Life Style Magazine

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sommaire

Directeurs de la publication et de la rédaction :

Edito

Bruno Chibane & Philippe Schweyer

Rédacteur en chef :

Le monde est un seul

Emmanuel Abela emmanuel.abela@mots-et-sons.com ou 06 86 17 20 40

Pas d’amour sans cinéma

Direction artistique et graphisme :

L’impossible été

starHlight

Un été de rebelle

Ont participé à ce numéro :

REDACTEURS Cécile Becker, E.P Blondeau, Olivier Bombarda, Benjamin Bottemer, Caroline Châtelet, Sylvia Dubost, Nathalie Eberhardt, Laura-Maï Gaveriaux, Anthony Ghilas, Xavier Hug, Nicolas Léger, Stéphanie Linsingh, Guillaume Malvoisin, Stéphanie Munier, Adeline Pasteur, Nicolas Querci, Mickaël Roy, Christophe Sedierta, Fabien Texier, Claire Tourdot

PHOTOGRAPHES Vincent Arbelet, Janine Bächle, Pascal Bastien, Jef Bonifacino, Christelle Charles, Pierre Chinellato, Oliver Clément, Caroline Cutaia, Hugues François,Stéphane Louis, Marianne Maric,Yves Petit, Olivier Roller, Marie Quéau, Dorian Rollin, Christophe Urbain, Nicolas Waltefaugle, Sophie Yerly, Elisa Murcia-Artengo,

CONTRIBUTEURS Bearboz, Catherine Bizern, Ludmilla Cerveny, Chloé Fournier, Noël Claude, Baptiste Cogitore, Christophe Fourvel, Sherley Freudenreich,Chloé Tercé, Pierre Périchaud, Julien Rubiloni, Vanessa Schmitz-Grucker, Vincent Vanoli, Fabien Vélasquez, Sandrine Wymann

COUVERTURE

ABONNEMENT www.Novomag.fr

Portrait de Thurston Moore par Vincent Arbelet www.vincentarbelet.com Retrouvez entretiens, photos et extensions audio et vidéo sur les sites Novomag.fr, facebook.com/Novo, plan-neuf.com, mots-et-sons.com et f lux4.eu Ce magazine est édité par Chic Médias & médiapop Chic Médias u 12 rue des Poules / 67000 Strasbourg Sarl au capital de 12500 euros u Siret 509 169 280 00013 Direction : Bruno Chibane u bchibane@chicmedias.com Administration, gestion : Charles Combanaire médiapop u 12 quai d’Isly / 68100 Mulhouse Sarl au capital de 1000 euros u Siret 507 961 001 00017 Direction : Philippe Schweyer u ps@ mediapop.fr 06 22 44 68 67 – www.mediapop.fr

Novo est gratuit, mais vous pouvez vous abonner pour le recevoir où vous voulez. ABONNEMENT France 6 numéros 40 euros 12 numéros 70 euros ABONNEMENT hors France 6 numéros 50 euros 12 numéros 90 euros

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Scène Focus Rencontres Psy DVD selecta

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IMPRIMEUR Estimprim ~ PubliVal Conseils Dépôt légal : septembre 2012 ISSN : 1969-9514 u © Novo 2012 Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs. Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés.

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A

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C

Il est minuit passé et le téléphone sonne depuis au moins cinq minutes. J’ai un mauvais pressentiment en me levant pour répondre.

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- Allo ? - C’est toi ? Je reconnais cette voix, mais cela fait si longtemps que nous ne nous sommes pas parlés que je mets un moment à articuler quelques mots. - Oui, c’est moi. - Je suis tombé sur ce film italien que tu aimais tant, à la télé. Nous nous sommes tant aimés… C’est pour ça que j’ai eu envie de t’appeler. Tu aimes toujours le cinéma italien ? - Je crois, oui… - Et Nanni Moretti ? Tu te souviens quand tu zigzaguais sur ton scooter pour faire comme lui ? À l’époque, tu rêvais de faire un film pour fixer sur la pellicule tout ce que l’on vivait. Tu voulais filmer nos amours. Tu voulais filmer nos beuveries, nos excès, nos espoirs. Tu voulais faire du Cassavetes à l’italienne avec une louche de Pialat. - Je me souviens… - Tu ne l’as jamais commencé ton film ? - Non, mais j’avais chaque plan en tête. - C’est dommage… - Peut-être… - Tu te souviens, tu voulais faire entrer la vraie vie dans ton film, que tous tes amis jouent leur propre rôle… - Oui, j’avais trouvé un bon titre : Vivre ma vie. - C’est marrant, je croyais que c’était Vivre nos vies… Tu revois qui ? Tu sais ce que les autres sont devenus ? - Non, je les ai perdus de vue. - Moi aussi. C’est ce film italien qui m’a fait penser à toi. J’aurais

? llo

vivre nos vies

par Philippe Schweyer

aimé que tu tournes ton film pour pouvoir revoir les têtes qu’on avait à l’époque… Je n’ai même pas une photo. Tu crois que ça aurait été un bon film ? - Avec le recul, je suis à peu près sûr que non. - Tu aurais au moins pu faire un petit documentaire. Je suis certain que tu aurais réussi à attraper un peu de vie. On était gonf lés à bloc à l’époque, tu te souviens ? - En fait, je préfère ne pas trop y penser. - Moi non plus je n’y pense plus. C’est ce film italien qui m’a fait penser à toi. - Oui, nous pensions changer le monde et c’est le monde qui nous a changés… - Tu as toujours ta guitare ? On devrait rejouer un de ces jours… - Les cordes sont rouillées… - Tu te rappelles ? Nous étions persuadés qu’on resterait toujours amis ! L’amitié c’était sacré. Pourquoi ça n’a pas duré ? - Je ne sais pas… - Si au moins tu avais fait ton film. Là, il ne reste plus rien. Tu pourrais peut-être écrire quelques lignes ? - On verra…

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« La plasticienne afghane

Lida Kaboul a conçu une vidéo intitulée What We Haved Overlooked (1).

»

Il s’agit en fait de deux films projetés bord à bord dont l’un constitue un plan rapproché sur un homme et l’autre, une vision plus élargie d’un lac dans lequel ce même homme avance en brandissant un drapeau jusqu’à être complètement submergé. Un bleu étale ses nuances de ciel et d’eau jusqu’aux bordures lointaines de montagnes enneigées. Un texte sous-titre la vision du plan rapproché de l’homme et tandis que celui-ci parvient au milieu du lac, il est écrit :

We feel most at home here because you can never build a house here (2). Le contexte afghan est sans doute l’éclairage le plus juste sous lequel il convient de lire ce sous-titre, mais des phrases ont cette générosité d’ouvrir des milliers de livres que l’on a en nous et dont nous avions oublié l’existence ou le rangement. La phrase de Lida Abdul réveille ainsi en moi un vieux souvenir de lecture que je ne parviens pas à vérifier. Je crois qu’il s’agit d’un roman cubain de Zoé Valdès mais je n’en suis pas sûr : une femme épuisée par les contraintes d’une société policière, court à travers la ville jusqu’au portail d’un asile psychiatrique, grimpe sur les barres métalliques et hurle, en direction de l’intérieur de l’asile, « sortez-moi de là ! ». Sa phrase embrasse le monde, désigne le vaste monde, comme le lieu d’enfermement auquel seuls les fous échapperaient. Sans doute qu’ici aussi, le contexte cubain est « l’éclairage le plus juste sous lequel il convient de lire cette phrase » mais qu’importe, les phrases

ont aussi cette générosité de s’habiller, pour nous, des parures dont nous rêvions. Il est vrai que l’hôpital psychiatrique est pour moi à jamais lié à Cuba, du fait du livre poignant de Guillermo Rosales, Mon Ange (3), qui raconte l’internement, à Miami, d’un écrivain de la Havane, exilé politique puis exilé tout court dans les mailles d’une folie poisseuse, exubérante et définitive. Certains livres ne sont ni bons ni mauvais, ils hantent les lecteurs qui en sont revenus. Nous sommes audelà de ce que nous envisagions d’éprouver, comme projetés dans une intimité inespérée avec ce que nous venons de vivre. Il me semble entendre cela tout à la fin du film d’Akira Kurosawa, Scandale, lorsque, lors de l’issue heureuse de

« Nous avons vu naître une étoile et à l’aune de cette émotion, la joie de la victoire n’a que peu d’importance ». Bien sûr, son procès, Toshiro Mifune, déclare

l’échappée belle en dehors du monde tyrannique se fait souvent au détriment de la vie. Le personnage masculin de Lida Abdul se noie au bout de sa conquête. Parfois même, le malheur prend soin de poser ses mines pour les générations d’après. C’est ce que montrait, de manière bouleversante, un film de la jeune cinéaste iranienne, Hana Makhmalbaf, Le Cahier. Sur le site des bouddhas géants détruits par les talibans, une petite fille voudrait aller à l’école. Mais pour cela, il lui faut d’abord trouver l’argent pour s’acheter un cahier, puis marcher longtemps sur des chemins dangereux, où sévissent des bandes de garçons de son âge... Ils ne sont pas si dangereux puisqu’ils ne pos-

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n°-20 Par Christophe Fourvel

Nos maisons sèdent pas de vraies armes... Mais ils détiennent la langue de leur père et c’est avec celle-ci qu’ils vont la violenter. Ils jouent « aux talibans » ; ânonnent la rhétorique des mâles et font à la petite fille le procès improvisé de son envie de s’instruire et de son émancipation. À travers le psychodrame enfantin, on comprend que les mines ont été jetées dans les cerveaux des fils, qu’il n’y a pas de futur sur cette terre, y compris pour celles qui sont nées après les guerres. On comprend l’homme de Lida Abdul, son désir de planter son drapeau au sein de l’eau mouvante, là où nul ne pourra construire un asile, une cave, une prison. Là où nous érigeons des demeures imprenables, avec les phrases et les images qui nous portent: celles de Lida Abdul, de Guillermo Morales, de Kawabata, de Hana Makhmalbaf et peut-être de Zoé Valdès ou d’une autre. Qu’importe au fond. Nous ne connaissons pas toujours ceux qui ont bâti nos maisons mais il nous arrive de nous y sentir heureux.

