Joy Division

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JOY DIV I S I ON



JOY DIV I S I ON



Un groupe avec aucun avenir. Une lĂŠgende.



CHRONOLOGIE INTERVIEW UNKNOWN PLEASURES CLOSER 7

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INDEX



CHRONOLOGIE

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1976 Irruption du mouvement punk, avec pour leaders les Sex Pistols, dont les titres célèbres, comme “ Anarchy in the UK ” ou “ God save the Queen ”, allaient être les hymnes de cette génération du “ no future. ” Lors de leur tournée “ Anarchy in the UK ” , les Sex Pistols jouent à Manchester deux fois de suite au Lesser Free Trade Hall, le 4 juin et le 20 juillet. Bernard Sumner et Peter Hook formeront leur groupe suite au premier concert. Ils rencontreront Ian Curtis lors du second. L’histoire retiendra cette date comme celle de la rencontre des membres du groupe. Seulement 42 personnes assistèrent à ce concert mythique.

JUILLET 1976 Formation des Stiff Kittens composé de Peter Hook à la basse, Bernard Sumner à la guitare et au synthé et Terry Mason à la batterie. Ian Curtis auditionne pour la place de chanteur grâce à une annonce déposée au magasin de disques Virgin de Manchester.

LE 29 MAI 1977 Sous leur nouveau nom : Warsaw, les anciens Stiff Kittens jouent en première partie du concert de leurs amis les Buzzcocks. Stephen Morris remplace définitivement à la batterie Terry Manson, devenu par la suite manageur du groupe.

LE 18 JUILLET Enregistrement d’une première démo composée de cinq titres au Pennine Sound

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Studio de Manchester afin de commencer à démarcher quelques maisons de disques.

LE 14 DÉCEMBRE Enregistrement du premier 45T “ An ideal for living ” aux Pennine Sound Studios à Manchester. Composé de quatre titres, il ne sera jamais commercialisé.

JUIN 1978 Le groupe finance lui - même le pressage à 5000 exemplaires de leur premier 45T. Le groupe le distribue un temps, lors des concerts de l’automne 1978.

LE 31 DÉCEMBRE Date du dernier concert de Warsaw, le groupe change de nom pour Joy Division suite à la découverte d’un groupe Américain portant le même nom. Leur nouveau nom fait référence au roman The House of Dolls de Yehiel De - Nur. “ La division de la joie ” est l’expression utilisée par l’écrivain pour désigner les femmes prostituées de force par les Nazis dans les camps de concentration.

1978 Création du label Factory Manchester par Tony Wilson et Alan Erasmus. Son producteur Martin Hannett, enregistrera nottament The Durutti Column, Orchestral Manoeuvre in the Dark ainsi que Joy Division à plusieurs reprises.

MAI Joy Division enregistre à l’Arrow Studio ce qui doit être son premier album, Warsaw,

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le disque ne sort finalement pas, le groupe rachetant les enregistrements quelques mois plus tard, ils circuleront longtemps comme copie pirate.

LE 21 MAI Arrivée de Rob Gretton comme manager. DJ influant sur la scène locale, il dynamisera la gestion du groupe.

LE 24 DÉCEMBRE Sortie de “ A factory sample. ” Ce disque comprend des morceaux de quatre groupes de Manchester, dont deux titres de Joy Division. Marquant le début de leur collaboration avec le producteur Martin Hannett et le label Factory Records.

LE 31 JANVIER 1979 Enregistrement de la première “ John Peel Session ” à Londres. Quatre titres seront enregistrés sous la direction du très exigeant Bob Sargeant.

FÉVRIER Enregistrement d’une démo pour Genetic Records à l’Eden Studios de Londres. Martin Rushent intéressé par le groupe enregistre quatre morceaux. Cependant le groupe ne signe pas de contrat et n’exploitera pas les morceaux.

LE 14 JUIN Sortie de leur premier album, “ Unknown pleasures. ” Fruit de la collaboration avec Martin Hannett, enregistré en avril, ce premier album révèle un groupe intense au son novateur, froid et oppressant.

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JUILLET Sortie du single “ Transmission. ” Son impact sur le succès du groupe est totalement innatendu.

OCTOBRE Tournée en première partie des Buzzcocks. Le groupe se produit nottament dans leur ville natale, au Electric Circus. Salle qu’ils fréquentaient régulièrement avant de former le groupe.

LE 26 NOVEMBRE Enregistrement d’une seconde “ John Peel Session ” à Londres au BBC Studios. Quatre autres titres seront enregistrés sous la direction de Tony Wilson cofondateur du label Mancunien Factory Record.

DÉCEMBRE Tournée enropéenne de deux mois avec onze dates de prévu. Le groupe joue en Belgique, en France, aux Pays - Bas, en RFA...

LE 18 MARS 1980 Enregistrement de “ Closer ” jusqu’au 30 mars au Britannia Rowd’ Studios d’ Islington. Prévu pour une sortie au printemps, sa commercialisation sera reportée à juillet, suite au décès de Ian Curtis.

LE 07 AVRIL Tentative de suicide de Ian Curtis. Le chanteur fait passer son acte pour une prise accidentelle excessive de médicaments. L’incident passe quasiment inaperçu.

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LE 02 MAI Dernier concert de Joy Division au High Hall de l’université de Birmingham. Ian Curtis, pris d’une violente crise d’épilepsie, doit quitter la scène sous les hués des spectateurs avant la fin du set.

LE 18 MAI Suicide de Ian Curtis à son domicile par pendaison. Il sera découvert au matin par son épouse, à quelques jours du départ envisagé pour la tournée aux États - Unis.

FORMATION DE NEW ORDER Suite au décès de Ian Curtis le groupe décide de se reformer sous le nom de New Order. Ils seront accompagné de la chanteuse Gillian Gilbert.

JUIN Sortie du 45T “ Love will tear us apart. ”

LE 09 JUILLET Sortie du deuxième et dernier album, “ Closer. ” Le design de l’album provoque la colère de certains fans qui accusent le label de vouloir profiter de la mort de Ian Curtis. Le groupe demant une telle position et affirme que la conception graphique de l’album avait été réalisé du vivant de son chanteur.

DEPUIS Joy Division a marqué à jamais toute une génération de passionnés de musique et en marquera bien d’autres. Avec eux, s’est construit l’ère post  -  punk et bien plus encore. De nombreux groupes cite Joy Division comme une référence majeure, un exemple...

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Guess the dreams alway end They don’t rise up just descend But I don’t care anymore I’ve lost the will to want more I’m not afraid - not at all I watch them all as they fall But I remember when we were young

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LOVE WILL US APART A


TEAR AGAIN



INTERVIEW

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l’occasion d’en écouter.

KC Comment est né le groupe ? Tu as toujours été branché musique ? Je sais que tout cela est bien connu, mais je voudrais l’entendre de ta bouche, vraiment. BS Eh bien, je n’étais pas du tout branché musique quand j’étais gamin. Je vivais avec mes grantarents et ma mère, et la seule musique qu’on écoutait à la maison venait d’un tourne - disque 78 tours dont on ne se servait jamais et d’une station de radio qui ne me branchait pas. Je me rappelle avoir vu les Beatles à la télé. Je crois que ça m’a plu. Mais c’est, le son des guitares qui m’a plu. C’est simplement qu’on ne t’a pas donné

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Seulement des trucs à la radio, comme les Animals, quand j’étais très, très jeune. Les seules choses que je me rappelle avoir entendues, c’était les Animals, les Beatles, les Rolling Stones et du Bob Dylan. C’est tout ce dont je me souviens. Ça ne me branchait pas vraiment. Ce qui m’a vraiment ouvert les yeux, si je puis dire, c’est d’être à la Salford Grammar School, de rencontrer plus de gens différents qu’à l’école primaire. Je pense que tout le monde était dans le même bateau que moi à l’école primaire, question classe sociale. Ça a l’air assez prétentieux, mais il s’agissait davantage de croiser, comme on croise des plantes, des gens venant d’endroits différents, avec des idées différentes. Il y avait une culture dans cette école... Je me souviens en particulier d’un professeur, son nom m’échappe et c’est vraiment dommage parce que je lui dois tout, vraiment. C’était un professeur jeune, branché, qui est arrivé et qui a dit “ Écoutez, si vous vous taisez, si vous m’écoutez et que vous êtes attentifs, on aura un quart d’heure à la fin du cours, j’apporterai un tourne - disque, vous pourrez venir avec des disques et on parlera de musique, de ce que vous aimez. ” Ça débordait sur l’intercours. On faisait une séance où on mettait de la musique et c’était génial. Ça m’a vraiment ouvert les oreilles. Les autres gamins étaient vraiment branchés musique, et c’était comme une culture musicale. On avait ça à l’école primaire, où le directeur voulait toujours absolument

jouer un morceau de musique classique tous les matins. Même si j’aime la musique classique maintenant, je ne pouvais pas vraiment la comprendre à l’époque. Mais, à la Salford Gramntar, les gens venaient avec des disques de Jimi Hendrix, de T. Rex et des Stones, des trucs avec des guitares et de la basse. Il y avait deux camps très différents d’amateurs de musique dans mon école. Il y avait ceux qui aimaient le reggae et la soul, que ça branchait vraiment et qui collectionnaient les disques, et puis il y avait ceux qui aimaient le rock progressif. Ce n’était pas comme ça dans notre école. C’était le rock... Je ne me souviens pas que quelqu’un aimait la soul. Mais, dans la maison des jeunes où j’allais, le North Salford Youth Club, il y avait deux salles et au rez - de - chaussée, on avait une boîte qui passait de la soul et du ska. Tu y es allé, hein ? Ils passaient du ska, Prince Buster, “ Al Capone’s Guns Don’t Argue ”, et de la soul. Et puis à l’étage il y avait une platine, et les gens pouvaient venir avec leurs disques et mettre les Stones, Free, ce genre de musique rock. Tu n’as jamais tâté d’aucun instrument à l’école ? Eh bien, c’était un peu bizarre, dans le sens où j’avais l’habitude de m’habiller et de me coiffer comme les gens qui aimaient la soul, en bas, mais la musique que j’aimais vraiment c’était celle que les cheveux longs aimaient, à l’étage. Je n’étais pas


skinhead, mais suedehead. Et donc c’était un peu du genre : “ Qu’est - ce que tu fous ici ? ” Je pense que je m’habillais comme ça à cause de l’endroit où je vivais. Mais l’éducation était bonne. Une autre éducation qui était bonne, en dehors de l’école, c’était les films. Je me souviens d’être allé voir, vers l’âge de seize ans, Le Bon, la Brute et le Truand, et d’avoir été sidéré par le film et sidéré par la bande originale. Aujourd’hui, les gens qui le voient ne sont probablement pas sidérés, mais, à l’époque, tous les westerns d’avant étaient absolument sérieux, comme ceux avec John Wayne. Je n’avais jamais rien vu de tel. Je n’avais jamais entendu une musique de film pareille. Je n’avais jamais entendu autant de musique dans un film. Dans ce film, tout le monde était méchant. Il n’y avait pas de bons. Tout le monde était méchant. Il n’y avait pas de séparation claire, c’est ça ? Oui, il n’y avait pas de séparation claire, un peu comme dans la vie elle - même. Il n’y a pas de séparation claire dans la vie, n’est - ce pas ?Peut - être que si. Mais ouais, il y avait deux éducations, l’école et les films. Quand as - tu pris une guitare pour la première fois ? Eh bien, vers cette époque, j’ai commencé à être branché musique, et donc j’ai demandé deux choses à ma mère. Je voulais un tourne - disque et une guitare. Je crois que j’ai eu la guitare d’abord,

mais c’était vachement trop dur. Je veux dire, je crois qu’en fait ce n’est pas si dur de jouer de la guitare, mais si on est assis tout seul dans une chambre et qu’on n’a personne, qu’on n’a pas un groupe avec qui jouer, alors c’est dur, parce que ça n’a pas l’air génial tout seul sans la batterie et le chanteur. Ça peut l’être, mais je n’avais pas envie d’être un guitariste solo, je voulais jouer avec d’autres gens. Et donc, ensuite, j’ai eu un tourne - disque, et je me suis mis à acheter des 45 tours du hit - parade qui passaient à la radio, T. Rex et des trucs avec des guitares. Je me souviens d’avoir vu Santana en concert (à la télévision). Très étrangement, c’était dans un festival de musique soul. C’était avant Woodstock. Je veux dire, on regarde Santana aujourd’hui, c’est assez grand public, et alors je me dis : “ Qu’est - ce que je pouvais bien lui trouver ? ” Mais c’est véritablement la performance la plus incroyable que j’aie jamais vue, pas lui seul, mais tout le groupe. Le batteur est incroyable. Est - ce que c’était à Newport ou dans un de ces festivals soul jazz ? Je crois que c’était à Newport. Il avait l’air d’être en feu quand on le voyait jouer dans ce festival. Il avait le feu en lui. Mais évidemment il avait pris de l’acide aussi. Donc il y a quelque chose à propos de cette performance. Et j’adorais tout bonnement le son de sa guitare. A dix ans, j’adorais le son des guitares. Et c’était uniquement certaines guitares, même avant que j’en possède une. Il y

avait certaines guitares dont j’aimais le son et d’autres que je n’aimais pas, comme les Fender. J’aimais seulement le son des Gibson, avant même de savoir ce qu’étaient les Fender et les Gibson, tu vois... c’est ça qui est bizarre. Puis le punk est arrivé et a tout pris à contre - pied. Brusquement, les solos de guitare sont devenus ringards. Je pouvais encore être branché par les Sex Pistols parce qu’ils avaient plein de guitare. Je pense qu’ils ont balayé tout ce qui se faisait avant, ce qui était une bonne chose... mais c’était aussi une mauvaise chose, parce que tout n’était pas mauvais chez ces dinosaures du rock. Cela a empêché les gens d’écouter de la musique. Tous ces vieux trucs n’étaient pas mauvais, et ils ont tout catalogué comme mauvais. Certaines choses étaient mauvaises... Je veux dire pour moi, pour mes oreilles, des choses comme le vrai rock progressif, Emerson, Lake and Palmer... Je n’ai jamais apprécié les solos interminables. Ça ne voulait pas dire que le solo est une mauvaise chose, tu vois, il y en a qui peuvent être incroyables. Jimi Hendrix, c’est incroyable, Jimmy Page, simplement incroyable. Mais il y a des gens qui se contentaient d’apprendre à jouer plein de notes en un court laps de temps. Il faut que ce soit un peu chaotique. Il faut avoir une structure, mais tu voulais que ça sorte des sentiers battus.

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Ouais, c’est exactement ce que j’essayais de dire avant à propos de Santana, “ Soul Sacrificer ”, ça sort des sentiers battus. Ce qu’il y avait de bien avec le punk. c’était que ça réduisait tout à trois accords... La musique la plus incroyable, la plus mémorable, n’est pas sortie de cette période, mais ça a ouvert les portes aux gens ordinaires, et c’était une chose formidable. Tu sais, des gens qui n’auraient jamais pensé devenir musiciens, parce que, avant le punk, il fallait être un véritable virtuose pour être considéré comme un musicien. C’était devenu si perfectionné dans ce sens, la musique était davantage une question de ce qu’on était capable de jouer, plutôt que de ce qu’on jouait. Et, bien que le punk n’ait pas vraiment remis l’accent sur ce qu’on jouait, ça a mis la musique entre les mains de gens qui l’ont plus orientée vers ça. Et donc tu sentais que tu voulais être dans un groupe ? Oui, parce que les portes s’étaient ouvertes alors. J’ai pris ma guitare et je me suis mis à aller à des concerts avec Terry Mason et Peter Hook. Et tous les deux c’étaient des copains d’école qui étaient branchés par les mêmes genres de choses que toi ? Oui. On aimait aller aux concerts, on aimait simplement sortir pour voir jouer des groupes parce qu’on était tellement branchés musique, il y avait de vraies

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boites alors, c’était vraiment commercial, vraiment horrible. Il y avait la salle Bowie et Roxy au Placemate et le Pips, ce qui nous offrait un alternative. C’est vrai, ouais. C’était au Pips, la salle Bowie et Roxy. Mais il y avait pas mal de poseurs là - bas, et je n’aimais pas ça. Beaucoup de déguisés, en fait. Il y avait beaucoup de déguisés et de gens qui pensaient qu’ils l’étaient, en fait, et je n’aimais pas ça. Je n’aimais pas cet aspect des choses. Ce n’était pas moi. La musique était bonne, pourtant. La musique était bonne. Donc là, il y avait Hooky, Terry et toi. Je m’étais fait acheter une guitare par ma mère, et elle prenait la poussière dans un coin. Quand je me suis mis au punk, on s’y est tous intéressés, et j’ai décidé de prendre ma guitare et de commencer à apprendre à en jouer. Hooky avait une basse, et on s’asseyait dans le salon de ma grand - mère, avec ce tourne - disque 78 tours qui n’avait pas servi depuis 1942. J’ai simplement dévissé l’aiguille et branché deux jacks dessus. Comme je n’avais pas du tout d’argent, je ne pouvais pas me payer un ampli. On s’est de plus en plus pris au jeu, si bien qu’à un Noël, ma mère m’a offert un ampli. Donc je dois beaucoup à ma mère. Avec ça, on pouvait jouer tous les deux branchés

sur un ampli. Il suffisait d’acheter une guitare, d’acheter un livre sur comment jouer de la guitare, d’apprendre trois accords, et c’était parti. On avait un groupe. Que faisait Terry ? Ça ne l’intéressait pas de jouer ? À ce stade, il était seulement intéressé par la musique. Mais pas vraiment par le fait d’en jouer. Il n’y avait que moi et Peter Hook chez ma grand - mère. On en est arrivés au point où je savais un peu gratter, comment accorder ma guitare. Je connaissais environ cinq accords, et on pouvait jouer ensemble quelque chose qui avait une sorte de cohérence. Ce n’était pas des chansons géniales, c’était simplenent : “ Ah, d’accord, c’est comme ça que tu fais ça. ” Est - ce que tu écrivais les paroles ? Il n’y avait pas de paroles. Seulement de la musique, de l’instrumentation. On sentait vraiment alors qu’on avait besoin d’un batteur, et c’est là que nos problèmes ont vraiment commencé. On a essayé cinq batteurs, je crois, parce qu’il y avait plein de gens qui se révélaient tout simplement des emmerdeurs. L’un d’eux a passé l’audition comme si c’était nous qu’il auditionnait, nous demandant qu’elles étaient nos perspectives d’avenir, si on avait des concerts prévus, et il daignait jouer avec nous, alors on l’a envoyé chier. On a fini avec Steve... Ou est - ce qu’on a eu Ian d’abord ? Je pense que


c’était Ian d’abord, parce qu’on voulait commencer à écrire des paroles. On a mis une annonce sur la vitrine de la boutique Virgin à Manchester, et un tas de cinglés se sont mis à venir sonner chez moi pour demander une audition.Terry et moi, on allait les auditionner. Un type ressemblait à un hippie, il avait un haut qui était comme une housse de coussin avec des trous découpés et je me disais : “ Oh, ce n’est vraiment pas le mec qu’il nous faut. ” On s’est tous assis sur des coussins dans son salon et lui s’est assis à environ 6o centimètres de nous. Puis il a sorti une balalaïka, son cahier de poésie, et il a commencé à chanter en lisant sa poésie, tout en s’accompagnant à la balalaïka. Terry et moi, on essayait simplement de ne pas éclater de rire, tu vois, vraiment de ne pas éclater de rire. Puis, un soir, le téléphone a sonné dans ma chambre, et un type qui s’appelait Ian est venu. Il a dit : “ Oh, j’ai vu votre annonce à la boutique Virgin, je suis chanteur, j’ai ma sono à moi, une petite sono pour répéter, tu vois, et j’ai un micro. ” J’ai reconnu sa voix parce que quand on allait aux concerts on rencontrait des gens, de vagues connaissances, et je me souvenais de ces deux types qui s’appelaient les Two Ian. Je lui ai demandé quel genre de musique il aimait, et c’était exactement la même que nous. Je lui ai dit : “Tu es un des Two Ian, non ? ” Et il a fait : “ Ouais, ouais, Ian Curtis. ” J’ai dit : “ Ah ouais, je te remets maintenant. Bon, tu as le boulot. ” J’en avais tellement marre de tous ces losers que j’ai pensé : “ Merci, mon Dieu. ” Je savais que je l’aimais

bien, j’avais bu un verre avec lui, et donc je lui ai simplement filé le boulot à ce moment - - là. J’ai dit : “ Bon, on va répéter dimanche, je vais venir te voir pour qu’on en parle. ” Il habitait juste à côté de Great Stone Road à Stretford à cette époque, Debbie et lui vivaient chez ses parents, parce qu’il ne pouvait pas avoir de maison. Et donc je suis allé les voir, il m’a montré sa sono il en était très fier et on a fixé un rendez - vous pour la répétition. Ensuite, on s’est démenés pour trouver un lieu de répétition. Je crois qu’on a fini dans un pub à Salford, je me souviens que c’était une salle à l’étage. Le type qui tenait ce pub était réglo, et la salle était assez bien, on avait de la chance. Mais à l’époque, il y avait dans le coin cette secte bizarre, qui s’appelait les Buffalos, c’était comme des francs - maçons, et il y avait des peaux de buffles partout, c’était assez surréaliste. On a répété là pendant assez longtemps, et c’est à ce moment - là qu’on a auditionné des batteurs. Donc on a eu Ian d’abord. Et puis on est finalement tombés sur Steve et on a pensé que, eh bien, il était un peu étrange. Il n’a pas changé. Mais ce n’était pas un emmerdeur comme les autres. Et il avait une voiture. Et il vivait à Macclesfield, alors il pouvait raccompagner Ian. Donc on a donné le boulot de batteur à Steve, mais les autres batteurs... Ah, certains étaient de vrais cauchemars. L’un d’eux était un putain d’étudiant atroce, on est allés le voir pour

le virer dans l’entrée de sa résidence et il s’était sapé en punk avec ses copains étudiants. Ils se prenaient pour des punks, tous en train de se frapper avec une serviette hygiénique. On lui avait apporté une boîte de chocolats quand on l’a viré. C’était une idée de Hooky, ça, pour que le coup soit moins rude. Lui acheter une boîte de chocolats. Quand vous avez atteint un niveau où vous sentiez que vôus étiez raisonnablement compétents et que vous avez eu à peu près une demi - douzaine de chansons, est - ce que vous vouliez simplement aller faire des concerts dehors ? Eh bien, on était devenus potes avec les Buzzcocks, et ils nous aidaient et nous soutenaient beaucoup. Je ne sais pas comment on les a connus, simplement en allant aux concerts, je pense. Je me souviens de Peter Shelley passant chez moi une fois et je le revois me dire ce qu’il pensait de mon ampli dans ma chambre. On avait l’habitude de rouler avec eux, en fait. Je me souviens qu’ils appelaient Terry le “ suceur d’essence. ” Il avait cette bagnole horrible, une Vauxhall Viva, qui tombait en panne tout le temps. Elle était couverte de trous il avait du papier de verre dans sa portière, il en prenait un bout et se mettait à la poncer aux feux rouges. Elle tombait en panne tous les dix kilomètres. Il avait un tuyau dans le coffre avec lequel il aspirait de l’essence dans le réservoir. Il l’aspirait par la bouche et la recrachait dans le carburateur tout en emballant

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le moteur, ce qui était très dangereux. Je me souviens que les Buzzcocks n’en revenaient pas. Mais à l’époque vous avez fait leur première partie à l’Electric Circus. Ouais, Richard Boon est venu nous écouter ce soir là. C’était notre tout premier concert. et c’étaient les espèces de premiers morceaux pseudo - punks qu’on avait composés, nos toutes premières chansons. Et après on a joué dans ce lieu punk où on avait l’habitude d’aller. C’était vraiment bizarre. J’avais l’impression d’être sur Saturne en train de regarder la Terre quand j’étais sur scène là - bas. C’étais un peu comme dompter un cheval sauvage, vraiment. Mais il faut bien commencer quelque part, pas vrai ? Avançons un peu dans le temps : vous avez commencé à être cités dans la presse, il y a eu un peu de bruit autour de vous, et beaucoup de gens ne vous aimaient pas, en fait, parce qu’ils croyaient que vous preniez un peu une attitude...exactement comme les autres groupes. Eh bien, je veux dire, le punk était une question d’attitude. Ouais, mais ça faisait l’effet que vous vous teniez un peu à l’écart à l’époque, je pensais. Est - ce que tu crois que ça a favorisé la manière dont votre musique s’est développée, le fait que vous soyez un peu des outsiders ?

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Une chose dont il faut se souvenir, c’est que nous venions de Salford.Je n’étais jamais allé à Didsbury ou aucun endroit comme ça. Tous les autres groupes avaient l’air de venir de ce côté - là de Manchester. On n’était pas de Hulme, et donc on ne faisait pas partic du cénacle. Je crois qu’on nous battait un peu froid, et c’est parce qu’on nous battait froid qu’on était en colère et plus déterminés. On n’était pas du genre à renoncer... Et on avait raison. On se disait : “ On va vous montrer, putain. ” Mais on ne connaissait personne à part les Buzzcocks. Quand on a fait cette première séance photo jusque - là, je vous avais pris en concert et ailleurs, mais cette première séance qu’on a faite dans la neige, est - ce que tu as senti que c’était important, que vous alliez avoir un gros article dans le NME à l’époque ? La chose la plus excitante qui nous soit jamais arrivée, c’est quand John Peal a passé notre disque, parce qu’on était de grands fans de lui. Il présentait toute la musique qui nous branchait et la scène qui nous branchait, son émission était un point de convergence. Donc c’était la première chose. Quand il a passé “ Exercise One ”, on était sidérés. Je me souviens qu’on était au T. J. Davidson’s, Steve avait apporté une radio et on l’a tous entendu. C’était génial. Et pareil, avoir un article dans le NME en faisait partie... Il se passait enfin quelque chose, tu vois.

Est - ce que vous aviez des idées préconçues à l’époque sur ce que vous vouliez ? Vous n’aviez pas été vraiment habitués à faire ce genre de choses, vous n’aviez pas vos photos sur la pochettc du disque, et là vous alliez faire une séance pour le NME. Est - ce que vous aviez des idées préconçues sur ce que vous deviez faire, ou alors est - ce que vous vous disiez simplement : “ Bon, on va débarquer et rester là ? ” Non. Non, parce que tout devait être amusant. Il fallait que ce soit amusant. Mais apparemment vous regardiez le NME. Ouais, on avait l’habitude de prendre le NME. Mais d’abord, je travaillais dans un endroit où on faisait du graphisme pour la télévision. Quand j’ai quitté l’école, la seule chose dans laquelle j’étais bon, c’était l’art. J’allais entrer au Bolton College of Art, j’y avais été accepté en fait, mais on ne pouvait pas se le permettre. Ma famille n’avait pas d’argent, et j’ai dû chercher un boulot. J’en ai trouvé un à la trésorerie municipale de Salford, qui ne me convenait pas du tout. Donc je m’étais toujours intéressé à l’art et à l’apparence qu’ont les choses. La première séance photo qu’on a faite c’était pour An ldeal for Living, pour laquelle j’ai embauché un photographe. Quelqu’un là où je travaillais en connaissait un, et je savais que je voulais que ce soit très contrasté. On a pris tolrtcs les photos autour de


Castlefield, la zone du canal. Je savais que je voulais que ce soit très contrasté et austère simplement parce que j’aime les photographies comme ça... Mais c’était la première séance photo qu’on a faite, et c’était beaucoup sous notre contrôle. En travaillant avce différents photographes, on mettait vraiment notre visuel dans leurs mains. C’était leur truc.

Ce qui est intéressanl, c’est que je ne pense pas qu’on en ai fait.

Donc on a prit cette séance dans la neige.

Il y en avait assez de ça, le groupe devant un mur agressif

Oui. C’est très intéressant, vraiment... J’ai reçu un e - mail à ce sujet l’autre soir. Je crois qu’ils renomment ce pont “ le pont Ian Curtis. ” Qu’est - ce que tu en penses ? C’est une bonne idée. Ouais. C’est bien. Cette séance aurait pu ne jamais avoir lieu. À l’époque, je pensais que ça allait peut - être dater les images, avec de la neige par terre. On allait publier l’article deux semaines après, et je me disais que si on avait une image de neige, et qu’il n’y avait plus de neige quand on publierait, ça allait être un peu bizarre. Et puis vous vouliez faire ça un samedi, et je devais aller voir Manchestcr City ce jour - là. Mais le match a été reporté à cause de la météo. À cause de la neige ! Ouais. Donc on l’a faite. Je ne voulais pas faire des photos rock’n’roll.

Non. Je ne voulais pas d’image de style agressif où tout le monde est devant, tu vois, ce truc très punk... Le groupe devant un mur. Oui, le style punk rock.

Je me souviens qu’on a fait quelques trucs près de la cathédrale. Marcher en prenant des photos ce n’était pas du tout rock’n’roll, vraiment. C’était davantage des images d’acteurs ou quelque chose comme ça. Ce n’était pas le style du NME, vraiment. À ce moment là, quand on faisait la photo sur le pont, ma première idée c’était de la prendre du sol avec vous regardant du pont. Mais, quand je suis arrivé sur le pont et que vous étiez au loin, j’ai vu l’image : ça ressemblait simplement à une sorte de perspective convergente. Je n’ai pris que trois photos de ça. Ah oui ? Mon Dieu. Je ne pouvais pas me permettre d’en prendre plus, vraiment. Il y a un moment où vous faites les idiots derrière Ian pour essayer de le faire rire, et j’avais seulement deux pellicules, alors je ne pouvais pas en prendre plus que ça. Je ne pouvais vraiment pas en prendre plus, et par

conséquent c’est une séance très clairsemée. J’ignorais que tu n’avais que deux pellicules. Je pense qu’on était assez furieux contre la photographie parce qu’on ne prenait simplement pas ça au sérieux. Mais je pense que c’était notre facon à nous de gérer la pression. Tu vois, se comporter comme si on ne prenait pas les choses trop au sérieux, même si on était un groupe sérieux. Je pense que c’est comme ça qu’on est à Manchester. On se fout sans arrêt de la gueule de ses copains. Ouais, on a eu des tas de problèmes à cause de ça toutes ces années. Ca ne s’exporte pas très bien. Les gens ne comprennent pas. Ils pensent que tu te fous vraiment de leur gueule. Ça ne passe pas très bien à Los Angeles. Eh bien, une trentaine d’années plus tard, les gens parlent encore de cette photographie. Vous avezfait deux albums et vous devez être extrêmement fiers de ce que vous avez fait et de ce que vous avez légué. En quelque sorte. Mais on ne savait pas vraiment ce qui se passait, on ne savait pas à quel point ces chansons étaient écrites. On est simplement entrés ensemble dans une pièce, et c’est arrivé. Il ny avait pas de méthode, on n’avait aucune technique. On est juste entrés, on a fait beaucoup de bruit, et c’est ce qui en est sorti. C’était presque comme si

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on avait trébuché sur cette musique par accident... pas par accident, intentionnellement, mais c’était d’une façon éthérée. Je me souviens qu’après Joy Division on est allés à New York pour travailler avec Arthur Baker, et, comme il était occupé avec un autre groupe, il nous a mis dans un studio pendant cinq jours pour qu’on propose des idées. Donc on est allés dans le studio, on était censés avoir des idées pour des morceaux, tu vois, la manière adéquate pour faire ça... La manière dont les musiciens professionnels faisaient. On ne savait pas du tout comment s’y prendre parce qu’on ne savait pas comment on avait écrit les chansons. Et en fait, si on écoute la cassette, il n’y a que moi en train de fouiller dans les programmes du synthétiseur et essayant de faire des sons. On ne savait pas du tout comment si prendre. On était juste bloqués, je pense, parce qu’on n’écrivait pas de cette façon. On s’asseyait pour parler et raconter des anecdotes, on s’amusait jusqu’à ce qu’on s’ennuie réellement. Et alors, ce moment paraissait juste le bon, on savait que c’était le bon moment, on se levait pour se mettre à jouer, et une chanson en sortait. Donc on devait attendre pour accoucher. Plus on faisait d’efforts en studio, à essayer, plus les chansons étaient merdiques. Il est bien connu que Hooky et toi, lui encore moins que toi d’ailleurs, n’étiez pas très emballés par la manière dont Martin Hannett a produit votre premier album Unknown Pleasures. Vous vouliez un son plus “ rock ”, n’est - ce pas  ?

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Eh bien, on avait joué ces chansons en concert, et on savait comment on voulait qu’elles sonnent. On voulait un son live, agressif et Martin a adouci tout ça. On voulait un son d’ambiance, pour commencer. On ne voulait pas d’un son sec. Martin a décidé que notre son devait fonctionner dans un studio très, très sec. Et je veux dire par là qu’il n’y avait pas d’écho naturel. C’était le son Strawberry, les Strawberry Studios à Stockport. Il y avait des tapis sur les murs, et le son était absolument dans le style des années 1970. Lidée était qu’on ajouterait des ambiances artificielles ensuite. Génial en théorie. En pratique, l’électronique n’était pas à la hauteur en ce temps - là. Ça ne pouvait pas nous donner un son assez bon. Et donc on a fini avec cette batterie bizarre, très, très sèche, et ma guitare avec un écho qui, à mes oreilles, était comme si je jouais sous l’eau. Il manquait la puissance qu’on avait en concert. Mais, ce que je n’entendais pas c’était  -  je ne sais pas si c’est le bon terme  -  l’idiosyncrasie que ça donnait à notre musique. Il l’a tordue dans une direction unique. Notre son ne ressemblait à rien d’autre, et l’oreille humaine est très sensible aux nouveaux sons. L’oreille humaine s’habitue au son des disques d’une certaine façon, et, si on casse le moule de sorte que ça sonne différemment, ça attire l’attention des gens. Tu ne penses pas que Martin a aussi mis de l’espace dans votre musique ? Tu peux dire ça, mais on n’était que

quatre, alors il y avait pas mal d’espace de toute façon. Je ne pouvais pas jouer du synthé et de la guitare en même temps, alors c’était soit synthé, soit guitare. Il y avait beaucoup d’espace de toute façon. Il est aussi bien connu que Ian n’aimait pas Closer. Ian a envoyé à Rob une lettre dans laquelle il dit combien il déteste l’album et parle de tous les branleurs qui se sentaient obligés de l’aimer pour de mauvaises raisons. Eh bien, il n’aurait pas dû faire l’album, dans ce cas, non ? Je crois qu’il avait la tête dans un endroit très étrange à l’époque. Il avait l’air de l’aimer pendant qu’on le faisait, et puis il a commencé à l’attaquer un peu quand on l’a fini. Mais il n’aurait pas dû le faire, non ? Je pense qu’il avait tendance à associer un album avec l’époque où il l’avait fait. Oh, oui, c’est tout à fait ça. À cette époque, il avait une histoire avec Annik et, quand il était avec elle, il a un peu changé, comme tout le monde. Tu crois qu’il s’est un petit peu retiré ? Non, il a changé. Mais il a fait l’erreur de changer devant les gars, et les gars n’ont pas apprécié. Ils le lui ont fait payer et ça a créé un peu de remue - ménage. Je l’ai davantage remarqué que les autres parce que je partageais un appartement avec Ian et Annik. Martin Hannett, Steve, Hooky et Rob le chambraient. Je ne sais


pas pourquoi ils faisaient ça, c’était vraiment con, je me disais. Il sort avec cette “ snobinarde ”, pour qui elle se prend, etc. C’était idiot. C’est allé un peu loin, et je pense que Ian a réagi à ça. Il s’est mis à trainer avec ce type bizarre, horrible, un lèche - bottes, c’était un Hollandais je crois. Il avait peut - être été un ami de Genesis P - Orridge, il était horrible, prétentieux. Ian trouvait simplement un refuge, je pense, il s’est mis à trainer avec lui parce qu’il ne le lui faisait pas payer. Mon attitude vis - à - vis de tout ça entre Debbie et Annik, et tout ça, c’est que c’était sa vie privée, ce n’était pas mes affaires. Il pouvait faire ce qu’il voulait, ça ne me regardait pas. C’était ça, mon attitude. Je pense qu’il était trop vulnérable pour supporter qu’on le chambre. Un commissaire d’expositions de photos m’a dit un jour que sa photo de Joy Division préférée était celle prise sur le pont. quand je suis près de vous. Il disait que ça captait votre son en une image. Eh bien, je pense que ça capte le Manchester de cette époque, et peut - être ce qu’on ressentait à propos de Manchester. C’était morne, mais morne musicalement. C’est une photo vraiment géniale. Ça capte ce que vous faisiez, je pense, parce que ça contextualise la nusique dans une photo. Ça a cette nudité, et c’est ce que j’essayais de capter. Elle n’a pas besoin que vous soyez dessus, presque. On ne savait même pas que notre

musique avait cette nudité, pour être franc. Elle l’avait, pourtant. Paul Morley et moi, on passait des nuits blanches à la disséquer. Les photos de concert sont des photos de concert, et on voit Ian faire ce qu’il faisait sur scène. J’ai eu l’ impression que les deux personnes les plus dangereuses que j’ai photographiées en concert étaient Ian et Iggy Pop, parce qu’on ne savait jamais ce qu’ils allaient faire. Une fois, Iggy Pop a jeté une chaise sur moi. Et puis, à la fin de la chanson, il s’est excusé et m’a donné sa chemise. Ian ne m’a jamais jeté de chaise, mais... Je pense qu’il y a beaucoup de moments sur scène où on est plein d’adrénaline, et où on ne pense pas avec la partie rationnelle de son cerveau. Si on le faisait, on serait ennuyeux. On devient irrationnel, on se perd dans la musique, et c’est ce qui arrive alors. La scène, c’est l’endroit le plus excitant d’où photographier, parce que je sais ce que c’est de se tenir là, à chanter ou avec une guitare, et on sent l’agitation du public, on a les lumières sur soi, et alors on se dit : “ Putain, maintenant je sais pourquoi les gens veulent faire ça. ” Ecoute, je ne peux pas prendre mon pied avec ça, parce que je trouve ça écrasant. Tu penses encore ça ? Tu as encore un peu le trac juste avant de monter sur scène ?

Non, je n’ai pas le trac. Je n’y pense pas sur le moment. En fait, je me lance et j’espère simplement que je vais m’amuser. C’est pour ça que tu as encore envie de le faire. Ouais, ouais. Ces photos dans la salle de répétition... Eh bien, c’est moi jouant de la basse, alors je devais être en train de jouer “ Atrocity Exhibition ”, où Peter joue de la guitare et moi de la basse. Je crois qu’il y en a une autre où on a interverti, simplement pour voir ce qui se passerait. De l’expérimentation, vraiment. Jusqu’à quel point êtes - vous conscients de l’héritage de Joy Division aujourd’hui, de la façon dont vous avez inspiré à la fois la mode et une nouvelle génération de groupes ? On en est très conscients en faisant des interviews avec des gens comme toi. On me pose beaucoup cette question, et la question qui suit toujours c’est : “ Qu’est - ce que vous en pensez ? ” Je réponds toujours que je préfère qu’on se souvienne de moi plutôt que d’être oublié, donc c’est une bonne chose, je pense. C’est chouette qu’on se souvienne de toi. C’est aussi simple que ça. Et avec nous... On n’était pas un groupe pop, on ne faisait pas partie d’un mouvement. On était uniques. Et on n’était pas survendus par une grande maison de disques.

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Donc il y avait un peu de découverte par soi - même pour les gens. Mais, parce qu’on était dedans, on ne peut pas le voir. C’est comme être sur une île, on ne sait pas vraiment à quoi ressemble l’île de loin, et il n’y a aucun moyen qu’on le sache. Je crois que la chose la plus proche serait un film. Mais le film est tout à fait commej’imaginais qu’il serait. Et les photographies. Est - ce que j’ai jamais imaginé ça ? Eh bien, c’était un moment difficile, pas seulement du point de vue de Ian. Evidemment, le suicide nous a complètement bouleversés, tous, tous les membres du groupe, Martin... et évidemment sa famille. Mais, à un niveau personnel, ma vie n’était pas heureuse à l’époque. Donc, non, je n’ai pas très envie de m’en souvenir. Je suis plus heureux maintenant.Je ne suis pas quelqu’un qui vit dans le passé. Je le chéris, comprends - moi bien, je le chéris vraiment. Mais je suis très heureux en ce moment. Est - ce que tu sélectionnes des moments du passé ? Est - ce que tu penses que certains des moments de cette période dont tu te souviens sont formés par les images qui circulent encore ? Eh bien, il est clair que ce Manchester - là n’est plus. Il a disparu assez récemment. Donc je trouve les images fascinantes. Parce que celle qui montre le pont sans circulation en dessous un samedi après - midi est incroyable, tu vois. L’atmosphère était différente à Manchester à cette époque - là, même si je ne suis pas

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certain que je la préfère. La réponse que je devrais vraiment faire c’est : “Ah, c’était génial à l’époque, ça avait du caractère, alors qu’aujourd’hui c’est simplement une ville comme les autres. ” Eh bien, je dois dire que je pense que c’est probablement un meilleur endroit où vivre aujourd’hui. Je pense que c’est probablement un meilleur endroit pour les jeunes qui y grandissent aujourd’hui que quand j’y vivais, parce que c’était rude. C’était rude là où je vivais. Est - ce que tu penses que votre musique aurait pu naître dans une autre ville ? Est - ce que tu penses que la ville était importante pour votre son ? Je pense que oui, à un niveau subconscient. Plus importante était notre éducation, et le passage de l’adolescence à l’âge adulte. On ne voulait pas que ça arrive. Pour une raison ou pour une autre, un matin particulier, j’ai regardé le visage de tout le monde dans le bus pour aller à l’école et je me suis aperçu qu’une grande proportion de ces gens avaient l’air lamentables et malheureux. Je n’étais pas très “ études ”, l’idée d’aller à l’école ne m’enchantait pas. Mais j’ai regardé ces gens et je me suis dit; “ Je ne veux pas finir comme ça. Je pense qu’une partie de l’inspiration est venue du fait de ne pas vouloir grandir et devenir un type normal, qui bosse dans un bureau, qui s’échine pour devenir quelqu’un de malheureux, se marie à vingt - deux ans, s’installe, laisse ses copains et ne s’amuse plus, qui a un boulot où l’on n’a

que deux semaines de vacances par an. Ça me semblait impossible, simplement merdique. Est - ce que tes parents te soutenaient ? Eh bien, je n’ai jamais connu mon père. J’ai grandi chez mes grands - parents, ma mère occupait la chambre de devant et moi j’étais à l’étage. Ma mère s’est mariée avec James, mon beau - père, et ils se disputaient beaucoup. J’avais à peu près onze ans, ma chambre était juste au - dessus de celle où ils se disputaient, et j’avais l’habitude de me boucher les oreilles, tu vois. Certains aspects de mon éducation étaient géniaux et amusants : j’avais des tas d’amis, je jouais beaucoup au football et je faisais toutes les choses que font les enfants. Mais il y avait des aspects très difficiles : il y avait beaucoup de gens en mauvaise santé dans ma famille, et j’y ai été confronté quand j’étais très jeune. Donc, ce genre de choses, ça vous trempe le caractère. Et je dis ça dans le même sens qu’on trempe du métam, qu’on trempe de l’acier pour le rendre plus dur. Ça m’a rendu très dur, parce que c’était la seule manière pour moi d’y survivre. Est - ce qu’ils t’ont soutenu quand tu as décidé que tu voulais être dans un groupe  ? Eh bien, je voulais aller dans une école d’art et on ne pouvait pas se le permettre. C’était quand j’avais environ dix - sept ans. Donc j’ai rejoint un groupe quand


j’avais vingt et un ans. À cette époque, j’avais renfloué les caisses de la famille, et ils ne se faisaient pas trop de souci. Ils ne m’ont pas soutenu, mais ils n’étaient pas contre. Je pense que ça leur plaisait, d’une certaine façon... une fois que je suis passé à la télévision... Les miens m’ont laissé aller faire des études d’art, même si c’était quelque chose qui leur était étranger, vraiment. Ils m’ont autorisé à y aller et ils m’ont soutenu, et j’ai trouvé ça génial. Eh bien, le frère de mon grand - père était très branché art, il m’apportait du matériel d’artiste et m’encourageait beaucoup. Si j’étais allé dans une école d’art, peut - être que j’aurais fini par faire quelque chose que j’aimais et que je n’aurais pas éprouvé le besoin d’être dans un groupe, tu vois. Mais qu’est - ce que tu changerais si tu étais en mesure de recommencer cette aventure au début ? Oh, mon Dieu. Je me soulerais moins la gueule, parce qu’on ne se souvient de rien. C’est génial pendant qu’on le fait, mais après on ne se souvient de rien. Par conséquent, c’est un peu une perte de temps. Et, maintenant que je ne me soule pas souvent, j’apprécie davantage la vie, je crois. Et pas grand - chose, pas grand - chose. Et est - ce que tu as pensé, quand tu étais là - bas, à te les geler sur ce pont en

janvier 1979, que cette photo deviendrait l’image qui définit le groupe ? Non Moi non plus. Je pensais simplement que le NME ne les utiliserait même pas, ça ne ressemble pas à une photo rock’n’roll. Elle était géniale, mais je me disais : “ Elle ne sera jamais utilisée. ” C’est probablement pour ça qu’elle a été utilisée, pourtant, parce qu’elle était différente. Je la trouve fantastique. Je déteste les photos qui sont seulement les groupes. D’un point de vue purerrent égoïste, je déteste les photos qui sont seulement des portraits. Elle saisit un peu de Manchester à cette époque, et par conséquent c’est un peu comme une capsule témoin.

que cette photo à New York... Ça saisit l’atmosphère du moment, ce que même la musique ne fait pas. J’étais à Manchester en janvier dernier, il neigeait et je me suis dit : “ Je veux reprendre une photo de ce pont sous la neige ”, j’y suis allé à pied, et ça a simplement tout fait ressurgir. C’était une sensation extrèmement bizarre, d’être sur ce pont, de regarder cette neige tomber et de ne pas vous voir tous ici, retrouver tout le groupe. Parce que c’est la seule autre fois où je me suis monté dessus sous la neige. Il n’a probablement plus neigé sur ce pont depuis ce jour - là.

Donc tu es fier d’avoir été sur ce pont, le jour de cette photo ? Ouais. Une fois, tu as fait cette photo de moi marchant dans les rues de New York, et je l’adore vraiment. C’est la photo de toi que je préfère. C’est une des meilleures photos que j’ai jamais faites. Ouais, parce que ça fige... Et c’est ça la photographie... ça fige un moment du temps. Si tu prends quelqu’un en gros plan, ca le fige... mais ça ne... Ça ne contextualise pas forcément. Alors

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UNKNOWN PLEASURES

9 décembre 1976


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DISORDER DAY OF THE LORDS CANDIDATE INSIGHT NEW DAWN FADES SHE’S LOST CONTROL SHADOW PLAY WILDERNESS INTERZONE I REMEMBER NOTHING

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3’28 4’43 3’00 4’23 4’45 3’53 3’50 2’35 2’12 5’52


I’ve been waiting for a guide to come and take me by the hand, Could these sensations make me feel the pleasures of a normal man ? These sensations barely interest me for another day, I’ve got the spirit, lose the feeling, take the shock away. It’s getting faster, moving faster now, it’s getting out of hand, On the tenth floor, down the back stairs, it’s a no man’s land, Lights are flashing, cars are crashing, getting frequent now, I’ve got the spirit, lose the feeling, let it out somehow. What means to you, what means to me, and we will meet again, I’m watching you, I’m watching her, I’ll take no pity from your friends, Who is right, who can tell, and who gives a damn right now, Until the spirit new sensation takes hold, then you know, Until the spirit new sensation takes hold, then you know, Until the spirit new sensation takes hold, then you know, I’ve got the spirit, but lose the feeling, I’ve got the spirit, but lose the feeling. Feeling, feeling, feeling, feeling, feeling, feeling, feeling.

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Disorder


This is the room, the start of it all, No portrait so fine, only sheets on the wall, I’ve seen the nights, filled with bloodsport and pain, And the bodies obtained, the bodies obtained. Where will it end ? Where will it end ? Where will it end ? Where will it end ? These are your friends from childhood, through youth, Who goaded you on, demanded more proof, Withdrawal pain is hard, it can do you right in, So distorted and thin, distorted and thin. Where will it end ? Where will it end ? Where will it end ? Where will it end ? This is the car at the edge of the road, There’s nothing disturbed, all the windows are closed, I guess you were right, when we talked in the heat, There’s no room for the weak, no room for the weak. Where will it end ? Where will it end ? Where will it end ? Where will it end ? This is the room, the start of it all, Through childhood, through youth, I remember it all, Oh, I’ve seen the nights filled with bloodsport and pain, And the bodies obtained, the bodies obtained, the bodies obtained. Where will it end ? Where will it end ? Where will it end ? Where will it end ?

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Day of the Lords


Forced by the pressure, The territories marked, No longer the pleasure, Oh, I’ve since lost the heart. Corrupted from memory, No longer the power, It’s creeping up slowly, That last fatal hour. Oh, I don’t know what made me, What gave me the right, To mess with your values, And change wrong to right. Please keep your distance, The trail leads to here, There’s blood on your fingers, Brought on by fear.

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I campaigned for nothing, I worked hard for this, I tried to get to you, You treat me like this. It’s just second nature, It’s what we’ve been shown, We’re living by your rules, That’s all that we know. I tried to get to you, I tried to get to you, I tried to get to you, I tried to get to you.v


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Candidate


Guess your dreams always end. They don’t rise up just descend, But I don’t care anymore, I’ve lost the will to want more, I’m not afraid not at all, I watch them all as they fall, But I remember when we were young. Those with habits of waste, Their sense of style and good taste, Of making sure you were right, Hey don’t you know you were right ? I’m not afraid anymore, I keep my eyes on the door, But I remember... Tears of sadness for you, More upheaval for you, Reflects a moment in time, A special moment in time, Yeah we wasted our time, We didn’t really have time, But we remember when we were young. And all God’s angels beware, And all you judges beware, Sons of chance, take good care, For all the people not there, I’m not afraid anymore, I’m not afraid anymore, I’m not afraid anymore, Oh, I’m not afraid anymore.

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Insight


A change of speed, a change of style. A change of scene, with no regrets, A chance to watch, admire the distance, Still occupied, though you forget. Different colours, different shades, Over each mistakes were made. I took the blame. Directionless so plain to see, A loaded gun won’t set you free. So you say. We’ll share a drink and step outside, An angry voice and one who cried, ‘We’ll give you everything and more, The strain’s too much, can’t take much more. I’ve walked on water, run through fire, Can’t seem to feel it anymore. It was me, waiting for me, Hoping for something more, Me, seeing me this time, Hoping for something else.

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New Dawn Fades


Confusion in her eyes that says it all. She’s lost control. And she’s clinging to the nearest passer by, She’s lost control. And she gave away the secrets of her past, And said I’ve lost control again, And of a voice that told her when and where to act, She said I’ve lost control again. And she turned around and took me by the hand And said I’ve lost control again. And how I’ll never know just why or understand She said I’ve lost control again. And she screamed out kicking on her side And said I’ve lost control again. And seized up on the floor, I thought she’d die. She said I’ve lost control. She’s lost control again. She’s lost control. She’s lost control again. She’s lost control.

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Well I had to phone her friend to state my case, And say she’s lost control again. And she showed up all the errors and mistakes, And said I’ve lost control again. But she expressed herself in many different ways, Until she lost control again. And walked upon the edge of no escape, And laughed I’ve lost control. She’s lost control again. She’s lost control. She’s lost control again. She’s lost control. I could live a little better with the myths and the lies, When the darkness broke in, I just broke down and cried. I could live a little in a wider line, When the change is gone, when the urge is gone, To lose control. When here we come.


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She’s Lost Control


To the centre of the city where all roads meet, waiting for you, To the depths of the ocean where all hopes sank, searching for you, I was moving through the silence without motion, waiting for you, In a room with a window in the corner I found truth. In the shadowplay, acting out your own death, knowing no more, As the assassins all grouped in four lines, dancing on the floor, And with cold steel, odour on their bodies made a move to connect, But I could only stare in disbelief as the crowds all left. I did everything, everything I wanted to, I let them use you for their own ends, To the centre of the city in the night, waiting for you, To the centre of the city in the night, waiting for you.

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Shadowplay


I travelled far and wide through many different times, What did you see there ? I saw the saints with their toys, What did you see there ? I saw all knowledge destroyed. I travelled far and wide through many different times. I travelled far and wide through prisons of the cross, What did you see there ? The power and glory of sin, What did you see there ? The blood of Christ on their skins, I travelled far and wide through many different times. I travelled far and wide and unknown martyrs died, What did you see there ? I saw the one sided trials, What did you see there ? I saw the tears as they cried, They had tears in their eyes, Tears in their eyes, Tears in their eyes, Tears in their eyes.

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Wilderness


I walked through the city limits, Someone talked me in to do it, Attracted by some force within it, Had to close my eyes to get close to it, Around a corner where a prophet lay, Saw the place where she’d a room to stay, A wire fence where the children played. Saw the bed where the body lay, And I was looking for a friend of mine. And I had no time to waste. Yeah, looking for some friends of mine.

Down the dark streets, the houses looked the same, Getting darker now, faces look the same, And I walked round and round. No stomach, torn apart, Nail me to a train, Had to think again, Trying to find a clue, trying to find a way to get out! Trying to move away, had to move away and keep out.

The cars screeched hear the sound on dust, Heard a noise just a car outside, Metallic blue turned red with rust, Pulled in close by the building’s side, In a group all forgotten youth, Had to think, collect my senses now, Are turned on to a knife edged view. Find some places where my friends don’t know, And I was looking for a friend of mine. And I had no time to waste. Yeah, looking for some friends of mine.

Four, twelve windows, ten in a row, Behind a wall, well I looked down low, The lights shined like a neon show, Inserted deep felt a warmer glow, No place to stop, no place to go, No time to lose, had to keep on going, I guessed they died some time ago. I guessed they died some time ago. And I was looking for a friend of mine. And I had no time to waste. Yeah, looking for some friends of mine.

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Interzone


We were strangers. We were strangers, for way too long, for way too long, We were strangers, for way too long. Violent, violent, Were strangers. Get weak all the time, may just pass the time, Me in my own world, and you there beside, The gaps are enormous, we stare from each side, We were strangers for way too long. Violent, more violent, his hand cracks the chair, Moves on reaction, then slumps in despair, Trapped in a cage and surrendered to soon, Me in my own world, the one that you knew, For way too long. We were strangers for way too long. We were strangers, We were strangers for way too long, For way too long.

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I Remember Nothing




CLOSER


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ATROCITY EXHIBITION ISOLATION PASSOVER COLONY A MEANS TO AN END HEART AND SOUL TWENTY FOUR HOURS THE ETERNAL DECADES

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6’06 2’53 4’46 3’55 4’07 5’51 4’26 6’07 6’10


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Atrocity Exhibition

Asylums with doors open wide, Where people had paid to see inside, For entertainment they watch his body twist, Behind his eyes he says, I still exist.’ This is the way, step inside. This is the way, step inside... In arenas he kills for a prize, Wins a minute to add to his life. But the sickness is drowned by cries for more, Pray to God, make it quick, watch him fall. This is the way, step inside. This is the way, step inside... This is the way, step inside. This is the way, step inside... You’ll see the horrors of a faraway place, Meet the architects of law face to face. See mass murder on a scale you’ve never seen, And all the ones who try hard to succeed. This is the way, step inside. This is the way, step inside... And I picked on the whims of a thousand or more, Still pursuing the path that’s been buried for years, All the dead wood from jungles and cities on fire, Can’t replace or relate, can’t release or repair, Take my hand and I’ll show you what was and will be.

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Isolation In fear every day, every evening, He calls her aloud from above, Carefully watched for a reason, Painstaking devotion and love, Surrendered to self preservation, From others who care for themselves. A blindness that touches perfection, But hurts just like anything else. Isolation, isolation, isolation. Mother I tried please believe me, I’m doing the best that I can. I’m ashamed of the things I’ve been put through, I’m ashamed of the person I am. Isolation, isolation, isolation. But if you could just see the beauty, These things I could never describe, These pleasures a wayward distraction, This is my one lucky prize. Isolation, isolation, isolation...

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Passover This is a crisis I knew had to come, Destroying the balance I’d kept. Doubting, unsettling and turning around, Wondering what will come next. Is this the role that you wanted to live ? I was foolish to ask for so much. Without the protection and infancy’s guard, It all falls apart at first touch. Watching the reel as it comes to a close, Brutally taking its time, People who change for no reason at all, It’s happening all of the time. Can I go on with this train of events ? Disturbing and purging my mind, Back out of my duties, when all’s said and done, I know that I’ll lose every time. Moving along in our God given ways, Safety is sat by the fire, Sanctuary from these feverish smiles, Left with a mark on the door, Is this the gift that I wanted to give ? Forgive and forget’s what they teach, Or pass through the deserts and wastelands once more, And watch as they drop by the beach. This is the crisis I knew had to come, Destroying the balance I’d kept, Turning around to the next set of lives, Wondering what will come next.

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Colony A cry for help, a hint of anaesthesia, The sound from broken homes, We used to always meet here. As he lays asleep, she takes him in her arms, Some things I have to do, but I don’t mean you harm. A worried parent’s glance, a kiss, a last goodbye, Hands him the bag she packed, the tears she tries to hide, A cruel wind that bows down to our lunacy, And leaves him standing cold here in this colony. I can’t see why all these confrontations, I can’t see why all these dislocations, No family life, this makes me feel uneasy, Stood alone here in this colony. In this colony, in this colony, in this colony, in this colony. Dear God in his wisdom took you by the hand, God in his wisdom made you understand. God in his wisdom took you by the hand, God in his wisdom made you understand. God in his wisdom took you by the hand, God in his wisdom made you understand. God in his wisdom took you by the hand, God in his wisdom made you understand. In this colony, in this colony, in this colony, in this colony.

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A Means to an End A legacy so far removed, One day will be improved. Eternal rights we left behind, We were the better kind. Two the same, set free too, I always looked to you, I always looked to you, I always looked to you. We fought for good, stood side by side, Our friendship never died. On stranger waves, the lows and highs, Our vision touched the sky, Immortalists with points to prove, I put my trust in you. I put my trust in you. I put my trust in you. A house somewhere on foreign soil, Where ageing lovers call, Is this your goal, your final needs, Where dogs and vultures eat, Committed still I turn to go. I put my trust in you. I put my trust in you...

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Heart and Soul Instincts that can still betray us, A journey that leads to the sun, Soulless and bent on destruction, A struggle between right and wrong. You take my place in the showdown, I’ll observe with a pitiful eye, I’d humbly ask for forgiveness, A request well beyond you and I. Heart and soul, one will burn. Heart and soul, one will burn. An abyss that laughs at creation, A circus complete with all fools, Foundations that lasted the ages, Then ripped apart at their roots. Beyond all this good is the terror, The grip of a mercenary hand, When savagery turns all good reason, There’s no turning back, no last stand.

Heart and soul, one will burn. Heart and soul, one will burn. Existence well what does it matter ? I exist on the best terms I can. The past is now part of my future, The present is well out of hand. The present is well out of hand. Heart and soul, one will burn. Heart and soul, one will burn. One will burn, one will burn. Heart and soul, one will burn.

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Twenty Four Hours So this is permanence, love’s shattered pride. What once was innocence, turned on its side. A cloud hangs over me, marks every move, Deep in the memory, of what once was love. Oh how I realised how I wanted time, Put into perspective, tried so hard to find, Just for one moment, thought I’d found my way. Destiny unfolded, I watched it slip away. Excessive flashpoints, beyond all reach, Solitary demands for all I’d like to keep. Let’s take a ride out, see what we can find, A valueless collection of hopes and past desires. I never realised the lengths I’d have to go, All the darkest corners of a sense I didn’t know. Just for one moment, I heard somebody call, Looked beyond the day in hand, there’s nothing there at all. Now that I’ve realised how it’s all gone wrong, Gotta find some therapy, this treatment takes too long. Deep in the heart of where sympathy held sway, Gotta find my destiny, before it gets too late.

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The Eternal Procession moves on, the shouting is over, Praise to the glory of loved ones now gone. Talking aloud as they sit round their tables, Scattering flowers washed down by the rain. Stood by the gate at the foot of the garden, Watching them pass like clouds in the sky, Try to cry out in the heat of the moment, Possessed by a fury that burns from inside. Cry like a child, though these years make me older, With children my time is so wastefully spent, A burden to keep, though their inner communion, Accept like a curse an unlucky deal. Played by the gate at the foot of the garden, My view stretches out from the fence to the wall, No words could explain, no actions determine, Just watching the trees and the leaves as they fall.

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Decades Here are the young men, the weight on their shoulders, Here are the young men, well where have they been ? We knocked on the doors of Hell’s darker chamber, Pushed to the limit, we dragged ourselves in, Watched from the wings as the scenes were replaying, We saw ourselves now as we never had seen. Portrayal of the trauma and degeneration, The sorrows we suffered and never were free. Where have they been ? Where have they been ? Where have they been ? Where have they been ? Weary inside, now our heart’s lost forever, Can’t replace the fear, or the thrill of the chase, Each ritual showed up the door for our wanderings, Open then shut, then slammed in our face. Where have they been ? Where have they been ? Where have they been ? Where have they been ?

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18 mai 1980



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IAN CURTIS

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PETER HOOK

STEPHEN MORRIS

BERNARD SUMNER

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CONCEPTION GRAPHIQUE: YANN LE HASIF ILLUSTRATIONS: YANN LE HASIF CONCEPTION GRAPHIQUE CD: PETER SAVILLE PHOTOGRAPHIES: KEVIN CUMMINS




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