35 minute read

INTRODUCTION

Au début de mes trois années de licence, j’ai compris la raison qui m’avait poussé à entreprendre un double diplôme Ingénieur-Architecte. Cette raison c’est l’expérience architecturale dans laquelle je suis plongé consciemment ou inconsciemment et qui s’impose à moi. L’espace qui m’entoure m’a toujours fasciné, interrogé et impacté mais je n’en comprenais pas réellement les causes. Au travers de la perception que nous en avons, ces espaces modulent notre façon de vivre, notre santé, notre moral, ils participent à nous définir et aident à construire notre identité.

Cette perception est propre à chacun et résulte de l’action des sens. Ainsi, suis-je, par exemple, particulièrement sensible à la façon dont la lumière pénètre dans un espace, s’accroche à la matière et fabrique des ombres. Cette lumière participe à créer une ambiance, à fabriquer l’espace et oriente ma sensation de bien-être dans cet espace. De même, ma mémoire s’accroche facilement à des odeurs et à des bruits qui coexistent dans des lieux et qui me permettent de me les remémorer. Pour concevoir mes projets, j’ai donc puisé dans toutes ces sensations et tous les souvenirs sensoriels enfouis dans ma mémoire. Les sensations s’imposent donc comme clés d’entrée dans mes projets.

Advertisement

L’expérience architecturale est avant tout une expérience sensorielle. Dès lors, il m’a semblé intéressant de questionner la place réservée aux sens dans le processus de conception d’un projet qui conduit à créer cette expérience. La démarche de conception que j’ai découverte au cours de ces trois années est au cœur de la formation d’un architecte et de la réflexion sur l’impact de l’expérience architecturale. L’architecte imagine un projet et transmet son intention au travers de dispositifs spatiaux, de matériaux, de percements, qui vont solliciter la perception sensorielle de celui qui se trouve au sein de cet espace. Les sens sont donc vecteurs d’intentions architecturales et du sens que donne l’architecte à son projet. Ce sens s’exprime dans ce que l’espace produit sur les personnes qui le parcourent.

Dans la tradition architecturale occidentale, le sens visuel prédomine. De la conception à la réalisation, l’action architecturale produit avant tout des images. Questionner l’hégémonie des images permet de mettre en avant le besoin d’une réflexion sensorielle globale dans un projet pour redonner du sens à l’action architecturale. Chaque choix impacte la façon dont vont vivre les usagers ; imaginer une ville et des bâtiments adaptés à tous n’est possible que si l’on considère que chacun ne perçoit pas son environnement de la même manière.

La question du projet architectural est également une question de représentation. Comment représenter quelque chose qui ne se voit pas mais qui se ressent ? Quels sont les outils utilisés ? Et pour quels résultats ? La question sensorielle en architecture est complexe car elle repose sur des mécanismes invisibles et souvent propres à chacun. Imaginer et explorer de nouvelles façons de penser et de représenter un projet peut permettre de redonner du sens au processus de projet.

Dans ce rapport, nous nous demanderons comment reconnecter le processus du projet à l’expérience sensorielle d’architecture ? Ainsi, nous verrons que si l’expérience architecturale est multisensorielle, c’est le sens visuel qui prédomine dans le processus de projet et qu’il est nécessaire de reconnecter les sens et la démarche de conception pour redonner du sens à l’action architecturale.

1. L’ARCHITECTURE, UNE EXPÉRIENCE MULTISENSORIELLE

L’architecture est une expérience qui fait appel aux sens. L’espace environnant s’appréhende et se mesure par le biais des sensations qui nous traversent. Nos récepteurs sensoriels nous permettent donc d’appréhender l’espace, de le mesurer et de le mémoriser. Cette expérience s’offre à chacun et chaque stimulus laisse une empreinte qui permet ensuite de reconstruire mentalement son environnement. La formation que j’ai suivie pendant ces trois années de licence m’a permis d’acquérir des clés de lecture de ma propre expérience architecturale et ma perception sensorielle a guidé ma production architecturale.

1.1. APPRÉHENDER L’ESPACE PAR LES SENS

Appréhender l’espace est un travail initiatique et fondamental dans la construction d’une pensée architecturale personnelle. Il s’agit d’abord de comprendre l’essence même de ce qui fait un espace, de le caractériser et de le percevoir avec ses propres outils : les 5 sens. Cette caractérisation peut être sémantique, schématique ou graphique mais doit illustrer une traduction de ce que nous percevons avec tous nos sens.

Le premier exercice qui m’a été proposé en arrivant à l’école a été de fabriquer un espace à partir d’une simple feuille de papier. Ce travail illustre l’importance de la perception notamment visuelle dans le processus de projet. L’idée est de mettre en place des procédés simples pour comprendre comment la conception architecturale s’appuie sur les sens humains et en particulier sur la vue pour offrir des qualités aux espaces. J’ai pu comprendre l’importance du rapport entre la lumière et l’espace. Travailler en volume m’a permis de reproduire des ambiances spatiales visibles au travers d’images. Sans réellement comprendre les notions fondamentales de l’architecture, j’ai pu, avec ce petit exercice, saisir ce qui dessine un espace : un reflet, une ombre, une ligne, un angle, un percement.