(1) Visible à la Documenta de Kassel, 2012. Voir aussi le site de l’auteur, www.lidaabdul.com (2) Nous nous sentons plus chez nous ici parce que vous ne pourrez jamais y construire de maison. (3) Editions Actes sud Babel

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Penthésilée de Kleist, dans la traduction de Julien Gracq, une édition José Corti. Lecture avide comme compulsive, dès les premières lignes.

Emportée par la langue et l’implacable de la tragédie, je lis d’une traite, les doigts agrippés aux pages que j’ai découpées toutes avec empressement et sans cérémo-

Penthésilée

nial. Penthésilée et Achille, l’amazone fière et animale et l’invincible, l’incomparable, héros grec ; Tous deux brillants de leurs armures, ils se désignent l’un l’autre, ils se choisissent. Rivaux sur le champ de bataille mais déjà l’un à l’autre, chacun contre l’avis de ses amis, contre l’avis de son clan. Valeureux, intrépides, ils combattent comme des ennemis, ils combattent comme des amants, acharnés, pleins de l’arrogance de leur passion. C’est au second assaut qu’il la blesse grièvement, faisant d’elle sa prisonnière alors qu’elle se croit victorieuse. Elle le veut à elle. Et s’il veut bien laisser entendre qu’elle a gagné la bataille, il la veut à lui. Chacun se pensant amoureux fou mais terriblement narcissique, désirant l’autre comme tro-

l’homme aimé, la déchiquette, la dévore. Devenue chienne,

phée à ramener en son pays. Impétueuse, Penthésilée ren-

elle participe au festin de sa meute…

Cette violence du désir, obscène et énigmatique, dont la jeune femme a peur qu’elle  ne se transforme en furie meurtrière jusqu’à le devenir, je l’ai toujours connue.

voie le différend sur le champs de bataille, dernière lutte

Vision d’effroi... Je sanglote sur la folie de Pen-

Elle bout en elle comme en la jeune fille que j’étais à dix-sept ans et qui

qu’elle voudrait voir refuser par Achille : qu’il soit celui qui

thésilée submergée par la pulsion. Catastrophique mo-

n’en avait pas peur. Plus tard, ne m’a pas effrayé non plus la perdition

rende les armes le premier devant elle, sa belle ! Achille

ment de révélation. Insupportable miroir à mes propres

démente de Béatrice Dalle dans Trouble every day de Claire Denis, vision

accepte ce combat singulier. Il ne craint rien, il s’en ira

excès lorsque, désir de l’autre, désir d’aimer, d’être ai-

cauchemardesque d’une

sans arme aucune, sûr de la voir se jeter dans ses bras et

mée à tout prix, désir de jouir, désir de posséder, tout se

là même d’une pulsion outrancière, une pulsion cannibale : vivre soi –

se donner à lui, vaincue ellemême ! Ne sont-ils pas les plus

brouille. Si je ne peux pas me protéger de cette confu-

ingurgiter l’autre – tuer l’autre. Je pouvais bien avouer calmement recon-

beaux et les plus fous amants du monde ? Entre désir et

sion, je suis cette pauvre folle de Penthésilée. Sous le

naître ici quelque chose de moi, civilisée, bien à l’abri de toute démence

défiance, Il s’agit seulement que l’autre succombe… As-

désir couve la pulsion meurtrière, celle qui transforme

pulsionnelle, j’étais confiante de ma mesure. Et je n’ai jamais, jusque-là,

suré de sa victoire, Achille s’avance superbe et désarmé.

fantasmatiquement ou pas –

pulsion sexuelle qui devient, aude-

dévoré mon amant. Mais me reviennent soudain toutes les fois où la pul-

Dans la rage d’un désir noir, Penthésilée se jette sur lui

l’inoffensive et inexpérimentée Irena Dubrovna, au visage

sion a pris la place de l’amour. Je sais alors. Je ne suis à l’abri de rien. Et

avec ses chiens. Ivre d’une pulsion sauvage emplie de

un peu poupin, en une belle panthère noire racée et terri-

je pleure Penthésilée dévorant Achille.

colère, d’orgueil et de désespoir, elle mord la chair de

blement agressive, La Féline de Jacques Tourneur.

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I

ls m’ont fait visiter un lieu que je connaissais déjà, un lieu qu’ils ne connaissaient pas. Je savais tout, ils ne savaient rien. J’étais privée de mots, ils étaient privés de sens. Ils avaient pris possession des lieux. Ça avait été les miens. Mon étang. Ma colline. Ma muraille. Ma forteresse. Ils ne savent rien mais ils parlent fort. Ils n’étaient pas encore arrivés mais ils étaient déjà partis. Et d’autres sont venus. Et d’autres viendront.Je vacille. Sous les toits, la chaleur s’est accumulée. En silence. La télévision est encore restée allumée. J’ai faim. J’ai soif. On me sert un verre de papyrus rouge. Le verre est minuscule. Il grandit au fur et à mesure qu’on y déverse le liquide. On ne m’avait rien dit.On ne me dit jamais rien.

Je remonte le village en courant. Je crois que l’école est encore au bout de la rue, que la Place d’Armes est déserte, qu’ils ne m’ont pas vue, que la sentinelle fait le guet devant le vieux coffre plein de jouets cassés... Je crois, je crois, je crois, je continue de croire mais je ne suis plus sûre de rien. Je pousse la porte. Elle s’ouvre. Au fond du jardin, la balançoire grince au-dessus d’un parterre d’herbe jaunie. Il ne devait y avoir personne. On ne m’avait rien dit. On ne me dit jamais rien. Les visages me sont tous inconnus mais si familiers. J’ai peur de trébucher. Alors, je fais attention, je compte mes pas. Les chiffres impairs, je pose le pied gauche. Les chiffres pairs, le pied droit. Tout ira bien. On se revoit demain. Ici. À la même heure. Tu pourras t’allonger sur le lit et je te laisserai rêver à nos déroutes passées et aux raz-de-marée sur la colline. Je suis fatiguée, je suis lasse et je ne sais pas qui tu es. Mais je sais qui je suis. Et je voulais juste retrouver ma muraille, mon étoile, mon foyer.

À

l’est de l’été. Au sommet d’une tour bastionnée. J’ai attendu. Personne n’est venu. Le lion, au loin, au sud, rugissait. Il veille jalousement sur sa soeur, je le sais. Parce que, malgré ses pics acérés, elle est vulnérable. Ses parois s’abîment, sa peau glisse, ses ponts se meurent. Mais elle, elle n’est pas venue. Je l’ai vue assise au bord de la fontaine en grès surmontée d’une f leur de lys. Elle regardait son ref let dans l’eau trouble. Mais elle n’est pas venue. Je savais qu’elle ne viendrait pas mais j’ai attendu quand même. Sous mes mains, l’herbe fraîchement coupée me rappelle que des hommes passent encore ici. On pourrait croire que plus personne n’ose s’aventurer dans la solitude de ce labyrinthe. C’est qu’aucun homme ne voudrait troubler le repos de l’étoile. On franchit l’une des quatre portes comme on franchit le porche d’une cathédrale, dans un silence religieux. Les hommes qui passent parlent à voix basse, les enfants courent au ralenti, les rouges gorges se taisent. Aucune eau ne murmure, les étangs sont immobiles. C’est la guerre de tous et le repos de chacun au pied des demi-lunes. Tous imaginent mais personne ne sait vraiment ce qui se cache derrière les fortifications, le long de la courtine. Au sommet des tenailles, ils croient dominer un monde qui leur échappe. Parce qu’il n’y a pas de logique systémique. Aucune. Il y a juste une place forte en forme d’étoile pour qu’elle puisse briller la nuit.

Bréviaire des circonstances n°-1 Par Vanessa Schmitz-Grucker Illustration : Pierre Périchaud - 11 -

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Le temps des héros n°-3 Par Baptiste Cogitore Tandis qu’au Moyen-Orient, l’Armée syrienne libre et les forces loyalistes d’al-Assad se livraient un combat acharné dans les villes d’Alep et de Damas, nous regardions nos propres icônes de la rébellion comme dans un miroir déformant. Oui, l’été 2012 fut un été de rebelles. ARTE diffusa même une « Thema » sur les incontournables de l’anticonformisme.

S ummer of rebels .

