Mémoire d'études / Photographier le dessein du projet

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WILLIAM BRINDEL

PHOTOGRAPHIER LE DESSEIN DU PROJET

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PHOTOGRAPHIER LE DESSEIN DU PROJET

Travail réalisé par William BRINDEL Sous la direction de Sonia KERAVEL



SOMMAIRE AVANT PROPOS

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INTRODUCTION 9

L’ « EMPAYSAGEMENT» PHOTOGRAPHIQUE

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PETITE HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE

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1851 UN NOUVEL OUTIL, UN RECENSEMENT DU PATRIMOINE NATIONAL

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1935 LA FSA DRESSE LE PORTRAIT D’UNE AMÉRIQUE EN CRISE

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1964 L’INVENTAIRE GÉNÉRAL

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1975 NEW TOPOGRAPHICS PHOTOGRAPHS OF A MAN-ALTERED LANDSCAPE

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1984 LA DATAR, EN QUÊTE DE L’IDENTITÉ DES TERRITOIRES

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1992 LES OPNP

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UN OUTIL SOCIÉTAL

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2011 UNE AUTO COMMANDE DE PHOTOGRAPHES, 43 VISIONS PERSONNELLES

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PAYSAGES FRANÇAIS : UNE AVENTURE PHOTOGRAPHIQUE 1984 - 2017

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L’ESPACE DE LA CHAMBRE ENTRE LES MAINS DU CONCEPTEUR

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QUAND L’ART INFLUENCE L’AMÉNAGEMENT

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REPRÉSENTATION RÉALISATION DEUX PRATIQUES LIÉES

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MA PRATIQUE PHOTOGRAPHIQUE

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MÉTHODOLOGIE DE L’EXPERIMENTATION

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EXPÉRIMENTATION : RÉCIT PHOTOGRAPHIQUE DE L’ARPENTAGE

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ORIENTATIONS PLASTIQUES DU TRAVAIL DE L’IMAGE

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RETOUR SUR SITE

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OUVERTURE SUR DE NOUVELLES PISTES DE TRAVAIL

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APPARITION D’UN LOINTAIN AUSSI PROCHE SOIT IL. CONCLUSION

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BIBLIOGRAPHIE 216 TABLE DES MATIÈRES

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REMERCIEMENTS 224


AVANT PROPOS Je viens de Touraine (37). « Le jardin de la France » a au grès de mes nombreuses visites des Châteaux de la Loire construit mon goût pour l’histoire et l’esthétique des jardins. Je me suis rapidement rendu compte que ces formes étaient bien plus que de la technique. Mais également un art. En troisième, Je commençais à percevoir une limite du jardin historique. Son aspect figé m’a conduit à effectuer un stage aux festival des jardins de Chaumont sur Loire avec Gérard Dosba. Travailler la temporalité très brève du jardin éphémère m’a quelque peu frustré. Cependant Chaumont a été pour moi le théâtre d’un jeu de cultures du jardin, où une intention transparaît spatialement. Et où le corps dans un espace, les sensations qu’il éprouve sont également les desseins d’un projet. Je me suis inscrit dans un Bac STAV afin de réaliser des stages et rencontrer le milieu professionnel tôt dans ma vie. Je suis parti aux Etats Unis au Missouri Botanical Garden afin de rencontrer un aéropage de styles de jardins, du jardin japonais au Woodland anglais en travaillant bien sûr dans leur jardin à la française. J’ai pratiqué et appris à composer avec le végétal, à réfléchir au contact d’arbres notamment à des échelles de temps qui me dépassaient. Ce stage fût couplé d’une expérience dans la réserve naturelle de Shaw. Je commençais désormais à m’intéresser à l’écologie et son approche systémique, et à une échelle de réflexion plus large au contact de grands espaces. Le jardin commençait à devenir plus complet et se rapprochait à ce moment de ma définition du paysage. Après avoir tenté le concours de Blois, Je me suis inscrit en BTS aménagement paysager. Je n’avais pas encore assez de recul sur mes expériences


précédentes pour réussir l’entrée dans une école de paysage. C’est lors du BTS, que la pratique technique et les stages en agences de création m’ont donné ce recul. Le travail manuel a en effet puisé l’énergie en moi pour poursuivre mon raisonnement et ma quête de définir ce qu’est le paysage. Sur les conseils de Chilpéric de Boiscuillé, j’ai choisi de faire une année préparatoire pour les concours des grandes Ecoles de Paysage. Suite à l’expérience précédente de Blois, je voulais travailler la représentation graphique, qui jusqu’alors était ma lacune. Pourtant tout du long de ce parcours j’ai pratiqué la photographie. Elle m’a suivi dans les étapes de la construction de ce projet personnel, et m’a permis de communiquer dessus. Je l’ai réalisé en classe préparatoire à Montreuil qui nous pousse à nous exprimer par l’art. En 2015, j’ai présenté au concours de l’école de paysage de Blois devant Jacqueline Osty un travail photographique sur le cadre de l’image. Une forme de métaphore de mon questionnement sur le paysage à ce moment. J’ai été retenu à Blois, puis à Versailles où j’ai du affirmer mon dessin. J’ai choisi l’école du paysage de Versailles qui par l’enseignement de Michel Corajoud propose un parallèle plus fort entre le projet de paysage et l’art. Le langage par les arts s’est avéré pertinent pour moi dans le passé. Ce choix me permettra de continuer à stimuler mes idées, tout en construisant un savoir et des connaissances sur la pratique du projet de paysage. L’école du Paysage de Versailles m’a par la suite enseigné comment chercher l’inspiration.



INTRODUCTION

Etudiant à L’École Nationale Supérieure du Paysage de Versailles, je frotte connaissances techniques et données sensibles. j’ai choisi de poursuivre dans un mémoire d’étude en remontant l’histoire de la photographie, un art qui mêle là encore étroitement exactitude scientifique et subjectivité du photographe. l’ENSP commence depuis peu à approfondir le huitième art. J’ai cultivé une forme de frustration durant mes études de paysage (BAC STAV, BTS, et DEP) de ne pouvoir communiquer au travers mes recherches photographiques. Je remercie Sonia Keravel, Marceline Delbecq et Olivier Marty pour nous avoir sensibilisé au médium durant ma formation à l’ENSP, pour m’avoir donné l’intuition que ce sujet de mémoire était possible. Pourquoi la photographie ? La photographie, le dessin, l’écriture, la danse, l’illustration 3D, la peinture, la lithographie, le théâtre, la vidéographie et le cinéma même… Durant les ateliers d’art plastique, tous ces médiums nous sont tendus comme des protocoles d’expression. Ils sont une palette d’outils pour formuler sa pensée. Donner à voir ses idées. Partager ses sensations. Un langage que le Paysagiste Concepteur peut user afin de formuler ses intentions de transformation d’espace. La photographie est l’un de ces langages. Après le croquis, dans nos ateliers projets, elle est le moyen de médiation le plus employé. Mais l’image photographique n’a jamais eu le statut qu’a le dessin dans


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PHOTOGRAPHIER LE DESSEIN DU PROJET

cette école. Pourtant ses capacités à saisir l’espace, à le retranscrire et le partager en font un outil désigné du paysagiste. La réalité trop évidente de l’image photographique ne sert elle que pendant l’état des lieux ? Est il facile de conduire des images d’un lieu, puis trop difficile par le même biais d’y exprimer ses intentions ? Pourtant je vois du projet de paysage dans certains travaux de photographes. Je vois la sensibilité au paysage grandir en chacun à la vue de ces cadrages. Je vois l’influence de l’image photographique portée sur les métiers de l’aménagement notamment dans le passé avec la DATAR. Je perçois une force, celle de donner à voir un passé vécu. Les attributs de l’image photographique par rapport à la discipline du paysage sont une des raisons quand à mon choix de travail sur ce médium. Puis, vous l’aurez compris. Ma seconde raison est que j’ai moi même une pratique photographique à l’extérieur des murs du potager du Roi. Qu’il me plairait de lier à ma formation de paysagiste. De La mission Héliographique de 1856 à l’exposition de 2017 Paysages Français : Une Aventure Photographique. Nous réunirons ici les temps de la photographie de paysage, en mettant notre focale sur le cheminement des commandes ou expositions ayant par la recherche photographique sollicités le paysage. Comment la photographie a t-elle ajouté à sa définition le mot art en plus d’être un outil scientifique et documentaire ? En quoi a t-elle contribué à construire une identité nationale ? La photographie a t-elle influencé l’aménagement du territoire ? Nous tenterons dans ce premier temps de mieux comprendre l’ « Empaysagement » photographique. Puis, nous rentrerons dans la pratique des paysagistes. Pour mettre en lumière les liens entre la photographie et le projet de paysage. Nous verrons un parallèle d’autant plus fort que l’image peut être pratiquée au sein même du projet. Nous remarquerons que photographes et paysagistes travaillent déjà ensembles, il est parfois même peu évident de les distinguer. Quels


INTRODUCTION

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attributs de l’image sont employés ici, La photographie s’est elle révélée exhaustive dans sa capacité à exprimer un champ disciplinaire et ses outils ? La photographie apparait clairement comme un Langage Humain et ce sont ces derniers qui transforment l’espace. Enfin j’expérimenterai par la pratique, le langage photographique du concepteur. Je crois à la recherche par l’art. Je pense être en mesure de formuler des questionnements grâce à la photographie, en vue de représenter un premier contact entre un paysagiste et le site et de photographier les intuitions de projet. C’est du terrain que l’identité de la recherche prend forme. C’est de Nanterre que j’expérimenterai un protocole photographie inspiré des temps du projet de paysage. Afin de nourrir mon travail par l’épaisseur de la ville. L’image photographique est parfois assez large de sens pour y voir ce que l’on cherche à dire. Le danger est là de tomber seulement dans son attribut générique. « La photographie est si réaliste, c’est du travail de l’amener vers un autre niveau. On veut voir autre chose que la réalité.»1 In fine, peut être que ce mémoire d’étude encouragera des paysagistes, des enseignants ou des étudiants, d’expérimenter la photographie comme le langage d’une recherche. J’espère que ce travail encouragera ma pratique de la photographie dans ma profession.

1 BINET, Hélène.« Composing space », conférence à la Harvard Graduate school of Design, mars 2012.



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L’ « EMPAYSAGEMENT » PHOTOGRAPHIQUE

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PETITE HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE

PETITE HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE Photographie : Ensemble des techniques permettant d’obtenir des images permanentes grâce à un dispositif optique produisant une image réelle sur une surface photosensible. « Il n’est plus possible de comprendre l’histoire de l’art contemporain sans tenir compte de la photographie; elle a ses maîtres, ses écoles, ses théoriciens, ses techniques et ses styles.

2 Bertrand Debardieux, « Actualité politique du paysage », p.101-104, dans Revue de géographie alpine, dossier « Paysage alpins en perspective », 2007

C’est un art nouveau qui se définit par la précision, la fidélité, par de nouvelles harmonies de valeurs, par la nouveauté des sujets et des compositions, le mouvement, par la poésie de l’innombrable.» PRINET, Phot., 1945, p.121. Source Trésors de la langue Française

L’appareil photographique « existait » déjà à l’époque d’Aristote (384-322 av. J.-C.) sous la forme de la chambre noire. La camera obscura munie d’un petit trou sur une des faces de la boite (stenopé), se voit projeter sur la façade intérieure opposée au trou une image inversée du monde. Mais à ce moment rien ne permet de figer cette projection. A la Renaissance, les peintres se munissent d’appareils optiques afin d’aider à la représentation en perspective. C’est le cas de Albrecht Dürer (1471-1528) et le « perspectographe »3. Le principal inconvénient du sténopé est son manque de luminosité. En effet, le piqué de l’image produite, c’est-à-dire son détail, découle de la dimension du trou. Pour obtenir une image précise, ce dernier doit être le plus petit possible. Mais par conséquent, très peu de lumière passe. L’image est donc très peu visible. Au XVI ème siècle, la netteté de l’image s’est améliorée avec l’introduction de la lentille. Une lentille de verre, qui peut concentrer les rayons lumineux

3 Albrecht Dürer (14711528) et le « perspectographe ».


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Albrecht Dürer (14711528) et le « perspectographe ».

Nicéphore Niépce en 1826 fixe l’image du Point de vue du Gras dans le village de Saint-Loupde-Varennes

«L’EMPAYSAGEMENT» PHOTOGRAPHIQUE


PETITE HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE

et améliorer les performances du sténopé : le diamètre de l’ouverture étant plus grand, on admet d’avantage de lumière et l’image est plus claire. Il a fallu attendre le XIX ème siècle pour pouvoir fixer cette image grâce à la chimie. La rendre stable et durable comme un dessin ou une peinture. En 1812 Joseph Nicéphore Niépce se rapproche d’une image stable par le biais de la lithographie. C’est en 1826 que l’inventeur sur des plaques d’argent recouvertes de bitume de Judée parviendra de façon permanente à fixer l’image du Point de vue du Gras dans le village de Saint-Loup-de-Varennes (24h de pose). L’invention est confiée à Louis Jacques Mandé Daguerre (1787-1851) à la mort de Niépce (1833). Les enjeux sont désormais de réduire le temps de pose et d’améliorer la précision par la chimie. Ce qu’il parviendra à faire (30 minutes de pose) pour la présentation par Arago en 1839. Ainsi, la date conventionnelle de l’invention de la photographie est le 7 janvier 1839, jour de la présentation par Arago à l’Académie des Sciences de l’« invention » de Daguerre, le daguerréotype. Qui est en fait une amélioration de l’invention de Niépce. L’État français l’acquiert contre une rente viagère annuelle de 6 000 francs à Daguerre et de 4 000 francs à Isidore Niépce, le fils de Nicéphore, pour mettre cette découverte dans le domaine public. Nous devons par la suite les découvertes de 1839 sur différents procédés de fixation à William Henry Fox Talbot avec l’invention du négatif, avec la possibilité de multiplier l’image. Puis John Herschell qui au moyen d’un bain d’hyposulfite de soude fixa ses images. Composition chimique qui est encore aujourd’hui le composé essentiel des fixateurs photographique. Puis Hyppolyte Fizeau, remplaça l’iodure d’argent par le bromure d’argent dont la sensibilité à la lumière est bien supérieure. Les objectifs vont en même temps évoluer pour permettre à l’appareil de produire des daguerréotypes avec des poses suffisamment courtes pour faire du portrait. En 1847, Abel Niépce de Saint-Victor (petit cousin de Nièpce) remplaça le papier étant jusqu’alors le support de la composition photosensible, par du verre. Il fixa le bromure au moyen de l’albumine (blanc d’oeuf). L’image trop

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contrasté pouvait se targuer cependant d’être bien plus précise. Le Britannique Scott Archer en 1851 améliore la qualité des images noir et blancs en remplaçant le blanc d’oeuf par le collodion dont la base est le coton poudre. Cependant la plaque devait être humide au moment de la prise et le développement aussitôt après. En 1871, un autre britannique, Richard Maddox, remédia à ce problème en remplaçant le collodion par de la gélatine. Procédure perfectionnée par Charles Bennet. Non seulement les plaques au gélatino-bromure purent alors être stockées avant emploi, mais leur sensibilité fut telle que l’exposition ne pouvait excéder une fraction de seconde. La haute sensibilité des plaques nécessita la conception de mécanismes capables de laisser entrer la lumière une fraction de seconde. Le travail sur l’obturateur est déjà en cours au moment des évolutions de la photographie. En 1849 notamment avec l’obturateur à guillotine (1/50s à 1/150s). Les tremblement occasionnés par la chute de la plaque le rendent toutefois inopérant. En 1860, l’obturateur à simple rideau est crée par William England. L’obturateur à double rideau sera mis au point l’année suivante par Humbert de Molard. L’invention est le procédé le plus proche de ce qui encore utilisé aujourd’hui comme obturateur moderne. Le sens des rideaux est passé de l’horizontale à la verticale puisqu’il faut moins de temps pour parcourir la largeur que la longueur dans le cas d’une image rectangulaire. Nous noterons en 1882, qu’Etienne-Jules Marey, l’un des pionniers de la chronophotographie arrive à décomposer l’atterrissage d’un pélican à l’aide d’un seul objectif. Pour arriver à ses fins, il utilise un nouveau type d’obturateur : l’obturateur rotatif. L’américain Georges Eastman, fondateur de Kodak, concevra, en 1888 des rouleaux de celluloïd pour remplacer les plaques de verre. Il manquait encore à la photographie, la reproduction des couleurs. Les premières tentatives furent à l’initiative d’Edmond Becquerel en 1848, puis de Abel Niépce de Saint-Victor en 1851. En 1869, Louis Ducos du Hauron réussit, à Agen, la première photographie en couleurs en appliquant le


PETITE HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE

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Boulevard du Temple un daguerréotype par Louis Daguerre en 1838. Notez les deux personnages visibles sur le boulevard. Le cireur de chaussures et son client étaient les deux seules personnes statiques du boulevard. Ainsi captées par l’appareil à l’obturateur encore assez lent

A droite l’obturateur à guillotine crée en 1849, remplacé par l’opturateur à rideau tout à gauche en 1860


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principe démontré par Maxwell de la décomposition de la lumière par les trois couleurs fondamentales, le rouge, le jaune et le bleu. Il réalisa trois photos d’un même sujet, au travers d’un filtre respectivement rouge, bleu et jaune. Il en obtint 3 positifs qu’il colora dans la couleur qui les avait produits. En superposant exactement les trois images, il obtint la restitution des couleurs. Le physicien Gabriel Lippman reçut le Prix Nobel en 1906, pour avoir découvert en 1891, le moyen d’obtenir des photos directement en couleurs sur une seule plaque. Le principe de la trichromie fut repris par la Société Agfa pour mettre au point en 1936, les pellicules Agfacolor. Là encore la possibilité de reproduire les couleurs provoqua des améliorations en optique, pour transmettre fidèlement les couleurs de l’objet photographié vers la pellicule Acheté par Kodak, il prit le nom de Kodachrome. Si nos pellicules couleurs actuelles sont très sophistiquées, il n’en demeure pas moins qu’elles font toujours appel au bromure d’argent, à la gélatine ainsi qu’au principe de base du Kodachrome. Les premiers capteurs CCD (dispositif a transfert de charge) sont nés dans les laboratoires d’AT&T et Bell en 1969 dans le New Jersey. Cette invention a valu à ses concepteurs Willard Sterling Boyle et George Elwood Smith le prix Nobel de physique en 2009. Plus tard en 1975, Steve Sasson de chez Kodak, est chargé de créer un appareil photographique avec l’un de ces capteurs. Un premier jet de caméra nait et l’image n’est pas convaincante. S’ajoutent des problèmes quand à l’enregistrement de l’image trop volumineuse pour les disquettes de l’époque. En 1981 et 1984 les premiers appareils électroniques qui enregistrent les images sous une forme encore analogique sont le Mavica de Sony et le RC701 de Canon. Kodak commercialisera le premier appareil numérique avec le DCS 100. Entre-temps le stockage et l’amélioration des logiciels permettra le travail des images numériquement.


PETITE HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE

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Dès mars 1995, le magazine Business Week prédit un grand avenir à la technologie CMOS.

l’Advanced Imager Technology Group du JPL et du Caltech et de la Nasa sous la direction de Eric R. Fossum rebondissent sur le CCD pour créer le CMOS en 1995. Le capteur peut comme son prédécesseur lire les photons par des signaux électriques mais désormais dans n’importe quel ordre, plutôt que de devoir attendre la fin de la séquence du CCD. Les grandes marques industrielles de l’époque AT&T, Kodak, Schick, Motorola, Intel et plus tard Sony et Samsung produiront ces capteurs et les démocratiseront. La première image partagée par internet se fera en 1997, au moyen d’un appareil photographique branché à un téléphone mobile. D’ailleurs, ce dernier embarquera un appareil photographique pour la première fois en 2000 avec le J-sh04 de chez Sharp au Japon. L’appareil numérique atteint sa maturité également en l’an 2000 avec le D30 de chez Canon. Nous noterons en 2007 la sortie du premier Iphone. Etant un repère pour l’entrée de la pratique photographique dans le quotidien d’une société. « Il y avait le 8/10. Long et pas très déplaçable. Le 24x36 apporta mobilité aux photographes et capturèrent des scènes complètement différentes.


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L’Iphone a fait de même pour notre génération. » Ted Forbes Aujourd’hui les performances sont en train de se multiplier. L’optique pour l’ouverture, et la mécanique pour la vitesse d’obturation restent sans grandes innovations. Mais ce sont les capteurs qui évoluent. Ces derniers sont de plus en plus petit, avec un sensibilité de plus en plus grande. Nous sommes sur le même schéma que celui du passé, où la surface sensible fait l’objet de plus de découvertes et d’améliorations que les variables physiques. Ouvrages : BENJAMIN, Walter. Petite Histoire de la Photographie. Paris, ALLIA, 2012, 63p. ANG, Tom. PHOTOGRAPHIE, L’histoire visuelle du huitième art. New York, DK, 2014, 480p. FORBES, Ted. The Art of Photography. Chaine Youtube

Intimement liées, l’histoire du paysage et l’histoire de la photographie le sont dès la première image pérenne obtenue à travers une chambre noire par Nicéphore Niepce. Au début du XIXème siècle, suite au modèle précédent de la Monarchie, les Pays occidentaux éprouveront le besoin de revendiquer leurs qualités «Nationales». Le paysage apparaîtra comme un attribut aux côtés des costumes traditionnels, des langues locales et de la gastronomie. Le travail d’élaboration d’une identité nationale est une œuvre collective qui associe gens d’image et gens de lettre, la description paysagère tenant déjà une large place dans la littérature de l’époque. Le modèle iconographique va être construit par des inventaires du territoire comme l’œuvre monumentale sous la direction d’Isidore Taylor : Des Voyages pittoresques et romantique dans l’ancienne France de 1820 à 1878, décrivant les différentes provinces françaises mettant à contribution les meilleurs plumes mais aussi dessinateurs, lithographes et graveurs de paysages de l’époque.


PETITE HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE

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Route vers le sommet du Jura. Louis Jules Frédéric Villeneuve, 1825

Rue de la Grosse Horloge, Rouen. Richard Parkes Bonington, 1825


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Le paysage devient donc au XIXème siècle un enjeu important pour la représentation des espaces et des territoires. Les Etats se transforment en nations et ont un besoin grandissant d’une représentation de leur territoire. La photographie « servante » des sciences et des arts fournira un nombre important d’images de ces paysages. Ce sont des documents scientifiques qui, depuis le daguerréotype jusqu’aux procédés les plus récents, alimentent et accompagnent les archéologues, topographes, géologues… Ces images de paysages servent également d’études documentaires pour les artistes, le paysage photographié trouvera nous le verrons son indépendance plus tard en revendiquant son aspect artistique.


