Traverser la Manche - The French Connection

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traverser la Manche 1000 ans de relations anglo-normandes

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Archives départementales de Seine-Maritime

Remerciements

Ouvrage publié dans le cadre du projet Interreg Arch’ Expo à l’occasion des expositions « Traverser la Manche » et « The French Connection » présentées à Rouen (Pôle culturel Grammont ) et au Musée d’ Hastings d’octobre 2013 à janvier 2014.

Nous tenons à remercier les organisations et les personnes suivantes, sans lesquelles cette exposition n’aurait pas été possible.

East Sussex Record Office

Catalogue published as part of the Arch’ Expo project, in the framework of Interreg programme, for the exhibitions “Traverser la Manche” and “The French Connection” at Rouen (Grammont Cultural center) and at Hastings Museum from October 2013 to January 2014. Sous la direction de / Under the direction of

Vincent Maroteaux Conservateur général du patrimoine, directeur des Archives départementales de Seine-Maritime

General heritage curator and Director of departmental Archives of Seine-Maritime Elizabeth Hughes Directrice de l’East Sussex Record Office County archivist of East Sussex Commissaire exécutif / Executive curator Virginie Monnié Textes de / Texts from Vincent Maroteaux, Elizabeth Hughes, Susan Ward, Michaël Bloche, Fanny Reboul, Marie Blaise-Groult, Catherine Dehays, Christèle Potvin, Delphine Delarbre, Virginie Jourdain, Karine Blondel, Iman Semlali, Sandrine Sevestre. Photographies par / Photography by Didier Tragin, Eric Lévêque, David Calvert, Jenny Geering, Michael Hughes, Annick Monnié, Alison Stolwood, Thomas Swanborough-Nilson, Christopher Whittick. Atelier photographique des Archives nationales (pages 15 et 34) Graphisme et mise en page / Graphic design éditions Point de vues Imprimé en Union Européenne Printed in the European Union

© Département de Seine-Maritime – Direction des Archives départementales / East Sussex County Council ESRO, octobre 2013

Traverser la Manche

Acknowledgements

1000 ans de relations anglo-normandes

We acknowledge and thank the following organisations and individuals, without whom this exhibition would not have been possible.

The French Connection

Le Programme européen de coopération transfrontalière INTERREG IV A France (Manche) – Angleterre The European Cross-border Cooperation Programme INTERREG IV A France (Channel) – England

The Hastings Borough Council – Hastings Museum and Art Gallery Les prêteurs et contributeurs des deux expositions Lenders and contributors of the two exhibitions Les Archives nationales Le Musée départemental des Antiquités à Rouen La Bibliothèque municipale de Rouen Le Château-Musée de Dieppe Le Musée de la Faïence de Forges-les-Eaux Mesdames Catherine Dehays et Annick Monnié Messieurs Didier Groult et Alain Alexandre Editions (Alecto) Doomsday Limited Screen Archive South East BFI National Archive

The donors and depositors of archives at East Sussex Record Office, and in particular: The Ashburnham Estate Francis Brand, Viscount Hampden The estate of Kay Challoner Heringtons, solicitors, Battle Patrick Sayer esq. Wykeham-Hurford Sheppard & Son LLP, solicitors, Battle With thanks for additional information from the trustees of the estate of BG Awty. Les abréviations suivantes ont été utilisées The following abbreviations have been used

Sommaire • Summary

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Préface • Foreword..........................................................................................................................................................5 Introduction • Introduction..........................................................................................................................................7

Des territoires liés par l’histoire..................................................................................8 Lands linked by history

Les invasions scandinaves et la naissance du duché de Normandie• . .....................................................8 Scandinavian invasions and the birth of the Duchy of Normandy Les ducs-rois de Guillaume le Conquérant à 1204 • . ......................................................................................18 The duke-kings from William the Conqueror to 1204 Des liens qui perdurent • Continuing links.......................................................................................................30 La Guerre de Cent ans (1337-1453) • The Hundred Years War (1337-1453) . ..................................................35 Un refuge pour les protestants français • A refuge for French Protestants.............................................40 Vers le rapprochement • Moving closer together............................................................................................47

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Le développement commercial et industriel.......................................................................................... 58 Commercial and industrial development

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Développement touristique et influences culturelles.................................................90 Development of tourism and cultural influences

ADSM : Archives départementales de Seine-Maritime

BMR : Bibliothèque municipale de Rouen ESRO : East Sussex Record Office

HASMG : Hastings Museum and Art Gallery

Les ports et la circulation maritime • Ports and shipping.............................................................................58 Le développement du commerce • The development of trade....................................................................67 Le développement des forges dans l’East Sussex : un savoir-faire importé par les Normands The development of forges in East Sussex: skills imported by the Normans......................................74 La révolution industrielle et l’influence anglaise.............................................................................................78 The industrial revolution and the English influence Le développement du chemin de fer • The development of the railways.................................................84 La faïence anglaise • English earthenware........................................................................................................88

La liaison Transmanche et le développement du tourisme balnéaire . ....................................................90 The cross-Channel link and the development of seaside tourism Une culture anglo-normande ? • An Anglo-Norman culture?.....................................................................106 Anglophilie et anglomanie • Anglophilia and anglomania..........................................................................118

European Regional Development Fund The European Union, investing in your future

Fonds européen de développement régional L’Union européenne investit dans votre avenir

www.archexpo.net

The French Connection

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Préface

Foreword

Didier Marie Président du Département

Tourné vers la mer, le Département de Seine-Maritime a toujours eu des relations privilégiées avec les territoires du sud de l’Angleterre, de l’autre côté du « Channel », et notamment avec le Comté de l’East Sussex. Le Transmanche continue de faire vivre ce lien entre nos deux pays.

Liées par l’Histoire, nos deux collectivités ont souhaité, dès 2007, s’associer pour faire revivre ce passé commun. Dans cette optique, un fonds documentaire franco-anglais a été constitué, des supports pédagogiques ont été créés à l’attention des collégiens des deux rives et un site internet dédié et bilingue (www.archexpo.net) a été mis en ligne, permettant d’ouvrir au grand public les richesses des collections conservées en Seine-Maritime et dans l’East Sussex. Point d’orgue de cette collaboration transfrontalière, cette double exposition à Rouen et Hastings est le fruit d’un intense travail de recherche qui nous permet aujourd’hui de redécouvrir les pièces les plus emblématiques de ce millénaire d’Histoire et de relations nourries entre nos territoires, par-delà la mer. Une Histoire faite d’échanges humains, économiques, où les influences culturelles, faisant fi des frontières, ont largement contribué à façonner notre identité seinomarine.

En tant que Président de la collectivité chef de file du projet Arch’Expo, je me dois également de rendre hommage aux efforts déployés par l’Union européenne, qui ont contribué à faire aboutir ce beau projet. Parfois peu visibles, les fonds européens alloués au Département de Seine-Maritime (18 millions d’euros entre 2007 et 2013) n’en demeurent pas moins souvent décisifs dans la concrétisation de projets structurants portés par notre collectivité, au service de tous les habitants de notre territoire, dans des domaines très divers (transports, culture, économie, éducation, environnement...). Cultiver une mémoire partagée, c’est renforcer les liens qui nous unissent et se donner les moyens de puiser, dans la richesse de notre passé, dans la densité de notre parcours collectif, la force de tracer de nouvelles perspectives. Le Département de Seine-Maritime est pleinement engagé dans cette démarche, à travers ses trois sites - à Rouen et Darnétal - entièrement dédiés à la collecte, à la conservation, au classement et à la diffusion des archives, mais aussi par le biais des parcours de la Mémoire, proposés dans nos collèges dans le cadre du Contrat de réussite éducative départemental (CRED).

Becky Shaw Chief Executive, East Sussex County Council Facing the sea, the department of SeineMaritime has always had a special relationship with the territories of southern England, on the other side of «Channel», including the County of East Sussex.

The cross-Channel keeps this link alive between our two countries. Linked by history, our two communities have desired since 2007 to be partners to revive this common past. In this context, a Franco-British documentary fund was provided, training materials were created to the attention of college students on both sides and a dedicated bilingual Internet site (www.archexpo.net) is online for the public to discover wealth conserved in Seine-Maritime and East Sussex collections.

Culmination of this transfrontier collaboration, this double exhibition in Rouen and Hastings is the result of intensive research that enables us to rediscover the most iconic pieces of the millennium of history and relationships nurtured between our territories, beyond the sea. History made of human, economic exchanges, where cultural influences, ignoring borders, have greatly contributed to shaping our identity in Seine-Maritime. As President of the community and lead partner for Arch’ Expo project, I must also pay tribute to the efforts of the European Union, which helped lead to this wonderful project. Sometimes barely visible, the European funds allocated to the Department of SeineMaritime (18 million euros between 2007 and 2013) are nonetheless often decisive in the realization of development projects supported by our community, serving all residents of our territory, in a variety of areas (transport, culture, economy, education, environment, ... ).

With just the English Channel between them, East Sussex and Normandy have long had links, both hostile and peaceful. Some of those connections, such as the Norman Conquest at the Battle of Hastings and the First and Second World Wars, and are well-known. Others - such as the sheltering of religious refugees, piracy and smuggling, the exchange of ideas and the growth of the cross channel tourist industry - are perhaps less so. To these have been added the links provided by membership of the European Union, which has provided the opportunity and impetus for joint working between East Sussex and Seine-Maritime both on this project and in the future and to showcase both the historical links between the two counties and their fabulous archive collections. I am also delighted that on the English side of the Channel, the exhibition will be hosted by Hastings Museum, whose objects will complement the archives on display.

Many early East Sussex maps illustrate the county’s focus on the sea by placing South at the top of the map rather than at the bottom. For our ancestors, the Channel was more important than London and was a link, not a barrier. This project celebrates that link. May it long continue.

N’étant séparés que par la Manche, l’East Sussex et la Normandie ont depuis longtemps des liens, tantôt hostiles, tantôt pacifiques. Certaines de ces connexions, telles que la conquête normande lors de la bataille d’Hastings et les Première et Deuxième Guerres mondiales, sont bien connues. D’autres, telles que l’accueil des réfugiés religieux, la piraterie et la contrebande, l’échange d’idées et l’industrie touristique transmanche, le sont peut-être moins. À ces connexions se sont ajoutés les liens forgés par l’appartenance à l’Union européenne, offrant l’opportunité et l’élan nécessaires pour la collaboration entre l’East Sussex et la Seine-Maritime, sur ce projet et à l’avenir, et pour valoriser les liens historiques entre les deux régions et leurs fabuleuses collections d’archives. Je suis également ravie que l’exposition soit accueillie du côté anglais de la Manche par le Musée d’Hastings, dont les objets compléteront les archives exposées.

La valeur que le Comté attache à la mer est illustrée par de nombreuses cartes de l’East Sussex qui placent le sud en haut de la carte plutôt qu’en bas. Pour nos ancêtres, la Manche était plus importante que Londres et constituait un lien, non pas un obstacle. Ce projet célèbre ce lien. Nous lui souhaitons une longue continuation.

Cultivate a shared memory is strengthening the ties that bind us and the means to draw in the richness of our past, the density of our collective journey, the strength to draw new perspectives. The Department of SeineMaritime is fully committed in this process through its three sites - in Rouen and Darnetal completely dedicated to the collection, preservation, classification and dissemination of records, but also through the course of Memory available in our colleges under the Educational Success Departmental Agreement (CRED). I invite all people in Seine-Maritime to explore these two shows and «Crossing the Channel» !

J’invite donc tous les Seinomarins à partir à la découverte de ces deux expositions et à « Traverser la Manche » !

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The French Connection

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Introduction

Introduction

Vincent Maroteaux Directeur des Archives départementales de Seine-Maritime Elizabeth Hughes County Archivist of East Sussex Virginie Monnié Chargée de mission Arch’ Expo

Évoquant l’histoire des relations entre les deux territoires de la Seine-Maritime et de l’East Sussex, les expositions présentées au Pôle culturel Grammont à Rouen et au Musée de Hastings constituent le point d’orgue du projet européen de coopération transfrontalière « Arch’ Expo ». Financées dans le cadre du programme Interreg IVA France (Manche)-Angleterre 2007-2013, et complétées par un portail en ligne, elles sont l’aboutissement de plusieurs années d’échanges entre la Direction des Archives Départementales de Seine-Maritime et l’East Sussex Record Office.

Reflecting the history of relations between the two regions of Seine-Maritime and East Sussex, the exhibition at Grammont Cultural Centre in Rouen and Hastings Museum are the culmination of the European cross-border cooperation project ‘Arch Expo’. Funded under the Interreg IVA France (Channel)- England 2007-2013, and supplemented by an online portal, it is the achievement of several years of cooperation between the departmental archives of Seine-Maritime and East Sussex Record Office.

Au-delà du partenariat noué déjà, dans d’autres domaines, entre le département français et le comté britannique, il y avait dans ce rapprochement une vraie légitimité. Légitimité géographique bien sûr, les deux territoires étant reliés par un couloir maritime toujours actif ; mais aussi légitimité au regard d’une histoire qui les a tant de fois rapprochés. Le nom de Guillaume le Conquérant vient bien sûr à l’esprit, puisque c’est dans l’East Sussex, près d’Hastings, qu’il a débarqué et non loin de là qu’il a remporté la victoire décisive, donnant son nom à l’abbaye et au bourg de Battle. Mais on verra dans cette publication que les confluences vont bien au-delà de cet événement politique majeur. Citons le rôle des artisans normands dans la diffusion du haut-fourneau au sud de l’Angleterre, à la fin du XVe siècle, ou celui qu’a joué l’East Sussex, et notamment le port de Rye, pour l’accueil des réfugiés normands, fuyant les guerres de Religion, un siècle plus tard.

Beyond the already established partnership in other areas between the French department and the English county, there were genuine links to justify this joint working. Geographical links, of course, the two regions being connected by a still active maritime corridor, but also historical links that has so often brought them closer. The name of William the Conqueror comes immediately to mind, as it was in East Sussex that he landed, near Hastings, not far from where he won a decisive victory, giving its name to the abbey and town of Battle. But we will see in this publication that links go well beyond this major political event. The role of Norman craftsmen in the introduction and spread of the blast furnace in southern England in the late 15th century is worth mentioning, as is the East Sussex port of Rye for hosting Norman refugees, fleeing from religious wars, a century later.

Très forts aussi sont les liens culturels et touristiques tissés au fil du temps. Les Normands bien sûr ont exercé une forte influence, pendant la période ducale, sur l’architecture insulaire, mais cette influence a joué aussi en sens inverse, comme en témoigne par exemple le goût, durant toute la fin du Moyen Âge, pour les albâtres produits outre-Manche. Plus tard, au XIXe siècle, à l’heure du tourisme naissant, les Anglais ont pris plaisir à venir en Normandie, important au passage leurs habitudes en matière de bains de mer : la cité balnéaire de Brighton a ainsi montré le chemin à Dieppe et aux autres centres touristiques de la région qui ont suivi son exemple. L’exposition de Rouen associe un large panorama historique à des éclairages thématiques, qui vont des échanges maritimes et économiques au tourisme et à la culture. Celle de Hastings propose des focus autour de sujets où les grands événements ont leur place, de la bataille d’Hastings aux deux guerres mondiales, mais qui fait aussi une belle part à l’histoire quotidienne, ainsi lorsqu’elle évoque la contrebande et la piraterie. Reprenant le plan de l’exposition rouennaise, la présente publication est une synthèse des éléments présentés sur les deux sites ; basée principalement sur les ressources propres des Archives de Seine-Maritime, de l’East Sussex Record Office et du Musée de Hastings, elle a bénéficié du concours de nombreuses institutions externes, comme les Archives nationales, la Bibliothèque municipale de Rouen ou le Musée départemental des Antiquités. Bénéficiant d’une riche iconographie, ce catalogue est étayé de textes documentés, dont il faut remercier les différents rédacteurs. Il permettra ainsi, nous le souhaitons, un nouveau regard sur ces mille ans qui ont façonné l’identité actuelle de nos collectivités.

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The French Connection

Cultural and tourist links are also very strong and forged over time. The Normans exercised a strong influence on English architecture during their time as dukes of Normandy and Kings of England, but this influence has also played in reverse, as evidenced in the late medieval taste for alabaster products from across the Channel. In the 19th century, at a time of growing tourism, the British enjoyed coming to Normandy, bringing a major shift in their sea bathing habits: the seaside town of Brighton has shown the way to Dieppe and other tourist centres in the region which have followed its example. The exhibition at Rouen combines a broad overview of historical themes, ranging from maritime and economic exchanges to tourism and culture. The Hastings exhibition focuses both on great events – from the Battle of Hastings to the First World War – and on daily life, such as the local reaction to smuggling and piracy. Following the plan of the Rouen exhibition, this publication is a summary of the exhibitions at the two sites, based mainly of the resources of the Seine-Maritime Archives, East Sussex Record Office and Hastings Museum. Many external institutions took part in this project, such as the National Archives, the municipal library of Rouen or departmental Museum of Antiquities. Richly illustrated, this catalogue is supported by documented texts, for which we must thank the various writers. This will thus offer, we hope, a new look over the thousand years that have shaped the current identity of our communities.

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ROLLON

Comte de Normandie (911-927 ?)

Des territoires liés par l’histoire

Les invasions scandinaves et la naissance du duché de Normandie

Par son étendue géographique et son inscription dans la durée, l’expansion scandinave est un phénomène majeur. Dès le VIIIe siècle, les premiers raids sont attestés sur les côtes irlandaises, anglaises et françaises. Le célèbre épisode du pillage de l’abbaye de Lindisfarne en 793, en Angleterre, suscite la crainte et la terreur chez la population. Pourtant, les peuples nordiques sont connus depuis plus d’un siècle avec la mise en place, en Europe du Nord, d’un espace commercial et d’échanges, favorisé par la mer. Une longue période d’expansion militaire et territoriale s’ensuit, dans un premier temps le long des côtes, et par la suite dans les terres. Les Annales Regni Francorum (Annales du royaume des Francs) attestent du premier raid viking sur la Seine, en 820 ; elles mentionnent treize navires remontant le fleuve qui sont repoussés par les litoris custodes (troupes défendant les côtes). Une intensification des raids s’observe alors dès 840, marquée par la pratique des pillages et des incendies que la ville de Rouen et le monastère de Jumièges subissent entre autres. Une volonté de colonisation et d’insertion dans un système politique donné, comme l’empire carolingien, favorise l’installation des Normands dans les terres. Le pouvoir royal, conscient de sa difficulté à contenir ces attaques répétées, entame des négociations qui aboutissent au traité de Saint-Clair-sur-Epte conclu en 911 entre Charles le Simple et Rollon. Limité à la HauteNormandie, le territoire concédé est étendu en 924 et 933 au Bessin, au Cotentin, à l’Avranchin et peut-être même au Maine : les frontières de la Normandie sont donc fixées très tôt.

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GUILLAUME LONGUE éPéE

Comte de Normandie (927-942)

RICHARD Ier

Duc de Normandie (942-996)

Lands linked by history

RICHARD II

Duc de Normandie (996-1026)

RICHARD III

Duc de Normandie (1026-1027)

Scandinavian invasions and the birth of the Duchy of Normandy The Scandinavian expansion is a major phenomenon because of its geographical spread and duration. The first raids on the coasts of Ireland, England and France were recorded as long ago as the eighth century. The notorious sack of Lindisfarne abbey in England in 793 caused fear and panic among the population. But by that time the Nordic peoples had already been familiar to their neighbours for over a century thanks to the development of sea trade in northern Europe. This was followed by a long period of military and territorial expansion, initially along the coast and later moving inland. The Annales Regni Francorum (Annals of the Kingdom of the Francs) report the first Viking raid on the Seine in 820, describing how thirteen ships travelled up the river and were beaten off by the litoris custodes (troops defending the coasts). The raids were stepped up in 840, when the town of Rouen and Jumièges monastery, among other sites, were sacked and set on fire. Normans became established in the area as a result of their policy of colonisation and integration into existing political systems, such as the Carolingian empire. Realising how difficult it would be to counter these repeated attacks, King Charles the Simple started negotiations with Rollo, leading to the Treaty of Saint-Clair-sur-Epte which was adopted in 911. The land originally ceded under this treaty was limited to Upper Normandy, but in 924 and 933 the Vikings were granted additional holdings in Bessin, Cotentin, Avranchin and perhaps even Maine. So the borders of Normandy were set at a very early stage.

1 • Lands linked by history

ROBERT LE MAGNIFIQUE

Duc de Normandie (1027-1035)

Emma Ep. ETHELRED II

Roi d’Angleterre (979-1016)

EDOUARD LE CONFESSEUR Roi d’Angleterre (1042-1066)

GUILLAUME LE CONQUERANT Duc de Normandie (1035-1087) Roi d’Angleterre (1066-1087)

ROBERT COURTEHEUSE

Duc de Normandie (1087-1106)

GUILLAUME LE ROUX

Roi d’Angleterre (1087-1100)

HENRI Ier BEAUCLERC

Duc de Normandie (1106-1135) Roi d’Angleterre (1100-1135)

MATHILDE Ep. Henri V, empereur, puis GEOFFROY PLANTAGENET Duc de Normandie (1144-1150)

Adèle Ep. Etienne comte de Blois ETIENNE DE BLOIS

Duc de Normandie (1135-1144) Roi d’Angleterre (1135-1154)

HENRI II ép. Aliénor d’Aquitaine

Duc de Normandie (1150-1189) Roi d’Angleterre (1154-1189)

RICHARD CŒUR DE LION

Duc de Normandie et roi d’Angleterre (1189-1199)

JEAN SANS TERRE

Duc de Normandie (1199-1204) Roi d’Angleterre (1199-1216)


Guillaume le Conquérant, statue équestre. Place de l’Hôtel de Ville à Falaise. William the Conqueror, equestrian statue. Place de l’Hôtel de Ville in Falaise.

L’abbatiale de Fécamp, aquarelle par Paul Marny (1829-1914).

HASMG, 2010.4.

Fecamp Abbey, watercolour by Paul Marny (1829-1914). HASMG, 2010.4.

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The French Connection

Des territoires liés par l’histoire • 1

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Le baptême de Rollon, dans Le roman de Rou et des ducs de Normandie, par Robert Wace, poète normand du xiie siècle, publié pour la première fois d’après les manuscrits de France et d’Angleterre…, par Frédéric Pluquet, Rouen, Édouard Frère, 1827.

épée viking trouvée dans la Seine.

Musée départemental des Antiquités, Rouen, inv. 1804.12.1 (D).

La présence des Vikings et leur installation progressive dans les terres sont attestées par de nombreux objets découverts à l’occasion de fouilles archéologiques. Trouvés le plus souvent dans des sépultures, ces objets témoignent d’un art et d’une maîtrise de la forge des métaux. Cette épée longue, datée du Xe siècle, est d’origine scandinave. Elle a été retrouvée lors d’une opération de dragage de la Seine. Elle est composée d’un pommeau plat demi-circulaire, d’une garde et d’un quillon supérieur rectangulaires.

ADSM, BHN 160/1.

Viking sword found in the Seine.

The baptism of Rollo, in Le roman de Rou et des ducs de Normandie, par Robert Wace, poète normand du XIIe siècle, publié pour la première fois d’après les manuscrits de France et d’Angleterre…, by Frédéric Pluquet, Rouen, Édouard Frère, 1827.

Musée départemental des Antiquités, Rouen, inv. 1804.12.1 (D).

Numerous objects discovered during archaeological digs show that the Vikings were present and how they gradually spread throughout the area. These objects, generally found in tombs, demonstrate great artistry and skill in metal-working. This long sword, dated as tenth-century, is of Scandinavian origin. It was found when the Seine was being dredged. It comprises a flat, semi-circular pommel and a rectangular guard and upper cross-guard.

