Archéothéma 34

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ARCHÉOTHÉMA

ARCHÉOTHÉMA Histoire et archéologie

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mai-juin 2014

La construction d’un empire Les relations diplomatiques Le gouvernement de l’empire

Charlemagne

du royaume à l’empire

www.archeothema.com L 13248 - 34 - F: 8,00 € - RD

L’ article

saint louis

8 centenaire de sa naissance e

exposition

british museum

Les Vikings. Vie et légende

rubrique

histoire en bouche

L’art culinaire d’Apicius


> Histoire en bouche

Histoire de pain perdu Par Sylvie Campech et Amélie Rullier

Recette simple, économique, utilisant des produits que toute ménagère garde dans sa réserve, le pain perdu est une recette européenne. Dans la cuisine familiale, le plat permet d’utiliser le pain sec pour en faire un excellent entremet sucré. Aujourd’hui, il revient à la mode dans les restaurants français et s’importe au bout du monde sous l’appellation « french toast » que l’on trouve dans toutes les cartes de petit-déjeuner des grands hôtels.

L

a première recette reconnue se trouve dans le recueil d’Apicius, célèbre gastronome du Ier siècle ap. J.-C. Le plat est cité dans le chapitre des « sucreries faites à la maison ». On peut donc croire que c’est là une pâtisserie réalisable par toutes les ménagères romaines. Les pains (de blé tendre ou de petits pains d’Afrique au moût) sont cassés en morceaux, puis trempés dans du lait et frits à l’huile. Ils sont servis arrosés de miel. Ou bien encore, on peut les cuire au four et les servir miellé et poivré. Au Moyen Âge, on trouve le « pain ferré » au XIIIe s., le « pain perdu » en 1384 et aussi les « croûtes au lait » dans le Ménagier de Paris, en 1390. En 1505, la version française du Platine de Bartolomeo Sacchi, donne la recette de « soupes dorées » réalisées avec des tranches de pain blanc grillées des deux côtés. Une fois la croûte enlevée, elles sont trempées dans un mélange d’œufs battus avec du sucre et de l’eau de rose, puis frites au beurre dans une poêle. Pour finir, elles sont saupoudrées de sucre et arrosées d’eau de rose colorée avec un peu de safran. Dans un souci diététique (qui caractérise la cuisine médiévale), ce plat, nous dit l’auteur, engraisse le corps et est bon pour les reins et le foie. Menon, en 1753, dans son ouvrage La cuisinière Bourgeoise, donne une recette de « beignets de pain », aromatisés au citron vert et à la fleur d’oranger. Cent ans plus tard, l’édition de La cuisinière de la campagne et de la ville de 1843, de LouisEustache Audot, qui reprend l’ouvrage de Menon, redonne la recette désormais dénommée « pain perdu ». Il en ajoute une seconde, « les soupes dorées ». Cette dernière est plus simple à réaliser avec des tranches de pain entières trempées dans des œufs battus en omelette, puis frites. Elles sont servies chaudes et salées.

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En 1934, Escoffier aromatise son « pain perdu » à la vanille et préconise de le réaliser avec du pain grillé et beurré ou avec de la brioche pour une recette plus distinguée. Le pain perdu est-il une recette française ? Les Anglais semblent le croire, puisque on trouve dès le XVe siècle, dans l’ouvrage Two 15th Century Cookery Books, des recettes de « Payn pur-dew » (salé) ou « Payn fondew » (sucré, trempé au vin rouge). En 1685, Robert May donne la recette du « French toast » trempé dans du vin blanc, saupoudré de sucre et arrosé de jus d’orange qui devient un classique qui s’importe aux Etat-Unis (John Nott en 1723, Mrs Lee en 1832). Toutefois, cette recette simple et économique se pratique dans de nombreux pays européens avec de nombreuses variantes qui s’adaptent aux goûts culturels de chaque pays. 

Beignets de pains de Menon (1753) 8 tranches de pain de mie épaisses d’un doigt et de la grosseur d’un écu (4 à 5 cm de diamètre) 4 verres de lait, 1 c. à soupe de sucre 1 pincée de sel, 1 c. à café d’eau de fleur d’oranger 0,5 à 1 c. à café de zeste de citron vert haché 3 grosses c. à soupe de farine 1/2 verre d’huile Faire bouillir du lait avec un peu de sucre et une pincée de sel, l’eau de fleur d’oranger, le zeste de citron vert. Faire réduire de moitié. Découper des écus épais dans de la mie de pain et les faire tremper un moment dans le lait. Les égoutter et les farinez. Faire frire chaque tranche des deux côtés à l’huile. Saupoudrer de sucre avant de servir chaud.