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1851 UN NOUVEL OUTIL, UN RECENSEMENT DU PATRIMOINE NATIONAL Considérée comme la première commande institutionnelle : La Mission héliographique est une commande publique française effectuée par la Commission des monuments historiques de Mérimée en 1851 auprès de cinq photographes (Gustave Le Gray, Auguste Mestral, Édouard Baldus, Hippolyte Bayard et Henri Le Secq) dans le but d’inventorier sous forme d’images héliographiques (transfert de positifs vers un vernis photosensible, trace une image sur le papier) une partie du patrimoine historique national. Le choix des monuments repose principalement sur leur importance historique, leur qualités architecturales, ceux nécessitant des travaux de restauration urgents ou ceux sur lesquels les travaux sont déjà en cours. La commande concerne 175 édifices, recensés avec une influence intellectuelle et esthétique issue du romantisme, grâce à une technique avide de légitimé artistique et scientifique. Les voyageurs ont notablement allongé la liste qu’on avait dressée pour eux, le recensement archéologique se doublant, d’une excursion d’artistes. Il est important à mon sens de noter ces choix de lieux supplémentaires de la part des photographes, qui illustre une vision plus personnelle de la France. Gustave Le Gray, et Auguste Mestral voyageront ensemble de la vallée de la Loire aux Pyrénées, ne concevant pas leur mission comme un simple travail de documentation photographique, les deux jeunes artistes choisiront des points de vue, des cadrages aptes à produire des œuvres indépendantes. La grandeur des négatifs sera jusqu’à 30 x 40 cm. la beauté et la variété des tirages provoqueront une admiration unanime


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«L’EMPAYSAGEMENT» PHOTOGRAPHIQUE

Château de Chenonceaux vue d’ensemble par Gustave Le Gray et ou Mestral, été 1851 pour la Mission héliographique

à leur retour. Cette mission va favoriser l’expérimentation de nouveaux procédés travail sur un territoire National. Première commande d’ampleur de l’État passée à des photographes, ce programme en a inspiré de nombreux autres. Malgré un choix à cette époque de conservation dans les tiroirs de la commission des monuments historiques d’un bon nombre d’images. Notons que ce travail aura construit plus tard des points cardinaux de notre appréciation du territoire. Mémoire : Faculté comparable à un champ mental dans lequel les souvenirs, proches ou lointains, sont enregistrés, conservés et restitués. Ouvrage : DE MONDENARD, Anne. La Mission héliographique. Cinq photographes parcourent la France en 1851. Paris, PATRIMOINE, 2002, 319pages


1851 UN NOUVEL OUTIL, UN RECENSEMENT DU PATRIMOINE NATIONAL

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RTM Chaudun, Col de Cabanottes, Billecard, 1986

RTM Chaudun, RTM Col de Cabanottes, Pic Melette, Métaillé 1991

Avec les moyens de la fin du XIXe siècle, les officiers ingénieurs des services de restauration des terrains de montagne (RTM) Formés à l’École


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«L’EMPAYSAGEMENT» PHOTOGRAPHIQUE

forestière de Nancy entreprennent de gigantesques opérations à échelle humaine destinées à réparer la montagne. Ils dressent des barrages, plantent des arbres… Les forestiers ne travaillaient pas en haute montagne mais dans les espaces intermédiaires, ceux des limites de végétation, entre sommets et plaines : entre nature sauvage et nature «domestiquée». l’Administration des forêts incorpore la pratique photographique à l’exercice du métier de ses agents. Ces derniers documentent leurs travaux par des prises photographiques. Un retour sur place conduira à une nouvelle photographie à partir du même point de vue. L’accumulation des clichés de différentes temporalité donne naissance à un fond photographique permettant d’étudier l’évolution diachronique des montagnes et des sociétés locales. les officiers ingénieurs réalisèrent et rassemblèrent ainsi plusieurs milliers d’images, malheureusement noyées dans l’extraordinaire développement de la photographie à cette époque. Le projet des Archives de la planète est mené entre 1912 et 1931 par Albert Kahn. « La photographie stéréoscopique, les projections, le cinématographe surtout, voilà ce que je voudrais faire fonctionner en grand afin de fixer une fois pour toutes des aspects, des pratiques et des modes de l’activité humaine dont la disparition fatale n’est plus qu’une question de temps ». Albert Kahn, janvier 1912. Avant gardiste il mentionnera notamment que la connaissance des cultures étrangères encourage le respect et les relations pacifiques entre les peuples. Il percevra également très tôt que son époque sera le témoin de la mutation accélérée des sociétés et de la disparition de certains modes de vie. S’entreprend l’envoi d’opérateurs dans le monde pour capter l’Homme dans son paysage, comment ce dernier habite le paysage et le transforme. Classés en plusieurs thèmes : Paysage, panorama de villes, costumes, commerces, portraits de groupes. Je vous invite fortement à vous y perdre : http://collections.albert-kahn.hauts-de-seine.fr/?page=accueil


1851 UN NOUVEL OUTIL, UN RECENSEMENT DU PATRIMOINE NATIONAL

29 1909 Voyage d’Albert Kahn et d’Auguste Léon Rio de Janeiro, Brésil. La baie de Guanabara avec le Pao de Açùcar (Pain de Sucre) à gauche et la colline de l’Urca au centre

1919 Mission Jean Brunhes et Georges Chevalier Orschwiller, Bas-Rhin. 1921 Zermatt, Suisse Mission de Frédéric Gadmer. Le Cervin depuis le Gornergrat

1924 Guéthary, Pays Basque. Mission Auguste Léon en Aquitaine France, Guethary, La Cote Basque, de Guethary à Biarritz 1926 Village de Arashiyama, Hosu Rivière environs de Kyôto, Japon. Roger Dumas

1926 Mission Georges Chevalier en Auvergne Le Mont Dore, Puy-deDôme, France. MontDore, Le fond de la Vallée et les Burons et la route de Besse , au fond, le Sancy 1927 Ispahan, Perse. Frédéric Gadmer Perse, Ispahan. Lever du Soleil sur les montagnes de Djoulfa

1930 Stéphane Passet Ile de France, Vallangoujard, Champ de seigle au 1er plan, champ de blé à l’arrière plan


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«L’EMPAYSAGEMENT» PHOTOGRAPHIQUE

Après la première Guerre mondiale, les grandes entreprises de documentation photographique du territoire menée à partir des années 1950 par la documentation française ou le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU), n’émergeront pas dans un imaginaire déjà chargé des visions pittoresque du siècle dernier. Pourtant c’est au total, 328 albums qui sont ainsi constitués soit près de 30 000 clichés produits principalement entre 1945 et 1955. Ce corpus iconographique relève de campagnes effectuées par cinq photographes salariés du ministère chargés de rendre compte des bâtiments remarquables dans la construction publique (grands ensembles, établissements de santé, d’enseignement, etc.) d’un point de vue technique et d’un point de vue social.

Page 72 de L’Architecture d’Aujourd’hui, vol. 1, n° 6 (juin 1935), article de M. Rotival, « Les Grands Ensembles »


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1935 LA FSA DRESSE LE PORTRAIT D’UNE AMÉRIQUE EN CRISE Pendant ce temps aux Etats Unis la FSA (Farm Security Administration) est l’agence chargée de l’aide à l’agriculture sous forme de subventions aux petits paysans, mais également de mener des programmes de planification culturale et de création de coopératives agricoles. Pour mieux promouvoir ses réformes auprès du grand public et du Congrès : naitra la section photographique de la FSA, dirigée par Roy Stryker de 1935 à 1942, c’est elle qui marquera l’Histoire. Roy Stryker recrute des photographes, parmi lesquels on compte notamment Walker Evans et Dorothea Lange. Cette mission porte sur l’ensemble du territoire national suite à la Grande Dépression. le projet consiste à faire un bilan objectif des conditions de vie et de travail des Américains ruraux. Mais Il s’agit en réalité de convaincre l’Amérique de l’utilité des réformes de Roosevelt. Roy Striker, choisit les photographes en fonction de leurs engagements sociaux et politiques. Près de 270 000 documents photographiques dressent alors un portrait de l’Amérique en crise. Nous pouvons relier cette mission à L’administration Roosevelt, qui déjà étant favorable à une communication de masse, perçois les enjeux d’un tel travail. Notons que Le TIME est fondé en 1923, suivi par Fortune en 1930. Quant à Walker Evans, son impact dépassera la conception même du projet de la FSA, non plus seulement les problèmes agricoles mais vers un projet de documentation visant l’ensemble de la société et de la culture vernaculaire. Son travail pour la FSA inspirera notamment une partie de la New Topographics.


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«L’EMPAYSAGEMENT» PHOTOGRAPHIQUE

Ouvrages : COHEN, Stu. The Likes of Us, America in the eyes of the Farm Security Administration. 2008, 208p. EVANS. Walker, Walker Evans : Photographs for the Farm Security Administration 1935-1938, New York,1973, 264p. ROCHKIND, Marc. Dorothea Lange FSA Photographs Volume 1. 2013, 106p. CANEVET, Rozenn. Conférence sur la New Topographics, le jeudi 5 avril 2018 à l’ENSP

Dorothea Lange, Photo of a man on a horse with his child.Oregon, October 1939


1935 LA FSA DRESSE LE PORTRAIT D’UNE AMÉRIQUE EN CRISE

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cimetière Walker Evans

Walker Evans, St. Matthew School. Alabama, 1936,

Walker Evans, Bethlehem graveyard and steel mill. Pennsylvania. 1935. Ici hors cadre de la FSA Walker Evans dressera un portrait critique de l’urbain américain, il montre ici dans un cadrage les lieux de vie, de travail et de repos éternel.


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1964 L’INVENTAIRE GÉNÉRAL De retour en France. L’Inventaire Général du Patrimoine Culturel, est un service national créé en mars 1964 à l’initiative d’André Malraux et d’André Chastel. Le projet était de «recenser et décrire l’ensemble des constructions présentant un intérêt culturel ou artistique ainsi que l’ensemble des Une histoire des missions photographiques : http:// missionphoto.datar. gouv.fr

œuvres et objets d’art créés ou conservés en France depuis les origines ». Ces informations (bases de données, textes, photographies, relevés graphiques, cartographie, bibliographie…) fournissent aux chercheurs, aux historiens de l’art, aux architectes des bâtiments de France, aux conservateurs, aux élus locaux, des séries de données homogènes sur les édifices et les objets d’art de la France. Ouvrages : « Une aventure de l’esprit », l’Inventaire général du patrimoine culturel ». Collection Cahiers du patrimoine n°115, LIEUX DITS, 2014, 232 p. CORNU, Marie. PIGNOT, Lisa. SAEZ, Jean Pierre. L’Inventaire général du patrimoine culturel : bilan d’une décentralisation. Revue Observatoire des politiques culturelles, n°45 février 2014-2015.

Jean-Bernard Vialles. Région Île-de-FranceFaçade et chapelle de l’Hôtel-Dieu d’Étampes, Essonne. en 1979 Inventaire général


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1975 NEW TOPOGRAPHICS PHOTOGRAPHS OF A MANALTERED LANDSCAPE La New Topographics est une exposition photographique organisée en 1975 à la George Eastman House de Rochester (musée de la Photographie, berceau de Kodak) par William Jenkins. New Topographics présentait 168 images de 10 photographes : Robert Adams, Lewis Baltz, Bernd et Hilla Becher, Joe Deal, Frank Gohlke, Nicolas Nixon, John Schott, Stephen Shore et Henry Wessel Jr. Le regard des photographes sera inspiré par le travail de Walker Evans durant la FSA. En effet plutôt que de se tourner vers les paysages extraordinaires d’Ansel Adams, le dessein est de construire une vision de l’ordinaire. De rompre avec les représentations antérieures du paysage spectaculaire, se défaire des espaces esthétiques et exaltés, pour se concentrer sur le quotidien. Le travail de ces 10 photographes pour l’exposition New Topographics sera porté sur la neutralité, une frontalité et une froideur dépourvu de tout affect. Sur les espaces intermédiaires, souvent vus depuis la route. Ces travaux serviront de base à construire la recherche photographique contemporaine. L’exposition marquera la transition de la photographie vers un art plus conceptuel. Elle a également représenté un tournant dans l’évolution de la photographie documentaire et dans la représentation des paysages urbains contemporains. Mais ce n’est pas dès 1975 que cette exposition connait son succès. L’édition des travaux des photographes dans le premier catalogue d’exposition entrainera plus tard l’intérêt pour cette recherche sur une nouvelle façon de représenter le paysage. Puis en 2009, 34 ans plus tard une nouvelle édition


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Lewis Baltz South Wall Semicoa 333 McCormick Costa Mesa du portfolio The New Industrial Parks near Irvine California 1974

Joe Deal, American Corona Del Mar, California, from the series Beach Cities, 1978

«L’EMPAYSAGEMENT» PHOTOGRAPHIQUE


1975 NEW TOPOGRAPHICS PHOTOGRAPHS OF A MAN-ALTERED LANDSCAPE

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de Steidl voit le jour. Où elle reprend les 168 images et les illustrent dans un fin travail d’édition accompagné de texte de contextualisation. New Topographics accompagne la découverte et la construction des États-Unis. L’influence de cette exposition sera sensible jusqu’en Europe, où 5 ans plus tard deux des photographes exposés (Lewis Baltz et Frank Gohlke) participent à la Mission photographique de la DATAR. Tous les membres des New Topographics (dont Stephen Shore) seront par ailleurs impliqués dans l’enseignement supérieur de la photographie, à l’instar des Becher. Cette évolution professionnelle tendra à assurer une suprématie américaine sur le marché de l’art photographique jusqu’à la fin des années 1990. Stephen Shore: « I think I’ve been influenced recently more by new technology than by any single photographer or artist. » Ouvrage : SALVESEN, Britt. NORDSTRÖM, Alison. New Topographics, George Eastman House, Center for Creative Photography et Steidl, Steidl & Partners, 2010, 304p.

Stephen Shore, 2nd Street East and South Main Street, Kalispell, Montana, August 22, 1974 Stephen Shore est le seul dans la New Topographics à faire ses images en couleur. Il est un pionnier dans l’usage de la couleur dans la photographie d’art avec William Eggleston. A l’époque elle était exclusivement pratiquée pour des images de campagnes publicitaires.


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1984 LA DATAR, EN QUÊTE DE L’IDENTITÉ DES TERRITOIRES Le 14 février 1963, le Général de Gaulle, alors Président de la République française, annonçait la création de la DATAR (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale). Un mouvement de réflexion interdisciplinaire s’en suivra en 1984 que Bernard Latarjet et François Hers mettent en lien dès le lancement de la mission, aux projets emblématiques de l’histoire de la Photographie cités précédemment. Elle questionnera cependant le paysage plutôt que le patrimoine, avec vingt-neuf photographes reconnus comme artistes et non plus seulement comme auteurs à la différence de la mission Héliographique : AUERBACHER Dominique, BALTZ Lewis, BASILICO Gabriele, BIRSINGER Bernard, CECCAROLI Alain, DENEYER Marc, DEPARDON Raymond, DESPATIN François & GOBELI Christian, DOISNEAU Robert, DRAHOS Tom, DUFOUR Philippe, DE FENOYL Pierre, GARNELL Jean-Louis, GIORDAN Albert, GOHLKE Frank, GUILLOT Yves, HANNAPPEL Werner, HERS François, KOUDELKA Josef, LAFONT Suzanne, MEYNEN Christian, MILOVANOFF Christian, MONTHIERS Vincent, PARE Richard, RABOT Hervé, RISTELHUEBER Sophie et TRULZSCH Holger. A cette période en France, la campagne de Mitterand : La force tranquille affiche partout un paysage de charme rural. Une église et son bourg. Une vision que les photographes auront pour charge de soulever pour apprendre à voir. Cette mission se positionne au moment ou l’euphorie du développement industriel et social des Trente Glorieuses laisse place à une préoccu-


1984 LA DATAR, EN QUÊTE DE L’IDENTITÉ DES TERRITOIRES

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Robert Doisneau Environ de la gare université, Créteil entre parenthèses Val-de-Marne, 1984 série banlieue d’aujourd’hui, dans les banlieues et villes nouvelles de la région parisienne

François Mitterrand affiche de la campagne présidentielle de 1981. La force tranquille


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«L’EMPAYSAGEMENT» PHOTOGRAPHIQUE

Pierre de Fenoÿl série Campagnes du SudOuest dans le Tarn10 juillet 1987

pation environnementale et une quête d’identité des territoires. Elle tentera de pallier les déséquilibres du développement du territoire national : « Paris 4 GRAVIER, Jean-François. DAUTRY, Raoul. Paris et le désert français. Décentralisation, équipement, population. L’homme et la cité. Paris, 1947

et le désert Français »4 sur plusieurs années (1984-1988). A cette période les images de la mission de 1851 disséminées jusqu’alors sont exposées et valorisées aux yeux du public par Philippe Néagu (Chef du Service des archives photographiques des Monuments Historiques). Les travaux de la Farm Security Administration sont exposés en France à deux reprises en 1979 et 1980. « À la faveur de l’alternance politique Française de 1981, la culture devient une priorité gouvernementale à travers la mise en œuvre d’une politique volontariste visant notamment la reconnaissance de pratiques jusque-là considérées comme minoritaires, populaires ou marginales dont la photographie. Le moment est ici de défaire le statut « d’instant » de l’image photographique d’après guerre, pour atteindre une image plus lente. Les photographies de la mission rencontreront une audience. D’autant plus que les photographies mêmes de la mission seront réédités en ouvrages, leurs travaux seront largement exposés.


1984 LA DATAR, EN QUÊTE DE L’IDENTITÉ DES TERRITOIRES

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Une mission ? Ce format allie la contrainte de la commande et la liberté de l’aide à la création. La Mission photographique peut être alors définie comme une commande institutionnelle adressée à des photographes artistes et portant sur un territoire donné : le territoire Français. Il s’agit de proposer un cadre juridique et technique permettant de mener une mission, comme une action de production et de gestion d’un patrimoine original. Les photographes emprunterons ces lieux usés par le regard de l’habitude ou laissés à la marge de la représentation traditionnelle du territoire. « Le paysage devient le point de convergence et la traduction de l’ensemble de ces problématiques. Il rend visible, sensible, les changements et les conversions en cours, quand la carte, en proposant une schématisation des éléments du territoire hors de tout affect ne semble pas convenir à la figuration de ces transformations. Le paysage, en revanche, semble offrir des possibilités infiniment plus riches en proposant un point de vue spécifique »

Commissariat Général à l’Egalité des Territoires (http://missionphoto.datar.gouv.fr)

Le paysage peut être ainsi entendu comme une représentation esthétique, une représentation culturelle, comme un territoire produit par une société dans un temps et un espace donné, ou encore comme un système biophysique et social. Une « science diagonale »5 liant sciences sociales et sciences du vivant. Le projet de la Mission de la DATAR s’inscrit donc directement dans la lignée de ces réflexions en chargeant les photographes de rendre intelligible une expérience sensible tout en renouvelant la perception du territoire, en leur demandant explicitement de « recréer une culture du paysage » en France. Cette ambition fera naître d’autres projets similaires en parallèle.

BERTRAND, Georges. « La « science du Paysage », une « science diagonale » », p. 127-134 dans la Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, tome 43, fascicule 2, 1972.


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Massimo Vitali, Sillon de Talbert, 2008, collection du Conservatoire du littoral.

«L’EMPAYSAGEMENT» PHOTOGRAPHIQUE


1984 LA DATAR, EN QUÊTE DE L’IDENTITÉ DES TERRITOIRES

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GRUYAERT Harry Baie de Somme, Picardie, 1991

La mission du Conservatoire du Littoral est lancée en partenariat avec celle de la DATAR en 1986 et comprendra d’autre photographes encore. Lancée également en 1986, La Mission photographique Transmanche mettra sous observation pendant 20 ans la région du Nord-Pas-de-Calais et les transformations engendrés par la construction du tunnel sous la Manche. En 1987, ce sont les Quatre Saisons du Territoire de Belfort qui mettent en place un travail de retour sur les lieux quatre années consécutives. Publications : HERS, François. LATARJET, Bernard. Paysages Photographies. Mission photographique de la DATAR, Travaux en cours. HAZAN, 1885. BERTHO, Raphaële (dir.). Paysages Français. Une aventure photographique 1984 à 2017. Paris, BNF EDITIONS, 2017, 292p. BONNET-GALZY, Marie-Caroline (dir.) La Mission photographique de la DATAR. Nouvelles perspectives critiques, Paris, LA DOCUMENTATION FRANÇAISE, 2014, 127p.


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1992 LES OPNP

Le ministère de l’environnement, en 1992, créer l’observatoire photographique national du paysage et passe commande à des photographes en coopération avec des organismes locaux chargés de l’aménagement du territoire. Plus exactement 21 photographes (Sophie RISTELHUEBER, Raymond DEPARDON, Alain CECCAROLI, Dominique AUERBACHER, Thibaut CUISSET, John DAVIES, Gérard DUFRESNE, Jean-Marc TINGAUD, Anne FAVRET, Patrick MANEZ, Gilbert FASTENAEKENS, Thiery GIRARD, Anne-Marie FILAIRE, Gérard DALLA-SANTA, Jacques VILET, Claude PHILIPPOT, Jean-Christophe BALLOT, Fred BOUCHER, Alain BLODEL et Laurent SULLY-JAULMES, François-Louis ATHENAS). Agissant en concertation, photographes et experts choisiront une quarantaine de points de vue photographiés régulièrement afin de privilégier une observation des transformations du paysage dans le temps. Des projets naîtrons avec des initiatives plus localisés que celle de la DATAR avec entre autres la mission du Centre méditerranéen de la photographie à partir de 1994, Paysages-Territoire avec la direction régionale de l’Environnement (DIREN) d’Île de France entre 1998 et 2002, le Pôle images Haute-Normandie à partir de 2001 ou la mission Euroméditerranée entre 2002 et 2009. Une liste pourtant incomplète témoignant de la profusion de 6 Observatoire photographique des paysages : http://observatoiredespaysages.fr

projets naissant sur le territoire français. L’Observatoire Photographique des Paysages6, créer un état des lieux photographique. Qu’il met en relation directe avec des archives photogra-


1992 LES OPNP

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QUESNEY, Daniel. Versailles et Sceaux 1900 à 1925 par ATGETSérie de 1999

phiques existante. Un même cadrage a deux temporalité peut constituer le point de départ d’un suivi précis de l’évolution de ce territoire. C’est une portion de temps et d’espace capturé, conçue pour être mise à côté de ses paires futures et passées. (François Louis Athénas itinéraire numéro 19 île de la Réunion observatoire photographique national du paysage) http://extranet.observatoires-photographiques-paysages.din.developpement-durable. gouv.fr https://terra.developpement-durable.gouv.fr/ Publications : COLLECTIF, itinéraires photographiques. Méthode de l’Observatoire photographique du paysage, Paris, Ministère de l’Ecologie, 2008. STEFULESCO-GUILLOTEAU, C. (dir.), Séquences paysages, revue de l’observatoire photographique du paysage, Paris, Ministère de l’Environnement/Hazan, n°1, 1997, 112 p.


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«L’EMPAYSAGEMENT» PHOTOGRAPHIQUE


1992 LES OPNP

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François Louis Athénas itinéraire numéro 19 île de la Réunion observatoire photographique national du paysage 2003 - 2009


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UN OUTIL SOCIÉTAL

Depuis l’avènement du tourisme, l’allègement de l’équipement et la simplification des techniques photographiques, le paysage concerne désormais tous et chacun. Il devient aussi bien une image souvenir, qu’un cliché complexe et expressif qui peut contenir en lui-même l’histoire du paysage. Il reste difficile de mesurer l’impact des missions photographiques comme celle de la DATAR sur une société. Cependant nous remarquerons le travail isolé de certains photographes, et l’inédite résonance d’une bibliothèque d’images conséquente que propose internet.


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2011 UNE AUTO COMMANDE DE PHOTOGRAPHES, 43 VISIONS PERSONNELLES

Yann De Fareins, Le Col Saint Pierre, entre Alès (Gard) et Florac (Lozère) par la corniche des Cévènnes, 28 août 2011 série 30 limites. Les frontières du départements du Gard.


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FRANCE(s) TERRITOIRE LIQUIDE est une mission photographique débutée en 2011 sur le paysage français, auto-produite et indépendante, puisque la DATAR ne reproduit pas ses missions prospectives. « France, la France, de vous à moi et entre nous et devant nous un territoire est il » Jean Christophe Bailly. La mission a pour but de bâtir une vision inédite du paysage français en rendant compte de la mouvance de ses frontières réelles et virtuelles, entre « appartenance et décentrement » Bernard Comment*. L’ensemble du travail des 43 photographes fera l’objet d’une publication, de vidéos et d’expositions en 2014. « l’existant existe partout, il n’y a rien d’autre que lui–mais, justement, ce qui le qualifie et ce qui lui vaut son nom, ce sont les réglages de différence qu’il réalise continûment, c’est ce qu’il fait qu’il n’existe nulle part ou presque de la même façon, c’est qu’en aucun de ses points a trame de passé, de présent et d’avenir qui le constitue n’est identique. » Jean Christophe Bailly. Les photographes sont : Aglaé Bory, Albin Millot, Ambroise Tézenas, Antoine Picard, Aude Sirvain, Béatrix von Conta, Bernard Plossu, Bertrand Desprez, Bertrand Stoffleth, Geoffroy Mathieu, Brigitte Bauer, Cédric Delsaux, Claudia Imbert, Elina Brotherus, Emilie Vialer, Emmanuelle Blanc, Anne Favret, Patrick Manez, Florence Chevallier, François Deladerrière, Frédéric Delangle, Goeffroy de Boismenu, Gilles Coulon, Guillaume Amat, Guillaume Bonnel, Guillaume Martial, Jean-Philippe Carré-Mattei, Jérôme Brézillon, Joffrey Pleignet, Julien Chapsal, Julien Magre, Laure Vasconi, Léo Delafontaine, Marie Sommer, Marion Gambin, Michel Bousquet, Olivia Froudkine, Olivier Nord, Patrick Messina, Pierre Witt, Sophie Hatier, Thibaud Brunet et Yann de Fareins. Ouvrage : WOMBELL, Paul (dir.). France Territoire Liquide. Collectif de photographes Textes de Jean Christophe Bailly. Paris, SEUIL FICTION & CIE, 2014, 385 p.


2011 UNE AUTO COMMANDE DE PHOTOGRAPHES, 43 VISIONS PERSONNELLES

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Guillaume Amat. Série Open fields 2014


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PAYSAGES FRANÇAIS : UNE AVENTURE PHOTOGRAPHIQUE 1984 - 2017 Peut être est il l’occasion ici de terminer ce chapitre des grandes étapes de l’histoire de la photographie de paysage par l’exposition Paysages Français : Une aventure photographique 1984 - 2017. Présentée par la Bibliothèque nationale de France dans les galeries 1 et 2 de la BNF François Mitterand.

Scénographie

Elle se tenait du 24 octobre 2017 au 4 février 2018. J’ai eu la chance d’en faire l’expérience, et pourtant je fais partie de ceux déçu que la BNF ne prolonge aucune de ses expositions…

Plan de l’Exposition Paysages Français Une aventure photographique 1984 2017

Agence Je Formule

Durant l’exposition, le visiteur suit chronologiquement les missions. Ce mémoire emprunte la même déambulation au travers ces quatre dernières La scénographie de l'exposition guide le visiteur dans un parcours simple, linéaire, ponctué de surprises et d'astuces qui sont autant de clin d'oeil au vocabulaire de la promenade : une table ronde d'orientation, un promontoire servant de belvédère, des bornes signalétiques comme des panneaux de sentiers de randonnée, etc. Le public déambule ainsi en immersion dans les paysages photographiés, voyage, s'arrête sur certains points de vue, en découvre d’autres au détour d'une nouvelle salle... pour s'approprier les lieux comme s'il découvrait de nouveaux territoires.