ADSM, BHN 160/1.

Originaire du Danemark ou de Norvège, contraint à l’exil pour cause de pillages, Rollon, également nommé Rou, ou Robert Ier le Riche après son baptême, avait pris la tête d’une armée de Vikings et participé à de nombreux raids, tentant même d’assiéger Paris. Une défaite face à une coalition de grands vassaux n’empêcha pas le roi Charles le Simple de traiter avec lui, à Saint-Clair-sur-Epte, en 911. Rollon accepta alors d’être baptisé et obtint la main de Gisla, sa fille, qui devait mourir sans lui donner d’héritier. Ecrit en langue vulgaire par Robert Wace, né sur l’île de Jersey, le Roman de Rou avait été commandé par Henri II Plantagenêt.

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1 • Lands linked by history

Des territoires liés par l’histoire • 1

Born in Denmark or Norway and forced into exile for pillaging, Rollo, also called Rou, or Robert the 1st (Robert the Rich) after being baptised, had commanded an army of Vikings and taken part in several raids, even attempting to besiege Paris. Although he was defeated by a coalition of great lords, King Charles the Simple agreed a treaty with him in Saint-Clair-sur-Epte in 911. Rollo agreed to be baptised and married the King’s daughter Gisla, who died without giving him an heir. Written in the common tongue by Robert Wace, who was born on the island of Jersey, the Roman de Rou was commissioned by Henry II (Henry Plantagenet).

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Pièces d’argent à l’effigie des ducs Guillaume Longue-épée et Guillaume le Conquérant.

Musée départemental des Antiquités, Rouen, inv. 83.2 et inv. 464 b (A).

Silver coins bearing the effigies of Dukes William Longsword and William the Conqueror.

Diplôme de Charles le Simple en faveur de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, 918.

Musée départemental des Antiquités, Rouen, inv. 83.2 et inv. 464 b (A).

Archives Nationales, Paris, K16 n°9.

Ces frappes monétaires témoignent de l’enracinement de la dynastie de Rollon. La première est due au successeur immédiat de Rollon, Guillaume Longueépée, son fils d’un premier mariage (927-942) ; l’autre est à l’effigie de Guillaume Le Conquérant un siècle plus tard. These coins show that Rollo’s dynasty had become established. The first bears the likeness of Rollo’s immediate successor, William Longsword, his son from a first marriage (927-942), while the others show the face of William the Conqueror a century later.

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1 • Lands linked by history

Seul acte mentionnant le nom de Rollon et cautionnant l’existence du traité de Saint-Clair-sur-Epte, signé en 911, ce diplôme royal du 14 mars 918 porte concession de l’abbaye de la Croix-Saint-Ouen (Lacroix-Saint-Ouen dans l’Oise) en faveur des moines de Saint-Germain-des-Prés, à la demande du marquis de Neustrie, d’Herbert II de Vermandois et d’Abbon, évêque de Soissons. Il permet de valider les propos du chroniqueur Dudon de SaintQuentin, puisqu’il est explicitement exclu de la donation ce qui a été donné « aux Normands de la Seine, c’est-àdire à Rollon et à ses compagnons, pour la protection du royaume ». Ces mots attestent que le traité de Saint-Clairsur-Epte émane de la seule volonté de Charles le Simple, et précisent la nature de ce traité : la concession d’un territoire en échange d’une protection face aux raids vikings.

Des territoires liés par l’histoire • 1

Charter of Charles the Simple in favour of the Abbey of St-Germain-des-Prés, 918. National archives, Paris, K16 n°9.

This royal charter dated 14 March 918 is the only document referring to Rollo and confirming the existence of the treaty of Saint-Clair-sur-Epte, signed in 911. It grants the Abbey de la Croix-Saint-Ouen (LacroixSaint-Ouen in Oise) to the monks of Saint-Germain-desPrés, at the request of the marquis de Neustrie, Herbert II de Vermandois and Abbo, bishop of Soissons. It confirms the words of the chronicler Dudo de Saint-Quentin, as the grant specifically does not include what was given“ to the Normans of the Seine, that is to Rollo and his companions, for the protection of the Kingdom”. These words show that the treaty of Saint-Clair-sur-Epte was concluded solely on the wishes of Charles the Simple and specify its purpose: conceding land in exchange for protection from Viking raids.

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Carte postale des fêtes historiques, 1911. ADSM, 2 Fi 325.

Historical celebrations postcard, 1911. ADSM, 2 Fi 325.

< Affiche du Millénaire normand, 1911.

< Poster marking a thousand years of Normandy, 1911.

L’année 1911 a été l’occasion pour Rouen, ancienne capitale de la Normandie, de fêter dignement le millénaire de la fondation du duché. Donnant lieu à des expositions, représentations théâtrales, cortèges et à un congrès organisé à l’hôtel des sociétés savantes, cette fête a rassemblé pendant un mois un très large public - près de 400 000 personnes pour le grand cortège historique. Présenté à un concours d’affiches, ce document mélange une vision historique à un décor Art déco typique des années 1910.

Celebrations were held in 1911 in Rouen, the ancient capital of the Normandy, to mark the thousandth anniversary of the duchy’s foundation. The events included exhibitions, plays, processions and a conference held in the Academy of Learned Societies. It lasted for a month and was extremely popular, with almost 400,000 people attending the grand historical procession. This document was displayed in a poster competition and combines historical vision with an art deco style typical of the 1910s.

ADSM, 62 Fi 4.

Des territoires liés par l’histoire • 1

ADSM, 62 Fi 4.

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Les ducs-rois de Guillaume le Conquérant à 1204 La fondation du duché de Normandie, en 911, marque une période de trois siècles pendant laquelle le pouvoir des ducs ne cesse de s’affirmer. Pendant plus d’un siècle et demi, les ducs renforcent leur autorité, tissent des liens étroits avec l’Église et adoptent une politique matrimoniale éclairée. La conquête de l’Angleterre en 1066, symbolisée par la bataille d’Hastings, fonde l’état anglonormand, qui bouleverse l’échiquier politique. Le coup de force de Guillaume le Bâtard, qui devient par cette victoire le Conquérant, marque un véritable tournant. Malgré une succession délicate à sa mort et une grave période de troubles, Henri Ier Beauclerc parvient à rétablir la paix dans le duché. Le XIIe siècle anglo-normand est marqué par le règne d’Henri II Plantagenêt. Celui-ci, par son mariage avec Aliénor d’Aquitaine, accroît encore ses possessions qui vont de l’Écosse au pays basque. La confiscation du duché en 1202, puis sa conquête en 1204 par le roi de France met un terme à ce vaste état. Néanmoins durant ces deux siècles, Normandie et l’Angleterre ont eu le temps de vivre en symbiose. La cour itinérante, permettant de gérer ces possessions si vastes, ainsi que la mise en place d’organes locaux de contrôle tels l’Échiquier ou les sherifs dans les comtés anglais ont permis une gestion innovante et efficace.

The duke-kings from William the Conqueror to 1204 The foundation of the Duchy of Normandy in 911 marks the start of a period of three centuries during which the dukes’ power grew ever stronger. For more than 150 years, the dukes reinforced their authority, created close links with the Church and followed a rational matrimonial policy. The conquest of England in 1066, symbolised by the battle of Hastings, founded the Anglo-Norman state which upset the political applecart. The attack by William the Bastard, renamed the Conqueror as a result of this victory, was a real turning-point. Despite a tricky succession on his death and a period of severe unrest, Henry I (Henry Beauclerc) was able to restore peace in the duchy. One of the key features of the Anglo-Norman twelfth century was the reign of Henry II (Henry Plantagenet). His marriage to Eleanor of Aquitaine further increased his territories, which ran from Scotland to the Basque country. This vast state came to an end with the confiscation of the duchy in 1202 and its conquest by the King of France in 1204. Nevertheless, Normandy and England had had time to live together over these two centuries. The court had to travel to control these vast holdings, and innovative, effective management resulted from the introduction of local government bodies such as the Exchequer in Rouen and sheriffs in the English counties. Sceau de Guillaume le Conquérant, 1069.

Archives Nationales, Paris. Collection des sceaux détachés, X 679 (reproduction d’après le moulage).

Gisant de Jean Sans Terre, le dernier des ducs-rois, conservé à la Cathédrale de Worcester. Gravure. ADSM, 1 Fi 26.

Recumbent statue of King John, the last DukeKing, kept at Worcester Cathedral. Engraving.

Au même titre que les pièces de monnaie, les sceaux permettent au Moyen Âge de véhiculer une image du sigillant. Celle de Guillaume le Conquérant, à cheval, est l’une des premières représentations de ce type sur les sceaux. La légende qui y est associée est la suivante : « Par ce signe, reconnais Guillaume, patron des Normands ». Portant un étendard d’une main, et de l’autre tenant un bouclier, il est représenté en chef de guerre menant son armée. Sur la seconde face, Guillaume est représenté siégeant sur un trône, tenant d’une main une épée et de l’autre le globe surmonté d’une croix. Pour cette face, la légende est la suivante : « Par ce signe, reconnais le même, roi d’Angleterre ».

Seal of William the Conqueror, 1069.

National Archives, Paris. Collection of individual seals, X 679 (reproduction after seal moulding).

Like coins, seals were used in the Middle Ages to depict the person using the seal. The seal of William the Conqueror, shown on horseback, is one of the earliest images of this type on seals. The caption associated with the seal reads: “By this sign, recognise William, chief of the Normans”. Holding a standard in one hand and a shield in the other, he is shown as a warlord leading his army. On the other side, William is shown sitting on a throne, holding a sword in one hand and the globe mounted with a cross in the other. The caption for this side reads: “By this sign, recognise the same, King of England”.

ADSM, 1 Fi 26.

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La baie de Pevensey, site du débarquement de Guillaume le Conquérant. Gravure de F. Jukes d’après un dessin de J.G. Shorter, xviiie siècle. ESRO, PDA 443/20.

Pevensey Bay, the landing place of William the Conqueror. An engraving by F Jukes from a drawing by J G Shorter, late 18th century. eSRO, PDA 443/20.

À la mort du roi Édouard le Confesseur en 1066, son beau-frère Harold s’était fait couronner roi d’Angleterre, au détriment des droits de Guillaume. Édouard était en effet le fils d’Emma, sa grand-tante. Devant le refus d’Harold de lui laisser le royaume, Guillaume avait réuni une flotte et une armée, en s’appuyant sur ses vassaux mais aussi sur des soutiens extérieurs à son duché. Les Normands accostèrent dans la Baie de Pevensey, rencontrèrent et vainquirent les forces saxonnes dirigées par le Roi Harold, à Senlac, situé à onze kilomètres environ au nord d’Hastings. Tout juste dix mois séparent la mort d’édouard de la victoire d’Hastings, le 14 octobre 1066. Guillaume reçut la couronne le jour de Noël 1066, réunissant l’Angleterre et la Normandie sous une autorité commune. When Edward the Confessor died in 1066, his brotherin-law Harold had himself crowned King of England, sweeping aside William’s rights. Edward was the son of Emma, William’s great-aunt. When Harold refused to hand over the Kingdom, William raised a fleet and an army, supported by his vassals and by resources from outside his duchy. The Normans landed at Pevensey Bay, then joined with and defeated the Saxon forces under King Harold some seven miles north of Hastings at Senlac. Only ten months separate the death of Edward and the victory at Hastings on 14 October 1066. William was crowned King on Christmas day 1066 and thereafter England and Normandy were joined under a common authority.

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Charte d’Henri Ier, fils de Guillaume le Conquérant, en faveur de l’abbaye de Battle, vers 1101. ESRO, BAT 1.

Charter of Henry I in favour of Battle Abbey, c. 1101. ESRO, BAT 1.

L’abbaye de Battle a été fondée par Guillaume le Conquérant sur le site de sa bataille victorieuse contre Harold. Le maître-autel aurait été érigé à l’endroit précis où le Roi Harold fut tué d’une flèche dans l’œil, comme la Tapisserie de Bayeux semble l’illustrer, bien que les avis diffèrent toujours sur ce point. Cette charte d’Henri Ier Beauclerc octroie à l’abbé le droit d’entendre tous les plaidoyers contre ses locataires dans son propre tribunal ; au cas où la cour de l’abbé n’aurait pu décider, l’affaire serait transférée à la cour royale. L’acte est daté du 24 juin à Wartling (Wercling) dans l’East Sussex. Les vestiges du grand sceau d’Henri Ier, en cire brune, montre le roi sur son trône. Battle Abbey was founded by William the Conqueror on the site of his victorious battle against Harold. The site of its high altar is traditionally said to be the spot where King Harold was killed, though whether this was a result of being shot by an arrow in the eye, as appears to be depicted in the Bayeux Tapestry, is still debated. This deed of Henry I grants the abbot the right to hear all pleas against his tenants in his own court. If the plea cannot be decided in the abbot’s court, it is to be transferred to the royal court. The deed is dated at Wartling (Wercling) East Sussex, on 24 June. The remnant of the Great Seal of Henry I is attached on brown wax, showing the King enthroned.

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L’abbaye de Battle vue du sud-ouest, gravure par S. et N. Buck, 1737. ESRO, BAT 4421/12.

South west view of Battle Abbey, engraving by S and N Buck, 1737. ESRO, BAT 4421/12.

Portail de l’abbaye d’après les Antiquities of Sussex de R. H. Nibbs, 1876. ESRO, PDC 28/1.

Carte d’après une série d’arpentages du domaine de l’abbaye par Richard Budgen, vers 1724. ESRO, PDA 236/4.

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Map from a series of surveys of the Battle Abbey estate by Richard Budgen, c. 1724. ESRO, PDA 236/4.

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L’abbaye de Battle a été supprimée, comme l’ensemble des établissements monastiques du pays, sous Henri VIII d’Angleterre (1509-1547), initiateur de la réforme anglicane. Si on ne voit plus que l’emplacement de l’église, une partie des bâtiments subsiste aujourd’hui. La ville de Battle s’est développée autour de l’abbaye, initialement pour servir la communauté monastique, et la forme de la ville reflète ce point focal.

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Abbey gateway from Antiquities of Sussex by R. H. Nibbs, 1876. ESRO, PDC 28/1.

Battle Abbey was abolished along with all other monastic houses under Henry VIII (1509-1547), who instigated the Anglican Reformation. Though only the site of the church can now be seen, some of the buildings remain. The town of Battle grew up around the abbey, initially to serve the monastic community, and the layout of the town reflects this focal point.

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Page du Domesday Book, le recensement des terres rédigé sur les ordres de Guillaume le Conquérant en 1086.

A page from Domesday Book, the survey of lands which was drawn up on the orders of William the Conqueror in 1086.

Après la Conquête, le Sussex fut divisé en zones administratives que l’on appelle des « rapes ». On en comptait trois dans l’East Sussex– Hastings, Pevensey et Lewes. Le comte d’Eu reçut le rape d’Hastings, le comte de Mortain celui de Pevensey, tandis que Guillaume de Varenne devenait seigneur de Lewes, dont il fit sa résidence principale. Celui-ci était l’un des barons normands qui s’était illustré lors de la bataille d’Hastings, au côté de Guillaume le Conquérant. Homme de confiance du nouveau souverain, il fut nommé premier Lord du conseil de Régence et grand justicier du royaume et fut largement récompensé de ses services, en obtenant près de 298 manoirs et 28 villes, ce qui n’alla pas sans susciter des jalousies. La page commence par les terres de Guillaume de Varenne et l’inscription pour le bourg de Lewes :

After the conquest, Sussex was divided into administrative areas called rapes. There were three of these in East Sussex– Hastings, Pevensey and Lewes. The rape of Hastings was granted to the Count of Eu, that of Pevensey to the Count of Mortain, and William de Warenne became the lord of Lewes, adopting the town as his primary seat. He was one of the Norman barons who had distinguished himself alongside William the Conqueror at the battle of Hastings and was richly rewarded for his services, being granted almost 298 manors and 28 towns. Trusted by the new monarch, he was appointed First Lord of the Regency Council and Chief Justiciar of the Kingdom. This privileged position led to jealousy. The page begins with the lands of William de Warenne and the entry for the Borough of Lewes. The entry translates as follows:

National Archives. Editions Alecto (Domesday). Limited.

LE BOROUGH OF LEWES TRE [au nom du Roi Edouard] a rendu 6 livres 4 shillings et 1 penny provenant des loyers et des douanes. Le Roi Edouard avait là 127 bourgmestres dans le domaine. Leur coutume était que, si le roi souhaitait envoyer ses hommes patrouiller en mer sans lui, ils collectaient 20 shillings auprès de tous les hommes quel que soit le propriétaire de la terre, et les personnes chargées des armes sur les navires les avaient. Quiconque vend un cheval dans le bourg donne au préfet 1 penny et l’acheteur en [donne] un autre ; pour un bœuf ½ penny ; pour un homme, quel que soit le lieu dans le rape où il puisse l’acheter, 4 pence. Un homme qui fait couler le sang verse une amende de 7 shillings et 4 pence. Un homme qui commet un adultère ou un viol verse une amende de 8 shillings et 4 pence, et une femme autant. Le roi a [l’amende de] l’homme adultère, l’archevêque [celle] de la femme. À un fugitif, s’il est repris, 8 shillings et 4 pence. Quand la monnaie est renouvelée, chaque monnayeur donne 20 shillings. De toutes ces sommes, 2 tiers appartenaient au roi et le troisième au comte. Maintenant le bourg rend au total autant qu’avant et 38 shillings en plus.

The National Archives. Editions Alecto (Domesday). Limited.

THE BOROUGH OF LEWES TRE [in the time of King Edwards] rendered 6l4s1 ½d from rents and from tolls. There King Edward had127 burgesses in demesne. Their custom was, if the king wished to send his men to patrol the sea without him, they collected from all the men, whosesoever land it was, 20s , and those who were in charge of the arms in the ships had those. Whoever sells a horse in the borough gives to the reeve 1d and the buyer [gives] another; for an ox ½d ; for a man, wherever he may buy him within the rape, 4d. A man who sheds blood pays a fine of 7s4d. A man who commits adultery or rape pays a fine of 8s4d , and a woman as much. The king has [the penalty from] the adulterous man, the archbishop [from] the woman. From a fugitive, if he is retaken, 8s4d. When the mint is renewed, each moneyer gives 20s. Of all these, 2 parts were the king’s and the third the earl’s. Now the borough renders in all [as much] as [it did] then and 38s in addition.

Charte de Guillaume de Varenne, fils du premier seigneur de Lewes, en faveur du prieuré de Longueville, 1115-1138. ADSM, 24 HP 75/17.

Charter of William de Warenne, son of the first Lord of Lewes, in favour of Longueville priory, 1115-1138. ADSM, 24 HP 75/17.

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Accord entre l’abbaye de Fécamp et ses hommes de Rye, 1140-1187. ADSM, 7 H 24.

Charte de confirmation de Guillaume le Conquérant en faveur de l’abbaye de Fécamp, 1085. ADSM, 7 H 2151.

Dès le règne de Guillaume Longue-Epée (927-942), fils de Rollon, Fécamp jouit d’une place particulière en raison de l’établissement d’une résidence ducale près de l’ancienne abbaye désertée à la fin du ixe siècle avant d’être rétablie, en tant que collégiale en 990 par Richard Ier, puis en tant qu’abbaye en 1001 par Richard II. L’abbaye est l’un des rares établissements religieux à posséder des domaines en Angleterre avant 1066. Ainsi, peu après 1028, Knut concède-t-il à l’abbaye les deux tiers des droits de péage de Winchelsea, ainsi que Brede. Quelques années plus tard, Édouard le Confesseur y ajoute d’autres seigneuries côtières du Sussex (Steyning, Hastings). Par cette charte, Guillaume le Conquérant confirme la donation du manoir de Steyning et donne à l’abbaye, en compensation d’Hastings, la possession du manoir de Bury. Parmi les croix de souscription, la première immédiatement après le dernier mot de la charte est celle de Guillaume le Conquérant ; juste à côté à droite se trouve celle de son fils, le futur roi d’Angleterre, Guillaume le Roux.

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Confirmation charter of William the Conqueror in favour of Fécamp Abbey, 1085. ADSM, 7 H 2151.

Fécamp had an important role as early as the reign of William Longsword (927-942), the son of Rollo, thanks to the existence of a ducal residence near the former abbey which had been abandoned at the end of the ninth century before being restored as a collegiate church by Richard I in 990 and then being given abbey status in 1001 by Richard II. The abbey is one of the few religious establishments to have had possessions in England before 1066. Shortly after 1028 king Canute granted the abbey two-thirds of the dues paid by Winchelsea and Brede. Some years later, Edward the Confessor added other coastal estates in Sussex (Steyning, Hastings). In this charter, William the Conqueror confirms the grants of Steyning manor and gives the abbey Bury manor in compensation for Hastings. The first of the crosses underneath the text of the charter, which served as signatures, is that of William the Conqueror, and just to the right is that of his son, the future king of England, William Rufus.

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La terre de Rye a probablement été donnée à l’abbaye de Fécamp par Knut le Grand peu après 1017, et elle figure dans le Domesday Book parmi les possessions de l’abbaye. Par cette charte, l’abbé de Fécamp Henri de Sully (1140-1187) renonce au profit de ses hommes de Rye et de leurs héritiers à la coutume nommée en vieil anglo-saxon « ledtschet childwitefeld », et à la taxe coutumière sur la vente des maisons, moyennant une rente annuelle de deux marcs et demi. Par ailleurs, pour toute pêche qu’ils auront faite, ils devront verser une redevance, différente selon la taille des navires. Cet acte sur parchemin est un chirographe, c’est-à-dire qu’il a été copié sur la même peau en deux exemplaires, séparés par un texte appelé devise (ici le début de l’alphabet). Le parchemin était alors coupé en son milieu en travers de la devise afin que chaque partie dispose d’un exemplaire de l’acte original. En 1247, le roi d’Angleterre Henri III échangera le port de Rye, ainsi que celui de Winchelsea, contre d’autres terres moins stratégiques, celles de Cheltenham et de Slaughter dans le Gloucestershire et celle de Navenby dans le Lincolnshire.

Agreement between Fécamp Abbey and its men of Rye, 1140-1187. ADSM, 7 H 24.

The land at Rye was probably given to Fécamp Abbey by Canute the Great shortly after 1017, and it is listed among the abbey’s holdings in the Domesday Book. Under this charter, the abbot of Fécamp, Henry de Sully (1140-1187), waives the custom known in old Anglo-Saxon as ledtschet childwitefeld, and the customary duty on the sale of houses, on behalf of his men of Rye and their heirs in return for an annual payment of two and a half marks. They are also required to pay a fee, varying according to boat size, for each fishing trip they undertake. This deed on parchment is a chirograph, that is to say that it was written twice onto the same skin, with the two copies separated by a text called a device (in this case, the beginning of the alphabet). The parchment was then cut in two through the device so that each party had one copy of the original deed. In 1247, the King of England Henry III exchanged the ports of Rye and Winchelsea for other less strategic lands, Cheltenham and Slaughter in Gloucestershire, and Navenby in Lincolnshire.

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Charte de Henri II Plantagenêt portant donation à la Cathédrale de Rouen de la seigneurie de Bentworth, 1155-1158, scellée.

Charter of Henry II (Henry Plantagenet) granting the estate of Bentworth to Rouen Cathedral, 1155-1158, with seal.