Photos S. Campech

histoire de pain perdu

Le saviez-vous ? La soupe au Moyen Âge et jusqu’au milieu du XVIIIe siècle désigne la tranche de pain. Cette tranche de pain que l’on trempe dans le potage. De là vient l’expression « être trempé comme une soupe ». Dès le XIVe siècle, le terme désigne aussi le bouillon épaissi par la tranche de pain. À partir du milieu du XVIIIe siècle, l’usage de « la soupière » confirme le glissement du terme qui ne désignera plus que le bouillon avec ou sans pain.


> expositions Vue idéale du Bayon depuis l’Est (détail). Louis Delaporte et Henri Devérin, 1891. H. 65,5 L. 123 cm. Mine graphite, aquarelle, rehauts de peinture dorée sur papier vélin. D. R.

Tenture de La Dame à la licorne : l’Odorat. Vers 1500. Paris, musée de Cluny musée national du Moyen Âge. © RMN-Grand Palais/ Michel Urtado.

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expositions

L’éclat retrouvé de la

Dame à la licorne Considérée comme la « Joconde » du musée de Cluny, la tenture de la Dame à la licorne n’avait pas été restaurée depuis la Seconde Guerre mondiale. Un nettoyage en profondeur vient de lui rendre ses teintes éblouissantes. Mieux : une nouvelle salle favorise désormais la contemplation et la conservation de ce chef-d’œuvre de l’art médiéval.

C

’est par un couloir sombre, sorte d’antichambre du trésor, que l’on accède désormais au joyau des collections du musée de Cluny. Depuis le 18 décembre 2013, la tenture de la Dame à la licorne bénéficie d’un nouvel écrin. Plus intime que la vaste rotonde, où les 6 tapisseries étaient précédemment présentées, il suggère davantage le type d’espace où elles étaient accrochées au Moyen Âge. Mais il permet surtout une meilleure conservation de ces fragiles chefs-d’œuvre. Les tapisseries se déploient sur des plans légèrement inclinés, qui permettent de limiter les tensions causées par l’accrochage. Et l’éclairage se fait par des LED. Discrètement insérés dans le plafond de la salle, ils mettent en valeur les couleurs de cette tenture, réveillées par une récente restauration.

Un cycle rajeuni Exposées pendant des décennies à une forte lumière zénithale et à la poussière, les teintes avaient en effet perdu leurs contrastes, et s’étaient affadies. En 2012, un nettoyage a permis de réveiller cette subtile gamme colorée, composée d’une trentaine de tons différents. Au dépoussiérage (par micro-aspiration), a succédé l’étape, plus complexe, du lavage (par brumisation). Des teintures végétales, conformes à celles employées au Moyen Âge (la garance pour le rouge, la

guède pour le bleu ou, plus rare, l’oseille pour le violet), ont été utilisées pour intensifier certaines couleurs. Enfin, les zones les plus fragiles ont été consolidées, et une nouvelle doublure a été mise en place. C’est donc un cycle rajeuni que l’on peut admirer à Cluny. Son fond rouge de « mille fleurs », peuplé de végétaux et d’animaux familiers, et ses créatures fantastiques suscitent plus que jamais l’émerveillement. Les secrets de la licorne Dès sa découverte en 1841 par Prosper Mérimée, au château de Boussac, la tenture entra dans la légende. Elle était à la fois intrigante par son iconographie, et exceptionnelle par sa qualité d’exécution. Acquises en 1882 par Edmond du Sommerard, premier directeur du musée de Cluny, ces six « curieuses tapisseries énigmatiques », comme les qualifiait George Sand, ont, depuis, livré une partie de leurs secrets. Les armoiries « de gueules à la bande d’azur chargées de trois croissants d’argent » ont permis de rattacher cette commande, exécutée vers 1500, à la famille lyonnaise des Le Viste, dont plusieurs membres firent carrière au Parlement de Paris. Quant aux scènes, qui associent à chaque fois une jeune châtelaine et une licorne, elles constitueraient une allégorie des cinq sens (la vue, l’ouïe, le goût, l’odorat et le toucher). Seule la 6e tapisserie, portant l’inscription « Mon seul désir », laisse les historiens de l’art indécis. Ce 6e sens serait-il celui du cœur ? Le mystère, pour l’heure, reste entier.  Par Eva Bensard

Informations pratiques Musée de Cluny, musée national du Moyen-Age

6 place Paul Painlevé, 75005 Paris. Tél. : 01 53 73 78 16. www.musee.moyenage.fr. Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 9h15 à 17h45.

