La fantasy, mythopoétique de la quête (extrait)

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La Fantasy,

Mythopoétique de la quête Viviane Bergue



La Fantasy, mythopoétique de la quête Viviane Bergue


CreateSpace, 2015


Sommaire Introduction ............................................................................................... 5 Note liminaire .......................................................................................... 27 Première partie : La Fantasy, un genre littéraire moderne se réclamant du mythe............................................................................... 29 1.1 Brève histoire de la Fantasy ................................................................. 34 1.1.1 Émergence et développement de la littérature du merveilleux en GrandeBretagne à l’époque victorienne ........................................................................ 34 1.1.2 Le cas Tolkien et la naissance de la Fantasy moderne : le mythe mis au cœur de la création littéraire et la consécration de la quête .............................. 49 1.1.3 La Fantasy post-tolkienienne : réception du Seigneur des Anneaux et nouvelles perspectives dans les œuvres d’Ursula K. Le Guin et de Léa Silhol . 62

1.2 Un genre « mythique » en quoi, pour qui et pourquoi ? ....................... 74 1.2.1 Une critique courante : la Fantasy, genre « conservateur », « régressif » et évacuant le réel ................................................................................................. 78 1.2.2 Quel mythe ? La quête, structure récurrente et objet central de la majorité des œuvres ........................................................................................................ 90

1.3 Une catégorie éditoriale ........................................................................ 97 1.3.1 Un genre codifié par le marché ? .............................................................. 97 1.3.2 Le casse-tête de la réception des œuvres ou comment distinguer la Fantasy de la Science-fiction et du Fantastique .............................................. 101!

Deuxième partie : Les sens de la quête ......................................... 111 Chapitre 1 : Trajets initiatiques et implications anthropologiques ... 113 1.1 Lieux de passage : rôle des rites initiatiques et contribution à une écriture mythopoétique de la quête .......................................................... 118 1.2 Quêtes masculines, quêtes féminines, des parcours plus ou moins différenciés ............................................................................................... 133 1.3 La quête : parcours de formation, métaphore de la vie ...................... 154 Chapitre 2 : Le temps de la quête ......................................................... 171 2.1 Temps cyclique versus temps linéaire : le mythe de l’Éternel Retour face à la trajectoire de la quête ................................................................ 173 2.1.1 Deux conceptions distinctes du temps ................................................... 174 2.1.2 La quête dans le long temps du cycle de Fantasy : récurrences et transformations ................................................................................................ 181 2.1.3 La quête : temps de crise, temps de l’urgence ....................................... 210

2.2 Rôle de la mémoire dans la mise en récit(s) de la quête ................... 221


4 2.2.1 Transmission, oralité et annexes pseudo-documentaires : mise en valeur de la littérature orale et mise en question de l’écriture dans sa capacité à dire la vérité ................................................................................................................ 224 2.2.2 Une littérature en quête de la parole originelle ....................................... 246!

Chapitre 3 : Aspects de la vertu consolatrice du mythe questuel en Fantasy .................................................................................................... 251 3.1 La peur de la mort et les quêtes d’immortalité ................................... 254 3.1.1 Désirs d’immortalité ................................................................................. 254 3.1.2 Catabases ............................................................................................... 283 3.1.3 La quête de la vie mortelle ...................................................................... 289

3.2 Redonner un sens au monde ............................................................. 297 3.3 La place de l’homme .......................................................................... 326

Troisième partie : Les quêtes de Fantasy et l'industrie du divertissement ..................................................................................... 333 Chapitre 1 : La quête de Fantasy au carrefour de la littérature et de l'industrie du divertissement, ou le merveilleux et le mythique face au spectaculaire et au ludique ................................................................... 335 1.1 Fantasy et théâtre : du théâtre comme source d’inspiration à la théâtralité de la quête chez Léa Silhol ..................................................... 336 1.2 Fantasy, cinéma et télévision : vers une standardisation de la quête ? ................................................................................................................. 348 1.3 Fantasy et jeu : quand la quête rejoint l’épreuve ludique de la chasse aux trésors ............................................................................................... 361 Chapitre 2 : La mise en images/scène de la quête : les adaptations du Seigneur des Anneaux et de Terremer ................................................ 373 2.1 Une gageure visuelle : comment donner vie à l’irréel et à l’impossible ? Les problèmes d’adaptation/transposition de la quête de Fantasy .......... 375 2.2 De nouveaux sens pour la quête ? Le propos des adaptations ......... 391 2.3 Prolonger le succès des livres ........................................................... 432

Conclusion ............................................................................................ 439 Bibliographie ........................................................................................ 445


Introduction Cycles et séries se déroulant dans des mondes imaginaires qui foisonnent sur les étagères des libraires, retour des contes de fées au cinéma et à la télévision, jeux vidéo où pullulent elfes, magiciens et dragons,… Aujourd’hui la Fantasy est partout et constitue sans contexte l’un des genres de l’Imaginaire les plus populaires et les plus prolifiques. Deux périodes fastes ont permis sa large diffusion : les années 1960-1970, période de constitution du genre comme catégorie éditoriale à part entière, et le début des années 2000 qui, avec l’adaptation cinématographique du Seigneur des Anneaux par Peter Jackson et le succès planétaire du cycle Harry Potter de J.K. Rowling, aussi bien en livres qu’en films, l’a placée sous les feux des projecteurs. Ce succès du genre peut paraître surprenant dans la mesure où la Fantasy, en se revendiquant héritière du mythe et en situant généralement son action dans des mondes archaïques d’inspiration médiévale où les personnages doivent mener une quête fabuleuse, semble aller à rebours de la modernité. En effet, André-François Ruaud, romancier et directeur éditorial des Moutons électriques, maison d’édition spécialisée dans les littératures de l’Imaginaire, définit la Fantasy comme une « littérature qui se trouve dotée d’une dimension mythique et qui incorpore dans son récit un élément d’irrationnel au traitement non purement horrifique, notamment incarné par l’utilisation de la magie »1. Selon cette définition, proposée par un des acteurs du genre, les trois traits définitoires de la Fantasy seraient donc l’irrationnel, la magie et « une dimension mythique », trois traits qui l’éloignent fondamentalement du mode réaliste, sans pour autant la distinguer clairement des deux autres grands genres de l’Imaginaire, en particulier le Fantastique, si ce n’est qu’André-François Ruaud précise qu’en Fantasy l’irrationnel reçoit un « traitement non purement horrifique ». Cette précision permet au moins de dessiner une frontière entre la Fantasy et la branche horrifique du Fantastique, tout en rappelant implicitement l’aspect dérangeant et subversif de l’intrusion de l’irrationnel, ou plutôt devrait-on dire du 1

André-François Ruaud (dir.), Panorama illustré de la fantasy et du merveilleux, Lyon, Les Moutons électriques, 2004, Liminaire p.13