Tout en relayant les images AFP de rebelles armés de kalachnikovs et de RPG contre hélicoptères de combat et tanks indestructibles, nous  redécouvrions Marilyn Manson, Pete Doherty, Marlon Brando ou encore James Dean, face à des anonymes en Tshirts et baskets, mourant sur des tas de gravats ensanglantés comme nos héros de 1789, de 1848 et de 1968. Étrange dialogue de rebelles. «Des terroristes »,avait dit Bachar. Et quand les héros sans nom d’Alep se mirent à exécuter sans autre forme de procès les bourreaux (dans les éditos de la presse quotidienne, on employait le mot étrange de « sbires » d’al-Assad), en criant « Allah Akhbar » sous l’objectif de dizaines de téléphones portables – les vidéos finirent sur You Tube –, les commentateurs trouvèrent le geste regrettable. Et surtout embarrassant : un rebelle est un héros justement parce qu’il se dresse contre le système qui

le brime. Non en l’imitant. Mais une omelette ne se fait pas sans casser des oeufs. Le rebelle est toujours idéaliste, jusqu’à un certain point. Nous regardions donc nos glorieuses icônes dans l’ultime bastion rebelle qu’est la popculture. Nous contemplions ces beaux jeunes gens (car un rebelle est toujours jeune, même quand il s’appelle de Gaulle, Jean Moulin ou Ken Loach), en vouant aux gémonies une Russie autoritaire qui décidément, n’aime ni les homos de Saint-Pétersbourg et d’ailleurs, ni les féministes encagoulées qui s’en prennent à Poutine. Trois membres du groupe des Pussy Riot furent menacées de sept ans de prison, puis de trois ans de camps, avant d’être condamnées à deux ans de camp pour hooliganisme. « Soyons sympa », avait dit Vladimir, un copain de Bachar. On se souvient du motif : avoir chanté une prière punk contre le chef du Kremlin dans une cathédrale de Moscou. Des « punkettes », avait dit la plupart des journaux et des sites d’information, trahissant ainsi leur légère condescendance amusée, par un terme qui faisait songer à une catégorie du site Youporn.

« Inspirées par

le diable », avait dit Kirill, le patriarche de l’Église orthodoxe, par ailleurs copain de Vladimir. Des « polissonnes », avait dit le délégué Loukine, chargé des « droits de la personne » (sic) au Kremlin.

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Du coup, les

rebelles du monde entier se joignirent à l’ « émeute des chattes » : Madonna, Sting et les Red Hot Chili Pepers entre autres appelèrent à la libé-

ration des trois Antigones : Nadejda, Ekaterina et Maria, nouvelles icônes trinitaires des libres-penseuses-de-tous pays-unissezvous. En signe de ralliement : des cagoules et des collants multicolores. Un rebelle soigne son costume. C’est aussi vrai pour les super-héros – d’ailleurs, les spectateurs du Darknight Rises n’ont pas échappé au récurent débat relancé par Le Monde du 1er août : « Batman est-il de gauche ou de droite ? » Rebelle ou néo-fasciste ?  Mais face aux odieux crachats de l’Occident, les avocats du saint régime poutinien expliquèrent que la Russie n’avait pas la même histoire ni la même conception de la démocratie que l’Occident. La faute au tsarisme, puis au léninisme, puis au stalinisme, puis au khrouchtchevisme, puis au brejnevisme, puis au gorbatchevisme, puis au... Donc les rebelles russes ne sont que des activistes incitant tantôt à la « haine religieuse », tantôt à la perversion sexuelle. Tantôt des terroristes (ça vaut aussi pour les Tchétchènes, qu’il faut « buter jusque dans les chiottes », avait dit Vladimir, quelques années plus tôt).

Alors zou : au goulag, les filles !  Life Style magazine #1


Par Cécile Becker Photo Sebastian mlynarski

Artefact

attaque une saison d’automne marquée par une nouvelle étape franchie par le festival Ososphère vers le port du Rhin et par la venue d’artistes séduisants ces trois prochains mois à la Laiterie. Deux pages, deux temps. Thierry Danet,directeur de l’Ososphère, nous parle de la trajectoire du festival et Novo défriche la programmation in situ

Les choses réputées achevées le sont elles vraiment ?

Est-ce que cela veut dire qu’Ososphère a enfin trouvé sa maison ? Quelle a été la trajectoire d’Ososphère ? Et finalement, pour tendre vers quoi ? En 2009, nous quittions le site de la Laiterie, c’était une situation étrange, surtout pour un festival de dix ans d’âge. Mais c’est ce qu’on souhaitait : bourlinguer à travers la ville. L’étape du Môle Seegmuller en 2011 a été essentielle parce qu’elle a ouvert cette perspective de suivre la trajectoire urbaine de Strasbourg. C’est une ville qui se déplace vers l’est, qui vient rencontrer le Rhin, son port, dont elle se tient à l’écart depuis longtemps. On invente une nouvelle partie de la ville, ce qui pose la question : qu’est-ce qu’une ville ? L’Ososphère participe du récit de cette ville en la faisant parler par le biais du numérique. Aujourd’hui Ososphère s’installe dans le port, dans ce magnifique bâtiment qu’est La Coop. On a enfin l’opportunité de ramener tout au même endroit : les parcours artistiques, les performances, les installations, la musique – qui reste la colonne vertébrale du festival – y seront. Strasbourg a une identité portuaire, il était temps de faire ressortir cette réalité enfouie.

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La promesse que l’on peut faire au sujet de l’Ososphère c’est que ce n’est pas une forme figée, nous nous efforçons d’en construire une forme aboutie mais elle évolue d’elle-même. Dans la construction, il y a toujours un plan au départ, des perspectives, mais la construction est permanente. C’est naturel pour moi de faire ça, et c’est vrai que cette notion se retrouve au fur et à mesure. Mais ce sont aussi des questions de persistance et de durée.

On peut imaginer qu’on ait à nouveau un lieu à habiter, c’est une perspective vers la suite. Il y a eu trois étapes : raconter la ville de la Laiterie, la rencontre avec Seegmuller, un port dans la ville, et raconter la ville dans ce qu’elle va devenir.

Comment les artistes trouvent-ils leur place sur ce territoire toujours en mouvement ? C’est là que la question du numérique intervient. Le numérique parle de l’époque d’une façon singulière. Tous ces artistes émergents se sont emparés du numérique et tournent autour du questionnement sur la ville. Ils nourrissent notre rapport au territoire et au fur et à mesure de leur parcours, nourrissent leurs propos. C’est en ce sens que nous suivons ces artistes. Ils font partie de la famille Ososphère. Le numérique n’est jamais clôt. Justement, Radio en construction  (dont vous êtes le directeur d’antenne), l’Ososphère must be built, une programmation de festival toujours ouverte, d’où vous vient cette obsession pour la construction ?

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Ososphère , bien sûr.

Après avoir croisé La Femme, WhoMadeWho, Nathan Fake, Michael Mayer, les Bromance et les Kompakt, que faire ?  Continuer les pérégrinations numériques et faire quelques haltes à la Laiterie. LifeStyle vous propose une sélection non exhaustive.

voix féminines.

Wave Machines Pour son seul, unique mais sublime Wave if You’re Really There. Encore un groupe qui témoigne de la vitalité pop de Liverpool. Encore un groupe en Wave apaisant et réjouissant, mais qui ne crâne pas. → 17 octobre ~ Au club

→ 16 novembre

Julia St one

A Place to Bury St rangers

Parce que sa beauté, sa délicatesse, son folk touchant. Sans son frère Angus, elle s’acoquine avec Benjamin Biolay et chante seule sa quête du prince charmant entourée d’un monde qui l’inquiète un peu. → 20 octobre

Ou l’évidence d’un rock déglingué et un peu sale, et ses quelques délicatesses noires. Du bruit, du bruit, du bruit pour un concert assurément placé sous le signe du voltage. → 11 octobre ~ Au club

Tindersticks Pour cette voix caverneuse et ces arrangements délicats. Quelque chose de l’ordre de la pluie, du romantisme et du vertigineux laissant de glace ou de coton n’importe lequel de ses spectateurs. → 13 octobre

Liars Ils sont allés partout, ou presque. Partant d’une espèce de power rock perché, allant vers l’électronique en prenant quelques virages pop. Ils ont finalement décidé de ne travailler qu’avec des machines. Robotiquement mais bel et bien humains. → 25 octobre ~ Au club

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Totally Enormous Extinct Dinosaurs A été adoubé par Joe Goddard (Hot Chip) et Damon Albarn et ce n’est pas étonnant. TEED est un enfant des années 90 nous embarquant dans une folie douce et dansante qui devrait détonner en live. → 2 novembre

Purity Ring + Doldrums Déjà vu au club en première partie de Grimes, les délirants Doldrums nous avaient surpris et accroché dès leur premier morceau. Et Purity Ring, pour leur côté pop induit par l’immédiateté de leurs productions r’n’b et la voix douce de Megan James délivrant des paroles surréalistes. → 5 novembre ~ Au club

St ill Corners Célèbre un été sans fin de sa voix d’argent, discrète, mise en valeur par des harmonies délicates pour se sentir comme dans un cocon. Voilà un bon exemple de synthétique dans lequel on aimerait s’enrouler, autre que celui des pulls. 17 novembre ~ au club

Modern Borders + Wax Tailor En toute objectivité, les Modern Borders sont géniaux. Duo milondonien, mi-strasbourgeois, ils nous happent avec leur synth pop dansante, parfois nostalgique. Ils seront suivis d’un des gardiens du trip-hop en France présentant son dernier album en forme de conte saupoudré de jolies voix féminines. → 16 novembre

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17 ~ FRAC FOREVER  Le Centre PompidouMetz invite le Fonds régional d’art contemporain de Lorraine à l’occasion du 30ème anniversaire des Frac.  centrepompidou-metz.fr