Le Goût dépoussiérage. © Droits réservés.

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DOSSIER Auguste, empereur de Rome

Moi, Auguste, empereur de Rome Exposition au Grand Palais à Paris Auguste est certainement l’un des empereurs romains les plus célèbres. Est-ce la raison pour laquelle cette exposition a été montée ou, a contrario, est-ce qu’à défaut d’être célèbre, l’homme qu’il fut est méconnu ? D. R. – La raison principale pour laquelle

cette exposition a été montée est d’abord la commémoration, en 2014, du bimillénaire de la mort d’Auguste. Il nous a semblé que c’était un bon prétexte pour parler de l’homme puisque même si, surtout en Italie, Auguste est un personnage assez célèbre, il est vrai qu’il n’est pas celui qui, dans l’Antiquité romaine, a attiré le plus l’attention : César ou Néron sont beaucoup plus connus ou populaires. Il nous paraissait donc intéressant de remettre en valeur Auguste, son action politique mais aussi l’homme qu’il a pu être, avec toutes les différences qui peuvent séparer un chef d’État de l’époque romaine d’un chef d’État d’aujourd’hui. C. G. – Il est vrai aussi qu’Auguste est une figure marquante de l’histoire antique puisqu’il met en place un nouveau régime politique qu’on appelle le Principat, et qu’il va régner de longues années sur un empire qui s’étendra de la Gaule à l’Orient, durant une période qui ouvre une longue ère de paix et de prospérité, remarquable pour l’époque antique.

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Que sait-on aujourd’hui de l’homme qu’il était ? Quel caractère avait-il ? Les sources en parlent-elles ? C. G. – Les sources sont nombreuses et

diverses. Il y a d’abord les sources écrites, celles qu’il a lui-même rédigées quelques mois avant sa mort, les Res Gestae, une sorte d’autobiographie dans laquelle il relate les grands faits de son règne ; ensuite celles de ses contemporains et d’historiens postérieurs qui ont attiré l’attention sur les événements marquants de son règne. D. R. – C’est effectivement un personnage sur lequel on ne manque pas de sources. Par ailleurs, sur l’intimité de sa personne, les sources sont moins nombreuses et tendancieuses. C’est le cas par exemple chez Suétone (vers 75-150 apr. J.-C.) qui, des décennies après le règne d’Auguste, prend un malin plaisir à parler des Julio-Claudiens (les empereurs de la famille d’Auguste) comme d’une famille dégénérée, avec beaucoup de travers, même si Auguste est l’un des empereurs qu’il traite le mieux. C. G. – Il y a aussi les sources iconographiques qui relèvent de l’histoire de l’art. L’image d’Auguste est très bien connue même si elle était parfaitement maîtrisée. L’exposition montre comment il a mis en place un système d’imagerie officielle totalement contrôlé à travers des

Entretien avec Cécile Giroire (C. G.) et Daniel Roger (D. R.), conservateurs du Patrimoine, Département des antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre, commissaires de l’exposition, par Bruno Bioul

Vous pouvez retrouver l’intégralité de cet entretien sur notre site internet www.archeothema.com

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Expositio

Moi, Auguste, empereur de Rome 19 mars – 13 juillet 2014 Paris, Galeries Nationales du Grand Palais, entrée Clemenceau


Entretien

portraits sculptés de différents types qui ont été élaborés dans l’entourage immédiat du Princeps, à Rome, et qui ont ensuite été diffusés dans tout l’empire. Ces portraits mettent en avant ses caractéristiques physiques, mais aussi des traits un peu idéalisés, ceux d’un homme assez beau (ce qu’il était paraît-il), dont l’image a circulé dans tout l’empire pendant des décennies, voire après sa mort puisqu’il existe toute une iconographie posthume de l’empereur. Les portraits sculptés que l’on possède de lui sont-ils fidèles ? C. G. – Il est compliqué de répondre à

Temple de Rome et d’Auguste à Ankara, Turquie. Paroi externe (sud-est) avec la version grecque des Res Gestae, le testament d’Auguste. DR.

Ô

Ô Portrait d’Auguste conservé au musée Saint-Raymond de Toulouse, provenant de la villa de Chiragan. Cliché PierreSelim, 2011. Wikimedia commons.