6 surnaturel, dans le Fantastique. De fait, en Fantasy, le merveilleux s’inscrit en principe sans couture dans la réalité du monde fictif, et la magie n’est pas qu’une force, un pouvoir dont use mages et Elfes, elle est aussi à interpréter comme le pouvoir d’émerveillement du récit et sa possible capacité à réenchanter le monde. Mais ce qui retient véritablement l’attention dans la définition d’André-François Ruaud est sa présentation de la Fantasy comme une littérature « dotée d’une dimension mythique ». Cette affirmation rejoint celles d’autres auteurs tel Robert Silverberg qui, dans l’introduction à son anthologie de Fantasy, Legends2, considère que l’Épopée de Gilgamesh et les œuvres homériques sont déjà de la Fantasy. Il ne faudrait pourtant pas se méprendre sur de telles affirmations qui s’inscrivent dans une stratégie de légitimation d’un genre qui demeure encore souvent décrié. Il est vrai que la reconnaissance de la Fantasy par le monde universitaire et les médias est relativement récente, aussi bien en France que dans les pays anglo-saxons, malgré l’existence de travaux sur l’œuvre de Tolkien dès la fin des années 19503. De fait, en dépit du développement de la critique tolkieniste, des réticences perdurent parfois encore concernant la légitimité et plus encore la littérarité du genre, perçu par certains comme de la « littérature de supermarché ». En France, bien que le nombre de thèses s’intéressant à la Fantasy aille en s’accroissant, l’étude d’Anne Besson4, parue en 2007, reste à ce jour la seule étude globale du genre dans le champ de la critique universitaire française. Le site theses.fr répertorie un peu plus d’une vingtaine de thèses portant sur la Fantasy, mais cela demeure modeste comparé, d’une part, aux deux-cent soixante-douze thèses sur la Science-Fiction et aux sept cent soixante-sept thèses sur le Fantastique5 et, d’autre part, (sauf à vouloir réduire la Fantasy à la seule œuvre de Tolkien) aux quelques 2

Legends : Short Novels by the Masters of Modern Fantasy, New York, Tor Books, 1998, p.XII-XIII 3 On citera notamment les articles de W.H. Auden, « At the End of the Quest, Victory », New York Times Book Review, janvier 1956, et « The Quest Hero », The Texas Quarterly, IV, 1962, p.40-61. 4 La Fantasy, Paris, Klincksieck, coll. 50 Questions, 2007 5 Consulté le 2 mars 2015. En ce qui concerne le nombre de thèses répertoriées sur la Fantasy, nous avons retranché les résultats non pertinents pour lesquels le terme fantasy est utilisé dans la liste de mots-clés anglais comme traduction de « fantastique » ou de « fantasme ».


7 deux cent vingt-neuf mémoires et thèses portant en tout ou en partie sur l’œuvre de Tolkien répertoriés sur le site de Vincent Ferré, www.pourtolkien.fr6. La Fantasy n’est par ailleurs pas à l’ordre du jour dans les programmes de Licence des cursus de Lettres Modernes et de Langue et Littérature anglaises, au contraire du Fantastique. Côté anglo-saxon, la critique de la Fantasy est également largement dominée par l’étude de Tolkien, suivie de près par les ouvrages consacrés aux œuvres de Fantasy jeunesse, notamment Narnia de C.S. Lewis, Harry Potter de J.K. Rowling et À la croisée des mondes de Philip Pullman7. Ainsi, si l’on s’en tient à la critique disponible, la Fantasy tend principalement à être confinée dans la littérature jeunesse, loin des préoccupations supposées plus sérieuses de la littérature générale, à l’exception notable de l’œuvre de Tolkien qui, depuis quelques années, a acquis ses lettres de noblesse et sa légitimité dans le discours critique. Dès lors, affirmer que la Fantasy est une littérature mythique, comme le font André-François Ruaud et Robert Silverberg, revient à poser les bases d’une légitimation de la Fantasy en rapprochant cette littérature d’imaginaire pur d’un type de récit particulier fondé sur un discours symbolique, le mythe, dont l’importance dans la formation des sociétés humaines n’est plus à démontrer. Cette stratégie de légitimation n’est pas entièrement dépourvue de fondement dans la mesure où les récits de Fantasy usent et abusent de figures et de motifs mythiques, généralement empruntés aux mythologies existantes (celte et nordique en tête), dont la fameuse quête fabuleuse qui constitue généralement le cœur et le moteur de l’intrigue. Celle-ci peut apparaître à bien des égards comme un élément du caractère supposément passéiste du genre, héritage des contes et des romans médiévaux, au point que l’on peut se demander quel écho le lecteur contemporain peut rencontrer dans 6

Consulté le 2 mars 2015. Voir la MLA International Bibliography qui répertorie près de deux mille sept cent quatre-vingt cinq travaux sur Tolkien, dont mille cent quatre-vingt cinq sur Le Seigneur des Anneaux, ainsi que six cent six travaux sur Harry Potter, deux cent vint-et-un sur Narnia et cent trente-deux sur l’œuvre de Philip Pullman. L’œuvre de Robert E. Howard, autre père fondateur de la Fantasy moderne, se voit examinée dans cent quarante-quatre travaux, ce qui est largement inférieur à la proportion de travaux disponibles sur Tolkien. (Base de données consultée en mars 2015.)

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8 ce genre en apparence répétitif, brodant sans cesse sur les mêmes motifs et surtout réitérant sans cesse l’aventure questuelle, cette aventure qui reste fondamentalement associée dans notre imaginaire aux romans chevaleresques arthuriens. Le mythe, selon Mircea Eliade, contribue à donner forme au monde et à l’expérience8. Or la Fantasy, qui se revendique littérature mythique de notre époque, semble étrangère à l’expérience du lecteur contemporain puisqu’elle évoque bien souvent des êtres et des mondes qui n’ont aucune réalité, où le récit de la quête est sans cesse rejoué, loin, en apparence, de toute modernité. Pourtant, la quête est loin de constituer un simple facteur d’archaïsme. Bien au contraire, elle intègre en son sein une dynamique moderne de changement susceptible de bouleverser radicalement le monde imaginé par les auteurs, si ce n’est d’y mettre fin, en même temps qu’elle interroge notre rapport au monde. Étant elle-même mouvement, la quête entraîne la fluctuation des identités individuelles et géopolitiques, son objet est mouvant, et sa trajectoire problématise l’articulation entre liberté et destin, en interrogeant la marge d’action de l’individu dans un monde où tout est lié. Sa dynamique transformative problématise la place et la survivance du mythe dans le monde imaginé mais aussi dans une littérature moderne qui se veut mythique et qui se révèle, de fait, mythopoétique. Ainsi chacune des quêtes du Silmarillion9 et du Seigneur des Anneaux10 de Tolkien s’achève par la fin d’un Âge de la Terre du Milieu, entraînant bouleversements géographiques, politiques et écologiques. De même, dans La Glace et la Nuit de Léa Silhol11, la réalisation de la quête des personnages suppose à terme la 8

Voir Mircea Eliade, Aspects du mythe, Paris, Gallimard, 1963, p.174 Édition de Christopher Tolkien, Londres, HarperCollinsPublishers, 1999 (George Allen & Unwin 1977). Traduction française de Pierre Alien, illustrée par Ted Nasmith, Paris, Christian Bourgois éditeur, 2004 (1978). 10 The Lord of the Rings : The Fellowship of the Ring, Londres, HarperCollinsPublishers, 2007 (George Allen & Unwin 1954, 1966), The Two Towers, Londres, HarperCollinsPublishers, 2007 (George Allen & Unwin 1954, 1966) et The Return of the King, Londres, Collins Modern Classics, 2001 (George Allen & Unwin 1955, 1966). Traduction française de Francis Ledoux, Paris, Christian Bourgois éditeur, 1995. En octobre 2014, Christian Bourgois a démarré l’édition d’une nouvelle traduction de Daniel Lauzon, dont le premier tome s’intitule La Fraternité de l’Anneau (et non plus La Communauté de l’Anneau). 11 Lyon, Les Moutons électriques, 2007 9