1 ~ L’ENFANT FROID Une comédie de Marius Von  Mayenburg aussi drôle que  cruelle mise en scène par Thibaut Wenger. Le 4/10 à Munster et les 15 et 16/11 à la Filature de Mulhouse.  premiers-actes.eu 2 ~ LA CHAMBRE Bernhard Prinz propose de découvrir le travail de trois jeunes photographes allemands (Claudia Christoffel, Monica Czosnowska et Markus Uhr) à la Chambre à Strasbourg jusqu’au 7/12. la-chambre.org  3 ~ KALFON CHANTE Jean-Pierre Kalfon chante le Rock’n Blues le 6/10 au Parvis  Saint-Jean à Dijon.  tdb-cdn. com

4 ~ SYNAGOGUE DELME  Expo personnelle de  Marie Cool & Fabio Balducci du 30/10 au 15/02 à la Synagogue de Delme.  cac-synagoguedelme.org

5 ~ TWIN CITIES

Anne Immelé a séjourné dans  quatre villes jumelles (Mulhouse, Kassel, Chemnitz et Timisoara).  Quatre livres réunis dans un  coffret édité par la Kunsthalle de Mulhouse rassemblent ses images et des textes commandés à des universitaires.  but-the-clouds.blogspot.fr

6 ~ COQUILLES MéCANIQUES  Le Crac Alsace présente les  oeuvres d’une quinzaine d’artistes  européens et américains choisies par la critique d’art américaine Joanna Fiduccia du 7/10 au 13/1 à Altkirch (68). Visuel : Lucas Blalock.  cracalsace.com

7 ~ L’APPEL DE LA FORÊT  La musée Würth à Erstein (67) invite à explorer les multiples aspects de la représentation de la forêt dans l’histoire de l’art moderne et contemporain.  musee-wurth.fr

11 ~ INTERFRICHES  Sous-titré “Expériences artistiques du XXIe siècle en territoire industriel”, Interfriches est une manif à la croisée des arts plastiques et du son organisée par le collectif ÖDL. Bâtiment 75 de la friche DMC à Mulhouse du 28 au 30/9. Visuel : Tomoko Sauvage 12 ~ VIKTORIA SOROCHINSKI + TIM PARCHIKOV  Deux jeunes artistes russes confrontées à une société en pleine mutation exposent chez Stimultania jusqu’au 2/12.  stimultania.org

Florent Emilio Siri (L’Ennemi  intime, Cloclo…) préside le 35ème festival du film italien de Villerupt (54) du 26/10 au 11/11.  festival-villerupt.com

9 ~ AYLINE OLUKMAN Ayline Olukman expose ses peintures chez Courant d’art à Mulhouse jusqu’au 20/10. L’occasion de découvrir son livre de photographies Small Eternity  (médiapop éditions). r-diffusion.org 10 ~ TALENTS  CONTEMPORAINS  La Fondation François Schneider a l’ambition de permettre à des artistes encore inconnus de  révéler leur talent.  fonda-

13 ~ LES ABSENTS  L’exposition photo organisée dans le cadre de “Dixparition, dix ans d’exposition à la galerie my monkey” est accompagnée et retracée par une magnifique édition collector. Jusqu’au 31/10 à Nancy. mymonkey.fr

tionfrancoisschneider.org

8 ~ FESTIVAL DU FILM ITALIEN

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18 ~ FLATWORLD  Patrick Polidano expose chez Interface à Dijon jusqu’au 3/11.  interface-art.com

14 ~ ELLE VOYAGE EN SOLITAIRE  Isabelle Autissier est l’invitée  d’honneur de Tout Mulhouse Lit. Du 19 au 28/10.  15 ~ TRIBU FESTIVAL Invités de marque de la 13ème édition d’un festival qui enjambe allègrement continents et styles musicaux : Staff Benda Bilili, Boubacar Traoré et Marc Ribot. À Dijon et en Bourgogne du 22/9 au 3/10.  zutique.com/tribufestival

16 ~ FAIRE FAIRE  Jean-Charles Andrieu de Lévis, Jeanne Berger, Laura Fouqueré, Joséphine Kaeppelin (visuel), Mathilde Lemiesle, Jade Tang  et Thomas Trichot exposent à L’Abbaye romane d’Alspach de Kaysersberg (68) jusqu’au 14/10.  vacuum-espaces.blogspot.fr

19 ~ AU-DELà DU PLATEAU  Le 19 à Montbéliard rassemble des artistes “qui ont abandonné  la convention du tableau pour  conquérir une liberté plus grande tant en ce qui concerne les supports, les matériaux  que les outils de l’oeuvre”. Jusqu’au 30/12. le19crac.com

20 ~ INSTANT(ANé)S  Une exposition artistique pour découvrir le quotidien des personnes touchées par la maladie d’Alzheimer jusqu’au  12/10 à l’Hôtel du Département à Strasbourg. bas-rhin.fr.


21 ~ PAYSAGES INTIMES  Pour la 6ème édition de Photographes en Alsace, Paul Kanitzer invite Pascal Bichain, Jean-Luc Boetsch, Aglaé Bory, Christian Lutz, François Nussbaumer, Marion Pedenon (visuel) et Louis Sclavis à la Filature à Mulhouse.  lafilature.org

22 ~ PERMUTATIONS  Permutations, déracinements et rénovation urbaine : exposition d’Anne-Laure Boyer à l’occasion des Journées de l’architecture. Du 4 au 27/10 au Syndicat potentiel à Strasbourg. syndicatpotentiel. free.fr

27 ~ LABEDOUZE  Rainer Oldendorf est le commissaire d’une expo très attendue à l’Isba à Besançon du 9/10 au 16/11.  isbabesancon.com

34 ~ JOHN WATERS  Le Lausanne Underground Film  & Music Festival (LUFF) invite John Waters, Kim Gordon et la crème de la contreculture mondiale du 17 au 21/10. luff.ch

28 ~ L’ÎLE DES ESCLAVES  Selon Jean-Thomas Bouillaguet  “monter l’île des esclaves c’est s’inscrire dans le mouvement d’une jeunesse qui se révolte”. Du 13 au 16/11 à l’abc à Bar-le-Duc.

35 ~ POSTMODERNISM Expo “Postmodernism.  Style and Subversion  1970–1990” jusqu’au 28/10 au Landesmuseum à Zürich.

compagniemavra.com

www.landesmuseen.ch

29 ~ IMPRéVU  Danse, musique et performances au menu du temps fort de la 3ème édition d’IMPRéVU du 10 au 13/10 à Strasbourg.

36 ~ WEISSWALD  Le Cabaret Voltaire à Zürich accueille une rêverie imaginée par Claude Lévêque pour réveiller notre esprit chevaleresque. Jusqu’au 6/1.

23 ~ KIM GORDON  Hiéro Colmar invite la bassiste/ chanteuse de Sonic Youth en compagnie de Bill Nace à l’auditorium du MAMCS à Strasbourg le 18/10.

cie-somebody.com

musees.strasbourg.eu

mba.dijon.fr

24 ~ CE QUI NOUS LIE  Littérature dessinée et narration séquentielle avec l’association ChiFouMi jusqu’au 17/10 au Gymnase, espace culturel, galerie de l’IUFM, Fort Griffon à Besançon.

31 ~ C’EST LE PéROU  Le Pérou est l’invité d’honneur du SITV à Colmar. L’occasion de se plonger dans l’histoire d’Hiram Bingham, “découvreur” du Machu Picchu, la citadelle énigmatique des Incas.

aargauerkunsthaus.ch

sitvcolmar.com

tinguely.ch

32 ~ MUSIQUES LIBRES  12e festival “musique et essai” à Besançon du 1er au 4/11 avec un hommage à Bataille, un parcours musical et poétique autour du chantier de tramway bisontin et un duo de Jean-François Pauvros avec… Buster Keaton !

39 ~ ATELIER CASINO  14 artistes sont invités à transformer le Casino Luxembourg en terrain de création jusqu’au 16/12.

pierrefeuilleciseaux.com

25 ~ SYLVIE FANCHON  Exposition au Musée des Beauxarts de Dole du 13/10 au 17/2.  musees-franchecomte.com

26 ~ UCHRONIE  Dans le cadre d’une invitation conjointe du Frac Franche-Comté et de la Galerie Klatovy / Klenová (GKK) à croiser une sélection d’oeuvres issues de leurs fonds respectifs, Le Bureau a imaginé l’exposition Uchronie. Du 13/10 au 6/1 à la Saline royale d’Arc et Senans. Visuel : Allan Sekula.

30 ~ FRANçOIS ET SOPHIE RUDE  “Un couple d’artistes au XIXe siècle, citoyens de la Liberté”. Du 12/10 au 28/1 au musée des Beaux-arts de Dijon.

aspro-impro.fr

33 ~ BRUNO BOUDJEDAL  “Algérie, Clos comme on ferme un livre ?” Expo de Bruno Boudjelal du 20/10 au 20/1 au musée Nicéphore Niépce à Chalon.

cabaretvoltaire.ch

37 ~ LA JEUNESSE EST UN ART  Expo panoramique dédiée à la création artistique contemporaine en Suisse. Aargauer Kunsthaus, jusqu’au 18/11.   38 ~ VLADIMIR TATLINE  Le Musée Tinguely à Bâle consacre sa grande exposition estivale à une figure majeure de l’avant-garde russe jusqu’au 14/10.

casino-luxembourg.lu

40 ~ ARTE POVERA  La grande exposition consacrée à la création italienne des années 1960 à 1980 au Kunstmuseum à Bâle montre l’actualité de l’Arte Povera, notamment pour les jeunes artistes.  kunstmuseumbasel.ch

museeniepce.com

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Good morning Dijon

Ouverture à la loyale « Arrivé en janvier dernier à la tête du Centre dramatique national de Besançon, Christophe Maltot ouvre la saison avec Timon d’Athènes, pièce dont il co-signe la mise en scène et interprète le rôle-titre ».