Ô

Auguste de Prima Porta. Marbre. 230 x 119 x 110 cm. Rome, Cité du Vatican, Musei Vatcani. © Musées du Vatican, Cité du Vatican. Service de presse.

cette question parce que, comme je viens de le dire, son image était maîtrisée : les marques de l’âge sont assez peu sensibles sur ses portraits sculptés, il est éternellement jeune. C’est une image idéale qui doit quand même être conforme à une certaine réalité mais qui a été sans doute retravaillée pour correspondre à celle qu’il voulait donner de lui : un homme politique à la fois jeune, actif, vigoureux, alors que d’après les textes, on sait qu’il était plutôt d’une constitution frêle et qu’il avait une mauvaise santé. D. R. – Il faut garder à l’esprit que le but du portrait romain en marbre (et sans doute en peinture mais ils sont majoritairement perdus) n’est pas tellement

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DOSSIER Auguste, empereur de Rome

Chronologie d’Auguste 69 av. J.-C. | Naissance d’Octavie, sœur

du futur Auguste ; naissance de Livia Drusilla (Livie).

44 av. J.-C. | Octave est à Apollonia d’Illyrie, destiné à l’état-major de César pour la guerre parthique ; le 15 mars (ides), César est assassiné ; 19 mars : ouverture du testament ; avril : Octave revient en Italie sans escorte ; il apprend qu’il est le principal héritier et que César l’adopte à titre posthume (Caius Iulius Caesar = Octavien) ; 8 mai : première rencontre avec Antoine ; juillet : apparition d’une comète, rumeurs de divinisation de César ; automne : Octavien, simple particulier, débauche les légions d’Antoine ; décembre : 3e et 4e Philippiques de Cicéron ; naissance de Césarion, fils de Cléopâtre et de César.

54 av. J.-C. | Mariage d’Octavie avec

43 av. J.-C. | 1er-3 janvier : Octavien

C. Claudius Marcellus.

obtient l’imperium proprétorien, le rang d’ancien questeur, le droit de se présenter au consulat 10 ans avant l’âge légal, une statue équestre ; il accompagne les consuls Hirtius et Pansa à Modène ; 2 février : sénatus-consulte ultime contre Antoine ; 21 avril : victoire des « sénatoriaux » à Modène ; retraite d’Antoine, poursuivi par Decimus Brutus ; acclamation des consuls et d’Octavien ; mort des consuls Hirtius et Pansa ; été : Antoine et Lépide (Narbonnaise) réunissent leurs troupes, rejoints par Asinius Pollion (Espagne) et Munatius Plancus (Gaule) ; fondation de Lyon ; Sextus Pompée reçoit le titre officiel de préfet de la flotte ; août : Octavien marche sur Rome avec 8 légions et obtient le consulat avec son cousin Quintus Pedius le 19 ; Octavien et son collègue forment un tribunal

du futur Auguste ; naissance (environ !) de Cléopâtre.

63 av. J.-C. | 23 septembre (8 novembre dans le calendrier du moment) : naissance, sur les pentes du Palatin, de Caius Octavius, fils d’un notable de Vellitrae, premier de sa famille à accéder au Sénat ; en même temps : conjuration de Catilina ; suicide de Mithridate VI, vaincu par Pompée.

58 av. J.-C. | Mort de C. Octavius, père

53 av. J.-C. | Mort de Julia, fille de César et épouse de Pompée : les relations se dégradent. 51 av. J.-C. | Le jeune C. Octavius (Octave) prononce l’éloge funèbre de sa grand-mère Julia, sœur de César.

49 av. J.-C. | 11 janvier : César franchit le Rubicon : guerre civile.

48 av. J.-C. | 9 août :Bataille de Pharsale. Victoire de César sur Pompée.

47 av. J.-C. | Bataille d’Alexandrie : César rencontre Cléopâtre et la confirme sur le trône.

46 av. J.-C. | Octave a sans doute parti-

spécial (par la lex Pedia) pour juger les assassins de César ; novembre : accords de Bologne : triumvirat constituant (lex Titia le 27 : IIIviri rei publicae constituendae) et proscription (7 décembre : exécution de Cicéron) ; naissance d’Ovide ; décès d’Atia, mère d’Octavien ; funérailles publiques ; rupture des fiançailles d’Octavien et de Servilia ; mariage d’Octavien avec Claudia, belle-fille d’Antoine.

