Mémoire PFE - La spatialisation du repas gastronomique

Page 1


Je tiens tout particulièrement à remercier Monsieur Olivier Perrier de m’avoir guidé dans mon choix de sujet de mémoire ainsi que pour son ouverture d’esprit, son implication et son enseignement. Je tiens à remercier mes proches pour leur soutien et leurs conseils tout au long de la rédaction de ce mémoire.

3


INTRODUCTION

Gourmand de nature et passionné par mon métier, l’architecture et la gastronomie sont deux domaines qui me définissent. Je voue une réelle admiration à la pâtisserie et tout ce qui a trait de près ou de loin à la cuisine. Les cuisines et les salles de restauration sont des lieux qui m’intrigue. Quand je rentre dans un nouvel établissement de restauration, la première chose qui suscite ma curiosité est le rapport spatial propre au lieu dans lequel je vais déjeûner. Peut-on entrevoir les cuisines, comment manger ? Debout, assis, accroupi, c’est ce qui anime ma curiosité. Cela va bien au-delà de déguster un simple plat. J’essaye de comprendre le rapport qui existe entre l’assiette, l’homme, la table et l’espace. Une des expériences culinaires qui m’a marqué est celle d’avoir déguster un risotto à l’encre de seiche sous un coucher de soleil sur les salines de Carnac. Le lieu s’ouvrait sur l’extérieur avec de grandes baies vitrées qui reflétaient les clapotis des vagues. On avait l’impression d’être littéralement projeté dans l’espace et d’assister à un spectacle. Mes sens se sont animés lorsque l’atmosphère lumineuse rougeâtre du soleil s’est reflété dans l’assiette. J’en suis venu à me dire que le plaisir de la table est indissociable de la compagnie des personnes qui partage le repas et du cadre dans lequel on le déguste. Le plaisir de la table et de bien manger est la définition même du repas gastronomique. Le repas gastronomique français est devenu en 2010 patrimoine immatériel de l’UNESCO. C’est une « pratique sociale coutumière destinée à célébrer les moments les plus importants de la vie des individus et des groupes, tels que naissances, mariages, anniversaires, succès et retrouvailles. Il s’agit d’un repas festif dont les convives pratiquent, pour cette occasion, l’art du « bien manger » et du « bien boire » 1. On commence par l’apéritif et on finit par le digestif. Je suis influencé par cette pratique gastronomique française mais aussi par la gastronomie portugaise. La France est selon la spécialiste des cultures alimentaires et d’histoire culturelle du monde contemporain Julia Csergo le pays du « Bien Manger ». Selon elle, beaucoup de français adoptent la conception anglo-saxonne qui associe la gastronomie à la haute cuisine. Mais la gastronomie appartient à tout le monde et à tous ceux qui expriment les produits du terroir et qui les subliment. Le repas français est avant tout associé à l’idée de partage et d’un rituel : c’est une culture qui est commune et pas seulement réservée à l’élite et la haute cuisine. Je suis bien sûr marqué par le savoir-faire de chefs moins connus tels que Juan Arbelaez ou Denis Imbroisi, mais aussi par de grands noms de la gastronomie tels que Anne Sophie Pic, Joël Robuchon et José Avillez car ils ont tous marqué la gastronomie. Tous travaillent leurs plats de manière artistique et s’inspirent de ce qui les entourent pour créer. Ils développent leur propre art culinaire. L’art culinaire est un domaine que j’apprécie en gastronomie. Selon wikipédia « Art culinaire aussi appelé food design regroupe les principes appliqués à la cuisine. Il est fréquemment utilisé dans les restaurants et a beaucoup évolué au fil du temps. » La cuisine dépasse la notion de besoin vital de base qui est de se nourrir et de s’alimenter. Celle-ci est devenue un véritable art qui convoque les sens et procure une émotion.

« L’Art Culinaire ou l’Art de la cuisine éprenons les catégories de référence : l’art culinaire n’est pas seulement utilitaire, du moins pas davantage qu’une architecture qui peut cumuler, non sans tensions, fonctionnalité et

1

UNESCO, Repas Gastronomique des français

5


beauté sans que soit remis en question son statut de 1er art. Il n’est pas plus éphémère que le « Land Art », sauf que l’un s’incorpore car il s’attache à une esthétique du goût, et que l’autre demeure dans la seule esthétique visuelle »2

L’architecture et l’art culinaire s’attachent tous deux à l’esthétique : à cette quête du beau et du bon. Ce sont tous les deux des arts. « La cuisine est devenue un art, une science noble ; les cuisiniers sont de gentils hommes » Robert Burton3

Pour Robert Burton, la cuisine s’est élevée au rang d’art. Elle a connu un essor assez tardivement contrairement à d’autres arts comme l’architecture ou la musique. L’art de la table et l’art culinaire sont devenus le leitmotiv du développement culturel et artistique de la cuisine. Le repas va devenir le lieu d’émulsion intellectuelle, de découverte et de décision politique. 4

« Les animaux se repaissent, l'homme mange, l'homme d'esprit seul sait manger. »

Cette phrase célèbre de Brillat Savarin démontre que la différence entre les hommes et les animaux : c’est que l’homme mange et que les animaux se repaissent. Mais on ne peut guère employer le terme de « manger » pour un art, par conséquent, la cuisine n’est plus définie pour son caractère de besoin vital mais par son caractère scientifique qui élève l’esprit. En découvrant le travail de Dinara Kasko, une architecte qui s’est dédiée à la pâtisserie, j’ai pu découvrir qu’il existait des relations étroites entre l’architecture et la cuisine. Utiliser les connaissances architecturales afin de réaliser des moules pour la gastronomie démontre le lien ténu qui existe entre ces deux disciplines. Cette quête de recherche de liens s’est développé lors de mon workshop avec l’architecte italien encadrant Sandro Pittini qui a prononcé une phase qui a attiré ma curiosité : « Je ne pense pas être un chef et tout savoir-faire mais construire, c’est mélanger des éléments comme en cuisine. » Je me suis posé la contre-question suivante : pouvons-nous rapprocher l’architecture et l’art culinaire afin de les relier au sein d’un mémoire ?

Pour Jean-Pierre XIRADAKIS et Philippe MEYZIE, « L’architecture et la cuisine se rencontrent souvent

à table. » On a donc une fonction et du plaisir, celui des sens, dans l’architecture et la cuisine. La cuisine a donc un lien direct avec l’architecture en tant qu’espace, en tant que lieu. L’analogie entre architecture et cuisine fonctionne très bien. En 1965, l’architecte et historien de l’architecture Peter Collins évoquait cette analogie : pour comprendre l’architecture, il faut étudier la gastronomie. » L’histoire de l’architecture a suivi les pratiques de la gastronomie, la cuisine au centre du foyer, la cuisine cachée au temps du XVIIIe et retour de la cuisine ouverte de nos jours »5

L’architecture et la cuisine possèdent un lien spatial étroit. Pour moi, spatialiser un espace de restauration, c’est développer les sens de l’assiette grâce à l’espace qui est vecteur de sensations. L’espace n’est pas seulement l’endroit où l’on se meut mais c’est aussi un moyen où on s’émeut. Le client est en quête d’une expérience dans un restaurant. De nombreux architectes se sont intéressés à la question de la composition de l’espace qui développerait les sens et qui serait bien plus qu’un espace de dégustation. Pour cela, certains architectes se sont inspirés de ce qui se passait en cuisine afin de développer une architecture cohérente à l’esprit du cuisinier. L’architecture aurait pour intention de décupler les émotions gustatives. Le dialogue entre l’architecture et l’art culinaire est devenu le cœur de ma réflexion. La question que je souhaite poser est celle des moyens développés par l’architecte sur les lieux de l’expérience gastronomique. En quoi la spatialisation du repas gastronomique influence-t-il notre comportement de l’assiette à l’espace qui nous entoure ? Nous verrons dans une première partie les similitudes entre l’architecture et l’art culinaire afin de voir dans une seconde partie la manière dont l’architecture se met au service de la gastronomie par la production de sensations et d’émotions.

Tout ce cheminement m’a poussé à développer un mémoire sur l’architecture et sur l’art culinaire. Mes premières questions qui en sont ressorties :  Quels sont les liens que partagent l’architecture et la gastronomie ? Quel est le rapport entre ces deux arts ? Leurs points communs ? Se partagent-elles le sensible ?  L’architecture est-t-elle le théâtre de la gastronomie ?  Peut-on sublimer un plat comme on sublime un espace ?  L’esthétique du restaurant doit-elle être la complémentaire de la cuisine du chef ? Toutes ces questions ont attrait au rapport qui existe entre l’espace et la notion de manger. L’acte de manger, de se nourrir va au-delà du simple besoin biologique. L’alimentation est une marque d’identité qui relie un groupe de personne. La cuisine et l’architecture sont deux moyens de se réunir.

CSERSGO Julia, L’art culinaire ou l’insaisissable beauté d’un art qui se dérobe, Société et représentations 2012/2, pages 13 à 26 3 Anatomie de la Mélancolie, 1621, Lu sur Evene.lefigaro.fr 4 BRILLAT- SAVARIN Anthelme, Physiologie du goût avec une lecture de Roland Barthes, collection savoir, 1981

MEYZIE Philippe, PÉTUAUD-LÉTANG Michel, XIRADAKIS Jean-Pierre « Architecture et cuisine : une histoire comparée ? », Agora Biennale de Bordeaux, vendredi 22 septembre 2017

6

7

2

5


SOMMAIRE Problématique : En quoi la spatialisation du repas gastronomique influencet-il notre comportement de l’assiette à l’espace qui nous entoure ? INTRODUCTION ..............................................................................p5 I.

L’ART CULINAIRE ET L’ART DE CONSTRUIRE… =} Quelles sont les liens que partagent l’architecture et l’art culinaire ? a. Le dessin dans la conception – du bon au beau ......................... p10 b. La composition .......................................................................... p14 c. La Structure gustative et architecturale ..................................... p20

II.

… DE LA TABLE A L’ESPACE =} Comment l’architecture se met-elle au service de la gastronomie afin d’émerveiller nos sens ? a. Les plaisirs de la table ............................................................... p27 a.1 L’histoire de la table ..................................................................... p27 a.2 Les typologies de table .................................................................. p30

b. Cadrage culinaire : de la table au paysage ................................ p33 b.1. Cadrage - La table qui renvoie au paysage ................................. p34 b.2. Hors cadre – La Table paysage ................................................... p36

c. Emotion culinaire et Spatiale .................................................... p40

CONCLUSION

.................................................................................................... p47

BIBLIOGRAPHIE

............................................................................................. p51

ICONOGRAPHIE ............................................................................................... p54

8

9


I.

L’ART CULINAIRE ET L’ART DE CONSTRUIRE… =} Quelles sont les liens que partagent l’architecture et l’art culinaire ? a. Le dessin dans la conception – du bon au beau

La cuisine est pour moi un processus intellectuel qui fait appelle au PATHOS (l’émotion et l’imagination) et à la TECHNE (la technique) tout comme en architecture. L’esthétique et la technique sont les mots d’ordre qui rapprochent ses deux arts : l’art culinaire et l’architecture. Qui dis art sous-entend de manière implicite que la cuisine à un moment donné est sortie de son langage traditionnel. Ce n’est qu’à la fin du règne de Louis XIV que la table se met officiellement à relever de l’art. On doit attendre le milieu du 18ème siècle pour que le raffinement moderne en matière de cuisine voie le jour. Ce raffinement se concrétise par des grands noms de la cuisine française. La publication de « la physiologie du goût » de JeanAnthelme Brillat-Savarin est devenu un monument de la littérature gastronomique regroupant plusieurs traités culinaires. Avec Grimod de la Reynière, le journalisme gastronomique va apparaître. Le plus connu d’entre tous, le célèbre pâtissier Anthony Carême va être le pilier de la cuisine française. Ces cuisiniers ont su changer les codes de la cuisine traditionnelles afin de la moderniser et d’en faire un véritable art. Dans chacun de leur livre, le dessin est la base de leurs explications. La gastronomie passe par le maniement du dessin qui devient un véritable art. La cuisine est surtout associée à l’idée du goût et l’idée du bon. Le concept d’esthétique culinaire émerge à partir de cette période d’ébullition culinaire. L’idée du beau est en continuité avec l’histoire de l’art et s’est développée en même temps dans les cuisines du XIXème siècle. C’est justement à partir de cette recherche artistique de la cuisine que le terme gastronomie s’est développé. Il est apparu en France en 1801. On est passé d’un bon repas (faisant appel au goût) à un beau repas (faisant appel au visuel). Le visuel est devenu très important dans l’élite bourgeoise. On est passé du plaisir de la bouche au plaisir des yeux. Cette esthétique visuelle culinaire a trait à l’esthétique architecturale.