Comprendre comment l’espace se définit, c’est également mettre des mots sur les mécanismes qui construisent l’espace. Dans la continuité de ce premier exercice, l’exercice final du semestre consistait à imaginer un espace à partir de trois mots choisis. Ces mots sont issus du champ lexical des émotions : la tension, l’équilibre et le chaos. L’objectif est de mettre en place des dispositifs pour comprendre comment un espace peut suggérer une émotion uniquement par sa construction. J’ai volontairement choisi des concepts qui peuvent sembler opposés voire incompatibles, des binômes opposés tels que l’équilibre et le chaos, afin d’explorer la possibilité de percevoir des concepts antagonistes au sein d’un même projet. Cette perception étant propre à chacun, est-il possible d’offrir différentes clés de lecture d’un même espace ? La manière d’appréhender mon projet influe sur l’émotion que l’on va ressentir et cette approche personnelle. J’ai ainsi pu mesurer l’importance de certaines notions du champ architectural dans le processus de réflexion d’un projet et comment imaginer un projet en se basant sur ces concepts.

Ces deux exercices m’ont permis d’appréhender et de conjuguer la notion d’expérience architecturale et celle d’expérience sensorielle. Rapidement, j’ai ainsi pu qualifier les émotions et les sensations ressenties lors de mes expériences antérieures et comprendre certains mécanismes simples permettant de procurer une émotion ou une sensation. Mettre des mots sur ce que je ressentais dans un espace m’a permis de mieux définir sa structure et comprendre comment reproduire dans mes projets ces idées. J’ai toujours, dans mes projets postérieurs, cherché à traduire un ou plusieurs concepts issus du champ lexical des émotions.

S1 - Concevoir un espace intérieur à partir d’une feuille de papier

S1 - Concevoir un espace à partir de trois mots

1.2. MESURER ET EXPÉRIMENTER L’ESPACE PAR LE CORPS

L’expérience architecturale étant une expérience humaine, l’unité de mesure est le corps humain. L’espace s’expérimente par le corps et il est donc dessiné pour ce dernier. L’expérimentation est multisensorielle : kinesthésique, tactile, olfactive, visuelle et auditive. L’enjeu pour l’architecte est donc d’imaginer non pas un bâtiment ou un espace public mais une expérience dimensionnée par et pour le corps. Cet objectif est compliqué à défi nir et les résultats sont également compliqués à mesurer dans la mesure où la perception d’un espace est propre à chacun. J’ai cependant cherché à expérimenter, dans mes projets, des espaces dimensionnés pour les usagers offrant des qualités spatiales propres répondant à chaque usage et programme.

L’exercice fi nal de première année avait pour objectif la création d’un parcours sensoriel au sein d’un pavillon d’exposition. L’espace doit impacter le visiteur et s’adapter à sa mesure. Pour nous aider dans la démarche, nous devions travailler à partir de la structure d’un fruit ou d’un légume. L’idée n’est pas de reproduire la forme mais de comprendre comment cette structure se caractérise et les formes qu’elle développe. J’ai choisi d’imaginer un pavillon se développant en fractales inspirées de la structure du choux Romanesco. Le déploiement en fractales permet une dilatation et une compression des espaces et crée un rythme régulier dans les séquences spatiales. Le parcours offre d’abord une descente progressive vers le point bas : un balcon sur le canal puis la promenade intérieure offre, avec une évolution des dimensions des boîtes, des rapports d’échelles intéressants : d’un petit cocon, le visiteur est conduit dans un espace « cathédrale ». Les dimensions de l’espace ont ainsi un impact sur le ressenti du visiteur pendant le parcours et elles lui permettent d’expérimenter le développement en fractales du bâtiment. Par le dimensionnement de l’espace en fonction du corps, mon intention initiale de ce développement s’exprime.

S2 - Concevoir un pavillon à partir d’un fruit - Perspective intérieure N

S2 - Concevoir un pavillon à partir d’un fruit - Maquette en bois 1/50e et plans

1.3. MÉMORISER PAR LES SENSATIONS ET LES ÉMOTIONS

En arrivant en licence, je me suis demandé comment débuter la réfl exion d’un projet. Je me suis rendu compte que la plupart de mes choix de conception étaient instinctifs et inconscients. Mon processus de réfl exion ne se basait uniquement que sur des expériences physiques passées dans des espaces. Ces expériences sont souvent inconscientes et chaque espace visité laisse une marque dans notre mémoire. Cette trace mémorielle découle de nos sensations et de nos émotions lors de la visite de cet espace. Certains espaces nous marquent, d’autres, pas du tout. Les sens permettent de reconstruire mentalement un espace et notre imagination ne peut se baser que sur ces souvenirs sensoriels. Il est possible que notre esprit déforme la réalité de ces espaces car, comme toute trace, celle-ci peut s’altérer au cours du temps. Mais certains espaces sont particuliers pour nous et une simple odeur, un simple bruit, une vue sur un paysage, ou le toucher d’une texture particulière nous replongent directement dans cet espace. Ce phénomène s’explique par le fait que certains sens ont un impact beaucoup plus important que d’autres sur la mémoire. Juhani Pallasma explique par exemple, que certains sens tels que l’odorat, l’ouïe ou encore le toucher laissent des traces plus importantes dans notre mémoire. L’auteur démontre ainsi à quel point un espace peut être marqué par « la rugosité des murs, l’ambiance sonore de la pièce, et les odeurs qui se diffusent »1 .