42 av. J.-C. | Officialisation du culte du « Divus Iulius » (César) : l’érection d’un temple est décidée sur le site du bûcher funéraire ; taxes sur les matrones romaines ; Sextus Pompée s’empare de la Sicile ; octobre : sanglantes batailles de Philippes, en Macédoine, et victoire d’Antoine : suicides de Cassius et Brutus ; Octavien voue un temple à Mars Ultor (« Vengeur ») ; remaniement des provinces au détriment de Lépide ; la Gaule Cisalpine devient italienne ; Antoine reste en Orient, mais laisse des proches dans les provinces d’Occident ; naissance de Marcellus ; 16 novembre : naissance de Tibère. 41 av. J.-C. | Consulat de Lucius Antonius ; Octavien chargé de distribuer des terres aux vétérans ; spoliations ; émeutes contre Octavien ; L. Antonius et Fulvia, épouse d’Antoine, conduisent une révolte mais sont assiégés dans Pérouse (Perugia) ; printemps : en Orient, Antoine taxe lourdement les cités ; été : rencontre avec Cléopâtre (Antoine « Néos Dionysos ») ; assassinat

cipé au cortège triomphal de César.

45 av. J.-C. | Octave aurait accompagné César dans sa campagne espagnole.

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63 av. J.-C. Naissance de Caius Octavius.

49 av. J.-C. César franchit le Rubicon.

Portrait d’Octavien, du type « Béziers-Spolète ». Spolète, Museo Statale. Photo M. Tarpin, 2013.

Buste en marbre, 1er s. ap. J.-C. Pantelleria. Houston Museum of Natural Science. Cliché Euthman, 2007.

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Chronologie d’Arsinoé IV ; rupture du mariage d’Octavien avec Claudia.

40 av. J.-C. | Février-mars : Pérouse est prise et pillée ; massacre des notables, chevaliers et sénateurs : la rumeur parle de sacrifices humains le 15 mars : L. Antonius et Fulvia sont épargnés ; Octavien prend désormais le nom officiel d’Imperator Caesar ; offensive parthe sur l’Orient romain ; été : retour d’Antoine qui commence le siège de Brindes ; les soldats refusent l’affrontement : négociations d’Asinius Pollion et de Mécène ; Sextus Pompée prend la Sardaigne ; septembre ou octobre : « paix de Brindes », ovation d’Octavien et d’Antoine, qui épouse Octavie, veuve depuis peu ; élimination de Salvidienus Rufus ; mariage d’Octavien avec Scribonia ; naissance d’Alexandre Helios et de Cléopâtre Séléné, enfants de Cléopâtre et d’Antoine ; émeutes à Rome pour contraindre les triumvirs à traiter avec Sextus Pompée pour rétablir un approvisionnement régulier de la Ville. 39 av. J.-C. | Été : rencontre de Misène et accord des triumvirs avec Sextus Pompée, retour de proscrits, Octavien rencontre Livia Drusilla ; fin de l’année : Antoine repart en Orient ; victoires de Ventidius Bassus sur les Parthes qu’il chasse de Syrie ; naissance de Iulia (Julie), fille d’Octavien ; Naissance d’Antonia Maior

38 av. J.-C. | Janvier : Octavien divorce hâtivement et épouse Livie (enceinte) ; début de l’année : naissance de Drusus ; Octavien décide de s’attaquer à Sextus Pompée et demande de l’aide à Antoine ; printemps : victoires de Sextus Pompée

à Cumes et Messine ; Ménas, son amiral, passe à Octavien (il change plusieurs fois de camp par la suite) ; Agrippa se couvre de gloire en Gaule.

37 av. J.-C. | Printemps : Antoine revient en Italie ; été : rencontre de Tarente et renouvellement du triumvirat ; Antoine cède des navires contre une promesse de troupes ; mariage d’Agrippa avec Pomponia, fille du richissime Atticus et proche d’Antoine ; préparation de guerre contre Sextus Pompée ; fiançailles de Julie (1 an !) et d’Antonius Anthyllus, fils aîné d’Antoine.

34 av. J.-C. | Octavien en Illyrie. Antoine prend la capitale de l’Arménie et capture le roi Artavasdès : entrée fastueuse à Alexandrie présentée à Rome comme un triomphe ; réorganisation de l’Orient : « donation d’Alexandrie ».

33 av. J.-C. | Antoine en Arménie ; édilité d’Agrippa : grands travaux à Rome, thermes publics, aqueduc ; Octavien, consul, propose à Antoine de déposer ensemble le triumvirat : tension croissante ; Octavien récupère la tutelle de Tibère et de Drusus à la mort de leur père.