PAYSAGES FRANÇAIS : UNE AVENTURE PHOTOGRAPHIQUE 1984 - 2017

décennies. En commençant par l’Expérience du Paysage par les 29 photographes commandités par la DATAR (1984-1988). Grâce à une liberté esthétique, des photographes comme Franck Gohlke, Raymond Depardon ou Vincent Monthiers qui illustrent des paysages ruraux, périurbains et naturels. Le passage aux années 90 permet d’entrer dans Le temps du paysage : devenu « patrimoine ». Avec notamment les travaux conduits pour le conservatoire du littoral. Je vois encore les images saisissantes en couleurs pastels d’Harry Gruyaert en Baie de Somme ou le ciel fait autant partie du paysage que la terre. Ou encore celles très contrastées de noir sur l’île Chausey de Michael Kenna. La mission photographique Transmanche sera également présentés ici avec entre autres les images aériennes du chantier du tunnel sous la Manche par Marilyn Bridges. Suivi de l’Observatoire photographique des paysages, où la temporalité apparait entre les images d‘un même lieu. Le cadrage de Thibaut Cuisset à Pléneuf-Val-André m’a particulièrement troublés, la vue qui s’obstrue avec la construction d’une maison laisse pourtant voir au travers une fenêtre le paysage des précédentes images. S’en suit : Le paysage devient style dans les années 2000, qui se saisie de l’ensemble du territoire Français et contribue à sa valorisation. Je pense aux images circulaires de Brigitte Olivier, ou encore à la série Pylônes de Xavier Dauny qui créer un style comme l’ont fait les Becher auparavant. Enfin, le début des années 2010, l’espace habité devient le sujet. Des saynètes racontes l’histoire des lieux qu’elles empruntes. L’être au paysage comprend les travaux de France(s) Territoire Liquide. Avec Albin Millot qui met en lumière la limite poreuse des frontières de la France. Ou encore vous avez pu en percevoir un aperçu précédemment les mythologies du miroir dans les images de Guillaume Amat dans sa série Open fields. L’ambition de ce formidable fond photographique exposé est de donner à lire au travers une pluralité de regards de photographes, un territoire National qui a profondément changé de physionomie au cours du temps. Trente trois années plus exactement, ont permis une diversité de commandes pas-

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«L’EMPAYSAGEMENT» PHOTOGRAPHIQUE

sées afin de capter ces métamorphoses, conduisant à une variété de réponses photographiques intéressantes à comparer. Grâce à cette exposition, nous sommes au delà de ce qu’une commande et un groupe de photographes produisent. Leurs travaux sont désormais en résonance avec une autre mission passée ou future. L’action de comparaison sert à la lecture et la compréhension des mutations qu’opère un territoire. L’exposition opère en quelque sortes un grand « observatoire photographique des paysages » avec son rapport au temps. La « liquidité » lente du territoire national rend ces mutations à l’échelle de notre vie humaine difficilement palpable. La métamorphose d’un pays sur un tiers de siècle, rassemblé devant soi, est un formidable outil politique et pédagogique. Notamment pour des étudiants dans les métiers de la transformation du territoire. Qui n’ont pas vécu ces changements. Une force du propos qui confirme mes ambitions vis à vis d’un médium, et de commandes futures. J’opère modestement un travail quelque peu similaire de processus et de comparaison dans ce mémoire dans un passé plus lointain encore que l’exposition. Et je ne peux pour l’instant peut être, que rêver d’une nouvelle exposition réunissant les travaux depuis 1851. Sur quoi ouvre cette exposition pour moi. Quelle direction dois je prendre à la vue de tant de travail accompli ? Puis je prétendre vouloir poursuivre dans le même sens ? Nous avons vu dans l’histoire mais aussi durant cette exposition que chaque mission consécutive s’est réinventée. De 1851, ou l’objet photographique est en train d’être approprié pour une oeuvre de recensement. Jusqu’en 2014 ou la commande est autonome et indépendante, ou l’image est encore en construction avec une quête sans fin de style. Donc les commandes ont un sens commun, mais changeant le contexte et la forme des réponses. Ces formidables regards peuvent se targuer restituer la merveilleuse complexité de l’espace. Au travers ces regards sur le paysage, le paysagiste peut s’en inspirer ou lire autrement que par lui même son environnement. Il doit à mon sens s’en saisir, soutenir ce qui a été fait et rebondir.


PAYSAGES FRANÇAIS : UNE AVENTURE PHOTOGRAPHIQUE 1984 - 2017

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Etant donné la subjectivité du travail photographique il est normal qu’il

Lewis Baltz I Gabriele Basilico I Elina Brotherus I Thibault Brunet I Stéphane Couturier I Thibaut Cuisset I Raymond Depardon I Robert Doisneau I Valérie Jouve I Mickael Kenna I Dolorès Marat I Bernard Plossu I Cyrille Weiner...

puisse formuler un avis personnel, plus influencé par son métier peut être ? Je ne crois pas, justement son métier l’influence à prendre le parti de tous. Le photographe qui parle au nom de lui, et saisi les enjeux des autres champs de métiers. Le

une aventure photographique 1984-2017

paysages français

Paysagiste fait de même. Autour de l’habitant, du technicien… Alors que chacun parle toujours avec sa partie professionnelle. Un point commun est là avec le photographe. Mais il ne doit jamais perdre de vue

exposition François-Mitterrand, Paris 13e 24 octobre 2017 4 février 2018 bnf.fr

Cyrille Weiner, série « La Fabrique du pré » 2004 2014 Le cheval de trait de Roger des Près sur le Grand Axe, Nanterre 2008 Collection particulière © Cyrille Weiner / BnF, délégation à la communication I impression Stipa

la table il prend le parti de l’élu, de

Dans le cadre de Paris Photo 2017

qu’il transforme, dans l’intérêt de l’Humain. Et ce, en quête d’habiter le territoire. Il me semble que cette exposition atteint une fin similaire. Elle oriente les choix futurs de transformation de l’espace. Son impact est d’autant plus grand quand elle est vu par des professionnels de l’aménagement. A la vue du travail des missions, j’habiterai différemment un territoire exposé. Après avoir regardé le passé ou la complexité contemporaine, un visiteur qui n’est pas dans la discipline de l’aménagement, n’est il pas encouragé de rencontrer ces lieux exposés ? De poursuivre peut être son propre observatoire des paysages. N’est-il pas plus curieux ? Vit-il d’avantage en considération du passé ? Les réactions de chacun a un travail aussi large, sont j’imagine très diverses. Territoire. Lieu. Curiosité. Passé. Ce sont des mots que la discipline du paysage emploi pour se définir. Nous essayons d’encourager ces notions auprès d’un public. C’est bien la une volonté de construire en chacun la pratique du paysage.

Plaquette exposition Paysages Français : Une aventure photographique 1984 2017


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«L’EMPAYSAGEMENT» PHOTOGRAPHIQUE

J’emploie pour définir mon métier de Paysagiste Concepteur les images de certains photographes, mes images photographiques, des croquis, des plans… Mais le regard porté par d’autres sur notre matière qu’est le paysage, simplifie, et aide au discours. Les Paysagistes dans leur quête d’identité se confrontent à une difficulté à réunir la diversité des pratiques du métier dans une définition. Une partie du moins est exprimée dans l’exposition Paysages Français : Une aventure photographique 1984-2017. À Pompidou l’exposition sur Bernard Lassus, au travers, de la biographie d’un homme a contribué à médiatiser notre discipline. Les agences de conception par leurs projets véhiculent aussi des images. Je crois que les Paysagistes sont en quête de nouvelles façon d’exprimer la complexité de leur travail avec en but final que le paysage apparaisse comme une évidence auprès de chacun. Qu’il transparaisse dans les actes des individus, à chaque échelle. Qu’il anime une pensée d’appartenance. Et bien entendu que le paysagiste soit appelé d’avantage à transformer, car nous sommes au service d’un monde meilleur. Comment les paysagistes interagissent avec le médium de la photographie ? C’est une manière efficace de communiquer, mais les paysagistes eux même la maîtrisent elle ? Ou sont ils obligés de faire appel à des photographes ? Une photographie célèbre, iconique est elle une mise sous cloche ? À l’inverse une image provocatrice un coup de pioche ? La photographie peut elle agir sur la transformation de l’espace ? Exposition virtuelle : http://expositions.bnf.fr/paysages-francais/index.php#introduction Catalogue de l’exposition : BERTHO, Raphaële (dir.). Paysages Français. Une aventure photographique 1984 à 2017. Paris, BNF EDITIONS, 2017, 292p.


PAYSAGES FRANÇAIS : UNE AVENTURE PHOTOGRAPHIQUE 1984 - 2017

Sources : AraGo : le portail de la photographie. www.photo-arago.fr DATAR : http://missionphoto.datar.gouv.fr Gouvernement, Ministère de la cohésion des territoires : http://www.cohesion-territoires. gouv.fr Bibliothèque Nationale de France (BnF), Paris : http://expositions.bnf.fr

Pour trouver d’autres missions photographiques je vous invite à vous rendre sur ce site de la BNF : http://expositions.bnf.fr/paysages-francais/missions.php

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L’ESPACE DE LA CHAMBRE ENTRE LES MAINS DU CONCEPTEUR


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QUAND L’ART INFLUENCE L’AMÉNAGEMENT Aux Etats Unis, la FSA et son département photographique étaient des outils d’aménagement pour le président Roosevelt. Pendant une Amérique en crise, les mesures agricoles proposées par le gouvernement sont appliqués plus facilement à la vue des images de Dorothea Lange et Walker Evans pour ne citer qu’eux, qui incarnent les conditions déplorables des agriculteurs américains dans les années 1930. Au même moment les images spectaculaires de Ansel Adams (1902 1984) n’avaient pas cette même ambition. L’esthétique de l’image du grand paysage a soutenu l’extension des Parcs Nationaux crées plusieurs décennies auparavant. Nous devons toutefois l’idée de départ de mise sous cloche à un peintre passionné du territoire sauvage et des indiens : George Catlin (1796 1872). William Henry Jackson (1843 1942) en 1870 accompagna le biologiste Ferdinand Vandiveer dans une expédition au travers le Wyoming, le long de la Green River jusqu’au Nord vers les lacs de Yellowstone. Les images photographiques de William furent les premières publiés du site. En partie du à la force de ces images, la zone devînt le premier parc National Américain en mars 1872. Nous noterons également le travail photographique de Ansel Adams et de Susan Thew pour agrandir le Sequoia National Park en Californie. Ce fond photographique sur le parc (le plus grand encore à ce jour) contribua à la création du Kings Canyon National Park en 1940. Notons notamment que Ansel Adams au sein du groupe f64 contribueront au « fine art photography » qui visait à dépasser la photographie


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L’ESPACE DE LA CHAMBRE, ENTRE LES MAINS DU CONCEPTEUR

picturale et de la désigner comme art par les attributs qui lui sont propres. Esthétique : Chez Kant (esthétique transcendantale) : partie de la Critique de la raison pure, qui détermine les formes a priori de la connaissance sensible. (FOULQ-ST-JEAN 1962). Qui répond à des exigences ou à des lois de beauté. Source Trésors de la langue Française

1923 susan thew Sequoia National Park, California

La spectacularisation des paysages Américains au travers notamment la peinture et la photographie a traversé les océans pour être apprécié des Européens. Avant guerre puis pendant les conflits ces mythiques images ont influencé des populations à migrer vers les états Unis. Happées par cet environnement merveilleux, sauvage et beau. Quantité de familles se sont logées sur le sol américain nécessitant un urbanisme rapide et parfois largement critiquable. Il sera en effet reproché plus tard en 1975 avec la New Topographics. Mais c’est bien plus tard que la réflexion de l’exposition portera. Le travail de recherche photographique, se fait par l’enregistrement de documents sous forme de série. C’est un art conceptuel qui se focalise sur le parcours de la société de consommation, sur ces routes et architectures


QUAND L’ART INFLUENCE L’AMÉNAGEMENT

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ordinaires encore jamais représentés. Ceci fournira la base de la recherche photographique contemporaine. l’Art conceptuel apporte une réflexion sur les espaces des Etats Unis altérés par l’Homme. Grâce à la représentation de lieux défaite de toute esthétique et d’affect. La critique et le questionnement s’opère plus aisément.

Dan Graham Homes of America Bayonne New Jersey 1965

En amont de la New Topographics, comme inspiration. D’autres reproches de l’aménagements et du milieu urbains naîtront avec les photographies de Dan Graham exposés en 1966 au Finch College Museum of Art à New York. La série nommée « Homes of America » représente une architecture sérielle de lotissements. Le photographe apporte une matière visuelle au débat déjà en cours sur cette façon de vivre l’urbain. Destiné à un magasine


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prestigieux comme Esquire, c’est Arts Magazine qui à la fin de l’année 1966 publia une version mutilée du travail de Dan Graham, avec des images en retrait par rapport au texte. Toutefois l’impact sur la réflexion suffira faire avancer les esprits critiques et pour encourager le photographe de continuer à expérimenter la médiation de ses réflexions grâce aux techniques du photo-journalisme. Quelques années auparavant en 1963 Edward Ruscha publie son livre « 26 Gasoline stations ». Qui sur le même front d’une critique conceptuelle avant-gardiste, se focalise sur une série de stations à essence dans les villes. Aucun être vivant n’est présent dans ses cadrages, et le rapprochement est fait avec les 14 stations du chemin de croix. Le livre était mal reçu à sa publication. Il fut acclamé rétrospectivement dans les années 80 comme le premier livre d’artiste moderne. Cette série à porté un regard autre sur l’évidence d’un urbanisme au service de la mobilité. Et a du contribuer aux réflexion d’aménagements par des images dépourvu pour la première fois d’affect et d’esthétique. La photographie a donnée à voir et à réfléchir cet équilibre précaire entre conservation et exploitation du territoire. Notre profession de Paysagiste en France s’est construite en parallèle de ses missions photographiques. 1976 marqua la création de l’Ecole du Paysage de Versailles, la première en France. 10 ans plus tard les premiers aménageurs cotoyent la mission de la DATAR. Il verront également la seule exposition des travaux des photographes en 1985 au Palais de Tokyo. Les paysagistes se sont inspirés des regards portés sur le territoire Français. Mais ont également du se construire une identité alors que des photographes jusqu’alors « descriptifs » commencent pour l’Etat à s’engager pour un territoire et à expérimenter le paysage. L’espace aux yeux de l’aménageur comme du photographe apparaît comme une question de notre temps, avec la montée des problématiques environnementales, des questions politiques avec notamment la construction européenne et le remaniement des frontières. Les discutions sur l’aménagement du territoire sont sur la table


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QUAND L’ART INFLUENCE L’AMÉNAGEMENT

entre représentation et réalisation. L’un influence l’autre dans sa pratique. A ce moment avec la DATAR, La photographie est un outil politique pour le gouvernement de Mitterand, Le dessein étant d’essayer de pallier les déséquilibres du développement du territoire national. En 1992, Les Observatoires Photographique des Paysages7, créent un état

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des lieux photographique. Qu’il met en relation directe avec des archives

phique des paysages :

photographiques existante. Un même cadrage a deux temporalité peut

paysages.fr

constituer le point de départ d’un suivi précis de l’évolution de ce territoire, puis influencer les direction que prend l’aménagement. C’est une portion de temps et d’espace capturé, conçue pour être mise à côté de ses paires futures et passées. Après discussion avec Pierre Enjelvin, nous pensons qu’il serait intéressant de comparer plusieurs observatoires, conduits sur plusieurs sites différents. Prenons pour exemple le périurbain de Marseille pour le comparer avec celui de Paris. L’évolution au court du temps sur ces deux sites est elle similaires ? Les mutations sont elles si différentes ? Ainsi mesurer les évolutions du paysage en plusieurs lieux sur une temporalité, fourni un discours pertinent pour l’aménageur, et peut l’aider à comprendre comment ailleurs des enjeux similaires se traduisent. Alexandre Petzold (diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles ENSP en 1994) qui est devenu photographe auteur après avoir été paysagiste conseil en CAUE. Fût appelé par Henri Bava de l’agence TER pour conduire des prises photographique en amont du projet du parc du Peuple de l’Herbe à Carrières-sous-Poissy. Cette double étiquette d’Alexandre Petzold et je cite Henri Bava « facilite grandement les liens entre nous ». Donc c’est une commande de la part d’un paysagiste, pour récolter un regard photographique sur comment se construit le projet. Alexandre a produit des images avant et pendant le chantier, mais aussi une fois le projet réalisé et fréquenté par le public. Une lecture transversale extérieure au paysagiste qui n’existe pas si ce dernier ne fait pas appel à un photographe.

Observatoire photograhttp://observatoiredes-


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Au delà de ce qui a été fait, Il me semble que Henri Bava, et son agence ont en leur possession un outil critique sur comment le projet s’est matérialisé, et peuvent faire évoluer leur pratique pour améliorer le processus. Puis l’on peut imaginer, que le processus du projet doit être impeccable pour q’une personne extérieure à l’agence y consacre un travail aussi fourni. C’est un encouragement de plus pour mieux conduire un projet, quand quelqu’un suit spécifiquement ce que le concepteur réalise. Alain Marguerit auparavant avait fait de même avec Gérard Dufresne pour un suivi photographique du chantier de la Duchère à Lyon. Il soutient par ailleurs une expression de la temporalité longue du projet au travers ces images prise à différents intervalles de temps (sur 4 ans) . Nous offrant une lecture des chantiers afin de mieux comprendre l’intention du concepteur. Puis afin d’étudier pour le concepteur le paysage éphémère. Bien que la photographie de projet de paysage existe au moins depuis le début du XXe siècle, avec notamment les photographies des parcs de Sceaux, Versailles et Saint-Cloud réalisées par Eugène Atget. La photographie a accompagné plus tard la discipline dans sa construction : Gérard Dufresne et Alain Marguerit ont contribué à construire la nouvelles image du paysagiste qui n’est plus « jardinier » mais revendique désormais un statut de concepteur à l’échelle urbaine, voire territoriale. L’image s’est donc révélée exhaustive dans sa capacité à exprimer simplement un champ disciplinaire et ses outils. Puis à apporter un regard critique au Paysagiste autant dans son travail que dans la manière de se présenter. A l’échelle du Plan paysage, avec l’exemple du Lauragais. Gérard Dufresne est intervenu sous la commande d’Alain Marguerit en amont de la réflexion sur ce territoire projet. Il apporta même les clefs de lecture de celui ci, conditionnant par la suite les décisions de Alain Marguerit et des élus sur le territoire. Concrètement, l’exercice de commenter les images apporte au paysagiste son argumentaire. Il assied également une image mentale commune entre le concepteur et les acteurs. La photographie aide à cette gymnastique d’imaginer les évolutions futures de ces paysages.


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QUAND L’ART INFLUENCE L’AMÉNAGEMENT

Eugène Atget Versailles le château fin octobre un soir d’orage vue prise du Parterre du Nord 1903

Photographie du Lauragais,

2003.

Projet

de Plan Paysage commande passée par Alain Marguerit.Photographie de Gérard Dufresne


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Sonia Keravel énonce une co-production du projet de Paysage, qui n’a au regard de la commande pas lieu car elle est passé auprès d’un paysagiste et 8 KERAVEL, Sonia. Quand la photographie se mêle du projet de paysage, Gérard Dufresne et Alain Marguerit, trente années de collaboration. dans POUSIN, Frédéric. (dir.) KERAVEL, Sonia. LOZE, Marie-Hélène. Photopaysage, Débattre du projet de paysage par la photographie. Paris, Les productions du Effa, 2018,

lui seul. L’initiative de faire appel au photographe vient du paysagiste8. De même qu’un projet peut s’appuyer sur les travaux d’un observatoire photographique. Est ce un critère pour une qualité de projet de paysage in fine ? En tout cas ces exemples pour ne citer qu’eux encouragent l’idée que l’art peut influencer et apporter à l’aménagement. Je pourrai mentionner ici bien que je ne sois pas encore aménageur, l’impression que m’a fait l’exposition de la BNF, Paysage Français : Une Aventure Photographique. Qui m’à apporté comme je l’ai mentionné dans mon enseignement d’aménageur. Nul doute donc que par la suite pratique paysagiste par la réalisation et pratique photographique par la représentation s’entremêleront, puisqu’elles ont partagé dans le passé une volonté de porter un avis sur l’espace. Une question pour plus tard serait, l’art doit il influencer l’aménagement ? Enfin je défend l’idée que oui, puisque je souhaite que la photographie influence ma pratique de l’aménagement. Sources : U.S. Department of Interior https://www.doi.gov National Park Service : https://www.nps.gov BNF : exposition Paysage Français : Une aventure Photographique Conférence de Rozenn Canevet à l’école du Paysage de Versailles le 5 avril 2018


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REPRÉSENTATION RÉALISATION DEUX PRATIQUES LIÉES

Parrallèle du processus de projet et de celui de l’image


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Je commencerai par l’enseignement, à l’école, là où la pratique de la discipline du paysage s’enseigne en empruntant des outils pédagogiques. Afin de donner à comprendre et à s’approprier le projet de paysage. L’enseignement de Michel Corajoud à l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles, s’appuie sur le processus de construction de l’oeuvre d’art, son discours, sa médiation et enfin son expérimentation, l’ensemble est comme une méthodologie pédagogique pour les étudiants de comprendre un cheminement possible du projet de paysage. Vous avez vu un schéma de recherche d’un lien entre processus du projet et celui de la photographie. On s’aperçoit que là encore la photographie dans sa pratique et sa construction emprunte des étapes communes à celle du projet. Mais constitue un parallèle d’autant plus fort qu’elle peut être pratiquée au sein même du projet. Des pratiques photographiques en lien avec le projet de paysage m’ont été introduites le 13 décembre lors de la table ronde « la photographie dans le projet de paysage » à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine. La photographie comme avant projet, en état des lieux. Comme lecture au travers le temps des étapes du projet (initial/chantier/projet). Comme outil de dialogue avec les acteurs locaux. Comme identité visuelle d’un projet et de son agence. Comme illustration d’une intention future. La photographie archive, et documentaire. La photographie a de nombreux usages en rapport avec le projet. Le médium possède même des moments identifiables en parallèle du projet. POUSIN, Frédéric. KERAVEL, Sonia. LOZE, Marie-Hélène. Les temps du projet au prisme de la photographie. Programme de recherche ANR Photopaysage, Octobre 2017

En effet, et je m’appuie sur Les temps du projet au prisme de la photographie écrit par Frédéric Pousin, Marie-Hélène Loze et Sonia Keraval qui est mon encadrante pour ce travail. Où plusieurs temps y sont identifiés correspondant à où l’image peut intervenir dans la démarche de projet. Premier contacts, Raconter le site, Préfigurer, Le chantier, L’icône et Re-photographier. Je vous invite donc à consulter ce travail. Je vous propose ici une reprise des étapes de cette publication, et d’y insérer d’autres références personnelles :


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Table ronde « la photographie dans le projet de paysage » à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine le 13 décembre 2017. Avec de gauche à droite MATHE, Aude. (modératrice) PETZOLD, Alexandre. BAVA, Henri. POUSIN, Frédéric. KERAVEL, Sonia. GOZE, Jérôme. BLANC, Emmanuelle. (https://www. citedelarchitecture.fr/fr/ evenement/la-photographie-dans-le-projetde-paysage)

Ouvrage : POUSIN, Frédéric. KERAVEL, Sonia. LOZE, Marie-Hélène. Les temps du projet au prisme de la photographie. Programme de recherche ANR Photopaysage, Octobre 2017


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Suite aux interview de paysagistes et de photographes: Capter photographiquement aiderait à retenir un site dans sa mémoire. La photographie prise de notre serait l’outil rapide de captation d’un site dans sa complexité, puis une aide à le synthétiser mentalement. Cependant, Le premier contact avec le site est différent entre les deux disciplines. Le paysagiste conduit souvent des images à sa première confrontation au site, alors que le photographe laisse des fois l’arpentage à ce qu’il est. Puis reviens photographier avec plus de connaissance du lieu. Cette inversion est surement due à la finalité de chaque travail. Dans bien des cas le paysagiste ne passe pas beaucoup de temps à produire des images, mais un projet s’appuyant dessus. Et le temps du photographe est alloué à des photographies en tant que tel. Ce qui est intéressant ici est la différence entre les captations photographiques des deux disciplines sur un même terrain. Puis en quoi ils différent selon le premier arpentage et le retour sur site. En quoi la photographie peut elle aider à mieux connaitre un site ? Peut on prétendre pratiquer pour les paysagiste le temps long de recherche de points de vus essentiels plutôt qu’un temps rapide de prise de note photographique ? Puis ce que ma finalité de captation est ici de la recherche. Je suis plus libre. Comment sera ma première rencontre avec le site ? Je pense photographier des le départ. Pratiquer ce que font la plupart des paysagistes et certains photographes. Toutefois, je conduirai plus tard une autre phase de travail de retour sur site afin de comparer et rebondir sur les productions d’images antérieures. En effet je pense apporter l’appareil photographique avec moi dans un soucis de capter l’histoire de ma rencontre avec un site. L’objet photographique faisant partie de cette histoire. Mon travail sur l’intuition in situ avec Alexandre Galvez lors de l’atelier d’art plastique « Vous avez dis mémoire ? », m’a fait réaliser à quel point l’on observe un site différemment lorsque l’on s’y rend pour faire des images où non. Reste cependant la question du bénéfice de cet objectif dès le départ. Peut être faut il se rendre in situ tel un candide afin de mieux le voir ? Se laisser porter par l’existant, les forces en place. Pour ensuite mieux le raconter aux autres.


