs jamais entièrement quitté la scène typographique, connaît un renouveau exceptionnel. A la recherche d’une expression plus neutre, pluslimpide, on rdécouvre une pureté dans les tyles 50-60 (voir illustration 22), on cherche volontairement l’éloignement de la forme par rapport au message (>39). Dans la typographie comme, dans le domaine de la voiture s’éveille, durant ces quinze dernières années, une même fascination, celle des Old Timers.


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Le syntax Une des premières Antiques qu’on peut désigner comme synthèse est le Syntax (1969), dessiné par Hans Meier. Avec une chasse relativement serrée et des attaches typiquement américains comme le News Gothic (1909) de Morris Benton (>40). Les fins de lignes coupées perpendiculairement aux obliques se trouvent déjà dans le Kabel (1928) et dans le Bernhard Gothic (1929). L’inconvénient de dessins aussi typés réside dans l’incohérence des inclinaisons demi-gras et gras dans lesquelles le traitement des terminaisons obliques n’est plus acceptable (>41). Malgré ces ressemblances, le Synthax a une expression très authentique, surtout par son tracé volontairement proches des formes elzéviriennes.


ynthèses d’Antique Au terme de plus de cent années d’élaboration intense dans la céation du style “sans sérif”, les possibilités vers de véritables nouveautés se raréfient. Les écritures qui ont vue le jour depuis quinze ans doivent être considérées comme; elles sont déjà inscrites dans les différentes styles du passé.


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Le Frutiger Au début des années 60 est née en moi l’idée d’une synthèse d’Antique appelée Concorde , dessinée pour les matrices lignes blocs Sofratype. En 1970, ce tracé a servi de base à la conception d’une écriture destinée au système signalétique de l’Aéoroport Charles-deGaulle. Le principal critère exigé était une lisibilité optimale dans des situations de lecture les plus défavorables (>42). A cette époque, l’élaboration d’une telle écriture pouvait tirer profit d’une évolution d’une telle écriture pouvait tirer profit d’une évolution du style Antique, vieille de cent ans. Plus tard, cet alphabet, le Roissy, a été redessiné et adapté à la photocomposition pour la Linotype et l’unique alphabet romain normal s’est développé en une famille de onze déclinaisons sous le nom de Frutiger, on peut citer le Bell Centinenial (1938). Dans cet alphabet, toute ornementation a disparu au profit d’une extrême clarté des signes en vue d’une lisibilité parfaite jusque dans les plus petits corps. Pour illustrer cette idée conductrice, nous reproduisons les chiffres du Bell en corps 6 agrandi fortement (>43).

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L’Eras Dessiné par Albert Botton, l’Eras (1976) a une coloration très personnelle, surtout par sa subtile inclinaison et son tracé généreux, les bas de casse ont une hauteur maximale (>44). Les boucles ouvertes a, P, R, 6, 9 sont typiques d’une conception qui laisse entrevoir la connaissance de la calligraphie. Malgré toutes ces nuances très individuelles, l’écriture reste fidèle au tracé classique, ce qui lui a valu un succès incontestable dans un laps de temps relativement court.

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Une abondance de caractères Le procédé de la photocomposition digitale a eu pour conséquence une baisse substancielles du coût de fabrication des “font”. L’énorme capacité des mémoires électroniques permet aujourd’hui au compositeur de disposerd’une grnade varièté de styles de carctère, en accès direct. Stimulé par ces nouvelles données, un toujours grandissant de nombre

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La ligne nuancée Sans pouvoir nommer les innombrables variantes, nous concluons l’énumération des Aniques par une observation concernant la hampee galbée et divers traitements des bouts de lignes (>45). En 1906 déjà, M.F Benton a tenté d’assouplir son caractère Claireface en amincissant les lignes droites vers le centre (>46). Comme exemples récents du mêm type, on peut citer le Mixage d’Aldo Novarese (>47) et le Blue Jack de Phil Martin (les caractères à traits galbés du type Optima, Pascal, etc., sont souvent classés à tort parmi les Antiques alors qu’il s’agit à notre avis de styles classiques sans empattemnts). Pour stabiliser les terminaisons abruptes de la ligne, cette dernière est souvent renforcée par de petits sérifs de formes diverses. Ainsi, par exemple, les caractères Elan, Quorum (>48). Sérif-Gothic, Newtext et tout récemment l’Epikur de G. Jäger. Ces dernières années surgit la mode des terminaisons arrondies dans les caractères appelés “Roundet” (>49). L’affichage digital à sept segments a introduit le bout de ligne biseauté. Le Quartz et le Russel Square (>50) en sont des exemples caractèristiques.