Au Centre dramatique national Besançon Franche-Comté (ex-Nouveau Théâtre), le théâtre perd pour sa quarantième année son adjectif «nouveau ». Cet abandon au profit de la mise en valeur d’un statut – le lieu étant désormais désigné par ce qu’il « est » en tant qu’institution – s’accompagne de diverses nouveautés, du changement d’identité graphique à l’installation d’une troupe permanente. Constituée de cinq  comédiens d’âge et de formations diverses, adjointe de deux metteurs en scène partenaires, Philippe Lanton et Robert Sandoz, l’équipe écope de la dénomination « la Loyale ». S’il est trop tôt pour dire si le terme choisi renvoie à un trait de caractère ou à un statut, c’est en tous les cas entouré de cette troupe (et rejoint

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par d’autres comédiens) que Christophe Maltot co-met en scène avec Philippe Lanton Timon d’Athènes. OEuvre rarement montée de Shakespeare, la pièce raconte le parcours du noble Timon qui, après avoir distribué ses largesses, se retrouve ruiné et seul, car abandonné de ses anciens débiteurs. Devant leur refus de lui venir en aide, Timon développe une haine rageuse envers ses semblables et choisit finalement l’isolement. Pièce cinglante par les positions radicales de son personnage éponyme, Timon d’Athènes place, comme l’explique Christophe Maltot, la saison du CDN sous « le double signe de la révolte et du désir ». Programmé en ouverture, le spectacle a, alors, presque valeur de manifeste. Une promesse de tumultes artistiques à venir ?

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« Musiques, Cultures et Sociétés », libre et décontractée Radio Dijon Campus fête ses 30 ans cette année. Si l’antenne universitaire s’impose comme un acteur phare de la culture dijonnaise, elle projetait ses ondes il n’y a pas si longtemps grâce à un émetteur de 20 watts.... « Si rebelle veut dire indépendant, alors nous sommes rebelles, mais on ne milite pas contre quelque chose, on avance avec les choses » déclare Maria Tokarz, chargée de communication de Radio Dijon Campus. Portée par Claude Patriat, RDC émet pour la première fois le 26 avril 1982 du haut de sa tour Gabriel, où elle diffuse sur des plages horaires réduites. Rapidement, on passe au 24/24 et les étudiant aff luent pour monter des émissions musicales alors que l’équipe installe de nouveaux studios à l’Atheneum afin de favoriser autant les productions que les directs. « La Redak » et ses bénévoles – ils sont 120 aujourd’hui – délivrent leurs points de vue, leurs reportages, leurs interviews d’artistes de passage, les scientifiques dissèquent leur domaine, avec pour leitmotiv de toujours mener un travail de proximité. Radio Dijon Campus est une radio qui avance avec les tendances mais laisse toujours place à l’émergence, chaque vocable y trouve un écho. Une compilation de 30 ans de talents regroupés dans un ouvrage anniversaire avec 151 interviews illustrées par des photos de Vincent Arbelet et co-édité par Radio Dijon Campus et médiapop. Toujours dans cet esprit de collaboration, l’équipe fête ses 30 ans accompagnée de Juan McLean, l’autre génie de DFA, Marc Ribot, guitariste de jazz ayant notamment accompagné Tom Waits, ou encore les locaux de Cut By The Fuzz et leurs 8 synthés. De quoi se rappeler le bon temps tout en dansant, f lânant et bien sûr, en parlant.


Explorations urbaines Funkadélie Tony Allen rencontre la soul d’Amp Fiddler pour un projet qui rapproche les territoires, croise les genres et invite les corps à se balancer. Plus loin qu’une traversée musicale, les Black Series sont surtout une histoire d’amitié. Pendant un mois, une douzaine d’artistes internationaux investissent l’espace public bisontin et y créent la surprise, avec des oeuvres in situ improvisées au gré du terrain, des rencontres et aussi… de la météo !

Tony Allen n’avait pas besoin d’un nouveau projet solo pour asseoir sa réputation de musicien de génie déjà installée en tant que batteur aux côtés de Fela Kuti, dont il a aussi été le directeur artistique. Maître de l’afrobeat ? Très certainement. Mais Tony Allen est aussi largement inf luencé par la musique rock, notamment par Brian Eno qui le décrit comme « le plus grand batteur qui n’ait jamais vécu ». Une de ses collaborations avec un autre batteur, celui de Cream, Ginger Baker, vsera d’ailleurs immortalisée en 1971 sur le grand disque Live !. Il y aura aussi Grace Jones, Sébastien Tellier (la batterie sur Politics, c’est lui), Charlotte Gainsbourg et Damon Albarn (The Good, The Bad and The Queen). Tony Allen n’en finit plus de donner corps à des idées liées à une vision ouverte de la musique. Dans cette optique, il monte initialement les Black Series avec Theo Parish et construit un pont virtuel entre sa ville natale et celle du producteur de musique électronique. Toujours en quête d’une nouvelle façon d’explorer sa batterie, il la confronte cette fois au son légendaire de Détroit avec Amp Fiddler musicien versatile qui s’est tourné autant vers la soul, que le funk et le hip-hop en passant par la house et le nu jazz. Fusion touchante de deux styles pas si opposés, les Black Series proposent de faire fondre la musique afin qu’elle ne puisse plus rentrer dans ce moule restreint que sont les styles. Ou quand le son se propage par le rythme pour se mêler aux délicates harmonies soul, à la folie funk et à l’entêtante électronique…

Le coup d’envoi a été donné le 6 septembre dernier Chez Urbain, un lieu créé pour l’occasion dans le quartier Marulaz, en plein coeur de Besançon. Un point d’ancrage pour cette manifestation qui rayonne en divers point de la ville, spécialement entre Battant et le campus de la Bouloie. On y trouve des ouvrages, des casques pour certains parcours interactifs, ou encore des clefs pour mieux aborder ces créations originales. C’est aussi le point de départ des parcours artistiques, qui se créent au fil des semaines, au gré des créations. Une douzaine d’artistes investissent l’espace public et suscitent la surprise : ici, d’immenses visages rhabillent les murs de la cité universitaire ; là, une fresque monochrome guide les étudiants de l’IUT… Les bisontins découvrent au fil des jours des monuments en mutation, qui prennent une nouvelle vie et bousculent les habitudes. Et les artistes conviés sont largement inspirés par ce vaste territoire de jeux : Pascal Rueff se lance dans des créations 3D à admirer sous casque ; l’Italien Agostino Iacurci déroule ses personnages oniriques et naïfs sur les surfaces à sa disposition ; Guillaume Bertrand propose son Pas de porte à céder, une zone d’affichage libre et numérique, tandis que les Américains Mark Jenkins et Sandra Fernandez rhabillent des moulages de corps avec du ruban adhésif, laissant ces sculptures étonnantes faire leur petit effet dans l’espace urbain. Des performances multiples, à découvrir chaque jour jusqu’au 6 octobre.

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Corps maîtrisés Popularisés par le film Tournée de Mathieu Amalric, les artistes du Cabaret New Burlesque offrent leur vision décapante  et toute personnelle du strip-tease.

2004 – Nantes, Lieu Unique : première venue en France du Cabaret New burlesque, troupe de cinq américaines – Dirty Martini, Evie Lovelle (remplacée désormais par Catherine D’Lish), Kitten on the Keys, Julie Atlas Muz et Mimi Le Meaux –, et un américain – Rocky Roulette – réunis par Kitty Hartl.   2012 – Énième tournée française et un succès non démenti. Mieux, puisqu’avec le film Tournée de Mathieu Amalric, son Prix de la mise en scène à Cannes en 2010 et ses sept nominations aux Césars 2011, la troupe bénéficie d’une large médiatisation. Une véritable mode s’est développée pour le nouveau burlesque – genre pastichant le strip-tease classique – et les shows délurés, menés par des filles dont les physiques déjouent les canons en vigueur, f leurissent ici et là. Mais devant le film d’Amalric on hésite souvent entre la fiction et le documentaire : certes, la tournée de ces américaines, leurs démêlés avec leur producteur français, leurs histoires d’amitiés, d’amours, sont fictives. Mais ces artistes, leurs tenues et comportements extravagants, leurs numéros qui détournent les codes du strip-tease, tout cela est-il de la fiction ? Une interview, suivie de peu d’un live, rappelle la distance parfois ténue entre la réalité et le spectacle. Bon, il ne s’agit pas de dire que l’équipe passe ses journées en slip à paillettes à distribuer des œillades...

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Chaque artiste du New Burlesque étant signataire de son personnage – nom de scène, esthétiques, disciplines et costumes –, l’identité de cet avatar est forcément traversée par les préoccupations et sensibilités de son créateur. Sans dynamiter les codes du strip-tease (il y a bien effeuillage), chacune les détourne à sa façon. Parodies, esthétique rock ou de séries B, arts du cirque ou chansons sont autant de moyens de déjouer les attentes, en travaillant l’érotisme sous de multiples aspects. Et une fois vu le spectacle, peut-être voudrez-vous (re)voir le film. À raison. Car tandis que le show, objet entier, raconte la maîtrise des corps, le film en révèle les failles et les faiblesses. En montrant comment, dans les zones de latence propres aux tournées, les corps s’abandonnent et la lassitude – fatigue normale face à ce qui est un travail – surgit, Tournée livre des corps en crise, soumis à la mélancolie comme à la tragédie. Et mine de rien, pouvoir découvrir la façon dont des artistes existent (avec tout l’excès que cela suppose) dans le temps réel, immédiat, comme dans le temps de l’épopée, est une chose plutôt rare...