Comme de nombreux établissements religieux normands, l’archevêché de Rouen a bénéficié en Angleterre des largesses des ducs-rois. Cet acte d’Henri II Plantagenêt lui confirme ainsi la possession de la terre de Bentworth (au nord-est de l’Hampshire), que lui avait donnée son grand-père Henri Ier et où il reçoit le droit de justice. Le document est scellé d’un sceau biface, reprenant le modèle introduit par Guillaume le Conquérant, avec à l’avers une représentation du roi en majesté, tenant d’une main une épée, et de l’autre le globe surmonté d’une croix et d’un oiseau, et au revers, une représentation du roi à cheval, tenant une épée dans la main droite et un bouclier, contre lui, de la main gauche (type équestre de guerre). Parmis les témoins figure Thomas Becket, futur archevèque de Canterbury, alors chancelier.

Like many Norman religious establishments, the Archbishopric of Rouen benefited from the generosity of the duke-kings in England. This deed of Henry II (Henry Plantagenet) confirms its title to the estate of Bentworth (in north-east Hampshire) which had been granted to it by his grandfather, Henry I, and where it receives payment for the administration of justice. The document is sealed with a double-sided seal, following the model introduced by William the Conqueror. The obverse depicts the king in majesty holding a sword in one hand and the globe mounted by a cross and a bird, while the reverse shows him on horseback, holding a sword in his right hand and a shield close to his body in his left hand, in a typical mounted combat pose. The onlookers include Thomas Becket, future Archbischop of Canterbury who was then chancellor.

ADSM, G 4482.

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ADSM, G 4482.

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Des liens qui perdurent Le rattachement de la Normandie au royaume de France en 1204 est certes un événement majeur dans l’histoire politique française, mais fondamentalement il ne remet pas en cause le fonctionnement du duché. Celui-ci conserve sa coutume et ses institutions, comme l’Échiquier, cour financière et judiciaire existant sans doute dès la seconde moitié du XIe et véritablement attestée dès 1130. Cette tradition d’autonomie sera renforcée par l’octroi de la Charte aux Normands, en 1315, par Louis le Hutin. Au-delà d’une tradition institutionnelle et juridique commune, les liens tissés avec l’Angleterre ne sont pas rompus. Le français y reste la langue officielle des tribunaux jusqu’en 1362 (Pleading in English Act), les échanges commerciaux et culturels se poursuivent et s’affirment. De nombreux seigneurs et établissements religieux normands conservent des biens outre-Manche, au moins jusqu’à la Guerre de Cent ans. La réforme anglicane au XVIe s. fera définitivement disparaître les liens que les abbayes normandes avaient pu conserver en Angleterre.

Continuing links The incorporation of Normandy into the French kingdom in 1204 was certainly a major event in French political history, but it did not lead to any significant changes in the way the duchy operated. The duchy retained its customs and institutions, such as the Exchequer, a financial and judicial tribunal which had certainly been in existence since the second half of the eleventh century, with reliable records dating back to 1130. This tradition of independence was reinforced by the granting of the “Charte aux Normands” by Louis the Headstrong in 1315. Going beyond a shared institutional and legal tradition, the bonds that had been established with England were not broken. French remained the official language of courts of law until 1362 when the Pleading in English Act was passed, and trading and cultural links were maintained and strengthened. Many Norman lords and religious establishments kept holdings on the other side of the Channel, at least until the Hundred Years War. It was not until the Anglican Reformation in the sixteenth century that the links which the Norman abbeys had kept with England were finally broken.

Robert le Magnifique jouant aux échecs ; évocation de l’échiquier de Normandie. Vignette des Chroniques de Normandie, vers 1350. BM de Rouen, ms Y 26, fol. 59.

L’enluminure reproduite montre le duc Robert le Magnifique jouant aux échecs. Ce jeu fut introduit en Occident vers l’an mil et devint rapidement le jeu des élites. C’est probablement lui – ou du moins son support, le damier - qui a donné son nom à l’échiquier de Normandie. En effet, les trésoriers ducaux effectuaient sans doute leurs calculs sur des nappes échiquetées de noir et blanc ressemblant au damier d’un échiquier. L’échiquier subsiste comme instance judiciaire après la réunion de la Normandie au domaine royal en 1204, avant d’être transformé en Parlement de Normandie en 1515. A la fin du xie siècle probablement, l’institution a été transportée outre-Manche, où le ministre des Finances porte toujours le nom de Chancelier de l’échiquier.

Le Palais de justice de Rouen, ancien siège de l’échiquier de Normandie, lithographie de Deroy et Lemercier, XIXe siècle. ADSM, 99 Fi 109.

Courthouse of Rouen, former seat of the Exchequer of Normandy, lithography by Deroy and Lemercier, 19th century.

Robert the Magnificent playing chess; depiction of the Exchequer of Normandy. Image from the Chroniques de Normandie, c. 1350. BM de Rouen, ms Y 26, fol. 59.

This illumination shows Duke Robert the Magnificent playing chess, a game which reached the West around the turn of the millennium and rapidly became the preferred pastime of the upper classes. The title of the Exchequer of Normandy probably derives from échiquier, the French word for chessboard. This is because the ducal treasurers would certainly have performed their calculations on cloths with a black and white chequered pattern, which looked like a chessboard. When Normandy became part of the French kingdom in 1204 the Exchequer survived as a judicial body, becoming the Parliament of Normandy in 1515. The institution travelled to England, probably at the end of the eleventh century, and the British Minister of Finance is still called the Chancellor of the Exchequer.

ADSM, 99 Fi 109.

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Requête de l’abbé du Tréport à Marguerite d’Anjou, reine d’Angleterre, pour demander sa protection, vers 1470, suivie de la copie de l’acte de donation du prieuré Notre-Dame d’Hastings à Saint-Michel du Tréport par Jean Ier, comte d’Eu, en 1151. ADSM, 17 HP 1/3-4.

Coutumier de Normandie, suivi d’analyses des arrêts de l’Échiquier de 1206 à 1248 et de la charte aux Normands, XIVe siècle. ADSM, 28 F 2 fol. 7.

La Normandie avait mis par écrit,dès la fin du xiie siècle, un ensemble de règles juridiques sous le nom de Très ancien coutumier de Normandie, dont la seconde partie sera mise par écrit après le rattachement à la France dans la première moitié du XIIIe siècle. On y trouvait un certain nombre de droits et usages très spécifiques à la province comme le droit de varech ou la clameur de haro. Cette coutume, la plus ancienne de France, usitée en Normandie jusqu’à la Révolution, a largement inspiré le droit anglais et reste toujours en vigueur dans les îles anglo-normandes.

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Norman customs, followed by analyses of the decrees of the Exchequer from 1206 to 1248 and the Charter to the Normans, 14th century. ADSM, 28 F 2 fol. 7.

Normandy had laid down in writing a set of legal rules, called the Très ancien coutumier de Normandie in the late part of the 12th century. The second part of these rules would be put in writing after Normandy became part of France in the first half of the 13th century and was to remain in force until the Revolution. It included some rights and practices very specific to Normandy, such as the right to flotsam and jetsam and the right of an aggrieved party to call for justice. This custom, the oldest in France and which remained in force to some extent in Normandy until the Revolution, was a strong source of inspiration for English law and is still in use in the Channel Islands.

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L’abbaye de Saint-Michel du Tréport avait été fondée vers 1059 par Robert Ier, comte d’Eu, un des participants à l’expédition de 1066 et l’un des grands bénéficiaires de la redistribution des terres. Les comtes possédaient ainsi la terre d’Hastings, dont l’église est donnée à l’abbaye en 1151. Au lendemain de la Guerre de Cent ans, en 1470, l’abbé André tente de récupérer la jouissance du prieuré et sollicite pour cela l’aide de la reine d’Angleterre, Marguerite d’Anjou, la femme d’Henri VI, depuis peu rétabli sur le trône ; on est en effet en pleine guerre des Deux Roses, opposant les maisons de Lancastre et d’York. Par cette requête, l’abbé du Tréport demande à la reine « que yceulx supplians soient restitués en icelle leur eglise, ensemble les fruitz, rentes et revenues a icelle appartenans, et qu’il soit mandé yceulx supplians et leur dit commis estre receu paisiblement et mis en possession, et faire souffrir, joyr et user paisiblement d’icelle église de Hastingues ». Il semble peu probable que les moines aient réussi à faire valoir leur droit. En effet, moins d’un an après son retour sur le trône d’Angleterre, Henri VI est définitivement destitué et assassiné.

Plea for protection by the abbot of Tréport to Margaret of Anjou, queen of England, around 1470, followed by a copy of the act granting the Priory of Hastings to Saint-Michel in Tréport by John I, Count of Eu in 1151. ADSM, 17 Hp 1/3-4.

The Abbey of Saint-Michel in Tréport was founded around 1059 by Robert I, Count of Eu, one of the members of the 1066 campaign and one of the principal beneficiaries of land redistribution. This meant that the counts owned the land of Hastings, whose church was given to the abbey in 1151. After the end of the Hundred Years War in 1470, abbot André tried to regain ownership of the priory and appealed for the help of the queen of England, Margaret of Anjou, the wife of Henry VI, who had recently been restored to the throne. This was in the midst of the Wars of the Roses between the houses of Lancaster and York. In his plea, the abbot of Tréport asks the queen “that the supplicants have restored to them their church, all the fruits, annuities and income pertaining to it, and that an order be given for the supplicants and their said agent to be received peacefully and given possession, and that they may suffer, enjoy and use the church of Hastings in peace”. It seems unlikely that the monks would have succeeded in asserting their rights, as Henry VI was finally removed from power and murdered less than a year after his return to the throne of England.

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La Guerre de Cent ans (1337-1453) La mort sans héritiers des fils de Philippe le Bel et l’accession au trône de Philippe VI de Valois fournissent l’occasion au roi d’Angleterre de revenir sur le théâtre français. La Guerre de Cent ans se déroule en deux temps : de 1337 à 1380, période de conflits autour de la question du duché de Guyenne et plus largement des droits sur le royaume de France, marquée par la bataille de Poitiers lors de laquelle le roi Jean le Bon est fait prisonnier. La seconde période, de 1415 à 1453, voit la Normandie revenir au centre des préoccupations. La folie du roi Charles VI et le conflit qui éclate entre les Armagnacs et les Bourguignons affaiblissent le pouvoir royal. Henri V profite de ce contexte pour débarquer à Touques, en 1417, et s’emparer des forteresses normandes en moins de deux ans. Rouen est assiégée pendant six mois avant de rendre les armes en 1419. Les deux territoires sont à nouveau liés, comme au temps des ducs-rois normands. Le traité de Troyes, en 1420, reconnaît Henri V comme régent et héritier du royaume de France. à sa mort, le royaume dispose de deux rois : Henri VI, alors jeune enfant, et Charles VII. Il faut attendre l’intervention de Jeanne d’Arc (†1431) pour que ce dernier renoue avec la victoire et finisse par repousser les Anglais hors de Normandie, lors de la bataille de Formigny (1450). Cette longue période de conflits laissera de lourdes séquelles en France. La moitié de la population a été décimée, entre les batailles et la Peste noire, les terres ravagées et le commerce très ralenti.

The Hundred Years War (1337-1453) The death without heirs of the sons of Philip the Fair and the accession of Philip VI of Valois gave the king of England an opportunity to intervene in France again. The Hundred Years War spanned two periods: the years from 1337 to 1380 were marked by conflicts on the issue of the Duchy of Guyenne, and more broadly on rights to the kingdom of France, centred on the battle of Poitiers at which the French king John the Good was taken prisoner. Normandy was the focus of the second period, from 1415 to 1453. French royal power was weakened by the insanity of Charles VI and the conflict which broke out between the rulers of Armagnac and Burgundy. The English king, Henry V, took advantage of this situation to land in Touques in 1417 and capture Norman fortresses in a campaign lasting less than two years. Rouen lay under siege for six months before surrendering in 1419. The two territories were once again joined together, as in the days of the Dukes Kings of Normandy. The treaty of Troyes, agreed in 1420, recognised Henry V as regent and heir to the French kingdom. When he died the kingdom had two kings: Henry VI, then a young child, and Charles VII. Not until Joan of Arc (†1431) came on the scene would the latter enjoy another military victory, beating the English at the battle of Formigny (1450) and expelling them from Normandy. This long period of conflict was to have severe consequences in France. Population levels fell sharply as a result of war and the Black Death, land was laid waste and trade slumped.

Jeanne d’Arc, enluminure.

Archives Nationales, Paris, AE II 2490.

Joan of Arc, illumination.

National Archives, Paris, AE II 2490.

Tête casquée en pierre, XVe siècle.

Musée départemental des Antiquités, Rouen, inv.1881.

Helmeted head in stone, 15th century.

Musée départemental des Antiquités, Rouen, inv.1881.

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Charte d’Édouard III, confirmant à l’archevêque de Rouen la terre de Bentworth, 9 juillet 1335, scellée.

Charter of Edward III, confirming the Archbishop of Rouen as the owner of Bentworth, 9 July 1335, with seal.

Cette charte, expédiée à Carlisle, illustre la continuité des possessions des établissements normands en Angleterre, puisqu’elle confirme les donations précédemment faites à l’archevêché de Rouen par Henri Ier Beauclerc et les rois Plantagenêt. Le sceau, à l’effigie du roi Édouard III, est exceptionnel par la qualité de son empreinte et par son parfait état de conservation. Édouard III, étant né d’une fille de Philippe le Bel, Isabelle, considérait avoir des droits à la Couronne de France supérieurs à ceux de Philippe VI de Valois. De cette prétention est sortie la Guerre de Cent ans, qui commence en 1337 avec la confiscation par le roi de France du duché d’Aquitaine, resté aux mains des souverains anglais.

This charter, sent to Carlisle, demonstrates that Norman institutions continued to hold possessions in England, as it confirms the grants previously made to the Archbishopric of Rouen by Henry I (Henry Beauclerc) and the Plantagenet kings. The twin-faced seal, depicting king Edward III, is exceptionally fine and well-preserved. Edward III’s mother Isabella was the daughter of Philip the Fair, and Edward therefore considered his rights to the Crown of France to be greater than those of Philip VI of Valois. This claim led to the Hundred Years War which began in 1337 when the king of France seized the Duchy of Aquitaine, which had been retained by English monarchs.

ADSM, G 1113.

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ADSM, G 1113.

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Charte d’Henri V accordant une rente au chapelain du château de Rouen, en remerciement de sa « glorieuse victoire », 24 mars 1420. ADSM, H dépôt 1, BP124.

Peu après avoir fait édifier le château, Philippe-Auguste avait confié à l’Hôtel-Dieu de Rouen la gestion de la chapelle. Après la conquête de la ville, Henri V confirme à l’Hôtel-Dieu les privilèges antérieurs et lui alloue une rente pour la desserte de la chapelle. Le soin tout particulier apporté à la lettrine et à la première ligne de cette charte souligne la solennité et l’autorité avec laquelle Henri V renoue avec la tradition des anciens ducs. On peut également noter son titre de roi de France et d’Angleterre. Peu de temps après, le traité de Troyes ne lui octroiera que le titre de régent.

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Charter of Henry V granting an income to the chaplain of Rouen castle in thanks for his “glorious victory”, 24 March 1420. ADSM, H dépôt 1, BP124.

Shortly after building the castle, Philippe-Auguste appointed the Hôtel-Dieu of Rouen to run the chapel. After conquering the town, Henry V confirmed this body’s former privileges and awarded it an income for serving the chapel. The great care with which the initial letter and the first line of this charter are written underlines the importance which Henry V attached to this link with the ancient ducal tradition. His title, King of France and England, can also be noted. Not long after this, his status was reduced to that of regent by the treaty of Troyes.

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« Château du Vieux Palais at Rouen in Normandy », gravure de James Basire d’après un dessin de Louis-Jean Allais, XVIIIe siècle. ADSM, 1Fi 599.

Aussitôt entré dans Rouen, Henri V entreprit la construction d’une nouvelle forteresse à l’angle de la Seine et de l’enceinte ouest (actuel boulevard des Belges). Connue ensuite sous le nom de « Vieux Palais », elle fut détruite pendant la Révolution. Le roi d’Angleterre fit aussi renforcer le château construit par le roi Philippe Auguste après la conquête de 1204, au nord de la ville. Cette gravure anglaise nous montre à gauche le Vieux Palais tel qu’il se présentait au XVIIIe siècle (le plan est figuré dans le bas) et à droite le donjon du château de Philippe-Auguste, connu maintenant sous le nom de Tour Jeanne d’Arc. C’est en effet dans une des tours de ce château qu’elle a été enfermée, le temps de son procès.

Acte de la vicomté de Rouen sous le sceau d’Henri VI, 17 décembre 1439.

“Château du Vieux Palais at Rouen in Normandy”, engraving by James Basire from a drawing by Louis-Jean Allais, 18th century.

ADSM, G 1893.

ADSM, 1 Fi 599.

As soon as he entered Rouen, Henry V started work on a new fortress where the Seine meets the western part of the city walls (this is now the boulevard des Belges). Known later on as the “Vieux Palais”, it was destroyed during the Revolution. The king of England also reinforced the castle to the north of the town built by king Philippe Auguste after the defeat of 1204. This English engraving shows us the Vieux Palais on the left as it appeared in the eighteenth century (a map appears at the bottom), with the keep of Philippe-Auguste’s castle, now known as Joan of Arc’s Tower, on the right. She was held in one of the towers of this castle during her trial.

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La mainmise sur Rouen permet à Henri V d’affirmer son autorité en Normandie. Pendant près de trente ans, la présence anglaise s’impose. Même si les administrations évoluent peu, le sceau connaît une évolution symbolique. On trouve ainsi sur un même sceau, celui de la vicomté de Rouen, deux écus côte à côte : le premier, aux armes de France, avec les fleurs de lys, et le second, écartelé, au premier et troisième aux mêmes armes, et au second et quatrième, aux trois léopards d’Angleterre.

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Deed of the Viscount of Rouen under the seal of Henry VI, 17 December 1439. ADSM, G 1893.

Henry V was able to assert his authority in Normandy thanks to his control of Rouen. The English stayed for almost thirty years. Although there was little change in the way Normandy was governed, there was a symbolic change in the seal. A single seal, that of the Viscount of Rouen, has two shields side by side: the first, with the arms of France and fleurs-de-lys, and the second, divided, with the same arms in the first and third sections but the three leopards of England in the second and fourth sections.

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Un refuge pour les protestants français L’essor de la Réforme protestante en France s’est heurté à l’hostilité des autorités en place, alternant avec des trêves rarement durables. Le camp protestant en revanche a pu compter sur un soutien moral, et à l’occasion militaire, de l’Angleterre anglicane sous élisabeth Ire, alors que la Grande-Bretagne avait rompu avec l’Église catholique. Une importante colonie française, pour échapper aux persécutions, a trouvé refuge à Rye, une ville côtière de l’East Sussex, port commercial alors important et principale destination au départ de Dieppe ; tous ne sont pas retournés en France après l’Édit de Nantes (1598). La révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV, en 1685, qui a ôté aux protestants français tout droit de cité pour plus d’un siècle, a suscité de nouvelles vagues d’émigration vers l’Angleterre. Rye par William Henry Borrow, huile sur panneau, 1886.

A refuge for French Protestants The rise of the Protestant Reformation in France faced opposition from the established authorities, interspersed with occasional short truces. But the Protestant camp enjoyed moral (and sometimes military) support from Anglican England under Elizabeth I, after England broke with the Catholic church. A large French colony found refuge from persecution in the East Sussex coastal town of Rye, which was then an important trading port and the main landing point for ships leaving Dieppe; not all returned to France after the Edict of Nantes (1598). When this edict was revoked by Louis XIV, in 1685, stripping French Protestants of all their rights for more than a century, a new wave of emigration to England began.

HASMG, 1956.45.1.

Rye by William Henry Borrow, Oil on panel, 1886. HASMG, 1956.45.1.

La description des ruines du port de Rye, avec ses cours et concurrence d’eaux fraiches qui y coulent et de même la manière dont elles se jettent dans la mer par Philip Symonson, 1594. ESRO, RYE 132/4.

La carte couvre la région de Fairlight et Sedlescombe à l’est jusqu’à Romney et Dungeness, et au nord jusqu’à Tenterden et Warehorne (Kent). Elle montre les principales rivières, églises, maisons isolées, le château de Camber, les villes dessinées en perspective et les moulins dessinés en élévation. Le site d’Old Winchelsea, qui a perdu son accès à la mer dans les années 1280, est également illustré, ainsi que New Winchelsea, déjà en déclin en raison de l’envasement du port. Une découpe suggérée pour améliorer l’accès de Rye vers la mer est illustrée par des lignes brisées et suit la rivière Brede et le ruisseau Dimsdate vers la côte.

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The description of the decayed Harbrough of Rye, with the Courses and Concurrence of the fresh waters that fall into the same and lykewyse the manner of their yssuing into the Sea by Philip Symonson, 1594. ESRO, RYE 132/4.

The map includes the area from Fairlight and Sedlescombe eastwards to New Romney and Dungeness, Kent, and north to Tenterden and Warehorne, Kent. It shows principal rivers and channels, churches, isolated houses, Camber Castle, towns drawn in perspective view and windmills drawn in elevation. The site of Old Winchelsea, which was lost to the sea in the 1280s is also shown, together with New Winchelsea, already in decline owing to the silting up of the harbour. A suggested cut, to improve Rye’s access to the sea, is shown by broken lines and follows the River Brede and Dimsdale stream to the coast.

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Plan de Rouen assiégée et prise par Charles IX, 1562. BMR, Est. Topo G bmr 3737.

Map of Rouen besieged and taken by Charles IX, 1562. BMR, Est. Topo G bmr 3737.

La réforme protestante a vu en Haute-Normandie l’émergence de communautés importantes, notamment autour de Rouen ou de Dieppe. Très peu de temps après le massacre de Vassy, qui marque le début de la guerre civile, les « huguenots » prennent en avril 1562 le contrôle de la ville de Rouen, se livrant à de nombreuses destructions et mutilant notamment les statues de la cathédrale. Avant d’avoir pu recevoir un renfort des Anglais, la ville est encerclée par les troupes royales qui en reprennent possession le 21 octobre ; celle-ci subit des représailles violentes. Le plan présenté figure Rouen avec le positionnement des forces royales qui l’encerclent, avec la brèche ouverte à proximité de la porte Saint-Hilaire. Large Protestant communities became established in Upper Normandy, centred mainly on Rouen and Dieppe, following the Protestant Reformation. The Huguenots took control of Rouen in April 1562 shortly after the massacre of Vassy, which marked the start of the civil war, and indulged in large-scale destruction, including mutilation of the statues in the cathedral. The town was surrounded by royal troops before English reinforcements could arrive, and the town changed hands again on the 21st of October. Violent reprisals then took place. This map shows Rouen and the positions of the royal troops surrounding it, with the breach opened near the Saint-Hilaire gate.

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Registres paroissiaux de Rye, mentionnant des baptêmes et mariages dans la communauté française, 1575. ESRO, PAR 467/1/1/2.

Fuyant les persécutions, de nombreux Français ont trouvé refuge à Rye. Engagée en 1562, cette émigration s’est poursuivie ensuite, notamment après les massacres de la Saint-Barthélémy, 1534 réfugiés étant dénombrés en 1582. Le premier registre conserve la mention de baptêmes de protestants français, insérés en marge d’une main différente (William Laisné, Francis Macquerie) ; dans le second, on voit reportés plusieurs mariages, dont celui de Martine Cauchie. Cette dernière était toujours à Rye en 1588, date à laquelle elle rédigeait son testament.

Parish register of Rye showing baptisms and marriages of members of the French church, 1575. ESRO, PAR 467/1/1/2.

