Le zinc écrit l'histoire sur l'Opéra à Anvers

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OPÉRA FLAMAND À ANVERS

Le zinc écrit l’histoire sur le toit de l’opéra

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La toiture de l’opéra nécessitait-elle une rénovation ? Rozemarijn Bormans : Ne confondez pas rénovation et restauration. Pour les toitures de l’opéra, nous parlons bel et bien de restauration. Nous sommes obligés d’utiliser les matériaux de l’époque. Nous collaborons avec des personnes qui doivent maîtriser leur métier sur le bout des doigts pour travailler avec ces matériaux. Nous choisissons nos entrepreneurs en fonction de ce critère. Les travaux en toiture, le zinc, le cuivre, les ardoises, les œils-de-bœuf, les travaux de protection, les menuiseries… autant d’éléments différents et très spécifiques qu’il faut gérer et maîtriser. Une analyse historique a d’ailleurs précédé la restauration des toitures.

Était-il grand temps pour l’opéra ? Rozemarijn Bormans : Les derniers travaux réalisés au bâtiment de l’opéra d’Anvers dataient de 2007. À cette époque, on s’était attaqué aux problèmes les plus urgents, pas à la façade arrière ni à la toiture. Dix ans plus tard, il était effectivement grand temps de repérer tous les problèmes et de s’y attaquer : il fallait améliorer l’accessibilité et résoudre les nombreuses fuites, liées notamment à des gouttières et joints en cuivre qui s’étaient laissés aller. Un des foyers devait rester fermé en raison de dégâts causés par l’humidité. Sur le plan écologique aussi, l’opéra n’était nulle part. Rien n’était isolé. Inge Van Engelen : En octobre 2014, nous avons confié les travaux de rénovation de la toiture de l’opéra à Rozemarijn Bormans. Nous travaillons à la ville d’Anvers avec un pool de

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Le bâtiment de l’Opéra flamand à Anvers compte quinze œilsde-bœuf de trois formats différents. Un dossier traitant de leur rénovation a été lancé en 2013. La seule option réalisable consistait à fabriquer des répliques exactes pour remplacer les œils-debœuf vétustes. Une mission spéciale qui, malgré les circonstances difficiles, a été terminée juste à temps pour la nouvelle saison de l’opéra.

“ Notre collègue Kokou Adjrah, chargé de projet, a utilisé un scanner pour bien mesurer les œils-de-bœuf à partir de l’échafaudage. Cette technique permet d’accéder à des endroits inaccessibles et fournit en une seule fois beaucoup plus d’informations que ce que l’on peut obtenir manuellement.”

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restaurateurs pour une durée de 4 ans et nous pouvons directement attribuer des missions à des candidats qui se sont proposés pour ce pool. Ils doivent toutefois répondre à des critères très stricts.

“ Nous travaillons à la ville d’Anvers avec un pool de restaurateurs pour une durée de 4 ans et nous pouvons directement attribuer des missions à des candidats qui se sont proposés pour ce pool. ” Nos œils-de-bœuf en point de mire… Steven Vermeersch : À la demande de la Ville d’Anvers, nous avons demandé en 2013 à Profidak d’établir un devis pour la restauration de tous les œils-de-bœuf. Profidak a alors fait appel à VM Building Solutions. Profidak a réalisé tous les travaux de toiture. Ils sont polyvalents et disposent d’excellents hommes de métier. Herman Temmerman : En 2013, dans le cadre du devis, nous nous sommes rendus une première fois sur le toit de l’opéra pour examiner l’état des œils-de-bœuf. Leur restauration est très difficile à évaluer car c’est un travail de spécialistes. Le mesurage correct réclame non seulement de l’expertise mais aussi les instruments adéquats. Après avoir examiné le tout et s’être concertés, il ne nous restait qu’une seule option : réaliser des répliques exactes pour remplacer les œils-de-bœuf existants, complètement décrépis.

Des travaux de restauration d’un bâtiment historique comme l’opéra ne se décident toutefois pas du jour au lendemain. Steven Vermeersch : En octobre 2014, le dossier avait été attribué et une étude préalable lancée. En 2017, nous avons démarré la première phase des travaux de restauration. Nous avons commencé les travaux par le bâtiment des répétitions.