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Une Saison pimentée

mot et du geste. La quête de soi continue dans Pugilatus, nouvelle création d’Escarlata Circus : deux amis affrontent leurs états d’âme, mêlant mort, religion et... nourriture. Peut-être les croiserez-vous lors de la masterclass aïoli ou de la soirée tapas ? Car partage et convivialité vont de soi en pays catalan et c’est à coup sûr ce que l’on retiendra de ces belles Sorpresas.

Novo 21 formule ses voeux d’anniversaire à de nombreuses structures culturelles... À croire que les années en 2 nous apportent le meilleur ou peut-être le pire, si la fin du monde arrivait. Avant cette fatalité, passez faire une bise d’anniversaire au Noumatrouff pour ses 20 ans, mieux, avec quelques concerts.

Smac(k) d’anniversaire

Pour ouvrir sa saison 2012/2013, MA scène nationale se met à l’heure catalane et donne carte blanche à Sergi López et Escarlata Circus. Théâtre, cirque, ateliers, tapas, une joyeuse fête pleine de surprises et d’humanité. ¡ Olé !

E

n ce début de mois d’octobre, ma scène nationale décide de prolonger l’été en invitant de joyeux lurons catalans à prendre possession de leurs terres montbéliardes. Toujours dans l’optique de créer un lieu multiple, croisant partages et créativités, elle nous propose avec cette carte blanche d’aborder l’art de la scène de façon vivante et festive. Pendant trois jours, il sera question d’explorer la sensibilité de chacun et de (re)trouver le sens du mot « humanité », par le biais de trois créations. On ouvre les festivités avec Ludmila, Alfonso et leurs numéros de cirque dans Llenties i Marabú, véritable remède anti-déprime. Au centre de l’attention une première française, 30/40 Livingstone, «un spectacle d’humour, tennis et anthropologie », co-écrit et interprété par Sergi López et Jorge Picó. En retraçant le parcours d’un explorateur en quête du spécimen absolu, c’est le paradoxe entre animal et homme qui est interrogé, tout comme celui du

Si l’on fête les 20 ans de Hiéro Colmar (qui s’est lancé peu après Hiéro Mulhouse) et les 20 ans du Noumatrouff, ce n’est pas une coïncidence. Il y a plus de 20 ans, Jean-Luc Wertenschlag emportait dans son sillage une poignée de bénévoles et de motivations en lançant Hiéro Mulhouse et le premier acte de l’association : ouvrir une salle de concerts à Mulhouse. Pari réussi : le Noumatrouff naît en 1992. 20 ans après, Olivier Dieterlen, directeur du Noumatrouff, veut laisser vivre l’esprit du Nouma en programmant des artistes et instants festifs « représentatifs de la diversité musicale toujours voulue et pratiquée dans cette salle ». Pour saluer ces années de concerts, le Noumatrouff organise le 27 octobre une scène ouverte dédiée aux 20 ans en invitant des groupes emblématiques, tout comme des formations prometteuses de la scène mulhousienne : Action Packed, Philos, Parano, Pundits, Spider Everywhere... Une programmation vient s’articuler autour de cet événement avec le passage de Puppetmastaz, poupées fans de hip-hop, Don Rimini, l’homme qui fait lever les bras, Thomas Schoeff ler JR, country-blues orchestre à lui tout seul, Why ?, perle post-moderne emmené par le génial Yoni Wolf ou encore Fránçois & The Atlas Mountain, les nomades sonores. Et puis, on pourrait pousser un peu les fêtes lors du festival Génériq et aller voir les Dandy Warhols qui ne sont pas loin de leurs 20 ans. Bon anniversaire à toi, Nouma !

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La kunsthalle n’en finit pas de décrypter notre contemporanéité par diverses lectures : cette fois, deux jeunes femmes jouent de l’histoire comme prétexte à faire oeuvre.

Lecture du monde

I

l n’aura sans doute pas échappé à quiconque suit les évolutions et les tendances de l’art contemporain, que l’Histoire réapparaît comme support théorique, pratique et discursif. Grâce au travail souvent très bien documenté des artistes travaillant à ce retour, ce mouvement pourrait cacher une lame de fonds plus générale qui viendrait démentir les thèses de la fin de l’Histoire. Un démenti qui prend ici une forme très poétique invitant au voyage et à la rencontre des Autres pour Chourouk Hriech. L’artiste se présente comme « une conteuse de fables contemporaines », ce qui lui sied à merveille tant son univers est empreint des codes et mythes qui structurent les contes des civilisations vivantes ou éteintes. Car c’est bien une vision holistique qui anime son travail mais également, et peut-être avant tout, sa personne. Dans un monde où cohabite autant de réalités que d’individus, Chourouk Hriech prend chacun d’entre nous par la main pour une ballade évasive qui prend la forme de chants improvisés comme pratique expiatoire, une dérive au vent allégorique et son opus magnum : des dessins muraux. Ces derniers, joués comme des pièces musicales, recouvrent d’un réseau rhizomique une foule de références. Tout, chez elle, participe à la lecture d’un monde qui se déploie entre un horizon fragile et une verticale stable, entre ce qui devient et …ce qui s’en va. Elena Costelian aborde les choses avec une autre approche. Plus préoccupée par les tours et détours qu’empruntent la construction historiogra-

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phique, son long séjour à Tchernobyl l’a amené à la rencontre des « perdants » de la Guerre froide. Eux qui souffrent des stéréotypes, nombreux et infamants, qui ont cours en Occident, eux qui en arrivent à re-mythologiser tout un pan de leur passé. Par le biais d’un dispositif scénique, les installations de Costelian, soustendus par un travail documentaire remarquable (entretien, photo, cartographie), cherchent à marquer au sens propre ceux qui s’y aventurent. Comme un miroir au site contaminé qui fait aujourd’hui le régal de touristes en proie au grand frisson. Car une des dernières ressources qu’offre Tchernobyl et sa zone est d’ordre économique. Le tourisme tient aujourd’hui une place non négligeable dans cet imbroglio grotesque où les indigènes doivent réapprendre à vivre ici et maintenant. Deux expositions qui prennent donc position, quelque part où générosité et sincérité se rencontrent

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L’immobilité vive L’agrandisseur est une association récente qui se propose de questionner la photographie contemporaine. L’exposition Les temps satellites, imaginée par Anne Immelé, cadre au plus près à cette volonté.

L

es expositions muséales se sont toujours heurtées à la problématique de leur mise en scène. Le plus souvent, le commissaire choisit une orientation tantôt chronologique, tantôt monographique, parfois ludique ou provocante, mais quasi systématiquement éducative. Rien de tout cela ici toutefois. Mélange de photographies anciennes et contemporaines et, par ricochet, de techniques et d’esthétiques, Les temps satellites invite le visiteur à se laisser porter par les renvois incessants que ces oeuvres font miroiter entre elles, le tout dans un grand dépouillement scénographique. Chaque salle installe une ambiance particulière, propre aux digressions, allers-retours et rêveries de tout un chacun. Autant de déambulations possibles, toutefois ancrées à une réf lexion qui cerne la condition inhérente du média photographique : la notion du temps. À ses débuts, la photographie a connu autant de détracteurs virulents que d’adeptes passionnés. Par la mise en regard de photographies du xixe siècle et de photographies du temps présent, l’exposition propose de confronter des regards sensibles à partir des temps photographiques. Temporalités multiples donc, mais qui, paradoxalement, n’en finissent pas. Tous les photographes réunis ici proposent une expérience de la durée, du temps qui passe inexorablement, à l’instar de leur pratique, irrémédiable – du moins avant l’arrivée du numérique. Cette dichotomie est illustrée par le très bel et sobre hommage de Fiona Rukschcio à son double masculin Gaspard Ziegler qui incarne le prétexte de cette exposition. Un premier volet, donc, qui s’articule autour du portrait. Un autre, Avant l’effacement, met en avant le caractère fragile de l’indice mémoriel qu’est supposé nous garantir une photographie. La suite très cinématographique Train de lumière, de Bernard Plossu, nous met face à cette amnésie potentielle. L’articulation ahistorique fonctionne à merveille dans la salle dédiée à l’esthétique de l’immobilité où se trouvent réunis des oeuvres d’Adolphe Braun et François Deladerrière. Enfin, une place privilégiée est faite au travail d’auto-fiction quotidienne que mène Raymonde April. Autour de l’exposition, tout un programme de rencontres, projections et visites vient prolonger cette expérience d’ « immobilités vives », expression utilisée par la commissaire pour décrire toutes ces photographies.

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Rencontres . . . En 85 après P.H.

Le 7 septembre dernier, la Nuit Blanche messine, en partenariat avec l’Arsenal, inaugurait un mois en avance son édition 2012 avec un concert du pionnier de l’électro-acoustique Pierre Henry, proposant son oeuvre la plus célèbre opportunément rebaptisée Metz pour le temps présent.