En première année, un exercice faisant appel à nos sens m’a particulièrement intéressé. L’exercice « Habiter » consistait à dessiner un espace familier à partir de ses souvenirs.

« Habiter - Poser un regard attentionné sur la vie et les espaces d’un immeuble collectif : la rue, le seuil, l’escalier, la porte d’entrée, l’entrée, le séjour, la cuisine, la salle de bain, la chambre, la vue depuis l’appartement, les arbres, le ciel, les passants, l’horizon... »2

J’ai choisi de présenter une planche de dessins de l’immeuble de mes grands-parents situé dans le petit village d’Estaing dans l’Aveyron car, depuis mon plus jeune âge, j’y ai posé un regard attentionné et admiratif chaque été. Cette planche de dessin que j’ai réalisée en première année a été l’occasion de faire appel à ma mémoire spatiale. Pour reconstruire le cheminement de la rue au logement, je me suis remémoré chaque ambiance, matière et odeur qui caractérisent les séquences d’espaces.

Dans la rue, les après-midis de juillet, ce sont des odeurs des pierres schisteuses des murs échauffées par un soleil écrasant qui dominent. La faible largeur des rues permet de préserver un peu de fraîcheur. En entrant dans le couloir de la maison, c’est le contraste entre la lumière se refl étant dans la vitrine de la supérette d’en face et l’atmosphère sombre de cet espace qui me marque. L’escalier en colimaçon qui permet d’accéder au dernier étage est recouvert d’une épaisse moquette bordeaux et les murs sont très blancs. En entrant dans l’appartement, on arrive dans un long couloir étroit avec du parquet au sol. Ce couloir sombre permet d’accéder à la cuisine qui offre un large panorama sur les collines avoisinantes. Cet espace exposé au sud est baigné de soleil. Il y fait toujours très chaud.

1 Juhani Pallasma, Le regard des sens, édition Linteau, 2010 2 Gilles Cohen, Intitulé du sujet « Habiter », cours de théorie de L1 S1 - Planche de l’exercice « Habiter » S1 - Planche de l’exercice « Habiter »

Le dessin est un moyen d’exprimer un souvenir. Ainsi le voyage bi-cursus de L2 à Lisbonne en mai 2019, m’a-t-il permis de travailler ma capacité à traduire une émotion dans un espace au travers de croquis. Les différents croquis que j’ai réalisés rapidement sur les différents sites m’ont amené à exprimer les idées fortes du projet que j’ai perçues, et donc ressenties, à cet instant précis. L’important dans un croquis n’est, pour moi, pas tant qu’il représente parfaitement la réalité visible du bâtiment ou de l’espace, mais plutôt qu’il puisse exprimer et traduire une émotion ressentie afin de la communiquer aux personnes qui verront le croquis. La photo d’architecture, que j’affectionne également permet, à l’inverse, de représenter un espace de façon plus explicite et objective. Ces outils de représentations sont très importants dans le développement d’une capacité à produire des espaces architecturaux car ils participent à ancrer nos sensations et nos souvenirs d’expériences architecturales passées.

S4 - Croquis de voyage à l’encre - Lisbonne

Toits de l’Alfama

Aquarium de Lisbonne

2. LE PROJET, UN PROCESSUS ESSENTIELLEMENT VISUEL

Si l’architecture est une expérience qui s’appréhende par les tous les sens, le processus de projet, dans la tradition occidentale, semble être davantage porté par le sens de la vue. Une explication logique de ce phénomène réside en l’importance donnée à l’image et à la représentation réaliste du monde dans la culture occidentale. Cette prédominance de l’aspect visuel de l’architecture se retrouve également dans la manière dont l’architecture nous est enseignée pendant la licence. Elle s’inscrit dans l’héritage culturel de l’enseignement de l’architecture par les Beaux-Arts. De la phase de conception à la phase de présentation d’un projet ou d’un exercice, l’aspect visuel occupe une place importante et ce processus peut basculer uniquement dans une optique de fabrication d’image d’architecture. Cependant, dans la construction d’une pensée architecturale personnelle, le processus visuel reste important et se construit au fi l de la licence.

2.1. DÉVELOPPER SA CAPACITÉ A PERCEVOIR ET DÉCRIRE L’ARCHITECTURE

Pour développer sa capacité à imaginer de l’architecture, il est nécessaire de développer sa capacité à représenter le monde qui nous entoure pour le décrire, comprendre son fonctionnement et mesurer les enjeux. Dans l’optique d’améliorer le cadre commun de la société, l’architecte, tout comme l’urbaniste doit être capable d’intégrer des représentations de sa vision sur la structure qui l’entoure à sa réfl exion pour proposer un projet cohérent et ayant du sens.