Dans son livre « Le pâtissier pittoresque », le cuisinier transmet à ses apprentis cuisiniers le goût de l’architecture pour l’intégrer en pâtisserie.

Fig1

Fig2

Fig3

Fig4

Celui qui va devenir maître en la matière d’esthétique culinaire est le chef cuisinier MarieAntoine Carême (1784-1833). Celui-ci effectue la jonction explicite entre l’architecture et la Haute-Cuisine. Il a permis de codifier la cuisine et d’inaugurer les premiers recueils de recettes en rapprochant dans les titres de ses livres les termes « art » et « cuisine », ce qui a marqué la littérature contemporaine. Ce cuisinier me fascine car chacun de ses plats sont des architectures elles-mêmes. Celui qui souhaitait être architecte avant d’être un célèbre chef est pour moi un maître en la matière. En posant les bases de la gastronomie d’aujourd’hui, « Carême explique comment fabriquer les pôles et autres biscuits, indispensables appareils sucrés qui servent de squelette à ces gâteaux. Suivant une douzaine de réalisations avec dessin à l’appui et explications techniques, une cascade de Rome Antique côtoie un ermitage russe, un pavillon chinois ou un grand pavillon gothique de 44 colonnes »6

=} Le visuel est la chose la plus importante dans les mets d’Antoine Carême : il prône l’art de manger avec les yeux. C’est ce qu’il va développer dans ses créations, il utilise pour cela son imagination et la représente sur papier. Chaque dessin qu’il va réaliser son des idées. NGUYEN PHUOC Wil, Architecture et Art culinaire… un processus commun ? Faculté d’Architecture La Cambre Horta, 2012-2013

6

10

Pour cela, Carême dessine plus d’une centaine de gâteaux différents représentants des édifices. Pour composer ses constructions, il a passé des heures à la Bibliothèque Royale à lire et recopier des traités d’architecture afin de développer tous ces gâteaux. Il développe un art du pittoresque. Cette quête du beau est une obsession pour Carême et c’est l’enjeu de l’architecte aussi de mêler à la fois l’esthétique, la conception et l’usage. On peut dire qu’Antoine Carême est le lien entre le beau et le bon. Ce lien s’effectue par le biais du dessin. Il prône le beau avant toute chose ainsi que le goût par la suite.

A- Illustration de 4 gâteaux architecturaux issue du livre de CAREME Anthonin et FAYOT Charles Frederic Alfred, Le pâtissier pittoresque, imprimé aux presses mécaniques Paul Renouard, 1842

11


B- B- Photos de la confection du Baba infiniment citron du chef Pierre Hermé

du Baba infiniment citron du chef Pierre Hermé B- ermé

Ces dessins ne sont pas sans rappeler les dessins des architectes qui spatialisent et expriment leur volonté sur le papier. L’architecte n’est rien sans son outil, le crayon. Le cuisiner n’est rien sans ses casseroles. L’architecture et la cuisine sont des processus de transformation de produit. « Que serait l’art culinaire sans la casserole, qui en est d’abord le principal ornement ? »7

=} Que serait un chef sans ses outils, un pâtissier sans son fouet, un architecte sans son stylo ? La casserole est considérée comme un ornement comme en architecture classique, l’ornement est la décoration. Alexandre Dumas parle d’ornement comme conception classique d’une certaine esthétique du beau. Ce concept du beau est une vraie notion en architecture qui a animé les architectes pendant des années. Le beau est un idéal de l’esprit. Chercher cet idéal en architecture revient à créer de la perfection. Cette quête du beau et du bon est sans cesse dans les esprits des cuisiniers depuis Anthonin Carême. Les cuisiniers et pâtissiers dessinent encore, voire plus que jamais après Anthony Carême. Avant chaque réalisation, Pierre Hermé réalise des croquis : un concept selon l’acceptation de ce terme dans les arts du design. Il visualise dans son esprit et projette sur le papier ses intentions et son émotion. Il réalise une première maquette qui donne l’idée de sa réalisation ; celui-ci passe de l’image à l’objet. Ce processus rappelle les étapes de conception en architecture. Dans mes conceptions, j’ai toujours une phase ou je dessine mes intentions. Le dessin et la main sont deux éléments qui me permettent d’exprimer la conception mentale du projet. Pierre Hermé considère « la pâtisserie comme un Art avec un grand A en ce sens qu’elle est un véritable mode

d’expression de la sensibilité du créateur au même titre que le sont d’autres disciplines telles la musique, la peinture ou la sculpture. Avec « le plaisir pour seul guide », Pierre Hermé imagine l’architecture du goût, les saveurs, les textures, puis trace ses fantaisies et ses audaces sucrées sur le papier avant de leur donner vie. Ses esquisses permettent la transmission et la reproduction des fruits de son imagination. Les créations évoluent au fil du temps, des rencontres, des découvertes et de son inspiration. Leur dessin est l’empreinte laissée par ce cheminement.”8

De la scénographie des boutiques de Pierre Hermé à ses réalisations culinaires, tout est orchestré afin de développer le plaisir de la bouche et des papilles. Visuellement parlant, ses réalisations sont une architecture. J’ai pu découvrir que de nombreux pâtissiers et cuisiniers maniait l’art du dessin depuis deux siècles pour leur création. Le dessin est la continuité de la main donc de la pensée. L’architecte développe ses idées sur le papier tout comme le cuisinier développe ses créations à la main. Toute ses créations font appel à des règles de mise en place dans l’assiette.

7 8

DUMAS Alexandre, Grand Dictionnaire de la Cuisine, Phébus, novembre 2000

C- Croquis préparatoire du Baba Infiniment citron de Pierre Hermé

ressemblant aux esquisses de projet

« Quand on y pense, « dresser une assiette » revient à organiser des éléments dans l'espace en suivant certains principes », la discipline n’est donc pas si éloignée de l'architecture. »9

9

GALERIE LAFAYETTE, Exposition des croquis de Pierre Hermé, 4 au 30 avril 2012

12

CHEYER Lucie, A la rencontre de Patrick Bouchain, l’architecte du goût, Vice, 18 avril 2016

13


b. La composition La composition régit l’art culinaire ainsi que l’architecture. On la retrouve au sein des arts et dans les assiettes. La composition est l’association d’éléments qui composent un tout. L’assiette est le cadre qui réunit le tout comme l’architecture réunie l’espace. « Le plateau de repas semble un tableau des plus délicats : c’est un cadre qui contient sur fond sombre des objets variés (bols, boîtes, soucoupes, baguettes, menus tas d’aliments…), accomplissent la définition de la peinture, qui, au dire de Pierro della Francesca «n’est qu’une démonstration de surfaces et de corps devenant toujours plus petits ou plus grands selon leur terme » 10

La présentation des plats est partie intégrante de l’art de la table, et plus largement peut être considérée comme une pratique artistique à part entière. On retrouve l’influence japonaise dans la composition des mets sur la table de Thierry Marx. Il juxtapose des récipients sur la table et des plats comme il composerait une assiette. « L’assiette raconte toujours une histoire et celle-ci est liée bien sûr à la personne qui l’a préparée, mais aussi à celle, plus vaste, qui la relie à une région du monde et à un patrimoine culturel» 11.

L’assiette, c’est avant tout pour moi une histoire composée. Dresser une assiette, c’est développer les sens et celui de la vue en premier. Ce sont nos sens qui vont analyser l’assiette et l’espace. Le choix de l’assiette est capital, car il constitue un élément important de l’effet recherché. L’assiette à l’instar de l’encadrement d’un tableau complète la composition : tantôt discrètement, en s’effaçant pour donner du relief et un détachement à la présentation, tantôt en s’intégrant dans la thématique pour le prolonger. José Avillez joue avec la forme de l’assiette afin de procurer des sensations visuelles et des compositions esthétique différentes. Chaque assiette raconte une histoire. Chaque plat possède sa propre assiette. José Avillez crée ses plats en fonction du produit et de l’assiette. Il va jusqu’à créer volontairement ses propres modèles d’assiettes avec de grands maîtres de la porcelaine et de l’art de la table tel que le modèle « Rebentação ». Ce modèle d’assiette est l’expression littérale d’une vague. Il explique son plat de cette manière : "J'ai fait ce plat pour symboliser une vague. En même temps il ressemble à une coquille ou à une conque, mais c'est essentiellement une vague qui se brise dans le sable", explique le chef . "Ensuite, nous avons recherché des éléments représentatifs du goût de la mer: une série de bivalves, coques, moules, palourdes de rasoir, et nous avons ajouté la fraîcheur de certains fruits, ce qui favorise la fraîcheur de la mer." 12

Le chef cuisinier cherche à raconter une histoire tout comme en architecture. Il s’inspire de ce qui l’entoure pour créer comme la mer qui est omniprésente dans l’assiette. José Avillez compose son assiette et son plat comme une peinture à manger. Certaines compositions ne sont sans rappeler les influences de l’art, de la peinture et de l’architecture.

10

BARTHES Roland , l’Empire des Signes, Points, 1970, p23

BAZ Noa, « L’assiette et la plume », L’Orient littéraire, n°128, février 2017 12 PRADO COELHO Alexandra, Os sons da rebentação, segundo Avillez, journal portugais publico, 2 mars 2013 11

D- Photo du plat Rebentacao du chef José Avillez prise par Vasco Celio

14

15


Le gargouillou,est l’un des « plats signatures » du chef étoilé Michel Bra qui est composé de :

« Fougère, amarante, bourrache blanche, ail rocambole, trèfle, moelle de chou-fleur, pois, cerfeuil tubéreux, capucine, raiponce, pâtisson, ciboule, chicorée, mouron des oiseaux, radis rose, salsifis, tomate, cébette, cistre... et autres légumes, jeunes pousses, feuilles, fleurs, moelles, graines ou racines, se mêlent, dans une architecture végétale, éclatante de saveurs et de couleurs, seulement liée par un lait de poule, et le jus d’un jambon doucement cuit en bouillon. »13

Cette énonciation poétique des éléments que compose l’assiette de Michel Bra est un processus de composition. Son plat signature forme un tout architecturé pensé à l’avance. Michel Bra lorsqu’il emploie le terme architecture invoque le fait que son plat n’est pas seulement une représentation en deux dimensions dans l’assiette mais en trois dimensions. L’architecture et la cuisine sont deux disciplines qui traitent en trois dimensions. L’assiette représente le monde culinaire, sensible et même picturale de Michel Bra. Cette forme ronde de l’assiette renvoie à l’idée d’une « assiette-monde » qui représente le monde. Je pense que l’art culinaire renvoie à l’idée d’un tableau tout comme le plan du musée de SANAA. « Cependant, un examen plus approfondi des plans des bâtiments de SANAA révèle un parallèle avec le manifeste métaboliste : une renaissance de l’unité en tant qu’élément libre dans l’espace. La matrice a disparu, laissant la place à un espace continu dans lequel les unités sont disposées. L'accent est maintenant mis sur les conditions « intermédiaires» créées par le voisinage des unités. Le système n'envisage pas de croissance ni de reconfiguration, mais la sérendipité du plan suggère une organisation très organique des espaces. »14

Le musée d’Art Contemporain de Kanazawa de SANAA est l’exemple même d’un système composé qui est borné par un cercle. Tout comme l’assiette met en valeur les éléments, le cercle met en valeur les différentes unités. L’architecture c’est le blanc. Ce sont les interstices et le vide entre les éléments. Cela rappelle le plan Nolli qui représentait le vide et le plein sur une carte avec l’intérieur des édifices qui la composait. La composition est la juxtaposition des blocs de manière organique. On peut se poser la question suivante : l’architecture de SANAA est-elle réellement aléatoire ? Comme l'explique Eve Blau dans son discours lors de la cérémonie Pritzker de SANAA en 2010 à propos de leurs constructions qui « The result is typological indeterminacy of the spaces that

allows for enormous flexibility of use.15

Les espaces ont une limite et ne peuvent se développer à l’infini. Les systèmes sont bornés et ne sont pas préalablement destinés à s’étendre.

