ECOLE NATIONALE DU GENIE RURAL DES EAUX ET DES FORETS
ENGREF
SYNTHESE TECHNIQUE
QUELS SYSTEMES DE TARIFICATION-SUBVENTION POUR FACILITER L’ACCES A L’EAU ET A L’ASSAINISSEMENT DE BASE DES POPULATIONS URBAINES A FAIBLES REVENUS DANS LES PAYS EN DEVELOPPEMENT ?
LEMENAGER Martin E-mail: lemenager@engref.fr
Mars 2005 ENGREF Centre de Montpellier B.P.44494 - 34093 MONTPELLIER CEDEX 5 Tél. (33) 4 67 04 71 00 Fax (33) 4 67 04 71 01
SOMMAIRE SOMMAIRE.......................................................................................................................................................... 2 RESUME ............................................................................................................................................................... 3 MOTS-CLE ........................................................................................................................................................... 3 ABSTRACT........................................................................................................................................................... 3 ABBREVIATIONS ............................................................................................................................................... 3 INTRODUCTION................................................................................................................................................. 4 TARIFICATIONS ET SUBVENTIONS DANS LE CONTEXTE DES SERVICES D’EAU ........................ 4 О О
ENJEUX LIES A L’ACCES A L’EAU ET A L’ASSAINISSEMENT ......................................................................... 4 DIMENSION ECONOMIQUE DE LA RARETE ET COUTS DU SERVICE ................................................................ 4
REVUE FORMELLE DES SYSTEMES DE TARIFICATION....................................................................... 5 О О
OBJECTIFS DE LA TARIFICATION ................................................................................................................. 5 STRUCTURES TARIFAIRES EXISTANTES ....................................................................................................... 5
REVUE FORMELLE DES SYSTEMES DE SUBVENTION .......................................................................... 7 О О
CRITERES DE CONCEPTION D’UN SYSTEME DE SUBVENTION ....................................................................... 7 MECANISMES DE SUBVENTION EXISTANTS.................................................................................................. 8 Indicateurs de performance des mécanismes de subvention .......................................................................... 8 Différents mécanismes de subvention............................................................................................................. 8 Moyens d’identification des bénéficiaires ...................................................................................................... 8
ETUDES DE CAS ................................................................................................................................................. 9 INDE : SOUS-TARIFICATION, HYPER ACCESSIBILITE ET NON VIABILITE ....................................................... 9 TUNISIE : UN TARIF PROGRESSIF PAR TRANCHES « GLISSANTES » ............................................................. 10 COTE D’IVOIRE : SUBVENTIONS CROISEES, SURTAXE UNIFORME ET BRANCHEMENTS SOCIAUX ................ 10 AFRIQUE DU SUD : « DE L’EAU GRATUITE POUR TOUS » ........................................................................... 10 CHILI : SUBVENTIONS DIRECTES A LA CONSOMMATION PAR UN SYSTEME D’ALLOCATION CIBLEE ............ 11 DISCUSSIONS ACTUELLES : TPT ET PSP ................................................................................................... 11 Remise en cause du Tarif Progressif par Tranches (TPT) ........................................................................... 11 Débat sur la Participation du Secteur Privé (PSP)...................................................................................... 11 О CONCLUSIONS........................................................................................................................................... 11 О О О О О О
TARIFICATION ET SUBVENTION A L’EPREUVE DU TERRAIN : QUAND LA CONCEPTION RENCONTRE LES PRINCIPES DE PRAGMATISME ET DE REALISME ............................................. 12 О О О О О О
TARIFICATION ET REGLEMENTATION : DES ENJEUX POLITIQUES IMPORTANTS .......................................... 12 RECOUVREMENT DES COUTS CONTRE RECOUVREMENT DES FACTURES .................................................... 12 EQUIPEMENT OU NON EN COMPTEURS ?.................................................................................................... 12 LA TARIFICATION DANS LE TEMPS ............................................................................................................ 12 UN DEFICIT D’INFORMATIONS PREOCCUPANT ........................................................................................... 12 LES SERVICES D’EAU « ALTERNATIFS » .................................................................................................... 13
L’ASSAINISSEMENT, PARENT PAUVRE DE LA « GESTION DE L’EAU ».......................................... 13 CONCLUSION ................................................................................................................................................... 13 BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................................................................. 14
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RESUME L’accès à l’eau et à l’assainissement présente de très forts enjeux socio-économiques dans les pays en développement. La conception de structures tarifaires et de mécanismes de subvention doit concilier des objectifs aussi conflictuels que recouvrement des coûts du service et accessibilité pour les plus pauvres. Les cas de l’Inde, de la Tunisie, de la Côte d’Ivoire, de l’Afrique du Sud et du Chili montrent que les réponses apportées sont variables et qu'il n’y a pas de système « modèle ». Ce qui importe avant tout est le choix politique et l’adaptation aux circonstances locales. MOTS-CLE Tarification, subvention, service eau et assainissement de base, accès à l’eau, pays en développement, populations urbaines et péri-urbaines, populations à faibles revenus, recouvrement des coûts, accessibilité, Tarif Progressif par Tranches
ABSTRACT Providing access to water and sanitation services for all brings about important economic and social challenges. The design of tariff structures and subsidy mechanisms requires that one strikes a balance between conflicting objectives, such as cost recovery and affordability. The review of the cases of India, Tunisia, Ivory Coast, South Africa and Chile shows that strategies vary from one country to another and that there is no perfect system. What matters most is strong political leadership and the ability to adapt to local circumstances.