Exprimer et concevoir mes idées par un dessin prospectif. Dans mon processus de recherche, le dessin à la main est un moyen de formaliser une idée par écrit, de la développer et de la retravailler. La main peut être considérée comme un prolongement de la pensée et s’apparente donc à un puissant outil de réfl exion et de communication. Tout au long de ces trois années, je me suis appuyé sur le croquis et le schéma pour formaliser mes idées. J’ai rapidement décidé de me passer du crayon et surtout de la gomme pour privilégier le feutre et sa caractéristique permanente pour ancrer chaque pensée sur le papier et ainsi pouvoir retracer le processus de réfl exion à tout instant. J’ai également pu mesurer les progrès réalisés en dessin au cours de ces trois années. Arrivé au début de la licence sans avoir vraiment déjà dessiné, j’ai profi té de chaque occasion, que ce soit en cours de projet, en cours d’art plastique ou en voyage d’étude, pour me perfectionner.

Développer mes modes de représentation. Les trois années de licence m’ont permis d’acquérir un bagage technique de représentation et de description riche permettant de nourrir ma capacité à décrire l’architecture et à représenter formellement mes idées. Les cours de dessin technique et de géométrie descriptive de première année permettent d’appréhender les principaux types de représentation : plans, coupes, élévations, axonométries, perspectives, coupes perspectives. Ces représentations décrivent l’arrangement des formes et des espaces dans un projet. Elles permettent également de traduire le dimensionnement de ces espaces. Ce cours permet de donner les clés pour harmoniser les modes de représentation et offre à chacun la possibilité de comprendre le projet d’un autre avec des outils comparables. J’ai ainsi pu découvrir les techniques de la représentation et le vocabulaire associé : notions d’échelles, d’orientations, titres, symboles, système de cotations et légende. Le développement et la formalisation de mes modes de représentation traduit l’évolution de ma capacité à penser des projets d’architecture au fi l de ma licence.

S5 - Coopérative de logements à Montreuil - Croquis d’ambiance

S3 - Immeuble collectif rue Orfi la à Paris - Coupe perspective

Tirer des informations de mes représentations. Pour comprendre un bâtiment, un espace public ou une structure urbaine, la représentation est essentielle car, en les redessinant, j’ai pu me placer dans la peau de son concepteur et ainsi saisir les intentions et les motivations de ce dernier. La compréhension d’un projet repose donc sur l’analyse des représentations que l’on en fait. Dès la première année, une attention particulière a été portée sur le travail d’analyse en cours de projet mais également en cours de sociologie et d’art plastique.

Ainsi, en cours de projet, j’ai pu étudier et comprendre comment la structure en ossature bois du stade de l’université de Nanterre de Barthélémy Grino, pouvait définir et incarner un projet en participant à l’esthétique d’ensemble. J’ai également pu saisir l’intention de Zaha Hadid lorsque qu’elle propose un pavillon pour le festival Landscape Formation One, de penser l’architecture du projet comme émanant du site et non comme un objet autonome que l’on viendrait poser dans le site indépendamment des lignes de forces du terrain. En deuxième année, j’ai pu comprendre la complexité d’un projet en le redessinant et en réalisant une maquette : les tours Raspail et Lénine à Ivry de Renée Gailhoustet. Ce projet repose sur une imbrication subtile des niveaux et des logements et la projection en plan est assez complexe à appréhender comme l’illustre l’axonométrie d’un appartement.

J’ai choisi ces trois exemples car c’est uniquement au travers de leur représentation que j’ai pu saisir leurs fonctionnements et les décrire. Redessiner les projets en phase d’analyse permet de comprendre les intentions et les dispositifs mis en place. En redessinant, j’ai sélectionné les informations qui me semblaient intéressantes et j’ai également varié les épaisseurs de trait pour hiérarchiser ces informations afin de les communiquer de façon claire. Être capable de communiquer précisément les caractéristiques d’un projet de façon visuelle est un bon exercice de réflexion car cela permet à la fois d’assimiler l’essence d’un projet et d’enrichir sa culture architecturale qui sert à imaginer ses propres projets.

2.2. PENSER UN PROJET SELON LE PRISME VISUEL

En arrivant à l’école, j’associais l’architecture à une question essentiellement esthétique. Cette recherche esthétique dans l’architecture peut conduire à penser le projet uniquement selon un prisme visuel. Penser le projet pour fabriquer une belle « image » qui fait vendre n’est pas une démarche architecturale que je considère comme intéressante mais elle témoigne d’une attente des personnes extérieures au monde des architectes et de l’architecture mais qui expérimentent comme chacun d’entre nous ces espaces. L’architecture est associée à la question esthétique et cette recherche esthétique est très présente dans la culture de projet occidentale.

Le pavillon Your black horizon de Olafur Eliasson réalisé pour la biennale de Venise de 2005 illustre cette volonté, poussée à son paroxysme, de créer un espace stimulant uniquement le sens visuel. Le pavillon propose au visiteur un parcours dans le noir ne laissant passer qu’un fil de lumière sur l’enveloppe du bâtiment. Le regard du visiteur est alors uniquement porté sur cet infime apport lumineux qui structure l’espace et guide le visiteur dans son parcours.