9 disparition du Royaume des Sidhes. À l’issue de la quête, le monde n’est plus le même, quelque chose du passé a dû disparaître, à l’instar des Elfes quittant définitivement la Terre du Milieu à la fin du Seigneur des Anneaux. On ne peut donc souscrire à la position qu’Isabelle Périer soutient dans son article « Fantasy et Sciencefiction : transcendance et appareil, révolution et conservation » 12 selon lequel la quête de Fantasy serait par essence une quête conservatrice tandis que la quête de Science-fiction serait le fait d’un héros révolutionnaire. Une telle position, outre qu’elle oublie qu’il existe une Science-fiction réactionnaire, revient à sous-estimer les aspects fondamentalement modernes de la quête de Fantasy, reflets de l’appartenance des auteurs à notre époque et non à une époque ancienne, pour n’en voir que la dimension potentiellement nostalgique, tant il est vrai que le récit de la quête est bien souvent un récit au passé, un récit qui se raconte au passé pour nous parler d’un monde à jamais disparu, séparé de nous par la distance temporelle. Ce faisant, la quête de Fantasy, rejetée in illo tempore, se fait pour ainsi dire elle-même objet d’un mythe qui ne cesse d’être relaté encore et encore. Bien plus, par sa résurgence de récit en récit, elle apparaît comme le cœur de la Fantasy autour duquel cette dernière organise son discours sur le monde. Cette idée se voit confirmée par certaines remarques de Jacques Baudou dans son Encyclopédie de la Fantasy : La quête est l’une des grandes figures narratives de la fantasy 13 épique et a fait d’elle très souvent une littérature de la pérégrination 12

Article paru dans Anne Besson et Myriam White-Le Goff (dir.), Fantasy : le merveilleux médiéval aujourd’hui, actes du colloque du CRELID, Paris, Bragelonne, 2007. Isabelle Périer s’appuie sur une analyse du Seigneur des Anneaux, qui ne tient pas suffisamment compte de la fin du roman et des implications pour les Elfes de la destruction de l’Anneau Unique, pour affirmer que le but de la quête de Frodo est de préserver le monde tel qu’il est. Or la quête conduit inéluctablement à une transformation du monde et, si, pour le personnage, son point de départ peut être la volonté de préserver un monde, il n’en demeure pas moins que ce ne peut être le but final de la quête. Dans le roman de Tolkien, il s’agit bien davantage d’échapper à la domination absolue de Sauron, autrement dit de préserver non pas tant un monde mais la liberté de ses habitants. 13 Terme généralement adopté par les spécialistes français du genre pour désigner ce que les Anglo-saxons nomment la High Fantasy et qui constitue le sous-genre (ou courant) principal de la Fantasy, né à la suite de l’engouement pour Le Seigneur des Anneaux dans les années 1960-1970.


10 — qu’il s’agisse de détruire un objet maléfique, de réunir des talismans ou de retrouver une personne ou un livre dont dépend l’avenir du monde décrit. L’intérêt de la quête ne se limite pas bien sûr à son objet. Elle vaut également par les péripéties qui la parsèment, pour les épreuves (souvent à valeur initiatique) qu’elle fait subir à ceux qui s’y sont 14 engagés .

La quête renvoie bien aux structures traditionnelles de la littérature orale formulaire (contes, épopée) tout autant qu’aux récits médiévaux, insistant en cela fortement sur des schémas initiatiques, ce qui ne l’empêche pas d’introduire dans les récits une dynamique de mobilité moderne où les valeurs de liberté, de respect de l’Autre, de la nature et de la diversité des êtres tiennent une place essentielle. Loin d’être une aventure purement solitaire, la quête de Fantasy lie l’individuel au collectif en interrogeant la place de l’individu dans le monde. Action essentielle dans l’économie du récit, elle pose aussi la question de ce que peut et doit faire l’individu. C’est d’elle et autour d’elle que se dégage et s’articule toute l’éthique qui fonde le socle de la Fantasy et nourrit son écriture. C’est pourquoi il est nécessaire de questionner ce qui fait la spécificité de la quête de Fantasy. Quels sont les enjeux et les implications anthropologiques et littéraires de la quête de Fantasy ? Quel sens donner à cette quête fabuleuse sans cesse reconstruite sur des schémas traditionnels dans une littérature moderne et postmoderne ? En effet, à travers la quête, c’est la pertinence d’un genre tel que la Fantasy qui est en jeu, tant sa propension à entraîner le lecteur dans des univers imaginaires d’aspect archaïque semble la confiner dans une sous-littérature de pur divertissement sans lien avec le réel. La quête de Fantasy n’est-elle qu’un jeu, un comme si permettant au lecteur de s’évader du présent apparemment dépourvu de merveilleux ou est-elle au contraire, dans sa tension vers le mythe, via la création mythopoétique mise en œuvre par les auteurs, le lieu d’un discours pertinent sur la condition humaine ainsi que nous l’avons esquissé ? On ne peut répondre à ces questions sans d’abord revenir sur le terme même de quête. Nous savons tous intuitivement ce qu’est une quête et pourtant une véritable définition opérante de la quête manque trop souvent dans la critique littéraire qui tend soit à éluder 14

Jacques Baudou, Encyclopédie de la Fantasy, Fetjaine, 2009, p.70


11 la question, soit à reprendre à son compte la définition traditionnelle des folkloristes. Ceux-ci, dans la lignée de Propp, présentent la quête comme un motif faisant partie intégrante des éléments de la structure-type du conte. Dans ce cadre, la quête est définie comme la recherche d’un objet fabuleux, et, définie ainsi, elle ne peut apparaître que dans un type particulier de récit, celui du conte. Nombre de commentateurs de Tolkien partent de cette définition pour souligner le caractère atypique de la quête de Frodo dans Le Seigneur des Anneaux : celle-ci serait une anti-quête puisqu’elle vise non à retrouver un objet fabuleux (l’objet est déjà en possession de Frodo) mais à le détruire. Cependant, on peut opposer à cette caractérisation de la quête de Frodo d’une part le fait qu’elle tienne pour acquis que l’objet d’une quête ne peut être que matériel, et d’autre part de fonder sa caractérisation non sur une définition générale de la quête mais sur la définition d’un type particulier de quête, celui que l’on rencontre principalement dans les contes merveilleux. Or les contes merveilleux ne sont pas les seuls récits à relater une quête. Que l’on songe par exemple au Moby Dick de Herman Melville 15 (1851) où le capitaine Achab cherche sans relâche le cachalot blanc qui lui a arraché une jambe et qui signera sa perte, ou bien au Grand Meaulnes d’Alain-Fournier 16 (1913) qui raconte la quête amoureuse du héros éponyme pour l’insaisissable Yvonne de Galais17. Ces récits romanesques, qui se déroulent dans un monde fictif a priori conforme à la réalité communément admise, proposent une quête dont l’objet n’est pas matériel. Achab cherche moins à s’emparer de Moby Dick qu’à assouvir sa vengeance. Sa quête effrénée autour du globe, relatée par Ismaël, se charge en même temps d’une réflexion métaphysique sur la nature du Bien et du Mal. Dans un autre registre, le Grand Meaulnes poursuit à travers Yvonne l’image d’un amour idéalisé qui ne se concrétisera jamais. Et que dire par ailleurs de la quête esthétique du personnage d’À la 15

Traduction de Henriette Guex-Rolle, présentation de Jeanne-Marie Santraud, Paris, Garnier-Flammarion, 2012 (1851). 16 Paris, Le Livre de Poche, 2009 (1913). 17 On pourrait citer également Forêt interdite de Mircea Eliade (1955), Homme invisible, pour qui chantes-tu ? de Ralph Ellison (1953), L’Âge de raison de Sartre (1946), Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad (1899), Le Partage des eaux d’Alejo Carpentier (1953). La liste n’est pas exhaustive.