E- Comparaison du plat signature du chef étoilé Michel Bra le Gargouillou au plan du musée d'Art Contemporain de Kanazawa de SANAA. Fig1. Image de Plat Gargouillou du chef étoilé Fig 2. Plan RDC du musée d’Art Contemporain de Kanazawa de SANAA Fig 3. Interprétation des pleins et des vides du musée

BRA Michel, Le Gargouillou de jeunes légumes Traduit de l’Anglais, CHAILLOU Stanislas, Metabolism(S), Flexibility in the 21st Century, Harvard Graduate School of Harvard 2019 13 14

Traduction de BLAU Eve, Discours pour la céremonie du Pritzker Price de SANAA - Kazuyo Sejima and Ryue Nishizawa, 2010 « résultent en une indétermination typologique des espaces qui permet une énorme 15

souplesse d'utilisation. ».

16

17


En étudiant la chronophotographie de la composition du Gargouillou, chaque geste est pensé en amont. Le plat est composé de 28 éléments, de textures différentes et d’harmonie de couleur. On pourrait penser que les éléments qui composent l’assiette ont été disposés de manière aléatoire. Il n’en est rien, Michel Bra a pensé son plat avant de l’interpréter. Il réalise une composition culinaire ou chaque élément à sa place à l’intérieur de l’assiette. L’architecte pense son projet avant de le réaliser. Il compose l’espace, le découpe, le décompose, l’organise, le structure, l’agence, le cadre, le recadre, l’imagine, l’interroge… Tout cela rappelle le processus que s’imagine Michel Bra lorsqu’il juxtapose les éléments afin de créer un lien et un tout architecturé. Le processus de composition artistique fait appel à l’utilisation des éléments fondamentaux de l’art que sont : la ligne, la forme, la couleur, la texture, l’espace et la proportion. Cela me rappelle le livre écrit par Kandinsky « point, ligne plans » qui explique les fondamentaux de l’art et de la composition à l’époque Bauhaus. On retrouve des similitudes entre l’art, la cuisine et l’architecture. Le dressage culinaire se compose de :  

 

« La Ligne : Point de départ de l’œuvre, elle peut être horizontale, verticale ou oblique et peut servir de guide, contour ou mise en perspective pour le dressage. Les formes : La forme permet au chef de rendre le plat vivant par de la mise en volume des ingrédients, ou leur disposition. Les formes données aux aliments ou des dressages suivant une forme géométrique peuvent être réalisés (rectangulaire, point, rond, etc…). La forme, comme en art plastique va attirer l’œil et va inciter à s’approcher, aiguiser la curiosité et donner lieu au premier jugement esthétique. L’espace : Le Chef peut jouer sur la gestion de l’espace dans l’assiette et le rapprochement ou non entre les différents éléments qui la composent. Les couleurs : Les couleurs sont pour l’art culinaire comme pour tous les arts plastiques un élément principal qui va permettre au chef de s’exprimer. En jouant sur les contrastes de couleurs dans le dressage à l’assiette l’artiste va en 36 effet pouvoir créer des effets sur les formes et ainsi faire percevoir de diverses manières les mets aux clients. Il pourra ainsi rappeler des univers tels que les saisons, la nature, etc.  Les textures : Même si la texture joue plutôt un rôle majeur dans le goût, les Chefs peuvent aussi jouer sur les textures pour créer une esthétique visuelle unique. En effet en alliant des textures solides, liquides, gélatineuses ou encore sous forme d’espumas, ils vont réaliser des assemblages et composition originales. La proportion/disposition : Désigne le rapport harmonieux des éléments les uns par rapport aux autres, ou en relation avec l’ensemble. Le choix de la quantité de chaque élément est donc un critère à prendre en compte par le chef. »16

Le dressage d’une assiette se réalise avant tout par le biais de ces différents éléments régis par notre regard. On retrouve toutes ces idées dans le Gargouillou du chef : la ligne au tout départ, les différences de contrastes dans l’assiette, la disposition qui joue avec les formes et les textures. A travers l’explication de Clément Larre, je retrouve tous les procédés du dressage qui reprennent les codes fondamentaux de l’architecture : le plein et le vide, le contraste, l’ombre et la lumière, la transparence et l’opacité, la hiérarchie des éléments, les textures, les répétitions, les proportions, les volumes et la structure. La composition culinaire et architecturale possède les mêmes codes graphiques. Du choix de l’assiette au dressage des éléments dans le plat, le cuisinier cherche à raconter une histoire en créant une composition comme on composerait un édifice. Principe non éloigné non plus, la gastronomie fait appel à des règles de pesanteur et de structure tout comme les grands pâtissiers. LARRE Clément, L’esthétique dans l’art Culinaire, Université de Toulouse – Jean Jaures, Insitut Supérieur du Tourisme, de l’hôtellerie et de l’alimentation, 2015 p35-36

16

18

CHRONOPHOTOGRAPHIE DE LA COMPOSITION DU GARGOUILLOU F- images issue du film de LACOSTE Paul, Entre les bras - Le Gargouillou du 28 mai, 90’

19


c. Structure gustative et architecturale Je me suis centré en ce début de première partie sur l’assiette, le dessin et l’esthétique culinaire. Nous allons nous intéresser à la question de structure gustative et de l’apport de l’architecture en cuisine qui permet de créer des « micro architectures ». Ou inversement de l’apport de la cuisine en architecture qui permet de créer un projet d’architecture culinaire. Comment le rapport structurel peut-il être interprété en convoquant l’architecture et la cuisine, de la mise en bouche à la mise en place spatiale ? De la structure en bouche à la structure spatiale, le palais reste le premier sens qu’un enfant exerce pour comprendre son environnement. En effet, un célèbre psychologue Piaget a travaillé sur la psychologie et le développement de l’enfant pendant des années. Il explique que nous sommes tous passés par le stade sensori-moteur qui existe entre la naissance et nos 2 ans. La bouche, c’est avant tout le lieu où les sons se forment, ou l’on goutte, on touche avec la langue, on entoure l’aliment, on le croque, on le mâche…

internationaux de pâtisserie dans lesquels les apprentis pâtissiers doivent réaliser des pâtisseries reprenant les codes de l’architecture comme par exemple la structure réalisée par Henri Keller, médaille d’or de 1937 reprenant l’architecture du Sacré Cœur. Cette esthétisation du culinaire témoigne du lien ténu qui existe au niveau de la structure du gâteau et celle d’un édifice. Cela rappelle le principe de pièces montées où l’on échelonne des couches de gâteaux qui tiennent structurellement parlant. Cela relève du domaine de la sculpture, de l’art en 3 dimensions. « Pour Carême, c'était un art total, qu'il élevait au rang des disciplines dont il s'inspirait : l'architecture, la sculpture, les sciences naturelles et physiques. »19

Ce sont les lois de la physique (pesanteur et structure) qui rapprochent l’architecture et la pâtisserie.

« Le stade sensori-moteur : de la naissance à 1 an, les lèvres sont une zone érogène. […] La zone orale est utile pour découvrir le monde, le bébé porte à sa bouche les objets qui l’environnent. C’est à ce niveau qu’il va faire l’expérience du dedans et du dehors, du soi et du non soi »17 p10 et 79

Le stade sensori-moteur concerne les déplacements du corps dans l’espace et l’utilisation de la bouche pour comprendre le monde, les structures et l’espace qui nous entourent. L’ouverture buccale permet de comprendre les formes, les textures, les goûts, l’intérieur, l’extérieur… La bouche ne peut être réduite à sa dimension corporelle. De manière générale, elle est associée à des informations de tout ordre telles que les expressions suivantes : boire des paroles, dévorer des yeux... Elle prend en compte des sensations qui lui sont extérieur tel que voir. La vue est associée à la structure gustative. Cette structure gustative, les chefs la recherchent dans leur bouche, leurs plats et aussi visuellement parlant. Pour le chef Frederic Anton (chef étoilé du restaurant le Jules Verne à la Tour Eiffel) il allie son désir d’une cuisine recherchée avec sa passion de l’esthétique. Le chef évoque dans ses compositions « les rouages, les écrous, le ciselage de cet objet d'acier surdimensionné » et créé des plats qui dialoguent avec l'architecture de la tour Eiffel ellemême. « Je recherche dans ma cuisine cette structure et à la fois cette légèreté, la tour est robuste avec de grandes fondations et une dentelle légère et fine »18.

Le chef reprend les codes de la grande Dame dans ses plats de manière visuelle (structure en fer forgé dans l’assiette) et l’approfondie dans sa quête de textures et de tenue dans son palais (structure et apothéose gustatives). Il recherche à développer cette structure visuelle en mise en bouche. Après Marie Antoine Carême, d’autres noms ont marqué les siècles tels qu’Urbain Dubois ou Jules Gouffé à qui nous devons le premier ouvrage culinaire avec des illustrations en couleurs. L’instauration de la connaissance de l’architecture dans les pâtisseries fait naître une nouvelle discipline « La pâtisserie décorative ». Cette nouvelle branche développe des concours

G- Exposition internationale des arts et techniques, Paris 1937 : concours international de pâtisserie, image issue de la BNF, chef d'œuvre de pâtisserie réalisé par Henri Keller, médaille d'or

CEMEA Pays de Loire, Psychologie et Développement de l’enfant, les dossiers de l’INFOP France Télévisions, Reportage : « Des Racines et des Ailes – La Tour Eiffel 130 ans », présentation Carole Gaessler Mercredi 18 septembre 2019 à 21h05, propos de Frédéric Anton, chef étoilé du restaurant le Jules Verne. 17

18

19

20

WHESTPHAL David, Antonin Careme fait une révolution des palais, Le Parisien, 6 septembre 2016

21


Penser un gâteau comme on penserait une architecture. C’est le pari de Dinara Kasko une célèbre pâtissière qui a révolutionné le monde de la pâtisserie en créant des moules défiant l’architecture. De son ancien métier d’architecte, Dinara a su utilisé ses acquis en forme et structure afin de l’utiliser dans ses créations et de réaliser des pièces montées complexes comme en architecture. Elle a fait appel à des procédés similaires à l’architecture tels que l’usage des logiciels BIM et de l’imprimante 3D afin de créer des moules structurels qui équivaux aux structures actuelles. Lorsque l’on compare ces deux images à droite l’une à côté de l’autre, ne voyons pas des similitudes dans le traité des arceaux de la pâtisserie de Dinara Kasko à celle de l’image de la dentelle en béton du stade de Herzog et De Meuron. Ce parallèle en architecture et en gastronomie ne se ferait pas au niveau structurel ? L’inspiration vient de ce que l’on voit et le savoir de Dinara permet de développer des microarchitectures de l’ordre des rêves. Les réalisations culinaires reprennent les codes de l’architecture existantes. La question de structure, de pesanteur, des crèmes plus compactes pour que les gâteaux tiennent en sous bassement et de textures plus légères en hauteur. L’esthétisation de la gastronomie est arrivée à partir d’Anthonin Carême. Ces réalisations ressemblent à des édifices religieux ou la tour de Babel.

22

H- Comparaison d’une création de Dinara Kasko et du stade de Pékin de Herzog et de Meuron

23


Nos expériences culinaires peuvent influencer notre conception de l’architecture. La structure peut s’inspirer de ce qui nous entoure et de ce que l’on perçoit par nos sens. L’architecture s’empare des codes de la gastronomie pour créer un projet dont l’environnement correspond. En prenant par exemple la cité du vin, les architectes ont repris les codes de l’œnologie et de tout ce qui est aqueux autour du site afin de l’exprimer en forme organique. « Ce bâtiment ne ressemble à aucune forme connue parce qu'il se veut une évocation de l’âme du vin, entre le fleuve et la ville." Geste architectural fort, La Cité du Vin marque par sa forme et ses courbes audacieuses. Edifice emblématique, elle abrite dans cet écrin doré une Cité dans la cité, un lieu de vie et d’expériences à parcourir. L’intention de départ pour l’architecture du bâtiment était véritablement de créer un lien entre La Cité du Vin et les espaces qui l’entourent à travers un mouvement perpétuel. Les architectes de l’agence XTU, Anouk Legendre et Nicolas Desmazières, ont imaginé un lieu empreint de symboles identitaires : cep noueux de la vigne, vin qui tourne dans le verre, remous de la Garonne. Chaque détail de l’architecture évoque l’âme du vin et l’élément liquide : « une rondeur sans couture, immatérielle et sensuelle »20

L’expression de la structure s’inspire du vin coulant dans un verre. On passe de la structure gustative et visuelle du vin à une structure architecturale : de l’image à l’objet. Cette cité est un élément monolithe dans la ville de Bordeaux qui fait figure de proue sur la Garonne. Les architectes ont conçu une véritable scénographie immersive et une expérience à parcourir. Ne serait-ce pas une représentation de la promenade architecturale où l’émotion est au cœur du processus de fabrication ? L’architecture et la cuisine sont des vecteurs d’émotion.