ABBREVIATIONS CMLT : Coût Marginal à Long Terme OMS : Organisation Mondiale de la Santé PSP : Participation du Secteur Privé TPT : Tarif Progressif par Tranches WSP : Water and Sanitation Program (Programme pour l’Eau et l’Assainissement)
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INTRODUCTION Par les Objectifs de Développement du Millénaire, la communauté internationale s’est engagée à réduire de moitié d’ici à 2015 le nombre de personnes sans accès à des services d’eau et d’assainissement de base. L’atteinte de ces objectifs passe par une réflexion sur les moyens de financement et une focalisation sur le monde urbain et péri-urbain, lieu de concentration et de croissance de populations à faibles revenus. Si l’on écarte l’aide publique au développement qui revêt en général un caractère ponctuel, le financement du service 1 est assuré soit par les usagers - via le tarif - soit par les contribuables - via l’impôt. Le Panel Camdessus 2 préconise à terme la « Couverture Durable des Coûts » par les usagers ; mais il reconnaît que, dans un avenir proche, il n’est ni possible ni souhaitable d’y parvenir. La tarification et les subventions sous jacentes – qui impliquent d’envisager tarification et subventions comme un tout - constituent donc un élément clé de la durabilité du service et de l’accès des plus pauvres à un bien économique et social essentiel à la vie. De plus, la question de la tarification de ce bien se pose dans un contexte économique particulier : on est en situation d’un monopole naturel, d’une demande captive et il n’y a pas de prix de marché. Aussi peut-on se demander quels systèmes de tarification-subvention permettent de faciliter l’accès à l’eau et à l’assainissement de base des populations urbaines à faibles revenus dans les pays en développement. Une grille d’analyse, esquissée à l’aide des objectifs assignés aux systèmes de tarificationsubvention, permettra de les passer en revue et de présenter les études de cas les plus caractéristiques. TARIFICATIONS ET SUBVENTIONS DANS LE CONTEXTE DES SERVICES D’EAU о ENJEUX LIES A L’ACCES A L’EAU ET A L’ASSAINISSEMENT Les enjeux liés à l’accès à l'eau potable et à l’assainissement peuvent être rassemblés en trois groupes : (i) l’accessibilité et la santé publique ; (ii) les enjeux de nature économique et sociale liés à l’impact sur le temps de travail ou l’accès à l’éducation ; (iii) la protection de la ressource. Paradoxe de la tarification, les plus pauvres sont souvent non raccordés au réseau public. Ils vivent ainsi en marge des systèmes formels de distribution ; ils ne perçoivent aucune subvention et le tarif qu’ils acquittent peut être jusqu’à cent fois supérieur au tarif de l’eau du réseau. о DIMENSION ECONOMIQUE DE LA RARETE ET COUTS DU SERVICE L’eau est une ressource précieuse qu’il faut acheminer jusqu’à l’usager. Les coûts du service sont constitués de coûts d’investissement et de coûts d’exploitation. Ces derniers peuvent être décomposés en : (i) coût d’exploitation et d’entretien ; (ii) coût de la ressource ou coût d’opportunité et (iii) coût d’évacuation (PPIAF et WSP, 2002). Ces coûts sont en général considérés en terme de coût marginal à long terme (CMLT), qui correspond au coût d’un accroissement unitaire de la production sachant que tous les intrants peuvent varier, y compris le capital. Pour la question posée, il faut nuancer l’impact des politiques tarifaires quant à la perception de la rareté : les volumes mis en jeu pour l’eau potable sont relativement faibles par rapport aux usages d’irrigation. De plus, pour l’eau potable et l’assainissement, de l'ordre de 40% des coûts sont fixes.