Tentative d’une classification des Antiques

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Une vue d’ensemble Un spécimen de la plupart des caractères sans empattements aujourd’hui disponibles est présenté sous forme de table (>51). Les caractères sont classés chronologiquement, d’après leur date de création. Nous avons essayé de trouver une classification par style et par genre.


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Comment lit-on? La lecture est un processus complexe qui pourrait être décrit de la façon suivante; le lecteur a, incrusté dans son subconscient , une sorte de matrice de la forme de chaque lettre de l’alphabet. Quand il lit, la lettre perçue balaie les matrices, est comparée avec la silhouette correspondante, est acceptée sans frottement si le signe est similaire, avec résistance si la forme diffère trop. Par la lecture quotidienne, les matrices se conslident inlassablement et obtiennent un contour précis qui s’inscrit dans les profondeurs du subconscient. Ce sont les écritures classiques qui, en tout premier lieu, ont forme ces matrices; depuis peu, les Antiques se sont incrustées dans le même schéma (>52); La comparaison avec l’habillement peut être à nouveau appliquée. A l’intérieur, il y a le corps dur, la charpente ou la partie nette de la matrice, autour il y a le tissu drapé nette selon le style ou la mode (>53).


ur la lisibilité de l’Antique Maints spécialistes ont testé et décrit la lisibilité du caractère sans empattements. Le résultat fut toujours concluant. Comme il ressort de l’importance étude de Bror Zacrisson, on ne peut discerner une différence notable entre la lisibilité d’une Antique et celle d’une Elzévir. Il est toutefois intéressant de constater que, dans le domaine de la littérature, le livre imprimé en carstères sans empattemnts est pratiquement exclu. Le lecteur n’est pas habitué à un lire un roman en Futura ou en Helvética. Dans la presse quotidienne également, l’Antique ne pénètre qu’en petites touches, par exemple pour imprimer les entrefilets, les légendes ou encore une rubrique exceptionnelle.


>54/a

>54/b

>54/c

“Sans sérif” L’absence d’empattemnts influe certainement sur le processus de lecture. A ce sujet, on peut faire les remarques suivantes; l’empattement peut être considéré comme élément d’aide à la reconnaissance d’un signe, car s position est définitivement déterminée, et le lecteur en a pris l’habitude. Un u en Elzévir par exemple ne peut pas être un n retourné, les bas de casse n’ayant pas de sérif en haut à droite (>54/a). Font exception à cette règle les lettres qui ont gardé partiellement (k,y,) ou entièrement (v,wx,) la forme majuscule (>54/b). L’absence totale d’empttements dans le style de l’Antique doit être compensée par un relief plus marqué de dessin. Le sérif lie une lettre à l’autre, son absence doit ^être parée à l’aide d’une mise d’approche plus subtile, plus serrée (>54/c).


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Les structures de base simplifiées

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Les graphistes tentés par la création d’un alphabet nouveau sont nombreux. Très souvent, il s’agit d’essais où les signes sont simplifiés sur la base d’un structure géométrique simple et uniforme. Comme exemples typiques, on peut citer le Churchward et le Serpentine. Le premier résulte d’une volonté de calquer chaque lettre sur un cercle, y compris les éléments obliques, sont conçus dans la même géométrie, la forme ronde ayant complétement disparu (>56). Ce type d’écriture est avant tout destiné au titrage; s’il est composé en bloc de texte, sa lisibilité est considérablement réduite, comme il est démontré par le test de lecture.


Un Test de lisibilité Toutes les considérations du présent article sont vues sous l’angle de la lisibilité d’une colonne ou d’une page de texte, non sous celui du titrage. Pour conclure nous présentons un même texte composé dans six caractères Antiques différents. Sans prendre parti, le lecteur peut se rendre compte par lui-même dans quelle mesure l’un ou l’autre des exemples lui est plus familier ou plus étranger. Les silhouettes des mots sont-elles faciles ou difficciles à capter? Nous touchons là à une couche de sentiments profondément ancrés dans le subconscient. Pour cette raison, un caractère de texte ne doit en aucun cas être trop “voyant”. Son rôle est avant tout d’être un véhicule neutre pour une expression simple de la pensée de l’homme.

Adrian Frutiger



Les Blancs Adrian Frutiger fait remarquer que, très tôt, il a été imprégné d’une conception dualiste du noir et du blanc (le yin et le yang chinois), dans laquelle le jeu des blancs, dans et entre les lettres, lui est apparu comme essentiel. Il précise: “Mon père était tisserand et, tout gosse, j’ai été habitué à cet artisanat. L’entrelacement judicieux du fil et de la trame formant la texture - ce terme ne renferme-t-il pas le mot texte? - m’a toujours fasciné. Plus tard, dans la typographie, c’est naturellement le texte qui m’a attiré davantage que les titres. “Ainsi, le tracé précis des signes, qui se juxtaposent harmonieusement en lignes, puis en pages, m’est apparu comme le filament secret d’un tissage. Lequel est davantage q’une étoffe: c’est une texture déchiffrable pour qui sait le lire!” “Je considère Nicolas Jenson comme mon maître. In maître qui excellait à élaborer une etxture (peut-être plus proche du gothique de Gutenberg). Très tôt, j’ai compris sa démarche, qui consistait à créer des blancs sont devenus, pour moi, si importants. “En somme, en dessinant, je sculpte les blancs. Si bien que chaque mot devient une noble succession de signes, une parade de formes apparentées...Et je le crois profondément: c’est là le secret de la lisibilité.

Les noirs “J’ai toujours pensé qu’une lettre de texte possède un squelette dur (au centre), enrobé d’un habillement plus flou. Pour étayer cette thèse, j’ai voulu faire une expérience...J’ai pris en un premier temps les huit styles de carctères les plus utilisés et donc les plus lus; Je les ai positionnés en une trame tournante. En superposant les signes, j’ai constaté que ma thèse s’est révèlée exacte: il y a bien un schéma central - le suelette - commun à tous les tyles. Exactement comme le “font” d’un matrice qui, en raison des millions de passages devant le faisceau lumineux, s’est imprégnée de l’image de la lettre. “Il était donc tentant que je fasse cette même expérience avec mes propres caractères. Je ‘ai réalisée avec la graisse medium de chque style. Et il est normal que cette nouvelle superposition ait fait apparaître un schéma encore plus cohérent que celui obtenu à partir d’écritures dispersées sur plusieurs décennies. “Plus frappant encore est le fait que ce schéma fasse ressortir très clairement la silhouette de “a” de l’Univers! “En fait, nous touchons là à la profondeur de la partie inconsciente du créateur. Il est évident que, dans l’oeuvre de toute une vie, se distingue un fil conducteur. Lequel se reconnaît même à travers toutes les diversités imaginables.”


Voilà quarante années qu’Adrian Frutiger dessinne des carctères! Un bail, qui lui aura permis de toucher à tous les tyles. Toutefois, c’est presque exclusivement aux caractères de texte qu’il s’est consacré...Cela par la force des choses, l’évolution technologique et les mutations de la photocomposition exigeant, au fil des ans, des alphabets adéquats. il est intéressant de sonder les sentiments d’Adrian Frutiger, jetant un ragard rétrospectif sur son oeuvre, et d’essayer de discerner le fil rouge que, fidèlement, il a suivi. Pour ce faire, nous reproduisons les propos qu’il a bien voulu nous confier...

oilà la typographie du XXe siècle... Adrian Frutiger a, d’ores et déjà, inscrit son noom au panthéon de l’imprimerie. A la suite de ceux de Nicolas Jenson, d’Alde Manuce, de Claude Garamond, de John Baskerville, des Didot ou de Giambattista Bodoni...Pourtant, avec sa simplicité légendaire, qui le dispute à la modestie, il hésite à nous confier la conclusion. Nous la transcrivons telle quelle: “L’univers est celui de mes caractères qui aura le plus marqué la typographie du XXe siècle.” Nous aurions dit, sans flagonerie aucune, que l’Univers restera certainement “le” caractère vedette de notre temps!

Propos reccueillis par Roger Chatelain


ne nouvelle Antique de style constructiviste

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Adrian Frutiger

L’antique, deuxième caractère de texte Après la Seconde Guerre mondiale, étant donné le démarrage de l’industrie et de l’économie, la publicité avait besoin d’une expression appropriée et moderne pour la composition des textes. Les Antiques des années 30, au dessin géométrique, se prêtaient mal à une lecture prolongée. Les fondeurs de caractères ressortirent alors les vieilles matrices des premières grotesques du siècle dernier, dont le tracé était plus proche des caractères classiques et, par conséquent, s’adaptait mieux à la composition des labeurs... Très vite se sont développées des écritures analogues, mais modernisées, comme l’Helvética et l’Univers. Par leur vaste difusion, elles sont devenues des caractères prisés pour le etxte. En fait, considérée, au départ, comme un caractère de titrage, l’Antique est devenue le deuxième caractère de texte! C’est ainsi que, aujourd’hui, le lecteur perçoit avec la mêm facilité le caractère de style classique, avec empattements, et celui dit “sans sérifs” du type des grotesques.

Affection pour les demi-teintes et le signe linéaire Il y a peu d’années régnaient encore des règles typographiques qui interdisaient des mélanges de caractères de style différent. Le créateur typographe cherchait à créer de forts contrastes entre le corps de titrage et le corps du texte, entre les lettres maigres et les lettres grasses...Aujourd’hui, graphistes et typographistes recherchent des expressions plus nuancées. Ils osent mélanger les Antiques et les Elzévirs. Des teintes plus tendres remplacent les aplats de couleurs primaires. La grille typographique s’est assouplie, laissant le champ libre à l’expérimentation, où surgissent des valeurs diversifiées. Dans ce contexte nouveau, les caractères linéaires, issus du construtivisme (Bauhaus), apparaissent fréquemment. On ressent une affection pour le signe lapidaire, qui renaît à l’image des caractères gravés dans les stèles et des anciennes inscriptions grecques (>1). On aime retrouver l’archaïsme des majuscules maigres, souvent très espacées, ou encore les minuscules filiformes, un peu mécanisées, des années 30.

Nouveaux outils - nouveau style! L’expression graphique subit, naturellement, l’influence exercée par l’emploi de nouveaux outils...La pointe Bic et le feutre aux lignes dures ont pratiquement éliminé le tracé modelé de la plume. A l’opposé, l’utilisation du spray conduit souvent à l’adoucissement de l’abrupt contraste noir/blanc... Il est évident que le destinateur de caractères doit être conscient de ces mutations, de ces changements de style. C’est pourquoi sont nés, ces dernières années, un certain nombre de caractères au tracé géométrique et filiforme. L’exemple le plus frappant est l’Avant-Garde Gothic. Il faut préciser que ce sont des caractères quasi exclusivement utilisables pour le titrage, car la conception de leur forme de base ne correspond pas clairement au schéma type de l’écriture classique, dans laquelle le lecteur a l’habitude de lire le texte courant.


propos du caractère “Avenir”

Le Faux tracé linéaire Nous savons que l’oeil humain juge les verticales différemment que les verticales...Cela en raison d’un héritage génétique, vieux de millions d’années, qui élargit le champ de vision vers l’horizontale (>2) - d’où venait le danger! De surcroît, par le glissement rapide du regard sur la ligne d’écriture, les valeurs horizontales sont “ramassées” par rapport aux verticales. De ce fait, les hampes doivent être plus épaisses que les traits horizontaux.

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Depuis plus de quarante ans, une grande partie de mes préoccupations se sont cristallisées sur les lettres sans empattements. Je ressentais comme un devoir dee penser à leur devenir...C’est de cette réflexion qu’est née de moi l’impérieuse nécessité de dessiner une Antique de style constructiviste. Mais, dès le départ, il était clair qu’il ne pouvait s’agir de lettres tracées à l’aide de la seule équerre et du seul compas! En suivant, “à la trace”, pourrait-on dire, et attentivement, l’évoulution des Antiques, depuis leur apparition, en comparant toutes les variantes, il m’a semblé possible de tirer les enseignements nécessaires pour le dessin d’une nouvelle écriture sans empattements, laquelle se rapprocherait des tendances esthétiques de la fin du siècle.


Particularité de divers signes On sait que les sommets pointus des lettres A, M, N, etc., n’ont pas été tronqués dans les variantes maigres des caractères comme le Futura. Le raffinement de ces pointes n’est visible que dans les gros corps. Dans les caractères de texte, cet artifice provoque des illusions de raccourcissement tout à fait gênantes. D’ailleurs, ces terminaisons anguleuses ne sont pas réalisables dans toutes les graisses, ce qui conduit à des incohérences à l’intérieur d’une même famille de caractères. Dans l’alphabet bas de casse, quelques formes de lettres devaient particulièrement retenir notre attention...Dans les grotesques du XIXe siècle déjà, la forme circulaire du a constitue un frein permanent dans la lecture de textes couarnts. (Une des raisons pour lesquelles cette forme a certainement été refoulée découle de son appartenance au groupe b d p q , le a et le d étant trop proches l’un de l’autre quant à leur dessin). Pour l’Avenir, le choix s’est porté, sans hésitation sur le tracé classique du a. Les lettres f, r, t, au dessin trop étroit dans la plupart des Antiques, ont été sensiblement élargies, pour donner à ces rares mouvements horizontaux de l’alpabet bas de casse une ampleur plus marquée.

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Les éléments arrondis ne sont pas tracées au compas, mais comportent toujours, même de façon minime, leur alternance de pleins et de délié (>3). Il faut noter que des lettres purement construittes ne se confondent pas dans l’harmonie du mot...Le leteur perçoit la dureté de ces éléments non conjugués. Un autre problème est constitué par les lettres comportant des obliques... Il ya deux mille ans déjà, la plume biaisée a tarcé des traits montants légers et des lignes descendantes fortes. Le caractère d’imprimerie classique a hérité de cette nuance, quoique celui de droite est plus éapis. Il a été tenu compte de ce phénomène dans le dessin de l’Avenir, même si la différence des valeurs paraît imperceptible ‘elle devient visible dans l’image “miroitée” (>4).


raisses L’utilisation de l’Antique pour composer du texte courant - même en quantité importante - est, aujourd’hui (exception faite pour l’ouvrage littéraire et la presse quotidienne) devenue une habitude à laquelle le lecteur s’est accomodé...De plus, la typographie, à l’heure actuelle, accorde une nette préférence aux versions maigres. Il a été tenu compte de ce phénomène (ou de cette mode) dans la détermination des graisses pour le caractère Avenir. les graisses hbituelles du 45 et du 55 ont ét complétées par un 45½ et un 55½. Il faut noter que la dénomination desdites graisses par chiffres (née à l’époque de la grille Univers) n’a, toutefois, pas pu être logiquement maintenue telle quelle, car l’apparition de demi-unités aurait alourdi le système. Les quatre variantes pour la composition de texte sont appelées: léger (35), maigre(45), normal(55) et quartgras(65).

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Cette nouvelle détermination, mieux affinée, offre au typographe une plus grande souplesse dans le choix de la valeur du gris pour ses pavés de texte. Suivant la qualité du papier, pour l’impression de textes en couleur ou en négatif...bref, pour toutes les nouvelles manières de faire apparaître le texte autrement qu’en noir sur blanc, la palette du concepteur typographique a été élargie! L’harmonisation subtile des tons et des nuances aura tout à y gagner...(>5) Les quatre variantes destinées au texte sont complétées par un demi-gras (85) et un gras (95). L’épaisseur du trait du gras est déterminée par les lettres a, e et s . On s’est refusé à tomber dans le compromis habituel, lequel consiste à outrepasser le principe linéaire du style en amincissant les déliés de ces lettres critiques (>6).


talique Le principe du style constructiviste se fonde sur un élément essentiel, le cercle,base de la conception d’une grande partie des lettres. Or, un caractère italique est difficilement réalisable si l’on respecte cette théorie, car le cercle deviendrait une sorte d’éllipse inclinée. Ainsi, au lieu de créer un caractère italique bâtard, il m’est apparu préférable de proposer au compositeur de l’obtenir à la machine, par simple inclinaison expresse de ne pas dépasser une pente de 7 à 8 degrés (>7). A cette condition, les déformations (inévitables) restent dans une limite supportable à l’oeil.


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Conclusion Le caractère Avenir (>8) n’est pas une véritable nouveauté. Il répond, simplement, à une demande actuelle en vue d’une expression graphique dépuoillée. Il s’agit, en somme, de donner à des messages clairs une forme limpide - qui est le propre des Antiques de style constructiviste. L’expérience des lois otpiques qui régissent les écritures sans empattements se trouve, ainsi, concrétisée. Dans le dessin de l’Avenir, les dites lois sont réunies - à peine visibles pouratnt - afin de garantir à l’écriture sa fiabilité dans le processus de lecture. (Adaptation de Roger Chatelain)


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