JI-

Comparaison d’une création de Dinara Kasko et du toit de la philharmonie de Herzog et de Meuron à Hambourg

20

24

Explication de la forme de la Cité du vin de XTU à partir du mouvement du liquide dans le verre

Agence XTU, La cité du vin de Bordeaux, https://www.laciteduvin.com/fr/decouvrir/architecture/edifice

25


Pour conclure cette première partie, on pourrait mettre en doute l’analogie gastronomie et l’architecture qui est bien plus évidente peut-être que le rapport avec la peinture. Néanmoins, l’ingestion de cette peinture (une peinture à manger) la spatialise sur le moment. On fait le tour de l’objet à manger par sa mise en bouche, on le transperce avec sa fourchette, on tranche et l’on découpe avec un couteau. On ne fait pas qu’observer, on apprécie l’atmosphère, on tâtonne et on mange. L’assiette représente l’image du monde mais aussi un micro cosmos gustatif. On aurait alors un enchâssement d’échelles qui rappelle les propos de Roland Barthes sur le fait qu’il existe un étagement « l’homme, la table, l’univers ». Je vais bien plus loin dans mes propos car il existe un véritable enchâssement de l’assiette, à la table, (table au milieu des tables), des fenêtres, du paysage, avec passage de cadre en cadre, de la bouche au paysage en passant par les bords de la cuillère, du plat, de la table, de la salle, des ouvertures. Et dans les exemples d’une rare réussite, une mise en vibration de toutes ces échelles dans une forme de résonnance universelle. Passer de l’image à l’objet et à son entour ne se ferait sans évoquer les gestes effectués dans l’espace architectural par le convive (regarder, appréhender, toucher, prendre, saisir, piquer, trancher, ingérer, mâcher, broyer, boire. Manger c’est rendre fluide un monde solide en objet organique. La baguette est bien différente de la fourchette et du couteau : « La baguette a bien d’autres fonctions que de transporter la nourriture du plat à la bouche (qui est la moins pertinente, puisque c’est aussi celle des doigts et des fourchettes), et ces fonctions lui appartiennent en propre. Tout d’abord, la baguette montre la nourriture, désigne le fragment, fais exister par le même choix l’index. Autre fonction de la double baguette, celle de pincer le fragmentde nourriture (et non plus de l’aggripper, comme font nos fourchettes) ; pincer est d’ailleurs un mot trop fort, car l’aliment ne subit jamais une pression supérieure à ce qui est juste nécessaire pour le soulever et le transporter. »21

L’art de maniement de la baguette s’exerce avec l’aliment comme une démonstration d’un art gestuel. De l’assiette à l’espace, l’élément principal intrinsèque qui spatialise et compose le repas reste la table. C’est à table que l’acte de manger prend tout son sens dans la gastronomie française. Dans d’autres cultures bien sûr, le rapport à la table est bien différent de celui que l’on connaît et même l’existence d’une table peut être réfutée.

II.

DE LA TABLE A L’ESPACE

Je me suis intéressé à l’existence des processus communs entre l’architecture et l’art culinaire dans un premier temps. Les parallèles entre ces disciplines ne convoquent pas seulement l’acte de manger et l’assiette. Le repas selon Thierry Marx, célèbre chef étoilé « Ce n’est pas seulement l’assiette qui compte mais tout ce qui l’entoure, le moment, le lieu, l’atmosphère. La cuisine, ça se regarde, ça se médite et ça se mange »22, le repas gastronomique est avant tout un partage qui s’échelonne de la

table à l’espace. Ce qui vient à me poser la question suivante dans un second temps : Comment l’architecture se met-elle au service de la gastronomie afin d’émerveiller nos sens ? a. Les plaisirs de la table

La table au sens figuré du Larousse est un « Meuble composé d’un plateau horizontal posé sur un ou plusieurs pieds, sur lequel on dépose les mets et les objets nécessaires au repas 23». A cette définition

viennent s’ajouter d’autres expressions : se mettre à table, dresser une table mais aussi table de cuisson. Cela témoigne de la diversité des possibilités de configuration de table qui existe. La table est le point de départ de l’acte de manger du repas gastronomique français. C’est sur celleci que le client déguste son plat et profite d’un moment convivial. Le support du repas a évolué au fur et à mesure du temps en Occident. Je vais expliquer dans un premier temps l’histoire du repas et de la table de l’Antiquité à nos jours brièvement afin de voir dans un second temps les typologies de table qui existent en restauration.

a.1 L’histoire de la table

Vers le VII° avant notre ère, on retrouve la plus ancienne représentation du repas couché. Le repas se présentait sous la forme allongée Elle figure sur un bas‐relief, dit « le banquet sous la treille », représentant le roi assyrien Assurbanipal (ou Sardanapale) et son épouse célébrant la victoire sur leur ennemi le roi élamite. Le roi que l’on voit ci-dessous à droite est allongé sur un long divan et déguste les différents mets.

K-Image de bas-relief du Banquet à la treille, Bristsh Musuem issue des archives de la Sorbonne

Gené JP, « Paris Tokyo d’un coup de baguettes », Propos du chef Thierry Marx, Le Monde, 25 novembre 2011 23 Larousse 22

21

BARTHES Roland, l’empire des Signes, p29-30

26

27


Les banquets à table sont très prisés en Egypte Antique pour vénérer les Dieux, pour célébrer de grands évènements (mariages, naissances, rites religieux…). Les convives mangent à même le sol ou allongés. C’est qu’à partir des Romains que les invités vont pouvoir manger sur une table assis. Le repas en position allongée va être abandonné au profit de la position assisse autour de tables montées sur tréteaux.

La table lieu deDU tous les plaisirs : le plaisir du palet, de l’odorat et de profiter L- EVOLUTION DE est LA le TABLE BANQUET A NOS JOURSdes ENyeux, 4 PEINTURES d’un moment convivial. CLES

« Après les grandes conquêtes de l’Empire Romains, les Romains s’approprient la culture hellénistique de la table et l’adaptent à leur propres besoins sociaux, culturels et politiques. Pour les riches citoyens, le banquet (le convivum) est alors un indicateur de la condition sociale, un modèle et un refuge des valeurs aristocratiques. L’art de la table devient un art complexe et délicat, dont l’échec signifie la rupture de la sociabilité. Dans l’espace ou à lieu le convivium, la table centrale fait face à la porte d’où arrivent les invités et les plats grandioses. L’espace devant la porte est l’aire du spectacle ».22

Au moyen Age, le repas peut se réaliser dans toutes les pièces de la demeure. Le plus souvent, les nobles français mangeaient dans leur chambre. Pour le peuple, ils s’attablaient dans une salle commune autour d’une même table. La table est avant tout considérée comme un lieu de sociabilité. « A la Renaissance, chez les nobles, sont donnés de nombreux repas mondains, véritables spectacles où chacun s’affiche afin d’être reconnu pour son rang. Le repas princier est mis en scène et observé par les spectateurs-convives, afin démontrer la puissance de l’Etat. Vers 1530, les bonnes manières font leur apparition, suite à la publication de l’ouvrage Civilitasmorumpuerilium (Manuel de civilité puérile) d’Erasme de Rotterdam, destiné à éduquer les enfants. A cette époque, sous l’influence de Catherine de Médicis(1519-­‐1589), les tendances culinaires viennent d’Italie (gelées, pâtisseries, massepains, pain d’épices, nougat, etc.). La faïence fine, la verrerie et la fourchette à deux dents font leur apparition, maison mange toujours avec les doigts. La table a maintenant des pieds fixes et les bancs sont remplacés par des sièges individuels. L’ordre du service est fixé : fruits, bouillies, rôts et grillades, puis desserts. La découverte du Nouveau Monde apporte tomates,maïs,chocolat,dinde,piments,haricotsetpommedeterre. Alorsqu’auXV° l’abondance caractérise le banquet, auXVI°ce sont le raffinement et la rareté. »22

Léonard de Vinci, La cène, exposée au réfectoire Santa Maria della Grazie à Milan 1495-1498

Repas de Versailles sous Vatel, peinture indéfini

A partir de la Renaissance, le repas va prendre une nouvelle dimension socio-culturelle. On pense tous au tableau de Léonard de Vinci – La Cène montrant le dernier repas du Christ. Le XVè et XVIè siècle marque un premier tournant pour le repas en société. On va apprendre les bonnes manières, on va manger avec des couverts adaptés sur une nappe blanche. Le repas va devenir sophistiqué. La table en Occident cache le bas du corps (les parties plus intimes) afin de présenter la partie la plus noble, le buste. Louis XIV estime que la cuisine française doit rayonner et montrer sa puissance. Vatel va développer l’art du repas et du spectacle culinaire. Les arts de la table se développent et l’on retrouve une abondance du luxe et du raffinement. La table n’est pas seulement pour lui qu’un lieu de dégustation mais un lieu de décision politique. La table française va être reconnue pour la suite pour son rayonnement international et une démonstration politique. La Révolution Française de 1789 marque un tournant important dans la gastronomie française. « En effet, suite à l’exil des aristocrates, de grands cuisiniers, se trouvant au chômage, décident d’ouvrir leurs propres restaurants, principalement à Paris et surtout au Palais Royal, quartier à la mode (les Frères Provençaux, le Café Anglais, La taverne de Londres…). Paris devient alors la capitale gastronomique de l’Europe. »24

C’est à partir de cette date que les grands noms de la cuisine dont je parlais dans la partie précédente vont émerger et que la cuisine va se distinguer entre restauration et haute cuisine.

24

CASDEN, Plaisirs de la table en littérature, février 2016 28

Auguste RENOIR, Le déjeuner des canotiers, The Philips collection à Washington, 1880-1881 Norman ROCKWELL, A l’abri du besoin, Etats Unis, 1942

Le XIXème siècle est marqué par les plaisirs de la table relatés par de grands écrivains tels que Balzac, Flaubert, Zola et Maupassant. Ceux-ci mettent en scène les repas des foyers car ils découvrent de véritables foyers de sens communs pour problématiser les enjeux relatifs au mode de vie de la société contemporaine. On le retrouve aussi dans les peintures en passant du « déjeuner des canotiers » de Renoir qui relate l’ambiance des repas au XIXème au repas contemporain traditionnel chez les foyers que l’on connaît actuellement « le tableau à l’abri du besoin » de Norman Rockwell.

29


a.2. Typologies de tables

La méthode que j’ai réalisé afin de découper les tables en typologies a été la suivante. J’ai recensé un bon nombre de table de restauration que je connaissais. J’ai effectué des recherches littéraires afin de comprendre les différentes méthodes de dégustation de repas à table. Ensuite, j’ai commencé à dessiner des croquis que l’on voit sur la page suivante qui m’ont permis de réunir les tables dans différentes catégories. Cette méthode m’a fait ressortir quatre typologies :    

La table qui rassemble sans exclure des autres tables La table autour d’un objet La table spectacle La table qui rassemble mais qui s’exclue des autres tables : Table isolée

La table qui rassemble est sans doute l’exemple le plus ancien des tables. Elle renvoie à l’idée des banquets romains où tout le monde se réunissaient autour d’une grande table ne connaissant pas ses voisins ce qui favorisait l’échange et la rencontre de nouvelles personnes. Il y a un retour de ce type de table au XXIème siècle. On les retrouve de plus en plus dans les foods halls européens : ces grands complexes gastronomiques sont basés sur la cuisine de proximité. Le mot d’ordre est la convivialité. On retrouve cette convivialité au Time Out Market du Mercado do Ribeiro de Lisbonne par exemple. Les touristes dégustent des mets qu’ils ont la possibilité de voir cuisiner sous leurs yeux afin de les déguster sur de grandes tables qui rassemblent tout le gratin portugais. Le rapport est à la fois frontal, côte à côte et en biais ce qui favorise l’échange. Lorsque la table est autour d’un objet tel qu’un arbre au restaurant Vapiano, le client est face à face avec un objet qu’il observe. Le client est côte à côte avec la personne avec qui il est venu déguster le repas. Le rapport du repas n’est plus frontal mais côte à côte. Cela offre une vision différente du repas. La socialisation est différente et n’offre pas forcément la possibilité de rencontre. Par table spectacle, j’entends tout ce qui a attrait au divertissement et à l’art du spectacle. Le repas n’est plus lié seulement à l’ingestion de mets en bonne compagnie. Celui-ci devient le lieu de féerie avec la réalisation sous les yeux des convives des différents plats avec une chorégraphie gestuelle et un art de maniement de la plancha ou des fourneaux qui les impressionnent. La table n’est plus seulement le lieu de dégustation mais elle devient la table de cuisson. Cela me rappelle la cuisine japonaise ou le repas se réalise sous les yeux ébahit des convives : « La cuisine japonaise se fait toujours devant celui qui va manger, c’est ce que peut-être il importe de consacrer par le spectacle la mort de ce qu’on honore »25