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Dans un souci d’allègement, on utilisera souvent par la suite l’expression « service » en lieu et place de l’expression « service d’eau et d’assainissement ». 2 Groupe d’experts mandaté par le Conseil Mondial de l’Eau pour travailler sur le financement des infrastructures d’eau et d’assainissement et ayant publié le rapport "Financer l'eau pour tous" en mars 2003. 4/16
REVUE FORMELLE DES SYSTEMES DE TARIFICATION о OBJECTIFS DE LA TARIFICATION La tarification, définie comme l’ « art de fixer le tarif le plus approprié eu égard à l’objectif prioritaire de l’autorité qui en décide » (Erhard-Cassegrain et al, 1983), fait l’objet d’un processus de décision où interviennent à des degrés divers considérations techniques et objectifs économiques, mais où l’enjeu est toujours politique (Morel A l’Huissier, 1990). Trois objectifs principaux peuvent être retenus : - recouvrement des coûts C’est un objectif capital. Les tarifs perçus doivent permettre d’équilibrer les comptes du service et d’en assurer ainsi la viabilité. Il faut donc veiller à ne pas entrer dans le cercle vicieux dans lequel les trop faibles recettes de l’opérateur conduisent à une dégradation de la qualité du service pour lequel les usagers seront de moins en moins enclins à payer, réduisant ainsi les recettes de l’opérateur… Le working ratio – ratio des dépenses d’exploitation annuelles par les recettes avant imposition – est un indicateur utilisé par la Banque Mondiale pour évaluer le niveau de recouvrement des coûts ; l’objectif recommandé pour les pays en développement est 0,68 (Kingdom et al, 2002). - efficacité économique Le prix constitue un signal envoyé à l’usager sur le niveau de la rareté de la ressource et les coûts du service supportés pour lui en assurer la jouissance. La théorie économique préconise que la partie variable du tarif (liée au volume consommé) soit égale au coût marginal à long terme (CMLT), même si cela est difficilement applicable en pratique. Par la suite, par efficacité économique, il sera fait référence à ce rapport du tarif au CMLT. - accessibilité (accessibilité économique ou équité-accessibilité) Cet objectif fait intervenir les notions, parfois subjectives, d'égalité et de justice. Il peut être question d'équité-justice : des consommateurs similaires reçoivent un traitement similaire, ce qui implique que la facture doit être proportionnelle aux coûts générés. Il peut également être question d'équité-accessibilité et c'est ce sens qui prévaudra dans l'emploi d'accessibilité par la suite. Des usagers différents reçoivent un traitement de la manière la plus juste possible, au vu de leurs revenus et d'autres données. Le problème est que le coût de desserte des quartiers péri-urbains défavorisés est souvent plus élevé que la moyenne pour cause, entre autres, de difficulté d’accès. Reconnaissant que l’accès à l’eau est un droit de base, une « tarification sociale » est souvent mise en place, par laquelle les plus pauvres bénéficient de prix plus bas. L’objectif est que la proportion du budget dépensé pour l’eau - ou taux d’effort - reste en dessous de 5% (référence donnée par l’OMS). Des objectifs de second ordre accompagnent en général ces trois principes : redistribution des revenus, préservation de la ressource, acceptabilité publique, acceptabilité politique, simplicité et transparence, stabilité du revenu de l’opérateur, facilité de mise en œuvre. Ces objectifs sont difficilement conciliables ; des choix sont à faire. Il semble qu’un consensus sur l’exigence du recouvrement des coûts se dégage ; mais la question de leur répartition entre usagers n’est pas réglée, ni même celle de l’extension du principe (charges d’exploitation et/ou d’investissement, coût moyen ou coût marginal à long terme). (Jaglin, 2001). о STRUCTURES TARIFAIRES EXISTANTES Cette partie dresse un rapide bilan des structures tarifaires les plus répandues.
Encadré n°1 : Structures tarifaires les plus répandues
1. Tarif monôme A. Tarif forfaitaire / charges fixes B. Tarif volumétrique / charges variables (i) Tarif volumétrique uniforme (ii) Tarif par tranches a. Progressif (TPT : Tarif Progressif par Tranche) b. Dégressif (iii) Tarif progressif linéairement 2. Tarif binôme (partie fixe + partie proportionnelle) 5/16
Tarif forfaitaire / charges fixes (1.A.) C'est le mode de tarification logique en l’absence de compteurs chez les usagers ; il est mis en œuvre au Royaume-Uni par exemple. Le montant du forfait peut être lié au standing du logement, à la catégorie d’usagers (domestique, industriel, commercial), au diamètre du branchement… Du point de vue de l’efficacité économique, il ne présente aucune incitation à économiser. Quant au recouvrement des coûts, il y a un risque de glissement vers le haut avec une augmentation des volumes consommés par rapport aux prix fixés à un instant t. Tarif volumétrique / charges variables (1.B.) Sa mise en place nécessite la présence de compteurs (en état de fonctionnement et relevés périodiquement). Différents modes de facturation existent. - Tarif volumétrique uniforme (TVU) La facture est proportionnelle au volume. Le prix au m3 peut varier selon la catégorie d’usagers. Du point de vue de l’efficacité économique, il donne un message clair sur le coût marginal. - Tarif par tranches Le tarif progressif par tranches (TPT) est très répandu dans les pays de l’OCDE et les pays en développement. Il est souvent considéré comme la seule solution mais il tend à être remis en question de nos jours (voir discussion plus loin). Les tarifs dégressif et progressif linéairement sont peu répandus. Prix unitaire ( / m3)
