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bip,
maison de la rĂŠgion
G
enèse
Comme le laisse entendre explicitement son nom, le site de la place Royale revêt, tant aujourd’hui que dans le passé, un prestige certain. Toutefois, la configuration des lieux a beaucoup évolué au fil du temps. L’endroit accueille, dès le 11e siècle, une résidence princière. Depuis cette époque reculée, le « Coudenberg » (ou « Mont froid ») se présente comme le lieu du pouvoir central à Bruxelles. Le nouveau château-fort qui y est construit doit servir de résidence au prince de Brabant, ou tout au moins au châtelain, dans un premier temps. Le château se transforme en véritable palais au 15e siècle, avec les ducs de Bourgogne régnant sur nos régions, qui confèrent au site éclat et somptuosité. Cette zone représentant l’autorité devient progressivement le réceptacle d’une série d’hôtels aristocratiques, bâtis par d’influentes personnalités proches de la cour. Le BIP — cet ensemble de bâtiments en partie à front de la rue Royale mais qui se prolongent en profondeur et finissent par enserrer une cour extérieure — élit plus précisément domicile sur deux parcelles historiques. L’hôtel dit de Grimbergen, que vous avez sous les yeux — voyez l’indication qui orne la façade, sous le balcon —, édifié au 18e siècle par l’abbaye du même nom (cf. plus bas pour le contexte), occupe l’emplacement approximatif de l’ancienne chapelle ducale construite au 16e siècle. Celle-ci est elle-même l’héritière d’une première chapelle érigée au 14e siècle. Les soubassements de ces lieux de culte ont été conservés pour servir de fondations à l’hôtel érigé sous l’impulsion des moines, et sont visibles depuis la façade latérale de l’hôtel, à travers un espace vitré ; ils sont ouverts à la visite via le musée BELvue. On retrouve également, sous l’hôtel, un tronçon de la rue Isabelle ; créée à l’initiative et à l’usage de l’archiduchesse Isabelle, à la tête de nos régions au début du 17e siècle en tant représentante du pouvoir espagnol, cette artère relie directement le palais à la cathédrale Sainte-Gudule. Cette portion de rue est attribuée à l’abbaye de Grimbergen, qui l’habille de murs de fondations et voûte l’ensemble. Le deuxième ancêtre de nos murs actuels est à chercher du côté des quelques hôtels aristocratiques qui se déploient aux alentours du palais. Celui qui nous concerne est celui d’Hoogstraten, dressé au 16e siècle (propriétaire : Antoine de Lalaing, comte d’Hoogstraten et haut fonctionnaire), constitué suite à la réunion de deux maisons — ou deux parcelles —, dont une est occupée à une époque par Antoine de Bourgogne, dit le « Grand Bâtard », fils du duc de Bourgogne Philippe le Bon. En réalité, cette grande bâtisse n’est qu’une résidence vouée aux séjours bruxellois d’Antoine de Lalaing car celui-ci vit le plus souvent dans ses contrées d’Hoogstraten, et possède également une demeure à Malines. Cet élément souligne l’importance de la figure de notre personnage.
En 1731, dans la nuit du 3 au 4 février, un incendie anéantit le palais du Coudenberg. Les environs, dont les hôtels qui nous occupent, sont assez bien préservés. Les quatre décennies qui suivront, période fragile (conflits, difficultés financières), figent l’état du site de la désormais « Cour brûlée ». Tout à la fois le rejet de l’idée de rénover ce site — par l’adoption définitive de l’ancien palais de la famille d’Orange-Nassau par le gouverneur autrichien de nos régions, Charles de Lorraine, moyennant force travaux ! — et le souhait de redorer l’image de la Ville conduiront au concept d’une nouvelle place ; celle-ci doit faire table rase du passé et magnifier en son centre la statue du même Charles de Lorraine. Dans ce contexte sont érigés une série de bâtiments de facture très semblable. Pour être précis, huit résidences — et une église, qui succède au site de l’abbaye du Coudenberg — sortiront de terre, hôtels particuliers témoignant in extremis de l’Ancien Régime. Pour supporter les coûts élevés de reconstruction du site, les autorités autrichiennes font appel à certaines collectivités (abbayes, corporations) ou à l’un ou l’autre mécène fortuné. Ainsi, si une de nos demeures est par tradition nommée « hôtel de Grimbergen », c’est en référence à l’abbaye du même nom qui prend en charge son érection. Débutée en 1776, l’édifice est achevé en 1881. Bien implantée en terres bruxelloises, la communauté abbatiale de Grimbergen dispose également d’une propriété dans l’actuel hôtel Errera (rue Royale, 14, face au Parc royal) ; ces refuges servent à la fois de résidence urbaine lors des séjours des religieux en ville, mais encore d’abri sécurisant à l’intérieur de l’enceinte en cas de besoin impérieux. La Ville de Bruxelles acquiert, dans le contexte du réaménagement de la place à la fin du 18e siècle, une partie de la propriété de l’hôtel d’Hoogstraten ; toutefois, la plus grande partie est achetée par le comte de Spangen, qui fait bâtir — en s’appuyant là aussi sur le bâti existant, soit l’hôtel d’Hoogstraten, qui se trouve ainsi enfoui —, un nouvel hôtel, en forme de L.