36 av. J.-C. | Printemps : Antoine

32 av. J.-C. | 1er janvier : les consuls

entame la campagne parthique ; juillet : Lépide débarque à Lilybée, en Sicile ; 2 août : Agrippa vainqueur à Mylae ; Octavien battu à Taormine ; 3 septembre : victoire définitive d’Agrippa à Nauloque ; fuite de Sextus Pompée ; Octavien se fait acclamer par les soldats de Lépide, qui est envoyé en résidence surveillée ; 13 novembre : ovation d’Octavien : colonne rostrale, arc, etc. ; fermeture du temple de Janus (?) ; temple d’Apollon sur le Palatin ; « sacro-sainteté tribunicienne ». Piteuse retraite d’Antoine à travers l’Arménie ; naissance d’Antonia Minor ; naissance de Ptolémée Philadelphe, fils de Cléopâtre et d’Antoine.

accusent Octavien ; réponse d’Octavien ; les consuls et trois cents sénateurs se rendent auprès d’Antoine ; Octavien publie le « testament » d’Antoine ; mai : Antoine, à Athènes, répudie Octavie ; première défection dans son camp ; déclaration de guerre à Cléopâtre ; automne : Octavien fait prêter serment à l’Italie ; Agrippa entame les hostilités sur mer et s’établit à Corfou ; 15 mars : suicide d’Atticus, gravement malade.

35 av. J.-C. | Octavien part en campagne en Illyrie ; mars : Octavie conduit une infime partie des troupes promises par son frère à son mari Antoine ; elle n’est pas reçue et retourne à Rome ; exécution de Sextus Pompée ; mort de Salluste.

31 av. J.-C. | Été : les deux armées autour du golfe d’Ambracie ; épidémie dans le camp d’Antoine ; 2 septembre : affrontement ; « fuite » de Cléopâtre et Antoine ; reddition des légions antoniennes ; fondation de Nicopolis, trophée d’Actium. 30 av. J.-C. | Octavien arrive en Égypte ; 1er août : prise d’Alexandrie et suicide d’Antoine ; 12 août : suicide de Cléopâtre ; exécution de Césarion et d’Antonius Anthyllus, fils de Fulvia et d’Antoine ; l’Égypte est confiée à

42 av. J.-C. Victoire d’Antoine à Philippes.

31 av. J.-C. Bataille d’Actium.

27 av. J.-C. Attribution du titre d’Auguste.

Aureus d’Antoine et Cocceius Nerva, 41 av. J.-C. RRC, 517/4b : profils de Marcus Antonius. Photo acsearch. DR.

Cléopâtre VII sur un tétradrachme de Séleucie de Piérie. Cliché PHGCOM, 2007.

Tête d’Auguste, tête voilée. Marbre blanc. © Soprintendenza per i Beni Archeologici delle Marche. Service de presse.

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Ô

DOSSIER Auguste, empereur de Rome Carte schématique des positions lors de la bataille d’Actium. Dessin M. Tarpin 2014.

Camp d’Octavien

Golfe d’Ambracie

Flotte d’Octa vien

Nicopolis

Camp avancé d’Antoine

Statilius Taurus

tte Flo d’An e

toin

Agrippa / Arruntius ?

Antoine / Gellius ACTIUM Octavius / Insteius

Cléopâtre Camp de base d’Antoine Canidius Coelius ? / Sosius

Octavien / Marcus Lurius ?

N Leucade

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2 km Courbes de niveau : 40 m

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Ô Auguste vs Antoine. Photos M. Tarpin

La face obscure d’Actium Le soleil …d’Actium Actium est la victoire du soleil d’Apollon sur l’ombre de l’Égypte, si l’on en croit Virgile qui, au chant VIII de l’Énéide, décrit la bataille sur le bouclier que Vulcain vient de forger pour Énée : « Au milieu, on pouvait distinguer les proues d’airain de la flotte, la bataille d’Actium, et voir tout Leucate écumer aux ordres de Mars et les flots flamboyer d’or. Ici, on aperçoit César Auguste menant à la bataille les Italiens avec le peuple et les sénateurs, les Pénates et les grands dieux, se dressant sur une haute proue, son visage confiant projetant des flammes, et au zénith briller l’astre de ses pères (…). La Reine appelle ses colonnes au son du sistre de ses pères (…). Leurs dieux monstrueux, de toutes les formes, et Anubis l’aboyeur dirigent leurs traits contre Neptune, contre Vénus et contre Minerve (…). Voyant cela de tout en haut, Apollon Actien tendait son arc ; terrifiés, tous, l’Égypte et les Indiens, les Arabes et les Sabéens prenaient la fuite

et, appelant les vents, la Reine mettait à la voile. Le maître du feu avait figuré (…) du côté opposé le Nil au vaste corps, éploré, ouvrant les plis de son vêtement et appelant les vaincus dans son giron outremer et les cachettes de ses flots ». Le poète fait sentir par une juxtaposition de contraires que s’est joué dans cette bataille un conflit fondamental entre Rome, incarnée par le fils de César, qui a pour lui la légitimité politique (le sénat et le peuple romain) ainsi que religieuse (les grands dieux et les Pénates), et l’Orient, avec à sa tête, la reine lagide Cléopâtre VII, accompagnée d’Antoine, qui a abdiqué sa citoyenneté, et qui n’ont pour eux que les divinités zoomorphes de l’Égypte, des armées hétérogènes, formées d’anciens vaincus, appelées par le son discordant du sistre : homme contre femme, Res publica contre Royauté, ordre et lumière contre chaos et obscurité. Les vaincus d’Actium sont rejetés dans la nuit de la mort puis de l’oubli.