Facture mensuelle Tarif Progressif par Tranche ( TPT ) Tarif volumétrique uniforme (TVU)
Tarif Progressif par Tranche
Tarif volumétrique uniforme
Consommation (m3)
Consommation (m3) Figure n°1 : Prix unitaire selon la tarification
Figure n°2 : Facture mensuelle selon la tarification
Tarif binôme (2.) Il combine une partie fixe (souvent un abonnement) et une partie proportionnelle au volume consommé. La partie fixe est souvent quasi identique pour tous les usagers car elle permet la couverture des coûts fixes administratifs (relève des compteurs, facturation et encaissement). Du point de vue de Prix unitaire l’efficacité économique, la partie variable 3 (source : Whittington (/m) et al, 2002) émet le signal tandis que la partie fixe permet un meilleur recouvrement des coûts. Les charges fixes conduisent souvent au paradoxe que le prix unitaire est Consommation (m3) très élevé pour les petites consommations (voir graphe). Cependant, en modulant les Figure n°3 : Prix unitaire effectif payé par les deux (la partie fixe prenant la forme d’un usagers domestiques pour TPT + abonnement abattement), on peut répondre aux objectifs d’accessibilité. Tarification selon la saison ou la zone Même si ces pratiques sont peu répandues, le tarif peut être modulé selon la saison (cas du Chili) ou selon la zone géographique, ce qui se justifie par rapport à un objectif d’équité. Les frais de raccordement comme partie intégrante d’une politique tarifaire Pour les non raccordés, le coût du raccordement constitue une barrière rédhibitoire. Au Mali par exemple, ce coût est de dix fois le salaire minimum garanti. Ces dernières années, les 6/16
municipalités et les bailleurs de fonds ont lancé des politiques de « branchements sociaux » en subventionnant les frais de raccordement et en développant les possibilités de crédit. Cependant, leurs efforts se sont souvent heurtés : (i) à l’éloignement des ménages les plus pauvres du réseau tertiaire existant, entraînant un renchérissement des coûts ; (ii) à la précarité et/ou à la clandestinité de l’occupation foncière ; (iii) à l’incapacité des plus pauvres à surmonter la contrainte d’une facture périodique largement grevée par les traites de remboursement. Il s’est plus agi de politiques de rattrapage accéléré de la demande – insatisfaite mais solvable – que d’une véritable politique sociale. (Morel A l’Huissier, 1990). Bilan Whittington et al. (2002) proposent le bilan suivant, sachant qu'il n'est pas partagé par tous. Tableau n°1 : Bilan des performances des principales structures tarifaires Tarif forfaitaire Tarif volumétrique Tarif progressif par tranches
Recouvrement des coûts Moyen Bon Bon
Efficacité économique Faible Bon Faible
Accessibilité Moyen Bon Faible
Il ne faut pas oublier que la structure tarifaire ne fait pas tout. Le niveau du tarif est important et des mesures compensatoires (mécanismes de subventions) permettant de répondre à l’objectif d’accessibilité peuvent être mises en place. REVUE FORMELLE DES SYSTEMES DE SUBVENTION о CRITERES DE CONCEPTION D’UN SYSTEME DE SUBVENTION Avant tout, il est largement reconnu que les subventions doivent porter sur les nouveaux branchements dont il faut réduire le coût initial plutôt que de diminuer les charges liées au volume des usagers existants. L’assainissement devrait également retenir toute l’attention car le consentement à payer est plus faible que pour l’eau potable et les bénéfices sociaux potentiels plus importants. Trois critères pour juger d’une subvention sont de premier ordre : - ciblage des bénéficiaires Il faut tout d’abord estimer si la subvention répond à un besoin justifié. Les principaux outils possibles sont le taux d’effort des ménages ainsi que les études de consentement et de capacité à payer. Il faut également s’assurer que la subvention revient bien aux personnes voulues. Cependant, l’identification précise des bénéficiaires est rendue difficile par la simple raison qu’un système est conçu à un instant donné, que les systèmes d’eau restent fixes dans le temps et l’espace alors que les ménages bougent. - facilité de mise en œuvre Le système doit être facile à mettre en place. De plus, une attention particulière doit être portée aux coûts administratifs. Cela coûte très cher de cibler les bénéficiaires et de leur distribuer des petites sommes. - absence d’effets pervers L’injection de subventions entre en conflit avec l’objectif d’efficacité économique. Il convient donc, entre autres : (i) de ne pas délivrer de subvention totale (risque de gaspillage) ; (ii) de limiter la subvention à des volumes consommés réduits (risque de détournement au profit des proches) ; (iii) de ne délivrer la subvention que sur une courte durée et pour un montant suffisamment élevé (risque de passivité des populations – risque de « poverty trap »). (Foster et al, 2000 a). Des objectifs secondaires sont également souvent rappelés. Les subventions doivent être réalistes, adaptées aux différents groupes ciblés, transparentes et, dans l’optique d’un passage à un tarif plus élevé, dégressives (Camdessus, 2003).