12 recherche du temps perdu18 qui le conduira à devenir écrivain ? Le titre de l’œuvre proustienne invite, du reste, à penser la quête d’abord comme une recherche, ce qui rejoint l’étymologie du substantif « quête », du latin quaerere qui signifie chercher. C’est aussi en tant que recherche de quelque chose ou de quelqu’un que la quête est définie dans les dictionnaires. Le Petit Robert propose ainsi comme définition « action d’aller à la recherche de quelqu’un/quelque chose », tandis que le Dictionnaire du CNRTL, du CNRS et de l’Atilf propose quant à lui « action de chercher à trouver, à découvrir. Litt. recherche obstinée de quelqu’un, de quelque chose. » Pour le langage courant, la quête est recherche et son objet n’est ni spécifié ni spécifique. Ceci pourrait constituer la définition minimale de toute quête, comme recherche active, « obstinée » et orientée d’un objet qui tend à se dérober sans cesse au quêteur parce que sa nature n’est pas, ou alors seulement en apparence, matérielle, à l’instar de l’objet questuel entre tous qu’est le Graal. De cette recherche découle en creux une dimension métaphysique, comme le laisse présager l’exemple de Moby Dick. Par conséquent, une définition réduisant la quête à la recherche d’un objet matériel fabuleux ne saurait être pleinement opérante car les nombreux exemples de quêtes qu’offre la littérature dépassent ce postulat. Pour éviter cet écueil, Christina Scull et Wayne G. Hammond choisissent de privilégier une définition de l’objet de la quête pour déterminer la spécificité de la recherche questuelle, à l’entrée « Quest » du second volume du J. R. R. Tolkien Companion and Guide, : The object of the quest may be to win, find, or recover an object or person, or to fulfil a task imposed as a condition of gaining some desired reward, such as the hand of a princess ; but almost all involve a journey through strange terrain. The quester may undertake this alone or with companions, or may acquire companions or helpers on the way. Quests demand that the hero or heroine persist and overcome all obstacles. In fairy-stories the quest may require certain moral behaviour for its successful achievement, and may depict 19 personal growth or maturation .

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Paris, Bibliothèque de la Pleïade, 1987-1989 (1913-1927). Christina Scull et Wayne G. Hammond, The J. R. R. Tolkien Companion and Guide vol.2, Reader’s Guide, Boston et New York, Houghton Mifflin Company, 2006, p.807 19


13 (Traduction) L’objet de la quête peut être de gagner, de trouver, ou de recouvrer un objet ou une personne, ou d’accomplir une tâche imposée comme condition pour obtenir un prix désiré, telle la main d’une princesse ; mais presque tous impliquent un périple à travers des terres étranges. Le quêteur peut entreprendre cela seul ou avec des compagnons, ou peut acquérir des compagnons ou des adjuvants en chemin. Les quêtes exigent que le héros ou l’héroïne persiste et surmonte les obstacles. Dans les contes de fées, la quête peut demander un certain comportement moral pour s’accomplir, et peut dépeindre le fait de grandir ou de mûrir.

Bien que s’appuyant sur la définition traditionnelle des folkloristes qui associe irrémédiablement la quête aux contes merveilleux, la définition de Christina Scull et de Wayne G. Hammond est suffisamment nuancée pour que la recherche questuelle n’en soit pas réduite à la poursuite d’un objet matériel fabuleux. Les deux auteurs notent en effet l’objet divers de celle-ci et soulignent l’un des aspects fondamentaux de la quête : elle est un trajet dans l’espace (« a journey through strange terrain »). Leur propos contient en substance une possibilité d’élargissement de ce qui est présenté comme un motif à un mouvement plus complexe. Il manque à cette définition la prise en compte du caractère mouvant de l’objet de la quête, dont la nature est susceptible d’évoluer au cours du procès de celle-ci. Entre ce que le personnage cherche au début de son périple et ce qu’il obtient, il n’y a pas toujours identité. L’objet se modifie tout comme le personnage est changé par la quête. La recherche questuelle est de ce fait parcours initiatique. Cette définition omet également de prendre en compte le fait qu’une quête n’est pas toujours une quête fabuleuse, même si c’est bien ce qu’elle est en principe dans les contes et dans la Fantasy. Karla Grierson a pour sa part proposé la définition de travail suivante : est appelé quête tout trajet dans l’espace et dans le temps visant à avancer vers un ou plusieurs buts, ces buts étant à la fois matériels et symboliques, internes et externes au sujet qui les recherche20. Cette définition, qui rejoint nos précédentes remarques, nous paraît la plus opérante pour rendre compte de la complexité du mouvement questuel, d’autant plus qu’elle permet d’englober la multiplicité des quêtes que connaît la littérature au lieu de se 20

Cette définition a été établie lors d’un séminaire intitulé « Quêtes et idéaux » qui s’est tenu à l’Université Toulouse 2-Le Mirail en 2008-2009.


14 restreindre à la quête merveilleuse sous sa forme traditionnelle. Cette définition implique que la quête est un déplacement, déplacement dans le temps et dans l’espace mais aussi déplacement parce que mouvement des identités et des motivations, que son objet est, justement, à la fois divers et mouvant, et que, pour le sujet, la quête est à la fois un parcours matériel et spirituel. Il faut ajouter à cette définition la particularité de la quête de Fantasy : elle devient dans le corps des récits, comme nous le développerons tout au long de cette étude, mythe et objet d’un mythe. La définition que nous adoptons de la quête est ainsi une définition suffisamment large pour intégrer les différentes quêtes proposées par les œuvres de Fantasy, tout en étant suffisamment spécifique pour différencier la quête d’une banale chasse aux trésors. La multiplicité des sous-genres de la Fantasy offre un large panel de quêtes différentes, certaines rejoignant la définition traditionnelle des folkloristes, d’autres proposant un objet tout sauf matériel dans un contexte qui n’est pas toujours celui, canonique, d’un monde médiéval fantastique. Cette multiplicité, signe du caractère protéiforme du genre, n’est pas sans poser problème dans l’établissement d’un corpus pour l’étude du caractère central de la quête en Fantasy. On peut effectivement se demander si la quête a la même valeur en Fantasy urbaine et en High Fantasy par exemple, et, dans ces conditions, s’interroger sur la représentativité du corpus à établir. La quête a-telle plus d’importance dans certains sous-genres plutôt que dans d’autres ? La question mérite d’être posée même si sa réponse doit être différée car, selon que la réponse sera positive ou négative, l’interprétation même de la place de la quête en Fantasy peut s’en trouver modifiée. Cependant, il ne paraît guère raisonnable de chercher à constituer un corpus qui rendrait compte avec exhaustivité de l’ensemble du genre, sachant que ce dernier peut se subdiviser en une dizaine à une vingtaine de sous-genres classés par thème, tonalité ou type de monde imaginé, classement en constante évolution et qui varie d’un critique à l’autre 21 . Nous 21