Par Marie-Claire Ferriès, Maître de conférences en Histoire ancienne, Université de Grenoble

Le 2 septembre 31 av. J.-C., la flotte de Marc Antoine, enfermée depuis plusieurs semaines dans le golfe d’Ambracie, tente de forcer le blocus exercé par la flotte du jeune César, commandée par Agrippa. Elle est défaite mais une partie des forces navales alexandrines, Cléopâtre et Marc Antoine parviennent à s’échapper. Cette bataille a pourtant changé la face du monde aussi sûrement que l’eût fait le nez de Cléopâtre, s’il avait été plus court.

Brindisi

Ambracie Patras

Athènes

Ô

Corfou

Restitution schématique d’une galère liburne

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Statuette équestre dite « de Charlemagne » ou Charles le Chauve.
Cheval du Bas-Empire ou du IXe siècle, restauré au XVIIIe siècle. Cavalier du IXe siècle.
 Retrouvée par Alexandre Lenoir en 1807. Provient de la cathédrale de Metz. H. : 25 cm. Paris. Musée du Louvre. OA 8260. D.R.

Ô

DOSSIER Charlemagne, du royaume à l’empire

Charlemagne L’histoire d’une réussite

L

orsque Pépin le Bref mourut, en 768, il légua à ses fils, Charles – que nous appelons « Charles le Grand », autrement dit : « Charlemagne » – et Carloman, non seulement le titre royal, mais aussi un important territoire au nord-ouest des Alpes (Bretagne exclue), allant des Pyrénées à la Frise et de l’Alémanie à la Thuringe. Ce royaume était le fruit des campagnes militaires menées par les maires du palais, Charles Martel et ses fils, Carloman et Pépin. Ce dernier fut sacré roi et fonda la dynastie que nous appelons carolingienne, par référence au fondateur que fut Charles Martel dont le nom, donné à son petit-fils (Charlemagne), au petit-fils de ce dernier (Charles le Chauve) et à plusieurs autres héritiers de cette famille d’origine austrasienne, allait devenir un nom royal par excellence, au même titre que celui de Clovis (Louis). Bien qu’il fussent déjà sacrés, Charles et Carloman furent formellement « élevés à la royauté », comme l’écrit l’auteur des Annales royales, quinze jours après la mort de leur père : le premier à Noyon, l’autre à Soissons. Charles régna sur les territoires côtiers, de l’Atlantique (Périgord, Poitou, Tou-

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archéothéma no 34 | mai-juin 2014

Par Philippe Depreux, Professeur d’histoire médiévale à l’Université de Hambourg

raine inclus) à la mer du Nord, sur la Frise, les pays du Rhin moyen et du Main, jusqu’aux confins slaves et à la Bavière. Le territoire de Carloman comprenait les terres ainsi « encerclées » par celui de son frère (du Toulousain à la Provence, de la Bourgogne à la région parisienne, de la Champagne à l’Alémanie). À la mort de Carloman (771), dont l’épouse trouva refuge chez le roi des Lombards, Charles fut reconnu roi sur l’ensemble du territoire franc, qu’il étendit considérablement au cours des trente années suivantes : il conquit l’Italie (774), il soumit les Saxons à son pouvoir, repoussant ainsi les limites du monde chrétien jusqu’à l’Elbe, et il annexa la Bavière (788) ; au tout début du IXe siècle, les Francs étaient également présents sur les bords de l’Ebre. C’est toutefois moins son œuvre de conquérant que son action missionnaire et la protection qu’il apporta à l’Église romaine qui justifient le couronnement impérial de Charlemagne, en la Noël de l’an 800. L’histoire de ce succès est le