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о
MECANISMES DE SUBVENTION EXISTANTS
Indicateurs de performance des mécanismes de subvention Figure n°4 : Ciblage des bénéficiaires L’analyse de l’efficacité d’un système de ciblage se fait classiquement selon trois critères : erreur d’inclusion (EI=BNP/B) : part de non pauvres dans l’ensemble des bénéficiaires B: BP : Pauvres BNP : Non Pauvres erreur d’exclusion (EE=(P-BP)/P) : part des pauvres qui ne reçoivent pas de subvention dans l’ensemble des pauvres P : Pauvres NP : Non Pauvres taux de fuite (SNP/S) : pourcentage de la subvention captée par des non pauvres (source : Foster et al, 2003 a) Différents mécanismes de subvention (non exclusifs les uns des autres) - subventions budgétaires (par le gouvernement ou une entité extérieure) Ce sont les mécanismes « traditionnels » dans lesquels la subvention abonde le budget général de l’opérateur, permettant ainsi de fixer les tarifs en dessous des coûts. Les inconvénients sont le difficile contrôle sur la gestion de l’opérateur et le fait qu’il n’y a pas de ciblage : la sous-tarification et la subvention sous-jacente profitent à tous les usagers. - subventions directes Injectées du côté de l’usager par opposition aux subventions précédentes versées à l’opérateur, elles visent à faire des pauvres des consommateurs comme les autres. - subventions croisées Elles expriment la solidarité entre usagers de l’eau. Elles sont réalisées par le tarif (TPT fréquemment) et/ou par une surtaxe uniforme (1 ou 2% du montant de la facture). Leurs avantages sont le non recours à des ressources externes dont la pérennité est rarement acquise et la possibilité de distribuer la subvention de manière ciblée. Figure n°5 : Différents mécanismes de subvention Tarifs inférieurs aux coûts
opérateur
usagers
Tarifs reflétant les coûts
usagers riches
usagers riches
opérateur usagers pauvres
subvention subvention
gouvernement
subventions budgétaires
Tarifs supérieurs aux coûts
subvention croisée
opérateur Tarifs inférieurs aux coûts
usagers pauvres
gouvernement
subventions directes
subventions croisées (source : Whittington et al, 2002)
Moyens d’identification des bénéficiaires Sur quels critères choisir les populations bénéficiaires et comment mettre en place un système réalisable à grande échelle ? Avant toute chose, il faut également noter que toute méthode de ciblage porte en elle des risques de biais et surtout une potentielle perversité qui peut affecter le tissu social. Il existe quatre grands moyens pour cibler les populations bénéficiaires : - par le volume d’eau consommé Certes simple à mettre en œuvre, ce critère n’en est pas moins un mauvais indicateur du niveau de pauvreté (voir discussion sur le TPT plus loin). - par un zonage géographique Envisageable pour des bidonvilles ou des petits centres urbains, ce moyen n’est pas efficace dans les quartiers péri-urbains souvent très hétérogènes et il écarte la pauvreté diffuse. - par des critères individuels Le niveau d’équipement des foyers est souvent utilisé. Toutefois, cette approche engendre d’importants coûts d’administration du système. 8/16
- par auto-sélection Par différenciation de la qualité de service, les usagers réalisent d’eux-mêmes une sélection, choisissant le service que leurs revenus peuvent leur permettre. La connaissance des usagers et en particulier des ménages pauvres passe de plus en plus par la réalisation d’études de la demande. Différentes méthodes permettent d’évaluer le consentement et la capacité à payer et d’établir les courbes de demande. Parmi les plus répandues, on trouve la méthode des préférences révélées et celle dite d’évaluation contingente (Walker et al, 2000). Il convient de faire attention, lors du déroulement de ces enquêtes, à ne pas seulement mener des sondages mais à impliquer entièrement les usagers, les plus pauvres en particulier, dans le processus de décision (Brocklehurst, 2003). ETUDES DE CAS A l’aide des objectifs et critères présentés, une grille d’analyse pour les systèmes de tarification-subvention en cinq points est proposée : recouvrement des coûts, efficacité économique et absence d'effets pervers, accessibilité, facilité de mise en œuvre de la subvention, ciblage des bénéficiaires. Les modes « traditionnels » de tarification-subvention peuvent être caractérisés par des subventions budgétaires pour le raccordement de populations à l’infrastructure ainsi qu’une tarification subventionnant les faibles consommations (Jaglin, 2001). C’est plus ou moins le cas des trois premiers exemples présentés.
о INDE : SOUS-TARIFICATION, HYPER ACCESSIBILITE ET NON VIABILITE Une étude du Programme pour l’Eau et l’Assainissement a été réalisée sur un échantillon représentatif des villes d’Inde (Foster, 2001). L’autorité responsable en matière tarifaire est chaque Etat qui définit un seuil minimum que les Recouvrement des coûts municipalités ont la possibilité de relever. Il y a une grande variété de tarifications : avec et sans compteurs, volumétrique uniforme ou par Efficacité Ciblage des bénéficiaires tranches, forfait lié au diamètre du branchement économique ou à la valeur du logement ou encore au nombre de robinets… Le TPT est appliqué pour environ 38% de la population urbaine indienne. Les subventions pour l’eau représentent 4% de Accessibilité Mise en œuvre toutes les subventions gouvernementales (0,5% du PNB). Le problème majeur reste les non Figure n°6 : Cas de l'Inde raccordés. Le cas étant bien documenté, on peut présenter en détail l’évaluation du système indien, réalisée à travers la grille d’analyse ci-dessous. Tableau n°2 : Évaluation du système indien de tarification-subvention
Critères
Niveau
Recouvrement des coûts
Faible