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DOISNEAU, Robert. La descente à l’usine, Saint Denis 1946 « La Photographie est un acte de présence. » BARTHES, Rolland (Philosophe) : La Chambre Claire. Mais également acte de sa présence sur un lieu. Je mentionne avec retenue cette photographie dans la partie Premier contact. Puisque celle-ci poursuit au delà et Raconte le site. La descente à l’usine est un exemple parmi tant d’autre de transversalité du sens de l’image vis à vis d’un projet de paysage. Nous pourrions penser et pratiquer la photographie comme un raccourci, toutefois il se peut qu’elle tisse des liens avec d’autres étapes du projet. Etant d’une grande richesse à la compréhension et à la médiation de celui-ci.


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PUGIN, Jacques. #12 graffiti rouge 1984 Une série de photographies dont les traits se laissent dessiner naturellement. Le vent, l’eau poussent des bougies sur de petites assiettes flottantes. Et nous donnent une photographique sensible du lieu. Un contact premier avec les forces en place. Une manifestation visuelle de l’invisible. Le premier contact avec le lieu doit faire usage des sens. Est ce que l’aura du lieu est captée avec ses sens lors du premier contact ? Je suis réceptif de ce travail, pourtant après un échange avec Jacques Pugin, ses réflexions pour cette série étaient trop orienté sur l’esthétique et non pas ce que cela pourrait suggérer.

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Raconter le site, permet de construire cette image mentale commune. D’ajuster les regards les uns aux autres sur le partage de cette première rencontre avec le site. Le partage est un des attributs de l’image photographique. Cependant elle doit parfois se voir coupler de commentaire afin d’expliquer ou d’ouvrir. Ce sont des lignes écrites ou orales choisies par la personne ayant conduit les images. L’image déclenche en revanche chez les spectateurs d’autres remarques, entrainant le dialogue. Donc nous sommes en face de l’emploi de deux médiums parallèles en quête de se rapprocher le plus possible d’une volonté de raconter un regard sur un site. Peut on en employer d’autres ? Chaque médium comporte des compromis, plus ou moins évidents selon les compétences de chacun. Le tout est toujours de garder à l’esprit le dessein final, qu’est la construction d’un récit. Ceci pouvant tout à fait dépasser l’image photographique, et constituer un travail de série d’images. Le travail de l’agence Bas Smets propose 24 images par projet, accrochées ensembles elles assumes par leur nombre un parallèle avec le cinéma et le mouvement dans les images, ce car les images cinématographiques sont souvent filmés en 24 i/s (images par secondes). Le travail de Catherine Mosbach et ses superpositions d’images avec différentes opacité raconte là encore grâce à ce qu’il y a dans l’entre deux. Je ne crois en rien que de simplifier à une image photographie peut réduire le temps de travail total mais, peut on exprimer un mouvement narratif d’un lieu dans une seule image ? A creuser.

UDO, Nils. Maisons d’eau, Mer des Wadden Cuxhaven, Allemagne, 1982 Avec cette série d’image, Nils Udo donne à voir une marée qui s’affranchi des lignes et formes de tiges végétales. La symétrie du reflet et les ombres portées disparaissent, au profit d’ondulations et d’une uniformisation du socle, laissant imaginer une forme d’apesanteur. Tout comme les observatoires photographiques. Une série avec un cadrage unique, recentre le récit sur l’épaisseur de temps entre des photographies.


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STOFLETH Bertrand et MATHIEU Geoffroy Paysages usagés : Observatoire photographique du paysage depuis le GR2013, commencé en 2012 Provence-AlpesCôte d’Azur. Avec pour exemple le GR 2013, raconter le site est parfois déjà un objectif du projet. Geoffroy Mathieu faisait partie des 9 artistes à l’origine de la création du tracé du GR 2013. Le travail d’observatoire photographique contribuait à illustrer les intentions de devenir touriste de son propre territoire. Faire l’expérience des infrastructures lourdes à pied. Et donner à lire des enjeux de paysages.


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FRIEDLANDER, Lee. Idaho, 1972 L’étendue plate des champs de l’Idaho se poursuit à perte de vue. La ligne d’horizon est similaire devant, à droite, à gauche et derrière soi. Un attribut du site qui se doit d’être raconté pour donner à comprendre l’essence d’un tel paysage. Le miroir du rétroviseur révèle l’immensité de ce paysage. Dont l’arpentage ne peut se faire qu’en véhicule. Lee Friedlander a d’ailleurs expérimenté les Etats Unis à l’apogée de la voiture au moment ou les infrastructures se sont pliés pour répondre à tout usage du point de vu de celle-ci. Citation de BALTZ, Lewis. : « Lorsque vous êtes prêt à faire une photographie, retournez vous »


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80 DOISNEAU, Robert. Lapin grignotant l’herbe du Champ de Mars, 1941 Raconter un site ne doit parfois pas se contenter d’exposer sa spatialité. Il faut donner à lire le contexte. Comment le Champ de Mars est vécu est ici un raccourci donnant à voir un pays sous l’occupation. les tickets de rationnements bien insuffisant ne comprenait aucun extra. Cet homme vient nourrir son lapin de l’herbe du Champ de Mars. Notons que le titre et la date sont des mentions clefs ici pour comprendre.

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La Préfiguration du projet est l’étape de projection de soi même et d’autres dans l’espace et l’avenir. Souvent au moyen de visuels numérique ou de dessin pour des projets d’aménagement de parcs, nous constaterons que la plupart prennent pour base de construction l’image photographique. Peut être existe-t-il autant de façons de préfigurer que de projets possibles. Mais jusqu’où ce besoin de transformer la photographie de l’existant pour en faire un visuel du projet, doit il transformer l’image de départ ? Peut on faire du visuel projet avec des vues de l’existant ? Et est-ce une façon d’illustrer dans son intention : le construire avec l’existant ? De poursuivre dans le sens du site puisqu’il proposerait déjà aujourd’hui des vues projet. Ceci est un exemple précis, toutefois l’image photographique semble être un outil complet permettant le partage des nombreuses échelles de complexité de cette étape du travail du paysagiste. Un exemple illustré dans la plaquette pédagogique est le travail d’Alexandre Petzold au parc du Peuple de l’Herbe. Pour l’agence Ter. Certaines images anticipent les changements à venir. Là est une véritable compétence de la

CUISSET Thibaut itinéraire numéro cinq département des Côtes-d’Armor Pléneuf Val André reconduction des prises de vues par Max Grammar 1996 2009


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KLEIN ,William. Tirages sur panneaux de bois mobiles. Photographisme : Centre Pompidou Je connaissais très peu d’images photographiques qui n’ont aucun rapport au lieux. C’est le cas des impressions lumineuses de Wojciech ZAMECZNIK. Et c’est aussi le cas de William Klein avec ses impressions lumineuses obtenues par des pochoirs en carton qu’il bouge devant le papier photosensible. Il n’y a d’ailleurs même plus d’appareil photographique. William en revanche met en relation ses tirages dans l’espace à l’aide de grand panneaux de bois de 3m de haut. La maquette est une préfiguration. Citée ici, celle de William Klein pour faire figurer ses captations de lumière grand formats sur panneaux de bois modèle réduit 1/10 (30cm pour 3m). Comment interagir dans l’espace, comment l’échelle du corps côtoie celle de l’oeuvre future. PHOTOGRAPHISME. KLEIN, IFERT, ZAMECZNIK - CENTRE POMPIDOU » JENSON, Ken. Etat de New York 1970 Préfigurer, est bien un art d’agencement, dans une image d’une volonté portée sur un lieu. Dans ce cadrage de Ken Jenson, Est-ce simplement la préfiguration dans la mer d’un bateau encore en construction ? Ou bien d’une volonté de naviguer ? Ou peut être celle de se projeter, de se voir dans l’immensité d’un océan. Le bras serait un peu comme une perche à selfie. Nous sommes peut être avec le photographe déjà sur ce bateau. Préfigurer doit peut être user de l’abstrait pour laisser imaginer. Laisser parfois le spectateur se préfigurer lui même.

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personne conduisant cette image, de percevoir les changements futurs et de les mesurer avant qu’ils existent. De donner à voir le changement de relation à l’espace de ces éléments projets. Parfois la surprise illustre un autre propos. Comme la série « itinéraire n°5 » de Thibaut Cuisset dans les côtes d’Armor. La surprise n’est pas pour le photographe mais bien pour l’observateur. Une maison en construction rempli le cadrage de l’image. Effaçant rapidement l’horizon. Entendons nous bien, la surprise peut être aussi une part de la préfiguration. Donner à voir une direction du site peut conforter la décision d’en prendre une autre.


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Le chantier est le moment ou l’espace connait une période de transition. Un moment ou le projet futur apparait au fur et à mesure. Au grès de formes transitoires. Pour certains un moment rare de relation physique avec le projet. L’étape du chantier est elle également présente dans le processus de construction des photographies in situ ? Le paysagiste construit à cette étape du projet des archives visuelles, constitue une mémoire de cette situation éphémère. Crée la preuve juridique d’une malfaçon. Mais ce moment n’est pas sans une certaines poésie, un récit autre que par exemple Alexandre Petzold illustre lors du suivi de chantier du parc du peuple de l’Herbe par l’agence Ter avec la série La danse du bourdon en mars 2014. Une chorégraphie de la construction, une

Alexandre Petzold la série « La danse du bourdon » parc du peuple de l’Herbe Carrières-sous-Poissy mars 2014


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scène qui tire peut être sa beauté de son caractère éphémère. J’apprécie ce statut, cette beauté du changement, j’éprouve presque un besoin de figer la liquidité de ce qui se dessine peu à peu devant moi afin de mieux le saisir. De répertorier le vocabulaire de ce qui pour moi fait le chantier, afin plus tard peut être de jouer avec. Je pense aux jardins de l’île Seguin notamment ou s’est exprimé ce besoin de me construire des images de la relation d’un site en transformation pour autant « ouvert » au public et sa relation à l’extérieur. Je n’ai pas eu la chance comme Alexandre Petzold de me rapprocher des ouvriers, le parc comme ces images en atteste ne le permet pas. Expérimenté également aux Jardins des Tuileries, le paradoxe contribue au récit de la promenade. Pourtant là est le moment de découvrir un « artisanat » des métiers de la construction, de rencontrer ces personnes vivant la transition au quotidien. Comme Manon Gambin faisant figurer pour France(s) Territoire Liquide dans son projet d’images d’autoroute (Entre Deux Lieux) un anachronisme entre l’Homme bâtisseur et son rapport ou non au lieu au travers cette image.

Marion Gambin Entre 2 Lieux Autoroutes A1, A16, A4, A13 - Normandie Picardie - Île-de-France


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Jardin des Tuileries 23 mai 2017 et Jardins de l’Ile Seguin 9 janvier 2018 William Brindel


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Souvent un projet est associé à une image emblématique. Une Icône qui par son sens, son esthétique convient d’être retenue pour illustrer à distance un projet. De le rendre accessible à d’autres. De témoigner de sa qualité. Pourtant la médiation peut parfois entraîner la création d’images qui dépassent même l’esthétique du sujet de départ. Gérard Dufresne y parvient avec la Place de la Comédie à Montpellier faite par Alain Marguerit en association avec Gilles Vexlard et Laurence Vacherot. Ou bien La couverture de la revue Pages Paysages. Projet de Jacques Coulon et Linda Leblanc paysagistes, à Saint-Valéry-en-Caux. Toujours photographié par Gérard Dufresne. Au parc des Etangs Gobert réalisé par l’agence de Michel Desvigne, passez le long pour rejoindre la gare sans pénétrer le réservoir, et vous appercevrez un grand panneau explicatif avec une photographie de l’intérieur, comme un appel à voir, une forme d’icône du projet. Malgré le fait que j’ai fait l’expérience de ce parc et même conduit un travail photographique dessus. Cette image, accroché là aux côtés du parc fige une scène en été, d’un homme grimpant les parois du réservoir sur l’un des escaliers en caillebotis. Et constitue une icône pour moi de ce lieu. Je me questionne ici du rapport aux images du lieu accrochées dans ou à l’extérieur de celui-ci.


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Entrée nord des Etangs Gobert, Versailles. Panneaux à l’entrée du parc. 18 mars 2018

Emanuelle Blanc architecte DPLG de formation et membre du collectif France territoire Liquide a produit l’identité visuelle de l’agence PAULA (Nathalie Lévy et Alice Rousset) par des images du projet du Square Fourier, ZAC du Port à l’Anglais à Vitry. Vous voyez d’ailleurs sa fille dans cette l’image, lors d’une promenade. Emmanuelle Blanc appose dans cette photographie un mouvement du corps dans l’espace aussi spontané soit il que celui de l’enfant. Une vérité indéniable, que celle de l’enfant qui joue. Une vérité sur l’usage du square.


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BECHER, Hilla, Bernd. Série : Châteaux d’Eaux 1972-1986 La série documentaire sur les châteaux d’eau, au même titre que les architectures industrielles Allemande, ont donné un regard puis une valeur des édifices non considérés jusqu’alors comme un témoin d’une époque. Je retiendrai qu’il me faudra peut être éprouver de l’obsession envers un même sujet pour répondre à mes questionnements. Est une démarche sculpturale ? Une mise en relation d’une sculpture dans son paysage. Cette architecture est devenue iconique des Becher et d’une époque.

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Re-photographier. Comme une validation du projet, les Re-conductions photographiques témoignent du passage de l’usure du temps sur un espace ou un projet. Donnant raison à leur forme et leur sens ou illustrant des surprises négatives. La temporalité conjure le rapport d’un espace aux saisons, aux usages pendulaires… Et nous donne donc à voir sa complexité d’un point de vu subjectif à un stade ou tous peuvent désormais vivre cet espace à leur manière. Il est intéressant de constituer à ce moment une retrospective d’images avec celles des étapes précédentes, la série obtenue pourrait elle se targuer de couvrir au mieux l’histoire complexe et tumultueuse du projet. L’accrochage, l’impression et la disposition constituent également pour ces images « finales » une large part du propos. Ce qui me revient à penser à la mise en abîme d’une images photographique au sein même d’un projet. Un art dans l’autre. Une mise en abîme d’un sens passé que le temps a jugé juste. Et ou chacun s’appropriait peut être d’avantage le projet, une discipline, le paysage. Le projet doit il s’auto suffire ? Ne pas employer des images incité pour compléter son intention, être suffisamment clair en l’état ? Enfin l’étape de la Re-photographie conduit vers l’appropriation plus généralisé, le lâcher prise, et l’encouragement que d’autres conduisent à leur tour des images photographiques.

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WINOGRAND, Garry. Exposition Universelle, New York 1964 Garry Winogrand dans un contexte euphorique, une époque en plein changements. Agit comme un témoin. Il capture des instants dans des lieux. Qui sont aujourd’hui d’une richesse à lire. Nous nous imprégnions d’une époque avec son code vestimentaire, et l’attitude des figurants. Puis nous lisons un espace. Central Park et ses longs bancs, de grandes pelouses fréquentés par moins de monde. Des allées passantes au contact d’un mur de fontaines rafraichissantes. Ceci devait au moment de l’image être d’une banalité étonnante. Cependant la composition et l’histoire racontée font de ce quotidien un livre ouvert.

Richard Long Walking A Line In Peru, 1972 Je mentionne ici une oeuvre de Richard Long pour le travail d’image que certains Land artists doivent conduire. En effet le processus d’une oeuvre de Landart nécessite parfois une prise photographique pour immortaliser le travail. Car comme ici, la ligne d’herbe dessinée par le piétinement est éphémère. Cependant avant de prendre une photographie Richard long devait avoir une image mentale de son oeuvre. Cette ligne devait déjà lui apparaître avant de la réaliser et de prendre une image.

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Nous partirons du principe que la prise d’une image numérique aujourd’hui ne demande pas un temps considérable. Souvent la prise d’une image par le paysagiste se fait par un appareil à prise rapide, tel un smartphone. Dans le cas en revanche d’un travail plus poussé de recherche photographique, le paysagiste délègue souvent ce travail à un photographe. Bien que le regard extérieur d’un photographe apportera toujours au projet. Et je comprends parfaitement les motivations d’Alain Marguerit de faire appel à Gérard Dufresne ou bien d’Alexandre Chemetoff avec Edith Roux par exemple. Le médium ne peut il pas être un outil approfondi du paysagiste concepteur, aidant au dessein même du projet et a son accompagnement ? Une autre corde à un arc déjà bien fourni (dessin, vidéographie, peinture, maquette, écriture, rendus 3D)… « Un capteur en plus, largement insuffisant mais formidable. »9 Jean Christophe Bailly Henri Bava (Agence Ter) a cité durant la table ronde à la vue des images de Alexandre Petzold sur le parc du Peuple de l’Herbe : « La photographie redonne une ouverture vers le sensible et me fait quitter un moment les aspects techniques du projet. » Une mesure du sensible est en effet essentielle pour le succès de la greffe du projet dans son environnement. Qu’en pensent des paysagistes comme Alexandre Petzold, ayant fait le choix de quitter un CAUE pour se consacrer à plein temps à la photographie ? Peut on faire un travail d’aménagement par la photographie ? Ou change t on radicalement d’approche ? Gérard Dufresne : « Je suis le plus souvent tota-

9 BAILLY, Jean Christophe. Débat Manège IV « Paysage et Photographie » débat. Youtube, Versailles, 8 novembre 2012.


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lement libre et photographie avec mes propres perceptions et intuitions du projet. Il s’agit de commandes : je dois évidemment faire reconnaître l’idée 10 Entretien de Gérard Dufresne avec Marie-Hélène Loze et Sonia Keravel, avril 2016. Photopaysage

du projet mais je le fais sans démonstration.»10 Les mots de Gérard Dusfresne soutiennent la pratique comme une approbation d’un ressenti à l’égard du projet. Une surprise, un regard extérieur, une mise en orbite et une redécouverte pour le concepteur. Serait il important donc que le Photographe et le Paysagiste restent deux personnes distinctes ? J’encourage l’idée d’intégrer à la commande de projet de paysage l’intervention de photographes. Je formulerai toutefois mon intention de poursuivre dans cette recherche mon intuition d’une pratique du Paysagiste Photographe. L’image peut elle être employée par le paysagiste pour concevoir, alerter, Influencer ? Je pense que Jacques Simon est un exemple qui en acquiesce. Sous forme de collages, l’intention principale, maîtresse d’un projet, est représentée ici par une des qualités photographique qu’est la simplification. Son travail est autonome et frugal. Rien n’empêche de faire de même aujourd’hui. On peut dessiner sur une photographie. Autrefois des catalogues étaient religieusement conservés en vue de découper dedans toutes images utiles à annoncer l’idée future d’un projet. Au moyen rudimentaire de quelques mots ajoutés sur l’image et le visuel incarne une force explicite étonnante. Un peu au moyen d’un vignette de bande dessinée. Le couple texte image narre efficacement. Ceci est Un outil de formulation d’une intention de projet. Bien introduite, elle permet au concepteur comme au spectateur du projet de se familiariser avec le processus et de mieux rebondir sur la démarche. Je n’aurais pas le temps de cette recherche de travailler sur des images d’agences. Sans avoir à retirer toute intention esthétique dans la composition d’une

11 SHORE, Stephen. Leçon de Photographie. La Nature des photographies. Paris, PHAIDON, 2007, 111pages

image. La photographie attire des lors qu’elle plait à l’oeil. « L’image mentale »11 perçue en revanche peut être d’un autre registre. Choquer, alerter, provoquer…


REPRÉSENTATION, RÉALISATION, DEUX PRATIQUES LIÉES

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SIMON, Jacques. collage Lille 1967

SIMON, Jacques. collage Caucriauville 1971

SIMON, Jacques. collage Runcorn 1972


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Michel Desvigne cite ne pas aimer les photographies post-projets (Conférence au Pavillon de l’arsenal 10 mars 2008). Je n’ai malheureusement pas son explication. Est-ce car justement la perception mentale devant l’image d’un projet est pauvre à côté de celle générée lors du projet vécu ? Sommes nous plus apte à rêver dans le projet lui même que dans une image de celui-ci ? Peut être, mais la personne prenant l’image peut partager son imaginaire personnel dans le lieu à d’autres. C’est une médiation de la pensée quand l’image est maîtrisée. Michel Desvigne a peut être trop vu d’images « documentaires » sur ses réalisations, puis je ne connais pas non plus la pratique photographique du concepteur. Cette réaction m’a conduit à penser : Une capture du réel serait elle blessante à l’égard de l’imaginaire nécessaire pour concevoir un projet ? L’image photographique ne limiterait elle pas l’imaginaire du concepteur qui l’emploi ? Une question bien subjective, car en opposition Bruno Tanant dans son interview mentionne que la photographie pour dérouler les intentions du projet doit jouer avec la réalité. Elle peut employer le registre de l’abstrait facilitant une projection d’un imaginaire. Puis, Bruno Tanant ajoute qu’en effet aujourd’hui cette pratique de jouer avec le réel, n’est pas assez pratiqué. La photographie d’art est un médium populaire. Il est normale de la relier à notre idéologie, afin de communiquer sur des notions complexes comme le paysage. La NASA utilise la photographie pour capter des phénomènes spatiaux complexes. Rendre statique et visible ces manifestations physiques aide à leur analyse et leur explication plus générale. C’est pareil pour le paysage, une image vaut parfois mieux qu’un long discours. Je poursuis avec la NASA, qui soutient les démarches de certains artistes dans une quête de représentation des phénomènes complexes de notre univers encore non compris. La peinture, le son, le cinéma et la photographie sont des langages plus explicit que la science parfois pour défricher notre monde.


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U.S Geological Survey, Dunes longitudinale, parabolique des transversales du comté de Garces Mesa Coconino, Arizona, 35°39’ N; 110°55’ O. Echelle : 1/54000, 19 février 1954

ATKINS, Anna. Fougères de Ceylan, 1853 Exemples de photographies comme des outils de lecture scientifique.. Une rigueur et exactitude des proportions qui n’est pas celle de la main de l’Homme.


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Revenons au paysage. Nous prenons souvent connaissance des projets à travers l’œil d’un photographe, dont le regard participe au projet. Les images prises durant ou après le projet se doivent d’être aussi pertinentes que possibles. Car il se peut, qu’elles incarnent un jour la médiation de celui-ci. Des Paysagistes ont écrit sur la discipline du paysage Gilles Clément, Michel Corajoud pour ne citer qu’eux. L’écriture est une médiation extrêmement précise. Dans les écrits sur le paysage, peu détournent les textes d’un projet pour expliquer la discipline. Ce sont plutôt des articles spécialisés, ou des textes rédigés spécialement pour expliciter une idéologie. Ceci est, il me semble, du à la diversité des tournures de texte pour un contexte de présentation. Alors que l’image peu être exposé autrement, elle se rhabille de son contexte de communication. Ainsi pour aider au projet et faire avancer l’aménagement au même titre que l’écriture elle bénéficie d’un statut de langage. Mais elle révèle un attribut à pouvoir être détournée plus facilement et continuer à communiquer dans une autre approche. Un Language peut être plus transversal que l’écriture. Le rapport avec le public d’une image ou d’un texte n’étant des fois pas « le but en soi ». Les textes et les images apparaissent dans des ouvrages et revues comme des portions à des échelles différente du sujet. Une forme de métaphore de la gymnastique du paysagiste qui vacille entre les échelles. Un formidable attribut de l’image pour la première fois expérimenté en 1997 est le partage numérique sur internet. On peut imaginer glisser notre travail de concepteur dans l’espace numérique. Landezine par exemple répertorie des images de projets réalisés en mentionnant les grandes lignes. Est ce normal que ce soient des bénévoles qui font ce travail ? Nos photographies, nos enjeux. C’est un véritable travail que de simplifier un discours pour être publié et compris d’un plus grand nombre. Les architectes le font mieux que nous. En effet la communication d’un objet est plus facile que celle d’une somme de liens fluides. Peut être qu’il faut retenir qu’un graphisme fort du projet rend son partage plus aisé.