thème de ce fascicule, un succès qui ne doit pas oblitérer les limites de l’entreprise menée par Charles. L’empereur en était bien conscient, comme en témoignent à la fois les conciles réformateurs convoqués en mai et juin 813 en cinq cités de l’empire (Arles, Reims, Mainz, Chalon-sur-Saône et Tours) et un capitulaire datant de l’extrême fin du règne, où Charlemagne fait rappeler à tous ceux qui lui ont juré fidélité – normalement, tout homme libre de plus de 12 ans – qu’ils doivent impérativement obéir à ses préceptes, car il a appris de ses « envoyés » munis de pouvoir d’enquêter partout en son nom (les missi) que nombre de « fidèles » ne se conforment pas à sa législation. Bref, l’assimilation par tous des règles de vie chrétienne, dont Charlemagne se pensait premier responsable devant Dieu, était une entreprise encore en chantier lorsqu’il mourut en son palais d’Aix-la-Chapelle, le 28 janvier 814, léguant à Louis le Pieux, le seul de ses fils à lui survivre, la charge de poursuivre la réforme carolingienne, qui a déjà fait l’objet d’un fascicule dans cette collection (« Le renouveau carolingien, 730-830 », mai-juin 2010).


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Introduction

Reliquaire de Charlemagne conservé dans le trésor de la cathédrale d’Aix-la-Chapelle. XIVe siècle. Photo Beckstet, 2011. Wikimedia Commons.

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DOSSIER Charlemagne, du royaume à l’empire Ô

Birka Kaupang

Dorestad et Quentovic dans le réseau des principales routes commerciales au haut Moyen Âge (vers 800).

Haithabu

York

Hambourg Londres

Quentovic

Dorestad

Aix-la-Chapelle Mayence

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À gauche. Avers d’un triens en or de Quentovic. Titulature IVVS FIT + avec buste diadémé à droite. D.R. À droite. Denier en argent de Charlemagne provenant de Dorestad. 1,315 gr. Diam. 1,33 cm. D.R.

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les plus dynamiques. Le premier était le principal point de départ vers l’Angleterre. Tout comme le second, son commerce florissant en fit une cible de choix pour les Vikings : l’un et l’autre périclitèrent dans la seconde moitié du IXe siècle. Vers la fin du règne de Charlemagne, de nouvelles voies commerciales, plus orientales, sont attestées par les sources écrites. C’est ainsi qu’en 805, l’empereur, dans un capitulaire promulgué à Thionville, interdit aux marchands négociant avec les Slaves et les Avars d’exporter des armes (les épées franques étaient particulièrement appréciées hors de l’empire) et des broignes, c’est-à-dire des vêtements de protection pourvus de mailles de métal. Le déplacement de ces marchands est autorisé jusqu’à certains postes qu’on dirait frontaliers, contrôlés par des agents mentionnés nommément. Parmi ces lieux, on trouve Madgebourg, Erfurt, Ratisbonne et Lorch (sur le Danube). À la différence des trois derniers, attestés par les sources écrites depuis plusieurs décennies, voire plusieurs siècles, Madgebourg, l’actuelle capitale de la Saxe-Anhalt, apparaît ici pour la première fois. Cette mention illustre l’importance croissante des contrées à la jonction – toute mouvante –

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Les centres commerciaux Emporia et marchés frontaliers Le marchand et le missionnaire sont, en quelque sorte, deux ambassadeurs de la culture franque : ils s’aventurent dans les contrées les plus reculées et ouvrent de nouvelles routes qu’emprunteront les païens attirés par les richesses du monde « civilisé ». Aux temps mérovingiens et carolingiens, un peuple, plus particulièrement, est spécialisé dans les échanges commerciaux : les Frisons. Ce sont eux qui animent les emporia, ces centres de transit de marchandises qu’on appelle aussi Wik, qui sont des plaques tournantes du commerce dans le monde franc, généralement situés en un lieu de passage à gué (traiectum) d’un cours d’eau – qu’on pense par exemple à Utrecht sur le Rhin ou à Maastricht sur la Meuse. Un diplôme de Charlemagne pour Saint-Germain des Prés (779) confirme l’exemption de tonlieu (une taxe sur les marchandises perçue en un lieu de rupture de charge) dont l’abbaye jouissait déjà du temps de Pépin le Bref et mentionne plusieurs de ces « ports » : Rouen, Amiens, Quentovic, Maastricht et Dorestad. Quentovic, situé dans la vallée de la Canche, près de Montreuil-sur-Mer, et Dorestad, à la jonction du Rhin tortueux et du Lek, sont les deux emporia

La cavalerie carolingienne. Psautier dit de Stuttgart, réalisé à l’abbaye SaintGermain-des-Près. Première moitié du IXe siècle (vers 820/830). Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek, Cod. bibl. fol. 23, fol. 71v. D.R.


La construction d’un empire

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