Efficacité économique
Faible
Accessibilité
Bon
Mise en œuvre
Bon
Ciblage des bénéficiaires
Faible
Commentaires Tarif et frais de branchement sont inférieurs à un 10ème du coût économique total respectif. Même les industries ne paient pas au niveau de recouvrement des coûts d’exploitation et de maintenance. Tarifs peu élevés et faible proportion de compteurs installés. Mais gaspillage limité pour cause de rationnement physique (intermittence du service). Les tarifs élevés pour industriels les poussent à sortir du système. 3 Pour une consommation inférieure à 20 m /mois, le taux d’effort des ménages est inférieur à 2%. Mais les frais de branchement restent souvent trop élevés. L’absence de système de ciblage implique l’absence de coûts administratifs. Erreur d’inclusion : 42% pour bornes fontaines (BF), 71% pour branchements privés (BP). Erreur d’exclusion : les 40% des urbains pauvres qui n’utilisent ni BP, ni BF sont exclus de facto. Les BF desservent assez bien les pauvres (auto-sélection) mais les montants mis en jeu sont faibles comparativement aux volumes très importants e consommés par les industries. TPT à Hyderabad : 65% des usagers dans la 1 tranche (alors que taux de pauvreté estimé à 30%) ; en fait, vu le faible niveau du tarif, tous les usagers domestiques sont subventionnés. 9/16
о TUNISIE : UN TARIF PROGRESSIF PAR TRANCHES « GLISSANTES » La Tunisie est un des rares pays à avoir répondu au problème de ciblage du TPT selon lequel tous les usagers bénéficient d’une première tranche subventionnée : l’usager acquitte la totalité des volumes consommés au tarif de la Recouvrement des coûts dernière tranche atteinte. Le système de tarification est, pour le reste, typique des TPT. L’opérateur Efficacité Ciblage des public national, la SONEDE, a mis en place un économique bénéficiaires tarif binôme avec une tarification sociale s’appliquant également aux usagers des bornes fontaines. Concrètement, les tarifs des trois premières tranches sont subventionnés, celui de la quatrième tranche est conforme au coût réel et Mise en œuvre Accessibilité le cinquième est supérieur. Des subventions Figure n°7 : Cas de la Tunisie croisées viennent donc encore appuyer la tarification sociale prônée et soutenue par l’Etat. Ce système tarifaire est de plus empreint du souci de préserver la ressource ; toute consommation à usage touristique est automatiquement facturée au tarif le plus élevé. Efficace pour réduire les consommations en s’approchant du CMLT, le service souffre par contre du glissement des usagers vers les tranches inférieures et de la sortie du système des gros consommateurs, qui s’approvisionnent alors de manière autonome. о COTE D’IVOIRE : SUBVENTIONS BRANCHEMENTS SOCIAUX
CROISEES,
SURTAXE
UNIFORME
ET
Le gouvernement ivoirien a fait le choix de déléguer le service à un opérateur privé intervenant dans les centres urbains du pays, la SODECI. La politique sociale se fonde sur trois instruments (Collignon, 2002) : (i) des Recouvrement des coûts subventions croisées, entre catégories d’usagers et entre centres urbains, à l’aide d’un TPT ; (ii) une Efficacité Ciblage des surtaxe alimentant un fonds subventionnant les économique bénéficiaires nouveaux raccordements des ménages pauvres, ciblés par des critères assez peu restrictifs ; (iii) la délivrance de licences à des revendeurs dans les quartiers informels. Les résultats sont encourageants, mais il semble Mise en œuvre Accessibilité que la croissance économique tirée par le développement d’Abidjan ait été le principal Figure n°8 : Cas de la Côte d'Ivoire adjuvant dans cette réussite. Le succès souvent mitigé des modes traditionnels, partiellement dû à une mauvaise analyse de la demande des citadins à faibles revenus, a conduit à la promotion de nouveaux modèles fondés sur la neutralité et la transparence (Jaglin, 2001). Ces derniers expriment une externalisation croissante des mécanismes redistributifs, les transferts sociaux devant être assurés par la fiscalité et les pouvoirs publics et non par le gestionnaire. Les deux exemples suivants illustrent ce « tournant ».
о AFRIQUE DU SUD : « DE L’EAU GRATUITE POUR TOUS » En Afrique du Sud, le « droit à l’eau » devient réalité avec la politique de la tranche sociale gratuite de 6 m3/mois par ménage (Muller, 2002). Recouvrement des coûts Les motivations d’une telle mesure sont principalement : (i) de ne pas générer de coûts Efficacité Ciblage des administratifs d’une identification des ménages économique bénéficiaires indigents trop importants, en l’absence de registres fiables ; (ii) d’éviter le coût politique d’une solidarité explicite entre usagers ; (iii) de satisfaire à certaines logiques partisanes. (Jaglin, 2001). Mise en œuvre Accessibilité On peut en dessiner certaines limites : (i) Figure n°9 : Cas de l'Afrique du Sud l’absence d’indications fiables sur la taille des 10/16