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J’ai depuis septembre 2016 crée une page Instagram. Mes abonnées adhérent à un contenu régulier de recherches photographique, sur différents espaces. Et souvent je propose un discours photographique sur des lieux. J’essaye de révéler leurs qualités plastiques, environnementales… qui peuvent être des moteurs pour des projets d’aménagement. Je ne prétend pas représenter notre discipline ou donner quelconque façon d’appréhender le paysage, mais simplement de donner à voir les richesses de l’espace qui se perdent sur internet. Donner l’envie de se coucher plus tard pour vivre une belle lumière, ou encore donner l’envie de passer dans un lieu qu’on n’avait jamais remarqué serait une victoire pour moi. Chacune et chacun possède un paysage à la sortie de sa poche. Mais il va de soi que l’expérience par le corps d’un lieu est divine à côté. Parfois la photographie peut être le moyen pour un groupe d’apprécier un paysage sans lui nuire. Si l’on constate un parallèle fort entre le projet de paysage et la photographie. Ou même les attributs de l’image par rapport au texte. Quels sont les caractéristiques même de l’image ? Quels sont les attributs de sa composition pour illustrer un discours ? Je vous propose ici de retracer rapidement quels sont les instruments dont dispose le photographe pour définir et interpréter un contenu. Bien qu’elle soit une illusion d’une fenêtre sur le monde, l’image est un objet physique, une épreuve sur papier, plate, statique, avec des bords et un cadre. Elle peut être vendu, conservée, reproduite. Elle a une dimension physique mais peut parfois prendre un aspect immatériel, numérique. Bien que plate ce n’est pas un plan. Le contexte dans lequel la photographie est vue influe sur le sens qu’on lui donne. En adoptant un style visuel le photographe peut faire référence à un contexte et orienter la lecture de son image. Reprenons l’exemple de Walker Evans par exemple pour la FSA et le style documentaire de ses images.

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La chimie, le type de papier ou encore l’écran conditionnent une perception de l’image. Sauf cas de l’écran , elle peut avoir une texture. Le noir et blanc confère un aspect plus frontal. Nous sommes plus confronté à la surface, la couleur nous permet plus aisément de se plonger dans l’image. Elle se rapproche en effet de la vision du réel. L’immersion est plus grande encore plus la diversité des tons de l’image est riche. Le peintre part d’une toile blanche pour réaliser une image. Le photographe lui part du désordre du monde et en sélectionne une. Il impose un ordre dans la représentation en jouant avec la planéité, le cadrage, l’instant et la mise au point. Ces quatre points constituent la grammaire de l’image photographique. Les outils pour structurer une perception du monde.

EGGLESTON, William. Sans titre vers 1970 Le passage à la couleur était difficile à une période ou elle préfigurait dans les publicités. La Photographie d’art alors s’exprimait pleinement en noir et blanc. William Eggleston a notamment avec son oeuvre Red Ceiling apposé un nouveau discours d’artiste grâce à la couleur. C’est une limite technique qui une fois dépassée a révélé tout un corpus en amont qui aurait pu aujourd’hui nous donner plus à voir d’une époque. Je met cette référence, car j’ai toujours aujourd’hui du mal à me décider si une image doit être mise en noir et blanc pour justement ne pas faciliter la projection dans l’image mais garder une frontalité avec le spectateur.


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FRIEDLANDER, Lee. Knoxville, Tenessee, 1971 La planéité de l’image. Outil du photographe. Le monde tridimensionnel est capté par l’image bidimensionnelle. Puis le capteur est monoculaire et ne donne à voir qu’un seul point de vue (vue d’un oeil du photographe). Elle donne l’illusion seulement d’un espace profond. Lee Friedlander ici joue avec cette planéité. Et juxtapose le panneau de signalisation au premier plan à un nuage à l’arrière. Une force par rapport à la réalité (binoculaire) pour donner à lire une histoire. Est-ce la le retour au plan, à la coupe ? Y a t’il une continuité à avoir entre cette planéité et les productions graphiques du paysagiste concepteur ?

SMITH, Unknown.

Eugène.

L’instant. Outil du photographe. La photographie interrompt la linéarité du temps pour en prélever un morceau. Elle est automatiquement dans le passé. Sa capacité à se saisir d’un monde fluide pour en faire quelque chose de statique. Ou encore de diffuser un mouvement par le flou la rend intéressante comme outil de lecture du temps. Le positionnement du corps du photographe est signifié visuellement, ce qui donne une toute autre lecture au spectateur du rapport des corps entre eux et à l’espace, et donc « de lui même » au travers l’appareil dans l’image. En effet le spectateur vit l’instant avec les figurants et le photographe. Mais incarne l’appareil photographique.


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FADIER, Jean Marie. Série Argentypes 2005 2007 : : www. argentype.fr. Le cadrage, outil du photographe. Une photographie a des bords. Le monde n’en a pas. Le sens et le récit de l’image se fait aussi pas ce qui n’est pas totalement dans le cadre (hors champs). Les estampes japonaises font d’ailleurs plus l’emploi de cet outils que les peintures occidentales. Peut être que seul le papier photosensible captant une lumière, qui produit une image non dépendante d’un lieu, ne se limite pas autant par le cadre de l’image et le cadre de la photographie (par rapport au dessin). C’est le cas de Wojciech Zamecznik et William Klein et de leurs dessins par la lumière. Je suis sensible à l’imaginaire qui en chacun découle à la vue d’une image abstraite. Peut être mettrai je en relation images abstraites avec des plus figuratives. Pour le travail de Jean marie Fadier, notons la frontière ténue entre dessin et photographie. La seconde reprend un code représentatif qu’est la perspective et nous aide à spatialiser les formes d’encres.

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101 LE GRAY, Gustave. Hêtre, Fontainebleau. Vers 1856 La mise au point. Outil du photographe. Permet de sélectionner ce qui doit figurer en premier. Je suis fasciné par l’effet que produit l’optique. Très semblable à ce que nos yeux produisent. Pourtant nous ne pouvons fixer du regard ce que nous ne regardons pas. Ici la photographie permet de regarder autre chose que le sujet visé. regarder le flou que nos yeux procurent autour du sujet visé. Définissant une hiérarchie dans les sujets représentés.


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Le point de vue (de quel endroit précis prendre la photographie) Le cadrage (ce qu’il faut y inclure) L’instant (quand appuyer sur l’obturateur, et quelle durée représenter) La mise au point (ce qu’il faut mettre en valeur)

Ces outils formels du photographes aiguisent le sens donné par la pratique à une image. L’image mentale en découle, mais elle est un processus acquis. La lumière réfléchie par l’image converge à travers les cristallins des yeux des rétines. Celles-ci, au moyen des nerfs optiques, transmettent des impulsions électriques au cortex cérébral. Là, le cerveau interprète ses impulsions et construit une image mentale. Ceci est en lien avec le niveau représentatif. L’image mentale perçue de la photographie, et cadré au même titre que l’image de départ. Grâce a la grammaire de l’image, le photographe construit un langage pour focaliser l’esprit des spectateurs. L’espace mental est personnel, il convient parfois que la représentation mentale dépasse celle voulu par le photographe. Enfin par rapport au contenu d’une image, « La photographie littérale introduit au scandale de l’horreur, non à l’horreur elle-même » Rolland Barthes. Son attribut de mise à distance est une grande qualité. Permettant une mise en orbite du sujet. Soutenant les vas et viens du travail de recherche.


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MA PRATIQUE PHOTOGRAPHIQUE J’ai commencé à faire des images par le numérique au moyen d’un téléphone portable Sony Ericsson en 2006. Un J’ai pu par la suite prendre en main un compact Leica afin de capturer des images de ma vie personnelle et de la construction de mon parcours professionnel. Puis, après mon Baccalauréat en 2012 je me suis acheté un canon 600d, un réflex numérique qui m’a permis de jouer avec l’optique et les réglages de l’image numérique. C’est cet appareil muni d’un zoom, d’un téléobjectif et d’un 50mm f1.8 qui m’ont orienté sur des pistes de réflexions plastiques. En effet le contrôle sur l’image photographique est bien plus fort sur un réflex à objectifs interchangeable plutôt qu’un téléphone ou un compact. Ainsi je commençais à m’ouvrir à d’autres photographes munis d’outils similaires, et je commençai à construire mon regard. Mon envie naturelle d’évoluer vers du plein format (24mm x 36mm) commença après le voyage en Chartreuse en 2016 durant l’atelier 7, et par le travail d’atelier cinéma avec Pierre Hémon. J’avais à ce point envie de m’équiper avec un outil suffisamment performant, pour endosser le rôle d’un langage plastique. En 2017 j’ai investi dans un boitier Sony A7II. J’ai entre temps essayé l’argentique et le sténopé afin de comprendre les différences et mieux rebondir sur les forces du numérique. Si je veux résumer ma pratique photographique aujourd’hui : La photographie est pour moi la saisie d’un vas et vient entre déplacement géographique et voyage intérieur.


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Mes premières années de pratique de l’image me sont apparu comme une évidence. J’appuyai, l’image apparaissait sur un écran. Il ne me fallait seulement travailler le cadre, le reste l’appareil s’en chargeait. Puis avec le temps, l’envie de dire plus avec l’image me poussa à travailler dans les menus, et comprendre le mode manuel. Au grès des contraintes que je m’imposait j’éprouvai un plaisir simple, celui de progresser. Vînt ensuite l’étape de l’impression, pour mes premières expositions. Un vrai tournant dans mon passe temps est quand elle est devenue une pratique. Ceci c’est fait lors de commentaires d’autres personnes sur mes images. Le fait de pouvoir donner aux autres son regard troublait mon intimité. Je me sentais en même temps satisfait d’avoir pu fournir un discours aussi proche de ma pensée. De là, ma photographie n’a cessé de croitre dans ma vie, en parallèle de mes études. En effet la photographie n’est pas seulement une réalité visuelle que j’enregistre, elle est surtout une représentation qu’en proposent mon expérience, mon rapport au monde, ma culture. Le travail photographique est transversal. En tout point de ma vie. Qu’il soit pratiqué lors d’un évènement familial, pour capter un sport, le portrait d’une amie, une recherche sur la liquidité d’un matériaux, une documentation architecturale ou botanique… Mon esprit ne réfléchit pas de la même manière devant ces sujets. Mais l’appareil constitue en soi une passerelle qui me permet de trouver des liens entre les sujets devant moi. Puis l’acte du déclenchement fige dans ma mémoire une image. C’est souvent l’image que j’ai du site ou d’une personne rétrospectivement, à distance. Une série d’images qui constituent une partie de ma mémoire, des souvenirs gravés à jamais, que je peux toutefois consulter avec d’autres individus. L’image a donc une double condition. Celles de construire un photographe qui la prend, et de déclencher des réactions chez un public. Plastiquement, j’ai depuis le début était fasciné par le cadre de l’image. L’absence qui définit les bords de cette portion de monde. Un rapport entre


MA PRATIQUE PHOTOGRAPHIQUE

une scène et un néant, qui aspire ce que je perçois quand mon oeil se retire du viseur. Le cadre peut être vécu comme une frustration. Ce qui a été mon cas, je compensait avec la prise de panoramas et de série d’images trop volumineuse. Et peu à peu j’ai compris qu’une qualité majeure de l’image photographique était justement son cadre. L’acte assumé de vouloir dépasser le cadre est un propos en soi. Le cadre reste pour moi l’outil majeur dans la grammaire photographique. A tel point que la question resurgi sans exception dans chacune de mes compositions. Nous verrons que je requestionnerai également le cadre dans l’expérimentation. Il existe le cadrage en paysage (format paysage), on appelle le cadrage horizontal. Il est vrai qu’il convient tout à fait à la prise de vue d’une scène (paysage, groupe de personne…) et toutes les actions qui se déroulent sur la largeur (vitesse d’un objet en mouvement horizontal). Mais la principale différence avec le cadrage en portrait (vertical) sont les distances. L’œil est moins habitué aux compositions verticales car il doit balayer la photo de haut en bas. De plus, une impression d’optique nous fait croire qu’une photo cadrée verticalement est plus grande qu’une photo prise horizontalement (plus précisément que les deux extrémités sont plus éloignées sur la photographie verticale). En effet le fond d’un paysage paraît plus loin sur une photographie en portrait. L’œil humain accorde moins d’importance aux éléments se situant tout en haut ou tout en bas de l’image. Notons que ces remarques sont des grandes lignes pour différentier le format. Mais tout entre deux est possible… Cadre : Limite spatiale d’une scène, Unité à la fois spatiale et temporelle qui constitue un élément de composition. Source : Trésors de la Langue Française

Un autre aspect de l’image photographique qui jusqu’à cette année m’a beaucoup intéressé, est l’objectivité de l’image photographique. En vis à vis de la peinture et le dessin, l’image photographique peut se défaire d’une grande part de subjectivité. Avec notamment des modes automatiques de

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plus en plus performant. Le boitier peut prendre des images presque seul. Dans un soucis d’exprimer un lieu, avec le plus de neutralité possible, j’ai expérimenté cette approche en prenant des images d’une caméra suspendus à mon corps pendant que je marchais, ou je mettais dans une série les images prises par inadvertance dans mon sac à dos… Etre objectif soutient d’exposer toutes les images d’une série. Mais rien que l’appareil relié à mon corps en fait un outil subjectif. Ma déambulation influence l’image finale. Puis l’on revient au cadrage, qui est toujours influencé par un photographe. La série d’images satellites de Google, chaque prise est automatiquement et l’ensemble couvre la totalité de la surface de la terre. Est ce un exemple d’une série d’images objectives ? Ou peut être pas puisque certaines images de bases militaires notamment ont été masquées. Enfin j’ai appris avec la pratique comme dirait Bertolt BRECHT que : « Une simple reproduction de cette réalité ne dit quoi que ce soit sur cette réalité. » Objectif/ Subjectif : On appelle, dans la philosophie allemande, idées subjectives celles qui naissent de la nature de notre intelligence et de ses facultés, et idées objectives toutes celles qui sont excitées par les sensations (STAËL, Allemagne, t. 4, 1810, p. 123) Notre tâche consiste donc exactement à traiter du domaine de la sensation sans tenir aucun compte des notions d’« esprit », de « sujet » et de « subjectif », d’« objet » et d’« objectif », de « conscient » et d’« inconscient », de « lois mentales », supposées différentes essentiellement de lois physiques. (RUYER, Esq. philos. struct., 1930, p. 105) Objectif : En fonction de l’attitude du sujet : Qui manifeste un souci d’exactitude, faisant abstraction de toutes préférences, idées ou sentiments personnels. Synon. impartial. Source Trésor de la langue Française Subjectif : Qui relève de l’expérience interne, qui ne concerne que le seul sujet pensant. Source Trésor de la langue Française


MA PRATIQUE PHOTOGRAPHIQUE

La photographie est dans ma pratique un objet de lecture et d’écriture. Je l’utilise comme outil scientifique pour appréhender un lieu. Ses couleurs, la lumière, ses ombres, sa clarté, sa luminance, ses contrastes, ses reflets mais également l’espace. Sa profondeur, ses proportions. J’emploi souvent un objectif à focale fixe 50mm, pour son aspect naturel à l’oeil, sans déformations. Cette focale encourage mon déplacement dans l’espace. Je dois me rapprocher, me percher, m’allonger. Mes série d’images sont donc proportionnelles, faciles à comparer entres elles. La mise au point est manuelle. La encore me permettant d’apprécier une distance, de choisir mon sujet. Puis de ralentir le nombre de prises. A la fin d’une session, moins à visionner est bien plus plaisant. Me mettre une limitation force mon apprentissage. La contrainte est pour moi l’objet même de la progression. Je mesure également un volet sensible avec cet appareil. Je peux enregis-

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trer le son, que j’écoute lors du revisionnage de mes images. Des macros se glissent souvent dans ma série illustrant des textures que j’ai pu effleuré durant mon arpentage. J’expérimente même l’extrasensible, l’appareil me permet parfois d’atteindre ce que mes yeux et oreilles ne sont pas en mesure de capter. Surtout, la photographie me permet de faire le tri. De sélectionner parmi l’infinie des informations devant moi. Puis de communiquer dessus plus aisément, grâce à la facilité de visionnage et de partage du numérique. Le court instant du déclencheur est dans ma pratique le moins essentiel dans l’acte photographique. C’est en amont : par le placement, l’intention et les réglages. Puis en aval : post traitement numérique, tirage, accrochage et partage que le sens est très largement influencé. De fait, la richesse est dans ce que l’image représente et comment la percevoir. A défaut de n’avoir aucun n’intérêt pour le futur spectateur d’une image, l’action de déclencher, comporte un instant fort pour certains photographes, qui au même moment capturent l’image mentalement, comme un impression dans la mémoire. L’image à la sortie d’un appareil numérique peut être de deux types : Jpeg, avec une compression et rendu final prêt à être tiré sur papier par exemple. Je l’emploi à des fins pratiques. Mais aussi et surtout le deuxième format qui est le RAW. Il est une suite de lignes de codes qui ne peuvent être interprétées que par un logiciel. S’impose donc un travail d’édition numérique,

8 avril 2018, Versailles


MA PRATIQUE PHOTOGRAPHIQUE

ou de retouche pour créer l’image. L’image naît seulement lorsqu’elle subit des choix. J’emploi Adobe Lightroom comme logiciel de développement, son édition non destructive des images et sa capacité à classer les prises ont fait de cette plate-forme mon outil. Sur l’appareil, l’image conçue est une prévisualisation en jpeg. Je consacre beaucoup d’importance sur site à comment je construis par les réglages mon image. Pour avoir le moins à faire en post traitement. Une fois devant l’ordinateur le fichier diffère de la réalité. Je me suis au préalable sur le terrain muni d’une série d’image jpeg du même lieu que mon fichier principal (raw) qui sera transformé en vis à vis de l’atmosphère, les couleurs, les teintes plus exactes des jpeg. À gauche le fichier raw exporté tel quel avec l’interprétation du logiciel, à droite le fichier transformé en jpeg avec le travail de post traitement de l’image. Spécificités techniques : Mon boitier est un appareil photographique sans pentaprisme. L’appareil me permet de visualiser sur un viseur écran l’image finale avec les réglages appliqués. Une grande aide in situ. Le capteur est un 24 millions de pixels Sony, plein format 24mmx36mm. J’emploi souvent un trépied, j’y place l’appareil pour me permettre de me mouvoir librement, je reviens alors bouger l’appareil si je trouve un meilleur cadrage. Le trépied me permet également de faire des poses longues. Dans la coque de mon téléphone se trouvent 6 filtres (rouge bleu verte jaune et blanc). Je les placent devant mon flash de téléphone afin de réaliser du light painting in situ. J’emploi également mon téléphone comme commande à distance pour ne pas donner l’impression à des personnes éventuelles dans mon cadrage que je les prends en photographie. Cela me permet de mettre l’appareil à distance et de continuer d’observer. La frontière entre l’usage de mon téléphone portable et mon appareil pour faire des photographies est distincte. Le téléphone sert à faire de la photographie prise de note seulement (catalogue matériaux, technique). J’emploi les services de Google Maps, pour une cartographie des lieux de mes prises de vues. Me permettant de revenir plus tard à un même endroit.

Je vous propose ici quelques unes de mes recherches photographiques récentes :

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Observatoire photographique personnel de la Loire En 2000, 280km de Loire sont classés par l’UNESCO. Où se terminent ces 280km ? Cette section et ses limites sont elles visibles ? Le changement de forme des îles de Loire ne remet il pas en cause la ligne. Comment classer un paysage liquide ? Reste il fluide ?

2016 2017

Travail de scénographie du lieu par une mise en scène du corps. Au parc des Étangs Gobert, puis dans les jardins du Château de Versailles. Lise Benoît, danseuse étudiante à l’école ACTS et moi même recherchons à exprimer les dynamiques du site. Nous cherchons donc à capter la mise en scène d’un corps, pour qu’elle soit au plus près de la mise en scène de l’espace. Nous pensons que ce travail peut aider à la lecture de l’identité d’un espace. Et révéler la singularité des lieux en les rapprochant d’un geste «unique».

Juin 2017 Série : La nuit du Roi Soleil Versailles est un haut lieu d’histoire parfois trop fréquenté. Je profite d’y habiter pour porter un regard de nuit sur le patrimoine du Roi Soleil, illuminé par d’autres sources que la lumière naturelle. Nous nous rendons compte alors de l’anachronisme que font l’objet des sculptures au milieu d’un environnement bien changé. La photographie sur la place d’Armes est sélectionnée par le Château de Versailles pour sa communication Instagram (264 000 vues). Je mesure ici l’importance de la médiation de questions d’aménagement au travers d’autres contextes de communication.

«The Pencil of Nature» is the body in the space. Pendant longtemps mon raisonnement par l’image portait sur l’objectivité photographique. Je me suis rendu compte que l’interprétation est nécessaire. Notre corps est un catalyseur. Et il faut trouver des procédés de capter l’expérience du paysage. Ici par l’usage du corps en mouvement dans l’espace. En captant la pente, l’énergie, les sons. Un dessin en trois dimension s’opère par la lumière. Je joins ici un travail de maquette en Atelier 8 ou je souhaitai accentuer le tracé de la Marne dans notre projet, par le dessin projeté de sa perception in situ.

Décembre 2017

Septembre à octobre 2017


MA PRATIQUE PHOTOGRAPHIQUE

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Stage DEP2 en Creuse Travail pour le Pays de Combrailles en marche de dynamisation du bourg d’Auzances. Un travail en partie conduit en photographie. Par le recencement des vitrines vacantes du bourg et la création d’un sentier d’arpentage. Le projet final s’appuie sur la saison culturelle comme moteur de projet pour la commune. Dans les lieux recencés par ce travail photographique. Les évènement conduiront peu à peu à transformer le bourg.

18 juillet au 17 août 2017 Atelier Art Plastique : Vous avez dit Mémoire ? Il était question pendant 3 jours de tester avec Alexandre Galvez la première intuition in situ. Puis d’essayer de la capter photographiquement. Au moyen de light painting, de mouvement du corps et du cadrage. Nous avons expérimenté au bout du grand canal de Versailles, sur un terrain militaire désaffecté l’intuition du projet au prisme de la photographie.

30, 31 janvier et 1er février 2018

Voyage d’Atelier, Mantes-la-Jolie Joséphine Billey m’a invité d’assister au repérage du voyage d’atelier, j’y ai fais la rencontre de Pierre Enjelvin. J’ai suivi sa méthode pour conduire un observatoire photographique à partir de cartes postales. Puis je me suis permis de faire à côté des images de comment travaillent in situ des professionnels de l’image photographique et cinématographique.

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MÉTHODOLOGIE DE L’EXPERIMENTATION Le travail bibliographique m’a permis de mieux comprendre les liens forts entre la discipline du Paysage et de la Photographie. Mais aussi de me persuader des possibilités du médium vis à vis de notre travail de Paysagiste. Les références photographiques ont nourri mon regard, construit un goût. Et ont contribué à formuler de nombreux questionnements que je sais que je ne pourrai pas répondre intégralement ici. Après une brève histoire de la photographie de paysage et un survol de la pratique photographique en lien avec les paysagistes en France. Une ligne fine déjà qui séparait deux disciplines me parlait peu a peu plus diffuse. Si dit qu’il y en a même une ? Je pense en effet que chacun peut faire une partie du travail de l’autre. Il y aurait donc deux frontières. Celle du photographe chez le paysagiste, et l’inverse. L’entre deux, est une épaisseur d’action par l’image dont je me demande si elle peut constituer en soi un métier ?

La frontière entre le métier de paysagiste et de photographe, ressemble à mon sens à celle entre la psychologie et la médecine. Le but de ces deux disciplines est un corps sain. Le territoire bien vécu est notre dessein. Sauf qu’il existe un métier entre la psychologie et la médecine, la psychiatrie. Ce


MÉTHODOLOGIE DE L’EXPERIMENTATION

dernier est un médecin qualifié pour prescrire des médicaments, il justifie ses prescriptions par un diagnostic scientifique approuvé par des médecins (sciences exactes) et peut également effectuer des séances comme le psychologue (sciences molles). Le psychologue peut avoir une spécialité en psychiatrie, tout comme le médecin avec cette même spécialité. Nous pourrions peut-être voir l’épaisseur du schéma comme une spécialité, un photographe spécialisé en paysage, et un paysagiste spécialisé en photographie. La difficulté est que la photographie est pratiqué tellement plus généralement qu’elle se frotte à bien d’autres métiers. Nous nous focalisons bien sur une partie du travail du photographe. La photographie s’est révélée dans le passé utilisée indirectement pour transformer un territoire. Elle eu la qualité de réunir, de fédérer autour d’elle une diversité de personnes, et de métiers pour échanger sur des représentations de l’urbanité, le littoral, le rural, des infratructures… Faire le point, où en sommes nous dans l’aménagement. Je trouve intéressant que le paysagiste intègrent ces débat par l’image et puisse maîtriser cet outil. Suite à un travail théorique, la recherche en paysage doit se confronter au terrain. C’est il me semble une des conditions de la recherche en paysage. Le champs plus restreint du site permet de valider ou non ses recherches par la pratique, et de construire l’identité de son travail. Sinon le chercheur à tendance à partir dans des concepts larges qui planent sans liens avec le substrat du sujet. Dans mon cas la recherche sur une forme de médiation et une pratique doivent s’inscrire maintenant dans un lieu pour expérimenter l’approche, l’outil et le résultat. C’est aussi le moment pour l’individu conduisant la recherche de tester ses propres capacités. Un exercice concret, qui peut être nourrira l’expérience d’une pratique future similaire. Je vais donc poursuivre cette recherche en emportant mon appareil photographique sur un terrain. Après mes lectures et l’écriture, je vais expé-

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rimenter cette distance entre le paysagiste et le photographe. Puisque je suis encore dépourvu de commande, je suis libre d’effectuer un travail photographique sans contrôler par avance le résultat. Notons que je m’impose de travailler l’image dans un contexte de projet, une volonté d’agir sur un espace doit transparaître dans mes images. Puis en parallèle je garderai à l’esprit : En quoi ces recherches de mémoire ont-elles influencé ma pratique photographique ? Je suis en phase avec le travail de certains photographes de la mission France Territoire Liquide exposé en 2014. Ou les travaux de André Mérian avec sa série Ouest. Ces travaux contemplatifs, parfois bienveillants et polis à l’égard d’un lieu,

Cap Fréhel André Mérian, 2008

Saint-Malo André Mérian, 2009


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sont aussi très personnels. Je reviens au projet de paysage, où nous manifestons aussi de la bienveillance, où l’approche personnelle est nécessaire, mais rapidement à mettre de côté. Enfin là est un sujet de débat entre concepteurs. Jusqu’où pouvons nous nous même figurer au travers le dessin et l’image du projet. Je peux tout à fait prétendre en tant que paysagiste proposer une lecture personnelle à la fois bienveillante d’un lieu comme le font certains artistes. Il est donc bien question ici que je mette en pratique mon approche personnelle confronté à un lieu. Maintenant que je sais qu’il est possible de faire ou de provoquer de l’aménagement par la photographie, je suis ici à expérimenter le médium dans cette optique. Faire de l’aménagement par l’image photographique. Et de définir pour moi à quels moment je juge l’image intéressante de conjurer dans le processus d’un projet de paysage. Que se passe t-il quand on lâche un (futur) paysagiste sur un terrain avec un appareil photographique ? L’expérimentation se décompose en deux étapes. Je conduirai un arpentage sur un lieu que je ne connais pas. Et je photographierai ce premier contact. Comme un état des lieux ou rencontre avec le site ce travail servira d’assise pour la seconde, la condition du site devra se dresser peu à peu. Je compléterai par des recherches historiques sur le lieu en fonction des élément qu’il m’a été donné de découvrir lors de l’arpentage. La deuxième temporalité est le retour sur site. Qui doit cette fois me permettre de reconduire peut être des images prises dans le passé, ou en créer de nouvelles avec une intention derrière. Cette étape est le moment de l’essai de techniques plastiques avec au centre l’image photographique. Grâce à la première étape j’espère avoir des idées de formes plastiques que pourrait prendre cette dernière série d’images. La condition du site définira des choix artistiques. J’expérimenterai ce que peut apporter la photographie en parallèle d’une démarche de projet, autant dans sa capacité faire rencontrer le site que sa capacité à ramener le site chez soi.

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116 12 Issu de « Le Périurbain, le négatif de la ville » Salomon Cavin, Joëlle. Berque, Augustin. Natures Sciences Sociétés. Recherches et débats interdisciplinaires. EDP Sciences, volume 14, 2006, 92pages.

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Choix d’un site : La première couronne, un négatif de la ville ?12 Pour le travail à venir la question reste : où expérimenter cette recherche ? Comme mentionné précédemment, le regard personnel influence le résultat que peut avoir une expérimentation photographique. A l’inverse la conduction photographique doit apporter à sa connaissance personnelle. Si je regarde en arrière c’est en milieu rural que j’ai vécu le plus longtemps, en Touraine (37) dans la commune de Saint Ouen les Vignes, village allongé dans la vallée de la Ramberge. Vallée qui renfonce au niveau d’Amboise le coteau calcaire au nord de la Loire. J’ai ensuite vécu en ville, centre urbain dense, tout à pied. Je veux parler d’Angers et du 11ème arrondissement de Paris. Qu’en est il entre ces deux situations ? Cette épaisseur que je traverse seulement, que je ne côtoie jamais physiquement, pas plus longuement qu’un passage en train. La « banlieu » ou l’épaisseur de Paris me sont étranger. Les visions que j’ai de ce tissus sont principalement construits sur ces brèves apparitions et de brèves discussions. J’ai pu expérimenter Epinay-sur-Orge ou Sainte-Geneviève-des-Bois. Mais dans ma réflexion, je ne veux pas choisir forcement là où l’on choisi de vivre, mais bien l’espace vécu parfois comme une frustration par rapport à la métropole. Les lieux derrière le titre « Halte à la France moche » de Télérama. La ou l’image mentale est construite déjà en chacun sans parfois y avoir mis les pieds. Eric Chauvier, anthropologue engagé dans une volonté de révéler les qualités du « périurbain », mentionne que c’est par les usages que ce territoire exprime ses attributs. Dans son informalité, « chacun est en prise avec son territoire » et agit politiquement là où il vit à la différence de la ville ou un clivage s’opère. Nous parlons ici de vie sociale dans les interstices, d’imaginaire possible dans des espaces naturels et d’hétérotopie… Pour faire l’expérience de ce milieu avec sa routine d’urbain, il faut rencon-


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trer ces clichés d’hypermarché, de vivre dans sa voiture, de quartiers dortoirs, de mouvements pendulaires et de bouchons. Un misérabilisme mais vécu avec cette bienveillance, curiosité à l’égard de ces lieux tout comme cette énergie produite à l’égard d’un lieu à l’étranger, comme si c’était la dernière fois. Avec la richesse des différences. La ville émietté peut être vécue comme un «trouble psycho affectif » mentionné par George Dumas. Enfin seulement, je pourrai me révéler le terrain de l’ordinaire. Je pensais à la périphérie de Lyon, que je ne connais pas du tout. Puis pour des raisons non seulement pratiques je me suis orienté sur la périphérie nord ouest de Paris autour de Nanterre qui pareil m’est étrangère. Je souhaite opérer un arpentage, qui prendra peut être la forme d’une ligne de désir entre Suresnes et Carrières-sur-Seine. En suivant une ligne presque déjà dessinée par les parcs, réalisation des Paysagistes que questionnerai en rapport avec leur contexte urbain. Je souhaite aussi que cette recherche soit guidée par le site que je découvrirai, la suite de ce travail est inscrit sur un lieu et ne s’appliquerai pas de la même manière ailleurs.


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EXPÉRIMENTATION : RÉCIT PHOTOGRAPHIQUE DE L’ARPENTAGE 12, 22 et 27 février 2018 Je me rend chacune de ces trois journées à Nanterre par les transports en commun. Il faut compter une heure partant de Versailles. J’ai rapidement croqué une carte allant de Boulogne à Carrières sur Seine représentant les grands axes autoroutiers et ferroviaires, les parcs réalisés par des paysagistes et la Seine. Se sont des lignes et des masses repères à ne pas dépasser physiquement ou au contraire à traiter durant mon arpentage. Je découvrirai par la marche une portion d’espace avec mon appareil photographique. L’arpentage prend la direction de ce qui accroche mon regard, de ce qui me parait ordinaire ou encore au grès des rencontres sur place. Je ne me fixe pas de protocole précis in situ, de notation sur mes images (date, heure, hauteur trépied, inclinaison, distance avec le sujet…). Qui sont je pense des freins à la lecture spontanée. Là est un des avantages du numérique, de pouvoir se soucier plus tard des métadonnées. Je ne conçois pas non plus de parcours précis. Après avoir effectué le relevé photographique je créerai une carte avec la géolocalisation de mes images. Je percevrai alors les espaces arpentés ou non et se dessinera une première ligne de désir ou les contours d’un site. La matérialité de la carte prendra forme, sans y avoir pour autant réfléchis sur le site.


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L’équipement retenu est réfléchi pour se faire oublier. Afin de sortir et prendre des images en repoussant les gênes techniques. Le but est de concentrer le plus d’énergie à la rencontre avec le site.


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L’équipement retenu est réfléchi pour se faire oublier. Afin de sortir et prendre des images en repoussant les gênes techniques. Le but est de concentrer le plus d’énergie à la rencontre avec le site. 12 mars 2018


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J’ai capturé sur trois journées in situ, 198 images photographiques. Je savais pertinemment que certaines ne me servaient qu’à tester des cadrages ou des lumières (je ne supprime jamais sur site). Ce chiffre diminua par la suite pour atteindre 117 prises. Cette série n’est pas encore celle que je veux montrer. Mais c’est elle que je conserve. Elle me sert juste à mesurer des

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proportions. Combien de prises de Bâtiment ? Combien de personnes dans mes images ? Combien de cadrages avec pour sujet principale le végétal ?… Ensuite seulement je conduit ma sélection finale d’images de travail. Autour de 40 images, et vous avez assez de documents pour représenter une diversité, tout en n’étant pas incommensurable à étudier. Dans ma lecture j’ai inconsciemment mis l’accent sur l’instant. Employé souvent pour représenter un paysage ou un site, la vue d’ensemble est intéressante à mettre à côté d’image plus locales, d’instants et de personnes vivants le lieu. L’instantané n’est pas anecdotique dans la durée. L’habitant ne l’est pas non plus dans un espace. 17 / 18 mars 2018 Après la sélection finale de 41 images. Je me confronte à l’exercice de la pile. L’impression papier me sert ici. Je met en tas les images A4 avec des similitudes afin de créer du lien. Je choisi de faire des paquets d’images par « thématiques ». Certaines restent entres deux. Je vois alors un thème prédominant et une hiérarchie se dessiner. Une histoire, transversale aux multiples images se construit. Naît une narration de ma rencontre avec le site. Et une forme de synthèse de ce que j’ai perçu du site. 1.L’absence est une trace 2. Saynète, le lieu vécu 3. Un instant, et demain ? 4. Azimuts, les composantes d’un espace 5. Construction d’un discours critique


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J’ai rencontré l’absence. Les lieux sont vécus une portion de temps minime par rapport aux 24 heures d’une journée. Cependant les traces du passage restent. Le salon de jardin en dessous du pont ou le cadis vide dans un amphithéatre, me donnent à voir un paysage de l’invisible. Un hors champs. C’est très différent de la ville dense. Certes des traces aussi y persistent, mais se sont des déchets ou des oublis la plupart du temps. Ici les lieux sont vécus, on y reviens et on y retrouve pas toujours ce que l’on y a laissé. Mais la probabilité est faible, la densité humaine est moins grande qu’en ville. Et si ça arrive, on y remet sa trace. Je commence à comprendre le « être en prise avec le lieu » que mentionnait Eric Chauvier. Notons que se sont des lieux pour la plupart non conçu comme tel. Rien est fait pour accueillir, c’est l’on dirait inconfortable. Mais les habitants de ces lieux aménagent l’espace eux mêmes. La neige fut une alliée précieuse durant l’une des journées sur site, j’ai suivi d’autres traces. J’ai pu capturer certains mouvements. Bien que moins d’âmes se promènent lors de ces journées froides.

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L’ennui est aussi un usage de l’espace. Le parc est le lieu d’un vas et vient de chez soi pour consulter sa messagerie. C’est également l’endroit d’où l’on regarde le monde autour de soi bouger pendant que l’on s’arrête.





Dessiner un passage est parfois nécéssaire, mais je ne peux pas voir si ce dernier est utilisé, car il ne permet pas la trace. Alors que le chemin de terre ou une coulée (nommé par les chasseurs), dessinent une fréquentation. Ces derniers sont intéressants, ils serpentent entre les arbres et ne prennent pas le chemin le plus court, mais celui de l’invisibilité.


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J’ai pu photographier des personnes. Ce qui me conduit à la deuxième « pile » Saynète, le lieu vécu. La trace photographiée est un récit hors du cadre de l’image. Le corps en mouvement est dans un espace une autre source d’information. Je découvre des usages parfois très succincts, ne laissant aucunes traces. La fillette avec son père le mercredi matin montent et descendent à vélo la butte 3 fois, deux frères font pendant ce temps la course de l’autre côté de cette même butte. Et enfin des cours de moto-école se déroulent sur un ancien échangeur d’autoroute. Je vois là un lien qu’est la mobilité, beaucoup de ces usages sont liés a comment se déplacer. Est-ce la représentatif de ce à quoi la plupart du temps des habitants de la banlieue est consacré ? L’opposé statique est plus discret mais tout de même présent. La rêverie dans un bosquet de laurier, la déambulation en cercle d’une femme au téléphone, ou la personne donnant à manger aux oiseaux. Une forme d’ennui propice à la contemplation. C’est peut être simplement le lieu et le moment ou il n’y a pas de pression, ou le temps s’arrête.

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Hassan : « j’ai connu des vergers ici, je grimpait dans les poiriers même que je m’était fait mordre le talon par le chien du propriétaire ». Il a fallu 24 secondes à ces deux jeunes pour grimper la pente. Cette butte a de multiples usages à des vitesses différentes. Une vue pour des randonneurs, un cap pour des personnes âgées faisant leur marche quotidienne. Peu habitent la pente. Mais on joue avec elle. L’espace du jeu est présent, un peu partout. Aux endroits insoupçonnés, les jeunes adoptent l’espace pour se divertir, s’occuper.




Difficile quand on souhaite se laisser porter par le lieu de ne pas remarquer ces tours de la Défense. Nous ne perdons jamais le Nord avec les tours Chassagne et Alicante de la Société Générale. Le jeudi 22 février était un jour de pic de pollution sur Paris. D’avantage visible dans les espaces ouverts comme le Parc André Malraux, Nanterre s’opacifie aussi. L’horizon est diffus, et les tours nuages se dissipent.





« On marche tous les mardis, jeudis et samedis. On tourne dans les bois de Saint Germain en laye, Montmorency. Globalement le côté ouest de Paris. Là nous voulions faire une marche à proximité. » Parc André Malraux




Les chantiers sont nombreux, mais leur visibilité est réduite. Ne serait il pas bénéfique de donner à voir les lieux où les changements conséquents s’opèrent ? Naturellement le regard se porte vers ces espaces en transitions.


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Le temps est continu bien sûr. Et il accompagne des mutations plus ou moins profondes sur cette portion de territoire. Des photographes ont pu voir individuellement chaque composantes, auparavant des parcelles maraichères ou bien des usines. J’ai eu la chance de pouvoir encore percevoir 3

des « en cours de changement ». Des instants de transition. Où le lieu n’est pas encore dans son actualité, et garde un pied dans le passé. Certaines maisons individuelles des ouvriers de la papeterie côtoient les grands ensembles autrefois pour reloger les immigrés. J’ai pu déclencher certaines de ces images témoins d’un instant. Qu’en sera t il demain ?


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Les changements rapides rendent difficile de s’approprier un quartier pour les habitants. Les enfants ne vivent pas le même lieu que les parents. Les trajets changent, on ne perçoit plus le même paysage de sa fenêtre.






Les lieux me donnent à voir un spectacle saisissant. Autant de changements en aussi peu de temps. Une adresse disparaitra. Je crois qu’il faut comprendre ces mouvements fluides, et les retranscrire. Les capter photographiquement est un premier réflexe afin de figer.


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On ne sait pas quelle direction prendra le site. On peut imaginer, mais jamais être sûr. Même un plan ne donne pas à voir exactement un futur. C’est pour cela qu’il existe la prospective. La crise du pétrole, ou un évènement météorologique peut métamorphoser un quartier. Certaines des images que j’ai pu récolter d’un site jouent de l’ambivalence. Certaines contradictions ensembles, décrivent elles un futur irréalisable ? Une barre construire au milieu d’une forêt de résineux ? Une cheminée sort d’une butte de terre ? 4

Autant de collage d’éléments azimuts qui définissent une condition du site : Sa dichotomie.


Au croisement des flux, le parc du Chemin de l’Ile est sous des ponts ferroviaires et autoroutiers, il jouxte la Seine et les quais de chargement des péniches, il se trouve sur une canalisation de gaz, à proximité d’une papeterie en démolition, et de la Maison d’arrêt des Hauts de Seine. Puis la fonction d’acheminer et filtrer l’eau de la seine sera ajoutée par la création du parc. Ce dernier apporte également à ce lieu la possibilité de déambuler parmi ce noeud. L’expérience du piéton ou du cycliste est riche avec autant d’externalités au parc. Qu’il est agréable de s’arrêter et de regarder le monde autour de soit déferler.


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Le Chemin de l’Ile est nous l’avons vu au milieu d’un noeud. Il m’a surpris par ses connexions physiques vers l’extérieur qui sont peu nombreuses mais visuellement le parc prolonge ses traits vers l’extérieur et s’inscrit graphiquement dans son contexte.



Des équipements dans un parc, Il y a le théâtre des Amandiers et l’église Saint Joseph dans le parc André Malraux. Cela me rappelle la Petite Bibliothèque ronde dans la cité de la Plaine à Clamart par Robert Auzelle. Le dessin du parc englobe ces fragments urbain restant ou ou bien les créer dans sa programmation. Il y avait un autre théâtre aussi au pied de la plus haute tour de la cité Aillaud qui n’existe plus.


Laurence Cribier : « La papeterie produisait aussi des odeurs désagréable dans le parc du Chemin de l’Ile. » Derrière ces grillages se trouve le centre pénitencier des Hauts de Seine


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Pour synthétiser, je retiendrai comme attribut du site sa dichotomie. Ses 5

composantes sont parfois opposées et forment des scènes très graphiques mais dans la vie quotidienne des situations assez déroutantes. Entre mobilité et habiter, grands ensemble et maisons individuelles, absence et lieux vécus. Dans la temporalité d’un paysage comme ici, l’instant n’est pas à négliger. Une fraction de la journée peut capter une façon de vivre le lieu. Presque invisible dans les échelles des grandes infrastructures et des réflexions d’habitats en collectivités. L’individu est mit de côté. Cette même temporalité du site est rapide. Les constructions poussent très vite. D’une génération à l’autre les trajets quotidiens changent, la façon d’habiter un quartier évolue tellement vite que les habitants ne s’approprient pas ces mutations. Publique, privé, pour la voiture, le piéton ou le train. Le fractionnement induit des limites. A force de dénombrer les espaces, on augmente la quantité de limites au point ou elles deviennent ici à Nanterre une partie du site.



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L’espace entre chaque image dans une série de 41 est une histoire. Deux images côtes à côtes dessinent un récit. Reproduisez l’expérience en changeant l’un des deux cadrages, le résultat différera encore. Ainsi je pourrai raconter une autre histoire sur le lieu en prenant ces mêmes images agencées différemment. Cependant la condition du site reste la même. Je ne ferai qu’enrichir la lecture du site. Quelqu’un d’autre verra autre chose de ces images. C’est au service du site.

Le 26 mars 2018 Un jour précédent la présentation de l’état d’avancement du mémoire, j’ai choisi d’accrocher mes photographies sur un mur du bâtiment des Suisses. Respectant les 5 thèmes des piles précédentes. J’ai toutefois dessiné et écris entre les images pour continuer à faire résonner le sens derrière ces cadrages. Je me suis rendu compte à nouveau de l’ambivalence des espaces. Entre absence et lieux vécus, entre ultra mobilité et habiter, grands ensemble, et maisons d’ouvriers… Une lecture de l’état des lieux donne


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à voir des pistes à expérimenter dans la phase 3. Le lendemain j’ai profité de cet affichage expérimental pour présenter ma démarche. Je me suis posé la question de qu’est ce que je n’aborde pas dans cette série d’image, au même titre que le cadre d’un projet de paysage. Qu’est ce qui n’est pas abordé ou est hors champs du projet. Ce, afin de garder une ligne directrice.

Les coordonnées GPS des 41 images ont dessiné une surface d’étude. Bien que les cadrages intègrent l’horizon à la réflexion. Voici mon périmètre à garder pour conduire le retour sur site. Nous noterons que dans la série trois images sont prises au mont Valérien et ont contribué à l’arpentage. Je me concentrerai sur « l’axe royal » après la Défense comme en atteste mes géolocalisation d’images. Vis à vis de la personne qui prend l’image, quelle est la capacité de l’acte photographique à aider un corps à la rencontre d’un espace et toutes ses composantes ?

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De retour de mes sorties sur site, j’ai compris que d’aller sur un lieu pour faire des images changeait ma perception de celui-ci. Si je me rendais sur un site sans vouloir le comprendre, je le regarderai différemment me direz vous. Vrai, mais l’action de vouloir connaitre un site est influencé par les outils qui représentent cette rencontre. Au point ou la photographie permet de rencontrer le site différemment. On pourrait dire que les médiums sollicités lors de ces exercices altèrent toujours péjorativement l’expérience d’un corps seul dans l’espace. Ils impactent sa mobilité, sa perception naturelle d’un lieu, celle qu’il faut avoir pour l’apprécier. Mais tout cela dépend de la finalité, et il y en a autant que de façon d’arpenter un lieu. Pour un travail de lecture en amont d’une conception. On se rend compte que le cadrage, les lignes, la lumière, la hiérarchie dans les sujets… Plus généralement la grammaire photographique construit un discours, cible un propos parmi le vaste des histoires possibles sur le lieu. Au service du concepteur, l’image est un discours qui l’aide à synthétiser, à prendre du recul et enfin à narrer. Si l’on rentre plus en détail sur la construction d’une photographie, bien souvent, le corps s’arrête pour capter l’image. Je ne crois pas que l’on observe d’avantage si l’on prend une image, mais surement différemment. Le photographe construit avec les composantes de ce qu’il voit un cadre synthétique, une portion du site dans lequel il est. Et note des détails qui influent sur sa composition. C’est un vas et viens entre les échelles qui s’opère également dans le projet de paysage, sollicité dès l’arpentage grâce à la conception de l’image photographique. Même si je m’éloignai du sujet, j’ai tout de même essayé de réaliser des vidéos. Vis à vis des personnes dans le cadre. Il y a quelque chose avec l’image animée qui perturbe encore plus que l’image photographique. Comme si l’on pouvait se saisir d’un comportement, d’une réaction. Quelque


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chose de plus que l’image fixe. L’intime du comportement de la personne est peut être plus facilement pris par la vidéo. La photographie peut prétendre au même dessein, toutefois il est plus aisé de raconter une personne grâce à son environnement dans lequel elle évolue. Puis conduire une vidéo dans certains cas m’immobilisait pendant un moment sur un même emplacement. Entrainant un changement de comportement des personnes que je filmais. L’image est plus brève, interrompt moins les dynamiques du site. Dans le cas d’espaces habités, nous nous retrouvons avec une représentation moins altérée par sa présence. C’est une vérité indéniable qu’est l’image, il s’est réellement passé ce que j’ai vu. Un acte de présence d’un usage, d’un passage, d’un chantier en cours… Sur les trois jours d’arpentage, reconduire des images aux mêmes emplacements m’a informé sur les externalités qui changeaient elles aussi. Comment un site réagit à la saisonnalité. Les reflets de lumière son différents, les revêtements changent de couleur. La fréquentation et les façons d’habiter le lieu par son corps évolue en partie du à ces changements. Je comprends que l’image photographique est pratique pour le paysagiste dans sa saisie d’une rencontre avec le lieu, d’une prise de note rapide du quotidien des gens. Peut être que le médium convient d’avantage à certains sites que le dessin. Je ne suis pas en mesure de fournir un argumentaire précis après une expérimentation sur un seul site. Peut être que dans un besoin de rapidité sur un grand espace hétéroclite. Vis à vis du dessin encore, une série d’image permettra au paysagiste de passer plus de temps à arpenter que de chercher à retranscrire. Toutefois il existe des outils en dessin comme la vue à vol d’oiseau qui établissent un graphisme rapide pour expliquer un ensemble. A l’inverse quand il s’agit de passer du temps à comprendre une vue, s’assoir afin de mesurer les proportions, relever les lignes de fuites, composer avec les couleurs et enfin la lumière. Les deux médiums encouragent cette rencontre lente avec le site. J’ai grâce à la pratique du

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dessin enrichit ma composition photographique. A l’inverse les images captées ont elles aussi orienté mes cadrage de dessins ou je remarque un hors champs souvent présent grâce aux bords de mon carnet. Le médium de lecture influence t il la forme du projet qui suit ? Je vois ces prises photographique de l’arpentage comme la construction d’un corpus sur lequel je peux ainsi que d’autres rebondir sur des conditions du site. Ne prétendant pas capter l’intégralité de ce qui fait le lieu. Il est intéressant de lancer plusieurs photographes sur un même site et voir les différences entre les représentations. Ce qui va en direction des mission photographiques bien que dans ces dernières les photographes ne se chevauchent pas dans leur travail. Je trouve que cette première série d’image dans le cas d’un parc conçu témoigne parfois d’une intention du concepteur qui l’a fait. Je vais plus élaborer en quoi je pense que les réalisations des concepteurs ont guidés mes orientations photographiques.