A
rchitecture et décor
Tout comme la place Royale dans son ensemble, les deux hôtels sont affublés du style néo-classique. La place est réaménagée par les architectes français Barré et Guimard, selon les préceptes néo-classiques du 18e siècle : symétrie, régularité, unité ; bref, au diable la tortuosité médiévale ! La nouvelle place Royale devient dès lors une place publique. Comme dans nombre de cas, la cité moderne a été construite sur la ville ancienne ; le cas présent permet de s’en rendre compte aisément, car les vestiges du palais sont visibles sous notre bâtiment, et accessibles via le musée BELvue voisin. Au début du 20e siècle, quelques modifications sont apportées à la structure intérieure de l’hôtel de Grimbergen par une banque anglaise, qui s’y établit ; l’escalier et le hall d’entrée en marbre, de même que la « salle des guichets » — sur la droite quand on fait face au bâtiment, en référence à la fonction de la pièce, désignation toujours d’actualité —, datent de cette période.
P
arcours et détours
La taille du bâtiment construit par l’abbaye offre de nombreuses opportunités, ce qui multiplie les affectations durant les 19e et 20e siècles. Ainsi, le Café de l’Amitié, occupant partiellement le bâtiment — la partie située à l’angle du parc Royal —, est connu pour avoir subi de plein fouet les combats anti-hollandais aboutissant à l’indépendance belge en 1830.
« Jean-Baptiste Coppens, mutilé par suite d’un coup de feu à la cuisse gauche, le 24 septembre 1830, en combattant au café de l’Amitié, place Royale, à Bruxelles ». La librairie de Charles Muquardt, allemand connu pour avoir largement participé à des entreprises internationales de contrefaçon dans son secteur, installe également ses activités dans les mêmes bâtiments au 19e siècle. D’autres établissements se succèderont encore — une autre taverne notamment —, avant qu’en 1920, une institution bancaire d’origine anglaise, la « Lloyds & National Provincial Foreign Bank Ltd », emménage dans l’hôtel de Grimbergen, moyennant quelques aménagements (cf. ci-dessus). L’hôtel de Spangen est pour sa part investi par Guillaume Ier d’Orange, roi des Pays-Bas — dont fait partie la future Belgique —, en 1821. Il subira ensuite diverses affectations, toujours habité par des instances publiques : Cour militaire, ministère des Travaux publics, ministère des Chemins de fer, Cour des Comptes, etc. Aujourd’hui, l’hôtel de Grimbergen et l’hôtel de Spangen sont tous deux la propriété de la Région de Bruxelles-Capitale. Le premier héberge le Brussels Info Place, ou « BIP », destiné à la présentation et à la promotion de la Région de Bruxelles-Capitale. Il s’agit donc bien d’un office du tourisme au sens large, comprenant ainsi un espace d’exposition présentant la Région. Dans le second se tiennent, chaque jeudi, les réunions du gouvernement régional, dans la salle Léopold où, selon la tradition, le premier roi des Belges a signé la Constitution nationale… L’hôtel de Spangen endosse également une fonction davantage protocolaire, en accueillant conférences de presse, réceptions, colloques, conférences, etc. Reliant les deux édifices, le bâtiment dit de Liaison est le siège d’activités pédagogiques, hébergeant différentes associations.
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