ménages ; (ii) le problème de garantie des 6 m3 gratuits quand on doit couper pour défaut de paiement ; (iii) le risque d’accroître les pratiques délictueuses (culture du non-paiement) ; (iv) la non-résolution du problème des non raccordés. о CHILI : SUBVENTIONS DIRECTES A LA CONSOMMATION PAR UN SYSTEME D’ALLOCATION CIBLEE Une réforme tarifaire imposant la tarification au coût complet a eu lieu dans les années 80. En 1990, le gouvernement a mis en place un système d’aide aux plus pauvres. Sur des critères de revenus, les usagers sont remboursés Recouvrement des coûts d’une partie de leur facture pour la tranche inférieure à 15 m3/mois. Un système similaire a Efficacité Ciblage des été mis en place en Colombie où le transfert est économique bénéficiaires mentionné explicitement sur la facture des usagers aisés. Les limites d’un tel système sont : (i) l’identification des bénéficiaires (coûts et capacité de gestion) ; (ii) la solvabilité des Mise en œuvre Accessibilité collectivités publiques ; (iii) l’acceptabilité sociale Figure n°10 : Cas du Chili d’une solidarité systématique apparente. о DISCUSSIONS ACTUELLES : TPT ET PSP Remise en cause du Tarif Progressif par Tranches (TPT) Après sa promotion dans les années 80, le TPT est de plus en plus remis en question. Principaux arguments en faveur du TPT : (i) politiquement acceptable ; (ii) accessible (si tranche sociale) ; (iii) générateur de revenus suffisants sans dépendre de sources externes. Principaux arguments à l’encontre du TPT : (i) défavorable aux familles nombreuses ; (ii) défavorable aux branchements collectifs ou partagés (impact également sur la revente de voisinage) ; (iii) message incorrect sur le coût du service et difficile à comprendre ; (iv) désincitation pour l’opérateur à connecter de nouveaux abonnés à faible consommation ; (v) subvention non ciblée car reçue par tous ; (vi) « l’effet redistributif net du surprix payé par les entreprises est plutôt régressif » (surprix répercuté sur les produits de consommation) ; (vii) difficulté pour l’opérateur à prévoir les revenus générés ; (viii) en pratique, le TPT est souvent mal conçu (tranche sociale trop vaste, niveau de la tranche supérieure trop faible). Recommandations pour la conception de TPT Si les circonstances imposent le TPT, la structure préconisée est à deux tranches (PPIAF, 2002). La première, de 4 à 6 m3/mois, a un niveau de tarif couvrant au moins les coûts d’exploitation et d’entretien. La deuxième a un niveau égal au coût marginal de long terme. Préconisation du Tarif Volumétrique Uniforme avec Abattement (TVUA) Proposée par la Banque Mondiale comme alternative au TPT, le TVUA éviterait la plupart des écueils reconnus pour le TPT (Whittington et al, 2000). Il sera peut-être instauré sous peu à Manaus au Brésil où une réforme tarifaire est en cours. Débat sur la Participation du Secteur Privé (PSP) Le secteur privé intervient finalement assez peu en matière de tarification. « La « privatisation » n’est en elle-même ni favorable, ni défavorable à la solidarité, mais elle requiert une transparence des transferts et une responsabilisation des pouvoirs publics » (Jaglin, 2001). Pour mémoire, on citera le développement très récent des mécanismes d’Output Based Aid (OBA) - « aide basée sur les résultats » - qui nécessitent l’existence d’un tiers capable de réaliser le service, c’est à dire le plus souvent un opérateur privé (Drees et al, 2004). о CONCLUSIONS Pour clore cette étude de cas, on peut rappeler les conclusions tirées d’une étude sur Katmandu et Bangalore (Foster, 2003). Le quart des subventions provisionnées par les gouvernements parvient aux plus pauvres, dont seulement 5 à 10% via les points d’eau collectifs. Le ciblage des subventions sur la consommation est inefficace. Par contre celui 11/16
sur l’accès (nouveaux raccordements) l’est, et en utilisant les mêmes critères d’identification des plus pauvres. Cela est dû au fait que les non raccordés sont en majorité des pauvres. Mais le problème est qu’alors on n’atteint pas les pauvres déjà raccordés ; or, souvent une part significative de pauvres est déjà raccordée. Il faut donc concilier les deux approches. Il faut également accepter les risques d’erreurs d’inclusion et d’exclusion. Le TPT est finalement un « moindre mal » et il peut être amélioré par une relève des tarifs des tranches basses, ce qui permettrait une amélioration des finances de l’opérateur profitable pour tous. TARIFICATION ET SUBVENTION A L’EPREUVE DU TERRAIN : QUAND LA CONCEPTION RENCONTRE LES PRINCIPES DE PRAGMATISME ET DE REALISME о TARIFICATION ET REGLEMENTATION : DES ENJEUX POLITIQUES IMPORTANTS Réguler le système existant. L’arbitrage entre les objectifs est politique et reste du ressort de l’autorité responsable des structures tarifaires à qui il convient de répondre aux questions suivantes. Quelle priorité ? Diminuer l’enveloppe de subvention ou augmenter le nombre de pauvres bénéficiaires ? Aussi, fréquemment, malgré le consentement à payer avéré des ménages, les décideurs politiques sont opposés à toute hausse des tarifs. Pourtant celle-ci permettrait d’atteindre un meilleur recouvrement des coûts et pourrait s’accompagner de campagnes de communication auprès des ménages. Introduire la concurrence et permettre une autorégulation au sein du monde informel. La légalisation des marchés locaux de l’eau (revente de voisinage, colportage…) permettrait de réguler les prix sur le marché grâce à la concurrence et ainsi de faciliter l’accès au service. Toutefois le respect de normes minimales de qualité reste un souci majeur. о RECOUVREMENT DES COUTS CONTRE RECOUVREMENT DES FACTURES Si l’on adopte un point de vue pragmatique, très développé dans le secteur privé, le problème majeur est de « faire rentrer l’argent ». Le taux de recouvrement (encaissement/ facturation) est alors un indicateur à suivre ; il n’est pas complètement indépendant de la tarification. Au-delà d’un certain niveau de prix, les usagers deviennent réticents à payer leur facture devenue trop lourde. La fréquence de facturation est une piste à explorer pour faciliter l’accès des populations défavorisées au service. Il faut également garder à l’esprit que, pour les faibles consommations, le coût pour facturer et encaisser est supérieur à ce que l’on récupère ! о EQUIPEMENT OU NON EN COMPTEURS ? Le préalable à toute structure tarifaire volumétrique est l’équipement de tous les usagers en compteurs fiables. Toutefois, il est à noter qu’aux coûts d’installation et d’entretien, il faut ajouter des contraintes techniques (disfonctionnements liés à la non-continuité du service). Pour les services non équipés, les décideurs politiques, devançant une certaine appréhension des ménages - légitime dans les contextes historiques de non-paiement -, sont souvent timorés à cautionner l’introduction de compteurs. Pourtant les ménages perçoivent parfois les compteurs comme un moyen d’équité (Walker et al, 2000) - car chacun paye pour ce qu’il consomme – ainsi que comme un symbole de légitimité sociale. о LA TARIFICATION DANS LE TEMPS Le poids de l’histoire (par exemple la culture de non-paiement) est un facteur à ne pas négliger à l’heure de la réforme tarifaire. Il est également capital de procéder à des ajustements tarifaires réguliers. Cela en respectant le fait que : (i) les usagers soient consultés ; (ii) la hausse tarifaire soit liée à des améliorations tangibles (Brocklehurst, 2003). о UN DEFICIT D’INFORMATIONS PREOCCUPANT La conception des tarifs se déroule dans un contexte de manque d’information préoccupant. Très peu d’études sur les usagers sont réalisées et il est difficile de savoir qui consomme quoi et dans quelle tranche. Il n’existe que peu de données et peu d’analyses quand les données existent, ce qui entretient les idées reçues sur le TPT. Une information sur le nombre de personnes par abonné serait utile pour plus de justice et d'équité. Cependant, le 12/16
recueil de cette donnée est difficilement réalisable en pratique, et ce quel que soit le pays, au Sud comme au Nord. о LES SERVICES D’EAU « ALTERNATIFS » On assiste de nos jours à une diversification durable d’une offre de services plus conforme à l’hétérogénéité des demandes citadines. La réalité des quartiers urbains à faibles ressources est celle de communautés marginalisées ayant recours à l’eau des bornes fontaines ou des revendeurs. Un moyen de paiement de ces communautés peut être la mobilisation de la force de travail des usagers, au travers d’une participation communautaire. A la frontière entre formel et informel se situe souvent le système des bornes fontaines. Développées à l'origine en milieu rural, elles se sont petit à petit imposées comme mode de distribution dans des quartiers péri-urbains aux statuts fonciers divers (légal et illégal). Très répandues en Asie du sud et en Afrique, elles ont souvent été gratuites avec des volumes non comptabilisés ; la période actuelle de fin de la gratuité est une période de transition souvent délicate. De plus, le problème de tarification et de facturation des bornes fontaines n'a pas de réponse unique simple. Les compagnies envisagent souvent la vente d’eau en gros à des gérants de bornes fontaines au « tarif social » mais le problème est que la marge du gérant entraîne un renchérissement du prix unitaire de l’eau qui devient plus élevé que pour l’eau du réseau. La maîtrise de cette marge implique contrôle et régulation. Ces solutions répondent à l’adaptation des ménages aux aléas économiques, politiques et fonciers ainsi que climatiques et techniques qui caractérisent le monde informel. L’autorité responsable doit parvenir à intervenir pour faire régner le droit et réguler les prix. Bien que cela semble assez utopique, certains experts préconisent que les subventions à l’accès puissent être délivrées pour tous les niveaux de services quels qu'ils soient, et quel que soit l’opérateur, pour ne pas « biaiser le choix » des usagers (PPIAF et WSP, 2002). L’ASSAINISSEMENT, PARENT PAUVRE DE LA « GESTION DE L’EAU » La tarification de l’assainissement n’a pas suscité une littérature spécifique très fournie. La problématique de l’assainissement semble un peu différente de celle de l’alimentation en eau potable. Il s’agit davantage de questions d’éducation à l’hygiène et de dignité. Le consentement à payer des populations est en règle générale faible, sauf dans les environnements urbains très dégradés. Pourtant les impacts sanitaires et socioéconomiques sont forts. Le rôle à jouer par l’Etat est donc crucial. Pour les usagers, il s’agit d’un service collectif qui doit être payé par l’impôt (nécessité de subventions). On peut noter ici l’effet distributif régressif de la tarification des services d’eau et d’assainissement quant aux différences d’accès à l’assainissement. Les tarifs sont en effet souvent identiques que l’on soit raccordé ou non à l’assainissement ; or les ménages aisés reçoivent plus souvent le service assainissement que les ménages défavorisés. CONCLUSION Les systèmes de tarification-subvention peuvent s'analyser à l'aide de cinq critères : recouvrement des coûts, efficacité économique, accessibilité, facilité de mise en œuvre et ciblage des bénéficiaires. Le passage en revue de cinq études de cas représentatives de la diversité des systèmes (Inde, Tunisie, Côte d'Ivoire, Afrique du Sud et Chili) permet de tirer certaines conclusions. La sous-tarification fréquemment rencontrée menace directement la viabilité des opérateurs et indirectement la durabilité du service ; elle remet en cause l’existence et la qualité du service pour tous. Il n’y a pas de système « modèle » qui serait transposable. La réponse à apporter pour concilier les objectifs conflictuels de la tarification est avant tout dépendante des circonstances locales. Il ressort également que les subventions doivent être prioritairement orientées sur l’accès et non la consommation, ainsi que sur l’assainissement. Cependant, et tout particulièrement dans le dernier cas, la création et le développement de modes de gestion alternatifs est cruciale. Toute structure tarifaire n’est qu’un outil au service d’une politique plus générale de l’eau et les premières réformes à engager sont institutionnelles. 13/16
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