Jacques Baudou distingue six grands sous-genres de la Fantasy dans son Que sais-je ? consacré au genre : la Fantasy humoristique, la Fantasy urbaine, la Fantasy exotique (ou oriental fantasy), la Fantasy arthurienne, la Science Fantasy, et la Fantasy épique, auxquels il ajoute la Fantasy animalière et l’Heroic Fantasy dans son Encyclopédie de la Fantasy (voir La Fantasy, Paris, PUF, Que sais-je ?,


15 partirons donc d’une approche qui privilégie l’analyse d’œuvres issues du sous-genre principal de la Fantasy, à savoir la High Fantasy dont l’œuvre tolkienienne constitue l’œuvre fondatrice autant qu’elle préside à la reconnaissance de la Fantasy comme genre et catégorie éditoriale à part entière. Le corpus choisi ne peut par conséquent omettre Le Seigneur des Anneaux et son assise « mythologique », Le Silmarillion, qui posent les bases de la Fantasy moderne et proposent comme cœur de leurs récits une quête déterminante pour la forme du monde imaginé. On notera que de ces deux œuvres, seul Le Seigneur des Anneaux, publié pour la première fois en 1954-1955, est un roman et une œuvre achevée. Le Silmarillion de 1977 au contraire est une œuvre artificiellement achevée, la composition finale de l’ouvrage étant due à Christopher Tolkien, le fils de Tolkien, chargé d’en préparer l’édition après la mort de son père. Cette œuvre posthume a été établie à partir des versions les plus récentes et les plus abouties des différents récits qui forment le légendaire du Premier et 2005, p.54-63 et Encyclopédie de la Fantasy, Sommaire p.5). Dans un ouvrage contesté, Mats Ludün en recense également six : l’Heroic-fantasy (dans laquelle il rassemble pêle-mêle les œuvres de Sword and Sorcery, autre terme anglo-saxon pour désigner l’Heroic Fantasy, et celles de High Fantasy), la Science-fantasy, la Fantasy historique, la Fantasy urbaine, la Fantasy burlesque et la Fantasy policière. Cette dernière apparaît du reste comme une subdivision artificielle puisque les œuvres citées en exemple relèvent par ailleurs chacune en propre d’un autre sous-genre et ne forment pas un corpus cohérent (voir La Fantasy, Paris, Ellipses, coll. Genres/registres, 2006, p.39-55). Il est encore possible de faire des distinctions plus fines entre les œuvres de Fantasy et de distinguer par exemple une Myth Fantasy (aussi appelée Mythic Fiction) qui s’inspirerait davantage des anciennes mythologies et une Fairytale Fantasy davantage axée sur un imaginaire issu des contes de fées, ou encore, comme le fait Farah Mendlesohn, de distinguer une « “Portal fantasy”, dans laquelle le lecteur et les personnages franchissent un portail, une entrée, un point de référence ou de démarcation ; une “Immersive fantasy”, où l’on se trouve d’emblée au sein d’un monde imaginaire […] ; une “Intrusive fantasy”, où l’élément surnaturel a généralement pénétré notre monde en violation de ses lois naturelles (une fantasy nourrissant de fortes accointances avec le fantastique et l’horreur) ; et une “Estranged fantasy”, qui se déroule dans notre monde mais avec une coexistence des éléments surnaturels et naturels […] » (Panorama illustré de la fantasy et du merveilleux, Liminaire p.17). Cette dernière classification se base en ce cas sur les modalités de mise en place de l’élément surnaturel dans les récits. The Encyclopedia of Fantasy de John Clute et John Grant (Londres, Orbit, 1999) dénombre encore davantage de sous-genres, effectuant même des subdivisions supplémentaires au sein des différents sous-genres.


16 du Deuxième Âges de la Terre du Milieu que Tolkien n’a cessé de développer de 1916 jusqu’à sa mort sans jamais parvenir à un tout achevé. Il est d’usage dans la critique spécialisée de distinguer ce Silmarillion du « Silmarillion » qui désigne l’ensemble du matériel inachevé laissé par Tolkien avec ses multiples versions parfois contradictoires 22 . En l’état, on doit considérer que le Silmarillion connaît trois auteurs : J.R.R. Tolkien, auteur premier et effectif du matériau original, Christopher Tolkien, auteur second, qui, par son travail d’édition, a mis en forme le manuscrit final, et enfin Guy Gavriel Kay, romancier canadien, qui a aidé Christopher Tolkien dans son travail d’édition et lui a notamment suggéré la forme à donner à la composition finale. Malgré l’intervention de ces deux « éditeurs », ou auteurs secondaires, on reconnaît cependant sans peine le style et la pensée de Tolkien dans l’œuvre publiée. Tenant autant du recueil mythologique que du genre médiéval de la chronique, Le Silmarillion se compose de cinq parties : l’Ainulindalë qui relate la création du monde par Eru Illúvatar, la Valaquenta qui présente les Valar, les Puissances d’Arda23, sorte d’équivalent tolkienien des anciens panthéons antiques24, la Quenta Silmarillion (ou Silmarillion proprement dit), la partie centrale la plus longue, qui relate la quête des Silmarils et la longue guerre entre les Elfes et Morgoth, le premier Seigneur Ténébreux, pendant tout le Premier Âge, l’Akallabêth, récit de la quête d’immortalité des Númenoréens et de la chute de Númenor au Deuxième Âge, et enfin Les Anneaux de Pouvoir et le Troisième Âge (Of the Rings of Power and the Third Age) qui revient sur la création des Anneaux de Pouvoir et la lutte contre Sauron pour rejoindre la fin du Seigneur des Anneaux avec le départ de Frodo et des derniers Elfes de la Terre du Milieu. Le Silmarillion couvre une vaste période temporelle, débutant d’abord au temps des commencements et de la création du monde, 22

La majeure partie de ce matériel a été publié dans les différents volumes de The History of Middle-earth, dont seuls les cinq premiers volumes ont été traduits en français. 23 Arda est le nom donné à la Terre dans l’œuvre tolkienienne et comprend d’une part la Terre du Milieu (Middleearth, le monde des mortels) et d’autre part les Terres Immortelles (Aman où se trouve Valinor, le lieu de résidence des Valar, et Tol Eressëa, l’île solitaire des Elfes). 24 En réalité, les Valar ne sont pas à proprement parler des divinités mais plutôt des gardiens angéliques.


