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Portfolio à Calcutta

Avec sa série de portraits de vendeurs de fleurs, saisis sur le marché Malik Ghat à Calcutta, le photographe danois Ken Hermann offre une vision surréaliste, voire onirique de ces hommes dans leur quotidien. Les couleurs, les lumières et les multiples atmosphères de la cité indienne en font un lieu idéal pour saisir la richesse et le paradoxe de la condition humaine.

Dans ce numéro, Vacance a invité le photographe danois Ken Hermann à partager ses témoignages de beauté et de simplicité. La série Flower Men, montrant des portraits en pied d’hommes indiens vendeurs de fl eurs, a été récompensée, en 2015, du Prix de la Photographie à Paris. Il nous explique, ici, les fondements de son projet :

« Flower Men est un projet personnel réalisé sur le marché aux fl eurs de Malik Ghat, à Calcutta. Sur la rive du fleuve Hoogly, à la hauteur du pont Howrah. L’idée m’est venue lors d’un précédent voyage, trois ou quatre ans auparavant. J’avais une journée à perdre dans la ville, et je suis allé visiter ce marché. Un lieu à la fois splendide et chaotique. C’est l’un des plus grands marchés aux fl eurs d’Asie, avec une effervescence incessante. J’ai été fasciné, et les vendeurs de fl eurs ont naturellement retenu mon attention.

Ils sont 2 000 à venir, chaque jour, vendre ces bouquets. Les rues sont parsemées de variétés, d’espèces, de fragrances qui fusionnent entre elles, submergeant les sens. J’ai beaucoup aimé la manière dont ces hommes arborent ces centaines de fl eurs, comme s’ils étaient drapés de robes, et la grâce avec laquelle leurs musculatures masculines portent ces bouquets, faisant preuve de tant de délicatesse, comme s'ils étaient leur bien le plus précieux. Il m’importait de faire des portraits sur un fond simple afi n que les visages et leurs silhouettes ressortent, et que l’on distingue aussi leurs façons de poser, pour qu’il émane, fi nalement, de cette force de travail stoïque une douce sensualité. En Inde, la fl eur est un objet de superstition et de religion. Ainsi, on ne peut photographier certaines variétés considérées comme saintes, car elles en perdraient leur caractère vénérable...

Pour réaliser cette série, j’ai d’abord cherché le bon endroit. Puis, pour composer la lumière, j’ai utilisé un PhaseOne 645DF, des objectifs Schneider Kreusnach avec obturateur et le pack Move 1200 battery, afi n d’obtenir cet eff et particulier, entre lumière du jour et lumière électrique. Je souhaitais obtenir un aspect très lumineux, presque surexposé, les portraits se faisant en milieu de journée, à l’heure où le soleil est au plus haut. On ne s’en aperçoit pas, mais il faisait très chaud, environ 45 degrés ; c’était avant la mousson.

Chaque homme a montré de la bonne volonté à se faire photographier... dès lors que la séance ne prenait pas trop de temps. Leur commerce ne s’arrête jamais, et la moindre minute perdue, c’est du business en moins. Pour remercier chacun, je leur fais parvenir les portraits, par l’intermédiaire de mon guide local qui est, lui-même, un vendeur de fl eurs. J’aime et j’admire, par-dessus tout, la fi erté de ces hommes, alors que la plupart sont issus de milieu social pauvre. J’espère que cela se ressent dans mes images. »

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