Impossible de véritablement prendre contact avec l’oeuvre de Pierre Henry avant d’y avoir fait face en live. Littéralement, puisqu’on y découvre une scène occupée par son « groupe » : une armada d’enceintes, alignées, perchées, disposées pour mieux nous décocher leur pluie de sons. Expérience sonore et hypnotique que cette confrontation, avec une sensation de vertige renforcée par des jeux de lumière, le tout n’étant pas sans rappeler les séquences psychédéliquement paranoïaques de L’enfer d’Henri-Georges Clouzeau. Pierre Henry n’est d’ailleurs pas étranger au monde du cinéma : on pense notamment à sa bande originale de L’homme à la caméra de Dziga Vertov, interprétée à l’Arsenal il y a quelques années. « J’ai beaucoup aimé cette façon de travailler à partir d’un univers visuel qu’il convient d’accompagner et de magnifier, avoue-t-il. Les musiques que j’ai réalisées pour les films muets, celui de Vertov ou Symphonie d’une grande ville de Walther Ruttman ont été des expériences passionnantes. » Élève d’Olivier Messiaen, de Nadia Boulanger et de Félix Passerone dès son dixième anniversaire, en 1937, Pierre Henry vit sa carrière de compositeur sur les voies de l’expérimentation. Ses studios sont des laboratoires où est née une musique nouvelle, concrète, qui suscite une foule d’images chez l’auditeur. « Pour moi, précise Pierre Henry, le son prime toujours sur l’élaboration mentale. Ma musique naît d’impressions sonores, souvent la nuit. »

Il travaille  avec des chorégraphes comme Merce Cunningham, George Balanchine ou Maurice Béjart, qui utilisera sa Symphonie pour un homme seul, pierre angulaire de la musique concrète  composée avec Pierre Schaeffer.  « Depuis toujours j’adapte la technologie à une recherche de perfection du son, pour que sa perception reste vivante, organique, explique Pierre Henry. C’est aussi la raison pour laquelle je n’ai jamais travaillé à partir de logiciels informatiques produisant des sons manufacturés. »  Bien que considéré comme le père de la musique électronique actuelle, l’octogénaire avoue « ne pas être très au courant des musiques actuelles, même si elles usent de pratiques qui découlent de mes pratiques d’origine. »  À presque 85 ans, Pierre Henry reste plutôt insensible à l’héritage important qu’il a déjà légué aux générations suivantes, laissant même entendre qu’il lui reste beaucoup à accomplir...

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Redemption Soul - Ça n’est que bien plus tard que la rencontre se faitavec Gabriel Roth, le fondateur du label Daptone…

Charles Bradley s’inscrit dans la lignée des plus grands de la soul music et participe au renouveau du genre au même titre que Sharon Jones ou Lee Fields, avec une touche de contestation en plus. Retour sur un parcours chaotique qui la conduit à réaliser tardivement son rêve de chanteur.

« Vous avez vu James Brown sur scène en 1962 alors que vous n’aviez que 14 ans. Ce concert at-il eu un effet déclencheurpour votre parcours ? - Oui, j’étais vraiment fasciné quand j’ai vu James Brown, je me suis dit que je voulais devenir quelqu’un comme lui. - Il se raconte que vous avez aussitôt cherché à l’imiter… - Oui, avec un balai avec une corde, j’ai appris ma propre technique en faisant ça, pendant des années je n’ai fait que ça et je n’ai fait que m’améliorer. - Dès lors, vous avez décidé de chanter, mais les vicissitudes de la vie en ont décidé autrement… - Oui, je suis devenu cuisinier et je ne pouvais chanter qu’à côté. J’avais besoin d’argent alors j’allais cuisiner, quand je terminais j’allais chanter dans quelques clubs avec un groupe et je reprenais des titres de

James Brown, Otis Redding.

J’ai continué comme ça pendant longtemps.

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- Je savais que “Gabe” éprouvait un amour profond pour la musique, alors je suis allé frapper à sa porte et il m’a dit : « T’aimerais bien faire quelque chose avec moi, hein ? » Sharon Jones était en tournée, ils m’ont mis sur une date avec elle, ils voulaient que j’apprenne ses chansons, des chansons auxquelles je n’étais pas habitué. J’aimais la musique mais quand je suis arrivé sur scène, j’ai oublié les paroles. Alors j’ai cherché en moi des mots qui pourraient aller avec cette musique, le public a

“Gabe”

m’a dit : « Tu n’as pas adoré. chanté la chanson que je t’ai demandé de chanter ». Je lui ai répondu que je ne pouvais simplement pas m’en rappeler : « J’ai été mauvais, mais j’ai tenu le show jusqu’à la fin et vous l’avez aimé quand même... » Et là, il me dit : « C’est vrai, même si tu n’as pas rempli le contrat, le public a aimé ce que tu as fait ! » - D’emblée, vous travaillez avec le producteur Thomas Brenneck, le songwriter, producteur et fondateur du Menahan Street Band. - Gabriel me l’a présenté. À l’époque Tom Brenneck faisait de la musique rock et recherchait un chanteur soul. Ilsm’ont invité à Staten Island pour que je répète avec eux, j’ai adoré ça. Je leur ai demandé de jouer quelque chose de funky, car c’est de cette façon que les paroles me ve-

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naient, ils l’ont fait. Ils m’ont dit qu’ils voulaient que je devienne leur chanteur et m’enregistrer. Mais je n’ai eu aucune nouvelle de Tom pendant deux ou trois ans jusqu’à ce qu’il déménage à

Brooklyn.

Il m’a appelé alors que j’étais en pleine dépression, je venais de perdre mon frère. Il m’a donné son adresse et je me suis rendu à son appartement. Il avait un studio, un tas d’instruments. Ils m’ont servi un « hot toddy » [cocktail chaud à base de brandy, sorte de grog, ndlr], pour que je me sente mieux. Comme j’étais en dépression à la suite de l’assassinat de mon frère, j’avais besoin de parler à quelqu’un. Tom m’a encouragé m’ouvrir à lui, il a enregistré tout ce que je racontais sur cassette et l’a mis en musique. C’était dur pour moi. À chaque fois, je me mettais à pleurer.

J’ai bu ce « hot toddy », il m’a demandé de jouer un peu de piano,c’est ce que j’ai fait et de là est partie la chanson Heartaches and Pain. On a joué à l’orgue, j’ai chanté, on a enregistré la prise. Tom a apporté la maquette à Gabe qui l’a aussitôt mastérisée. Gabe m’a demandé de venir écouter le résultat. Quand je l’ai entendu, Oh mon Dieu, j’ai fui, j’ai simplement fui… L’immense émotion de cette première chanson, on la retrouve sur tout l’album. Je suis trop honnête, le sentiment que je ressens est de l’ordre d’une «

douceur amère », tu


comprends ? Parce que toute ma vie j’ai galéré ... J’ai dormi dans la rue, je suis passé par des moments très difficiles, j’ai voyagé, travaillé. Tout ce vécu fait de moi une personne honnête. J’ai connu l’enfer et j’en suis revenu. Dieu merci ma grand-mère était pleine de sagesse, et elle m’a appris une chose. Je lui ai demandé : « Pourquoi le monde est-il si dur ? ». Elle a attrapé un morceau de chocolat et m’a dit : « Petit, tu vois ce morceau de chocolat ? Tu sais ce qui arriverait si on lepressait fort ». J’ai répondu « Non ». Alors, elle me l’a tendu : « Prend ce chocolat, serre-le le plus fort que tu peux, concentre-toi, vide ton esprit, et il se transformera en diamant. Alors si un jour, on met trop de pression sur toi, que tu ne peux pas supporter, souviens-toi, garde les idées claires et le stress se transformera en diamant ! » Je n’ai jamais oublié ça… - Dans vos chansons, on trouve un étonnant équilibre : l’interrogation lucide qu’on rencontre chez Marvin Gaye et un appel à la contestation, à la manière du Ball of Confusion des Temptations. [visiblement ravi] Yeah ! [puis, plus grave] - Je pourrais rester assis-là longtemps et te raconter tout ce que j’ai vécu. Je me demande comment j’ai pu rester en vie avec toute cette douleur. Je ne pourrais pas raconter tout cela, personne ne veut l’entendre. Mais je garde juste mon esprit humble et en paix. Encore maintenant, quand à New York je vois la police dans la rue je m’éloigne… Aujourd’hui, ils trouvent des raisons pour descendre dans nos quartiers, ils choisissent et attendent le moment où ça va mal tourner. C’est la

ils préfèrent te mettre en prison alors que la seule chose que les mères attendent c’est que tu ailles à l’école. À l’époque, ma mère me disait de contisociété dans laquelle nous vivons :

nuer à marcher, de rester dans la lumière, tête haute, et qu’un jour tout ça serait terminé. Aujourd’hui, je reste à la maison, je fais ma musique juste pour rester loin de la police. Alors oui, jusqu’à mes 14 ans je n’étais pas un très bon garçon, je volais de la nourriture, mais je ne crois pas que je mérite d’être puni toute ma vie.»

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Je suis ton père par Sylvia dubost illustrations Sherley Freudenreich

P o u r q u o i S t a r W a r s f a s c i n e - t - i l l e s a d o l e s c e n t s ?  Et pourquoi Dark Vador est-il si méchant ? Q u ’ e s t - c e q u i a d é c l e n c h é c e t t e   r e c h e r c h e ?

N’en déplaise aux critiques chagrins, Star Wars recèle une grande richesse sémantique et psychologique. Dans un essai enthousiasmant, rédigé avec Hubert Stoecklin, Hubert Paris, psychiatre et psychanalyste spécialiste de l’adolescence, installé à Strasbourg, décrypte le film culte. Et tente de répondre à ces questions fondamentales :

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O

n est un petit groupe à travailler sur  le cinéma depuis dix ans. Star Wars est le prototype du film culte. C’est un objet psychologique structurant universel. Il n’y a pas tellement de dialogue, c’est un cinéma du mouvement et de l’image, qui parle à tout enfant dans le monde entier. Il fonctionne sur deux générations, ce qui est assez rare et rapproche Lucas de grands créateurs de l’enfance comme Verne et Hergé. À chaque Noël, mon fils voulait un masque de Dark Vador. Pourquoi personne ne veut le pyjama de Luke ? Je me suis penché sur le personnage… Un jour, une dame me parle de son fils en disant : « J’ai l’impression d’avoir Anakin Skywalker* à la maison, il est toujours mal, toujours sombre. J’ai l’impression qu’ils sont tous comme ça.»J’ai trouvé sa remarque pertinente !

Qui est Dark Vador ?  Au départ, le spectateur historique ne connaît que Dark Vador. C’est le mal, il en a tous les attributs : il est grand, noir, porte un casque qui peut rappeler les soldats nazis. Et en même temps, il va se sacrifier pour son fils. Donc, c’est un père, même s’il est très méchant. Et aussi un père freudien, le père imaginaire du petit enfant : très grand, très fort et qui fait peur. Lucas va expliquer ce qui le rend si méchant. On quitte alors l’archétype mythologique de la Trilogie pour la psychologie. Dans la Prélogie, Lucas monte un scénario du traumatisme, de l’abandon, de l’absence de père, de la dépression. Le personnage d’Anakin est moins archétypal que ceux de Dark Vador et Luke. Il renvoie à l’adolescent d’aujourd’hui : très valorisé, puisque c’est l’élu, mais très fragile narcissiquement, avec quelque chose de mélancolique.

Quelle définition donnezvous à la mélancolie ?  Celle des classiques. C’est le mal noir, un état de dépression mais aussi d’agitation, qui renvoie aussi du côté du génie. Anakin Skywalker est pris par mélancolie, c’est plus fort que lui. La Prélogie explore la naissance du mal. Après 15 années d’attente pour les fans de la première heure, donnet- elle toutes les clés pour comprendre l’évolution d’Anakin ?   On en a pas mal. Il y a surtout cette absence d’enfance. Anakin est esclave, n’a pas de père, vit sur une planète pourrie, et quand on vient le sauver, on le colle en internat et il doit faire le Jedi. Il tombe très vite amoureux de Padmé mais ne peut rien faire avec elle. Puis il veut la protéger mais ne le peut pas non plus… L’absence de père est très importante. Dans la Trilogie, il y a des pères partout : entre Obi-Wan, Yoda, son oncle, et même

Dark Vador,

Luke est entouré de figures qui lui permettent de  faire ce passage. Anakin cherche un père et n’en trouve pas : son premier maître meurt  très rapidement, Obi-Wan refuse de jouer ce rôle et les Jedis sont une communauté de frères… L’empereur, lui, est un personnage féminin : il n’est pas dans la puissance mais dans la ruse. L’empereur, encore plus méchant que Dark Vador, est le mal absolu. Pour vous, c’est l’image de la mère. Il y a pire que le père, c’est la mère. La mère sait tout, peut tout, elle peut donner la vie. C’est la promesse que fait Palpatine** à Anakin : « Je sais donner la vie. » En gros, il lui dit qu’il est une mère. Une mère omnipotente

qui ne lâche jamais l’autre et le transforme en un pantin. Aujourd’hui, on ne voit que des garçons complètement dominés par leur mère, contre laquelle ils essayent de se révolter. Ce qui est intéressant, c’est la soumission de Dark Vador à ce drôle d’être. Il est surpuissant et pourtant tout petit devant ce machin ratatiné à capuche. La Trilogie fonctionne comme un mythe oedipien moderne. Dark Vador veut que son fils soit comme lui, il veut en faire un frère. On sera tous les enfants de cette mère totale. Mais on ne peut abolir la généalogie. Sinon, c’est le chaos, la barbarie. Dark Vador a un éclair de génie : pour libérer son fils, il tue l’empereur et brise la malédiction. Il se sacrifie, et permet au fils de lui rendre hommage. À quinze années d’écart, les deux séries nous éclairent aussi sur l’évolution de nos sociétés…  C’est ce qui est intéressant. Elles racontent la même histoire : le passage adolescent. Mais on est passé d’une société structurée avec papa-maman-enfants – la famille que connaît Georges Lucas, la famille oedipienne, névrosée d’après-guerre – où l’on lutte pour affirmer son désir, à la famille post-moderne où il n’y a plus de père, où l’on demande à l’enfant

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« Soi toi-même ! », où le sujet est extrêmement mis en avant mais toujours dans le risque de l’effondrement.  Pour Anakin,  c’est un ratage car il devient Dark Vador : violent, cynique, très noir. Pour Luke, on peut se demander si c’est une réussite, puisqu’il finit dans une chambre avec des nounours [les Ewoks, ndlr]. Il ne se marie pas et n’a pas d’enfant, n’accède pas à la génitalité.

Peut-on faire un parallèle avec Batman, où l’on est passé de la fantaisie de Tim Burton aux films sombres de Christopher Nolan ? Le Batman de Burton est provocateur, décalé, enfantin. Celui de Nolan abominablement triste. On passe de la fantaisie enfantine à la noirceur adolescente, avec une société horrible, où l’on est seul contre tous. Aujourd’hui, il n’y a plus d’épopée adultes, comme le western, qui véhicule des valeurs comme la conquête ou le dépassement de soi, ou des comédies grinçantes et distanciées des années 50 à 70. Maintenant, plus personne ne baise personne… même plus James Bond, qui est amoureux et souffre. Les Américains ne sont pas bien en ce moment…

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SCHIZOPHRENIA

DVD

DE GERALD KARGL Trente ans après sa sortie en salle calamiteuse pour cause d’interdiction aux moins de 18 ans, Carlotta donne une nouvelle chance à un film culte tiré de faits réels particulièrement horribles (le massacre d’une famille autrichienne par un psychopathe en 1980). Gerard Kargl prend le parti psychanalytique de nous faire vivre ce massacre sanglant entièrement du point de vue du tueur avec l’utilisation d’une voixoff omniprésente que le cinéaste Gaspar Noé, largement inf luencé par le film, recommande  d’écouter en version française, une fois n’est pas coutume. Si on comprend pourquoi ce film virtuose est devenu culte, on ne peut s’empêcher de le déconseiller aux âmes sensibles… (P.S.)

selection

COFFRET GURU DUTT Avec 9 films réalisés en 10 ans, Guru Dutt a su imposer sa patte sur le cinéma indien. Il faut dire qu’il savait tout faire ; tour à tour acteur, assistant-réalisateur et chorégraphe, il apporte dès le début des années 50 toute sa culture cinématographique et notamment l’inf luence du cinéma noir américain. Les deux films édités chez Carlotta, L’Assoiffé (1957), Le Maître, la maîtresse et l’esclave (1962) constituent de vrais classiques du cinéma Bollywood, avec un réel sens de la dramaturgie : on y découvre un cinéma extrêmement tourmenté qui place le désir au coeur du dispositif narratif. Que ce soit le poète idéaliste de L’Assoiffé ou le vieil architecte nostalgique du Maître, ils expriment tous deux, à des degrés différents une forme de romantisme moderne auquel on succombe inévitablement. Le charme opère,  l’émotion est là. Guru Dutt rejoint notre panthéon  personnel… (E.A.)

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DESPAIR ÉTUDES SUR PARIS DE RAINER WERNER FASSBINDER

Réalisé en 1978, Despair est un film mal connu de Rainer Werner Fassbinder adapté d’un roman de Nabokov par le dramaturge anglais Tom Stoppard et interprété par le génial Dirk Bogarde et la très charnelle Gloria Swanson. Cette coproduction internationale a pour sujet la crise existentielle, sur arrière-fond de montée du nazisme, d’un industriel du chocolat lassé par sa femme et qui se met en tête d’échanger sa vie avec celle d’un vagabond qu’il prend pour son sosie bien qu’il ne lui ressemble pas du tout. Avec ce film déstabilisant, Fassbinder réussi à donner corps à l’idée qu’il se fait de la période particulièrement chaotique qui précède l’arrivée de Hitler au pouvoir. (P.S.)

D’ANDRÉ SAU VAGE – CARL OTTA On se souvient du Paris vu par dans les années 60, les cinéastes de la Nouvelle Vague avaient posé un regard intime sur la capitale. On découvre un précédent à leur démarche, ces belles Études sur Paris que l’on doit à André Sauvage. Ce portrait urbain révèle une ville aux visages multiples qu’on parcourt indifféremment à pied, à cheval, en voiture ou en bateau. Le cinéaste parcourt la ville, des hauts lieux aux quartiers populaires, y révèle la vie intérieure avec une modernité qui le situe à l’égal d’un Jean Vigo, et anticipe justement les préoccupations esthétiques des Truffaut, Godard ou Eustache. (E.A.)

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WELCOME IN VIENNA DE AXEL CORTI - MONTPARNASSE Le film Welcome in Vienna sorti en salles en 1986, n’était que la dernière partie de la trilogie qui sort aujourd’hui en DVD grâce à une association entre Le Pacte et Montparnasse. Fondés sur un scénario largement autobiographique de Georg Stefan Troller, les trois films (Dieu ne croit plus en nous, Santa Fe et Welcome in Vienna) chroniquent la vie de jeunes Autrichiens juifs depuis la Nuit de cristal en 1938 jusqu’à la victoire sur les nazis en 1945. Autrichien non juif, Axel Corti a voulu filmer cette histoire “non pour faire la morale, mais pour raconter une histoire d’êtres humains” et pour en finir avec le refoulement autrichien. Une fresque bouleversante de six heures, rythmée d’archives, à la fois leçon d’Histoire et de cinéma. (P.S.)


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