17 avant d’être ensuite scandée par la quête principale de chaque Âge de la Terre du Milieu, déroulant ce faisant une véritable Histoire des Elfes, ces êtres imaginaires devenus indissociables de la Fantasy. L’ensemble des récits qui le composent forment a posteriori, de par leur tonalité et leurs thèmes, un diptyque avec Le Seigneur des Anneaux, ce dernier, de l’avis même de l’auteur25, apparaissant bien davantage comme une suite du Silmarillion (ou plutôt du « Silmarillion ») qu’une suite du Hobbit 26 , le premier roman de Tolkien mettant pour la première fois en scène les personnages de Gandalf, Bilbo et Elrond et le monde qui deviendra dans le roman ultérieur la Terre du Milieu. Le Seigneur des Anneaux reste l’œuvre majeure de Tolkien et, comme nous l’avons vu, la plus étudiée des œuvres de Fantasy. En France, ainsi que nous l’avons déjà souligné, le corpus consacré au roman de Tolkien est largement supérieur à celui consacré à la Fantasy dans son ensemble, et les études sur la Fantasy ne manquent pas de faire référence au Seigneur des Anneaux pour y puiser leurs exemples privilégiés. La critique anglo-saxonne, quant à elle, s’est davantage attachée à l’analyse du Seigneur des Anneaux qu’à celle du Silmarillion (ou à n’importe quelle autre œuvre de Fantasy), Le Silmarillion étant généralement abordé non pour luimême mais dans le but d’éclairer Le Seigneur des Anneaux27. Prévu initialement pour être une suite du Hobbit commandée par l’éditeur Stanley Unwin, ce long roman de plus de mille pages découpé éditorialement en trois volumes 28 plonge ses racines dans le 25

Voir The Letters of J.R.R. Tolkien, édition de Humphrey Carpenter, avec l’aide de Christopher Tolkien, Boston et New York, Houghton Mifflin Company, 2000 (1981 pour la première édition chez George Allen & Unwin). 26 The Hobbit or There and Back Again, illustré par Alan Lee, Londres, HarperCollinsPublishers, 2008 (1937, 1951, 1966, 1978 chez George Allen & Unwin). 27 L’ouvrage de Verlyn Flieger Splintered Light : Logos and Language in Tolkien’s World, Kent (Ohio) et Londres, Kent State University, édition révisée, 2002 (1983), est l’une des rares études entièrement consacrées au Silmarillion. 28 Ce découpage a été demandé par l’éditeur à cause de la pénurie de papier dans les années 1950. Il n’était alors pas économiquement viable de publier en un seul volume un roman aussi long car le coût de l’impression se serait répercuté sur le prix de vente. Cette publication initiale en trois volumes est à l’origine de l’abus de langage faisant du Seigneur des Anneaux une trilogie, alors qu’il s’agit bien d’un seul long roman, et a popularisé le terme de « trilogie » pour toute œuvre composée de trois volumes. Au sens strict cependant, une trilogie est une série de


18 légendaire des premiers Âges de la Terre du Milieu pour nous conter la fin du Troisième Âge et la quête de Frodo pour détruire l’Anneau Unique. Cette quête, qui conduit le personnage aux limites de sa résistance au Mal, met fin à la menace représentée par Sauron mais aussi au monde mythique en conditionnant le départ des derniers Elfes. L’œuvre est ainsi baignée par un sentiment de nostalgie en même temps qu’elle est marquée par l’urgence du combat contre la domination absolue de Sauron qui menace l’ensemble des peuples libres de la Terre du Milieu. Dans ce contexte, la quête représente un espoir fragile face à la tyrannie et cimente les différents fils narratifs dans un roman où la conscience de l’écoulement du temps nourrit le caractère précieux de tout ce qui pourrait disparaître si la quête échoue et de tout ce qui disparaîtra malgré tout inéluctablement si la quête s’accomplit. Apparaissant comme le dernier sursaut héroïque d’un Âge qui s’achève, la quête de Frodo est déjà du côté du mythe. Par ses thèmes et son recentrement sur le récit de la quête, Le Seigneur des Anneaux, et au-delà l’ensemble du cycle d’Arda 29 , ouvre la voie à toute la Fantasy moderne et à ses nombreux cycles sans cesse en expansion où la quête fait retour. Parmi ces cycles, celui de Terremer de l’auteure américaine Ursula K. Le Guin, autre œuvre de notre corpus, constitue une des œuvres majeures de la Fantasy post-tolkienienne. Initialement conçu comme une trilogie publiée de 1968 à 1973 (Le Sorcier de Terremer, 1968, Les Tombeaux d’Atuan, 1972, L’Ultime rivage, 1973), le cycle s’est vu étendu une première fois en 1990 avec Tehanu, sous-titré en version originale The Last Book of Earthsea 30 , soit Le Dernier livre de trois œuvres dont les sujets sont liés, à l’instar de L’Orestie d’Eschyle, et non une œuvre unique découpée après coup en trois volumes. 29 C’est-à-dire l’ensemble formé par Le Silmarillion, Le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux. Nous empruntons le terme « cycle d’Arda » à Anne Besson qui l’utilise dans son ouvrage D’Asimov à Tolkien, Cycles et séries en littérature de genre, Paris, CNRS éditions, 2004. 30 The Earthsea Quartet (comprenant A Wizard of Earthsea, The Tombs of Atuan, The Farthest Shore et Tehanu), Londres, Penguin Books, 1993 (1968, 1972, 1973 et 1990 pour les volumes séparés). Le Sorcier de Terremer a remporté le Boston Globe Horn Book Award for Excellence, Les Tombeaux d’Atuan le Newberry Award, et L’Ultime rivage le National Book Award for Children’s Books. Ursula K. Le Guin avait déjà fait une première incursion dans le monde de Terremer avec les nouvelles « The Word of Unbinding » et « The Rule of Names », publiées pour la première fois en 1964 et rassemblées dans le recueil The Wind’s Twelve Quarters, New York, Bantam, 1979 (1975). L’édition française rassemble les trois volumes


19 Terremer, puis en 2001 avec le recueil Les Contes de Terremer31 et le roman Le Vent d’ailleurs32. Se situant dans le monde imaginaire de Terremer, chaque roman du cycle relate une quête destinée à rétablir l’équilibre du monde tout en conduisant le personnage à une nouvelle étape de son existence. La magie tient dans cette œuvre une place prépondérante avec l’Ancien Langage, langue primordiale qui est à la fois la langue de la magie et celle des dragons. Le pouvoir de la parole magique redouble le pouvoir d’évocation de la littérature, tandis que la quête se dote d’une dimension explicitement métaphysique, notamment dans L’Ultime rivage qui aborde frontalement la question de la finitude humaine. La particularité principale de Terremer est de s’éloigner du gros de la production post-tolkienienne en proposant des récits plus contemplatifs et imprégnés de pensée taoïste loin des récits aux combats épiques de ce qu’il est parfois coutume d’appeler la Big Commercial Fantasy33. Ainsi Ged, un des personnages principaux du cycle et héros du premier volume, n’est ni un guerrier ni un futur preux chevalier mais un mage dont la première quête le conduit à apprendre à user de la magie avec parcimonie, autrement dit à limiter son action. De fait, dans ce cycle, l’action est réduite au minimum, laissant davantage la place à l’introspection tandis que les personnages pérégrinent sur mer ou au fond de leurs labyrinthes intérieurs. Dans ces récits, la quête est d’abord voyage physique et/ou intérieur dans un monde qui semble inspiré autant par le Moyen Âge européen que par les sociétés amérindiennes. L’autre particularité de Terremer est de proposer des personnages à la peau sombre, loin du type blanc anglo-saxon trop souvent en vigueur dans les cycles de Fantasy. Ce point contribue à faire de Terremer un cycle de Fantasy américaine à la fois typique et de la trilogie initiale dans Terremer, traduction de Philippe R. Hupp et Françoise Maillet, harmonisée par Patrick Dusoulier, Paris, Robert Laffont, Le Livre de Poche, 1980. Tehanu a été publié séparément chez le même éditeur avec une traduction d’Isabelle Delord-Philippe, en 1991. 31 Tales from Earthsea, Londres, Orion, 2003 (États-Unis, Harcourt, 2001). Traduction française de Pierre-Paul Durastanti, Paris, Robert Laffont, Le Livre de Poche, 2003. 32 The Other Wind, Londres, Orion, 2003 (États-Unis, Harcourt, 2001). Traduction française de Patrick Dusoulier, Paris, Robert Laffont, Le Livre de Poche, 2005. 33 Forgé par un critique de la revue Locus, ce terme péjoratif sert parfois à désigner les nombreux cycles de High Fantasy.