Pour cette culture, le produit doit être honoré en cuisine jusqu’à son état final. On exprime la finalité du produit aux clients devant une prouesse spectaculaire. Le spectateur est frontal au spectacle pour ce qui est des restaurants asiatiques. Pour la culture française, certains chefs de la Haute cuisine ont décidé d’installer certain client privilégié au sein même de leur cuisine : lieu de l’action même de la réalisation des produits sous la pression du coup de feu. Pour le chef Alain Ducasse, au restaurant Le Meurice, le client peut observer à travers d’une fenêtre bandeau comme un tableau mouvant ce qui se passe en 25

BARTHES Roland, l’empire des Signes, p34

M- Typologies de tables 30

31


cuisine et le travail des cuisiniers. Celui-ci déguste le repas dans une salle intime avec un rapport frontal aux convives et aux cuisines. On met en scène le cuisinier à travers un cadre. Pour le restaurant Pierre Gagnaire, son éponyme ou l’on mange dans un coin de sa cuisine. Les normes d’hygiène ne permettent pas de manger directement au sein des cuisines, c’est pour cela que le client est placé dans un coin ou les cuisiniers ne déambuleront pas et ne feront pas le service. Le chef vient sublimer chaque plat devant les yeux des deux privilégiés. Le client fait partie de la cuisine et participe au coup de feu. Il n’est plus seulement spectateur mais acteur de la cuisine. C’est pour cela que je nomme cette typologie de table « spectacle ». Les trois typologies de table que l’on vient de voir précédemment créent de l’échange et interagissent avec le client. La dernière typologie à l’inverse est une table qui rassemble mais s’exclue des autres tables. En prenant l’exemple du restaurant Le Georges au dernier étage du Centre Pompidou réalisé par Dominique Jakob et Brendan McFarlane, ils ont souhaité sur une grande surface de plateaux recréer des espaces intimes dans lesquels les clients seraient en relation directe et éloignés des autres tables. Les formes organiques des cocons excluent des autres clients. Enfin, l’exemple du restaurant de l’Opéra Garnier d’Odile Decq est un exemple à la fois d’exclusion et d’inclusion. Le long ruban rouge qu’elle créé au premier étage sur lequel les clients s’installent sont des banquettes qui permettent de disposer les tables en longueur. Et parfois, la forme organique créé des tables qui s’excluent des autres. Cela permet d’offrir la possibilité d’une intimité dans un grand espace.

b. Cadrage culinaire : de la table au paysage La question du cadrage en architecture est une question primordiale. Le cadrage vient de l’italien quadro et du latin quadrus qui signifie carré, dérivé de quattuor qui veut dire quatre. Le cadrage fait appel à des limites plus ou moins établies qui font appel au sens de la vue. La vue est au centre de la définition. Selon le dictionnaire français, le cadrage « nom masculin (de cadrer). Mise en place du sujet dans les

limites du cadre du viseur d’un appareil de prise de vues. Définition des dimensions d’un document d’illustration pour sa reproduction. Soutènement des galeries de mines, par cadre en bois ou en métal. Opération consistant à mettre rigoureusement à leur place chacune des couleurs qui constituent l’ensemble du dessin à imprimer sur tissus ou papier. »27

Cadrer renvoie à l’idée de cerner un objet, un instant, une image, un paysage. Le cadrage est employé dans les arts tels que la peinture, le cinéma et la photographie. La photographie a pour but de cadrer. Elle est régie par trois règles : le choix du sujet, le placement et composer son image de façon à organiser l’espace. Tout comme au cinéma, le cadrage à son importance. L’architecture s’empare des codes de l’art audiovisuel et photographique. « Cependant, si la définition du mot cadre qui se rapporte à l’architecture, précise qu’il s’agit d’un objet qui a des fonctions techniques, puisqu’il permet de fixer la porte ou la fenêtre dans un mur, le cadre en tant qu’objet a aussi pour emploi, et c’est en cela qu’il se rapproche de la définition du cadre en peinture, de délimiter et de matérialiser un espace. Il s’agit d’un vide qui existe par les proportions et la forme que lui donne le cadre. En marquant la limite, le cadre converti le vide en chose. Le cadre qui est dans la plupart des cas rectangulaire, agit comme une barrière au champ optique en délimitant une fenêtre qui concentre le regard sur un espace visuel précis. »28

Les limites du cadre permettent de mettre en valeur un élément. Le vide dans ce cas précis est le seuil. On transforme le vide en une œuvre comme dans une assiette. N- Une soirée au Pré Catalan de Henri Gervex Musée Carnavalet

Pour qu’il y ait plaisirs de la table, il faut qu’il y ait commensalité « c’est-àdire convivialité autour du repas. Le plaisir

de manger se découvre en partageant un repas en famille, entre amis ou entre convives choisis. Les modalités de la prise des repas en commun ont a évolué à travers les âges. »26. On

déguste tout en profitant d’un repas en famille. Les tables sont bien plus que des éléments servant de mise en scène des plats. Mise en relation avec l’espace, elles peuvent être le point de départ d’intention architecturale. De nombreux architectes s’intéressent à la question de spatialiser la table. Ce n’est plus question de mise en scène des plats mais mise une en scène du client dans un espace. Celui-ci ne recherche pas seulement d’être sustenté culinairement mais aussi visuellement en profitant d’une vue. Cela rappelle la volonté de l’architecte Pierre Yves Rochon pour le restaurant du Pré Catalan « de se

Mais le cadrage se retrouve à la fois dans l’assiette et dans l’espace. On cadre un met dans un plat comme on cadre un paysage. Pour le chef Sang Hoon Degeimbre du restaurant l’air du temps, la volonté d’offrir un repas dans le paysage a été l’objectif principal. En plus d’offrir un voyage culinaire des mets du chef, les clients sont projetés dans le paysage. Avant tout, le client vient pour déguster et aussi partager un moment important. C’est le principe même d’un repas gastronomique. Mais cette projection dans le paysage reste fictive car le visiteur admire la vue pendant qu’il dîne mais celui-ci ne se situe pas physiquement en extérieur. Le mobilier est dépouillé afin de laisser entrevoir le paysage. Certains chefs décident donc de faire voyager leurs convives en les installant face au paysage. La table et le paysage possède-t-il un lien étroit ?

trouver dans un endroit prodigieux, au grand air, dans le calme du bois de Boulogne ; y goûter à la cuisine d’un grand chef, tout en savourant l’architecture du lieu. » On ne savoure plus seulement ce que l’on a dans

l’assiette mais l’architecture et le paysage. Le paysage peut-être un moyen de spatialiser le repas gastronomique.

26

CASDEN, Plaisirs de la table en littérature, février 2016 p3

32

Larousse Faure Anne, « Le cadrage comme outil de perception : la villa Lemoîne de Rem Koolhaas. ». In Cinéma, architecture, dispositif, Elena Biserna et Precious Brown [sous la dir.], Campanotto Editore, 2011, 384 p. 27 28

33


b.1. Cadrage - La table qui renvoie au paysage

Le cadrage en architecture est fondé à partir de la notion de point de vue. Le point de vue unique vient à s’intéresser à un élément qui caractérise le paysage : montagne, mer, monuments, édifices remarquables, les champs... En prenant par exemple le restaurant Under de Snohetta qui est basé sur un cadrage unique sur la mer. La fenêtre est la seule ouverture sur l’extérieur. Les 4 parois (plafond, sol, et les deux murs) permettent de créer la sensation de profondeur et de cadrage sur la mer. Les visiteurs ne viennent pas en priorité pour la table mais pour profiter d’un spectacle aléatoire selon les marées et les poissons. Ils sont absorbés par le spectacle. «Under se développe sur trois niveaux. La lumière naturelle pénètre dans l’eau et arrive à l’intérieur du restaurant en recréant un merveilleux effet de lumière et ombre. Après le coucher du soleil, la lumière artificielle éclaire le fond marin en attirant les poissons vers la fenêtre» 29

CADRAGE SUR LES CUISINES VAPIANO

RESTAURANT DE MICHEL BRAS

r

Restaurant Under – Snohetta

4 Plans et cadrage vitré

Le restaurant a été travaillé en fonction de l’eau, de la faune et de sa lumière. Le premier plan correspond à la table et l’assiette, le second plan reste le paysage aquatique à l’arrière de la vitre. Tout comme dans le restaurant du chef Bra, la volonté que la table renvoie au paysage a été au cœur même du projet architectural. Il souhaitait un jeu de plan : plan sur l’assiette en premier, puis sur le paysage et enfin sur l’arrière-plan qui sont les collines. On retrouve donc le paysage dans l’assiette avec son Gargouillou inspiré de sa campagne locale que l’on voit par la fenêtre. Le plat est la projection de ce que l’on voit dehors. Enfin, la maison de thé de Boa Nova (Portugal) réalisée par Alvaro Siza est un projet de restauration qui projette le client dans le paysage. La toiture qui s’avance dans le paysage protège les clients du soleil et donne cette continuité vers la mer. La table devient donc paysage. Il n’y a plus de barrière physique entre l’homme, la table et l’espace (le paysage). Ce qui génère le cadrage sont les deux plans que constituent le toit et le sol : cadrage horizontal. « A casa do cha da Boa Nova é muito mais do que um restaurante. Aqui, a intimidade com o oceano, desperta os sentidos »30 du chef étoilé Michelin Rui Paula

Pour le chef Rui Paula, la proximité de la mer permet de décupler les sens et de projeter le client dans la mer à la fois gustativement et physiquement. Le cadrage horizontal renforce la promiscuité avec l’océan Atlantique.

Restaurant Michel Bra

"Uma refeição deve ser uma experiência sensorial e cultural, em que o ambiente do restaurante, bem como o contexto paisagístico, desempenham um papel importante”. 31 Du chef étoilé Rui Paula

L’environnement du restaurant peut servir de point de départ à la création de sensations. Cela me rappelle le restaurant le 5 à Saint Malo ou le cadre bandeau donne l’impression de déguster les plats devant un tableau mouvant. Le 360 degré offre une expérience d’être dans le paysage. Certains architectes vont bien plus loin en offrant l’expérience sensorielle d’être immergé entièrement dans le paysage sans cadre visuel : hors cadre. Idealworks, Under - Le restaurant sous l’eau de Snohetta Traduction « La mer à la table, la Boa Nova Tea House est bien plus qu’un restaurant. Ici l’intimité avec l’océan éveille les sens »30 du chef étoilé Michelin Rui Paula 29

30

Restaurant Casa do Cha – Alvaro Siza

Traduction « Un repas doit être une expérience sensorielle et culturelle, dans laquelle l'atmosphère du restaurant ainsi que le contexte paysager jouent un rôle important. » du chef étoilé Rui Paula 31

2 Plans sans vitrage O- Typologie de cadrage

34

35


b.2. Hors cadre – La Table paysage

Le hors cadre en architecture est une question qui a beaucoup animé les arts depuis le XIXème siècle. En passant par Piet Mondrian et Théo Van Doesburg souhaitant la dissolution de l’architecture et de la peinture dans son environnement. La dissolution de l’angle afin d’offrir plusieurs points de vue et non un point de vue précis est au centre de la recherche des architectes jusqu’à nos jours. « Frank Lloyd Wright avec sa destruction de la boîte par la dissolution de l’angle pour ancrer ses bâtiments dans le paysage proche et lointain définit une portion de l’espace comme une sorte d’évènement particulier dans l’espace infini »32

les architectes font disparaître le point de vue fixe ainsi que le mobilier et les limites entre l’intérieur et l’extérieur. Le visiteur est déconcerté au point de ne plus savoir s’il est à l’intérieur du restaurant ou à l’extérieur. Le plafond en verre accentue cet effet d’ouverture au ciel et au paysage environnant. La porosité entre les arbres qui entre à l’intérieur de l’espace et le mobilier en verre offrent un spectacle différent à son visiteur. Le client déjeune dans la nature et la dématérialisation de la table concentre le regard sur le plat. Enfin, l’architecture me parait déconcertante car elle donne l’impression d’un infini au cœur du paysage. Les architectes RCR viennent cadrer le ciel, le paysage et offre une architecture tridimensionnelle à plusieurs points de vu.

Par la recherche de la décomposition de la boîte, Frank Lloyd Wright efface le cadre. Il cherche à supprimer l’intervalle entre l’intérieur et l’extérieur et à privilégier des diagonales afin de créer des diagonales et une continuité spatiale. On aboutit à une multitude de points de vues et non à un point de vue unique. Cette dissolution du cadre va intervenir dans la création du plan libre. Sans expliciter le plan libre qui n’est pas le sujet d’intervention de mon mémoire, je vais expliquer en quoi il va intervenir dans le prochain exemple et en quoi il a servi à développer une nouvelle spatialisation du repas gastronomique. « J’ai abandonné le principe habituel de fermeture de l’espace : à la place de pièces distinctes, j’ai recherché une suite d’effets d’espace. La paroi perd ici son caractère de fermeture et ne sert plus qu’à l’articulation de l’organisme de la maison […] on prend la mesure d’un espace universel, continu, ininterrompu entre intérieur et extérieur »33

Ces propos de Mies Van der Rohe en parlant de la maison de campagne en brique abstraite témoigne de la recherche d’un espace ouvert et continu avec le paysage. De nombreux architectes recherchent cet effet de sortir du cadre voire même la suppression d’éléments architecturaux visibles après l’intervention de Mies Van der Rohe. Offrir une expérience culinaire différente de celle que l’on connaissait auparavant dans la restauration est au cœur de la réflexion architecturale actuelle. Pour le groupe d’architecture RCR, avec le restaurant les cols Olot, le but a été de créer un espace semi-ouvert qui s’inspire des pique-niques traditionnels en famille ou entre amis en extérieur d’une époque révolue. Les architectes l’expriment de cette manière : « Living a celebration. A gathering for an event which evokes time, outdoor living, the culinary arts, the essential and the future. »34

Leur souhait est de faire sortir le client tout en étant en intérieur et de leur donner l’impression de déjeuner en pleine nature. D’un espace intime, ils en ont fait un espace universel. Pour cela,

VON MEISS Pierre, De la forme au lieu + de la tectonique: une introduction à l’étude de l’architecture, presse polytechniques et universitaires romandes, septembre 2012, p124

32

P- Restaurant les Cols d’Olot de RCR

LUCAN Jacques, Composition et non composition, architectures et théories, XIXè - XXè siècle, éditions Presses Polytechniques Romandes, p392

33 34

Traduction The Pritzker Price, Rafael Aranda, Carme Pigem and Ramon Vilalta, p15«Vivre une célébration. Un rassemblement pour un événement qui évoque le temps, la vie en plein air, les arts culinaires, l'essentiel et l'avenir. »34

36

37


D’autres cuisiniers vont bien plus loin afin d’offrir une expérience hors du commun : de déjeuner dans les airs. Le groupe Dining in the sky plonge leurs clients à 50m au-dessus du vide de capitales ou à proximité de grands monuments. Le repas est une expérience culinaire, physique et visuelle qui décuple les sens. Cela reste de l’ordre de la table spectacle que j’expliquais précédemment. La table sur laquelle les convives mangent est à la fois le lieu de la dégustation et la table de cuisson. Il n’y a plus aucune barrière physique et visuelle. Il n’y a plus d’architecture… Quand la nature devient architecture …

Depuis 300 ans, la grotte de Palazzese abrite de grands banquets et fêtes. L’aquarelle de Jean Louis Desprez démontre cette tradition en 1783. Pour y accéder, il faut descendre un petit escalier creusé dans la roche qui permet d’arriver à la cavité. Le charme de la pierre, de la lumière et de la mer en fait un lieu exceptionnel qui accueille les gourmands des 4 coins du monde. Le chef Felice Sgarra a repris cette grotte afin de perpétuer la tradition gastronomique. Il a créé un restaurant gastronomique à l’emplacement même de ces grands banquets sans construire d’architecture. La grotte est une architecture, la nature devient architecture. Pour ce chef, la quête du beau visuellement est important pour sublimer le bon. Le client est projeté dans la mer à la fois visuellement et dans l’assiette. Ce qui importe, c’est la gastronomie et l’émotion spatial que confère le lieu. Cela me rappelle une phrase du chef franco-colombien Juan Arbelaez qui dit « on cuisine, on goute et on partage », pour lui, le repas est le partage d’une émotion. La cuisine est un véritable partage de l’assiette à l’espace environnant. L’émotion est à la fois culinaire dans l’assiette, physique avec ceux qui nous entoure et spatiale.

Q-Photo de la table paysage à 50m du sol prise par Dining in the sky

R- Photo de la grotte de Palazzese ou qaund la nature devient architecture

38

39


c. Emotion culinaire et Spatiale " En pâtisserie comme dans l'architecture, le maître mot est Emotion. Il faut savoir faire naître cette émotion chez le commanditaire pour lancer le projet pour l'architecte qui, comme le pâtissier doit prendre en compte les goûts et les envies de son client pour répondre à ses attentes. Il faut sans cesse faire preuve d'inventivité pour satisfaire les nouvelles aspirations des clients et se remettre, sans cesse, en question." 35

L’architecture est un vecteur d’émotion tout comme la gastronomie. Ces deux arts offrent une perception synesthésique du repas. Les chefs l’ont bien compris et ont commencé à l’intégrer à leur restaurant. Les clients souhaitent être subjugués par le lieu dans lequel ils vont déguster les mets et recherchent une expérience physique. « Un restaurant, ce n’est pas que l’assiette. Loin de là. C’est aujourd’hui une expérience globale, du sol au plafond, de l’entrée aux toilettes, cuisine et service compris. Le restaurant est donc aussi une architecture »36

L’espace joue un rôle prépondérant dans l’émotion culinaire. A travers 3 typologies d’espaces gastronomiques que j’ai cernés, je vais démontrer l’action de l’architecture sur nos sens lors de la dégustation de mets et comment l’esthétique du restaurant peut refléter la cuisine du son chef. J’ai distingué trois types d’espace : l’espace compressé, l’espace en tension et l’espace intime et intérieur.

partager l’espace en secteurs plus ou moins intimes en y introduisant des volumes avec une morphologie fluide. Ces éléments organiques sont comme des cocons ou nid qui créer une intériorité, ce qui renvoie à l’idée de l’estomac. Cela peut être l’image d’ingérer le client et de lui offrir une expérience culinaire différente de ce qu’il connaissait auparavant. Chez Macfarlane, l’unité de rouge du sol au plafond en passant par les meubles est un choix de créer un tout. Le principe de Macfarlane c’est la boîte dans la boîte. Englober un espace dans uns second espace. Il peut à la fois créer un monde physique en englobant le visiteur. Cette troisième typologie d’espace démontre comment l’architecture peut faire voyager le visiteur dans un autre monde : le monde de l’intime. L’architecture et la gastronomie procurent un plaisir de tous les sens. On peut dire que pour faire une architecture culinaire du sensible, il faut travailler l’ambiance et l’atmosphère du lieu. Pour Peter Zumthor, l’atmosphère est ce qu’il le touche le plus en lui procurant le sentiment de beauté et d’émotion. « J’entre dans le bâtiment, je vois un espace, je perçois l’atmosphère et, en une fraction de seconde, j’ai la sensation de ce qui est là […] L’atmosphère agit sur notre perception émotionnelle »37

L’atmosphère du lieu qu’elle soit chaleureuse, froide, lumineuse, en tension, en compression, intime, impersonnelle agit sur le client sur la perception des sens lors de la dégustation des mets.

« Un lieu ancré dans un terroir, une fenêtre ouverte sur le monde... »

Voici comment Sang Hoon définit son établissement. Une cuisine de proximité ouverte sur sa campagne profonde. A partir de cette volonté, l’architecte a cherché à se rapprocher le plus possible de la cuisine de son client qui se veut floral et de proximité. Par conséquent, celui-ci a placé la salle de réception de manière à ce que les clients soient face au paysage donnant l’impression de passer de la table au jardin. Il a souhaité un espace qui incite au silence par le biais de matériaux feutré (moquette, peinture chaude, cire). Mais la pièce maîtresse du lieu est pour moi le plafond cuivré qui effleure les papilles des clients et les plonge dans un monde enivrant. Il agit comme une interface physique dans la dégustation des mets en compressant l’espace. Le sol et le plafond agissent comme deux aimants sur le client. Cette compression procure la sensation d’intimité. Les jeux d’ombre et de lumière de la sous face créer un monde à part : un instant figé dans le temps.

S- Typologie d’espace de salle de réception

L’architecte Patrick Bouchain pour le dernier restaurant de la maison Troisgros a joué sur l’idée de l’espace en tension en faisant rentrer la nature toute entière dans le lieu de réception. A l’inverse de cadrer l’espace et de projeter le client vers l’extérieur, l’architecte a souhaité que cette nature intéragissent avec le client. Les tables ont par conséquent eté disséminées entre les fûts, se laissent apercevoir, s’abritant au pied des piliers d’acier plié qui soutiennent le toit. La lumière a été pensé comme des oiseaux venant de la cime des arbres. Les interférences entre les différents pilliers créer un microscosmos : une forêt gourmande. La simplicité de l’espace rejoint ce que l’on retrouve dans la cuisine des chefs Troisgros. Enfin, le restaurant « Le Georges » au centre Pompidou des architectes Dominique Jakob & Brendan MacFarlane a été pensé en contradiction avec le lieu qui l’abrite. Le concept a été de

Restaurant l’air du temps

Restaurant Trois Gros Patrick Bouchain

Restaurant Le Georges Dominique Jacob

PERSPECTIVE N°25, De Monaco à Saint Tropez, Dénominateur commun entre l’art culinaire et l’architecture ?,2017, p63 36 PINAY REBAROUST Frank, « Les principaux architectes et décorateurs de restaurants en France », Atabula 5 octobre 2017 37 ZUMTHOR Peter, Atmosphères, Birkhaüser Verlag, 2008, p 11 à 13 35

40

37

41


Fig1. Aquarelle de Paul Limona Fig3. Photo ntérieur du restaurant

Fig2. Plan du restaurant Enigma de RCR RDC

D’autre architectes vont bien plus loin en créant tout un univers de dégustation du sol au plafond en passant par la création d’un parcours déambulation culinaire et olfactif. Ils souhaitent créer une atmosphère propice à ce voyage ponctué de dégustation. C’est le pari du restaurant Enigma du groupe d’architectes RCR qui ont créé un voyage immersif. Le projet a été pensé à partir des aquarelles de l’architecte Paul Limona que l’on retrouve du sol, sur les meubles au plafond. Le chef a souhaité créer une atmosphère ayant la force de captiver ses convives. L’intérieur se devait de refléter la cuisine du chef Albert Adria si innovatrice. Le parcours culinaire commence dès la porte d'entrée du restaurant qui s'ouvre lorsque les convives tapent un code donné lorsqu'ils ont confirmé leur réservation. Rien n’indique la porte d’entrée du lieu à part un néon blanc. Et le voyage labyrinthique d’une durée minimum de 3h30 est composé de 7 pièces. Le plafond en maille métallique donne l’impression d’avoir la tête dans les nuages et le dessin d’aquarelle omniprésent plonge les convives dans l’univers culinaire du chef. Laissant entrevoir les cuisines en transparence depuis la place des convives, le restaurant est un exemple où l’espace devient tout aussi important que le plat que va déguster les invités de l’espace d’accueil jusqu’aux toilettes.

T- Restaurant Enigma RCR Le restaurant répond au concept d’«eatertainment » qui vient de la contraction des termes anglais « eat » qui veut dire manger et « entertainment » qui veut dire divertissement. Il réunit le spectacle, le visuel, le goût, le voyage culinaire et l’émotion. Les architectes ont cherché à créer un monde à part qui est pour moi polysensoriel. C’est « le mot d’ordre en matière de distribution

du point de vente, la stimulation sensorielle des consommateurs par l’action sur tout ou parties des variables d’ambiance de l’environnement marchand »38. Pour moi, ce show commence dans l’assiette et se

poursuit dans l’espace. C’est la transformation d’un dîner en divertissement pour les sens. On vend plus qu’un repas, on vend un spectacle culinaire. Nous sommes dans la recherche de création d’un concept immersif.

L’architecture est une expérience qui se vit et se parcours. L’architecture culinaire est régie par une temporalité du service, par la déambulation des convives au sein de l’établissement et le travail des cuisiniers en cuisine. De nombreux chefs recherchent maintenant à faire rentrer leurs clients dans leur univers immersif par le biais de l’architecture.

Cette approche holistique fait voyager les papilles et les sens des fins gourmets. On peut dire que pour ce restaurant, l’architecture est le théâtre de la gastronomie en procurant de l’émotion. BERTHELOT Pierre, « « Du Bruit dans la Cuisine » : L’apport de la muséologie pour penser une scénographie marchande autour de la gastronomie », Cultures et Musées, année 2009, p91-114 38

42

43


Le Chef étoilé Paco Roncero qui a été le précurseur de la cuisine moléculaire a créé une salle de restaurant de 9 places sur le principe d’un show gastronomique à Ibiza. Son parcours professionnel est marqué par sa passion de la technologie. Il a souhaité mêler ses deux passions au sein de son projet qu’il a appelé le « Sublimotion ». Durant le repas gastronomique, les convives sont amenés à voyager par le biais de diffusion et de variation d’humidité, de plats vibrants, d’envolées de papillons lumineux, de parfums, d’éclairages, d’un environnement audiovisuel immersif… La table peut devenir aussi assiette et écran. Des cuisiniers viennent cuisiner sur la table comme si les convives voyaient l’envers du décor. Comme le chef le dévoile dans sa vidéo promotionnelle, « Two years of intense, hard, work along with the cooperation of professionals from different sectors as chefs, designers, engineers, illusionists, set designers, architects, choreographers and screenwriters, achieved the merger of haute cuisine gastronomy and the most breakthrough technology with an unprecedented staging, becoming thus a new stagecraft. This is the first gastronomic show in the world. » 39 Ce chef a collaboré avec des corps de métiers que l’on ne retrouve jamais dans la restauration traditionnelle : illusionniste, chorégraphe, de scénaristes, machinistes… Tous ces corps de métiers se retrouvent dans un théâtre ou au cinéma pour réaliser une scénographie mais pas en cuisine.

Fig1.

Fig2.

Fig3.

Fig4.

Nous sommes dans une scénographie marchande et plus dans un simple partage culinaire entre convives. Les spectateurs sont plongés dans un monde qui dévie le sens premier de l’acte de manger et de partage d’un repas en discutant. Les stimuli en constante évolution sont destinés à tromper l'esprit et à exacerber les cinq sens alors que les invités se lancent dans un voyage de 20 parcours à travers le monde, du fond de l'océan aux profondeurs de l'espace. C’est l’extrême de l’acte de manger. Il n’y a plus d’espace ouvert sur l’extérieur mais une simple boîte blanche dans laquelle on projette des images sur la table et les murs. C’est selon moi un voyage immersif mais qui peut nous conduire à poser la question suivante la gastronomie n’estelle pas en voit de disparaître du moins dans sa pratique jusqu’ici reconnue ? Les convives assistent à un spectacle culinaire qui peut détourner le regard premier de l’assiette. Serons-nous amener à voir ces procédés se développer prochainement et voir la disparition petite à petit de l’architecture dans la gastronomie ? Tous cette machinerie et ces métiers de l’audiovisuel sontils réellement indispensables à cette nouvelle expérience ? La dégustation d’un met n’est-elle pas suffisante à elle-seule de provoquer des émotions polysensorielles ?

39 SUBLIMOTION 2015 – Paco Roncero, 1’43 « Deux ans de travail intense et dur avec la coopération de professionnels de différents secteurs en tant que chefs, designers, ingénieurs, illusionnistes, scénographes, architectes, chorégraphes et scénaristes, ont réussi à fusionner la gastronomie de la haute cuisine et la technologie la plus révolutionnaire avec une technologie sans précédent. mise en scène, devenant ainsi une nouvelle mise en scène. Il s'agit du premier show gastronomique au monde. »

44

U- Les différentes ambiances du show gastronomique « Sublimotion »

Fig1. Réalisation du plat à table sous les yeux des convives, un chef par convive Fig2. Ambiance Nordique et table lumineuse qui projette la banquise Fig3. Ambiance sous l’océan avec projection Fig4. Utilisation de la VR pour dérouter le convive La madeleine

45


CONCLUSION En quoi la spatialisation du repas gastronomique influence-t-il notre comportement de l’assiette à l’espace qui nous entoure ? Le repas gastronomique français est devenu en 2010 patrimoine immatériel de l’UNESCO. Il est avant tout associé à l’idée de partage et de rituel du « bien manger » et du « bien boire ». La gastronomie va connaître un tournant artistique à partir du XIXème siècle et des chefs précurseurs tels que Marie Antoine Carême et Jules Gouffé (cuisinier de l’empereur) vont intégrer à la gastronomie la notion d’architecture. Ils vont surtout introduire la notion du « beau » et du « bon » en cuisine : l’art de manger avec les yeux. L’architecture et la cuisine se rencontrent souvent à table. Du dessin qui fait naître l’idée d’un plat à sa réalisation qui le spatialise dans l’espace au dressage, tout est question de goût et de beau. « Dresser une assiette » revient à organiser des éléments dans l'espace en suivant certains principes », la discipline n’est donc pas si éloignée de l'architecture. Du choix de l’assiette au dressage des éléments dans le plat, le cuisinier cherche à raconter une histoire en créant une composition presque picturale comme on composerait un édifice. Notre regard est influencé par le contenu et le contenant. La composition culinaire et architecturale possède les mêmes codes graphiques et s’inspire l’un-l’autre comme en témoigne les comparaisons entre les édifices architecturaux et les créations de la pâtissière Dinara Kasko. L’ingestion de cette peinture à manger la spatialise sur le moment. L’assiette représente l’image du monde mais aussi un micro cosmos gustatif. On aurait alors un enchâssement d’échelles qui rappelle les propos de Roland Barthes sur le fait qu’il existe un étagement « l’homme, la table, l’univers ». De l’assiette à l’espace, l’élément principal intrinsèque qui spatialise et compose le repas reste la table. C’est à table que l’acte de manger prend tout son sens dans la gastronomie française. A travers 4 typologies de table, on s’aperçoit que le rapport du repas entre les hommes est totalement différent (de la table qui rassemble à la table objet en passant par la table spectacle et la table qui exclue) et que l’ambiance et le paysage jouent un rôle essentiel sur nos sens. Les tables sont bien plus que des éléments servant de mise en scène des plats. Mise en relation avec l’espace extérieur, elles peuvent être le point de départ d’intention architecturale. On ne savoure plus seulement ce que l’on a dans l’assiette mais l’architecture et le paysage. Le paysage peutêtre un moyen de spatialiser le repas gastronomique. De l’expression du cadrage sur le paysage au hors cadre, la promesse des cuisiniers et de faire vivre une expérience au client. Soit en le projetant dans le paysage, soit en intégrant la nature au sein de la salle de réception ou carrément en supprimant l’architecture. Ce qui intéresse les chefs, c’est le partage de la sensibilité de leur cuisine à travers l’espace de réception et la création d’une émotion. Le contexte paysager joue un rôle important dans l’expérience sensorielle et culturelle. L’atmosphère que confère le lieu joue sur le comportement de l’homme lors de la dégustation des mets. Que la forme de l’espace soit compressif, en tension ou en cocon, chacun raconte une histoire à son visiteur. On peut dire que l’architecture est le « théâtre de la gastronomie » et qu’elle possède un pouvoir émotionnel sur les convives.

46

47


Plonger le client dans son monde culinaire, ne serait-ce pas le rêve de tout cuisinier ? Un rêve gustatif et architectural que de nombreux architectes essayent de développer. C’est le pari de ce groupe d’architectes qui souhaite dérouter ses clients afin de les sortir de leur quotidien et leur offrir une expérience culinaire unique. Le projet RCR Enigma et le Sublimotion de Paco Roncero ne serait-ce pas l’extrême de la spatialisation du repas gastronomique du XXIè siècle ? Verrons-nous à l’avenir ces procédés se développer quitte à voir disparaître l’architecture et se fondre totalement dans l’expérience culinaire ? Ne serait-ce pas une vision extrême du repas gastronomique ? Est-ce que tous ces efforts déployés par le « sublimotion » ne sont-ils pas un peu vains ? N’aboutirait-on pas à une sorte de prêt à imaginer, prêt à penser, prêt à vivre, pré-formaté ce qui supprimerait tout imprévus et réalité ? Toutes impressions polysensorielles provoquées avec autant de dépenses et d’appareillages techniques ne peuvent-elles pas surgir d’elles mêmes lors de la dégustation d’une seule bouchée, d’une seule gorgée, à une heure précise dans un cadre voire une architecture précise, avec une compagnie précise ? Ne préférerons-nous pas privilégier l’instant présent et se remémorer un souvenir agréable de madeleine en partageant un simple repas en famille ?

I

l y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n'était pas le théâtre et le drame de mon coucher, n'existait plus pour moi, quand un jour d'hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j'avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d'abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d'une coquille de Saint- Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d'un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir un morceau de madeleine. Mais à l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m'avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférente, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu'opère l'amour, en me remplissant d'une essence précieuse : ou plutôt cette essence n'était pas en moi, elle était moi. J'avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D'où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu'elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu'elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D'où venait-elle ? Que signifiait-elle ? Où l’appréhender ? (…) Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu. Ce goût c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents; peut-être parce que de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé; les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel, sous son plissage sévère et dévot - s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir. Et dès que j'eus reconnu le goût du morceau de madeleine trempé dans le tilleul que me donnait ma tante (quoique je ne susse pas encore et dusse remettre à bien plus tard de découvrir pourquoi ce souvenir me rendait si heureux), aussitôt la vieille maison grise sur la rue, où était sa chambre, vint comme un décor de théâtre s'appliquer au petit pavillon, donnant sur le jardin, qu'on avait construit pour mes parents sur ses derrières (ce pan tronqué que seul j'avais revu jusque-là) ; et avec la maison, la ville, depuis le matin jusqu'au soir et par tous les temps, la Place où on m'envoyait avant déjeuner, les rues où j'allais faire des courses, les chemins qu'on prenait si le temps était beau. Et comme dans ce jeu où les Japonais s'amusent à tremper dans un bol de porcelaine rempli d'eau, de petits morceaux de papier jusque-là indistincts qui, à peine y sont-ils plongés s'étirent, se contournent, se colorent, se différencient, deviennent des fleurs, des maisons, des personnages consistants et reconnaissables, de même maintenant toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M. Swann, et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village et leurs petits logis et l'église et tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé. » PROUST Marcel, Du côté de chez Swann, GF Flammarion, Paris, 1987, p. 140-145

C’est à partir de ce même moment intime que je décris en introduction qui m’a poussé à écrire ce mémoire. Le goût est intimement lié à l’architecture puisqu’on a l’habitude d’associer ce que l’on mange à une ambiance, un lieu, un environnement, un souvenir, un simple moment en bonne compagnie.