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HISTOIRE DU SITE : Nanterre était autrefois rural. Les élevages de vaches normandes se faisaient sur les prés inondables de Nanterre, dernière étape avant de rejoindre les abattoirs de Paris. Le développement industriel au début XXème s’accompagne d’une densification de l’urbain. La reconstruction du pays après guerre nécessitera la venue d’une main d’oeuvre d’immigrée qui logeront dans des bidonvilles à Nanterre. En 1970 le passage de l’autoroute A14 expulsera les résidents des bidonvilles et les relogera dans des grands ensembles. « En 1904, Jean Dupuy, directeur du quotidien le Petit Parisien, décide d’implanter sa fabrique de papier journal sur les bords de Seine à Nanterre. Située à proximité de Paris, cet emplacement est idéal. Il permet d’acheminer les matières premières sur des péniches en évitant la traversée de la capitale (importation de pâte à papier de Scandinavie, de charbon, de bois…). La livraison des bobines de papier à l’imprimerie parisienne se fait ensuite en camion à vapeur. À proximité de l’usine, entre la rue de Bezons et l’avenue de la République, l’entreprise construit des logements de fonction. Composé de pavillon agrémenté de petits jardins, la cité Paul Dupuis voit le jour dans l’entre deux guerre. Elle est détruite dans les années 1980 pour laisser place à l’autoroute A86. Entre l’usine et la zone de stockage du bois et de la pâte à papier, une sablière exploitée par la famille Le Monnier est également en activité. Elle reste jusqu’à la fin des années 1940 avant d’être remblayée par la papeterie après l’achat des terrains. Dès les années 1950 à 1960, La Papeterie de la Seine dispose de cinq machines à papier pour la fabrication du papier journal, du papier kraft, du papier couché satiné, du papier collé et du papier d’emballage. Plus de 1600 personnes y sont employées. De nombreux bâtiments sont nécessaires aux quatre grandes étapes de fa-

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brication du papier journal : le bois importé est d’abord trempé, écorcé puis râpé pour élaborer la pâte à papier, la pâte est ensuite raffinée, malaxée puis passée dans d’immenses rouleaux pour devenir une feuille de papier, le papier séché est coloré, satiné ou surglacé avant d’être embobiné. La papeterie de la Seine est l’une des seules usines du début de l’ère industrielle encore en activité un siècle plus tard sur la commune de Nanterre. Bien que menacé de fermeture à la fin des années 1960, l’activité est maintenue. L’usine s’équipe de machine automatisée et adapter sa production aux besoins environnementaux. Cela lui permet de conserver son activité jusqu’en 2011. Le site a depuis été acheté par le groupement BNP-Woodeum, afin d’y développer un projet économique. Origine de la perspective : Au XVIIe siècle, l’ouverture du jardin des Tuileries et la plantation d’une bordée d’arbres jusqu’à la butte Chaillot marque le point de départ de la « voie royale », reliant les deux résidences royales du Louvre et de Saint-Germain-en-Laye sous Louis XV, le marquis de Marigny créer la place Louis XV (place de la Concorde), aménage les Champs Élysées, et fait édifier par Perronet un pont à Neuilly. La voie est prolongée jusqu’à la butte de Chantecoq. Cet ensemble s’urbanise rapidement et tous les gouvernements qui se succèdent tiennent à l’embellir. À la fin du XIXe siècle, l’idée d’une « voix impériale » favorisant la communication avec la Seine et l’Ouest, revient au goût du jour. La ville de Paris et le Département de la Seine lance en 1931, « un concours d’idées » pour l’aménagement de cette avenue de Neuilly et de la Grande armée, porte Maillot et construction d’un nouveau pont plus large. En 1950, le département de la Seine accepte que le quartier d’affaires soit installé à la Défense. Les maisons individuelles autour de l’usine était majoritairement pour les ouvriers ou les maraichers. »


EXPÉRIMENTATION : RÉCIT PHOTOGRAPHIQUE DE L’ARPENTAGE

Parc André Malraux : La conception du parc, dont les travaux débutent en 1971, est confiée au paysagiste Jacques Sgard. A l’emplacement du site s’élevait l’un des plus vastes bidonvilles de la région parisienne, des terrains vagues ainsi que d’anciennes carrières de gypse. Le modelé est réalisé en grande partie avec les déblais du quartier de La Défense. Environ un million de mètres cubes de marne calcaire rocheuse et compacte sont absorbés durant la dizaine d’années que dure le chantier. Les différentes parties du parc ouvrent progressivement au public de 1977 à 1980 pour une surface finale de 25 ha. Le maître d’ouvrage, l’EPAD (Établissement public d’aménagement de La Défense) confie, dès son ouverture, la gestion du parc au département des Hauts-de-Seine qui en est désormais propriétaire. Parc du Chemin de L’ile : « En 1979, les lieux sont inscrits comme espaces verts dans le plan d’occupation des sols. L’idée d’un parc urbain s’installe peu à peu. En 1999, le département des Hauts de Seine, la région Ile de France, la ville de Nanterre et l’établissement public d’aménagement Seine Arche signent une convention d’aménagement. Un concours international est lancé. Le jury retient le projet du paysagiste Guillaume Geoffroy-Dechaume coresponsable avec Gilles Clément de l’agence Acanthe. Les travaux commencent en 2003. Le parc est ouvert au public en 2006. Guillaume Geoffroy- Dechaume a conçu un parc où l’eau est la composante essentielle, aussi nécessaire au paysage qu’à l’environnement. La nature n’est pas subordonné à un projet esthétique, elle en constitue la principale raison d’être. Trait d’union entre la ville et le fleuve, ce parc intègre parfaitement les éléments urbain l’entourant comme l’autoroute ou la ligne RER. Les matériaux utilisés pour son aménagement sont d’anciens déchets présents sur le site et recyclés sur place. Enfin, la présence des jardins familiaux té-

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moigne du passé ouvrier du site. Le parc est orienté sur deux axes. À l’ouest, dans l’axe de la Défense, une zone est composé de bassins filtrants aux formes régulières, ponctuée d’éléments minéraux. À l’est, la partie longeant la Seine conjure l’ambiance champêtre. Les bassins cède ainsi peu à peu la place aux prairies. La préservation de la biodiversité est l’un des thèmes forts de ce jardin contemporain qui se donne pour mission de rétablir un milieu écologique équilibré. Le processus de filtration et de purification de l’eau est visible et même mis en valeur comme un élément structurant du paysage. Dans les bassins de filtration, les massette et phragmites filtres les matières en suspension et réduisent les teneur en chlore ainsi que les métaux lourds. Les iris d’eau éliminent les nitrates. Les nénuphars améliorent le taux d’oxygène dissout dans l’eau. Les arbustes plantés sont des essences locales comme le cornouiller, le noisetier, l’aubépine, l’églantier qui apportent nourriture et refuge pour la petite faune. La palette végétale est complétée par des arbres appréciant les milieux humides, tels que les saules blancs ou marsaults, les frênes communs, les aulnes glutineux. Ce parc est un exemple d’aménagement durable du territoire alto-séquanais. » Source : http://histoire-nanterre.org


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Jean Pottier Bidonvilles de Nanterre 1960

Après les recherches que j’ai effectué sur les observatoires photographiques, les images prises dans le passé m’apparaissent d’autant plus comme des richesses aux côtés de ce qui m’est donné de voir actuellement. Je remercie Pierre Enjelvin de m’avoir conseillé et apporté lors du repérage du voyage d’atelier le 14mars 2018 à Mantes-La-Jolie. J’ai pu expérimenter avec l’exercice de comparer une scène devant soi avec un cadrage du passé. Ceci est révélateur pour comprendre comment un paysage a muté comme il est. Les différences sont à l’origine d’un raisonnement, de formulations d’hypothèses. Comment se placer dans l’espace pour retrouver ce cadre en dit beaucoup, sur comment le photographe s’est lui même positionné dans le passé par rapport à une scène qui n’existe plus. Quel matériel le photographe a t il utilisé, a t’il laissé une légende ? Puis une fois que nous avons résonné dessus, trouver le cadre exacte révèle encore des différences dans la forme qu’a pris l’architecture, la croissance de la végétation, la disparition des infrastructures nécessaires aux précédentes moyens de locomotions… Voici deux images que nous avons conduit ensemble.


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Mantes intérieur de la Gare 14 mars 2018

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Ermitage de Saint Sauveur Panorama de Mantes 14 mars 2018


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ORIENTATIONS PLASTIQUES DU TRAVAIL DE L’IMAGE Ce que je n’ai pas fait durant ce premier exercice est d’altérer la réalité. Une volonté de conception passe par cette action. Peut être que cette intention n’arrive pas aussi tôt dans la première approche, lors d’un état des lieux. Mais qu’elle apparaît lors d’un retour in situ, quand une opinion du concepteur se forme peu à peu. A la vue du premier arpentage, le travail de la pile notamment m’a permis de dessiner des thématiques. Grâce à elles nous avons pu voir ensemble plusieurs conditions du site qui me paraissent intéressantes de poursuivre dans ma recherche. Des conditions qui sont je pense des intuitions au projet. De ces conditions commence le travail de recherche plastique afin de jouer avec cette réalité. De diriger cette recherche comme un processus d’apprentissage d’un langage.


ORIENTATION PLASTIQUE DU TRAVAIL DE L’IMAGE

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La dichotomie du site. Ce dernier possède des composantes parfois opposées, et c’est dans l’entre deux que je trouve des pistes d’intentions et des lieux d’intervention. Mais il me faut un moyen de pouvoir composer dans l’image avec ces ambivalences. Pouvoir jouer avec les proportions et les emplacements de ces contradictions, avec toutefois les contraintes réelles que m’impose l’image photographique. Nous verrons qu’un site ambivalent est aussi très graphique. J’ai testé à la Pièce d’eau des Suisses ( pour raison de proximité et non d’ambivalence) à Versailles un procédé d’image me

Deux captures provenant d’une vidéo d’expérimentation du mirroir devant le capteur, à la Pièce d’eau des Suisses, Versailles. 27 mars 2018


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permettant d’intégrer le hors champs voir même l’opposé de ce que je regarde dans mon cadre photographique. Par un procédé simple, qui est de bouger un miroir devant l’objectif de son appareil, nous obtenons une mise en abime. Un nouveau cadrage dans l’image représentant ce qu’il y a sur les cotés ou même derrière nous. C’est la phrase de Lewis Baltz une fois à Nanterre qui m’a inspiré de rechercher une façon de représenter l’invisible, montrer le hors champs sans qu’il perde son statut. « lorsque vous prenez une photographie retournez vous. » J’ai sur site donc réfléchis non pas par ce qui était devant moi mais en composant à 360° une image photographique. Dans la discipline du paysage mon oeil est formé à cela, c’est pourtant une nouvelle gymnastique en tant que photographe. Le Hors Champs est vaste, il peut comprendre une partie d’un objet qui se dessine à moitié dans le cadre, nous faisons crédit de l’autre moitié et de l’identité de cet objet pourtant presque disparu. Puis c’est parfois le sens même. Par exemple le regard d’un sujet porté vers l’extérieur du cadre conjure notre imaginaire, avec les détails qui nous sont donnés de voir il nous faut mentalement représenter ce qui n’existe pas dans l’image. Deux exemples parmi tant d’autres manières d’utiliser le hors champs. Il est bien question ici de garder un statut de hors champs car notre cerveau analyse le miroir et interprète ceci est physiquement hors du cadre et non pas réellement dans l’image vu. Mais nous verrons que ce n’est pas toujours le cas… Reflet : Phénomène par lequel une lumière, colorée ou non, renvoyée par un corps ou une surface réfléchissante, produit dans une zone moins éclairée une image affaiblie de cette lumière.


ORIENTATION PLASTIQUE DU TRAVAIL DE L’IMAGE

Parfois une partie du discours n’est pas derrière soi. L’image photographique plane suffit à représenter ce qui réellement est à côté l’un de l’autre. Mais l’importance que l’on donne à chaque composante est personnelle. Prenez pour exemple un logement collectif et au pied une tente. Si vous voulez conservez un rapport d’échelle entre les deux il vous faudra prendre l’intégralité du logement collectif, la tente vous paraîtra petite. Pourtant la tente n’est pas à négliger. Capture : Action de saisir quelque chose avec vivacité par l’intelligence, par le sens esthétique, de manière à l’introduire dans une œuvre; ce qui est ainsi saisi, représenté

En découpant un cadre en carton que je tiens dans ma main devant mon appareil photographique, je met en lumière certaines composante de mon cadrage de l’image. J’emploi le cadre photographique pour sélectionner des portions de monde. Alors pourquoi pas reproduire cette action à l’intérieur de l’image elle même. En jouant avec l’écart entre moi et le capteur, mon cadre en carton change de taille. Je peux encadrer le logement de 12 étages comme la tente. Si celle ci se retrouve encadrée, le spectateur visuellement est attiré par elle alors qu’il ne le serait peut être pas à cette distance dans la réalité. Notons que je peux aussi bien cacher avec ma main une partie de l’image pour représenter un geste de sélection. La mise en scène est aussi une large part de notre travail de paysagiste. Je reprends une grammaire photographique pour la représenter. Je testerai ce procédé graphique directement à Nanterre.

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J’ai également trouvé au moyen d’un filtre à densité neutre de conduire des poses longues en mouvement permettant encore une fois d’inscrire plusieurs angles de vues sur une même image. Ce qui diffère ici par rapport au miroir et au cadre à main est que la cadre entier d’origine est commun aux images induites par le mouvement. Nous sommes dans le cas d’images plus abstraites et de se fait il est plus difficile pour notre cerveau de spatialiser les limites entre les images. Le hors champs n’est plus clair.

8 février 2018, Pièce d’eau des Suisses, Versailles. 20s f16 17mm

Les images se fondent entres elles. Le capteur reste sensible et imprime un ensemble. Est ce une métaphore de la mémoire ? Je crois qu’en fondant les ambivalences du site je pourrai nourrir ma recherche en vue de faire apparaitre des enjeux. C’est un peu comme si spatialement nous pouvions mettre des oxymores ensembles : un logement collectif au sein d’un bosquet de régénération, une forêt sur une prairie. Pouvoir voir deux contradictions mélangées…


ORIENTATION PLASTIQUE DU TRAVAIL DE L’IMAGE

En amont de ces trois techniques plastiques, ce sont aussi les images conduites lors de l’arpentage qui ont construit mes idées. Déjà lors du premier contact je me disais « Et si tu pouvais prendre aussi ce qui est derrière ? Comment cibler tout en montrant un ensemble ? Comment atteindre une image plus abstraite plus libre mais pour autant identifiable du lieu ? » Ce sont des questions notés in situ. Le travail bibliographique a contribué à me faire réaliser des directions prises par une majorité de photographes et de paysagistes. Mais certaines directions comme la photographie plus abstraite du paysage reste encore peu travaillé. Beaucoup de photographes ont dans la construction de leurs images déjà en tête une finalité qu’est l’accrochage du travail, la présentation dans une publication ou une galerie. Le travail photographique du paysagiste du moins mon travail par l’image n’est pas construit dans ce but. Mais avec la liberté de composer une forme dont l’exposition devra se plier au contenu et au sens du propos recherché. Je ne suis donc pas contraint, je suis libre par ma recherche de me tromper, ou de ne pas encore arriver à mon dessein de départ. Comprenez bien que ces manipulations plastiques découlent de conditions du lieu, du travail photographique en amont et d’une bibliographie. Et je pense que la photographie est suffisamment riche pour pouvoir être pratiquée d’autant de manières qu’il y a de sites. Puisque je cherche à construire ma pratique de l’outil vis à vis de notre métier de concepteur d’espaces. Il faut garder à l’esprit que bien que le processus de cette recherche emprunte des chemins similaire à la pratique du projet enseigné à l’école. Chaque projet ne requiert pas une bibliographie, ou un rebond photographique. Ainsi la pratique de l’image que je même ici est soit une alternative ou une complémentarité au projet, ou devra se condenser au sein de celui ci. L’optique étant de bien comprendre ce processus pour pouvoir le réitérer plus tard plus instinctivement.

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RETOUR SUR SITE

Maintenant que je suis muni d’outils conçus en appuis de mes recherches précédentes. Je retourne le 10 avril 2018 sur le site de Nanterre en arpentant les lieux des précédents cadrages que j’ai pu conduire lors de l’arpentage. En effet les coordonnées GPS des 41 images précédentes m’ont donné un périmètre de travail pour poursuivre mes travaux. Intuition : Connaissance directe et immédiate d’une vérité qui se présente à la pensée avec la clarté d’une évidence, qui servira de principe et de fondement au raisonnement discursif. Les yeux sont ouverts et l’on voit sans effort. (MAINE DE BIRAN, Journal, 1823, p. 394)

Si je reprends la synthèse de l’arpentage : Je retiendrai comme attribut du site sa dichotomie. Ses composantes sont parfois opposées et forment des scènes très graphiques mais dans la vie quotidienne elles sont vécues comme des situations assez déroutantes. Entre mobilité et habiter, grands ensemble et maisons individuelles, absence et lieux vécus. Ce sont ces Lieux : les ponts, lieux de transitions, les espaces antagonistes qui portent l’ambitions des enjeux. J’ai au moyen de l’image photographique, répertorié des lieux où ces divergences se manifestent, dans l’optique peut être de devenir les espaces où investir un projet. Dans la temporalité d’un paysage comme ici, l’instant n’est pas à négliger. Une fraction de la journée peut capter une façon de vivre le lieu. Presque in-


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visible dans les échelles des grandes infrastructures et des réflexions d’habitats en collectivités. L’individu est mit de côté. Se concentrer sur l’individu. L’échelle du corps dans l’urbain est en retrait de celle conçu pour le groupe. Et c’est normal l’un prend plus de place que l’autre. C’est la transition entre un aménagement pour une société et celui pour l’individu qui est importante. L’espace ouvert et large peut être vécu par un seul individu. Cet exemple est pour dire que les situations se croisent. L’informalité est importante, l’humain est informel et liquide en quelque sorte, il habite et vis un espace à sa manière, et ne doit pas changer pour vivre un espace. Cela entraine des mal être. Je trouve un point commun entre le parc et le délaissé. Certains usages sont similaires. Dans la friche on observe un aménagement personnel de son espace. A partir de ce que d’autres non pas dessinés justement, une surface neutre, une nouvelles forme prend plus librement. Dans le parc aussi d’une manière plus éphémère, aussi par la trace. Ce n’est pas par l’aménagement et le corps comme dans le délaissé que le parc est vécu. Mais par le corps et l’esprit. On n’aménage pas physiquement dans le parc sauf cas de jardins familiaux par exemples. Les friches sont des laboratoires de la ville. Les parcs urbains viennent ensuite. Qu’en est il si nous intégrons d’avantage de choix dans les aménagements ? Quand on conçoit un espace, laisser une plus grande part à l’imprévu. La forme peut toujours changer à nouveau. Une grande part de l’imprévu se manifeste dans l’intime, la nuit notamment n’est pas à négliger pour ses usages. Cette même temporalité du site est rapide. Les constructions poussent très vite. D’une génération à l’autre les trajets quotidiens changent, la façon d’habiter un quartier évolue tellement vite que les habitants ne s’approprient pas ces mutations. Les chantiers, sont des lieux de transitions. Actuellement fermés et barricadés. Peut être que seulement les donner à voir favoriserait l’appropriations des habitants de ces changements rapides. C’est un spectacle inté-


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ressant, j’ai moi même passé une partie de mon temps sur site à contempler ces constructions. Nous pouvons pousser plus loin en suggérant un phasage ou le chantier avance et fournit de l’espace appropriable. Je pense à l’Ile Seguin à Boulogne où l’intention est en cours, mais il n’y a pas de visibilité sur le chantier. Je n’ai pas connu la construction du parc André Malraux, dommage car il a apparement fait usage d’un phasage pour réinvestir les anciennes carrières de gypse. Je cite enfin l’exemple des Etangs Goberts à Versailles, où le chantier de la gare des Chantiers bat son plein. Du point de vu du parc bien que celui-ci n’est pas fait l’objet d’une intention de donner à voir ou investir au fur et à mesure les changements du quartier. Sa topographie, et la passerelle autour de l’ancien réservoir est un formidable point de vu sur le chantier à voisinant. Publique, privé, pour la voiture, le piéton ou le train. Le fractionnement induit des limites. A force de dénombrer les espaces, on augmente la quantité de limites au point ou elles deviennent ici à Nanterre une partie du site. l’épaisseur de la limite. Comment utiliser ces No man’s land plus ou moins épais. Sont ils des Lieux à redonner à la ville ? Le parc du chemin de L’Ile est un exemple intéressant, les limites qui traversent le parc en font même un attribut de celui-ci. A l’échelle du piéton parfois ces espaces jugés trop petits son nécessaires dans un quartiers, car ils changent peu par rapport aux plus grandes surfaces. Il y a aussi les usages sur ces limites, les passagers du train ou les conducteurs sur l’autoroute ont des vues sur leur environnement. Faut il enfermer et comme dans le métro Parisien ne plus permettre de comprendre où l’on est, ce que l’on traverse ?

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Pose longue en tournant à 180 degrés. J’établis une relation entre les composantes en places qui se tournent le dos. Pas de liens évidents alors que si l’on mélange on obtient une autre perception. Des enjeux apparaissent ?




Se focaliser sur les détails dans une scène plus globale. Derrière ce bosquet de régénération se trouve une autre habitation. Une yourte avec un potager. Invisible mais à dénoter.

On observe déjà des équipements dans des parcs. Par exemple la paroisse Saint Joseph dans le parc André Malraux. Pourrait on voir un jour un parc réfléchit en amont de logements ou d’autres équipements ? Ou ces derniers viennent investir les espaces qui auraient été réfléchis à cette fin.



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Se focaliser sur l’individu. Ne pas négliger l’être dans un ensemble. Ici beaucoup est réfléchi à l’échelle du groupe mais l’intime se voit un peu écarter. La place de l’intime dans un grand espace est nécessaire pour s’approprier soi même. Avant de commencer à s’approprier l’espace.


S’approprier, la beauté dans les espaces délaissées et quand une idée ou un besoin est, elle prend forme. Devant un manque d’appropriation du contexte. La contemplation du chantier, un moment de lecture et d’appropriation du site. Remédie t il à une frustration de l’inapropriation ? La chaise ici témoigne de quelqu’un s’étant assis devant le chantier pour le contempler. A un point haut sans gène d’être vu. Une position assumée qui je l’interprète comme un besoin. Je suis resté une vingtaine de minutes sur cette chaise. J’étais bien, comme dans un salon de jardin. J’étais dans le jardin de quelqu’un d’autre. Ces délaissés sont un assemblage de traces de personnes. Des « signatures partagées » entre l’Homme et les dynamiques écologiques.


Certes un projet pourrait donner à comprendre ce qu’est le chantier. Si l’on pousse un peu, afin d’Investir l’autre côté ? Vivre l’espace en construction ou en déconstruction. La visite de chantier est toujours intéressant, de voir comment s’organise cette petite ville dans la ville. Vivre les derniers instant d’un lieu ayant marqué l’histoire d’une ville. Il est important de saisir des instants de ce qui va disparaitre. Peut être un bon souvenir qui nous aide à tourner la page sur des lieux aussi forts. Il y a beaucoup a tirer des chantiers. Un point sur le recyclage des matériaux, qui peuvent servir aux aménagement. Le Chemin de l’Ile est un exemple. Ou bien les jardins de l’Arche de la Défense, un travail de Gilles Clément en dessous de la passerelle, avec un calpinage de matériaux recyclés. Je poursuis avec Gilles Clément ou je trouvais sur le site cette ouverture très prenante, comme un « art involontaire ». Au Chemin de l’Ile pourquoi ne pas l’intégrer au parc puisque ce dernier est destiné à prendre une surface autrefois de la papeterie.


La construction est très rapide. Une vue se comble en très peu de temps. J’étais heureux de voir ces changements car en reconduisant l’image il est facile pour moi de faire parler le site et des idées. Et en même temps j’étais compatissant, ces changements si brefs en quelques semaines, le bruit des travaux... Ce salon de jardin sera t-il toujours utilisé à termes si en soirée le soleil est derrière des bureaux ou des logements ?


Conquérir l’autoroute, il y a un projet en cour pour recouvrir l’Autoroute. Pour le piéton c’est un véritable changement, plus besoin de faire le grand tour. Prenons toutefois en compte la perception de l’automobiliste aussi. Sera t il toujours en mesure de savoir ou il se trouve, de voir ce qu’il traverse. Comme la voie Pompidou sur les quais de Seine étaient symbolique pour la place que prend le piéton dans Paris. Ici c’est une continuité de l’axe royal que l’on rétablit, pour ici encore le piéton.


Comme action sur les infrastructures, le travail est non pas d’opérer un masquage ou maquillage d’une limite, mais bien son intégration. Le point de fuite représente la direction que prennent ces lignes de trains. Si l’on écarte cette objectif, qu’en est il à l’échelle de la ville ? Un clivage délimitant deux quartier ? Pour donner à voir ce passage comme un lieu relié et non une ligne séparatrice. Où il se passe autre chose que des passages. Cela commence peut être par raconter une histoire sous ces ponts. C’est ici même avant l’arrivée de ces ponts que les immigrés vivaient.


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SĂŠrie par plastiques.

techniques

Le mirroir Le cadre la pose longue


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Jusqu’à où met on en scène ? Faut il intervenir physiquement dans le cadre de l’image ? Nous avons vu dans la bibliographie des exemples comme Marion Gambin pour ne citer qu’elle qui mettent en scène leurs sujets. Ce étant une démarche artistique esthétique d’un tout autre registre que de capter le réel. Un autre processus aussi. Mais l’acte du concepteur est d’intervenir physiquement dans l’espace. Interagir avec le réel pour le rendre meilleur peut s’effectuer avec de nombreuses intensités, et je ne cherche pas à mesurer l’action d’une pelleteuse comme majeure ou non. Dans ces images l’intention commence à transparaitre, que c’est avec la réalité que la conception s’imagine. Avec les composantes en place qui ré-intérogées les unes entres elles font émerger des enjeux. Une politesse à l’égard du site, un respect et une bienveillance envers l’existant. Je n’apporte pas de corps étrangers. Telle est mon approche que je soutient par les images. Encore une fois il existe autant de manières de faire de la photographie qu’il existe d’approches au projet. Puis s’en découle la posture que prend le concepteur vis à vis du terrain. Se plie t-il au terrain pour le connaitre et pas l’inverse ? Je suis allé chercher ces images sur le site, à des heures des weekend des matins tôt quand la lumière est différente. Je me modifie mon être pour le terrain. Il est au centre de ma conception et je cherche à ramener le site avec moi quand je dessine le projet à distance. Mon Projet de Fin d’Etude (Diplôme) se déroule à Bangkok. Vis à vis du travail de mémoire je cherche à construire mon outil, pour ramener le site avec moi à Versailles. Je ne reste que 8 jours sur place. Je vois bien entendu dans cette recherche une nouvelle application lors de mon diplôme. Quand je ferai un travail de conception derrière l’usage de la photographie. Je pourrai poursuivre mon questionnement sur : le médium de lecture influence t il la forme du projet qui suit ?