«C’est une installation de la taille d’une pièce comprenant une fine ligne horizontale de lumière qui émerge d’un étroit espace dans les murs noirs à la hauteur des yeux. La lumière change continuellement de couleur, passant par un cycle quotidien complet des couleurs du ciel local toutes les quinze minutes.»1

S3 - Analyse des tours Raspail et Lénine - Axonométrie d’un appartement de type P4

Pavillon « Your black Horizon » - Biennale de Venise 2005 - Olafur Eliasson

2.3. REPRÉSENTER ET COMMUNIQUER UN PROJET

Cette culture de la représentation visuelle dans un projet dans la tradition occidentale résulte également de l’importance accordée à la représentation et à la communication d’un projet. L’architecte doit composer avec les contraintes de la représentation actuelle : uniquement des moyens visuels. Les principaux outils de représentation sont : le dessin en plan, le dessin en coupe, les croquis, le dessin perspectif, les schémas, les maquettes à petites échelle et les vues en 3D. Ces outils sont essentiels au processus de conception et de réalisation d’un ouvrage mais ne sollicitent qu’un seul sens : la vue. Le projet est mis en valeur avant tout par des images et c’est d’abord par la vue qu’un projet s’appréhende.

Le cours de projet de L1 m’a permis de me rendre compte de l’importance de la manière dont on représente son projet. Un projet mal mis en scène dans des « images » qu’elles soient en plans, en coupes ou en perspectives est dévalué par la critique esthétique de sa représentation même si le fond est intéressant. La mise en page des idées est extrêmement importante dans les rendus et, au fi l des semestres, nous avons du prendre des initiatives sur l’enchaînement de notre affi chage de projet pour communiquer de la meilleure façon nos idées.

De même, le travail que j’ai effectué sur le portfolio de mes trois années de licence m’a permis de questionner la façon de communiquer mon travail. Cet exercice graphique développe la capacité à mettre en page un projet, de façon synthétique, sans pouvoir l’expliquer lors d’une présentation orale. Il s’agit donc de choisir avec précision chaque dessin, chaque image et chaque titre pour que les informations pertinentes soient pertinemment mises en avant.

L’importance apportée à la qualité de la représentation peut également nuire au processus de conception car elle pousse les étudiants à se concentrer principalement sur la question de la représentation et de la communication de leur projet aux dépens de questions plus fondamentales relatives à la qualité des espaces. La démarche d’enseignement de projet s’inscrit dans une optique et une démarche professionnelle de concours d’architecture, dans lesquels les jurys se basent principalement sur des images produites par les participants et négligent souvent le fond des projets. Lors de mes différents stages sur chantier et en bureau d’étude, j’ai pu me rendre compte de la différence entre les phases de projet et les phases d’étude et réalisation où un projet, devant se plier à de nombreuses normes et problématiques structurelles, perdait des qualités esthétiques mises en avant pour gagner le concours. Les systèmes mis en place et les intentions de l’architecte ne produisent pas forcément les effets espérés et ce constat doit nous pousser à questionner la façon dont on communique l’architecture.

Face à cette fabrique d’images toujours plus édulcorées de projets, certains architectes choisissent à l’inverse de présenter des représentations plus sensibles de leurs espaces en montrant différentes façons dont les occupants peuvent occuper ces espaces, se les approprier, les différentes textures et dispositifs lumineux mis en place. Ces architectes militent pour un retour du dessin à la main dans les rendus de concours et dans la communication architecturale auprès du public.

J’ai découvert en deuxième année le travail de l’architecte Guillaume Ramillien, enseignant à l’école de Versailles qui porte une grande attention au dessin sensible du projet. Chacun de ses dessins traduit des sensations et des ambiances présentes dans les espaces. Ces espaces sont habités, meublés, ils permettent une projection dans l’atmosphère du projet et montrent les usages possibles. Le dessin est vecteur d’intentions, d’ambiances et de sensations.

S1 - Projet d’aménagement de la butte Bergère à Paris - Mise en page maquette et dessins

Concours pour 26 logements au Plessis-Trévise - Perspective intérieure de Guillaume Ramillien

Instants de vie dans le jardin commun - Perspective extérieure sensible

Concours pour 26 logements au Plessis-Trévise - Guillaume Ramillien Différentes façons possibles de s’approprier les ouvertures - Détails de menuiseries en façade

3. REPLACER L’EXPÉRIENCE SENSORIELLE AU CŒUR DU PROJET

La prédominance du sens visuel dans le projet s’oppose à l’aspect multisensoriel de l’expérience architecturale. Ainsi, questionner cette prédominance permet de mettre en avant les bénéfi ces d’une conception multisensorielle d’un projet. S’il est facile de représenter un dispositif spatial offrant des qualités pour la vue, il est beaucoup plus compliqué de représenter et d’expliquer un dispositif qui ne se voit pas mais se ressent. Sur quels outils peut-on alors s’appuyer ? Replacer l’expérience sensorielle au cœur du projet nécessite de repenser la manière dont on fait du projet en prenant en compte les différences de perception de l’espace de chacun, en incluant à la réfl exion de nouveaux acteurs comme les futurs usagers et en explorant de nouvelles façons de tester et de représenter un projet.