20 atypique dans le tout-venant de la production de l’époque des années 1960-1970 où se sont cristallisés les codes du genre. Il y a ainsi chez Ursula K. Le Guin dialogue implicite avec ces codes alors en gestation mais aussi avec l’œuvre de Tolkien dont elle se distingue notamment par une perspective volontiers ethnographique, brouillant les frontières qui séparent la Fantasy de ses propres romans de Science-fiction. Il faut souligner qu’en proportion Ursula K. Le Guin a écrit bien plus de Science-fiction que de Fantasy et est davantage célébrée pour ses romans de Science-fiction les plus connus, La Main gauche de la nuit34 et Les Dépossédés35, que pour son œuvre de Fantasy. La place que tient le cycle de Terremer dans le genre n’en est que plus remarquable, d’autant qu’il fait partie avec l’œuvre de Tolkien des quelques œuvres de Fantasy à avoir été adaptées au cinéma et à la télévision. L’adjonction du cycle d’Ursula K. Le Guin à notre corpus nous permettra par conséquent d’élargir notre horizon des valeurs attachées à la quête en Fantasy et de voir que la Fantasy peut aussi se faire littérature de questionnement à l’instar du versant spéculatif de la Science-fiction. La dernière œuvre qui composera notre corpus est La Glace et la Nuit – Opus un. Nigredo de Léa Silhol, roman daté de 2007 qui nous ouvrira les portes de la jeune Fantasy française et les nouvelles perspectives qui l’accompagnent. Son récit nous transporte au Moyen Âge dans le monde des Sidhes, le Royaume, menacé de dissolution parce que les Mortels abandonnent progressivement les anciennes croyances pour la nouvelle religion chrétienne. Apprenant que la Haute Reine Titania a décidé de séparer définitivement le Royaume de Mortalité, ce qui risque de transformer leur monde en un lieu à jamais figé, Gaemred, souveraine de la Cour d’Hiver, envoie Kelis rechercher Angharad, la seule qui pourrait offrir aux Sidhes un autre avenir. Retrouvée par Kelis, cette dernière et son amant Finstern choisiront de partir en quête de Seuil, la Cour Périlleuse, lieu mythique, promesse de refondation du monde des Sidhes. Le roman de Léa Silhol propose un passage de relais entre trois quêtes, la quête de Kelis aboutissant à la quête de Seuil, ellemême nécessitant la quête médiatrice des Trésors des Tuatha Dé Danann (aussi appelés Hallows), clés pour ouvrir les portes de Seuil. L’objet final de la quête principale, celle de Seuil, est la survie des 34 35

Traduction de Jean Bailhache, Le Livre de Poche, 2006 (1969) Traduction de Henri-Luc Planchat, Le Livre de Poche, 2006 (1974)


21 Sidhes et par-delà, la survie du mythe dans un monde qui ne croit plus en lui. Œuvre postmoderne, le roman de Léa Silhol travaille à partir des mythologies européennes pour développer son monde fictif en de multiples strates dont le lecteur est invité à déchiffrer les références. Le roman constitue en outre une des pièces du vaste puzzle que forme le méta-cycle de la « Trame », terme employé par l’auteure pour désigner l’ensemble des récits qu’elle a publiés et qui sont reliés les uns aux autres. La Glace et la Nuit est ainsi le deuxième volume du cycle de Vertigen, l’un des sous-cycles de la Trame, faisant suite au roman La Sève et le Givre 36 , également premier roman de Léa Silhol retraçant la naissance d’Angharad et son amour avec Finstern, Monarque de Dorcha, la neuvième Cour d’Ombre. En sus de ces deux romans, le cycle de Vertigen se compose d’un ensemble de nouvelles dont la plupart ont été rassemblées dans Avant l’Hiver, sous-titré Architectonique des Clartés, roman en lambeaux37 . « À l’image de la nuit », première nouvelle mettant en scène le personnage de Finstern, a par ailleurs d’abord été publiée dans le recueil La Tisseuse, Contes de fées, contes de failles 38 qui comprend également des œuvres courtes indirectement liées au roman La Glace et la Nuit, en particulier « Le Cœur de l’hiver » relatant la rencontre entre Perséphone et Hadès, et la novella « Le Vent dans l’ouvroir », relatant la naissance des Parques. On retrouve les premiers dans un chapitre de La Glace et la Nuit et les secondes dans La Sève et le Givre où elles sont les adversaires des héros. La Glace et la Nuit tient une place à part dans le cycle de Vertigen puisque ce roman est la pièce manquante permettant de relier Vertigen au cycle de Frontier, initié avec le recueil Musiques de la Frontière39, mais aussi au cycle d’Isenne, la cité des artistes, ainsi qu’aux nouvelles angéliques et aux nouvelles de la « Trame » inspirées de la mythologie grecque. En d’autres termes, il s’agit d’un roman pivot dans le méta-cycle, faisant de la quête de Seuil le point de convergence de l’ensemble.

36

Montpellier, L’Oxymore, 2002 Lyon, Les Moutons électriques, 2008 38 Montpellier, L’Oxymore, 2004 39 Montpellier, L’Oxymore, 2004 37


22 Malheureusement, à ce jour, seule la première partie du roman, Nigredo, a été publiée. Un différend opposant Léa Silhol à son éditeur laisse en effet la seconde partie du roman, Albedo, inédite. La publication de cette suite demeure incertaine puisque depuis la parution de Nigredo et Avant l’Hiver, Léa Silhol n’a publié aucun ouvrage. Toutefois, l’auteure reste très active sur la Toile, où elle s’oppose à la loi sur les « Livres indisponibles du xxe siècle » et au registre ReLIRE. Sa page Facebook indique par ailleurs qu’elle prépare une réédition des Contes de la Tisseuse, tandis que son site Internet laisse désormais entendre qu’elle envisagerait la publication de nouveaux livres pour 2015, alors que précédemment il indiquait qu’elle était en grève40. On ne peut que se réjouir de ces nouvelles au vu de la qualité stylistique de l’œuvre déjà publiée et de la place qu’a tenue Léa Silhol au début des années 2000 dans le monde de l’édition française de Fantasy en créant feu les éditions L’Oxymore dont elle a été la directrice littéraire. Cette maison d’édition a en effet contribué à faire connaître des auteurs de Fantasy méconnus en France tels Charles de Lint et Tanith Lee, et à donner leur chance à de jeunes auteurs français. L’Oxymore est également connue pour le soin apporté à ses ouvrages en tant qu’objets-livres aussi agréables à regarder qu’à lire. Ce travail tant sur le fond que sur la forme des livres a fait des émules, notamment avec les éditions Les Moutons électriques d’André-François Ruaud, ou encore les éditions Griffe d’encre. Le corpus qui servira de base à notre étude se compose ainsi de l’œuvre fondatrice de la Fantasy moderne, Le Seigneur des Anneaux de Tolkien, et de son assise « mythologique », Le Silmarillion, d’un cycle complet de Fantasy, le cycle de Terremer d’Ursula K. Le Guin, à la fois typique de la Fantasy américaine posttolkienienne et atypique dans son recours parcimonieux à l’action, et enfin un roman issu de la Fantasy française d’avant-garde, La Glace et la Nuit de Léa Silhol. Ces œuvres n’ont pas seulement en commun d’appartenir au genre de la Fantasy et d’être des récits de quête, elles s’inscrivent toutes dans un ensemble cyclique et ont également en commun d’avoir des auteurs soucieux du travail sur la langue, qu’il s’agisse de Tolkien réinvestissant dans son œuvre littéraire ses compétences de philologue en créant notamment les langues elfiques, de Léa Silhol ciselant une prose recherchée où l’on 40

www.unseelie-court.net (consulté en mars 2015)