Des travaux de toiture bruyants, peu compatibles avec l’opéra… Jan Cuppens : Tout ce qui ne faisait pas de bruit pouvait se poursuivre. C’est pour cette raison que nous avons réparti les travaux en deux périodes, en raison de la saison en cours. Impossible de répéter un opéra si le bâtiment tremble sous le bruit des marteaux et des foreuses…

Quel est l’âge de l’Opéra d’Anvers ? L’Opéra d’Anvers a été inauguré en 1907, lorsque la Frankijklei s’appelait encore Kunstlei. Il a fallu attendre encore deux ans avant que le bâtiment ne soit entièrement terminé. Sous la période néobaroque, avec ses décorations de style Louis XVI, on retrouve une bribe de modernité avec l’utilisation de la nouvelle lumière électrique dans tout le bâtiment. Cet opéra a d’emblée plu aux Anversois. Les riches et moins riches entraient dans le grand hall, une idée très démocratique pour cette époque. Ceux qui avaient de l’argent empruntaient les escaliers majestueux. Ceux qui en avaient moins, utilisaient un autre escalier qui les conduisait aux balcons plus hauts et moins chers.


Steven Vermeersch : Ensuite, il y a eu les travaux sur la Frankrijklei qui sont venus compliquer le tableau. Où installer la grue et les échafaudages ? Comment se faire livrer entre tous ces chantiers ? Un vrai casse-tête, pour tous les intervenants.

Et quid des œils-de-bœuf ? Herman Temmerman : Ça aussi, c’était un vrai exploit. Nous devions fournir nos répliques le 1er juin 2018. Tout le matériel devait être prêt et physiquement présent pour pouvoir immédiatement s’atteler au travail. Nous avons reçu la commande officielle en décembre 2016. Dès cet instant, nous avons dû calculer et mesurer, non seulement en centimètres mais aussi en termes de temps et de planning. Nous avons dû trouver un échafaudage spécial pour mesurer correctement les œils-de-bœuf complètement délabrés. Certains étaient difficilement accessibles. Nous avons utilisé un scanner pour bien mesurer les œils-de-bœuf à partir de l’échafaudage. Cette technique a permis d’accéder aux endroits inaccessibles et a fourni, en une seule fois, beaucoup plus d’informations que ce que l’on peut obtenir manuellement. La mesure a fourni à nos collaborateurs de Bray-et-Lû des dessins techniques très détaillés, à partir desquels ils pouvaient réaliser des répliques exactes. Nous disposions de cinq mois en atelier pour tout terminer. Et nous y sommes parvenus. En juin 2018, tous les matériaux étaient prêts et Profidak a immédiatement pu se mettre au travail avec les répliques.

Le jeu en vaut-il la chandelle ? Les toitures ne sautent pas directement aux yeux. Jan Cuppens : C’est pire qu’un blasphème, ce que vous dites ! Bien sûr que cela vaut la peine. Il s’agit de préserver la valeur historique du bâtiment. L’opéra est une icône, nous nous devons

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Pendant la saison, nous avons donné la priorité à l’opéra et au public. Un véritable casse-tête pour adapter les travaux aux activités de notre opéra. Il a fallu élaborer tout un schéma astucieux des espaces à bloquer et à mettre à disposition pour que tout s’accorde : horaires, répétitions, pas le mardi, bien le vendredi… Et, bien entendu, tous les travaux – qu’ils soient bruyants ou pas – devaient s’arrêter avant les présentations. Lors de la seconde phase, durant laquelle nous avons attaqué la toiture principale de la salle, nous avons dû répéter le même scénario.

Thomas Feyen - Karuur Architectenbureau Rozemarijn Bormans - BO architect

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Espérons qu’avec leur nouvelle ossature, les angelots puissent encore admirer de nombreuses années la nouvelle place de l’opéra. Jan Cuppens : Nous devrions en effet être rassurés pour un bon bout de temps. Nous ne faisons d’ailleurs pas des travaux à tour de bras. De 2004 à 2007, l’intérieur de l’opéra a été complètement restauré et nous avons réalisé la nouvelle construction avec les espaces de répétition entre les deux parties historiques. L’unique autre réalisation ayant été faite dans l’histoire de notre opéra date de 1949 et concernait alors la réparation des dégâts liés à la guerre. ■

D’où viennent les œils-de-bœuf ?