3.1. PRENDRE EN COMPTE LES DIFFÉRENCES DE CHACUN

Redonner du sens à l’action architecturale passe d’abord par une meilleure prise en compte des différences de perception de l’espace de chaque individu. On ne perçoit pas l’espace de la même manière que l’on soit un enfant ou une personne âgée, une femme ou un homme, selon notre profession, notre milieu social, notre origine, selon nos handicaps physiques, visibles ou invisibles. Chacun est différent et a un rapport différent à l’espace qui l’entoure. Il faut donc , dans un processus de conception, prendre en compte ces différences.

Ainsi, en L2, ai-je pu travailler sur l’analyse de l’école de plein air de Suresnes conçue par Eugène Beaudoin et Marcel Lods qui proposait une approche alternative de l’enseignement pour répondre à la crise de la tuberculose. L’idée est ici de prendre en compte la condition physique de l’usager pour imaginer un projet lui permettant de s’épanouir. J’ai, par la suite, développé un projet d’école reprenant certaines caractéristiques des enseignements alternatifs afi n de proposer une nouvelle façon d’imaginer le fonctionnement d’une école en recentrant le dimensionnement des espaces sur les habitudes et les usages des enfants. L’école que j’ai conçue en binôme avec Youma Koné propose ainsi un travail sur la limite entre l’intérieur et l’extérieur important et offre des dispositifs adaptés en particulier à la perception des enfants : fenêtres basses en façade, jeu de patios et terrasses, jeu de matériaux bois et béton, mobilier extérieur dessiné pour la morphologie des enfants, circulations réduites… L’idée du projet est de replacer l’expérience sensorielle de l’enfant au cœur de l’espace d’apprentissage pour qu’il s’épanouisse. Ainsi, les matériaux et les proportions des ouvertures en façades ont-ils fait l’objet d’une réfl exion en maquette afi n de trouver la bonne disposition favorisant les principaux usagers de ces espaces : les enfants.

En L2, je me suis intéressé à la pensée de Georg Simmel dans le cadre d’un travail de sociologie sur la ville. Dans sa sociologie formelle, Georg Simmel décrit l’impact du milieu dans lequel on vit (à la ville ou à la campagne) sur notre rapport à la liberté. L’espace qui nous entoure exerce une pression sociale importante et conditionne notre façon de vivre et d’interagir avec les autres1. Pour aller plus loin dans cette réfl exion sur la différence entre l’urbain et le non-urbain, Georg Simmel propose dans La sociologie des sens une analyse de l’espace urbain au travers du prisme de l’usage des sens dans ces espaces. La façon dont on perçoit physiquement un espace infl uence l’impact qu’il a sur nous et dicte nos relations sociales et humaines. Simmel, pour illustrer son propos, utilise à nouveau la différenciation entre la ville et la campagne. La petite ville repose sur une proximité des hommes et des communautés et, donc, sur des contacts directs. Le sens principal qui est utilisé est donc la parole : c’est la conversation

REALISE A L'AIDE D'UN PRODUIT AUTODESK VERSION ETUDIANT

8,2 16,2

3,2

REALISE A L'AIDE D'UN PRODUIT AUTODESK VERSION ETUDIANT

7

1,3

8,2

3,2 2,3

2

qui sert de moteur social fort. À l’inverse, dans la grande ville, c’est la vue qui prédomine. La fausse proximité entre les hommes due à la densité urbaine ne fait que les éloigner et c’est avant tout leur apparence et l’aspect visuel qui prédominent. « La grande ville, la ville des regards, la ville où tout fait signe alors que la petite ville est plus propice à l’échange des paroles, même entre inconnus »2 . Dans les petites villes, les gens vont plus facilement échanger oralement et directement, ce qui va permettre de créer un lien social important, garant d’une unité et d’une pérennité dans la communauté. A l’inverse, la ville pousse les citadins à n’échanger que des regards. Les sens de la vue et de l’ouïe semblent donc être déconnectés, l’un est plutôt réservé aux citadins et l’autre, aux villageois. Cela renforce le caractère étranger du citadin dans la ville. Le phénomène décrit par Georg Simmel m’a poussé à repenser mon approche du projet d’architecture et à essayer de proposer des espaces s’adaptant au plus grand nombre et sollicitant leurs différents sens.