To escape persecution, a large French colony fled to Rye. This wave of emigration started in 1562 and then continued, especially after the Saint Bartholemew’s Day massacre, with 1,534 refugees being recorded in 1582. The first register refers to baptisms of French Protestants, inserted in the margin by a different hand (William Laisné, Francis Macquerie), while the second mentions several marriages, including that of Martine Cauchie who was still living in Rye in 1588 when she drew up her will.

Liste des protestants français réfugiés à Rye, novembre 1571. ESRO, RYE 47/2/12.

Par arrêté des Lords du Conseil du 28 octobre 1571, un recensement des étrangers de la ville est ordonné, en vue d’expulser les indésirables : « A part une grande multitude de personnes bonnes, honorables, pauvres et dévotes et affligées, il y a également un autre nombre de personnes enclines au mal au nom de la religion et de la piété qui ont pénétré récemment aux différentes ports et criques dans le royaume, selon lequel les sujets naturellement bons sont susceptibles non seulement d’être corrompus par les mauvaises conditions des vilains mais également par le nombre excessif des deux sortes… ». La liste est retournée le 13 novembre 1571. On y note que les membres de l’Église française de Rye, arrivés avant mars précédent « ont un comportement très honorable ». De nombreux noms - par exemple, Francis Cauchie - se retrouvent souvent dans les documents locaux.

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List of French Protestant refugees in Rye, November 1571. ESRO, RYE 47/2/12.

Order from the Lords of the Council, 28 October 1571, ordered a survey to be made of strangers (foreigners) in the town and for undesirables to be expelled: “Besides a great multitude of good, honeste and devoute poore and afflicted people, there are allso another nombre of evill disposed people under color of religion and pietie lately entred at sondry portes and crekes into the realme, whereby the naturall good subjectes are like not only to be corrupted with the evil conditions of them which are nawght, but allso by the excesse nombre of bothe sortes…“ Rye officials replied on 13 November 1571. It states that members of the French church of Rye, who had arrived before March that year, “are of very honest behaviour”. Many of the names recorded here - for example, Francis Cauchie - occur frequently in local records.

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Vers le rapprochement Après des siècles souvent conflictuels, marqués notamment par le bombardement de Dieppe en 1694, les derniers siècles sont l’occasion d’un rapprochement progressif, qu’illustrent l’Entente cordiale, les alliances militaires, puis le développement des échanges dans le cadre de l’Union européenne. La Première Guerre mondiale a placé la Seineinférieure (aujourd’hui Seine-Maritime) dans une position stratégique. Du fait de la proximité avec le front, Le Havre, Dieppe et Rouen deviennent des bases militaires anglaises. Alors que la grande majorité des « Tommies » ne font que transiter, d’autres occupent en permanence les bases maritimes et plusieurs hôpitaux militaires britanniques y sont installés. La période de la Seconde Guerre mondiale, période d’Occupation, est marquée par de nombreux parachutages anglais et surtout par la première tentative de débarquement à Dieppe en 1942. Quand elle viendra à Rouen trente ans après, la reine élisabeth II rendra hommage à tous les soldats tués lors de ces conflits.

Siège et assaut de la ville de Gournay-en-Bray, le 26 septembre 1591. Plan à la plume sur papier entoilé (fac-similé d’un original conservé en Angleterre). ADSM, 12 Fi 635.

Le conflit avait commencé par l’insurrection des Protestants, il se termine avec celle des Ligueurs catholiques. Cette copie d’un plan anglais illustre le siège de la ville de Gournay-en-Bray par les troupes royales, commandées par le maréchal de Gontaut-Biron et aidées par les troupes anglaises du comte d’Essex. Depuis septembre 1589, la ville était en effet aux mains des Ligueurs qui ne reconnaissaient pas le roi de France Henri IV, alors encore protestant.

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Moving closer together After centuries of intermittent conflict, with the bombardment of Dieppe in 1694 a particularly significant event, recent times have been more harmonious as relations improved. This trend is demonstrated by the Entente Cordiale, military alliances, and subsequently the growth of trade in the context of the European Union. The Lower Seine (now known as Seine-Maritime) was a strategic location in the First World War. Le Havre, Dieppe and Rouen became military bases as they were so close to the front. Though most of the “Tommies” were just passing through, some were permanently based in the coastal camps and several British military hospitals were set up. Many British parachute drops took place in the Second World War when the region was under occupation, and Allied forces attempted to land in Dieppe in 1942. Queen Elizabeth II paid homage to all the troops who died during these conflicts when she visited Rouen thirty years later.

Siege and attack of the town of Gournay-en-Bray, 26 september 1591. Map in pen on paper with backing (facsimile of an original in England). ADSM, 12 Fi 635.

The conflict had started with a revolt by Protestants and ended with one by members of the Catholic League. This copy of an English map depicts the siege of the town of Gournay-en-Bray by royal troops under the command of Marshal Gontaut-Biron and supported by the English forces of the Count of Essex. The town had been held since September 1589 by members of the Catholic League, who did not accept Henry IV, who was still a Protestant at that time, as king of France.

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La rencontre de François Ier et Henri VIII au Camp du Drap d’or, en 1520, bas-relief de l’Hôtel de Bourgtheroulde. Lithographie d’Engelmann. ADSM, BHN 62/2.

Meeting of Francis I and Henry VIII at the Field of the Cloth of Gold in 1520, bas-relief of the Hotel de Bourgtheroulde. Lithography by Engelmann. ADSM, BHN 62/2.

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Le bombardement de Dieppe par la flotte anglaise, gravure d’Aveline, fin xviie siècle. ADSM, 1 Fi 409.

La période qui s’étend du XVIe au début du XIXe siècle reste marquée par de nombreux conflits, qui alternent avec des traités de paix rarement très durables (1655, 1783, 1801…). L’un des épisodes les plus marquants dans la région est le bombardement de Dieppe par les troupes anglaises en 1694 durant la Guerre de la Ligue d’Augsbourg, évoqué dans cette gravure de Pierre Aveline (1656-1722), qui a détruit une grande partie de la ville. Le Havre est également bombardé en 1759, pendant la Guerre de Sept ans. La ville de Dieppe, notait Vauban dans son projet de fortifications pour la ville, « est voisine d’Angleterre et de Hollande que l’on doit considérer comme des ennemis puissants et capables de grands desseins dont il faut se garder ».

The bombardment of Dieppe by the English navy, engraving by Aveline, late 17th century. ADSM, 1 Fi 409.

The period from the 16th century to the start of the 19th century was marked by several conflicts, interspersed with often short-lived peace treaties (1655, 1783, 1801, etc.). One of the bloodiest episodes in the region was the bombardment of Dieppe by English troops in 1694 during the War of the League of Augsburg, depicted in this engraving by Pierre Aveline (1656-1722), which destroyed much of the town. Le Havre was also bombed in 1759 during the Seven Years War. When planning the fortifications for Dieppe, Vauban noted that the town “is close to England and Holland, which must be considered as powerful enemies capable of great designs against which we must protect ourselves”.

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Arrivée de la Reine Victoria au château d’Eu le 21 septembre 1843. Estampe dessinée et gravée par Percival Skelton. ADSM, 1 Fi 327.

La reine Victoria (1837-1901), invitée par Louis-Philippe roi des Français (1830-1848), arrive dans son carrosse au château d’Eu, propriété de la famille d’Orléans. Cette visite vient sceller le rapprochement diplomatique franco-anglais, après des années de crise marquées par plusieurs affaires coloniales : crise turco-égyptienne (révolte du pacha d’Egypte Méhémet Ali contre le sultan de Turquie), affaire de Portendick sur le commerce de la gomme au large du Sénégal, affaire du droit de visite des navires de commerce sur les côtes africaines, affaire des îles Sandwich, etc. Avec la visite de LouisPhilippe à Windsor au mois d’octobre de l’année suivante, en 1844, la visite de la reine Victoria à Eu est l’expression la plus aboutie de la première Entente cordiale.

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Arrival of Queen Victoria at the castle of Eu on 21 September 1843. Etching drawn and engraved by Percival Skelton. ADSM, 1 Fi 327.

Queen Victoria (1837-1901) was invited to France by King Louis-Philippe (1830-1848) and is seen here arriving in her carriage at the castle of Eu, owned by the Orléans family. This visit was to seal an improvement in Franco-English diplomatic relations after years of crisis marked by several colonial events: the Turko-Egyptian crisis (when the Pasha of Egypt, Mehmet Ali, rebelled against the Sultan of Turkey), the Portendick affair on the question of trade in gum arabic off the coast of Senegal, the dispute on rights of trading ships to call in at ports on the coast of Africa, the affair of the Sandwich islands, etc. Both this visit by Queen Victoria to Eu and that of Louis-Philippe to Windsor the following October in 1844 were the clearest expression of the first Entente cordiale.

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Adresse de la Cité de Londres au roi Louis-Philippe en visite à Windsor au mois d’octobre 1844. Reproduction lithographique, dans Edouard Pingret, Voyage de S. M. Louis-Philippe Ier roi des Français au château de Windsor dédié à S. M. Victoria reine d’Angleterre, Paris, 1846. ADSM, BHH 1419.

Le texte de cette adresse de félicitations du Conseil commun de la Cité de Londres à Louis-Philippe fut lu en octobre 1844 à ce dernier à Windsor par l’archiviste de la Cité, Henry Alworth Merewehter, qui a également signé la présente adresse, copiée sur vélin et ornée par plusieurs artistes pour être offerte au roi des Français en juillet 1845.

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Address by the City of London to King Louis-Philippe during his visit to Windsor in October 1844. Lithographic reproduction, in Edouard Pingret, Voyage de S. M. Louis-Philippe Ier roi des Français au château de Windsor dédié à S. M. Victoria reine d’Angleterre, Paris, 1846. ADSM, BHH 1419.

The text of this congratulatory address by the Joint Council of the City of London to Louis-Philippe was read out to the king in October 1844 in Windsor by the City archivist, Henry Alworth Merewether, who also signed this address, copied onto vellum and decorated by several artists and presented to the King in July 1845.

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« Boys, come over here, you’re wanted ». Publication du Parliamentary recruiting committee à Londres ; Allen (David) & Sons, imprimeurs à Harrow, Middlesex et Londres. ADSM, 169Fi guerre 14-18 61.

«Boys, come over here, you’re wanted». Publication of the Parliamentary recruiting committee in London; Allen (David) & Sons, printers of Harrow, Middlesex and London. ADSM, 169Fi guerre 14-18 61.

Publiée en masse par le Parliamentary recruiting committee (le comité parlementaire de recrutement), probablement en 1915, cette affiche s’adresse aux jeunes Anglais susceptibles d’intégrer l’armée britannique sur le front. Le rattachement à l’armée s’est fait sur la base du volontariat jusqu’en 1916, où une loi instaure le service militaire obligatoire. Ce soldat anglais armé d’une baïonnette scrute l’horizon de l’est, où se situent les conflits. This poster, published in huge numbers by the Parliamentary recruiting committee, probably in 1915, was aimed at young Englishmen who might be considering joining up for active service at the front. Recruitment was voluntary until 1916 when a law introducing conscription was introduced. This English soldier holding a bayonet is scanning the horizon to the east, where the major battles took place.

Cavaliers anglais à Étretat. Tirage d’après un cliché sur verre. ADSM, 38 Fi 1616.

En décembre 1914, l’hôpital militaire général des Forces expéditionnaires britanniques, ainsi que l’état-major du Royal Army Medical Corps, s’installent à Étretat. Les officiers et sous-officiers prennent leurs quartiers dans les hôtels et villas réquisitionnés, tandis que les soldats sont placés dans des casernes ou « barracks » construites pour l’occasion. Les promenades à cheval sur les plages, dans les campagnes ou forêts constituaient une distraction très appréciée par les officiers.

ADSM, 169Fi guerre 14-18 47.

English cavalry in Étretat. Print from a glass plate. ADSM, 38 Fi 1616.

In December 1914 the general military hospital of the British Expeditionary Force and the staff of the Royal Army Medical Corps moved into Étretat. The officers and non-commissioned officers were housed in hotels and villas that had been requisitioned, while other ranks were put up in barracks that had been built for this purpose. The officers very much enjoyed riding out on the beaches and in the fields and forests.

ADSM, 169Fi guerre 14-18 47.

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portrait de George V.

ADSM, 169 Fi Guerre 14-18 921.

portrait of George V.

ADSM, 169 Fi Guerre 14-18 921.

Télégramme annonçant la visite du Roi George V, 21 octobre 1915. ADSM, 10 RP 136/7.

Le télégraphe, au même titre que le pigeon voyageur ou la radio, constituait pendant la guerre un moyen rapide et efficace de communiquer avec le front et les Alliés. Les messages étaient systématiquement codés afin d’éviter que l’ennemi n’intercepte l’information. La venue secrète du roi d’Angleterre George V, de passage à Rouen pour une visite des troupes britanniques, a donné lieu à ce message crypté utilisant un code chiffré extrêmement complexe.

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Telegram announcing the visit of King George V, 21 October 1915. ADSM, 10 RP 136/7.

The telegraph, along with carrier pigeons and radio, was a fast and effective means of communication between the Allies and the front line during the war. Messages were always sent in code to prevent the enemy intercepting the information. This message, encrypted using a highly sophisticated cipher, relates to the secret visit made by King George V to British troops in Rouen.

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Lettre illustrée du peintre Percy Horton à Lydia Sargent Smith décrivant l’état physique et émotionnel d’Harry Horton à son retour de la guerre [Déc. 1918]. ESRO, AMS 6375/1/9.

An illustrated letter from the artist Percy Horton to Lydia Sargent Smith describing the physical and emotional state of Harry Horton on his return from war [Dec 1918]. ESRO, AMS 6375/1/9.

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Mon frère rentra chez nous du front couvert de boue, de sang et de poux. Ses vêtements étaient tellement sales que notre mère ne pouvait rien en faire et il porte maintenant mon vieux kaki !... Le pauvre garçon était si épuisé qu’il titubait comme un homme saoul… La guerre semble l’avoir rendu malade et morose. Il ne fait que se morfondre. My brother arrived home from the front covered in mud and blood and lice. His clothes were so filthy that mother could do nothing with them and he is now wearing my castoff khaki!...The poor boy was so tired out that he reeled like a drunken man…War seems to have made him ill and gloomy. He just mopes.

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Account of the Dieppe raid by Roger Rothwell, clerk to Newhaven Town Council, illustrated with photographs and a map; published jointly by Newhaven Town Council and East Sussex County Council to mark the fiftieth anniversary of the event. ESRO, P 426/10/1

Compte-rendu du raid sur Dieppe par Roger Rothwell, greffier du conseil municipal de Newhaven, illustré de photographies et d’une carte, publié conjointement par le conseil municipal de Newhaven et l’ East Sussex County Council pour le cinquantième anniversaire de l’événement. ESRO, P 426/10/1.

Le 19 août 1942, 6 100 soldats anglais et surtout canadiens ont débarqué sur les plages de Dieppe. L’« Opération Jubilee » devait permettre la destruction de défenses côtières et d’infrastructures stratégiques, et le rembarquement des troupes dans la même journée. L’engagement aérien étant faible, les positions allemandes ont particulièrement résisté aux assauts terrestres des commandos débarqués, et les troupes alliées se sont rendues après 10 heures de combat. De l’échec durement payé de l’opération « Jubilee » (4 400 disparus, tués, blessés ou faits prisonniers), les Alliés tireront la leçon pour la préparation des débarquements ultérieurs.

Rapport du capitaine Lainé commandant la section de gendarmerie d’Yvetot sur la découverte de tracts anglais à Bourville, 13 février 1942.

Report by Captain Lainé, commander of the Yvetot gendarmerie section, on the discovery of English leaflets in Bourville, 13 February 1942.

ADSM, 1408 W 574.

ADSM, 1408 W 574.

Exemplaire du Courrier de l’Air du 28 janvier 1943.

Copy of Courrier de l’Air newsletter dated 28 January 1943.

Collection privée.

Développé pendant la Première guerre, le largage de tracts par des avions ou des ballons devient au cours de la Seconde une arme de propagande très utilisée dans les deux camps. Créé en juillet 1940, le Special Operations Executive (SOE) organise la propagande pour les pays occupés par l’Allemagne. La distribution des tracts est faite par les unités d’entraînement de la Royal Air Force (RAF). Ces tracts qui ont pour objectif de démoraliser les troupes allemandes et d’encourager la population à résister revêtent différentes formes. Le « Courrier de l’air » cité dans ce document était un petit journal d’informations de 4 pages.

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Visite de la Reine élisabeth II d’Angleterre à Rouen le 19 mai 1972, extrait de presse. ADSM, 29 W (Z 83 404).

Pour le deuxième voyage officiel de la Reine élisabeth II d’Angleterre en France, du 15 au 19 mai 1972, le couple royal achève son parcours par une courte visite de Rouen. Arrivés le 19 en début d’après-midi à la gare de Rouen, la reine et le prince Philippe, acclamés par une foule enthousiaste, se rendent au cimetière de Saint-Sever pour une cérémonie d’hommage aux 12 000 soldats britanniques morts au cours des deux guerres mondiales, puis une réception est offerte quai Jean de Béthencourt sur le yacht royal « Britannia », en présence de Jean Lecanuet, sénateur-maire de Rouen, et Jacques Chaban-Delmas, premier ministre. Le magazine « Jour de France », dans son numéro du 6 juin 1972, présente de nombreuses photographies des visites de la reine au cours de son séjour.

Visit by Queen Elizabeth II to Rouen on 19 May 1972, press cutting. ADSM, 29W (Z 83 404).

During the second state visit by Queen Elizabeth II to France, from 15 to 19 May 1972, the last event for the royal couple was a short stop in Rouen. Arriving at Rouen station in the early afternoon of 19 May, the Queen and Prince Philip were welcomed by an enthusiastic crowd, travelled to Saint-Sever cemetery for a service of commemoration in honour of the 12,000 British troops who lost their lives in the two world wars and then hosted a reception on the royal yacht Britannia, tied up at quai Jean de Béthencourt attended by Jean Lecanuet, senator and mayor of Rouen and the Prime Minister Jacques Chaban-Delmas. The edition of “Jour de France” magazine published on 6 June 1972 contains several photographs taken during the queen’s visit.

Private collection.

Leaflet drops from aircraft or balloons were introduced in the First World War, and were to become a propaganda weapon widely used by both sides in the Second Word War. Set up in July 1940, the Special Operations Executive (SOE) organised propaganda for Germanoccupied countries. The leaflet drops were carried out by Royal Air Force (RAF) training units. The leaflets were designed to demoralise German troops and encourage the population to resist. There were various formats: the “Courrier de l’Air” referred to in this document was a small, four-page newsletter.

1 • Lands linked by history

On 19 August 1942, 6,100 soldiers, some English but mostly Canadian, left Newhaven and landed on the beaches of Dieppe. The goal of Operation Jubilee was to destroy coastal defences and strategic infrastructure, and to pick up the troops for the return journey the same day. As there was little air cover, the German forces put up a strong fight against the land-based attacks by the commandos who had been put ashore, and the Allied troops surrendered after ten hours of fighting. The heavy losses incurred during Operation Jubilee (4,400 soldiers were posted missing, killed, injured or taken prisoner) served as a lesson to the Allies in preparing future landings. Only 1,400 solders survived, most returning to the port of Newhaven after this disastrous raid.

Des territoires liés par l’histoire • 1

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2

Le développement commercial et industriel

Les ports et la circulation maritime Pendant très longtemps, Dieppe a été le principal port pour relier Paris à Londres via la côte sud de l’Angleterre, en passant par Winchelsea ou Rye. Peut-être fondée par l’abbaye de Fécamp, Rye disposait d’un port naturel créé par l’estuaire de plusieurs rivières. Après avoir souffert des attaques françaises en 1339 et 1377, pendant la Guerre de Cent ans, Rye a profité du déclin de Winchelsea, lié à son envasement, et connu une période de prospérité au xvie siècle avant d’être à son tour touché par le même phénomène. La voie Dieppe-Rye a été empruntée pour la messagerie officielle de 1579 à 1636, jusqu’à l’ouverture de la ligne Calais-Douvres. D’autres ports de la région ont pris la suite : Brighton, puis Newhaven, pendant qu’en Normandie Le Havre prenait une place de plus en plus grande. Le trafic maritime sur la Manche, très intense, était régulièrement entravé à l’occasion des conflits récurrents qui se traduisaient par des guerres de course. Il fallait également compter aussi avec les tempêtes fréquentes, occasionnant de nombreux naufrages.

Commercial and industrial development Ports and shipping For many years Dieppe was the main port used by people travelling between Paris and London via the south coast of England via Winchelsea or Rye. Possibly founded by Fécamp Abbey, Rye depended on its natural harbour created by the estuary of several rivers. After being attacked by French troops in 1339 and 1377 during the Hundred Years War, Rye benefited from the decline of Winchelsea, whose access to the sea was silting up, and prospered during the sixteenth century before it too began to suffer the same fate. Rye to Dieppe was the official route for the royal mail 1579-1636 until the Dover to Calais route took over. Other local ports took over: Brighton, and later Newhaven, while in Normandy Le Havre was becoming increasingly important. Shipping in the Channel, a well-used sea route, was regularly hampered by recurrent wars and associated privateering. Sailors also had to contend with frequent storms which often led to shipwrecks.

Bateau dans le port de Newhaven, vers 1872. Le bassin du Havre, gravure, XIXe siècle. ADSM, 1 Fi 412.

Basin in Le Havre, engraving, 19th century.

ESRO, PDA 426/2.

Photograph of ships in Newhaven harbour, c. 1872. ESRO, PDA 426/2.

ADSM, 1 Fi 412.

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2 • Commercial and industrial development

Le développement commercial et industriel • 2

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Nicolas Marie Ozanne, « Le port de Dieppe animé ». XVIIIe siècle. Dessin original à la plume. ADSM, 1 Fi 598.

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Nicolas Marie Ozanne, dessinateur de marine, est né à Brest en janvier 1728 et décédé à Paris en janvier 1811. Après 1775, il a réalisé, à la demande du roi, 80 plans et vues des ports du royaume gravés par Le Gouaz, son beau-frère. Sur ce dessin de Dieppe, on voit le chemin de halage, c’est-à-dire l’espace laissé libre pour permettre aux chevaux ou aux hommes de tirer les bateaux hors d’eau. En face : le quai Henri IV, le château et l’église Saint-Jacques. Sur la droite, on aperçoit l’hôtel d’Anvers et, à gauche, le quartier du Pollet.

2 • Commercial and industrial development

Nicolas Marie Ozanne, “Le port de Dieppe animé”. 18th century. Original pen drawing. ADSM, 1 Fi 598.

Nicolas Marie Ozanne, a naval draughtsman, was born in Brest in January 1728 and died in Paris in January 1811. After 1775 he was commissioned by the king to draw up 80 maps and views of ports of the kingdom, which were engraved by his brother-in-law Le Gouaz. This drawing of Dieppe shows the towpath, the space left clear to allow boats to be pulled out of the water by horses or men. On the other side we see the quai Henri IV, the castle and SaintJacques church. On the right is the Hôtel d’Anvers and on the left stands the Pollet district.

Le développement commercial et industriel • 2

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Projet d’extension du port de Dieppe avec création d’un port de refuge. Lithographie couleur par Rivière vers 1840. ADSM, 1 Fi 314.

Cette vue perspective de la ville de Dieppe, réalisée aux alentours de 1840, met en évidence deux ambitieux projets d’infrastructure qui n’ont jamais vu le jour : au premier plan, un imposant bassin, destiné à recevoir les grands voiliers, s’étend jusqu’à Neuville ; pour l’atteindre, les navires empruntent un canal « allant du côté de Paris ». L’idée d’un canal reliant Dieppe à la capitale était née avec Vauban, avant d’être reprise durant la Révolution. Amorcé au niveau du port, le chantier du canal est vite interrompu ; l’arrivée du chemin de fer en 1848 en est probablement la principale raison. Toutefois, l’idée réapparaîtra encore en 1863 sous l’intitulé Paris port de mer. Quant aux nouveaux bassins, ils seront creusés à proximité de la ville, à une moindre distance de la mer.

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Extension project for the port of Dieppe, with the creation of a port of refuge. Colour lithography by Rivière, c. 1840. ADSM, 1 Fi 314.

This perspective view of Dieppe, designed around 1840, highlights two ambitious infrastructure projects that never emerged: on the foreground, a large basin meant for receiving tall ships, extends to Neuville; to reach it, the ships used a channel “going to Paris”. The idea of a canal linking Dieppe to the capital was born with Vauban, before being taken up again during the Revolution. Initiated at the port, the construction site of the channel is quickly interrupted; the advent of the railway in 1848 is probably the main reason for this. However, the idea came up again in 1863, referred to as Paris Seaport. As for the new basins, they are dug near the city at a shorter distance from the sea.

2 • Commercial and industrial development

Vue d’artiste des installations portuaires « en construction » à Newhaven en 1878 pour faciliter le service de ferries vers Dieppe. ESRO, SHR 3651.

On remarque notamment les grands bassins à flot à l’est de la rivière et les quais du port extérieur. Newhaven s’établit comme port lorsque le cours de la rivière Ouse fut redirigé par un banc de galets à Meeching, ce qui créa le « New Haven » (nouveau port) vers 1539. Dans les années 1800, ce port de Newhaven s’imposait surtout pour des raisons stratégiques – le besoin d’une base navale ou d’un havre abrité pour riposter contre les actions hostiles des Français. Au cours du xixe siècle, ce fut cependant la liaison ferry avec la France qui influença le développement du port.

Le développement commercial et industriel • 2

Artist’s impression of harbour works “under construction”’ at Newhaven in 1878 to facilitate the ferry service to Dieppe. ESRO, SHR 3651.

Notable are the large wet dock to the east of the river, and the docks in the outer harbour. Newhaven was established as a port when the River Ouse was re-channelled through the shingle bank at Meeching, which created the “New Haven” around 1539. An important reason for maintaining a harbour at Newhaven around 1800 was a strategic one - the need for a naval base or sheltered haven locally to counter French hostile action. As the 19th century progressed, however, it was the French ferry link which influenced harbour development.

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Nomination d’un capitaine par le Lord Grand Amiral de Grande-Bretagne, 1757. Certificat d’apprentissage de matelot, 12 février 1760. ADSM, 201 BP 689.

Appointment of a captain by the Lord High Admiral of Great Britain, 1757. Sailor’s apprenticeship contract, 12 February 1760. ADSM, 201 BP 689.

Daté de 1757, le premier document porte nomination de Robert Farwell comme capitaine du navire le Dolphin, un navire de commerce sans canons, d’une capacité de 90 tonneaux, à destination de Terre-Neuve, du Portugal ou de l’Espagne. La commission est faite au nom du Lord Grand Amiral « de Grande-Bretagne et d’Irlande, etc. et de toutes les plantations de Sa Majesté ». En 1757, c’est Lord Anson (1697-1762) qui occupe la fonction. Promu au grade de vice-amiral et anobli au début de la guerre de Succession d’Autriche, il commande les flottes engagées contre la France pendant la guerre de Sept Ans ; en mai 1758, il est à la tête de la flotte britannique qui fait le blocus de Brest et mène des attaques contre Saint-Malo. Sa popularité est très grande en Angleterre grâce au récit de son « Voyage autour du monde dans les années 1740 à 44 », publié à Londres en 1748. Le deuxième document est un contrat d’apprentissage de matelot ; à la manière des chirographes médiévaux, ceux-ci étaient établis en deux exemplaires, superposés et découpés de façon identique en partie supérieure (d’où le nom d’endenture, « indenture » en anglais). Dated 1757, the first document appoints Robert Farwell as captain of the Dolphin, an unarmed trading ship with a capacity of 90 tons and bound for Newfoundland, Portugal or Spain. The appointment was made in the name of the Lord High Admiral “of Great Britain and Ireland etc. and of all His Majesty’s plantations”. In 1757 this post was held by Lord Anson (1697-1762). Promoted to Vice-Admiral and raised to the peerage at the start of the War of the Austrian Succession, he commanded the naval forces fighting against France during the Seven Years War; in May 1758 he was at the head of the British naval blockade of Brest and led raids on Saint-Malo. He was extremely popular in England on the other side of the Channel thanks to his “Voyage Round the World in the Years 170 to 1744”, published in London in 1748. The second document is a sailor’s apprenticeship contract. It is in the format of a mediaeval chirograph: these documents were drawn up in duplicate, one over the other, and cut through along a zig-zag line or indent so that the two parts could be matched together (this is why these contracts are also called indentures).

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2 • Commercial and industrial development

Affiche de vente aux enchères du bateau anglais le Dauphin, 1780. ADSM, 216 BP 339.

Alors que la guerre d’Indépendance américaine oppose les deux nations, des corsaires français se sont saisis d’un bateau anglais qui est mis en vente devant les officiers de l’Amirauté du Havre. Le Dauphin était un navire de commerce long de 11 m, sans canons. La « guerre de course » est alors de pratique courante. Les armateurs, couverts par une lettre de commission ou « lettre de marque » de l’amiral de France, ont le droit de commettre des actes de piraterie contre les puissances ennemies de la France. Le butin est ensuite partagé selon des règles imposées : 1/5e pour le roi, 1/10e pour l’Amiral de France, 2/3 pour l’armateur et le reste pour l’équipage, les veuves et les blessés.

Le développement commercial et industriel • 2

Notice of auction of the English ship the Dolphin, 1780. ADSM, 216 BP 339.

French pirates captured an English ship during the War of American Independence, in which the two countries were on opposite sides. The vessel was put up for sale before French Admiralty officers in Le Havre. The Dolphin was a thirty-six-feet unarmed trading vessel. Privateering was then common practice: ship owners, covered by a licence of “letter of marque” issued by the High Admiral of France, were entitled to commit acts of piracy against ships of countries hostile to France. The loot was shared out according to set rules: one-fifth to the king, one-tenth to the High Admiral of France, two-thirds to the ship owner and the rest to the crew, widows and wounded.

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Le développement du commerce Depuis l’Antiquité, la Normandie et l’Angleterre échangent matières premières et produits manufacturés. Les fouilles archéologiques témoignent de leur importance. Mais les relations ont souvent été chaotiques, au gré des évolutions internationales. Il faut lutter contre les réflexes protectionnistes et des taxes souvent élevées pèsent de part et d’autre sur les marchandises. La tentation est donc grande de recourir à la contrebande, une pratique qui apparaît dès le Moyen-Âge. Du côté anglais, on exporte illégalement de la laine, on importe des produits de luxe très taxés comme le thé, le tabac, les alcools ou la soie. De telles pratiques se retrouvent du côté français. Des marchandises illégales sont régulièrement saisies, notamment des tissus, et on signale en 1771 la présence de bateaux de pêche dieppois allant chercher les marchandises anglaises de contrebande au large des côtes afin d’éviter les contrôles. Moyen de diminuer ce commerce illégal, des traités sont signés à plusieurs reprises, mais le libre-échange a du mal à s’imposer (traité de commerce du 26 septembre 1786 dit Eden-Rayneval, traité de commerce CobdenChevalier de 1860). En 1873 est créée une chambre de commerce franco-britannique à Paris qui consolide durablement ces relations en dépit des « anglo-sceptiques ».

Registre de désarmement du bateau L’Amiral perdu à Hastings le 16 janvier 1792. ADSM, 7 P 6/14.

Wreck log of the Amiral, lost off Hastings on 16 January 1792. ADSM, 7 P 6/14.

Normandy and England have traded in raw materials and manufactured goods since ancient times. Archaeological digs show how significant trade was, but relations were often troubled depending on the international situation. Merchants had to fight against protectionist attitudes, and goods were often expensive because of high duties. Smuggling was therefore very tempting, and started as long ago as the Middle Ages. England’s illegal exports consisted of wool, while heavily-taxed luxury items such as tea, tobacco, alcohol and silk were imported. Similar activities went on in France as well. Illegal goods, especially cloth, were regularly seized, and in 1771 it was reported that fishing boats based in Dieppe were sailing out to pick up English contraband goods at sea to avoid controls. Many treaties were signed in an attempt to reduce this black-market trade, but free trade proved difficult to establish (the Eden-Rayneval treaty of 26 September 1786, the CobdenChevalier trade treaty of 1860). A Franco-British Chamber of Commerce was set up in Paris in 1873, and this led to a lasting consolidation of trade links despite the “Anglosceptics”.

Les registres des bâtiments de commerce nous permettent de mesurer l’importance du trafic maritime au départ de la Haute-Normandie. Certains faisaient naufrage en route, tel l’Amiral, perdu sur la côte anglaise, au large d’Hastings, le 16 janvier 1792. Celui-ci avait été armé à Rouen le 1er mars 1791 ; c’était un sloup (ou sloop), c'est-à-dire un navire à voiles à un mat, avec un seul foc (voile triangulaire) à l’avant, d’une capacité de 50 tonneaux, soit 72 m3 environ. Il comptait 8 membres d’équipage : un matelot, un officier, un mousse et 4 personnes remplaçantes, ainsi qu’un novice. Commercial shipping registers show the extent of sea trade on ships leaving Upper Normandy. Some ships were shipwrecked before they reached their destination, as was the case of the Amiral which was lost off the English coast near Hastings on 16 January 1792. It had been fitted out in Rouen on 1 March 1791. She was a sloop, that is to say a single-masted sailing ship with one jib (triangular sail) forward. Her capacity was 50 tons, or approximately 72 m3. She carried eight crew: a sailor, an officer, a cabin boy, four replacement crew and an apprentice.

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The development of trade

2 • Commercial and industrial development

Image idéalisée d’un contrebandier, début XIXe siècle, par E.Badham. HASMG, 1956.46.6.

Romanticised picture of an early 19th century Smuggler by E.Badham. HASMG, 1956.46.6.

Le développement commercial et industriel • 2

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Ordonnance du bailli de Dieppe sur les droits dus à l’archevêque de Rouen pour la traversée de la Manche, 26 octobre 1729. Affiche papier. ADSM, G 896.

L’ordonnance de Joseph Boullenc, bailli de Dieppe, est prise à la requête des représentants de l’archevêque de Rouen. En tant que seigneur du lieu, celui-ci prélève des taxes à chaque passage par mer de passagers, marchandises ou bagages vers l’Angleterre. Ces redevances coutumières, contestées, avaient été fixées par un tarif datant de 1695, un an après le bombardement de la ville par la flotte anglonéerlandaise. Tout passager doit se munir d’un permis attestant du paiement des droits ; le capitaine du navire est redevable pour les contrevenants. Il n’y aura pas de service régulier de passagers vers l’Angleterre avant 1774.

Ordinance of the bailiff of Dieppe on fees payable to the Archbishop of Rouen for crossing the Channel, 26 October 1729. Paper poster. ADSM, G 896.

This ordinance was issued by Joseph Boullenc, bailiff of Dieppe, at the request of the representative of the Archbishop of Rouen. In his capacity as the local lord, he charged fees on all passengers, goods and luggage travelling by sea to England. These controversial customary payments had been set in a tariff schedule drawn up in 1695, a year after the town had been bombed by the Anglo-Dutch fleet. All passengers were required to obtain a licence confirming that they had paid the fee, and the ship’s captain was responsible for unpaid fees. There would be no regular passenger service to England until 1774.

état détaillant les saisies faites à Dieppe et à Rouen. Dans le même dossier figure un rapport rédigé par Holker fils proposant des solutions pour lutter contre la contrebande anglaise, du 16 mai 1771. John Holker fils y détaille les marchandises de contrebande, ainsi que les ports français et étrangers où elles débarquent. Il dénonce la complicité de certains pêcheurs de Dieppe. Ainsi, pour éviter les prises, les contrebandiers s’arrêtent en mer au large de Dieppe et de petits bateaux de pêcheurs du port de Dieppe viennent les rejoindre pour transvaser les marchandises illicites à leur bord. Arrivés au port, les pêcheurs dieppois ne sont pas contrôlés. Au Havre, ce sont les étrangers établis dans cette ville qui favorisent la contrebande.

Quittance de paiement adressée à John Cutberd, marchand anglais, par Pierre Surreau, receveur général de Normandie, pour la livraison d’avoine, 21 octobre 1423. ADSM, J 1203, don des Archives de l’East Sussex, 2008.

Cette transaction commerciale en pleine Guerre de Cent ans et sous domination anglaise témoigne de la continuité des relations entre les deux territoires. Le marchand reçoit 65 livres tournois (9 livres 15 sous sterlings) pour de l’avoine livrée pour l’écurie du duc de Bedford alors régent de France pour le compte du jeune Henri VI.

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Receipt made out to John Cutberd, English merchant, by Pierre Surreau, Receiver General of Normandy, for a consignment of oats, 21 October 1423. ADSM, J 1203, gift of the East Sussex Record Office, 2008.

This commercial transaction, carried out at the height of the Hundred Years War when Normandy was under English occupation, shows that trade between the two territories was still continuing. The merchant was paid 65 Tours pounds (9 pounds 15 pence sterling) for oats delivered to the stables of the Duke of Bedford, who was then acting as regent of France on behalf of the young Henry VI.

2 • Commercial and industrial development

Detailed inventory of goods seized in Dieppe and Rouen. The same record contains a report dated 16 May 1771 drawn up by John Holker junior containing suggestions as to how to combat English smuggling. The report describes the goods smuggled and lists the French and foreign ports where they are landed, and accuses some Dieppe fishermen of being involved. The author claims that to avoid being captured the smugglers wait at sea off Dieppe, and small fishing boats come out from Dieppe to trans-ship the illegal goods. Dieppe fishermen are not checked when they return to harbour. In Le Havre, smuggling is easier because of the presence of foreigners in the town.

Le développement commercial et industriel • 2

Saisie d’étoffes prohibées en provenance d’Angleterre, 1751. ADSM, C 179.

Seizure of prohibited fabric from England, 1751. ADSM, C 179.

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Refus des marchands merciers de Dieppe d’admettre un Anglais dans leur corporation, 5 décembre 1765, extrait du registre des délibérations. ADSM, 5 EP 24/1.

Dans ce registre, les marchands-merciers-drapiers de Dieppe, qui se réunissaient rue de l’Ancienne poissonnerie, enregistraient leurs délibérations et les réceptions des maîtres et apprentis. Le 5 novembre 1765, ils prennent connaissance d’un mémoire envoyé à l’intendant Trudaine par le sieur Johnson, dans lequel il demande à être reçu dans la corporation en payant 600 livres à la communauté. Anglais catholique, Johnson résidait en France depuis douze ans. Trudaine appuie la demande en faisant valoir que cette admission n’aurait que des conséquences avantageuses pour le commerce avec l’Angleterre. Les merciers, se référant à leur statut, répondent qu’il n’est permis d’admettre aucun particulier qui ne soit né en France. Ils craignent surtout que sa connaissance du pays et de la langue n’en fasse un concurrent dangereux.

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Dieppe haberdashers refuse to allow an Englishman to join their corporation, 5 December 1765, extract from the minutes. ADSM, 5 EP 24/1.

This is a record of the deliberations of the haberdashers and drapers of Dieppe, who used to meet at the rue de l’Ancienne poissonnerie, and of the acceptance of masters and apprentices to their ranks. On 5 November 1765 they were notified of a memorandum sent to the governor, Mr. Trudaine, by Mr. Johnson, asking to be admitted to the corporation in return for payment to the community of 600 pounds. Johnson was an English Catholic who had been living in France for twelve years. Trudaine supported the request, claiming that this new member would only have beneficial consequences for trade with England. But the haberdashers, referring to their bye-laws, replied that they could not accept any individual not born in France. They were particularly concerned that his knowledge of the country and the language would make him a dangerous rival.

2 • Commercial and industrial development

Affiche imprimée sur la contrebande des alcools, 1821. ESRO, ASH 3991.

Printed notice about contraband spirits, 1821. ESRO, ASH 3991.

Le développement commercial et industriel • 2

Affiche imprimée, proposant une récompense pour toute information intéressant la revente de spiritueux de contrebande et notamment de cognacs français. Printed notice offering reward for information about retailing contraband spirits, which would have included French brandy.

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Mouvement des navires sur le port de Rouen, rapport de la Chambre de commerce, en anglais, 1879. ADSM, 8 M 603.

Observations de la Chambre de commerce de Normandie sur le traité de commerce entre la France et l’Angleterre, 1786-1787. ADSM, JP 578.

Observations of the Normandy Chamber of Commerce on the trade treaty between France and England, 1786-1787. ADSM, JP 578.

Par ce mémoire, la Chambre de commerce fait part de ses observations sur le traité de navigation et de commerce de 1786, après avoir envoyé deux de ses représentants en Angleterre. Elle note que les corporations de négociants et fabricants ont été consultées du côté anglais, contrairement à la France, obtenant l’annulation de certains articles susceptibles d’entraver leur commerce. Elle alerte le roi sur les conséquences du traité pour les négociants et industriels normands (filatures, fabriques de faïences…). Ainsi, elle s’inquiète de l’invasion des cotonnades anglaises bon marché qui met en péril des établissements modernes, tel celui de John Holker. In this memorandum the Chamber of Commerce records its views on the navigation and trade treaty of 1786, having sent two representatives to England. It notes that, contrary to the situation in France, English corporations of merchants and manufacturers had been consulted and had managed to have some clauses that might be detrimental to their business deleted. It drew the king’s attention to the impact of the treaty on Norman merchants and industrialists in the spinning and ceramics sectors, and expressed concern at the invasion of cheap English cotton which it saw as a threat to modern cotton mills like the one run by John Holker.

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2 • Commercial and industrial development

Movement of shipping at the port of Rouen, report by the Chamber of Commerce, in English, 1879. ADSM, 8 M 603.

Il faut attendre le milieu du XIXe siècle pour que se développent vraiment les pratiques de libre-échange entre les deux rives de la Manche. En 1842, les Anglais réduisent considérablement les taxes sur les matières premières, les produits manufacturés et semimanufacturés et suppriment les droits à l’exportation sur les produits finis. Trois ans plus tard, ils agissent de même sur tous les droits à l’exportation et la plupart des taxes à l’importation. En 1853, Gladstone, chancelier de l’Échiquier de Palmerston, accentue encore le désarmement douanier. En 1860, année du traité de Cobden-Chevalier, les produits encore taxés étaient essentiellement les produits de luxe. Les statistiques de fréquentation du port de Rouen attestent de la très forte présence des navires anglais dans le trafic reçu.

Le développement commercial et industriel • 2

Free trade between the two sides of the Channel did not really take off until the mid-nineteenth century. English duties on raw materials, finished and semi-finished goods were cut sharply in 1842, while export duties on finished goods were abolished. Three years later all export duties and most import duties were scrapped. In 1853, Gladstone, Palmerston’s Chancellor of the Exchequer, cut customs levies even further. By 1860, the year in which the Cobden-Chevalier treaty was agreed, the only products still subject to duty were mainly luxury goods. The statistics for shipping in the port of Rouen show that English vessels made up a very large proportion of the traffic entering the port.

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Le développement des forges dans l’East Sussex : un savoir-faire importé par les Normands Jusqu’au milieu du xviiie siècle, les forges ont constitué la principale activité industrielle de l’East Sussex . On y fondait le fer dès l’Antiquité, mais ce sont des artisans normands qui ont introduit le haut-fourneau et la forge d’affinage, à la fin du XVe siècle, à une époque où la demande de Londres allait croissante. La technique du haut-fourneau était connue depuis plusieurs siècles - et pratiquée notamment en Allemagne et en Suède -, mais elle n’est arrivée en France qu’après la Guerre de Cent ans. Ce sont des forgerons du pays de Bray qui l’ont introduite dans le Weald, au sud-est de l’Angleterre (Kent, Sussex), une région géologiquement très voisine, offrant de l’eau et du bois en abondance. La première installation connue d’un haut-fourneau concerne Buxted, vers 1490. La participation d’artisans français est attestée par les comptes et les registres paroissiaux mais aussi par certains noms de familles toujours représentés, comme les Lambert, les Ellis, les Gillet, les Laby. Le développement de la fonte au charbon a eu raison de cette industrie, qui produisait notamment des canons, mais les lacs artificiels créés pour faire fonctionner soufflets et marteaux, visibles sur les cartes anciennes, continuent à marquer aujourd’hui les paysages.

The development of forges in East Sussex: skills imported by the Normans Until the middle of the 18th century, the most important industrial activity in East Sussex was the manufacture of iron. Iron had been cast there since ancient times, but the blast furnace and finery forge were introduced from Normandy at the end of the 15th century, coinciding with increased demand from London. The blast furnace was not new technology - it existed in Germany and Sweden in the 12th century - but had spread to northern France after the end of the Hundred Years War. Ironworkers who migrated from the Pays de Bray introduced it to the Weald of Sussex and Kent, an area which has many geological similarities and abundant supplies of wood and water. The first known blast furnace in the Weald, and possibly in Britain, was in operation in Buxted by 1490. The local evidence of French immigrant ironworkers is to be found in the accounts of ironworks, in wills and parish registers and in surviving surnames, such as Lambert, Ellis, Gillet and Laby. This industry, which mainly produced cannons, was superseded by the development of coal smelting. However, some of the artificial lakes on which the industry relied for power to operate the bellows in the blast furnaces and hammers in the forges are still features of the landscape, and can also be seen on estate maps.

Compte des recettes et dépenses de Henry Westall pour la fonderie de Sir William Sidney à Robertsbridge et Panningridge, 1547.

Account of the receipts and payments of Henry Westall for Sir William Sidney’s ironworks at Robertsbridge and Panningridge 1547.

La fonderie de Robertsbridge et Panningridge fut construite par Sir William Sidney, qui acquit les terres de l’Abbaye de Robertsbridge en 1539 suite à la dissolution des monastères. Sidney avait sans doute réalisé le potentiel de la région pour la ferronnerie car on y trouvait déjà six hauts-fourneaux. La construction de la forge de Robertsbridge fut entreprise dès 1541 sur un affluent de la rivière Rother ; il se pourrait que des pierres de l’abbaye aient été utilisées à cet effet. Un deuxième fourneau fut construit à Panningridge, entre Brightling et Ashburnham en 1542. Les fourneaux du Wealden accueillirent des ouvriers français ayant les compétences nécessaires pour les faire fonctionner. Ces registres des fonderies témoignent de leur présence. La page commence avec un paiement pour des vaches à lait («kyne») et pour du lait, aux noms de Guill[i]am, Old, Amyas et Nicholas Bistoye.

The Robertsbridge and Panningridge ironworks were built by Sir William Sidney, who had acquired the lands of Robertsbridge Abbey in 1539 following the Dissolution of the monasteries. Sidney may have been aware of the area’s potential for ironworking as there were already six blast furnaces in the area, and by 1541 construction of the Robertsbridge forge was underway on a tributary of the River Rother, possibly reusing stone from the abbey. A second furnace was built at Panningridge, between Brightling and Ashburnham, in 1542. The Wealden furnaces welcomed French workers with the necessary skills to make them work. These ironwork accounts provide evidence of their presence. The page begins with an entry for money paid by Frenchmen for pasturing cows (“kyne”) and for milk. Names include Guill[i]am, Old Bistoye, Amyas Bistoye and Nicholas Bistoye.

ESRO, SHE 6/1/11/1.

Plaque de cheminée de 1636, montrant Richard Lennard, le ferronnier du fourneau de Brede, avec les outils et les produits de son métier. HASMG, 1904.7.

Fireback of 1636, showing Richard Lennard, the founder at Brede Furnace, with the tools and products of his trade. HASMG, 1904.7.

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2 • Commercial and industrial development

Le développement commercial et industriel • 2

ESRO, SHE 6/1/11/1.

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Carte par Samuel Cant d’un bois et de terres près du fourneau de Beckley, 1746, montrant l’étang à l’arrière-plan. ESRO, ACC 165/1526.

Le fourneau de Beckley a été installé en 1587 et, au moment où la carte a été dessinée, il était géré par William Gott qui y produisait des fusils. Au xvie siècle, les hauts-fourneaux consistaient généralement dans des tours hautes de 4 m 50 à 6 m, sur une base d’un peu moins de 5 m2. Le minerai de fer et le charbon étaient insérés par le haut et chauffés de sorte que le minerai se réduisait en fer liquide, qui était ensuite fondu dans des moules, créant des loupes de fonte brute. On augmentait la chaleur du fourneau en soufflant avec des soufflets alimentés par une roue à eau. Pour les forges aussi, où le fer était martelé, l’alimentation des soufflets et du marteau était hydraulique, ce qui exigeait souvent la création de grands lacs artificiels, qui caractérisent encore le paysage actuel.

Map by Samuel Cant of a wood and land near Beckley Furnace, 1746, showing the pond at the bottom. ESRO, Acc 165/1526.

The Beckley furnace was set up in 1587 and at the time that the map was drawn up was being run by William Gott to produce guns. In the 16th century, blast furnaces were usually towers about 15 feet square and 15-20 feet high. Iron ore and charcoal would go in the top and were heated so that the ore reduced to liquid iron, which was then cast into moulds, creating pigs of cast iron. The heat in the furnace was increased by blowing it with bellows, which were powered by a water wheel. In the forges, where the iron was hammered into bars, the bellows and the hammer were driven by waterpower and this often required the creation of large artificial lakes, which still feature in the landscape today.

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2 • Commercial and industrial development

Carte de la manse principale de Robert Wildgoose nommée Iridge à Salehurst par Ambrose Cogger, 1637. ESRO, ACC 6732/2.

Cette carte montre clairement le système complexe d’étangs artificiels créés pour alimenter le fourneau d’Iridge.

Le développement commercial et industriel • 2

Map of Robert Wildgoose’s capital messuage called Iridge in Salehurst by Ambrose Cogger, 1637. ESRO, Acc 6732/2.

This map clearly shows the complex system of artificial ponds created to service the Iridge furnace.

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La révolution industrielle et l’inf luence anglaise La révolution industrielle a démarré en SeineInférieure plus tardivement qu’en Angleterre et s’est portée sur deux secteurs de l’industrie en particulier : le textile et le secteur du transport avec le développement du chemin de fer. La mécanisation du textile doit beaucoup à John Holker qui fait venir des ouvriers anglais pour sa manufacture, dans le faubourg SaintSever, et qui ramène de Londres des métiers à tisser, de l’outillage et des fils nécessaires à la production. La crise économique qui précède la Révolution accélère la modernisation, alors que le traité de libre-échange de 1786 révèle la supériorité de l’industrie textile anglaise en partie mécanisée. L’utilisation de l’eau comme force motrice se diffuse alors avec le concours des Anglais, ainsi dans la vallée du Cailly. Le XIXe siècle est marqué par un nouveau mouvement de « colonisation » de la part des Anglais qui rachètent des usines déjà implantées pour les moderniser, à l’exemple d’Edwin Colbeck au Houlme puis à Maromme, ou de la famille Butler.

The industrial revolution and the English influence The industrial revolution started later in the Lower Seine than in England, and focused on two sectors of industry in particular: textiles and transport, with the development of the railways. The mechanisation of the textile industry owes a great deal to John Holker, who brought English workers over for his factory in the Saint-Sever district of Rouen and imported the looms, tools and thread needed for production from London. The economic crisis which preceded the Revolution was an impetus to modernisation, while the free trade treaty of 1786 showed the superiority of the English textile industry, which was partly mechanised. The use of water to power machinery became more common with the help of the English, as in the valley of the river Cailly. A further episode of English “colonisation” took place in the 19th century, with existing factories being bought and modernised by people like Edwin Colbeck, first in Le Houlme and later in Maromme, and the Butler family.

Né à Stretford en Angleterre et partisan de la branche Stuart, John Holker a dû quitter son pays pour des raisons politiques. Arrivé dans la capitale normande, il s’associe avec un fabricant de Darnétal pour créer une manufacture. Il retourne à Londres et Lancaster afin d’acheter des métiers à tisser, des fils nécessaires à la production et embaucher des ouvriers anglais qualifiés. « Fabrique royale de velours et draps de coton de Rouen », la manufacture s’installe rue Saint-Julien dans le quartier Saint-Sever ; elle fait tourner 30 métiers à tisser et 4 calandeuses anglaises. John Holker est également propriétaire d’un atelier à Oissel où il perfectionne les machines et il fonde vers 1767 la première fabrique d’huile de vitriol. En reconnaissance de ses apports à l’industrie textile, Holker sera nommé inspecteur général des manufactures par Trudaine. Il est anobli en 1774.

Portrait de John Holker, extrait de « Holker (John), un des fondateurs de l’industrie cotonnière normande », 1904. ADSM, 7 F 151.

Portrait of John Holker, from « Holker (John), one of the founders of Norman cotton industry », 1904. ADSM, 7 F 151.

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2 • Commercial and industrial development

Born in Stretford in England and a supporter of the Stuart claimant to the throne, John Holker had to leave his native land for political reasons. When he arrived in the capital of Normandy he joined forces with an industrialist of Darnétal to set up a factory. He returned to London and Lancaster to buy the looms and thread needed for production and to hire skilled English workers. The “Royal Factory of Velvet and Cotton Cloth” was located in the rue Saint-Julien in the Saint-Sever district; it had 30 looms and 4 English calenders. John Holker also owned a workshop in Oissel where he made improvements to his machines, and he opened the first factory making oil of vitriol around 1767. Holker was appointed InspectorGeneral of Manufactories by Trudaine in recognition of his services to the textile industry, and was ennobled in 1774.

Le développement commercial et industriel • 2

Armoiries de John Holker, accompagnant ses lettres d’anoblissement enregistrées par la cour des aides le 14 août 1775. ADSM, 3 B 58 fol. 57.

John Holker’s coat of arms and his letters of ennoblement, registered by the Cour des Aides on 14 August 1775. ADSM, 3 B 58 fol. 57.

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Cahier de notes faites en Angleterre par Camille Koechlin dans les Établissements de Messieurs Thomson Chippindall et Cie près de Manchester, 1830. ADSM, 60 J 1.

Plan d’une usine sise à Déville appartenant à Messieurs Rawle, Poupard de Neuflize et fils, Sevesne et John Colliere, 1803. ADSM, 7 S 284.

Valentin Rawle a été le premier à établir dans la région de Rouen des filatures mues par l’eau (jenny-mull) que Napoléon lui-même est venu visiter. Il avait fondé en 1798 une première filature de coton qui avait une capacité de 6 000 broches sur deux étages. Le plan présenté montre la seconde filature de coton établie à Déville en 18031804. Elle était composée de trois étages et avait une capacité double. Elle comptait 950 ouvriers en 1805, ce qui en faisait la plus grande filature du département. L’entrepreneur avait fait bâtir une cinquantaine d’habitations attenantes à la filature pour ses ouvriers : c’est le premier exemple de « cité anglaise », en briques, dans la vallée du Cailly.

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Plan of a factory in Déville owned by Messrs. Rawle, Poupard de Neuflize and son, Sevesne and John Colliere, 1803. ADSM 7 S 284.

Valentin Rawle was the first person to set up waterdriven spinning Jennies in the Rouen area. They were visited by Napoleon himself. Rawle had opened his first cotton mill, holding 6,000 spindles on two floors, in 1798. This plan shows the second cotton mill built in Déville in 1803-1804. It occupied three floors and had double the capacity of the first one. It employed 950 workers in 1805, making it the largest cotton mill in the area. The owner had fifty houses built for his workforce close to the mill, the first example of English-style brick-built housing in the Cailly valley.

2 • Commercial and industrial development

Camille Koechlin, membre d’une famille de manufacturiers du textile en Alsace, a consigné dans ce cahier les observations faites, lors d’un voyage réalisé en Angleterre, au cours de la visite des Établissements Thomson Chippidall et Cie près de Manchester. Il y décrit les procédés de tissages, de teintures et de blanchiment ainsi que les machines utilisées. A l’image de Camille Koechlin, de nombreux industriels normands ont fait le déplacement en Angleterre pour s’imprégner des innovations anglaises susceptibles d’être introduites dans leurs établissements.

Journal of notes made in England by Camille Koechlin on the premises of Messrs. Thomson, Chippindall & Co. near Manchester, 1830. ADSM, 60 J 1.

Camille Koechlin, a member of a textile-manufacturing family from Alsace, used this journal to record his observations on a trip to England during which he visited the premises of Thomson, Chippindall & Co. near Manchester. In it he describes the weaving, dyeing and bleaching processes and the machinery used. Many Norman industrialists followed Camille Koechlin’s example and travelled to England to find out more about the English innovations that were likely to be introduced in their own firms.

Le développement commercial et industriel • 2

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Le Houlme, La vallée et le tissage Butler, début XXe siècle.

Carte postale. Collection privée.

Machine à vapeur compound construite par M. E. Windsor (ingénieur-constructeur anglais à Rouen). Planche extraite de la « Revue industrielle » réalisée lors de l’Exposition universelle de 1889.

Le Houlme, the valley and the Butler weaving mill, early 19th century. Postcard. Private collection.

Collection privée.

Compound steam engine built by M. E. Windsor (English designer and engineer based in Rouen). Plate taken from the “Revue industrielle” produced during the 1889 World Fair.

En tête de lettre. Collection privée.

Private collection.

Letterhead.

La planche représente une machine à vapeur à deux cylindres construite par E. W. Windsor. La construction de ces machines a fait la réputation de la maison et celle de la construction de machines à Rouen. Les ateliers de construction Windsor avaient été fondés en 1832 par M. Hall sous la raison sociale « Hall, Powell et Scott », trois anciens ingénieurs de la maison Hall de Dartford en Angleterre, avant d’être rachetés par M. Windsor alors directeur, puis par son fils. On y produit des machines à vapeur, des transmissions de mouvements, des appareils élévatoires pour les services d’eau des villes, des moteurs hydrauliques, qui s’exportent et qui font concurrence à l’industrie anglaise et allemande par leur supériorité.

Private collection.

Les familles Butler et Holliday étaient reconnues sur le plan industriel en Angleterre : le textile à Bingley pour les Butler et une fabrique de produits chimiques à Huddersfield pour les Holliday. Charles Holliday reprend en 1882 la société Lecoeur et Cie, en faillite, au Houlme. En 1883, les deux familles s’y installent et font l’acquisition d’une propriété entre les rivières de Clères et du Cailly : La société « Butler-Holliday et Cie », au capital de 10 000 livres sterling, avait pour but le blanchiment de coton et la teinture en noir de pièces ou écheveaux pour la fabrication de l’alpaga. 650 personnes y travaillent en 1892. La « Manufacture de tissus anglais » fera faillite en 1943.

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The plate shows a two-cylinder steam engine built by E. W. Windsor. The construction of these machines made the name of the company, and of Rouen engineering. The Windsor machine-building workshops had been founded in 1832 by Mr. Hall, under the company name of Hall, Powell and Scott, after three engineers who had previously worked for the Hall company of Dartford in England. They were bought up by Mr. Windsor who ran them before handing over to his son. The firm made steam engines, movement transmission device, lifting equipment for municipal water departments, and hydraulic engines which were exported and offered a competitive challenge to English and German industry. because of their superior quality.

The Butler and Holliday families were well-known English industrialists: the Butlers produced textiles in Bingley while the Hollidays made chemicals in Huddersfield. In 1882 Charles Holliday took over the bankrupt firm of Lecoeur & Co at Le Houlme. The two families moved there in 1883 and bought a property between Clères and Cailly rivers. The new company, called Butler-Holliday & Co., had £10,000 capital and was set up to bleach cotton and to dye pieces of fabric or skeins of wool black for the manufacture of alpaca cloth. It had 650 employees in 1892. The “English cloth factory” went bankrupt in 1943.

2 • Commercial and industrial development

Le développement commercial et industriel • 2

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Le développement du chemin de fer Les Anglais ont joué un rôle plus important encore dans le développement du chemin de fer. C’est une compagnie financière francobritannique dirigée par les banquiers Charles Laffite et Edward Blount qui obtient en 1840 la concession de la construction et l’exploitation, pour une durée de 99 ans, de la ligne de Paris à Rouen par la vallée de la Seine, et la voie est construite par des entrepreneurs et ouvriers anglais, sous la direction de Joseph Locke. Pour le matériel, deux ingénieurs anglais, William Allcard et William Baber Buddicom, installent leur site de production au PetitQuevilly, afin de pouvoir importer d’Angleterre les matières premières comme le charbon et les produits sidérurgiques par le port de Rouen. Ils s’installent ensuite à Sotteville-lès-Rouen. Locomotive Budiccon.

The development of the railways English industrialists played an even more significant role in the development of the railways. In 1840 a Franco-British finance company run by the bankers Charles Laffite and Edward Blount were awarded a 99-year licence to build and run the Paris-Rouen line through the Seine valley. The line was built by English entrepreneurs and workers under the management of Joseph Locke. Two English engineers, William Allcard and William Baber Buddicom, set up a plant to make the equipment at Petit-Quevilly, enabling them to import raw materials like coal and steel products from England through the port of Rouen. They later moved to Sotteville-lès-Rouen.

ADSM, 2 Fi Sotteville-lès-Rouen 18.

Budiccom locomotive.

ADSM, 2 Fi Sotteville-lès-Rouen 18.

Chemin de fer de Rouen, du Havre et de Dieppe, gare de Sotteville, ateliers de la Compagnie de MM. Budiccom et Cie. Estampe d’ A. Maugendre, XIXe siècle. ADSM, 1 Fi 454.

Afin de permettre l’exploitation de la ligne, la Compagnie de Rouen devait être en mesure de produire des voitures, des wagons et des locomotives. Les promoteurs du projet du chemin de fer entre Paris et Rouen se tournent de nouveau vers l’Angleterre qui fournit déjà une grande partie des locomotives en France. La Compagnie de Rouen choisit d’attribuer le marché à l’entreprise anglaise « Alcard et Buddicum». Plutôt que d’importer le matériel, la société fait le choix de faire venir près de 400 ingénieurs, cadres et techniciens et s’installe place des Chartreux à Petit-Quevilly en août 1841. Cet emplacement près du port de Rouen est idéal pour réceptionner les matières premières comme le charbon ou certains produits sidérurgiques. En 1842, les premières voitures et locomotives « la Buddicum » sont livrées. Les ateliers sont transférés en 1845 à Sotteville plus près des lignes de chemin de fer.

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2 • Commercial and industrial development

Le développement commercial et industriel • 2

Rouen, Le Havre and Dieppe railway, Sotteville station, workshops of Messrs. Buddicom & Co. Etching by A. Maugendre, 19th century.

ADSM, 1 Fi 454.

The Compagnie de Rouen had to be able to produce carriages and locomotives in order to run the line. The backers of the proposed railway line between Paris and Rouen again turned to England, which already supplied many of the locomotives used in France. The Compagnie de Rouen decided to award the contract to the English firm of Alcard and Buddicum. Instead of importing equipment, the company decided to bring over almost four hundred engineers, managers and technicians, and set up at the place des Chartreux in Petit-Quevilly in August 1841. This location near the port of Rouen was ideal for taking deliveries of raw materials such as coal and some steel products. The first “Buddicum” carriages and locomotives were delivered in 1842. In 1845 the workshops were moved to Sotteville, closer to the railway tracks.

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Le Nouveau Pont aux Anglais ; Malaunay, les arches du viaduc, début XXe siècle. Cartes postales. ADSM, 2 Fi Bonsecours 184 et 64 Fi 548.

Le développement de la ligne de chemin de fer de Paris à Rouen aura demandé de percer cinq grands tunnels et de créer six viaducs sur la Seine. La poursuite de la ligne jusqu’au Havre et Dieppe a nécessité la construction d’un pont à l’extrémité de l’île Brouilly pour mener au tunnel sous la côte Saint-Catherine : c’est le Pont aux Anglais. Il fut construit d’arches en bois sur des piles de maçonnerie. Il a été inauguré le 20 mars 1847. Quelques mois après son inauguration, lors d’une émeute, un incendie se déclara et détruisit deux arches du côté de la rive gauche. Les viaducs de Malaunay et Barentin ont également été édifiés par les ouvriers anglais mais cette fois-ci en briques. L’inauguration du prolongement de la ligne était prévue en 1846 mais la chute du viaduc au niveau de Barentin, causée par l’emploi de mauvaises briques, repoussa l’inauguration en mars 1847.

Chemin de fer de Paris à Rouen, calendrier pour l’an bissextil mil huit cent quarante-quatre. ADSM, 1 Fi 597.

Paris to Rouen railway, calendar for the leap year 1844. ADSM, 1 Fi 597.

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The “Nouveau Pont aux Anglais”; Malaunay, the arches of the viaduct, early 20th century. Postcards. ADSM, 2 Fi Bonsecours 184 et 64 Fi 548.

Five long tunnels had to be dug and six viaducts constructed over the Seine in the building of the Paris to Rouen railway. Extending the line to Le Havre and Dieppe meant building a bridge at the end of Brouilly island to carry the tunnel under Saint Catherine’s hill: this was known as the Pont aux Anglais, or English Bridge. It was made of wooden arches on stone pilings and was opened on 20 March 1847. A few months after it was opened, fire broke out during a riot and destroyed two arches on the left bank. The Malaunay and Barentin viaducts were also built by English workers, but this time in brick. The extension of the line was supposed to be opened in 1846, but the collapse of the Barentin viaduct, caused by the use of poor-quality bricks, delayed the opening until March 1847.

Le calendrier de l’année 1844 à l’effigie du chemin de fer commémore l’arrivée du chemin de fer en Seine-Inférieure. La ligne suit la vallée de la Seine et mesure près de 130 km. Les travaux, commencés en mai 1840, sont l’œuvre des Anglais. Quelques grèves ont éclaté pendant l’établissement de la ligne : par exemple en avril 1844, sur la section Rouen-Le Havre, 400 à 500 travailleurs anglais ont cessé le travail parce qu’ils étaient mécontents de leurs salaires. Pour réaliser la liaison Paris-Rouen, deux années ont été nécessaires. Le 24 avril 1843, une manifestation réunit les ouvriers anglais et français pour la pose de la dernière pièce de charpente de la station Saint-Sever. L’inauguration a lieu le 3 mai suivant. This 1844 calendar depicting a railway commemorates the start of train travel in the Lower Seine. The line, almost 130 kilometres long, follows the Seine valley. Work started in May 1840 and was in English hands. A number of strikes broke out during construction of the line: for example, in April 1884 between four and five hundred English workers on the Rouen-Le Havre section downed tools because they were unhappy with their pay. It took two years to complete the line from Paris to Rouen. On 24 April 1843 English and French workers attended a topping-out ceremony at SaintSever station, which opened for business on 3 May.

2 • Commercial and industrial development

Le développement commercial et industriel • 2

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La faïence anglaise

English earthenware

Les Anglais ne sont pas présents seulement dans les domaines du textile ou des chemins de fer. A Rouen, la distribution d’eau est ainsi concédée en 1864 à des insulaires, mais le traité est dénoncé quelques années plus tard suite à un contentieux. On les retrouve aussi dans d’autres domaines comme la faïence. Dès 1781, William Sturgeon, Irlandais d’origine, fonde à Saint-Sever une manufacture pour la production de « faïence fine », ou « faïence anglaise » ; pour la première fois, il utilise le charbon de terre comme combustible, au mécontentement des faïenciers rouennais, tributaires de la production de bois. Si l’initiative de Sturgeon n’est pas un succès puisqu’il cesse son activité en 1788, celle-ci est reprise quelques années plus tard par Georges Wood, qui installe son entreprise à Forges-les-Eaux.

Textiles and railways were not the only industries with an English presence. The contract for supplying water in Rouen had also been awarded to English operators in 1864, but a dispute arose and the contract was terminated a few years later. British industrialists were also to be found in other areas as well, such as earthenware. As long ago as 1781, William Sturgeon, of Irish origin, set up a factory for the production of “fine earthenware” or “English earthenware” in Saint-Sever. He was the first to use coal as fuel, which upset Rouen’s native earthenware producers who preferred wood. Sturgeon’s enterprise was not a success as it closed in 1788, but was taken over a few years later by George Wood, who moved the business to Forges-les-Eaux.

Assiette Wood, musée municipal de la faïence de Forges-les-Eaux. Wood plate, musée municipal de la faïence de Forges-les-Eaux. C’est en 1797 que Georges Wood, d’origine anglaise, s’est installé à Forges. Sa production se porte sur la « faïence fine », fabriquée selon une technique mise au point en Angleterre au XVIIIe siècle, qui a pour but d’imiter la porcelaine. On choisit pour cela une terre qui devient blanche en cuisant, on lui ajoute du silex finement broyé et l’on prépare une pâte qui sera travaillée par les ouvriers faïenciers. Les pièces sont alors façonnées, cuites une première fois, décorées et enduites d’émail. Elles sont cuites une seconde fois. Georges Wood décède en 1811 et la production est reprise par un de ses employés, Nicolas Marin Ledoux, qui épousera bientôt sa veuve. La fabrique comprend alors une quarantaine d’ouvriers. Quelques années plus tard, deux fils de Georges Wood s’établiront en tant que faïenciers à Forges-les-Eaux.

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Assiettes de la deuxième période des ateliers ledoux-wood, sans date. Dessin au crayon plume et lavis réalisé par C. Ridey. ADSM, 16 Fi 51.

Plates made during the second period of operations of the Ledoux-Wood workshops, undated. Drawing in pen, pencil and wash by C. Ridey. ADSM, 16 Fi 51.

It was in 1797 that the Englishman George Wood set up his business in Forges-les-Eaux. He concentrated on the production of “fine earthenware”, made according to a technique developed in England in the 18th century, designed to look like porcelain. It was made using clay which turns white on firing, to which finely-ground flint was added, and the resulting paste was worked by potters. Items were shaped, put through a first firing, then decorated and glazed before going through a second firing. George Wood died in 1811, and the factory was taken over by one of his workers, Nicolas Marin Ledoux, who soon married Wood’s widow. The factory then employed around forty workers. Some years later, two of George Wood’s sons set up a pottery at Forges-les-Eaux.

2 • Commercial and industrial development

traverser la Manche 1000 ans de relations anglo-normandes

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Développement touristique et influences culturelles

La liaison Transmanche et le développement du tourisme balnéaire Dès la fin du XVIIIe siècle, des paquebots voiliers relient Brighton à Dieppe. C’est l’époque où commence à se développer la pratique du tourisme, initiée dans le milieu de l’aristocratie par ce qu’on appelait le “grand tour”, mais qui se popularise progressivement. C’est à Brighton qu’avait ouvert en 1754 le premier établissement de bains. Au départ, l’usage en était surtout thérapeutique : le Dr Richard Russell venait de publier un traité vantant les vertus médicales de l’iode. Pendant longtemps, on a utilisé des “machines de bains”, permettant de préserver l’intimité du baigneur. Le succès de Brighton se confirme lorsque le prince de Galles, le futur George IV, y établit une résidence, le Royal Pavilion. La station a servi de modèle à Hastings, Yarmouth et Margate en Angleterre, mais aussi à Dieppe et au Havre, sur les côtes normandes. Le développement des bains de mer de Dieppe, mis à la mode par la duchesse de Berry, est favorisé par la présence d’une colonie anglaise en ville et par la reprise des échanges commerciaux entre la France et l’Angleterre.

Development of tourism and cultural influences En 1825, des ferries à vapeur sont mis en place entre Brighton et Dieppe, avant que les chemins de fer britanniques ne développent Newhaven comme port de départ, après 1847. Jusque dans les années 1890, seuls des paquebots anglais assurent le service. L’arrivée du chemin de fer permet d’accroître considérablement la venue de touristes britanniques sur les plages du littoral normand. Les Anglais profitent de ce flux touristique pour investir dans l’hôtellerie dieppoise, dont le style architectural reflète les constructions balnéaires de Brighton. Le déclin de la ligne Dieppe-Newhaven s’amorce après la Seconde Guerre mondiale, malgré l’arrivée du premier car-ferry, le Falaise, en 1964. La ligne souffre également de la concurrence du tunnel sous la Manche, inauguré en 1994 et permettant une traversée en moins de trente minutes. Elle est alors abandonnée, avant de rouvrir en 2001, lors du rachat par le département de Seine-Maritime du port de Newhaven.

The cross-Channel link and the development of seaside tourism Sailing boats had travelled between Brighton and Dieppe from the end of the 18th century. This was in the early days of tourism; initially aristocrats would take what was called the “grand tour”, but foreign travel soon became more widely popular. The first bathing establishment opened in Brighton in 1754. The initial purpose was medical: Dr. Richard Russell had just published a book extolling the therapeutic value of iodine in seawater. Access to the sea was provided by bathing machines, which ensured privacy. Brighton’s growth was further assured when the Prince of Wales, later George IV, came to stay. The resort was a template for Hastings, Yarmouth and Margate in England, and for Dieppe and Le Havre on the Normandy coast. Sea bathing was made fashionable in Dieppe by the Duchess of Berry, boosted by the presence of an English colony and the restoration of trade links between France and England. Steam ferries started to ply the route between Brighton and Dieppe in 1825, before the British rail service made Newhaven a more suitable embarkation port after 1847. Only British ships operated the route until the 1890’s. The arrival of the railway meant that many more British tourists were able to travel to the Normandy beaches. English businessmen saw increased tourism as an opportunity to invest in Dieppe’s hotels, which were designed in styles similar to those of Brighton.

The Dieppe-Newhaven route started to fall from favour after the Second World War despite the introduction of the first car ferry, the Falaise, in 1964. It also suffered from competition by the Channel Tunnel, opened in 1994 and allowing passengers to cross in less than thirty minutes. The service was abandoned, but reinstated in 2001 when the port of Newhaven was bought up by the Seine-Maritime department.

Dieppe depuis le ferry. ADSM, 157 Fi 218.

Dieppe from the ferry. ADSM, 157 Fi 218.

Le casino de Dieppe, copiant le pavillon de l’exposition universelle de Londres de 1854. ADSM, 84 Fi Dieppe 7.

Brighton, carnet de croquis, 1852.

Dieppe casino, modelled on the pavilion at the London Great Exhibition in 1854.

ESRO, ACC 10814/1.

Brighton, sketch book, 1852.

ADSM, 84 Fi Dieppe 7.

ESRO, ACC 10814/1.

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Page précédente Nouvelle carte réduite de la Manche pour servir aux vaisseaux du Roy, 1749. ADSM, 51 Fi.

D’une superficie de 75000 km2, la Manche est l’une des mers les plus fréquentées au monde. Elle assure la liaison entre l’océan Atlantique et la mer du Nord et sert de frontière entre la France et l’Angleterre. Sa dénomination actuelle est assez récente ; elle reste longtemps appelée « la mer de Bretagne » par les Français ou « la mer britannique » par les Anglais. Les premières cartes qui adoptent définitivement le nom de « Manche » datent des années 1790.

Vue de Brighton par J. A. Prior montrant la jetée suspendue de Brighton, milieu du xixe siècle. ESRO, PDA/B5.

View of Brighton by J A Prior showing the Chain Pier, mid 19th century. ESRO, PDA B5,23.5x42.

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New smaller map of the Channel to assist the King’s ships, 1749. ADSM, 51 Fi.

The Channel is one of the busiest seas in the world from the point of view of ship numbers, and covers an area of 75,000 km2. It links the Atlantic Ocean to the North Sea and acts as a border between France and England. The current word used to describe it in French, La Manche, is quite recent, as for many centuries it was called “the Sea of Brittany”.

La jetée suspendue de Brighton fut construite en 1823 comme débarcadère pour aider les passagers à débarquer facilement des navires plus grands. Elle était différente des jetées typiques car, au lieu d’être construit sur pilotis, le pont de la jetée était suspendu par des chaînes attachées à des piliers. La jetée fut détruite dans une tempête en 1896. The Chain Pier was built in 1823 as a landing stage to help passengers disembark from larger ships with ease. It was different from typical piers because, rather than being built on stilts, the deck of the pier was suspended from chains attached to pillars. The pier was destroyed in a storm in 1896.

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Extrait d’un journal probablement tenu par John Ashburnham, 1672-1674.

Part of diary probably kept by John Ashburnham, 1672-1674.

John Ashburnham, le premier baron du nom, avait à l’âge de 17 ans fait un Grand Tour à travers la France et la Suisse. Seule la section sur la France datant du 23 juin 1672 au 19 avril 1674 a été conservée. John s’intéressait à l’histoire de la Normandie et son récit mentionne sa fondation par « les Norvégiens » et la légende de la conception de Guillaume le Conquérant et de sa naissance à Falaise qu’il visita également.

John, afterwards 1st Baron Ashburnham, aged 17 made a ‘Grand Tour’ through France and Switzerland. Only the section covering France has survived, dating from 23 Jun 1672 - 19 Apr 1674. John was interested in the history of Normandy and his account mentions its foundation by “the Norwegians” and the legend of William the Conqueror’s conception and birth at Falaise, which he also visited.

ESRO, ASH 3994.

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ESRO, ASH 3994.

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Chemins de fer de l’Ouest et London Brighton & South Coast Railway, vers 1900. Affiche couleur illustrée.

Chemins de fer de l’Ouest et London Brighton & South Coast Railway, c. 1900. Illustrated colour poster.

Les premières affiches touristiques sont créées pour la Compagnie des Chemins de fer de l’Ouest en 1886, relayées ensuite par les villes et les syndicats d’initiative. Celle-ci loue les mérites de l’utilisation du train, « route la plus courte et la plus économique » pour rejoindre l’Angleterre et ses plages. Deux rotations quotidiennes permettent de joindre Dieppe à Newhaven. Par le chemin de fer, la durée du voyage Paris-Londres s’effectue alors en dix heures seulement !

The earliest tourism posters were produced for the Compagnie des Chemins de fer de l’Ouest in 1886, with towns and tourist offices following this example later on. This poster urges holidaymakers to take the train, “the quickest and cheapest route” to travel to England and its beaches. There were two services a day between Dieppe and Newhaven. By train, passengers could get from Paris to London in just ten hours!

ADSM, 63 Fi 127.

Récit d’un voyage vers Paris par Dieppe et Rouen par Henry Shiffner en 1815. ESRO, SHR 833.

Henry Shiffner (1789-1759), capitaine dans la Royal Navy, devait hériter du domaine familial basé à Coombe Place, dans l’East Sussex, en 1842. Le 10 août 1815, il s’embarqua sur un bateau postal de Brighton à destination de Dieppe, qu’il trouva « petit mais relativement confortable, la cabine principale aménagée pour les passager ». À son arrivée à Dieppe, son compagnon et lui trouvèrent un logement à l’Hôtel de Londres, qui lui avait été recommandé mais qui était « extrêmement mauvais et sale », et il « eut beaucoup de difficultés à obtenir quoi que ce soit pour le petit-déjeuner ». La première impression semble avoir influencé son jugement d’ensemble sur la ville qu’il décrit comme étant « lamentablement pauvre, des maisons sales et irrégulières avec un grand nombre de mendiants ». Il semble avoir été soulagé d’avoir loué une diligence et son humeur et son opinion sur les alentours s’améliorèrent en poursuivant son voyage.

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ADSM, 63 Fi 127.

Account of a journey to Paris via Dieppe and Rouen by Henry Shiffner in 1815. ESRO, SHR 833.

Henry Shiffner (1789-1759) was a captain in the Royal Navy and succeeded to the family estates based at Coombe Place, in East Sussex, in 1842. On 10 August 1815 he embarked on a packet boat from Brighton bound for Dieppe, which he found to be “small but tolerably comfortable, her main Cabin fitted for Passengers”. On arriving at Dieppe he and his companions found lodgings at the Hotel de Londres, which had been recommended to him, but which was “miserably bad and dirty” and he “experienced much difficulty in getting any thing for Breakfast”. This first impression seems to have coloured his judgement of the town as a whole, which he described as “miserably poor, houses dirty and irregular with a great number of beggars”. It seems to have been relieved to have hired a diligence (stagecoach) and as he travelled onwards his mood and his view of his surroundings improved.

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Dieppe, le bateau de Newhaven entrant au port ; le  « Brighton ». Le plus rapide des Steamer Anglais, vers 1900. Cartes postales. ADSM, 64 Fi 3829 et 3659.

Dieppe, the Brighton, travelling from Newhaven, entering port; The fastest of the English steamers, c. 1900. Postcards. ADSM, 64 Fi 3829 and 3659.

Le « Newhaven » est un paquebot français à turbines et hélices. Construit aux Forges et Chantiers de la Méditerranée au Havre, mis en service en 1911 et modifié en 1932 pour fonctionner au mazout, il mesure 92 mètres de long et peut atteindre la vitesse de 24 nœuds. Pendant la Première Guerre mondiale, il est transformé en navire-hôpital, avant d’être utilisé lors du second conflit mondial pour l’évacuation de Dunkerque puis réquisitionné par les troupes allemandes. Trop endommagé pour naviguer de nouveau sur la Manche, il est vendu en 1949 afin d’être démoli. Le « Brighton », quatrième de ce nom, est l’un des premiers paquebots à turbines de la ligne DieppeNewhaven. Construit en Angleterre, sur le chantier de Dumbarton, il comprend 2 hélices, pour une puissance de 6 000 chevaux. Son lancement a lieu en Angleterre en 1903. Pendant la Première Guerre mondiale, il sert de quartier flottant au roi George V, avant d’être également utilisé comme navire-hôpital. Il est vendu en 1930 et reconverti en yacht par son nouveau propriétaire, Sir Walter Guiness. The Newhaven is a French turbine- and propeller-driven liner. Built at the Forges et Chantiers de la Méditerranée in Le Havre, taken into service in 1911 and modified to run on oil in 1932, it was 92 metres long with a top speed of 24 knots. It was converted into a hospital ship in the First World War, and saw action in the Second World War in the evacuation of Dunkirk before being requisitioned by the German forces. Too badly damaged to operate in the Channel again, it was sold in 1949 and later broken up. The Brighton, the fourth vessel to bear this name was one of the first turbine-driven liners on the DieppeNewhaven route. Built at the Dumbarton shipyard in Scotland, it had two propellers and ran at 6,000 horsepower. It was launched in Scotland in 1903. During the First World War it was used as the marine headquarters of King George V and later also acted as a hospital ship. It was sold in 1930 and converted into a yacht by its new owner, Sir Walter Guinness.

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Chemins de fer de l’Ouest, Dieppe, plage la plus voisine de Paris. Affiche imprimée illustrée par Eugène-Victor Bourgeois, vers 1900. ADSM, 63 Fi 124.

Peu avant 1900, de nouveaux procédés d’impression donnent naissance à l’affiche publicitaire de grand format. Ce support permet, entre autres, aux compagnies ferroviaires de faire la promotion des sites touristiques desservis par le train. Les illustrations sont confiées à des peintres et dessinateurs parfois célèbres, tel EugèneVictor Bourgeois (1855-1909). Dieppe apparaît ici comme un lieu de villégiature exceptionnel avec un site patrimonial, le château, et un vaste espace moderne et animé, la plage et le casino mauresque. La ville est aussi une étape incontournable pour les voyageurs à destination ou en provenance de l’Angleterre. La courte durée du voyage jusqu’à Paris, la fréquence des trains et les tarifs avantageux sont soulignés par une mise en page soignée.

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Western Railways, Dieppe, the nearest beach from Paris. Printed poster illustrated by Eugene-Victor Bourgeois. c 1900. ADSM, 63 Fi 124.

Shortly before 1900, new printing processes gave rise to large advertising poster format. This support, among others, allowed railway companies to promote tourist sites served by rail. The illustrations were assigned to some famous painters and designers, such as EugeneVictor Bourgeois (1855-1909). Dieppe appears here as a resort with an exceptional heritage site - the castle, along with a large, modern and lively area – the beach and the Moorish-style casino. The town is also a must for travellers to or from England. The short duration of the trip to Paris, the frequency of trains and discount rates are highlighted by a careful layout.

Hastings, for the perfect holiday in England, affiche publiée par les chemins de fer britanniques. vers 1950. HASMG, 2007.99.3.

Affiche destinée aux visiteurs anglais et français faisant la publicité d’Hastings et indiquant les routes des ferries entre la côte sud et la France.

Hastings, for the perfect holiday in England, poster published by British Railways, 1950’s. HASMG, 2007.99.3.

Poster advertising Hastings to English and French visitors showing ferry routes between the south coast and France.

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Plan d’une cabine de bain, 1894.

<

> Plan d’une cabine de bain, vers 1820. ESRO, DB/B 73/7.

ESRO, DB/D/46/606.

Plan of bathing machine, c. 1820.

Plan of bathing machine, 1894. ESRO, DB/D/46/606.

ESRO, DB/B 73/7.

Plan d’une cabine de bain bon marché et simple consistant en une structure légère couverte d’une toile « comme celles qu’on utilisait sur la côte française », provenant des archives des commissaires chargés de l’amélioration de Brighton, vers 1820. Les Brighton Improvement Commissioners furent établis par une loi datant de 1773, qui leur octroya les pouvoirs de paver, d’éclairer et de nettoyer les rues de la ville, de tenir un marché, de défendre la ville contre la mer, d’empêcher les nuisances et de prélever des droits sur le charbon. Plan of a cheap and simple bathing machine consisting of a light framework covered with canvas “as used on the coast of France” date from the archives of the Brighton Improvement Commissioners, c. 1820. The Brighton Improvement Commissioners were established by an Act of 1773, which gave them powers of paving, lighting and cleansing the roads of the town, of holding a market, of defending the town against the sea, of nuisance prevention and removal and of levying duties on coal.

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Vue de Eastbourne, par Henry Nibbs, 1859. ESRO, PDC 29/22.

Une vue d’Eastbourne montrant les cabines de bain sur la plage. On voit également la tour Martello, l’un des forts de défense construits le long de la côte, de Seaford (East Sussex) à Aldeburgh (Suffolk), entre 1804 et 1812, quand le pays était menacé d’une invasion française durant les guerres napoléoniennes

View of Eastbourne, by Henry Nibbs, 1859. ESRO, PDC 29/22.

A view of Eastbourne showing bathing machines on the beach. Also shown is the Martello tower, one of a chain of defensive forts built along the coast from Seaford, East Sussex’ to Aldeburgh, Suffolk between 1804-1812 when the country was at risk from French invasion during the Napoleonic wars.

Développement touristique et influences culturelles • 3

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Vue du Royal pavilion de Brighton, gravure de Francis.

View of the Royal Pavilion at Brighton, engraving by Francis.

Élevé pour servir de résidence au Prince Régent, le Pavillon a fait l’objet de plusieurs projets dont celui de Repton. Il fut construit finalement sur les plans de John Nash et les travaux étaient en cours quand Frances Sayer visitait les lieux en 1818 : « Le Pavillon, notait-elle dans son journal (ESRO, SAY 3394), n’est pas encore terminé mais il me semble que c’est un projet insensé et, d’après ce que je comprends, après avoir dépensé trois millions, une partie est maintenant en cours de démolition car elle ne plaît pas à Sa Majesté ». Dans ce même journal, elle évoquait le trafic maritime avec Dieppe : « Les bateaux postaux partent d’ici tous les jours pour Dieppe, si le vent et la météo le permettent. Un grand nombre de personnes les prennent. Nous en avons vu un accoster qui amenait 24 passagers ainsi que des chiens, des perroquets et autres animaux qui, avec le mal de mer dont ils ont tous souffert les a rendus pratiquement incapables de se rendre à pied jusqu’à l’auberge ». L’exemple de Brighton a fortement influencé le développement de Dieppe.

Raised as a residence for the Prince Regent, The Pavilion has been the subject of several projects, including Repton’s one. It was eventually erected to John Nash’s plans and was under construction when Frances Sayer visited Dieppe in 1818: “The Pavillion, she noted in his diary (ESRO SAY 3394), is not yet finished but it appears to me to be a very foolish undertaking, and after spending as I understand three millions, part of it is now to be taken down again, as His Majesty does not like it». In the same journal she mentioned shipping to and from Dieppe: “Pakets sail every day from this place to Dieppe, wind and weather permitting, great numbers of People go by them, one that we saw land brought 24 passengers besides dogs, parrots and other animals, which combined with the sickness under the influence of which they all suffered, rendered it almost impossible for them to walk to the Inn.” The example of Brighton strongly influenced the development of Dieppe.

ESRO, PDA 19a.

ESRO, PDA 19a.

Liste des étrangers qui sont venus à Dieppe pour prendre les bains, 1821. ADSM, 5 M 192.

Projet d’Humphrey Repton pour le pavillon de Brighton, 1808. ESRO, ACC4600/1/104.

Project by Humphrey Repton for the pavilion in Brighton, 1808. ESRO, ACC4600/1/104.

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Au XIXe siècle, la Normandie lance en France la mode des bains de mer, suivant le modèle anglais de Brighton. L’année 1821 marque les débuts de cet engouement à Dieppe, quelques mois avant la venue de la duchesse de Berry. On remarque la présence de nombreux étrangers sur les plages dieppoises, avec une majorité d’Anglais, dont la venue est facilitée par les premiers vapeurs traversant la Manche. Cette attirance des Anglais pour Dieppe est également favorisée par la présence dans cette ville d’une importante colonie anglaise, impliquée dans le commerce et le tourisme.

Développement touristique et influences culturelles • 3

List of foreigners travelling to Dieppe for sea-bathing, 1821. ADSM, 5 M 192.

Sea-bathing became fashionable in Normandy in the 19th century, following the trend set in England by Brighton. It started to become popular in Dieppe in 1821, a few months before the arrival of the Duchess of Berry. Many foreigners were seen on Dieppe’s beaches, mainly English, for whom the journey was made easier by the introduction of steamers crossing the Channel. Another factor making Dieppe a favourite destination for English travellers was the presence of a large English colony in the town, involved in trade and tourism.

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Une culture anglo-normande ? Dès le XIe siècle, l’influence de la conquête normande se fait sentir en Angleterre, dans les modes de vie comme dans l’art ou dans l’architecture. Cela n’empêche pas des échanges en sens inverse qui vont avec le temps en s’accroissant. Si la Guerre de Cent ans met définitivement fin à toute résurrection d’un ensemble anglo-normand, le terme reparaît dans la seconde moitié du XIXe siècle pour désigner un courant architectural, inspiré à la fois par les constructions normandes traditionnelles et par l’architecture insulaire. Après 1830, l’apparition du tourisme balnéaire sur le littoral a généré la construction de résidences de villégiature et d’équipements à vocation touristique. À la fin du siècle, la maison bourgeoise suit le mouvement, affichant plusieurs éléments typiquement anglais (hall, bow-window, water-closet). Le régionalisme, qui connait un vif succès jusqu’aux années 1930, réintroduit le pan de bois qui souvent n’est plus qu’un simple parement ; le style « cottage » s’en empare. Les espaces verts quant à eux s’inspirent en ville des squares britanniques, tandis que les propriétés s’entourent de jardins à l’anglaise. L’influence britannique est perspectible encore dans le développement des cités ouvrières. Les expositions universelles sont une occasion privilégiée pour rapprocher les maîtres d’oeuvre des deux pays.

An Anglo-Norman culture? The effects of the Norman conquest were felt as early as the 11th century, in lifestyle as well as in art and architecture. But there was also an impact in the other direction, which became stronger over time. Although the Hundred Years War finally put an end to any idea of restoring an Anglo-Norman political entity, the term ‘Anglo-Norman’ reappeared in the second half of the 19th century to describe an architectural style inspired both by traditional Norman buildings and by English architecture. The development of seaside resorts after 1830 led to the construction of holiday homes and tourist facilities. At the end of the century, middle-class French housing followed the trend, adopting several typically English features such as halls, bow windows and water closets. Regionalism was very popular until the 1930s and reintroduced timber-framing, though this was often a purely decorative feature rather than a structural element. The “cottage” style took over this feature. Open spaces were modelled on British squares, while English-style gardens were laid out around homes. The British influence can still be seen in the development of mass working-class housing. World fairs were a great opportunity for master builders from both countries to meet.

Intérieur du château d’Hastings, gravure de P. Simonau d’après un dessin de G. Rowe, XIXe siècle. ESRO, PDA H 45b.

Interior of Hastings Castle, drawn from nature on stone by G Rowe, printed by P Simonau, 19th century. ESRO, PDA H 45b.

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3 • Development of tourism and cultural influences

Evangéliaire de Jumièges, originaire d’Abingdon (Oxfordshire), fin XIe siècle. BM de Rouen, Ms A 21.

The Gospels of Jumièges, from Abingdon (Oxfordshire), late 11th century. BM de Rouen, Ms A 21.

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Benedictionnarium de l’archevèque Robert (la Pentecôte). BMR, Ms Y 7, fol. 29v.

Benedictionnarium of the Archbishop Robert (The Pentecost). BMR, Ms Y 7, fol. 29v.

< Sacramentaire dit de Robert de Jumièges (La Nativité du Christ). Angleterre, début XIe siècle. BMR, Ms Y 6, fol. 32v.

Ce manuscrit provient de Winchester, réputée pour son école de peinture sur ivoires et parchemins. Offert par Robert de Jumièges alors évêque de Londres, à l’abbaye de Jumièges, il est sans aucun doute l’un des plus précieux conservé dans la bibliothèque de celle-ci. Orné de treize enluminures, en pleine page, il illustre les échanges entre les écoles anglonormandes et l’influence du savoir-faire anglais dans le renouveau monastique français. En effet, les enlumineurs normands s’inspirent de ces manuscrits pour parfaire leur art et on trouve de nombreuses imitations dans d’autres ouvrages. Ce manuscrit illustre aussi le rôle de Robert de Jumièges, prieur de l’abbaye de Saint-Ouen, puis abbé de Jumièges, qui devient évêque de Londres en suivant Édouard le Confesseur lors de son retour en Angleterre.

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The French Connection

Développement touristique et influences culturelles • 3

Missal of Robert of Jumièges. England, early 11th century (Nativity of Jesus).

BMR, Ms Y 6, fol. 32v.

This manuscript was produced in Winchester, known for its ivory and parchment painting school. Given to Jumièges Abbey by Robert of Jumièges, then bishop of London, it is undoubtedly one of the abbey library’s greatest treasures. With thirteen full-page illustrations, it bears witness to the Anglo-Norman relationship and the influence of English skills on the French monastic revival. Norman illustrators used these manuscripts as a model to perfect their art, and many imitations are to be found in other works. This manuscript also highlights the role of Robert of Jumièges, prior at the Abbey of Saint-Ouen and later abbot of Jumièges, who became bishop of London when he returned to England with Edward the Confessor.

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Le château de Pevensey vu du sud-est. gravure de S. et N. Buck, 1737. ESRO, PDA 443/2.

South east view of Pevensey Castle. Engraving by S and N Buck, 1737. ESRO, PDA 443/2.

Le château de Lewes. gravure, 1785. ESRO, PDA L 45.

Lewes Castle. engraving, 1785. ESRO, PDA L 45.

Les Normands ont laissé en Angleterre, et en particulier dans l’East Sussex, un important héritage bâti. à Lewes, le château a été élevé à l’initiative de Guillaume de Varenne, qui y a également fondé, avec son épouse Gundrada, un prieuré clunisien où il a été enterré (1077). Robert comte d’Eu a fait bâtir à la même époque une forteresse à Hastings pendant qu’à Pevensey, le demifrère de Guillaume le Conquérant, Robert, Comte de Mortain, ajoutait un donjon aux fortifications romaines existantes. Après le décès du Conquérant en 1087, Varenne soutint Guillaume le Roux comme successeur à la couronne de Guillaume. D’autres seigneurs, dont Robert de Mortain, soutenaient Robert Courteheuse, fils aîné de Guillaume le Conquérant, qui avait repris le duché de Normandie. Guillaume de Varenne mit alors le siège devant Pevensey et mourut suite à une blessure à la jambe durant la campagne de 1088.

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The Normans left a significant architectural heritage in England, especially in East Sussex. Lewes castle was built on the orders of William de Warenne, who also founded a Cluniac priory in the town together with his wife. He was buried there in 1077. Robert, the Count of Eu, had a fortress built in Hastings around the same time, while in Pevensey, William the Conqueror’s half-brother Robert, Count of Mortain, added a keep to the existing Roman fortifications. After the Conqueror’s death in 1087, Warenne supported William Rufus to succeed William as king while other lords, including Robert of Mortain, supported Robert Curthose, William the Conqueror’s eldest son, who was Duke of Normandy. William de Warenne besieged Pevensey and died when he was wounded in the leg during the campaign in 1088.

3 • Development of tourism and cultural influences

Développement touristique et influences culturelles • 3

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Albâtre anglais représentant le meurtre de saint Thomas Becket, 2e moitié xve siècle. Demi-relief. Musée départemental des Antiquités, Rouen, inv. 626.

On trouvait des carrières d’albâtres dans le Derbyshire, qui ont donné lieu à la fin du Moyen Âge à une importante production de sculptures religieuses, dont le principal centre était à Nottingham. Ce type de moyen ou haut-relief, très prisé en Normandie et utilisé en général pour décorer les retables, y a été importé en grand nombre. Celui-ci, assez érodé, représente le meurtre de Thomas Becket, chancelier d’Henri II Plantagenêt et archevêque de Canterbury, assassiné en 1170 dans le chœur de son église pour avoir défendu les libertés de l’Eglise contre le roi ; il est figuré au centre, agenouillé devant l’autel, entouré de ses meurtriers dont l’un prépare son épée. Il a été très vite canonisé. La famille de Becket était, comme toutes les élites dirigeantes à cette époque, normande d’origine, ce qui explique peut-être que son culte s’y soit particulièrement développé.

English alabaster carving depicting the murder of Saint Thomas Becket, second half of the 15th century. Semi-relief. Musée départemental des Antiquités, Rouen, inv. 626.

Alabaster quarries were located in Derbyshire, leading to a major industry producing religious sculptures in the late Middle Ages, centred on Nottingham. This type of semi- or high-relief carving was very popular in Normandy, with vast quantities being imported and used and mainly as altarpiece decoration. This example, quite badly worn, depicts the murder of Thomas Becket, chancellor to Henry II (Henry Plantagenet) and archbishop of Canterbury. He was killed in the choir of his church in 1170 for defending the liberties of the Church against the king; he is shown in the centre, kneeling before the altar, surrounded by his murderers, one of whom is drawing his sword. He was very soon canonised. Like all the upper classes of society at the time, Becket’s family was of Norman origin, which perhaps explains why he was held in such regard in Normandy.

Architectural Antiquities of Normandy, Londres par J.S. Cotman - J. & A. Cornhill, 1822. ADSM, BHN 664.

À partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, beaucoup de Britanniques redécouvrent avec intérêt leurs racines anglonormandes. Nombreux sont les artistes à venir en Normandie, peintres comme Turner, photographes comme Tenison, mais aussi graveurs qui en diffusent les images. Paru en 1820 et 1825, l’ouvrage Architectural Antiquies of Normandy regroupe 97 gravures réalisées par John Sell Cotman. Les notices, très documentées, ont été rédigées par le collectionneur d’antiquités Dawson Turner. La cathédrale de Rouen est particulièrement mise en valeur par deux vues sur double page représentant la façade occidentale et le portail de la Calende ; on peut y remarquer les nombreuses constructions qui s’appuyaient alors sur l’édifice.

Architectural Antiquities of Normandy, London by J.S. Cotman - J. & A. Cornhill, 1822. ADSM, BHN 664.

Many British citizens started to explore their Anglo-Norman roots from the second half of the 18th century onwards. Normandy was a popular destination for artists: painters like Turner, photographers like Tenison, but also engravers who reproduced their creations. Published in 1820 and 1825, the Architectural Antiquities of Normandy contains 97 engravings produced by John Sell Cotman. The very detailed descriptions were written by the antiques collector Dawson Turner. Rouen cathedral is particularly well presented, with two double-page views showing the western side and the south portal. The number of buildings that were then attached to the cathedral is remarkable.

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3 • Development of tourism and cultural influences

traverser la Manche 1000 ans de relations anglo-normandes

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Maison anglaise. Planche extraite de l’ouvrage d’A. Petit « Habitations champêtres », publié vers 1855. ADSM, 47 Fi 19.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les publications de planches d’architecture se multiplient. Après l’architecture monumentale, elles s’intéressent bientôt aux édifices civils puis à l’architecture domestique. Les « habitations champêtres » d’A. Petit permettent ainsi de découvrir un panorama complet des maisons de campagne à travers l’Europe. La demeure anglaise ici représentée est caractéristique des constructions de l’époque victorienne avec ses pinacles d’inspiration gothique et son bow-window. Cette fenêtre en avancée connait un vif succès outre-Manche dans les décennies suivantes.

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English house. Plate taken from “Habitations champêtres” by A. Petit, published c. 1855.

Rouen, villa rue Senard, architecte P. Lefebvre. Planche imprimée extraite de « Villas et petites maisons du XXe siècle ».

ADSM, 47 Fi 19.

Paris - Librairie centrale d’art et

Books containing architectural plates became increasingly popular in the second half of the 19th century. The early volumes concentrated on monumental architecture, but soon works on civil and domestic buildings started to appear. The book on country dwellings by A. Petit shows the full panorama of rural houses throughout Europe. The English home depicted here is typical of Victorian-era buildings with its Gothicstyle pinnacles and its bow window: a window projecting out from the façade, which was extremely popular in England in the following decades.

ADSM, 47 Fi P19.

3 • Development of tourism and cultural influences

d’architecture, vers 1920.

Rouen, villa in the rue Senard, architect P. Lefebvre. Printed plate taken from “Villas et petites maisons du XXe siècle”. Paris - Central Art and Architecture Library, c.1920. ADSM, 47 Fi P19.

Développement touristique et influences culturelles • 3

Cette demeure bourgeoise construite vers 1920 atteste de l’importance prise en ville comme sur le littoral par le courant régionaliste. Réapparu peu avant 1900, le pan de bois ou son imitation en béton subsistent jusqu’à la fin des années 1930 et confèrent à ce type de villa le style « anglo-normand ». La distribution intérieure s’inspire du vocabulaire anglais, tout particulièrement le hall devenu une pièce à part entière. This middle-class home built around 1920 shows how influential the regionalist trend was both in towns and at the seaside. Timber framing, or a concrete imitation, came back into fashion shortly before 1900 and remained popular until the end of the 1930s, giving this type of villa the “Anglo-Norman” look. The internal layout is inspired by English habits, shown particularly by the separate hall.

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L’exposition franco-britannique de 1908 : façade latérale du pavillon d’entrée. Cliché sur verre par Louis Chesneau, août 1908. ADSM, 157 Fi.

La brique, un matériau universel : Le Houlme, château et cité Butler. Cartes postales, vers 1910.

Bricks, a universal material: Le Houlme, castle and workers’ housing built by the Butler firm. Postcards, c. 1910.

Collection privée et ADSM, 2 Fi Le Houlme 36.

Private collection and ADSM, 2 Fi Le Houlme 36.

Installés au Houlme depuis 1883, Henry et Alfred Butler, associés au départ à Charles et Thomas Holliday, y ont construits de nouveaux ateliers, une cité ouvrière et deux logements patronaux. Très prisée en Angleterre, la brique est le matériau principal de ces réalisations. Le « château » achevé en 1905 s’inspire du style chalet, très implanté sur les villas de bord de mer.

Henry and Alfred Butler, who had previously been associated with Charles and Thomas Holliday, moved their business to Le Houlme in 1883 where they built new workshops, workers’ housing and two homes for the owners. Brick was very popular in England and was the main material used for these buildings. The “castle”, completed in 1905, draws on the chalet style which was often seen in seaside villas.

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3 • Development of tourism and cultural influences

C’est à l’initiative de la chambre de commerce française de Londres et avec l’appui de l’ambassadeur Paul Cambon qu’est mené le projet de l’exposition francobritannique de la science, des arts et de l’industrie de 1908. Il s’agit de consolider l’Entente cordiale dans le domaine économique et commercial. Au début de l’été 1908, Londres accueille les Jeux olympiques. C’est à proximité, sur le site de Shepherd Bush, dénommé ensuite White City en raison des reflets blancs du stuc recouvrant les pavillons, qu’est installée l’exposition. Elle est inaugurée le 14 mai par le Prince de Galles et reçoit la visite du président de la République Armand Fallières quelques jours plus tard. Le pavillon d’entrée est décrit ainsi par le rapport officiel de l’exposition publié en 1917 :

« La cour d’honneur est encadrée de jolis palais de style hindou aux minarets, campaniles, toits en pagodes, moucharabiés, coupoles ovoïdes, terrasses avançant sur l’eau, kiosques à colonnettes ; des lampadaires de pierre ajourée se dressent tout au long de cet enclos d’une blancheur éblouissante, où la pierre est fouillée, travaillée, ciselée, perforée, amenuisée, formant un dédale de piliers, d’arcades, de bombures, d’auvents, d’ogives trilobées, de pointes, de socles, de colonnettes fuselées, de galeries, de tourelles carrées en encorbellement, d’escaliers de marbre, de balustres. »

Développement touristique et influences culturelles • 3

The Franco-British Exhibition of 1908 : side view of the entrance pavilion. Glass negative by Louis Chesneau, August 1908. ADSM, 157 Fi.

Franco-British Exhibition of Science, Art and Industry in 1908 was initiated by the French Chamber of Commerce in London, with the support of Ambassador Paul Cambon. The desire to consolidate the Entente Cordiale in the economic and commercial field was mutual. In early summer 1908, London hosts the Olympic games. The exhibition was installed nearby, on the site of Sheperd’s Bush then named White City because of the white reflections of stucco covering the pavilions. It was inaugurated on May 14 by the Prince of Wales and visited a few days later by the President of the French Republic, Armand Fallières. In the official report of the exhibition published in 1917, the entrance pavilion was described as follows: "The courtyard is surrounded by beautiful palaces in the Hindu style minarets, bell towers, pagoda roof, moucharabies , ovoid domes, terraces advancing on water, kiosks with thin columns; openwork stone streetlights stand throughout the enclosure of dazzling whiteness, where the stone is excavated , worked, engraved, punched, diminished, forming a maze of pillars, archways, arching forms, awnings, warheads lobed, spikes, pedestals, slender columns, galleries, square corbelled of marble staircases, balusters."

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Anglophilie et anglomanie L’influence anglaise en France, qui s’affirme vraiment à partir du XVIIIe, va bien au-delà de l’économie ou de l’architecture. La seconde moitié du siècle montre l’émergence d’une véritable « anglomanie ». Les aristocrates adoptent la mode des clubs, ces cercles où quelques privilégiés jouent et échangent sur l’actualité ou la littérature. Les femmes revêtent la « robe à l’anglaise », à l’image de MarieAntoinette, tandis que les hommes adoptent la redingote ou « riding-coat » (manteau fait pour monter à cheval). Au XIXe siècle, la côte normande, lieu de villégiature de nombreux Anglais, fait figure de pionnière du sport en France. Les courses de chevaux, le « lawn-tennis » ou le golf y sont introduits par l’intermédiaire des élites sociales. Les peintres anglais, à l’image de Turner, Stanfield, Bonington ou Sickert, à la recherche du pittoresque, livrent leur vision de Dieppe. La langue anglaise, longtemps dédaignée, est étudiée officiellement dans les collèges royaux à compter de 1829 ; enseignée sur le modèle du grec et du latin, avec une prépondérance de l’écrit, elle est surtout, il est vrai, envisagée à travers des thèmes et versions. Au début du XXe siècle, le modèle de l’éducation à l’anglaise séduit l’élite des entrepreneurs rouennais qui fondent, à Mont-Cauvaire, un collège calqué sur la célèbre Harrow school. Située au nord-ouest de Londres, cette école d’Etat, fondée en 1572, a accueilli notamment Churchill.

Anglophilia and anglomania The English influence in France, which really started to take off from the 18th century onwards, goes far beyond business and architecture. A real “Anglomania” started to evolve in the second half of the century. Aristocrats began to frequent clubs where a small number of privileged individuals could gamble and discuss news and books. Women adopted “English dress”, in imitation of MarieAntoinette, while men took to wearing frockcoats, modelled on English riding coats designed for use on horseback. The Normandy coast, a favourite holiday destination for many English travellers, was a top location for French sport in the 19th century. Horse racing, lawn tennis and golf were introduced by the upper classes. English painters, such as Turner, Stanfield, Bonington and Sickert, came in search of the picturesque and gave us their visions of Dieppe. The English language had long been neglected, but it was put on the syllabus of the Royal Colleges in 1829. Taught along the same lines as Greek and Latin, classes focussed mainly on written skills developed through translation from and into English. The English approach to education became popular among the Rouen business elite in the early 20th century. A college modelled on the famous Harrow school was opened in Mont-Cauvaire. Harrow, a public school in north-west London, was founded in 1572 and counts Churchill among its alumni.

La place de la Barre à Dieppe en 1838 par William C. Stanfield. Ville de Dieppe, Château-musée © B. Legros

The place de Barre in Dieppe in 1838 by William C. Stanfield. Town of Dieppe, Castle-Museum © B. Legros

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3 • Development of tourism and cultural influences

Développement touristique et influences culturelles • 3

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Recherche d’un professeur d’anglais : lettre du Collège royal de Rouen au recteur de l’Académie, 9 décembre 1830. ADSM, 1 T 1658.

Seeking an English teacher: Letter from the Collège royal de Rouen to the rector of the Academy, 9 December 1830. ADSM, 1 T 1658.

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Alors que le Conseil royal d’Instruction publique vient d’approuver l’enseignement de la langue anglaise, le Collège royal de Rouen, ancêtre du lycée Corneille, fait part au recteur de ses difficultés à trouver un professeur qualifié. Cet enseignement étant recommandé chez les élèves de 4e et 3e, le recteur engage l’établissement à faire la publicité de son offre d’emploi dans les journaux rouennais. Shortly after the Royal Council for Public Education had given its approval to the teaching of English, the Collège royal de Rouen, the forerunner to the Lycée Corneille, wrote to the rector complaining of difficulty in finding a qualified teacher. As it was recommended that pupils start learning English around the age of thirteen or fourteen, the rector told the school to advertise the post in Rouen newspapers.

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Le grand steeple-chase de Dieppe par Louis Heyrault, lithographie, 1856. Ville de Dieppe, Château-Musée © B. Legros

Dieppe adopte la mode d’Angleterre qui consiste à organiser des courses de chevaux. La ville se dote d’un hippodrome dès 1852. Elle y organise dès lors des « steeple-chases », terme anglophone désignant la course d’obstacles. On parle de « sportsmen » pour désigner ceux qui s’adonnent à la course. Le « sport » sert alors en France à désigner les courses de chevaux, comme en atteste le dictionnaire Littré en 1883.

The grand Dieppe steeplechase by Louis Heyrault, lithography, 1856. Ville de Dieppe, Château-Musée © B. Legros

Dieppe followed the English fashion for horse-racing, opening a racecourse as early as 1852 at which steeplechases were held. Followers of horse-racing were known as “sportsmen”, while the word “sport” was used in France only to describe horse-racing, as in the definition given in the 1883 edition of the Littré dictionary.

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Une public school à Mont-Cauvaire : album de photographies, 1926-1927. ADSM, 136 J 11 et 12.

Le Collège de Normandie ouvre ses portes en 1902. Il s’agit d’un établissement privé qui accueille les élèves catholiques et protestants à partir de 7 à 9 ans, jusqu’au baccalauréat. Il est la réplique du Collège anglais de Harrow. L’enseignement y est résolument tourné vers les langues vivantes, avec un stage obligatoire de 3 mois minimum dans une école anglaise. L’exercice physique et les jeux y sont obligatoires. On joue au football, à la paume, à la crosse, et on fait de la gymnastique et de l’escrime. Les élèves pratiquent les bains de plein air grâce à un équipement exceptionnel. Le Collège est doté d’une piscine de 2400 m3 mais également de 5 terrains de football, d‘un stade, de 7 courts de tennis, d’un terrain de basket et d’une salle d’armes. Des travaux manuels, telle la menuiserie comme à Harrow, font également partie de l’enseignement. L’éducation y est globale, reposant sur la vie en classe comme sur la vie sociale. Il n’y a pas de dortoir ; une quarantaine d’élèves sont logés dans des maisonnettes, répliques de celles de Harrow et nommées à son image : « Les Pommiers », « Les Tilleuls »…

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3 • Development of tourism and cultural influences

Développement touristique et influences culturelles • 3

A public school in Mont-Cauvaire: photograph album, 1926-1927.

ADSM, 136 J 11 et 12.

The Collège de Normandie opened its doors in 1902. It was a private school for Catholic and Protestant pupils from the ages of 7 to 9 right through to the school-leaving examination. It was modelled on Harrow school in England. Modern languages were a prominent feature of the syllabus, and all pupils had to spend three months at a school in England. Physical education and games were compulsory. Pupils played football, real tennis and lacrosse, and did gymnastics and fencing. Pupils had access to outstanding sports facilities: a 2,400 m3 outdoor pool, five football pitches, a stadium, seven tennis courts, a basketball court and a fencing court. As at Harrow, crafts such as woodwork were also on the timetable. Education was an all-round affair, incorporating both formal teaching and the social aspects of life. There were no dormitories: around forty pupils lived in small houses, copies of those at Harrow, and named after trees: “Les Pommiers” (Apples), “Les Tilleuls” (Limes)...

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Premier club de football en France : statuts du Havre Athletic Club, 1894.

The first football club in France: bye-laws of the Le Havre Athletic Club, 1894.

En 1872, le Football Club Havrais est lancé par des expatriés protestants anglais qui sont négociants ou employés de commerce au Havre. Le Havre Athletic Club prend en 1891 les couleurs d’universités anglaises où les joueurs ont étudié : le fameux ciel (Cambridge) et marine (Oxford). De 1872 à 1894, les joueurs pratiquent la « combination », combinaison des règles du « football association » (football) et du « football rugby » (rugby), apparus en Angleterre. La demande de création en 1894 est une officialisation. Le club se constitue alors en sections sportives. La section du « football association » connaît de beaux succès, telles les victoires nationales en 1899 et 1900. La section du « football rugby » est relancée à la fin des années 1890 par l’arrivée de nouveaux joueurs britanniques.

The Le Havre Football club was set up in 1872 by English Protestant expatriates working as traders or shop assistants in Le Havre. In 1891 the Le Havre Athletic Club adopted the colours of the English universities where the players had studied: the famous light blue of Cambridge and dark blue of Oxford. Between 1872 and 1894, the team played a “combination” form of the sport which blended the rules of soccer and rugby, both of which had been invented in England. The club applied for official recognition in 1894, and then split into two sections, one for soccer and one for rugby. The soccer section was very successful, winning national championships in 1899 and 1900. The rugby section was boosted by the arrival of new British players in the late 1890s.

ADSM, 4 M 481.

ADSM, 4 M 481.

Le cercle ou la mode du club anglais : état nominatif des membres du Grand cercle du casino de Dieppe, 23 août 1892. ADSM, 4 M 390.

The fashion for English clubs: list of members of the Grand cercle du casino de Dieppe, 23 August 1892. ADSM, 4 M 390.

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Développement touristique et influences culturelles • 3

Sous l’influence anglaise, les cercles se multiplient en Normandie, et notamment sur le littoral. Le Cercle de la Concorde à Fécamp se donne pour but de procurer un local aux habitants « pour causer affaires et se réunir agréablement ». On y lit la presse et on y joue au billard. À Dieppe, le cercle du Casino accueille de nombreux anglophones. Parmi eux, bon nombre de Britanniques, venus en touristes profiter des bains de mer, influencent le mode de vie des membres de l’aristocratie et de la bourgeoisie locale. Clubs became increasingly popular in Normandy, especially on the coast, in response to the English influence. The Cercle de la Concorde in Fécamp described its objective as offering residents somewhere “to talk about business and enjoy each other’s company”. Members read newspapers and played billiards. In Dieppe, the Casino club had many English-speaking members, including a large number of British people who had come on holiday to bathe in the sea. They had a strong influence on the lifestyles of the local middle and upper classes.

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Tenues de soirées à l’anglaise : gravure de mode « Le Musée des Tailleurs », début du XXe siècle. Collection privée.

English evening dress: fashion plate from the fashion magazine “Le Musée des Tailleurs”, early 20th century. Private collection.

La mode masculine française est profondément sous influence anglaise, surtout depuis le XIXe siècle, comme en témoignent des modèles tels que redingote, queue de pie, haut de forme mais également blazers, cravates… Les étoffes des maisons anglaises sont également toujours réputées pour la fabrication de costumes de haute tenue. French male fashion was strongly influenced by England, especially from the nineteenth century onwards. This can be seen in articles of clothing such as frock-coats, tail coats, top hats as well as blazers, ties and so on. Cloth produced in England was also highly prized for the production of high-quality clothing.

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So british ! : « L’art de bien s’habiller » ; « Album des costumes », début du XXe siècle. Collection privée.

Même avec des draps d’Elbeuf, « l’art de bien s’habiller » se confond avec l’art de se vêtir à l’anglaise : tenues des sportsmen (golf, tennis et courses hippiques), tenues de ville ou smoking, chapeaux melons… sont présentés avec leurs appellations anglaises d’origine. L’élégance des aristocrates et riches entrepreneurs anglais qui se réunissent dans les clubs sous un uniforme commun influence durablement la mode masculine.

So british!: “L’Art de bien s’habiller”; “Album des costumes”, early 20th century.

Private collection.

Even in clothes made from a particular type of high-quality fabric made in the Normandy town of Elbeuf, “the art of dressing well” was regarded as synonymous with the art of wearing English-style clothes, whether for sports (golf, tennis and horse-racing), in town or on formal occasions. Many articles of clothing kept their English names in French. The elegance of the English aristocrats and rich businessmen who met in clubs, wearing the same kinds of clothes, had a lasting influence on men’s fashion.

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