Steven Vermeersch Chef de projet chez "Monument Goedleven"

de respecter le style de la période et le caractère du bâtiment. Au départ, les toitures étaient effectivement moins visibles du sol mais avec la nouvelle place, le bâtiment brille à nouveau de mille feux. Maintenant, les passants regardent en l’air et voient la toiture dans toute sa splendeur. Savez-vous qu’autrefois, l’opéra était encore plus beau, avec des couronnements en plomb et davantage d’ornements ? Ceux-ci ont toutefois disparu bien longtemps avant le démarrage des nouveaux travaux. Ils sont perdus pour toujours. Un bâtiment constitue une plus-value pour les arts qu’il abrite. Nous avons rendu l’opéra future proof, afin que l’art puisse perdurer dans les bâtiments existants. Tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

“ Pendant la saison, l’opéra et le public ont la priorité. Ce fut un véritable casse-tête pour adapter les travaux aux activités de notre opéra.” Rozemarijn Bormans : C’est aussi une question de sécurité. Les putti en plomb, les deux petits angelots, posés sur le devant, avec leur harpe menaçaient de se détacher car les barres en fer qui les ancraient dans la toiture étaient quasi totalement rouillées. Après démontage, les angelots se sont avérés être remplis de béton. Nous supposons que cela a été fait ainsi initialement, lors de la construction de l’opéra. Cependant, au fil des ans, le béton a attaqué le plomb. Nous avons prudemment retiré le béton des putti en plomb à l’aide d’un burin et d’un marteau et nous l’avons remplacé par une ossature. 8 • VMZINC at WORK / MARS 2019

De Bray-et-Lû, un village situé au nord-ouest de Paris, à environ une heure de route en voiture. Le village s’est véritablement construit autour d’une ancienne usine de la Vieille-Montagne, créée en 1837 et, par conséquent, plus vieille encore que l’opéra. À l’instar de l’opéra, de véritables artistes travaillent à cet endroit. Le site a évolué avec son temps et fait aujourd’hui partie du groupe VM Building Solutions. Cependant, dans l’Atelier des Ornements – les Ateliers d’Art Français – le temps s’est arrêté en matière de professionnalisme. Treize spécialistes – artisans, artistes – fabriquent ici à la main des ornements en zinc qui trouvent leur affectation dans le monde entier. Idem pour les œils-de-bœuf de l’opéra d’Anvers, des répliques exactes qui brillent de toute leur splendeur au-dessus d’Anvers depuis le démarrage de la saison de l’opéra.


EXTRA INFO

Quel est le lien entre Napoléon et le zinc ? Bon nombre de bâtiments qui déterminent aujourd’hui l’image de Paris ont été érigés durant la période Haussmann. Cette période est appelée ainsi d’après l’urbaniste français GeorgesEugène Haussmann. Durant la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, Napoléon III (le neveu de Bonaparte) a demandé à Haussmann d’établir des plans pour une rénovation de grande ampleur de Paris. Les petites rues étroites et sinueuses devaient céder la place à de grands boulevards sur lesquels il était beaucoup plus difficile d’ériger des barricades contre le régime napoléonien. Ces boulevards permettaient aussi des déplacements rapides des troupes et de l’artillerie lourde. La population était simultanément en pleine explosion. Il fallait davantage d’espace et de logements pour les Parisiens. De nombreuses avenues, de nombreux bâtiments et le métro parisien datent de cette époque et illustrent la richesse de l’époque. Un autre nom bien connu de cette période faste est celui de François Mansart. Oui, celui de la ‘mansarde’. François Mansart utilisait ce style de toiture deux siècles plus tôt, mais ‘son’ toit n’est devenu vraiment populaire que deux cents ans plus tard, parce que, outre le style, la mansarde offrait aussi beaucoup d’espace, ce dont souffrait cruellement la ville de Paris. Et c’est ainsi que tout coïncide : Napoléon III, Haussmann, la fureur de la construction à Paris, les immeubles à appartements avec des toitures en mansarde et des œils-de-bœuf qui font entrer la lumière, les ornements et… le zinc. La toiture en pente avec sa courbure caractéristique offre aux Parisiens un étage à part entière, avec plus d’espace utile. Et la solution la plus pratique pour recouvrir ce toit s’avère rapidement être le zinc. Il est beaucoup plus léger que les tuiles et, de surcroît, plus manipulable. Ce qui tombe à point nommé pour les nombreuses nouvelles toitures parisiennes. Le business est donc en plein essor pour la Vieille Montage, qui fabriquait déjà auparavant du zinc. Cette période signifie le début de l’histoire du zinc, histoire qui se poursuit encore aujourd’hui.

“ L’opéra est une icône, nous nous devons de respecter le style de la période et le caractère du bâtiment.”

Maître d’ouvrage Opera Ballet Vlaanderen Stad Antwerpen

Architectes Karuur Architectenbureau BO architect

Installateur Profidak Deurne-Antwerpen

Ornements VM Building Solutions Bray-et-Lû, France

Entrepreneur principal Monument Goedleven

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