23 retrouve l’influence de la langue théâtrale classique41, ou d’Ursula K. Le Guin mettant en abyme le pouvoir des mots avec l’Ancien Langage. Ce travail sur la langue va de pair avec un souci de cohérence essentielle entre la forme et le fond, les mots reflétant le monde qu’ils créent en même temps que le monde créé impose une langue particulière. Tolkien, Ursula K. Le Guin et Léa Silhol ont aussi en commun de réfléchir sur leur propre art. Dans le cas de Tolkien, cette réflexion s’est faite dans le cadre de son travail d’universitaire, philologue spécialiste de la littérature médiévale anglaise et scandinave, et a pris le relais sur le plan théorique de ce que l’auteur développe dans son œuvre littéraire, en même temps que l’œuvre littéraire prolonge les réflexions amorcées dans les articles et les conférences du Professeur Tolkien. Les célèbres essais Beowulf : The Monsters and the Critics 42 et On Fairy-Stories 43 , respectivement consacrés au poème anglo-saxon Beowulf et au conte de fées, offrent ainsi un intéressant contrepoint théorique au cycle d’Arda. En ce qui concerne Léa Silhol, sa réflexion critique sur la Fantasy s’est principalement construite en lien avec son travail de directrice littéraire et d’anthologiste dans le but de promouvoir le genre. Elle a ainsi co-dirigé avec Estelle Valls de Gomis le recueil d’articles Fantastique, Fantasy, Science-fiction, Mondes imaginaires, étranges réalités44 dans lequel elle a produit l’article « Fées et Fantasy : un mariage heureux ? » dont le titre ne peut manquer de renvoyer à la pratique de l’auteure, la Fantasy silholienne mettant régulièrement en scène des êtres féériques. En outre, nombre des ouvrages qu’elle a édités aux éditions L’Oxymore sont accompagnés d’une analyse critique. Quant à Ursula K. Le Guin, plusieurs de ses articles ont été rassemblés dans The Language of the Night45, témoignant de sa 41

Léa Silhol a aussi été comédienne. Réédité par Christopher Tolkien dans The Monsters and the Critics and Other Essays, Londres, HarperCollinsPublishers, 2006 (George Allen & Unwin, 1983). 43 Tree and Leaf, incluant Mythopoeia et The Homecoming of Beorhtnoth Beorthelm’s Son, préface de Christopher Tolkien, Londres, HarperCollinsPublishers, 2001 (George Allen & Unwin, 1964, 1975, 1988). Également réédité dans The Monsters and the Critics. 44 Paris, Autrement, coll. « Mutations » n°239, 2005 45 The Language of the Night, Essays on Fantasy and Science Fiction, édition et introduction de Susan Wood, édition révisée par Ursula K. Le Guin, Londres, The Women’s Press, 1989 (1979 pour la première édition chez GP Putman’s Sons) 42


24 propre pratique littéraire mais aussi du regard qu’elle porte sur la production de Science-fiction et de Fantasy. Les ressemblances entre ces trois auteurs ne doivent pas nous faire oublier cependant qu’ils n’appartiennent pas à la même génération 46 d’écrivains et que leurs œuvres sont le fruit de trois visions différentes. A priori antinomiques, la vision catholique de Tolkien, celle athée et mâtinée de Taoïsme d’Ursula K. Le Guin, et la vision postmoderne de Léa Silhol ont pourtant bien des points communs, comme nous le verrons au cours de cette étude de la quête en Fantasy. C’est donc un corpus où les différences sont aussi essentielles à creuser que les ressemblances que nous examinerons dans une perspective comparatiste, la plus à même d’approcher la spécificité de la quête de Fantasy et ainsi de répondre à notre questionnement initial. Avant d’analyser en profondeur les sens que porte la quête, nous nous intéresserons dans notre première partie au caractère mythopoétique de la Fantasy et à ce qui lui permet de s’autoproclamer (à tort ou à raison) littérature mythique de notre époque. Nous rappellerons ainsi les origines victoriennes de la Fantasy, et sa situation longtemps problématique vis-à-vis de la critique littéraire normative du fait de son recours à des univers médiévalisants mais aussi du fait de sa nature de catégorie éditoriale vendeuse. À l’issue de cette première partie auront été mis en évidence, d’une part, la volonté des auteurs de construire une écriture mythopoétique, et, d’autre part, le caractère éminemment central de la quête et le glissement de celle-ci vers ce que l’on appellera le mythe questuel. Notre deuxième partie sera consacrée à l’analyse proprement dite de la quête dont nous étudierons d’abord le caractère initiatique, en particulier la notion de lieu de passage, en soulignant notamment les disparités entre les parcours masculins et féminins et la valeur symbolique de la quête comme métaphore de la vie. Suivra une étude de la temporalité de la quête qui nous permettra d’aborder une des contradictions inhérente aux cycles de Fantasy dans lesquels s’affrontent le temps cyclique du mythe de l’Éternel Retour et le 46

Tolkien est né à la fin de la période victorienne en 1892 et il est mort en 1973. e Son œuvre, comme nous le verrons, porte l’empreinte de la première moitié du XX siècle. Ursula K. Le Guin est née en 1929 et a commencé à publier dans les années 1960. Léa Silhol est née en 1967.


25 temps linéaire (chronologique) moderne, alors que la quête ellemême est objet d’un récit renvoyé à un passé disparu. L’analyse de la quête ne pourra cependant être complète sans une étude des aspects consolateurs du mythe questuel qui se constitue concernant la finitude humaine, la question du sens et la place de l’individu dans l’univers. Enfin, nous terminerons par une troisième partie qui élargira la perspective en s’intéressant aux rapports entre les quêtes de Fantasy et la culture du divertissement. Nous verrons que le récit de la quête se nourrit des apports du théâtre et du jeu et investit à son tour les fictions spectaculaires et ludiques, en particulier sous la forme consacrée de l’adaptation. Dans cette optique, l’étude se clora sur l’analyse des adaptations filmiques du Seigneur des Anneaux et de Terremer.



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Depuis quelques décennies, la Fantasy s’est imposée comme l’un des genres majeurs de l’Imaginaire aux côtés de la Science-fiction et du Fantastique. Le Seigneur des Anneaux, Harry Potter, Narnia, Le Trône de Fer,... On ne compte plus le nombre d’oeuvres à succès relevant du genre et dont les adaptations pullulent au cinéma et à la télévision. Mais pourquoi un tel engouement pour un genre qui semble a priori éloigné des préoccupations quotidiennes avec ses récits de quête fabuleuse prenant place dans des mondes merveilleux inspirés des mythes et des contes ? En s’appuyant sur l’analyse de quelques oeuvres représentatives, le présent ouvrage se propose d’étudier la mythopoétique de la quête mise en oeuvre par la Fantasy pour mieux mettre en évidence ce qui fait de ce genre une fiction humaniste et propre à plaire au plus grand nombre. Viviane Bergue est Docteur en Littérature Comparée.


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