48

49


BIBLIOGRAPHIE -

-

50

BARTHES Roland, l’Empire des Signes, Points, 1970, 176p BERTHELOT Pierre, « « Du Bruit dans la Cuisine » : L’apport de la muséologie pour penser une scénographie marchande autour de la gastronomie », Cultures et Musées, année 2009, p91-114 BLAU Eve, Discours pour la céremonie du Pritzker Price de SANAA - Kazuyo Sejima and Ryue Nishizawa, 2010 BRILLAT- SAVARIN Anthelme, Physiologie du goût avec une lecture de Roland Barthes, collection savoir, 1981 CAREME Anthonin, Le cuisinier parisien : ou l'art de la cuisine française au dixneuvième siècle – Traité élémentaire et pratique des entrées froides, des socles et de l’entremet de sucre, suivi d’observations utilesaux progrès de ces deux parties de la cuisine moderne, Bossange père, 1828 CAREME Anthonin et FAYOT Charles Frederic Alfred, Le pâtissier pittoresque, imprimé aux presses mécaniques Paul Renouard, 1842 CASDEN, Plaisirs de la table en littérature, février 2016 CEMEA Pays de Loire, Psychologie et Développement de l’enfant, les dossiers de l’INFOP CHEYER Lucie, A la rencontre de Patrick Bouchain, l’architecte du goût, Vice, 18 avril 2016 CSERSGO Julia, L’art culinaire ou l’insaisissable beauté d’un art qui se dérobe, Société et représentations 2012/2, pages 13 à 26 DUMAS Alexandre, Grand Dictionnaire de la Cuisine, Phébus, novembre 2000 Faure Anne, « Le cadrage comme outil de perception : la villa Lemoîne de Rem Koolhaas. ». In Cinéma, architecture, dispositif, Elena Biserna et Precious Brown [sous la dir.], Campanotto Editore, 2011, 384 p. GALERIE LAFAYETTE, Exposition des croquis de Pierre Hermé, 4 au 30 avril 2012 GASQUET Lawrence, « Gastronomie & Maniérisme :L’Art de Manger avec les Yeux en France à partir du XVIIIème siècle », Transtext(e)s Transcultures, 10 | 2015, mis en ligne le 22 juin 2016, consulté le 28 novembre 2019. Gené JP, « Paris Tokyo d’un coup de baguettes », Propos du chef Thierry Marx, Le Monde, 25 novembre 2011 JACOB Valérie, La table au Moyen Age, 20 octobre 2006 LARRE Clément, L’esthétique dans l’art Culinaire, Université de Toulouse – Jean Jaures, Insitut Supérieur du Tourisme, de l’hôtellerie et de l’alimentation, 2015. LUCAN Jacques, Composition et non composition, architectures et théories, XIXè XXè siècle, éditions Presses Polytechniques Romandes, p392 MEYZIE Philippe, PÉTUAUD-LÉTANG Michel, XIRADAKIS Jean-Pierre « Architecture et cuisine : une histoire comparée ? », Agora Biennale de Bordeaux, vendredi 22 septembre 2017 NGUYEN PHUOC Wil, Architecture et Art culinaire… un processus commun ? Faculté d’Architecture La Cambre Horta, 2012-2013 PERSPECTIVE N°25, De Monaco à Saint Tropez, Dénominateur commun entre l’art culinaire et l’architecture ?, p62-63 PINAY REBAROUST Frank, Les principaux architectes et décorateurs de restaurants en France , Atabula 5 octobre 2017

51


-

PRADO COELHO Alexandra, Os sons da rebentação, segundo Avillez, journal portugais publico, 2 mars 2013 VIGNERON Anais, Le cadrage, Studio Depollier, ENSAG, 2015-2016 VON MEISS Pierre, De la forme au lieu + de la tectonique: une introduction à l’étude de l’architecture, presse polytechniques et universitaires romandes, septembre 2012, p124 WHESTPHAL David, Antonin Careme fait une révolution des palais, Le Parisien, 6 septembre 2016 Universalis Wikipédia, Art Culinaire, Assiette, Gastronomie ZUMTHOR Peter, Atmosphères, Birkhaüser Verlag, 2008, p 11 à 13

A lire : - BRETILLOT Marc – Design Culinaire - BALZAC Filmographie -

-

AGORA BIENNALE DE BORDEAUX, MEYZIE Philippe, PÉTUAUD-LÉTANG Michel, XIRADAKIS Jean-Pierre « Architecture et cuisine : une histoire comparée ? », vendredi 22 septembre 2017, 35’21 https://www.youtube.com/watch?v=Mo9lneOeiDw LACOSTE Paul, Entre les bras - Le Gargouillou du 28 mai, 90’ https://www.dailymotion.com/video/xoyqwg France Televisions, Reportage : « Des Racines et des Ailes – La Tour Eiffel 130 ans », présentation Carole Gaessler Mercredi 18 septembre 2019 à 21h05, propos de Frédéric Anton, chef étoilé du restaurant le Jules Verne. SUBLIMOTION 2015 – Paco Roncero, 1’43 https://www.youtube.com/watch?v=E-dFKz55xlM

Exposition : - Gastronomie médiévale à la BNF - « Je mange donc je suis » exposition au musée de l’Homme à Paris

52

53


ICONOGRAPHIE H- Comparaison d’une création de Dinara Kasko et du stade de Pékin de Herzog et

PAGE DE COUVERTURE : Image de fond issue du restaurant de l’Opéra Garnier de Rolland Halbe (Réinterprétation par Vincent TALON d’après une image mère de Rolland Halbe)

de Meuron p Fig 1. Création de Dinara Kasko prise par la chef sur son compte personnel. Fig 2.Image du stage de pékin Herzog et de Meuron

https://www.archdaily.com/476883/the-opera-garnier-restaurant-studio-odiledecq/52fcf058e8e44e3cd00000d2-the-opera-garnier-restaurant-studio-odile-decqphoto?next_project=no

https://dicodusport.fr/blog/nid-doiseau-de-pekin/

A- Illustration de 4 gâteaux architecturaux issue du livre de CAREME Anthonin et

FAYOT Charles Frederic Alfred, Le pâtissier pittoresque, imprimé aux presses mécaniques Paul Renouard, 1842 fig1. Cascade de Rome Antique, Vue 42, planche 81 fig2. Un ermitage russe, vue 51, planche 64 fig3. Le pavillon chinois, vue 43, planche 25 fig4. Le pavillon gothique de 44 colonnes, vue 42, planche 82

I-

Comparaison d’une création de Dinara Kasko et du toit de la philharmonie de Herzog et de Meuron à Hambourg p24 Fig1. Création de Dinara Kasko prise par la chef sur son compte personnel Fig2. Photo de la philharmonie de Hambourg prise par Michael Zapf pour le journal Paris Match 27/01/2017

J- Explication de la forme de la Cité du vin de XTU à partir du mouvement du vin

dans le verre p25 Fig1. Photo du mouvement du vin parcourant le verre http://rex-saintremy.com/oenologie-stages/ Fig2. Cité du Vin de Bordeaux

B- Photos de la confection du Baba infiniment citron du chef Pierre Hermé

http://www.influencia.net/fr/actualites/in,tendances,pierre-herme-architectepatisserie,2767.html

http://www.winetourinfrance.com/fr/blog/destinations-vignobles/la-cite-du-vin-abordeaux.html

C- Croquis préparatoire du Baba Infiniment citron de Pierre Hermé ressemblant

K- Image de bas-relief du Banquet à la treille, Bristsh Musuem issue des archives de la Sorbonne p27 https://sorbonnantique.wordpress.com/2017/09/25/le-banquet-durant-lantiquite-3/

aux esquisses de projet

http://lapassiondugout.com/rencontres/pierre-herme-le-plaisir-de-creer-du-plaisir/

L- L EVOLUTION DE LA TABLE DU BANQUET A NOS JOURS EN 4 PEINTURES CLES

D- Photo du plat Rebentacao du chef José Avillez prise par Vasco Celio

https://mesamarcada.blogs.sapo.pt/2013/03/15/

M- Typologies de table p31 E- Comparaison du plat signature du chef étoilé Michel Bra le Gargouillou au plan

Fig1. Photo de Times Out Market à Lisbonne prise par Gilles Pudlowski

du musée d'Art Contemporain de Kanazawa de SANAA. Fig1. Image de Plat Gargouillou du chef étoilé

http://www.gillespudlowski.com/229031/produits/lisbonne-au-marche-de-la-ribeira

Fig 2. Plan RDC du musée d’Art Contemporain de Kanazawa de SANAA http://stanislaschaillou.com/citx/ Fig 3. Interprétation des pleins et des vides du musée

Fig3. Photo du restaurant Vapiano avec la table autour d’un arbre

Fig2. Photo du restaurant la Felicita prise par Jérôme Galland

https://www.in-interiors.fr/wp-content/uploads/2019/04/La-Felicita%CC%80Cre%CC%81dit-photo-Je%CC%81ro%CC%82me-Galland-9-La-Felicita%CC%80.jpg

https://cuisineplurielle.com/archives/2017/09/29/gargouillou-a-la-maniere-de-michelbras/gargouillou-michel-bras-4/

https://www.vapiano.fr/

Fig4. Photo restaurant japonais Fig5. Photo de la table du chef Le Meurice

https://www.dorchestercollection.com/wp-content/uploads/Pairs-le-meurice-alain-ducassechef-table-1600x900.jpg

F- Chronophotographie de la composition du plat du Gargouillou issue du film de

LACOSTE Paul, Entre les bras - Le Gargouillou du 28 mai, 90’ https://www.dailymotion.com/video/xoyqwg

Fig6. Photo de la table personnelle dans les cuisines de Pierre Gagnaire d’Alex Doo https://www.tripadvisor.fr/LocationPhotoDirectLink-g187147-d719833-i159366573Pierre_Gagnaire-Paris_Ile_de_France.html

G- Exposition internationale des arts et techniques, Paris 1937 : concours

Fig7. Photo du restaurant de Macfarlane et Jakob prise par Nicolas Borel

international de pâtisserie, chef d'œuvre de pâtisserie réalisé par Henri Keller, médaille d'or

http://www.jakobmacfarlane.com/fr/project/georges-restaurant/

Fig8. Photo du restaurant de l’Opéra Garnier Odile Decq prise par Rolland Halbe

https://gallica.bnf.fr/blog/24042017/dans-les-pas-dantonin-careme?mode=desktop

https://www.archdaily.com/476883/the-opera-garnier-restaurant-studio-odiledecq/52fcf058e8e44e3cd00000d2-the-opera-garnier-restaurant-studio-odile-decqphoto?next_project=no

54

55


N- Peinture Une soirée au Pré Catalan de Henri Gervex issue des Archives du

Musée Carnavalet p.32

O- Typologie de cadrage p35

Fig1. Photo du restaurant Under Snohetta prise par Felix.M http://golem13.fr/under-le-premier-restaurant-sous-la-mer-vient-douvrir-ses-portes/ Fig2. Photo de la table au paysage de Michel Bras

https://archive.fortune.com/galleries/2007/fortune/0710/gallery.gallery_greatmeals_fortune.for tune/5.html Fig3. Photo Restaurant Casa do Cha d’Alvaro Siza https://www.casadechadaboanova.pt/fr/ P- Restaurant les cols d’Olot p37

Fig1-2-3. Images issues du restaurant les cols d’Olot, intérieur de la salle, extérieur et l’entre deux entre intérieur et extérieur https://thehardt.com/architecture/les-cols-restaurant-catalonia-by-rcr-architects/

Fig4. Coupe du restaurant les cols d’Olot des architectes RCR

Q- Photo de la table paysage à 50m du sol prise par Dining in the sky p39 https://www.dinnerinthesky.com/ R- Photo de la grotte de Palazzese ou qaund la nature devient architecture p39 https://www.grottapalazzese.it/home/ S- Typologie d’espace de salle de réception p41

Fig1. Croquis personnels Fig2. Photos restaurant l’air du temps par le meilleur restaurant de Belgique, l’Air du temps, ELLE, 22 octobre 2018 https://www.elle.be/fr/234092-le-meilleur-restaurant-de-belgique-lair-du-temps.html

Fig3. Photos restaurant Trois Gros de l’architecte Bouchain

https://www.grandes-cuisines.com/wpcontent/uploads/sites/5/2018/05/127_Page_43_Image_0002.jpg https://static.lexpress.fr/medias_11334/w_1000,c_fill,g_north/3425-nouveau-restaurant-demichel-troisgros-1_5803435.jpg

Fig4. Photos des cocons de Macfarlane et Jakob https://www.tripadvisor.fr/Restaurant_Review-g187147-d718009-Reviews-GeorgesParis_Ile_de_France.html#photos;aggregationId=101&albumid=101&filter=7&ff=381 822024 T- Restaurant Enigma RCR

Fig.1. Aquarelle de Paul Limona Fig2. Plan du restaurant RCR au res de chaussée Fig3. Photo Intérieur du restaurant

http://www.arquitecturaviva.com/en/Info/News/Details/10394

U- Les différentes ambiances du show gastronomique « Sublimotion »

https://i.pinimg.com/originals/f9/13/c7/f913c7cfc18ac94df44d686dff901274.jpg https://i.pinimg.com/originals/76/e5/95/76e595b6f2a0f6c9da505ead2919d893.jpg https://egyptindependent.com/not-just-food-these-restaurants-hit-all-five-senses/ 56

57


Le repas gastronomique français est devenu en 2010 patrimoine immatériel de l’UNESCO. Il est avant tout associé à l’idée de partage et de rituel du « bien manger » et du « bien boire ». L’art culinaire et l’architecture sont deux arts qui se rencontrent souvent à table. L’espace n’est pas seulement l’endroit où l’on se meut mais c’est aussi un moyen où l’on s’émeut. Les clients recherchent avant tout une expérience culinaire et physique lorsqu’ils poussent la porte d’un nouvel établissement. A travers une interprétation personnelle de la restauration, j’ai décelé les liens qui existaient entre l’assiette, la table et l’espace et j’en suis venu à me poser la question suivante : En quoi la spatialisation du repas gastronomique influence-t-il notre comportement de l’assiette à l’espace qui nous entoure ? ARCHITECTURE - GASTRONOMIQUE – EMOTION – ART CULINAIRE – ASSIETTE – TABLE - ESPACE

59


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.