3.2. INTÉGRER LES USAGERS A LA RÉFLEXION

Pour repenser le processus de projet dans une dimension multisensorielle, il est donc nécessaire de comprendre et d’intégrer les différentes manières dont chacun perçoit l’espace qui l’entoure ainsi que l’impact des dispositifs spatiaux sur les usagers. C’est dans cette optique qu’au cours du semestre 5 encadré par Victoria Pignot et Pierre Farret, je me suis intéressé à un nouveau modèle d’habitat, celui des coopératives zurichoises de logements. Ce modèle d’habitat repose sur une grande inclusion des futurs habitants dans la réfl exion de conception du projet. Intégrer les futurs usagers à la réfl exion est pertinent car l’architecte ne construit pas un bâtiment pour lui-même mais bien pour des usagers ayant des attentes et besoins spécifi ques et personnels. Les usagers n’utilisent pas de termes techniques mais décrivent ce qu’ils souhaitent ressentir. Cette quête sensible d’une émotion spatiale devient source d’intention dans le projet et le processus de projet prend tout son sens. « La construction, c’est pour tenir. L’architecture c’est pour émouvoir. »3 Lors de notre voyage à Nantes, nous avons pu rencontrer l’architecte, Boris Nauleau de Claas Architectes, ainsi que les habitants d’un petit projet de logement collaboratif sur la ZAC de la Bottière-Chenaie4. Le projet « La boîte noire » permet à 6 familles de partager une même parcelle et de mettre en commun certaines pièces. Chaque logement a été conçu avec les futurs habitants pour répondre au mieux à leurs attentes. Ainsi, certains ont préféré des logements sur un niveau, d’autres, en duplex ou triplex, certains ont souhaité un salon en double hauteur d’autres, ont préféré avoir une pièce supplémentaire. Ces nombreux exemples mettent en avant la grande diversité de perception que chaque usager d’un espace peut avoir et les dispositifs qu’il souhaite retrouver dans son logement. Les architectes ont réussi à proposer un projet global harmonieux permettant à ces 6 familles de « cohabiter » au sein d’un petit collectif et de partager certains espaces.

En nous basant sur l’exemple de ces coopératives de logements, nous avons donc développé un projet dans le bas Montreuil au cours du semestre en suivant plusieurs principes : - Les logements doivent tous présenter des qualités d’habiter équivalentes - Les typologies d’appartements doivent répondre à la pluralité des types de foyers (familles monoparentales, recomposées, nombreuses, personnes seules, personnes âgées, collocations de jeunes actifs ou étudiants…) - Les pièces communes doivent répondre à des besoins communs et offrir des qualités spatiales les rendant attractives - Mixer les types de foyers pour permettre des interactions sociales

2 Georg Simmel, La sociologie des sens, 1903 3 Le Corbusier, Vers une architecture, 1923 4 ZAC située à l’est de Nantes S5 - Analyse du projet « La boîte noire » - Vue depuis la rue

S5 - Analyse du projet - Plan RDC

Nous avons également dû inscrire notre projet dans le tissu urbain en tenant compte des projets voisins. En binôme avec Aurore Lacoste, nous avons proposé de travailler une implantation des bâtiments qui favorise les relations diagonales entre les espaces extérieurs, connecte les espaces communs et offre des vues dégagées sur les espaces végétalisés. La distribution centrale structure le projet et permet un cheminement dans la parcelle. Des espaces communs ouverts au public sont disposés dans les rez-de-chaussées des bâtiments donnant sur les rues. Les espaces communs aux habitants de la coopérative se situent dans les trois bâtiments au cœur de la parcelle et sont en relation directe avec les espaces extérieurs.

S5 - Projet de coopérative de logements - Maquette 1/200e S5 - Projet de coopérative de logements - Plan RDC

3.3. EXPLORER DES NOUVEAUX MOYENS DE REPRÉSENTATION

Au cours des trois années de licence, une grande importance a été portée sur notre capacité à représenter nos projets en deux dimensions, en dessin puis à se projeter dans ces espaces. Acquérir et maîtriser la capacité à se projeter en volume dans un espace est d’une grande aide pour un futur architecte car cela permet d’imaginer ce que produit un dispositif en plan dans « la vraie vie ». Pour s’aider à se projeter, l’étudiant, tout comme l’architecte, dispose d’un outil intéressant : la maquette. J’ai toujours porté un soin particulier à la représentation en maquette qui est pour moi l’une des meilleures représentations. Tout d’abord, c’est une représentation physique présentant une texture et une matérialité qui permettent, à l’heure du BIM et de la réalité augmentée, d’apprécier autrement que par la vue un bâtiment. La maquette peut être manipulée et démontée, c’est un outil de réflexion, de travail et de communication immense.

La maquette physique est évocatrice de sensations et stimule les sens. L’architecte Peter Zumthor utilise beaucoup le travail en maquette pour concevoir ses projets et chercher des ambiances. Ainsi ses maquettes jouent-elles avec les matières, les textures, la lumière, les ombres pour créer et transmettre une atmosphère. Elles incitent à être manipulées, observées, retournées, éclairées pour être pleinement appréciées. Elles semblent vivantes, porteuses de messages, d’intentions, de sensations. La maquette, tout comme le projet, dépasse alors le stade d’objet et devient une expérience sensible, sensorielle, une projection dans un espace et dans les sensations qu’il procure. Au travers de ces maquettes, Peter Zumthor souhaite donc transmettre les qualités spatiales des projets en touchant nos émotions et en reproduisant l’expérience spatiale.