RETOUR SUR SITE

Ce retour sur site fût pour moi un échec et à la fois un succès. J’ai bien saisi la continuité de mon approche à l’égard d’un lieu grâce au processus. Mais il me semble encore manquer de temps pour réellement représenter le dessein d’un projet. Je ne sais pas si j’y prétend encore. Je suis sur des pistes des enjeux qui certainement peuvent nourrir un projet. En l’état ces images sont des réflexions photographiques sur l’outil en tant que tel au contact d’un lieu. Est il dans mes main en mesure de donner à voir le site plus en profondeur ? M’aide t’il à lire un espace ? Mais pas encore comment je souhaite le transformer. Peut être aussi car le mémoire d’étude n’est pas le moment de concevoir un projet. Lors de mon cheminement, je remarque que je me place à l’extérieur des parcs conçus par les paysagistes. Je ne requestionne pas les formes des concepteurs mais je me place entre comme si une continuité est à faire entre ces parcs. Dans ma série de l’arpentage j’ai plus facilement photographié l’existant et les parcs ensembles. Dans une approche plus conceptuelle de l’image photographique, ou mon besoin était de retranscrire des positionnements graphiques pour commenter des conditions du site. Je ne vais pas expérimenter ces approches dans les réalisation de parcs. Le titre de ce mémoire est ambivalent. Le dessein du projet peut être compris comme celui de concepteur ayant réalisé les parcs que j’arpente, ou bien le dessein de ce que je souhaite pour le site, mes intentions de transformation de l’espace. En quoi les concepteurs par leurs réalisations m’ont ils influencés ? Je ne sais où placer la limite entre ce qui a été prévu par le concepteur et ce qui est vécu intuitivement sur le site. Mais dans l’optique de capter des formes, des matériaux et des corps et leur rapport d’échelle oui l’arpentage peut prétendre capter des intentions du concepteur. Mon discours ne s’oriente pas tellement sur comment mes images parlent des projets des paysagistes, car c’est un autre sujet en parallèle. Nous l’avons vu une même image peut avoir

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plusieurs discours. Si je pousse un peu plus loin, je pense que les conceptions des paysagistes ont influencé ma recherche des formes plastiques. Plusieurs fois je me suis retrouvé au parc André Malraux à me retourner pour percevoir de nouveaux cadrages que Jacques Sgard nous donne à voir. Plusieurs fois, au chemin de l’Ile dans les plaines je composais à 360 degrés avec la ville hétéroclite autour du parc. Les parcs agissent comme des mises en orbite de la ville, permettant de regarder à distance. Et mon travail de réflexion photographique s’est appuyé sur ces attributs des parcs par rapport à la ville pour mieux les observer. C’est en quelque sort un laboratoire pour une ville. Le parc représente une politique, des enjeux et des gens. Et j’ai bénéficier du travail de paysagistes avant moi pour mieux comprendre la ville. Alors pourquoi dans mon dernier travail je me suis plus tourné vers les friches ? Les chantiers ou les limites ? C’est parce que intuitivement mon arpentage photographique m’y a conduit, et parce que professionnellement ce sont les lieux d’intervention pour remédier à des enjeux d’espaces dans la ville. Tout comme les parcs, ils sont des laboratoires, à expliquer comment la ville est habitée et perçue. Ces espaces hors champs de la ville sont ce qui lui donne une épaisseur de sens. Ils seront après tout la ville de demain. Les parcs, les limites, les chantiers et les délaissés sont ensemble un maillage identitaire. La photographie est une pratique transversale, elle capte la réalité, qui elle même intègre le palimpseste du temps. Elle touche par son sens à d’innombrables sujets. Le plus difficile est de la recentrer sur ce que nous souhaitons partager. Bruno Tanant : entretien avec Marie Hélène Loze et Sonia Keravel Le photographe peut mettre en valeur des choses qui ne nous intéressent pas du tout à priori.


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OUVERTURE SUR DE NOUVELLES PISTES DE TRAVAIL Les travaux d’un photographe préfigurent une image culturelle du paysage. Le spectateur rencontre par la photographie un lieu mais aussi la personne ayant conduit ce travail de l’image. Le capteur photographique est toutefois insuffisant. Le cadre, la bidimentionnalité, l’absence de sens… En font une réduction de nos perceptions innées. C’est pourtant ses compromis qui rendent la photographie si appréciée à l’usage et par le spectateur. Son sens provient du travail de sélection, et celle-ci témoigne d’une identité d’un regard singulier. En quoi la photographie est elle adaptée à de la recherche en paysage ? Tout d’abord la photographie est le sujet même de cette recherche, cela dit dans le cadre d’autres recherches en paysage la capacité du médium à solliciter un terrain, conjurer une réflexion sur celui ci et enfin de permettre une prise de recul par rapport au travail sont il me semble des attributs nécessaires à la recherche, qui peuvent être atteints par d’autres biais bien sûr. Je serai très curieux de voir si d’autres étudiants de ma promotions ont employé la photographie dans leurs recherches, et de voir comment elle sert un discours. Donc un attribut de la pratique photographie est de conjurer le terrain dans la recherche. Dans cette même pratique l’être faisant l’usage de l’image inconsciemment ou pas réalise une démarche personnelle. Il faut avoir cette approche dans une recherche, il faut composer avec l’alchimie de l’inspira-


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tion pour trouver les bons questionnements. Pour ma part la photographie a aussi en dehors de ce mémoire été un catalyseur de réflexions. Puis, et c’est peut être très subjectif, je trouve qu’une recherche est plus intéressante à lire quand une démarche personnelle transparait. Le processus est aussi intéressant de noter dans le cadre d’une recherche en paysage. Pour mon cas de recherche j’ai fait un parallèle entre la construction d’une image et l’enseignement à l’ENSP. Et je trouve que ce parallèle est au service d’un étudiant en paysage qui conduit une recherche, ce dernier reprend une gymnastique qu’il a acquis lors de ces années de formations et retranscrit son travail d’une manière libre et pourtant organisée.

En effet le processus de construction d’un projet m’a influencé sur comment je pratiquais l’image photographique dans cette recherche. L’image est une manière pour moi de lire un site et de faire transparaître des enjeux. Si je prend un peu de recul maintenant, je ne cherchais pas à créer un lien entre mes images, comme le fait Jürgen Nefzger avec les cheminées d’usines nucléaires par exemple. Je l’ai peut être fait seulement avec le format. C’est justement le réagencement d’une série qui à induit le récit. Peut être devrais je travailler sur site déjà l’ordre de cette série, en quoi réfléchir sur le site à l’histoire d’une série serait elle plus pertinente ? Enfin je continuerai ma réflexion pour l’exposition de mon travail en juin 2018. Bien qu’il y ait une exposition à la fin, que j’ai choisi de faire pour encore me confronter à l’exercice de la série et de la scénographie du travail. Le but de la recherche n’est pas en soi le rapport avec le public. Je n’ai pas conçu sur site les images pour qu’elles soient vues. Le rapport avec le public n’étant pas le but en soi, cette approche ma libérée dans mes recherches. Il me manque peut être un travail sur le corps. Je n’ai pas assez travaillé ce que le corps pouvait révéler de l’espace, l’image photographique est un médium qui me semble adaptée à capter cette approche. Je poursuivrai ma recherche que j’ai commencé avec Lise Benoit. Mais je parle aussi du corps


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MISE EN ORBITE DU TRAVAIL DE RECHERCHE, OUVERTURE SUR DE NOUVELLES PISTES DE TRAVAIL

de l’appareil photographique. Comment donner un corps à l’appareil ? J’employais beaucoup mon trépied pour les images, et je n’ai donc par ce biais pas fait transparaitre mon corps de photographe dans un espace. Qu’est ce que cela peut annoncer ? En effet nous avons vu avec Eugène Smith que le spectateur incarne l’appareil photographique dans une scène. Il y a donc au minimum une réflexion à avoir sur deux corps par rapport à l’image. C’est peut être une piste de travail pour le dernier atelier d’art plastique 23 avril 2018 pour donner corps et sens à notre imaginations. Puis j’ai le sentiment de ne pas avoir assez joué avec mes images elles même, découpage collages, écriture sur les images. Il me faut aussi remettre en question la forme que prend la réflexion devant les images. Puis renforcer mon choix du numérique jouer avec photoshop, Lightroom… mettre en avant ses attributs au service du discours. Une action que j’ai remarqué dans ce travail, est la construction de mes propres lieux. Le recueil d’articles : Communications Autour du lieu13 et notamment dans l’article de Jean-Didier Urbain. Etendue, espace et lieu, le lieu est crée quand un espace reçoit un récit. Le lieu est personnel et col-

13 LAPIERRE, Nicole (dir.). MORIN, Edgar (dir.). Recueil d’articles :Communications Autour du Lieux, Paris, 2010, 177pages

lectif, tout dépend de l’histoire ou les histoires vécues. Mais c’est le récit qui conduit par l’être qui constitue sa création personnelle du lieu. Je me suis construit des histoires sur des espaces, mes récits étaient parfois composées d’histoires d’habitants du lieu. Si je parviens à construire pour d’autres des lieux par des images et leurs récit, et que cela leur déclenche la simple envie d’aller sur l’espace photographié, alors je serai satisfait. Peut être que par des récits photographiques sur des parc de paysagistes, la société à la vue de ces images construira d’autres liens avec ces espaces et qu’elle comprendra mieux ce que font les paysagistes. Un genre photographique est à poursuivre : la photographie de projets de paysage. par le programme de recherche ANR PhotoPaysage14. Un art caché dans l’autre. Je l’effleure dans ce mémoire, mais c’est évidemment une piste de recherche.

14 ANR PhotoPaysage http://photopaysage. huma-num.fr


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L’ESPACE DE LA CHAMBRE, ENTRE LES MAINS DU CONCEPTEUR

Des réalités du site ont été représentée je trouve que dans la travail photographique conduit à Nanterre. Lors de mes stages dans différentes agences de conceptions j’ai pu constater un écart entre les politiques publiques et ces réalités du terrain. Le travail du paysagiste est d’articuler. L’image peut prétendre à ce même but qu’est d’articuler. Une notoriété auprès d’une société, un médium populaire peut il révéler l’angle mort des politiques publiques et être suffisamment fort pour orienter l’aménagement ? En quoi la photographie et ses qualités intra-séques peuvent elles modifier et orienter les pratiques de ceux qui façonnent le territoire ? C’est évidement une question que je n’ai pas intégralement répondu et qu’il me faudra poursuivre. Quand j’ai montré mes images à mes proches, ou même les habitants, les enjeux du sites sont apparut plus clairs que dans mes autres formes de médiations. Je construis peu à peu, d’ou la volonté d’une publication, une ambition culturelle didactique. Ou l’image permet d’accompagner une société à regarder ou elle est encouragé d’être pratiquée par tous comme le moyen de se saisir et de parler d’enjeux du quotidiens. Soutenir un acte de donner aux mains des élus des outils pour l’aménagement du territoire. Un projet personnel ne peut il pas devenir une commande professionnelle ? En discutant avec Pierre Hémon, Alexandre Petzold, Pierre Enjelvin, et d’autres personnes pratiquant la photographie du paysage, j’ai trouvé qu’une part du travail par l’image est de produire avant un besoin. Ou d’anticiper un enjeu. Ce travail de mémoire est une démarche d’un étudiant qui transparaitra professionnellement. Je me questionne sur l’utilité d’un médium dans la pratique, et je pense que d’autres se posent des questions similaires. Un peu comme l’aspect sain du terrain vis à vis des questions d’une recherche. J’espère atteindre l’intérêt si je me pose des questions qui sont proches d’autres pratiques. La publication est un objectif pour moi, j’espère plus tard pousser une recherche jusqu’a l’édition.


MISE EN ORBITE DU TRAVAIL DE RECHERCHE, OUVERTURE SUR DE NOUVELLES PISTES DE TRAVAIL

Invitations à suivre du contenu : Le travail d’Alexandre Petzold site : http://alexandre-petzold.odexpo.com Le travail de Pierre Enjelvin sur le Parc naturel régional du Vexin français : http://www.pnr-vexin-francais.fr/fr/amenagement/paysage/regards-croises/ Le travail vidéographique de Pierre Hémon : https://vimeo.com/user6481566/videos Des inforamtions sur d’autres missions photographiques sont disponibles sur : http://expositions.bnf.fr/paysages-francais/missions.php

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APPARITION D’UN LOINTAIN AUSSI PROCHE SOIT IL. CONCLUSION L’histoire du paysage et l’histoire de la photographie ont évolués ensembles, mais ils sont intimement liées dès la première image pérenne obtenue à travers une chambre noire par Nicéphore Niepce en 1826. Dans le volet de l’aménagement. Architecture comme le Paysage. La photographie a longtemps été un « médium transparent »15, l’objectif étant uniquement l’enregistrement de documents elle n’a pas été l’outil même de l’étude. C’est en effet un problème dans sa nature, celui de représenter le réel placé devant un capteur. Mais la photographie a tout de même évolué ses statuts, et les réflexions quelle portait ont changé avec elle. L’image s’est saisie peu à peu des questions d’espace comprenant des enjeux identitaires, politique, environnementaux et sociaux. Et a contribué à réfléchir sur ces notions complexes. La photographie a donnée à voir et débattre dans les années 1930 cet équilibre précaire entre conservation et exploitation du territoire. Elle était le médium à la fin du 20ème siècle employé pour questionner une manière de vivre l’urbanité. Au même moment le gouvernement Français travaillait sur l‘identité de ses territoires, l’image y sera sollicité comme le langage d’une recherche. Aujourd’hui la langue photographique est encore en construction et est toujours pratiquée en quête de mieux connaître l’espace autour de nous. Nous l’avons vu récemment avec l’exposition de la BNF Paysages Français : une Aventure Photographique où le corpus constitue désormais une rétrospective qui nous fait plus aisément juger des directions prises aujourd’hui dans l’aménagement. Décortiqués, ré-appropriés

15 KERAVEL, Sonia. Quand la photographie se mêle du projet de paysage, Gérard Dufresne et Alain Marguerit, trente années de collaboration.


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et racontées par d’autres. Ces images ont orienté des regards d’une société, et ont même influencé des métiers de l’aménagement. J’ai cherché à montrer que la photographie a une influence sur l’aménagement, je travaille maintenant à ce que l’image ait une influence sur mon aménagement, ma conception. Par un travail bibliographique je me suis construit une assise de connaissance pour justifier mes intentions. Puis j’ai au moyen de l’expérimentation photographique conduit un deuxième travail de recherche sur la commune de Nanterre. Comme pour une photographie : L’espace est une condition du projet de paysage, ils sont très rarement dissociés. L’art doit il influencer l’aménagement ? Je défend l’idée que oui, puisque que je souhaite que la construction de l’image forge mon regard. Mais je suis convaincu du bénéfice de la réflexion par l’art, qui m’aide à effectuer un processus intellectuel au service du projet. La posture par rapport au terrain du site me fut intéressante à étudier de nouveau dans cette école de projet. J’ai dans mes images du site illustré l’importance que j’accorde à l’existant, ma volonté de concevoir avec lui et non le transformer par des externalités. Je n’impose pas un dessin, il me provient du lieu. Puis j’ai mesuré l’importance qu’est de se rendre sur le lieu, je me suis modifié moi même pour le capter. La photographie encourage de pratiquer cette démarche. Partir du terrain est également sain dans une recherche en paysage. L’image photographique s’est révélée agréable à étudier par la pratique car elle allie des aspects théoriques et pratiques du terrain. Puis comme dirait Rolland Barthes « La photographie introduit au scandale de l’horreur, non à l’horreur elle-même ». Son attribut de mise à distance fut pour moi une grande qualité avec les vas et viens du travail de recherche. J’ai vu durant ce travail des exemples de coproduction de projet de paysage. Par des paysagistes faisant appel à des photographes. L’analyse de ce que


CONCLUSION

les paysagistes cherchaient dans leurs commandes a orienté ma pratique photographique : Vis à vis de la personne qui prend l’image, j’ai pu faire l’expérience de la capacité de l’acte photographique à aider mon corps à la rencontre d’un espace et toutes ses composantes. Puis, grâce au recul que permettent les images j’ai pu réinterpréter mon propre regard. Peut être que la photographie convient d’avantage à certains sites que le l’usage d’autres médiums. D’ailleurs ce dernier influence t-il la forme du projet qui suit ? Vis à vis de mon diplôme, je vais continuer ma pratique et l’application de la méthode de cette recherche en vue de capter le site, le rapporter avec soi et poursuivre l’intuition photographique du concepteur. L’intention d’une conception personnelle que j’ai cherché à capter par les images ici, n’est pas totalement réussie. Il me faut poursuivre ma démarche au delà du mémoire. C’est plutôt mon intuition qui dans ce premier temps de recherche fût captée. J’élève l’image à un nouveau statut peu à peu dans ma conception. En quoi ces recherches du mémoire ont-elles influencé ma pratique photographique en général ? Bien qu’elle gardera toujours pour moi l’attribut d’une saisie d’un vas et vient entre déplacement géographique et voyage intérieur. Puis comment et sous quelle forme la recherche peut elle se poursuivre ? J’ai déposé ma candidature pour le programme Yves Brunier à la Villa le Nôtre en 2019, je souhaiterai soit reprendre où je me suis arrêté ou poursuivre d’autres questions de ma recherche. Puis professionnellement dans ma pratique j’espère avoir le temps de continuer l’usage de l’image et me nourrir de ses questionnements. Enfin j’ai éprouvé beaucoup de plaisir d’aborder par la photographie le monde autour de moi. Autant dans l’histoire que le présent.

La recherche par l’image photographique m’a conduit à questionner le temps et l’espace. Un parallèle m’est venu sur le terrain, entre l’instant dans une durée et le lieu dans l’espace. L’acte photographique s’inscrit entre et

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capte l’instant du lieu dans un continuum de temps et d’espace. « Le paysage est l’art des mouvements arrêtés. » j’ai en quelque sorte construit mon interprétation de cette citation de Michel Corajoud. La photographie est une pratique transversale, elle capte la réalité, qui elle même intègre le palimpseste du temps. Elle touche par son sens d’innombrables sujets. Le plus difficile est de la recentrer sur ce que nous souhaitons nous dire avec elle et à d’autres. Puis la photographie est un langage entre les Hommes et ce sont derniers qui transforment l’espace. De ce fait le paysage n’est-il pas à la fois une réalité et une représentation ?


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ENTRETIENS DUFRESNE, Gérard. Entretien avec Marie-Hélène Loze et Sonia Keravel, PhotoPaysage, 2017 http://photopaysage.huma-num.fr/gerard-dufresne/ PETZOLD, Alexandre. Entretien avec Marie-Hélène Loze et Sonia Keravel, PhtoPaysage, 2017 http://photopaysage.huma-num.fr/alexandre-petzold/ TANANT, Bruno. Entretien avec Marie-Hélène Loze et Sonia Keravel, PhtoPaysage, 2017 http://photopaysage.huma-num.fr/bruno-tanant/

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222

TABLE DES MATIÈRES AVANT PROPOS

6

INTRODUCTION 9

L’ « EMPAYSAGEMENT» PHOTOGRAPHIQUE

13

PETITE HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE 15 Chronologie 15 Le paysage devient un attribut des nations 22 1851 UN NOUVEL OUTIL, UN RECENSEMENT DU PATRIMOINE NATIONAL Fin 19ème service de restauration des terrains de montagne 1912 à 1931 Archives de la planète 1950 ministère de la reconstruction et de l’urbanisme

25 27 28 30

1935 LA FSA DRESSE LE PORTRAIT D’UNE AMÉRIQUE EN CRISE

31

1964 L’INVENTAIRE GÉNÉRAL

34

1975 NEW TOPOGRAPHICS PHOTOGRAPHS OF A MAN-ALTERED LANDSCAPE

35

1984 LA DATAR, EN QUÊTE DE L’IDENTITÉ DES TERRITOIRES 1986 mission du Conservatoire du Littoral 1986 mission Transmanche 1987 mission les quatre saisons du territoire de Belfort

38 43 43 43

1992 LES OPNP

44

UN OUTIL SOCIÉTAL

48

2011 UNE AUTO COMMANDE DE PHOTOGRAPHES, 43 VISIONS PERSONNELLES

49

PAYSAGES FRANÇAIS : UNE AVENTURE PHOTOGRAPHIQUE 1984 - 2017 52 Rebond 54

L’ESPACE DE LA CHAMBRE ENTRE LES MAINS DU CONCEPTEUR

59

QUAND L’ART INFLUENCE L’AMÉNAGEMENT 61 Le gouvernement Roosevelt 61 Les parcs nationaux Américain 61 La migration 62 New Topographics 62 Homes of America 63 26 Gasoline Stations 64 DATAR 64 Les Observatoires Photographique 65 Coproduction du projet paysage 66 REPRÉSENTATION RÉALISATION DEUX PRATIQUES LIÉES 69 Parallèle du processus du projet est celui de l’image 69 Les temps du projet 70 Premier contact 72 Raconter le site 75 Préfigurer 81 Le chantier 83


223 L’icône 86 Rephotographier 89 Une autre corde à l’arc du paysagiste 91 Jacques Simon, représentation des intentions 92 Jouer avec le réel 94 Communiquer un univers complexe 94 Les médiation par l’écriture, et l’image 96 Le partage de l’image 96 Grammaire photographique 97 La planéité 99 L’instant 99 Le cadrage 100 La mise au point 101 MA PRATIQUE PHOTOGRAPHIQUE Mes début / Évolution de ma passion Le cadre et l’objectivité Outils de mesure / déclencheur Formats / Spécificités techniques Recherches photographiques récentes

103 103 105 107 108 110

MÉTHODOLOGIE DE L’EXPERIMENTATION Frontière entre deux disciplines Processus de l’expérimentation Choix du site

112 112 113 116

EXPÉRIMENTATION : RÉCIT PHOTOGRAPHIQUE DE L’ARPENTAGE 118 Transport/protocole 118 Équipement 119 Première série d’images 120 Série retenue 122 Exercice de la pile 122 L’absence est une trace 125 Saynètes le lieu vécu 131 Un instant et demain ? 144 Azimuts, les composantes d’un espace 152 Synthèse des conditions du site 162 Présentation du 26 mars 164 Carte des coordonnées GPS 165 Rebond sur l’expérimentation 166 Histoire du site 169 L’expérience des observatoire avec Pierre Enjelvin 173 ORIENTATIONS PLASTIQUES DU TRAVAIL DE L’IMAGE Le miroir Le cadre La pose longue

176 177 178 180

RETOUR SUR SITE 183 Le lieu 183 L’individu 184 Le chantier 184 La limite 185 Rebond du retour sur site 202 OUVERTURE SUR DE NOUVELLES PISTES DE TRAVAIL Contexte de la recherche Pistes de réflexion

205 205 206

APPARITION D’UN LOINTAIN AUSSI PROCHE SOIT IL. CONCLUSION

211

BIBLIOGRAPHIE 216 REMERCIEMENTS 224


224

REMERCIEMENTS

Je remercie Sonia Keravel pour m’avoir encadrée lors de cette recherche. Ainsi qu’Olivier Marty et de nouveau Sonia Keravel pour avoir contribué aux rendus intermédiaires. Je remercie Pierre Hémon pour nos échanges et débats sur le rôle de l’image. Puis Alexandre Petzold pour notre long et pertinent échange le 16 avril 2018. Ainsi que Pierre Enjelvin et Joséphine Billey pour notre journée à Mantes-La-Jolie sur le terrain du voyage d’Atelier, le 14 mars 2018. Je remercie Michel Audouy et Pauline Frileux pour leurs retours sur mon travail. Enfin je remercie Kim Brindel, Lise Benoit et Christophe Brindel, pour avoir pratiqué des relectures et partagé leurs avis sur ce travail.



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La recherche par l’image photographique m’a conduit à questionner le temps et l’espace. Un parallèle m’est venu sur le terrain, entre l’instant par rapport à une durée et le lieu par rapport à l’espace. L’acte photographique s’inscrit entre et capte l’instant du lieu dans le continuum du temps et de l’espace. « Le paysage est l’art des mouvements arrêtés. » j’ai en quelque sorte construit mon interprétation de cette citation de Michel Corajoud. La photographie est une pratique transversale, elle capte la réalité, qui elle même intègre le palimpseste du temps. Elle touche par son sens à d’innombrables sujets. Le plus difficile est de la recentrer sur ce que nous souhaitons nous dire avec elle et à d’autres. Puis la photographie est un langage entre les Hommes et ce sont derniers qui transforment l’espace. De ce fait le paysage n’est-il pas à la fois une réalité et une représentation ?


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