« J’entre dans le bâtiment, je vois un espace, je perçois l’atmosphère et, en une fraction de seconde, j’ai la sensation de ce qui est là »5

Dans ma volonté de concevoir des projets multisensoriels, la maquette occupe une place importante car elle me permet d’expérimenter des dispositifs et de tester leurs effets. Les maquettes à grande échelle favorisent une immersion plus intense dans les projets et il est regrettable que les locaux de l’école ne permettent pas de les produire. J’ai, par ailleurs, pu observer sur les différents chantiers que j’ai visité pendant mes stages, que la mise en place de témoins, par exemple de façades, permettait d’apprécier la matérialité d’un ouvrage et de procéder à des ajustements en fonction des retours du client.

La maquette constitue véritablement mon support de recherche et d’expression d’intention favori. Elle permet une recherche de dispositifs spatiaux, de textures, de matérialités et de contrastes. La possibilité de photographier les espaces intérieurs apporte une immersion dans les intentions spatiales.

Maquette en béton des thermes de Vals en Suisse - Peter Zumthor

Croquis des thermes de Vals en Suisse - Peter Zumthor

S4 - Projet d’écoles à Romainville - Maquette détails de façade 1/50e

Travail en maquette - Textures et matérialités S2 - Pavillon sur le canal de l’Ourcq - Détails de la maquette de rendu 1/50e

Ces trois années de licence m’ont également offert la possibilité de développer ma capacité à représenter mes projets en 3D. Les maquettes numériques sont, à mon sens, moins riches que les maquettes physiques mais elles permettent tout de même d’apprécier la volumétrie générale et des rapports d’échelle et de proportion. Dans la mesure où les maquettes à grande échelle ne sont souvent pas réalisables dans les locaux de l’école, l’utilisation de maquette numérique permet une plongée immersive dans un projet et constitue une bonne alternative. Elle m’ont permis de monter rapidement des fonds en volume pour réaliser des croquis perspectifs et des croquis d’ambiance dans des projets. Ces maquettes constituent également un support d’échange intéressant, pédagogique et accessible entre les différents acteurs d’un projet car elles offrent une projection assez directe et souvent plus parlante des intentions des architectes dans l’espace.

2

1

1

2 S6 - Axonométrie et perspective de mon projet urbain à Moulay en Mayenne

CONCLUSION

Au cours de ces trois années de licence, j’ai choisi de centrer la construction de ma pensée architecturale autour de la place des sens car c’est l’expérience sensorielle de l’architecture qui m’a poussé à m’engager dans ces études et à élargir ma formation initiale d’ingénieur.

J’ai d’abord cherché à comprendre comment concevoir un projet et comment lui donner du sens car c’est comme cela que je conçois la mission de l’architecte. L’architecte ne bâtit pas uniquement des bâtiments et la ville, il expérimente, explore et propose de nouvelles façons d’habiter et de parcourir l’espace ; il construit la structure sociale et le cadre des échanges sociaux. Son rôle dépasse donc celui d’un simple bâtisseur car l’expérience architecturale qui découle de ses projets s’impose aux utilisateurs et chaque choix de conception a un impact sur notre perception de cette expérience. La question du sens de son action est donc centrale et m’interpelle.

En découvrant le processus de projet, j’ai, non seulement, appréhendé les notions fondamentales pour imaginer un espace présentant des qualités spatiales intéressantes mais, j’ai également compris que la perception de l’espace était propre à chacun. Un espace architectural n’existe que parce que nous le percevons et que nous l’avons défini et caractérisé. Aussi est-il donc nécessaire de prendre en compte cette différence de perception pour proposer une architecture de qualité.

Ma pensée architecturale s’est construite principalement au cours de l’apprentissage du projet d’architecture et j’ai constaté que l’accent était largement porté sur le sens visuel. Cette prédominance m’a interrogé car elle ne reflète pas la pluralité sensorielle de l’expérience architecturale. J’ai donc cherché à questionner cette hégémonie de l’image dans la réflexion du projet pour retrouver un processus de conception se rapprochant plus de la réalité de l’expérience. Dès mes premiers projets, j’ai porté une grande importance au travail en maquette et si possible à grande échelle pour trouver des solutions.

Finalement, c’est au travers d’une exploration de nouvelles façons d’aborder le projet que j’ai trouvé le sens que je souhaite donner à ma pensée architecturale : imaginer et concevoir des projets reconnectant l’expérience sensible et sensorielle de l’espace aux intentions architecturales initiales et redonner du sens à la belle mission de l’architecte. J’ai également choisi de partir en échange dans le cadre du programme Erasmus à Milan pour compléter ma formation et enrichir ma pensée architecturale. Le choix de Milan a été motivé par ma volonté de découvrir une culture extrêmement riche dans un cadre stimulant mêlant un fort héritage patrimonial et un développement urbain moderne intéressant pour un étudiant en architecture. Le master que j’ai choisi à l’école Politecnico di Milano, Building Architecture, permet de croiser les compétences techniques de mon cursus d’ingénieur avec les compétences en conception que j’ai acquises pendant ma licence et je souhaite également continuer à développer mes réflexions sur la place des sens dans le processus de projet. Se confronter à une nouvelle culture et découvrir un nouvel enseignement constitue une opportunité unique de développer ces questionnements.

Rapport d’étude de licence - Xavier ARMENGAUD 19

This article is from: